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mis en distribution
le 1er août 2002
No  151
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris,

présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

            Traités et conventions.

EXPOSÉ  DES  MOTIFS

                    Mesdames, Messieurs,
    La France et la Lituanie ont signé le 13 décembre 2001 un accord relatif au statut de l'immeuble de l'ancienne légation à Paris de ce pays, disparu en tant qu'Etat indépendant entre 1940 et 1990.

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        Ce n'était pas la première fois que cet Etat disparaissait de la carte de l'Europe : par leur localisation sur les bords de la Baltique, au carrefour des zones d'expansion slaves, allemandes et scandinaves, les Lituaniens ont connu des influences et dominations étrangères tout au long de leur histoire. La Lituanie, pour conserver son indépendance, avait dû conclure une union dynastique avec la Pologne au xive siècle. Lors du troisième partage de la Pologne, en 1795, la Lituanie fut annexée par l'Empire russe.
        Conquise par l'armée allemande en 1915, la Lituanie devint le 16 février 1918 un Etat théoriquement indépendant, mais en fait vassal de l'Allemagne, alors victorieuse sur le front oriental, qui souhaitait en faire un Etat dirigé par un principe allemand. La défaite de l'armée allemande sur le front occidental ruina ce projet. Le 2 novembre 1918, les Lituaniens constituèrent un gouvernement d'indépendance nationale favorable aux Occidentaux. L'année 1919 fut très troublée, avec une tentative de reconquête par l'Armée rouge qui échoua, et du fait d'un différend entre la Lituanie et la Pologne sur le sort de la ville de Vilnius.
        Toutefois, les Alliés occidentaux, donc la France, reconnurent le 20 août 1919 la Lituanie indépendante, sous réserve d'une décision définitive de la Société des Nations, qui n'était pas encore entrée en fonction, mais qui devait confirmer cette décision, une fois la situation stabilisée. Moscou reconnut l'indépendance de la Lituanie par un traité signé à Moscou le 12 juillet 1920. L'indépendance confirmée, la Lituanie acquit un immeuble en 1925 place Malesherbes afin d'y installer sa légation en France (actuellement, 17, place du Général-Catroux).
        Après deux décennies d'indépendance, le destin de la Lituanie, comme celui des deux autres Etats baltes, fut scellé par la Seconde Guerre mondiale et l'annexion par l'URSS. Le protocole secret annexé au « traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique » du 23 août 1939 (communément appelé pacte Molotov-Ribbentrop) partageant entre l'Allemagne et l'Union soviétique les territoires situés entre les deux puissances en zones d'influences attribuées à l'une et à l'autre, plaça la Lituanie dans la zone allemande. Cependant, un nouveau protocole secret, annexé au « traité germano-soviétique de délimitation et d'amitié », signé à Moscou le 28 septembre 1939, transféra la Lituanie de la zone allemande à la zone soviétique. S'appuyant sur cet accord de partage, les Soviétiques occupèrent militairement la totalité de la Lituanie le 15 juin 1940 et elle devint une République soviétique, incorporée à l'URSS, le 21 juillet 1940.
        A la suite de cette annexion des Etats baltes par l'Union soviétique, et bien que la France ne l'ait pas reconnue, c'est par l'intermédiaire des autorités françaises que les clés des immeubles baltes, dont celui de la légation lituanienne, ont été remises aux Soviétiques, une première fois en août 1940, puis à nouveau en septembre 1944, les immeubles ayant été requisitionnés par l'occupant allemand entre les deux dates.
        Après l'invasion nazie particulièrement meurtrière, les trois pays furent réintégrés de force dans l'URSS en 1945.
        La République de Lituanie a recouvré son indépendance le 11 mai 1990 et, après le coup d'Etat du 19 août à Moscou, l'URSS reconnut les indépendances des trois Etats baltes le 6 septembre 1991.
        Le nouvel Etat entama alors, en vain, diverses démarches auprès de la Russie pour obtenir la restitution de son immeuble à Paris. Le dossier des légations baltes à Paris est dès lors devenu un problème lancinant dans les relations entre la France et ces trois Etats. D'un point de vue juridique, la Lituanie n'a jamais cessé d'être propriétaire de son immeuble, comme en témoignent les mentions figurant au registre des hypothèques. En outre, la France a toujours affirmé, après la Seconde Guerre mondiale, que l'Union soviétique n'était pas propriétaire des légations baltes.
        Aussi, bien qu'elle ne soit pas directement partie à ce différend, il était indispensable pour la France d'apporter sa contribution à la recherche d'une solution pour résoudre cette question concernant trois futurs membres de l'Union européenne. Elle a décidé d'assumer, à partir de 1991, la charge de l'installation provisoire des nouvelles ambassades baltes à Paris, dans des locaux loués à leur profit au 14, boulevard Montmartre, dans le 9e arrondissement. A ce titre, la France prend à sa charge les loyers, ainsi que les charges locatives, les contrats de télésurveillance et la location d'une partie du matériel de bureautique. A ce jour, seuls les Lituaniens occupent encore les locaux provisoires, les Lettons et les Estoniens ayant déménagé.
        Les négociations étant au point mort entre Russes et Baltes, la France prit l'initiative d'un règlement politique de ce dossier et le 11 avril 2001, lors d'un entretien, le secrétaire général du Quai d'Orsay a proposé à l'ambassadeur de Russie et à ses trois collègues baltes un schéma permettant la résolution décisive de ce dossier. A cette occasion, chacune des Parties a consenti des efforts substantiels dans les domaines juridique, financier et budgétaire.
        La proposition française dite « d'opération triangulaire » était inspirée du précédent suisse. En 1994, en effet, les autorités fédérales suisses ont procédé à l'achat à la Lettonie du titre de propriété de son ancienne légation auprès de la Société des Nations à Genève, occupée par la Russie. Dans un second temps, ce titre de propriété a été échangé avec la Russie contre celui de la résidence helvétique à Moscou.
        Sur ce modèle, la France s'est engagée à verser à la Lituanie une indemnité, pour solde de tout compte, en échange d'un transfert de propriété de son bâtiment. A l'occasion de la visite d'Etat du Président de la République le 26 juillet 2001 à Vilnius, les autorités françaises et lituaniennes sont, en outre, parvenues à un accord sur le montant de la contrepartie versée par la France à cet Etat en échange des droits de propriété du bâtiment de sa légation. La France donne ainsi la possibilité à la Lituanie d'acheter à son tour de nouveaux locaux pour y installer son ambassade à Paris.
        Le deuxième volet de cette « opération triangulaire » consisterait pour la France à négocier avec la Russie un échange de baux emphytéotiques à coût nul ou symbolique entre ces trois immeubles parisiens et celui de la résidence de France à Moscou (Maison Igoumnov).
        Enfin, l'accord du 13 décembre 2001 a pour conséquence de mettre fin à la prise en charge par la France de l'installation provisoire de l'ambassade de Lituanie à Paris, dans les locaux loués à son profit depuis 1991.

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        Après avoir reconnu dans le préambule le droit de propriété de l'Etat lituanien sur l'immeuble de la place du Général-Catroux, l'occupation sans titre de celui-ci par la représentation diplomatique d'un Etat tiers et la privation de jouissance du légitime propriétaire, les dispositions de l'accord, en son article 1er, établissent l'engagement de l'Etat français à racheter l'immeuble de la légation de la République de Lituanie dans un délai de six mois après la date de son entrée en vigueur.
        L'article 2 précise les modalités financières du versement par le Gouvernement français de la somme de 3 506 327 Euro pour le rachat de l'immeuble de l'ancienne légation.
        Les négociations entre la France et la Lituanie ont porté essentiellement sur les modalités de remise du droit de propriété et sur l'échéancier du versement des indemnités. Concernant ce dernier point, il est indiqué dans le texte qu'un « premier versement d'un montant de 1 524 490 Euro est effectué dès la conclusion du contrat de vente », c'est-à-dire dans un délai de 6 mois à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord. La Lituanie ayant exprimé le souhait d'une rédaction plus précise de l'échéancier du versement du solde de 1 981 837 Euro, la formulation suivante a été adoptée pour le second alinéa de l'article 2 : « le solde est acquitté dans un délai d'un an à compter du premier jour de l'année civile suivant le jour d'entrée en vigueur du présent accord ».
        En outre, un article 3 prévoit que la France prend en charge les éventuels frais d'actes, droits et taxes liés au transfert de propriété de l'immeuble, à l'exclusion de tout autre.
        Enfin, l'article 4 concerne les dispositions finales de l'accord et prévoit qu'il entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification de l'accomplissement des procédures constitutionnelles.
        Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris qui, engageant les finances de l'Etat, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 24 juillet 2002.

Signé :  Jean-Pierre  Raffarin        

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique  de Villepin

    

A C C O R D
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République de Lituanie
relatif au statut de l'immeuble de la légation
de la République de Lituanie à Paris

    Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie,
    Reconnaissant à la République de Lituanie la propriété de l'immeuble, sis 17, place du Général Catroux, à Paris (17e), ancien siège de la légation lituanienne à Paris ;
    Constatant l'occupation sans titre de cet immeuble par le représentant diplomatique d'un Etat tiers ;
    Désirant apporter une solution à la privation de jouissance de cet immeuble par son légitime propriétaire,
sont convenus des dispositions suivantes :

Article 1er

    Le Gouvernement de la République française s'engage à acquérir, dans les conditions financières énoncées à l'article 2, la propriété de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie sis 17, place du Général Catroux à Paris (17e), dans un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord.

Article 2

    Le Gouvernement de la République de Lituanie s'engage à céder au Gouvernement de la République française, dans un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord, la propriété de l'immeuble visé à l'article 1er, moyennant une contrepartie financière d'un montant de 23 millions de francs français, soit 3 506 327 euros.
    Un premier versement d'un montant de 10 millions de francs français, soit 1 524 490 euros, est effectué dès la conclusion du contrat de vente. Le solde de 13 millions de francs français, soit 1 981 837 euros, est acquitté dans un délai d'un an à compter du premier jour de l'année civile suivant le jour d'entrée en vigueur du présent accord.

Article 3

    Le Gouvernement de la République française s'engage à prendre en charge les éventuels frais d'actes, droits et taxes liés au transfert de propriété de l'immeuble, à l'exclusion de tout autre.

Article 4

    Chacun des gouvernements notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui le concerne pour l'entrée en vigueur du présent accord, qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification.
    En foi de quoi, les représentants des deux gouvernements, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent accord et y ont apposé leur sceau.
    Fait à Paris, le 13 décembre 2001, en deux exemplaires en langues française et lituanienne, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Hubert  Védrine,
Ministre

des affaires étrangères

Pour le Gouvernement
de la République de Lituanie :
Antanas  Valionis,
Ministre
des affaires étrangères

N° 151 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris


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