Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document
mis en distribution
le 30 juin 2003
No  958
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2003.
P R O J E T   D E   L O I
autorisant la ratification
de la
convention civile sur la corruption,
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.

            Traités et conventions.

EXPOSÉ  DES  MOTIFS

                    Mesdames, messieurs,
        Les bouleversements économiques et politiques très importants survenus au cours des deux dernières décennies, en fragilisant les structures traditionnelles des sociétés, ont permis le développement des phénomènes de corruption.
        Celle-ci constitue à l'heure actuelle, en même temps qu'une menace pour la prééminence du droit, pour la démocratie, l'équité et la justice sociale, une entrave au fonctionnement normal et loyal des économies de marché.
        Ce domaine se prêtant particulièrement à la coopération internationale, puisqu'il est commun à la quasi-totalité des Etats membres et présente souvent des aspects transnationaux, le Conseil de l'Europe a entrepris de participer activement à la lutte contre la corruption dans le monde, en optant, de manière originale, pour une approche non pas exclusivement pénale, mais multidisciplinaire, qui prend également en compte les moyens possibles d'une lutte sur les terrains civil et administratif.
        Ainsi, dès 1994, lors de la conférence de Malte des ministres européens de la justice, le Conseil de l'Europe a lancé son initiative contre la corruption. En fonction des recommandations de cette conférence, a été mis en place en septembre 1994 le groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC), qui a reçu mandat d'examiner les mesures utiles à inclure dans un programme d'action international, la possibilité d'élaborer des lois modèles ou des codes de conduite dans des domaines déterminés et une convention internationale, et les modalités de mise en place d'une structure de suivi pour l'exécution des engagements que comporteraient ces instruments.
        Cet instrument a été élaboré sur la base de l'exploitation d'un questionnaire soumis aux Etats membres montrant que, dans un certain nombre de cas, le droit civil pouvait se révéler utile pour la lutte contre la corruption sous ses diverses formes. Sur la base de la commune volonté des Etats de n'encourager ni ne tolérer les pratiques de corruption, plusieurs thèmes ont été répertoriés comme autant de points d'ancrage pour la lutte contre la corruption par ce biais : ce sont ceux qu'évoque la convention.
        Ouverte à la signature en novembre 1999, la convention a été signée par la France le 26 novembre 1999. Elle constitue le premier et, à ce jour, l'unique texte visant à lutter contre la corruption par l'utilisation des moyens du droit civil. Elle n'est pas encore entrée en vigueur compte tenu de l'exigence, à cette fin, de quatorze ratifications (article 15) : ce chiffre inhabituellement élevé s'explique par le fait que des mesures contre la corruption internationale ne peuvent prétendre à l'efficacité que si elles sont simultanément prises par un nombre suffisamment important d'Etats.
        L'instrument requiert des Etats parties qu'ils mettent en place des mesures tant au niveau national (chapitre Ier, articles 1er à 12) qu'en termes de coopération internationale (chapitre II, articles  13 et 14), le chapitre III étant consacré aux clauses finales (articles 15 à 19).
        L'objet de la convention, défini par l'article 1er, est de permettre aux personnes, physiques ou morales, qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption, de défendre leurs droits et leurs intérêts, voire d'obtenir des dommages-intérêts. La convention fait ainsi obligation à chaque Partie de consacrer dans sa législation le droit d'entreprendre une action civile dans les affaires de corruption, afin que les victimes puissent obtenir la réparation intégrale de leur préjudice (article 3).

I.  -  Champ d'application

        L'article 2 définit en premier lieu la corruption comme « le fait de solliciter, d'offrir, de donner ou d'accepter, directement ou indirectement, une commission illicite ou un autre avantage indu, ou la promesse d'un tel avantage indu qui affecte l'exercice normal d'une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission illicite, ou de l'avantage indu ou de la promesse d'un tel avantage indu ». Il s'agit d'une définition relativement large, donnée aux fins de la convention elle-même et que les Parties ne sont nullement contraintes d'adopter. Quant au terme de « bénéficiaire », il s'entend de la personne dont le comportement est affecté par l'acte de corruption, que la commission illicite ou l'avantage indu lui soient destinés ou soient destinés à des tiers (cf. sur ce point le paragraphe 34 du rapport explicatif).
        En second lieu, le paragraphe 2 de l'article 3 précise l'étendue du préjudice indemnisable : les dommages-intérêts ne doivent pas être alloués forfaitairement, mais être fixés en fonction du préjudice effectivement subi ; les dommages-intérêts punitifs sont exclus.
        Ainsi, sont susceptibles d'indemnisation les « préjudices patrimoniaux » représentant la dégradation effective de la situation économique de la personne lésée, le « manque à gagner » représentant le bénéfice qu'elle aurait pu raisonnablement obtenir mais n'a pas obtenu du fait de l'acte de corruption et, enfin, les « préjudices non patrimoniaux » qui sont des pertes qui ne peuvent être immédiatement calculées car elles ne représentent pas une perte économique tangible ou matérielle telle que, par exemple, l'atteinte à la réputation d'un concurrent. En considération de la nature du préjudice, le mode d'indemnisation choisi sera modulable, au choix des Parties : ainsi, si le préjudice patrimonial suppose une indemnisation économique, le préjudice extrapatrimonial pourra être réparé d'une autre manière, par exemple par une publication d'un jugement par voie de presse.

II.  -  Conditions de mise en jeu de la responsabilité civile

        Le demandeur à l'action doit prouver qu'il a subi un dommage, que le défendeur a agi de façon délibérée ou par négligence et, enfin, qu'il y a un lien de causalité entre l'acte de corruption et le dommage (article 4).
        La responsabilité ainsi engagée est essentiellement celle des personnes qui participent directement en connaissance de cause à la corruption, qu'elles donnent ou reçoivent la commission occulte ou qu'elles poussent ou contribuent à la corruption ; cette responsabilité s'étend également aux personnes qui, alors qu'elles étaient en situation de prendre des mesures pour empêcher la corruption, auraient omis de le faire. Le paragraphe 2 de ce même article prévoit qu'en cas de pluralité d'acteurs de la corruption sanctionnée, ceux-ci sont solidairement tenus à la réparation allouée à la victime, qui pourra donc obtenir l'intégralité de sa réparation même en choisissant de n'agir que contre un seul ou seulement certains de ces acteurs.
        Le dommage doit être suffisamment caractérisé et constituer, aux fins de la convention, une conséquence normale de la corruption, les Parties étant toutefois libres d'adopter une notion plus large du lien de causalité (cf. sur ce point le paragraphe 45 du rapport explicatif).
        En outre, l'article 5 exige des Parties qu'elles prévoient des « procédures appropriées » pour permettre aux victimes, lorsque l'acte de corruption est commis par un agent public, de demander réparation à l'Etat dans des conditions procédurales efficaces et des délais raisonnables.
        L'article 6 précise l'incidence du comportement de la victime du dommage sur son droit à réparation. Ainsi, l'indemnisation pourra être réduite, voire supprimée, si le demandeur a, par sa faute, contribué à la survenance du dommage ou à son aggravation. La proportion de la réduction dépend des circonstances, ces dernières étant appréciées in concreto par le juge (cf. sur ce point le paragraphe 56 du rapport explicatif). Le fait non fautif de la victime reste en revanche sans incidence sur son droit à réparation.
        Enfin, quant aux délais d'exercice de l'action, la convention ne prescrit pas de délai fixe, les règles applicables en la matière étant très variables selon les pays. En revanche, l'article 7 se conforme à la règle très généralement admise, selon laquelle une procédure en réparation de dommages doit être engagée dans un délai déterminé à partir de la connaissance de l'acte dommageable ou du dommage lui-même, et ne peut plus par ailleurs l'être après l'expiration d'un autre délai plus long calculé à partir de la date à laquelle l'acte de corruption a été commis : il prévoit donc d'abord que la prescription de l'action ne peut être encourue avant l'expiration d'un délai minimum de trois ans courant du jour où la victime du dommage a eu ou aurait dû avoir raisonnablement connaissance de ce dommage ou de l'acte de corruption et de l'identité de la personne responsable. Par ailleurs, il fixe à dix ans le délai minimum après lequel il peut être décidé par les Parties que l'action est en tout état de cause prescrite.

III.  -  Autres mesures susceptibles de renforcer
la lutte contre la corruption

        Au titre de la prévention et de la détection, il convient de veiller à la sincérité des divers documents comptables. A cet égard, l'article 10, s'inspirant de directives du Conseil de l'Union européenne (cf. note 1) , pose le principe que les comptes annuels des sociétés (bilan et autre déclaration financière, comptes d'exploitation et de résultats et leurs annexes) doivent donner une image fidèle de tous les aspects de la situation financière de celles-ci, ce dont les commissaires aux comptes doivent s'assurer. Il convient de souligner que cette disposition ne vise qu'à fixer l'obligation d'assurer des procédures efficaces, sans préciser les règles juridiques qui doivent être mises en œuvre à cette fin.
        De même, pour permettre la révélation puis l'établissement des faits de corruption, il est prévu que chaque Partie doit prévoir un mécanisme de protection des employés qui, de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables, auraient dénoncé de tels faits (article 9) : ceci implique qu'une telle dénonciation ne peut être en soi considérée comme une violation du devoir de confidentialité, la protection ainsi accordée devant inciter les employés à faire part de leurs soupçons à la personne ou à l'autorité responsable.
        Par ailleurs, les Etats signataires doivent offrir aux requérants des procédures efficaces pour le recueil des preuves (article 11) et la prise de toutes mesures conservatoires adéquates (article 12) lors des procédures civiles consécutives à un acte de corruption, en vue de faciliter l'acquisition d'éléments probatoires écrits et d'assurer le maintien du statu quo dans l'attente de la décision au fond.
        Enfin, l'acte de corruption ayant été constaté, l'article 8 pose le principe de la nullité de tout contrat ou toute clause d'un contrat dont l'objet est un acte de corruption, ce qui correspond à la sanction usuelle des obligations à objet illicite. Il s'agit d'une nullité relative, que seules peuvent donc invoquer les parties au contrat, ce sans préjudice d'une éventuelle action en indemnisation de leur dommage.
        Si ces dispositions n'apportent aucun élément nouveau à notre droit interne, qui dispose d'ores et déjà de tous les moyens dont la convention recommande la mise en œuvre, le texte pris dans son ensemble n'en présente pas moins l'intérêt d'afficher la possibilité d'utiliser pour la lutte contre la corruption ces règles de droit civil qu'on ne pense pas à solliciter de prime abord, mais qui peuvent pourtant relayer très utilement la réaction pénale, notamment en termes de dissuasion, compte tenu de la sanction pécuniaire de fait que constitue le paiement de dommages-intérêts.

IV.  -  Coopération internationale

        L'article 13 exige des Parties qu'elles coopèrent, lorsque cela est possible, conformément aux instruments internationaux existants et applicables dans ces domaines, telles que les conventions de Bruxelles et de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale en date, respectivement, de 1968 et 1988, la convention de La Haye de 1965 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile et commerciale, les conventions de la Haye sur la procédure civile de 1954 et 1980 (cf. sur ce point le paragraphe 88 du rapport explicatif).
        Pour assurer l'efficacité de cette coopération, l'article 14 confie au groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) le suivi de la mise en œuvre de la présente convention. Le GRECO suivra cette mise en œuvre conformément à son statut, annexé à la résolution (99)5 qui l'a établi, et prévoit un processus dynamique d'évaluation mutuelle et de pression par les pairs. La ratification de la convention entraîne automatiquement, pour une Partie, sa participation au GRECO, si elle n'en est déjà membre, et donc son acceptation d'un contrôle conforme aux procédures prévues par les statuts du GRECO à compter de la date à laquelle la convention entre en vigueur à son égard.

V.  -  Dispositions finales

        Outre celles relatives au nombre des ratifications nécessaires à l'entrée en vigueur, prévues à l'article 15, paragraphe 3, elles prévoient :
          La possibilité de signer la convention et, après son entrée en vigueur, d'y adhérer pour des Etats non membres du Conseil de l'Europe qui ont participé à son élaboration (article 15, paragraphe 1) ;
          La coexistence avec d'autres traités bilatéraux ou multilatéraux traitant de sujets couverts par la convention (article 19), que les Parties ont la possibilité de conclure pour autant qu'ils ne dérogent pas aux dispositions de la convention (paragraphe 2) ; elles ont toutefois la possibilité de se soumettre à des règles en la matière dans le cadre d'un système contraignant au moment de la conclusion de la convention, ce régime s'appliquant à la Communauté européenne et à ses Etats membres actuels et futurs, à compter de la date de leur adhésion. Il est enfin prévu que les accords, traités et relations déjà établis sur un sujet couvert par la convention continuent de s'appliquer (paragraphe 3) ;
          La procédure d'amendements de la convention, qui soumet leur entrée en vigueur à l'acceptation de toutes les Parties, est décrite à l'article 20. Conformément au paragraphe 101 du rapport explicatif, elle devrait concerner les changements mineurs de type procédural, les modifications importantes éventuelles intervenant par le biais de protocoles additionnels.
        En outre, si l'article 17 précise qu'aucune réserve n'est autorisée, l'article 18 précise que tout Etat pourra désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera la présente convention.
        Enfin, l'article 16 décrit la procédure d'adhésion de nouveaux Etats condidats et l'article 22 précise les modalités de dénonciation de cette convention par un ou des Etats Parties. Par ailleurs, et afin de résoudre les difficultés d'application ou d'interprétation susceptibles de se poser, la procédure de règlement des différends est organisée à l'article 21.
        Telles sont les principales observations qu'appelle la convention civile sur la corruption qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant la ratification de la convention civile sur la corruption, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée la ratification de la convention civile sur la corruption, faite à Strasbourg, le 4 novembre 1999, signée par la France le 26 novembre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 18 juin 2003.

Signé :  Jean-Pierre  Raffarin        

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique  de  Villepin

    

CONVENTION CIVILE
sur la corruption,
faite à Strasbourg le 4 novembre 1999
Préambule

    Les Etats membres du Conseil de l'Europe, les autres Etats et la Communauté européenne, signataires de la présente Convention,
    Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres ;
    Conscients de l'importance de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre la corruption ;
    Soulignant le fait que la corruption représente une grave menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l'homme, l'équité et la justice sociale, empêche le développement économique et met en danger le fonctionnement correct et loyal des économies de marché ;
    Reconnaissant les conséquences négatives de la corruption sur les individus, les entreprises et les Etats, ainsi que sur les institutions internationales ;
    Convaincus de l'importance pour le droit civil de contribuer à la lutte contre la corruption, notamment en permettant aux personnes qui ont subi un dommage d'obtenir une réparation équitable ;
    Rappelant les conclusions et résolutions des 19e (Malte, 1994), 21e (République tchèque, 1997) et 22e (Moldavie, 1999) Conférences des ministres européens de la Justice ;
    Tenant compte du Programme d'action contre la corruption adopté par le Comité des ministres en novembre 1996 ;
    Tenant également compte de l'étude relative à la possibilité d'élaborer une convention sur les actions civiles en indemnisation des dommages résultant de faits de corruption, approuvée par le Comité des ministres en février 1997 ;
    Eu égard à la résolution (97) 24 portant sur les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption, adoptée par le Comité des ministres en novembre 1997, lors de sa 101e Session, à la résolution (98) 7 portant autorisation de créer l'accord partiel et élargi établissant le « Groupe d'Etats contre la corruption - Greco », adoptée par le Comité des ministres en mai 1998, lors de sa 102e Session, et à la résolution (99) 5 instituant le Greco, adoptée le 1er mai 1999 ;
    Rappelant la Déclaration finale et le Plan d'action adoptés par les chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe lors de leur 2e sommet à Strasbourg, en octobre 1997,
Sont convenus de ce qui suit :

Chapitre  Ier
Mesures à prendre au niveau national

Article 1er
Objet

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne des recours efficaces en faveur des personnes qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption afin de leur permettre de défendre leurs droits et leurs intérêts, y compris la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts.

Article 2
Définition de la corruption

    Aux fins de la présente Convention, on entend par « corruption » le fait de solliciter, d'offrir, de donner ou d'accepter, directement ou indirectement, une commission illicite, ou un autre avantage indu ou la promesse d'un tel avantage indu qui affecte l'exercice normal d'une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission illicite, ou de l'avantage indu ou de la promesse d'un tel avantage indu.

Article 3
Indemnisation des dommages

    1. Chaque Partie prévoit dans son droit interne que les personnes qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption disposent d'une action en vue d'obtenir la réparation de l'intégralité de ce préjudice.
    2. Cette réparation peut porter sur les dommages patrimoniaux déjà subis, le manque à gagner et les préjudices extra-patrimoniaux.

Article 4
Responsabilité

    1.  Chaque Partie prévoit dans son droit interne que les conditions suivantes doivent être réunies pour que le préjudice puisse être indemnisé :
            i)  le défendeur a commis ou autorisé l'acte de corruption, ou omis de prendre des mesures raisonnables pour prévenir l'acte de corruption ;
            ii)  le demandeur a subi un dommage ; et
            iii)  il existe un lien de causalité entre l'acte de corruption et le dommage.
    2.  Chaque Partie prévoit dans son droit interne que, si plusieurs défendeurs sont responsables de dommages résultant du même acte de corruption, ils en portent solidairement la responsabilité.

Article 5
Responsabilité de l'Etat

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne des procédures appropriées permettant aux personnes qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption commis par un de ses agents publics dans l'exercice de ses fonctions de demander à être indemnisées par l'Etat ou, dans le cas où la Partie n'est pas un Etat, par les autorités compétentes de cette Partie.

Article 6
Faute concurrente

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne que l'indemnisation du dommage peut être réduite ou supprimée en tenant compte des circonstances si le demandeur a, par sa faute, contribué à la survenance du dommage ou à son aggravation.

Article 7
Délais

    1.  Chaque Partie prévoit dans son droit interne que l'action en réparation du dommage se prescrit à l'expiration d'un délai d'au moins trois ans à compter du jour où la personne qui a subi un dommage a eu connaissance ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance du dommage ou de l'acte de corruption, et de l'identité de la personne responsable. Néanmoins, cette action ne pourra plus être exercée après l'expiration d'un délai d'au moins dix ans à compter de la date à laquelle l'acte de corruption a été commis.
    2.  Le droit des Parties régissant la suspension ou l'interruption des délais s'applique, s'il y a lieu, aux délais prescrits dans le paragraphe 1.

Article 8
Validité des contrats

    1.  Chaque Partie prévoit dans son droit interne que tout contrat ou toute clause d'un contrat dont l'objet est un acte de corruption sont entachés de nullité.
    2.  Chaque Partie prévoit dans son droit interne que tout contractant dont le consentement a été vicié par un acte de corruption peut demander au tribunal l'annulation de ce contrat, sans préjudice de son droit de demander des dommages-intérêts.

Article 9
Protection des employés

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne une protection adéquate contre toute sanction injustifiée à l'égard des employés qui, de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables, dénoncent des faits de corruption aux personnes ou autorités responsables.

Article 10
Etablissement du bilan et vérification des comptes

    1.  Chaque Partie prend les mesures nécessaires en droit interne pour que les comptes annuels des sociétés soient établis avec clarté et qu'ils donnent une image fidèle de la situation financière de la société.
    2.  Afin de prévenir la commission d'actes de corruption, chaque Partie prévoit dans son droit interne que les personnes chargées du contrôle des comptes s'assurent que les comptes annuels présentent une image fidèle de la situation financière de la société.

Article 11
Obtention des preuves

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne des procédures efficaces pour le recueil des preuves dans le cadre d'une procédure civile consécutive à un acte de corruption.

Article 12
Mesures conservatoires

    Chaque Partie prévoit dans son droit interne des mesures conservatoires judiciaires afin de préserver les droits et intérêts des Parties pendant les procédures civiles consécutives à un acte de corruption.

Chapitre  II
Coopération internationale
et suivi de la mise en œuvre

Article 13
Coopération internationale

    Les Parties coopèrent efficacement pour les questions relatives aux procédures civiles dans des affaires de corruption, notamment en ce qui concerne la notification des actes, l'obtention des preuves à l'étranger, la compétence, la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers et les dépens, conformément aux dispositions des instruments internationaux pertinents relatifs à la coopération internationale en matière civile et commerciale auxquels elles sont Parties, ainsi qu'à celles de leur droit interne.

Article 14
Suivi

    Le Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) assure le suivi de la mise en œuvre de la présente Convention par les Parties.

Chapitre  III
Clauses finales

Article 15
Signature et entrée en vigueur

    1.  La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe, des Etats non membres qui ont participé à son élaboration, ainsi que de la Communauté européenne.
    2.  La présente Convention sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
    3.  La présente Convention prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle quatorze signataires auront exprimé leur consentement à être liés par la convention, conformément aux dispositions du paragraphe 1. Un tel signataire non membre du Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) au moment de la ratification, acceptation ou approbation le deviendra automatiquement le jour de l'entrée en vigueur de la présente Convention.
    4.  Pour tout signataire qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la convention, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de l'expression de son consentement à être lié par la convention conformément aux dispositions du paragraphe 1. Tout signataire non membre du Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) au moment de la ratification, acceptation ou approbation le deviendra automatiquement le jour de l'entrée en vigueur de la présente Convention à son égard.
    5.  Des modalités particulières de participation de la Communauté européenne au Groupe d'Etats contre la corruption (Greco) seront déterminées en tant que de besoin d'un commun accord avec la Communauté européenne.

Article 16
Adhésion à la convention

    1.  Après l'entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe pourra, après avoir consulté les Parties à la convention, inviter tout Etat non membre du Conseil n'ayant pas participé à son élaboration à adhérer à la présente Convention par une décision prise à la majorité prévue à l'article 20.d du statut du Conseil de l'Europe et à l'unanimité des représentants des Parties ayant le droit de siéger au Comité.
    2.  Pour tout Etat adhérent, la convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de dépôt de l'instrument d'adhésion près le secrétaire général du Conseil de l'Europe. Tout Etat adhérent deviendra automatiquement membre du Greco, s'il ne l'est pas déjà au moment de l'adhésion, le jour de l'entrée en vigueur de la présente Convention à son égard.

Article 17
Réserves

    Aucune réserve n'est admise aux dispositions de cette Convention.

Article 18
Application territoriale

    1.  Tout Etat ou la Communauté européenne pourra, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera la présente Convention.
    2.  Toute Partie pourra, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au secrétaire général du Conseil de l'Europe, étendre l'application de la présente Convention à tout autre territoire désigné dans la déclaration. La convention entrera en vigueur à l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de ladite déclaration par le secrétaire général.
    3.  Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au secrétaire général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de ladite notification par le secrétaire général.

Article 19
Relations avec d'autres instruments et accords

    1.  La présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et obligations découlant d'instruments internationaux multilatéraux concernant des questions particulières.
    2.  Les Parties à la Convention pourront conclure entre elles des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux questions réglées par la présente Convention, aux fins de compléter ou de renforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l'application des principes qu'elle consacre ou, sans préjudice des objectifs et des principes de la présente Convention, se soumettre à des règles en la matière dans le cadre d'un système spécial qui est contraignant au moment de l'ouverture à la signature de la présente Convention.
    3.  Lorsque deux ou plus de deux Parties ont déjà conclu un accord ou un traité sur un sujet couvert par la présente Convention, ou lorsqu'elles ont établi d'une autre manière leurs relations quant à ce sujet, elles ont la faculté d'appliquer ledit accord, traité ou arrangement au lieu de la présente Convention.

Article 20
Amendements

    1.  Des amendements à la présente Convention peuvent être proposés par chaque Partie et toute proposition sera communiquée par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe aux Etats membres du Conseil de l'Europe, aux Etats non membres qui ont participé à l'élaboration de cette convention, à la Communauté européenne, ainsi qu'à tout Etat qui a adhéré ou qui a été invité à adhérer à la présente Convention, conformément aux dispositions de l'article 16.
    2.  Tout amendement proposé par une Partie est communiqué au Comité européen de coopération juridique (CDCJ) qui soumet au Comité des ministres son avis sur l'amendement proposé.
    3.  Le Comité des ministres examine l'amendement proposé et l'avis soumis par le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) et, après consultation des Parties à cette convention qui ne sont pas membres du Conseil de l'Europe, peut adopter l'amendement.
    4.  Le texte de tout amendement adopté par le Comité des ministres conformément au paragraphe 3 du présent article est transmis aux Parties pour acceptation.
    5.  Tout amendement adopté conformément au paragraphe 3 du présent article entrera en vigueur le trentième jour après que toutes les Parties auront informé le Secrétaire général qu'elles l'ont accepté.

Article 21
Règlement des différends

    1.  Le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) du Conseil de l'Europe sera tenu informé de l'interprétation et de l'application de la présente Convention.
    2.  En cas de différend entre les Parties sur l'interprétation ou l'application de la présente Convention, elles s'efforceront de parvenir à un règlement du différend par la négociation ou tout autre moyen pacifique de leur choix, y compris la soumission du différend au Comité européen de coopération juridique (CDCJ), à un tribunal arbitral qui prendra des décisions qui lieront les Parties au différend ou à la Cour internationale de justice, selon un accord commun entre les Parties concernées.

Article 22
Dénonciation

    1.  Chaque Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
    2.  La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le secrétaire général.

Article 23
Notifications

    Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe notifiera aux Etats membres du Conseil et à tous les autres signataires et Parties à la présente Convention :
    a)  toute signature ;
    b)  le dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ;
    c)  toute date d'entrée en vigueur de la présente Convention, conformément à ses articles 15 et 16 ;
    d)  tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Convention.
    En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.
    Fait à Strasbourg, le 4 novembre 1999, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le secrétaire général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l'Europe, aux Etats non membres qui ont participé à l'élaboration de la Convention, à la Communauté européenne, ainsi qu'à tout Etat invité à y adhérer.

NOTE (S) :

(1) Quatrième directive du Conseil concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (78/660/CEE), septième directive du Conseil concernant les comptes consolidés (83/349/CEE) et huitième directive du Conseil concernant l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables (84/253/CEE).

 ___________________________________

N° 958 - Projet de loi : convention civile sur la corruption


© Assemblée nationale