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N° 164
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er août 2002.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer des mesures de réparation aux orphelins de déportés, à ceux des fusillés et massacrés pour fait de résistance et à ceux des patriotes résistant à l'Occupation.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Lucien GUICHON, Michel VOISIN, Gérard VOISIN, Bernard SCHREINER et Patrick BEAUDOUIN,
 

Additions de signatures :
Mme Valérie Pecresse
M. Pierre-Christophe Baguet

Députés.

Anciens combattants et victimes de guerre.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le 13 juillet 2000, notre pays concrétisait son souhait de réparer le préjudice subi par les orphelins dont les parents ont été victimes de la Shoah. En hébreu, «Shoah» signifie «catastrophe», mais est couramment employé afin de désigner l'extermination des juifs par le régime nazi. Nul n'ignore que sous le IIIe Reich la persécution des juifs s'est traduite par une entreprise d'annihilation de tout un peuple. Il n'existe pas de termes assez forts pour designer cette barbarie et la demande d'indemnisation présentée par les orphelins des déportés juifs de France était non seulement légitime et juste mais aussi conforme aux principes juridiques reconnus par notre pays. Le crime contre l'humanité étant en effet imprescriptible, la responsabilité de l'Etat s'en trouve engagée, s'impose à la République et s'inscrit dans le corpus de règles internationales. Au-delà des considérations juridiques, il est indéniable que notre pays conserve, pour reprendre la parole du Président de la République le 16 juillet 1995, «une dette imprescriptible» vis-à-vis des 73000 déportés juifs de France qui ne sont pas revenus et de leur famille.
L'atrocité de l'antisémitisme, le drame de la Shoah fondent pleinement cette indemnisation. Chacun de nous a conscience des terribles souffrances qu'a enduré le peuple juif lors de cette période et de la spécificité de la tragédie vécue par ces hommes tués parce qu'ils sont nés juifs. De nombreux auteurs, à l'instar de Primo Lévi ou Jorge Semprun, ont tenté de raconter les «camps de la mort» et des noms tels que «Buchenwald», «Dachau» ou «Auschwitz» évoquent ce qu'il y a de pire.
Une indemnisation devrait, en outre, pouvoir bénéficier à toutes celles et à tous ceux qui ont souffert de l'extermination nazie, y compris à ceux dont les parents juifs sont morts en déportation sur le territoire français, comme ce fut le cas à Drancy. En effet, la République se doit de reconnaître des droits similaires à tous les orphelins victimes de la Seconde Guerre mondiale.
«Là où il n'y a pas d'homme, tu tâcheras, toi, d'être un homme». C'est par ces simples mots, emprunts d'humanité, de respect et d'humilité, qu'un monument à Yad Vashem s'élève à la mémoire du «juste» pour rappeler qu'il est toujours possible de résister à l'oppression d'un Etat criminel. Ceux qui se sont battus et qui sont morts parce qu'ils croyaient à une certaine idée de l'homme ne l'ont jamais fait en fonction de tels ou tels critères autres que ceux qui ont trait à la liberté, à l'égalité et à la fraternité.
La République se doit d'honorer le souvenir de celles et ceux qui sont tombés en résistant à l'envahisseur. Il apparaît aujourd'hui nécessaire de donner force et vigueur au «devoir de mémoire» en accordant une juste reconnaissance de la nation à toutes celles et à tous ceux qui sont devenus des orphelins en raison de cette politique de destruction. Nous vous proposons, à cet effet, d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Toute personne dont la mère ou le père a trouvé la mort en déportation pour des faits politiques, de résistance, en répression d'actes de résistance, ont été fusillés, massacrés au titre d'otages ou en raison de leur appartenance religieuse a droit au titre de reconnaissance de la nation et à des mesures de réparation, si cette personne était âgée de moins de vingt et un ans au moment des faits.

Article 2

Une commission nationale d'indemnisation des orphelins de déportés, de résistants, ou de fusillés et massacrés au titre d'otages est créée en vue de recevoir et d'examiner les demandes formulées en ce sens. Cette commission sera composée de quinze membres nommés par décret pour une durée de cinq ans. Un décret en conseil d'Etat fixe la composition et les modalités de désignation des membres de la commission.

Article 3

La demande d'indemnisation devra comporter toutes les pièces justificatives nécessaires, et notamment les actes d'état civil attestant de la filiation avec le parent décédé ou disparu, ainsi que tous les documents prouvant que la mort ou la disparition est intervenue en déportation ou suite à la déportation. La décision motivée accordant ou refusant l'indemnisation est prise par le Premier ministre.

Article 4

Un décret fixe les modalités d'application de la présente loi.

Article 5

Les charges résultant pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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N° 0164 - Proposition de loi instaurant des mesures de réparation aux orphelins de déportés,  fusillés et massacrés pour fait de résistance et aux patriotes résistant à l'Occupation (M. Lucien Guichon).


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