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No 741

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2003.

PROPOSITION DE LOI

portant intégration dans la fonction publique d'Etat des agents
de la
collectivité départementale de Mayotte exerçant des missions régaliennes de l'Etat.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Mansour KAMARDINE, Manuel AESCHLIMANN, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Jean BESSON, Roland CHASSAIN, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Mme GeneviÈve COLOT, MM. Olivier DASSAULT, Philippe DUBOURG, Léonce DEPREZ, Alain GEST, François-Michel GONNOT, Gérard GRIGNON, François GROSDIDIER, Édouard JACQUE, Patrick LABAUNE, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Patrice MARTIN-LALANDE, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Christian MÉNARD, Pierre MICAUX, Alain MOYNE-BRESSAND, Daniel PREVOST, Didier QUENTIN, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Serge ROQUES, Jean-Marc ROUBAUD, Xavier de ROUX, Mme Juliana RIMANE, MM. Frédéric de SAINT-SERNIN, André SAMITIER, Bernard SCHREINER, Daniel SPAGNOU, André THIEN AH KOON, Christian VANNESTE, Mme Béatrice VERNAUDON, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, Gérard VOISIN, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER,

Députés.

Fonction publique territoriale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tirant les conséquences de l'autodétermination des populations des Comores du 22 décembre 1974, la loi du 30 décembre 1975 décida l'intégration dans la fonction publique de l'Etat de l'ensemble des fonctionnaires et agents publics de l'ancien territoire des Comores ayant demeurés français.

Pour des raisons liées au sort que le gouvernement devait réserver à l'avenir de Mayotte, les Mahorais étaient exclus de cette intégration.

Désormais, l'histoire de la fonction publique à Mayotte était intimement liée à l'évolution institutionnelle de la collectivité départementale.

En conséquence, les agents publics locaux sont régis depuis plus d'un quart de siècle par des arrêtés du préfet à la légalité constitutionnelle douteuse.

Les récentes évolutions politiques de l'île avec l'accord du 27 janvier 2000, la visite officielle du chef de l'Etat et l'adoption de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte ont rendu irréversible l'appartenance de Mayotte à la France.

C'est dans ce contexte que le gouvernement actuel décidait dans le cadre de la loi de programmation pour la justice, et plus particulièrement dans son article 68, l'intégration dans la fonction publique de l'Etat des agents pénitentiaires de la maison d'arrêt de Majicavo à Mayotte.

Plus récemment encore, le législateur décidait l'intégration dans les corps de la police nationale de l'ensemble des agents de la collectivité départementale affectés au service de la police à Mayotte.

Enfin, le projet de la loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République a entériné l'inscription de Mayotte dans la Constitution.

Au total, force est de constater que la question de l'appartenance de Mayotte à la France ne fait plus débat.

L'heure est donc venue, dans le respect des règles de répartition de compétence entre les différentes collectivités publiques à Mayotte, d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les Mahorais qui participent aux missions régaliennes de l'Etat.

Le gouvernement semble fortement convaincu de cette nécessité. C'est ce qui ressort des interventions de M. le ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et de l'Aménagement du territoire, et de Mme la ministre de l'Outre-Mer, en réponse aux interventions de l'honorable parlementaire des 7 et 8 novembre derniers.

Aux interrogations du parlementaire relatives à l'intégration des agents concernés, le ministre de la Fonction publique devait déclarer : « fin 2002 et début 2003, avec ma collègue Brigitte Girardin, nous allons engager un vaste chantier de titularisation de la fonction publique de Mayotte, qui s'étalera sur plusieurs années, et qui devra être conduit parallèlement avec celui de la partition entre les services de la préfecture et ceux du conseil général, applicable au 1er janvier 2004 ».

Lors de l'examen du budget de l'Outre-Mer, le 8 novembre 2002, Mme la ministre de l'Outre-Mer déclarait à son tour : « Vous avez également évoqué, Monsieur Kamardine, le statut des instituteurs de Mayotte et la question de la fonctionnarisation de l'ensemble des agents exerçant une mission de service public. Maintenant que l'ancrage de Mayotte dans la République ne fait plus débat, et que cette collectivité sera même mentionnée dans notre Constitution, cette question doit être réglée. Ces agents aspirent légitimement à être intégrés dans le statut général de la fonction publique ; leur message a été entendu par le gouvernement. Dès cette fin d'année 2002, avec l'ensemble des ministères concernés, nous allons lancer un vaste chantier de titularisation qui s'étalera sur plusieurs années. Il devra se réaliser en parallèle avec la partition entre les services de la préfecture et du conseil général, qui doit intervenir le 1er janvier 2004 ».

Ainsi, la présente proposition de loi a pour objectif de soutenir ce mouvement auprès des ministères de tutelles des services fiscaux, des douanes, de l'Education nationale, de la Justice, de l'Agriculture, qui n'ont pas encore amorcé l'intégration des agents dont les missions relèvent en tous points de la sphère régalienne de l'Etat.

Au total, ce ne sont que très peu d'agents qui seraient concernés au regard du budget de l'Etat et des effectifs de la fonction publique.

Cette situation ne saurait perdurer sauf à considérer que les agents mahorais ayant fait le choix de servir l'Etat sont des fonctionnaires de seconde zone échappant au statut de la fonction publique.

Les règles de base de la fonction publique, la position des pouvoirs publics depuis plusieurs décennies et la nécessité d'instaurer une juste répartition des compétences dans une île où la pauvreté et l'emploi précaire prospèrent sont autant d'arguments et de facteurs qui plaident incontestablement en faveur de l'intégration des agents mahorais.

I. - Tout d'abord, le maintien du statut hybride des agents concernés est en contradiction avec les règles inhérentes à la fonction publique de l'Etat et à celles préconisées par les pouvoirs publics au cours de ces dernières années.

Le statut hybride des agents concernés est en opposition avec le statut de la fonction publique a fortiori lorsqu'il concerne des agents exerçant des missions régaliennes.

- Les agents mahorais connaissent une « situation exceptionnelle de précarité » paradoxale en ce sens qu'elle est inscrite dans la durée alors qu'en toute logique le statut de la fonction publique est censé offrir un statut stable en réduisant au maximum la durée des contrats précaires qui ne débouchent sur aucune titularisation.

- Le statut général de la fonction publique établit un lien direct entre l'emploi public et la qualité du fonctionnaire puisque les emplois permanents à temps complet sont réservés aux fonctionnaires. Cette règle ne saurait être contestée s'agissant d'agents qui assurent des missions de service public permanente et à temps complet.

- La similitude des tâches et des missions de service public exercées par les agents mahorais avec celles accomplies par leurs homologues sur le reste du territoire national accroît fortement l'inégalité de traitement qui leur est réservée.

Rappelons que l'un des principes de base de la gestion de la fonction publique est celui de l'égalité des citoyens français et que ce principe s'applique à leur recrutement, à leurs avantages ou encore à leurs traitements.

En dépit de cas expressément prévus par l'administration ou la jurisprudence, notamment lorsque l'intérêt du service l'exige à titre exceptionnel, les discriminations de tous ordres sont donc illégales.

Par ailleurs, ce statut est en contradiction avec les principales législations, y compris les plus récentes.

- Ces dernières années, les pouvoirs publics ont entendu limiter la possibilité, pour l'administration, de recruter des agents non fonctionnaires, tout en prescrivant la titularisation de nombreux non-titulaires. Le statut général et les lois du 30 juillet 1987 et du 3 janvier 2001 avaient, en conséquence, prévus l'intégration dans les cadres de non-titulaires occupant des emplois non permanents.

Au surplus, un accord salarial de juillet 2000 a eu pour objectif de résorber l'emploi « précaire », en particulier les titulaires de contrats à durée déterminée (120 000 pour l'Etat, 350 000 dans les collectivités territoriales et environ 50 000 hospitaliers).

Il serait donc illogique et anachronique que ce volontarisme fasse exception s'agissant de la collectivité départementale de Mayotte.

II. - Enfin, la situation statutaire et sociale de Mayotte nécessite une harmonisation des politiques d'emplois publics et une juste répartition des compétences entre la collectivité départementale de Mayotte et l'Etat.

- L'Etat, premier employeur de France, participe très largement à la politique de l'emploi dans notre pays si l'on en juge par les dépenses induites par la fonction publique de l'Etat (117,3 milliards d'euros en 2001, soit 44 % des dépenses du budget général). La fonction sociale et de solidarité jouée par l'Etat en matière d'emplois publics est fondamentale ; elle doit jouer à Mayotte comme sur l'ensemble du territoire national.

- La répartition des compétences consécutive à la mise en place progressive de la loi statutaire du 11 juillet 2001 nécessite une clarification des missions dévolues à l'Etat et à la collectivité départementale de Mayotte.

- Erigée en collectivité départementale et ayant vocation à exercer les missions des collectivités départementales métropolitaines dans les tous prochains mois, Mayotte doit bénéficier d'une juste et équitable répartition des compétences. Rien ne justifierait que le conseil général gère des agents exerçant des tâches qui sont prises en charge par l'Etat dans l'ensemble des autres collectivités métropolitaines.

- Cette transition est une étape décisive et la collectivité départementale doit se consacrer aux missions qui sont désormais les siennes, le cumul des compétences et des responsabilités n'est pas envisageable à un moment où la formation des futurs cadres de la collectivité départementale se pose avec acuité.

Sous réserve de l'approbation de la présente proposition de loi et d'une éventuelle formation complémentaire telle que prévue dans le dispositif d'intégration des agents de la police nationale, ces agents pourront rejoindre la fonction publique d'Etat ce qui ne serait que justice.

Cette intégration des agents de la collectivité dans la fonction publique d'Etat, pendant longtemps refusée, apparaîtrait comme la juste reconnaissance de l'intelligence et de la compétence des Mahorais au service de leur pays.

Enfin, les conséquences budgétaires du présent dispositif seraient quasiment nulles au regard des remboursements déjà effectués par l'Etat à l'égard de la collectivité départementale concernant les dépenses qu'elle engage au titre du traitement des agents concernés.

Sur ce point, l'article 65 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte est particulièrement clair puisqu'il dispose notamment que :

« I. - A compter du 1er janvier 2002, l'Etat prend progressivement en charge les dépenses de personnel, de matériel, de loyer, de fonctionnement et d'équipement des services qui relèvent de sa compétence. Cette prise en charge est achevée au plus tard le 31 décembre 2004.

« II. - Les agents de la collectivité départementale affectés dans des services qui relèvent de l'Etat sont mis à disposition de celui-ci. Durant cette mise à disposition, ils demeurent régis par les dispositions légales et réglementaires qui leur sont applicables. L'Etat rembourse, chaque année, à la collectivité départementale, les dépenses correspondant à ces personnels. Des conventions entre la collectivité départementale et l'Etat déterminent les modalités d'application du présent II, et notamment les conditions dans lesquelles, jusqu'au 31 décembre 2010, la collectivité départementale peut recruter et titulariser de nouveaux agents afin de les mettre à disposition de l'Etat pour concourir à l'exercice des compétences de celui-ci. »

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. - Les agents de la collectivité départementale de Mayotte affectés, à la date de promulgation de la présente loi, dans les services de l'Education nationale, de la Justice et des douanes sont intégrés dans les corps homologues de la fonction publique d'Etat correspondant aux fonctions qu'ils exercent dans la limite des emplois nécessaires au fonctionnement de ces services à Mayotte, sous la condition préalable d'avoir suivi un cycle de formation.

Ces intégrations interviendront à compter du 1er août 2004.

II. - Les agents intégrés en application des dispositions du présent article ne pourront être mutés en dehors des limites territoriales de Mayotte que sur leur demande ou par mesure disciplinaire.

III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.

Article 2

Les charges pour l'Etat sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle sur les droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

N° 0741 - Proposition de loi  portant intégration dans la fonction publique d'état des agents de la collectivité départementale de Mayotte exerçant des missions régaliennes de l'Etat (M. Mansour Kamardine)


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