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No 837

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 mai 2003.

PROPOSITION DE LOI

portant création d'un délit d'interruption involontaire
de
grossesse.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean-Paul GARRAUD,

Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un arrêt du 29 juin 2001, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré qu'en application du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, le délit d'homicide involontaire n'était pas applicable au cas de l'enfant à naître et que l'interruption de grossesse résultant d'une imprudence - en l'espèce un accident de la circulation - ne tombait pas sous le coup de la loi pénale.

Cette décision fait à l'évidence apparaître qu'il existe dans cette hypothèse une lacune dans notre législation, lacune que la Cour de cassation invite d'ailleurs le législateur à combler.

C'est pourquoi il convient de combler l'article 223-10 du code pénal, qui sanctionne déjà de cinq ans d'emprisonnement le fait de provoquer, mais uniquement de façon volontaire, une interruption de grossesse sans le consentement de la femme enceinte, afin de réprimer ces mêmes faits lorsqu'ils ont été commis de façon involontaire, notamment à l'occasion d'un accident de la circulation.

A cette fin, il est proposé de rétablir les articles 223-11 et 223-12 du code pénal, laissés vacants depuis la loi du 4 juillet 2001, pour y traiter les hypothèses dans lesquelles l'interruption de la grossesse résulte d'une imprudence, en distinguant selon qu'il s'agit ou non d'une faute de mise en danger (art. 223-11) et en prévoyant une répression spécifique lorsque l'infraction a été commise par le conducteur d'un véhicule (art. 223-12).

En cas d'imprudence non aggravée, la peine sera d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. La définition proposée pour la faute d'imprudence est alors similaire à celle qui existe en matière d'homicide involontaire, et elle fait référence aux dispositions de l'article 121-3 du code pénal, résultant de la loi du 10 juillet 2000 qui a limité les contours de cette faute pour éviter une pénalisation excessive des comportements purement involontaires.

En cas de mise en danger délibérée, la peine sera de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Si les faits ont été commis par un conducteur, la peine sera normalement de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, mais sera portée à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende en cas de mise en danger délibérée, de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, d'usage de stupéfiants, de défaut de permis de conduire, de grand excès de vitesse ou de délit de fuite, et à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si deux ou plus de ces circonstances sont réunies.

Par cohérence, les peines prévues par l'article 223-10, qui réprime des faits plus graves, puisqu'il s'agit d'actes volontaires entraînant l'interruption de la grossesse, seront portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.

Le nouveau délit d'interruption involontaire de grossesse commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur emporte l'application des peines complémentaires similaires à celles prévues par la loi de lutte contre la violence routière.

Ces dispositions avaient été présentées lors de ce débat sur la sécurité routière. Adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale et soutenues par le Gouvernement, elles ont été malheureusement rejetées par le Sénat.

Il faut pourtant souligner que de nombreuses femmes perdent dans des circonstances dramatiques leur enfant à naître et qu'aucune disposition de la loi n'y répond.

Le nouveau code pénal proposé par M. Robert Badinter, voté en 1992, avait introduit un article 223-10 ainsi rédigé : « l'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ».

Figurant dans le chapitre III sur la mise en danger de la personne, cette disposition s'applique aux actes volontaires ayant conduit à l'interruption de la grossesse.

Par ces nouveaux articles 223-11 et 223-12, je souhaite simplement, sans remettre en cause en aucune façon le statut de l'embryon, prévoir les cas où les femmes enceintes perdent leur enfant en raison de faits commis involontairement par leur auteur.

Que ce soit volontaire ou non, le résultat est pourtant le même. Il est donc indispensable que la loi régisse l'ensemble des situations.

On peut rappeler pour information que l'article R-653-1 du code pénal réprime par une contravention de troisième classe le fait d'avoir causé involontairement la mort ou des blessures à un animal...

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les articles 223-11 et 223-12 du code pénal sont ainsi rétablis :

« Art. 223-11. - L'interruption de la grossesse, sans le consentement de l'intéressée, causée, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

« Si les faits résultent de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, la peine est de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« Art. 223-12. - Lorsque la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence prévu par le premier alinéa de l'article 223-11 est commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende lorsque :

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;

« 2° Le conducteur se trouvait en état d'ivresse manifeste ou était sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l'existence d'un état alcoolique ;

« 3° Il résulte d'une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou le conducteur a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;

« 4° Le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;

« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ;

« 6° Le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté ou a tenté d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir.

« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque l'interruption de la grossesse sans le consentement de l'intéressée a été commise avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

Article 2

A la fin de l'article 223-10 du même code, les mots : « cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende ».

Article 3

Il est inséré, après l'article 223-20 du code pénal, un article 223-21 ainsi rédigé :

« Art. 223-21. - Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue par l'article 223-12 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; dans le cas prévu par l'article 221-6-1, la suspension ne peut pas être assortie du sursis, même partiellement, et elle ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 3° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

« 4° L'obligation d'accomplir, à leurs frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 5° L'immobilisation, pendant une durée d'un an au plus, du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il on est le propriétaire ;

« 6° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire. »

N° 0837 - Proposition de loi  portant création d'un délit d'interruption involontaire de grossesse (M. Jean-Paul Garraud)


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