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N° 1086

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 septembre 2003.

PROPOSITION DE LOI

tendant à réduire les délais de communication des documents d’archives.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Yves NICOLIN,

Additions de signatures :

M. Claude Birraux, M. Jean-Jacques Descamps, M. Pierre Micaux, M. Olivier Dassault, M. Gérard Menuel, M. Michel Voisin, M. Philippe Dubourg, M. Franck Marlin, M. Étienne Mourrut, M. Jean-Pierre Decool, M. Jean-Marc Roubaud, M. Jean-François Chossy, M. Jean-Claude Abrioux, M. Édouard Courtial, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jean-Marie Sermier, M. Jacques-Alain Bénisti, M. François Calvet, M. Dominique Dord, M. Jean-Michel Ferrand, Mme Arlette Franco, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Christian Philip, M. Didier Quentin, M. Serge Roques, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Jérôme Bignon, M. Pierre Cardo, M. Philippe Cochet, M. Charles-Ange Ginesy, M. Thierry Mariani, M. Jean-Claude Mathis, M. Jean-Marie Morisset, Mme Valérie Pecresse, M. Jean Proriol, M. Jacques Remiller, M. Guy Teissier, M. Gérard Weber, M. Emmanuel Hamelin, M. Jean-Yves Hugon, M. Richard Mallié, M. Jean-Marc Nesme, M. Michel Raison, M. Éric Raoult, M. Dino Cinieri, M. Christophe Guilloteau, M. François Scellier, M. Philippe Vitel, M. Laurent Wauquiez

Députés.

Institutions politiques – Administration – Collectivités locales.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les délais de communication des documents d’archives, tels qu’ils ont été fixés, en dernier lieu, par la loi du 3 janvier 1979, se révèlent de moins en moins compatibles avec les principes de liberté de l’information et de la communication qui prévalent dans notre société.

Trente ans pour les simples documents administratifs s’ils ne sont pas immédiatement communicables dans le cadre de la loi du 17 juillet 1978 sur les relations entre l’administration et le public, soixante ans pour les document intéressant la sûreté de l’Etat ou la défense nationale – ce qui nous ramène, aujourd’hui, en 1941 –, cent ans pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions – ce qui signifie que, dans le principe, toute une partie des documents liés à l’affaire Dreyfus resterait encore inaccessible –, ce sont là des délais qui nous paraissent de plus en plus obsolètes.

Nous vivons dans une société où les citoyens aspirent de plus on plus à être pleinement informés sur les événements qu’ils ont vécus et à pouvoir rechercher la vérité historique. Paradoxalement, l’impossibilité d’accéder aux sources contribue surtout à entretenir les incertitudes et les équivoques. Les polémiques récentes sur les événements de la Seconde Guerre mondiale ou sur la guerre d’Algérie on sont l’illustration. Les citoyens aspirent à savoir et, chaque fois, les pouvoirs publics sont amenés, par voie de dérogations, à ouvrir au moins partiellement, ou pour certaines catégories de consultants, l’accès aux archives publiques.

Sans aller jusqu’à parler d’une « accélération de l’Histoire », on observe ainsi que l’abondance même de l’information contribue à repousser plus rapidement les événements en arrière.

Mais si le groupe, comme d’ailleurs l’individu, éprouve ce besoin légitime à connaître leur passé, c’est d’abord parce que la perte de la mémoire, qu’elle soit individuelle ou commune, signifié la perte d’identité. C’est pourquoi le droit de rechercher la vérité et de la faire connaître fait partie des droits fondamentaux du citoyen dans une démocratie.

Comme le langage, la mémoire est un instrument neutre par lui-même. Il peut donc être mis au service d’un noble combat comme des plus noirs desseins. Le droit à la vérité est d’autant plus fondamental à une époque où l’on ne craint pas de manipuler l’histoire la plus douloureuse, non au service d’une juste cause, mais d’intérêts particuliers, d’invoquer le passé, pour justifier n’importe quel acte.

Le travail de mémoire est perpétuellement menacé par deux excès inverses : la sacralisation et la banalisation. La sacralisation de l’événement, d’abord, empêche de tirer du cas particulier une leçon générale. Ainsi, pourtant sans précèdent dans l’Histoire, la Shoah s’inscrit dans la terrible chaîne des crimes contre l’humanité. La banalisation de l’événement, ensuite, plaque purement et simplement le passé sur le présent, c’est-à-dire méconnaît les deux. Ainsi, en 1999, les rapprochements douteux effectués par certains dirigeants, entre les événements survenus en Bosnie et l’Holocauste, dans le but de légitimer les bombardements de l’OTAN en Yougoslavie.

Pour échapper à ces deux menaces symétriques-sacralisdion, banalisation – le travail de mémoire est essentiel afin qu’un cas particulier ne soit ni isolé du reste de l’Histoire ni rapproché d’un autre cas particulier sous prétexte d’une vague ressemblance… Ce travail de mémoire doit permettre de passer du particulier à l’universel, c’est-à-dire au principe de justice, à la règle éthique, à l’idéal politique.

C’est grâce aux arguments rationnels tirés d’une recherche historique sérieuse qu’il serait possible d’éviter que le passé soit galvaudé, détourné, trahi, et permettre enfin qu’il puisse être lu dans son exemplarité et d’éviter les arrangements « deux poids, deux mesures » lorsqu’il s’agit de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, de condamner partout ceux qui usent de la torture, voire de réparer les injustices du passé par des restitutions, indemnisations appropriées de tous les descendants et orphelins.

Malgré les théories des nombreux Fukuyarna et autres prophètes du renoncement politique, l’Histoire n’est pas finie. C’est pourquoi il nous faut faire bon usage de la mémoire, au service non pas d’intérêts catégoriels immédiats ni de repentances supplémentaires, mais au service de la dignité de la personne humaine, quelle soit noire d’Amérique ou du Rwanda, descendante des Indiens, des juifs ou résistants déportés, qu’elle vive au Tibet, en Arménie, en Algérie, à Gaza, à Tel-Aviv ou en Afghanistan.

Enfin, l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication va permettre d’accéder à un nombre croissant de bases de données et d’information à l’échelle mondiale. Par voie de conséquence, l’information contenue dans les archives publiques risque d’être considérablement relativisée, surtout si elle n’est accessible qu’après un délai excessif.

C’est pourquoi nous vous proposons, à travers la présente proposition de loi, de réduire de manière significative les délais actuellement prévus par la loi du 3 janvier 1979 sur les archives :

– suppression de délai pour les archives publiques en général, ainsi que pour les registres des décès (art. 6) ;

– réduction du délai de communication de soixante à trente ans pour les documents contenant des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’Etat ou la défense nationale (art. 7-5°) ;

– réduction de cent à trente ans pour les répertoires des notaires, pour les registres de l’enregistrement et pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions ;

– réduction de cent à cinquante ans pour les minutes des notaires (art. 7-3°), pour les registres des mariages (art. 7-3°) ;

– réduction de cent à soixante-quinze ans pour les registres des naissances (art. 7-3°).

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Le premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 79-1 8 du 3 janvier 1979 sur les archives est ainsi rédigé :

« A l’exception des documents visés à l’article 7, les documents d’archives publiques pourront être librement communiqués sans restriction d’aucune sorte à toute personne qui en fera la demande. »

II. – Le troisième alinéa de l’article 6 de la même loi est supprimé.

Article 2

Les 3°, 4° et 5° de l’article 7 de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« 3° Soixante-quinze ans pour la partie des registres d’état-civil concernant les naissances ;

« 4° Cinquante ans pour les minutes des notaires, pour la partie des registres de l’état civil concernant les mariages, et, à compter de la date du recensement ou de l’enquête, pour les documents contenant des renseignements individuels ayant trait à la vie personnelle et familiale et, d’une manière générale aux faits et comportements d’ordre privé, collectés dans le cadre des enquêtes statistiques des services publics ;

« 5° Trente ans, à compter de la date de l’acte pour les documents contenant des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’Etat ou la défense nationale, et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, ainsi que pour les répertoires des notaires, les registres de l’enregistrement, et, à compter de la date de l’acte ou de la clôture du dossier pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, y compris les décisions de grâce.

« La partie des registres d’état civil concernant les décès peut-être communiquée sans restriction d’aucune sorte à toute personne qui en fera la demande. »

Imprimé pour l'Assemblée nationale par Jouve

11, bd de Sébastopol, 75001 Paris

Prix de vente : 0,75 E

ISBN 2-11-118078-5

ISSN 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l’Assemblée nationale

4, rue Aristide Briand - 75007 Paris – Tél : 01 40 63 61 21

 

N° 1086 : Proposition de loi : délais de communication des documents d'archives (M. Yves Nicolin)


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