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N° 2748

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 2005.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

 

précisant les conditions d'exercices des droits civils,
économiques
et sociaux des étrangers en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jacques MYARD

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le nombre des étrangers en situation irrégulière est estimé à plusieurs centaines de milliers. Les personnes concernées trouvent des moyens de subsistance par l'entraide ou le travail clandestin et développent des attaches en France, économiques, privées, ou familiales. Cette situation déstabilise le marché du travail, la solidarité nationale, et le pacte républicain.

Tant la longueur et la complexité des procédures et des voies de recours préalables à l'expulsion que la nécessité d'appliquer les mesures d'éloignement du territoire dans le respect de la dignité humaine expliquent cet état de fait. Il paraît urgent de réaffirmer le principe que toute décision d'expulsion d'un étranger en situation irrégulière doit relever de la décision du préfet sous le contrôle du juge administratif exclusivement.

Toutefois, le mariage de complaisance, ou « mariage blanc » a toujours été un moyen pour des étrangers de tenter d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française. Cette démarche constitue un délit passible de cinq années d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (article 21 quater de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France). La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration a renforcé les moyens permettant de déceler ces fraudes en instaurant un entretien avec l'officier d'état civil préalablement à tout mariage (article 63 du code civil). En outre, elle permet aux maires de saisir le Procureur de la République en cas de doute sur les motivations des futurs époux, lequel peut surseoir ou s'opposer à la célébration du mariage.

Cependant, la disposition de l'article 76 de la loi du 26 novembre 2003 qui prévoyait que l'irrégularité du séjour constituait de fait un doute sur le consentement imposé par motif de saisine du Procureur de la République a été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 20 novembre 2003, au motif qu'elle s'opposait à la liberté de mariage protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

Ces articles disposent que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » et « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ». Le droit de se marier est donc considéré comme faisant partie des libertés fondamentales, de sorte que toute personne doit pouvoir en jouir, y compris celle qui n'a pas de droit au séjour.

Or il est évident que la démarche du mariage pour un étranger en situation irrégulière avec un ressortissant français ou étranger titulaire d'une carte de séjour ne peut être envisagée dans une autre perspective d'avenir que le prolongement de son séjour en France. Il s'agit même d'une obligation qu'il contracte envers son conjoint, énoncée à l'article 215 du code civil : « Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord. Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. »

Dans ces conditions, le mariage et la fondation d'une famille peuvent déboucher pour la plupart des étrangers en situation irrégulière sur une régularisation au titre des alinéas 4 ou 7 de l'article 12 bis de ladite Ordonnance. La même logique voudrait que leur soit appliqué l'article 5 du Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et d'obtenir un emploi. ». Cela constituerait la négation de toute politique d'immigration.

Aussi, l'application des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 au droit du mariage des étrangers en situation irrégulière est manifestement excessive au regard de la lettre et de l'esprit des principes constitutionnels qui n'interdisent pas de maîtriser l'immigration dès lors qu'aucune atteinte n'est portée à la dignité humaine.

Seule une loi constitutionnelle peut alors limiter les marges d'interprétation du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il est proposé de compléter le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 par une disposition qui réaffirme le droit à la dignité de toute personne étrangère présente sur le territoire national mais en subordonnant l'exercice de ses droits civils à la régularité de son séjour tout comme celui de ses droits économiques et sociaux.

Ces dispositions n'englobent pas, bien évidemment, les ressortissants communautaires qui ne sont pas des étrangers au sens de l'accord de Schengen. Il convient également de préciser que ce sont les droits du lieu de résidence qui s'appliquent, étant donné que ces droits ne sont pas les mêmes à Mayotte et en région parisienne par exemple.

Telle est la proposition de loi que je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La République garantit à tout étranger présent sur son territoire le respect de la dignité de la personne humaine. Elle reconnaît aux étrangers dont les conditions d'entrée et de séjour en France sont régulières les droits civils, économiques et sociaux des nationaux français de même résidence. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE

11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119621-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N°2748 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Jacques Myard précisant les conditions d'exercices des droits civils, économiques et sociaux des étrangers en France


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