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N° 3027

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2006.

PROPOSITION DE LOI

relative à la réglementation des sonneries de cloches
dans les départements d'
Alsace-Lorraine,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réglementation des sonneries de cloches dans les villes et villages est à l'origine de multiples conflits de voisinage et donne parfois lieu à des contentieux ayant une ampleur disproportionnée par rapport au problème. C'est vrai de manière générale en France et encore plus vrai dans les trois départements d'Alsace-Lorraine. Dans ceux-ci, le régime en vigueur ne correspond en effet plus aux réalités actuelles.

I - La réglementation générale des sonneries de cloches

L'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'État précise : « Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral. Le décret en Conseil d'État prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu ».

Le décret d'application prévu par la loi susvisée est le décret du 16 mars 1906. Trois de ses articles sont consacrés aux sonneries. - L'article 50 fait obligation de communiquer au président ou directeur de l'association cultuelle l'arrêté pris dans chaque commune par le maire à l'effet de régler l'usage des cloches tant pour les sonneries civiles que pour les sonneries religieuses. - L'article 51 précise que les cloches des édifices servant à l'exercice public du culte peuvent être employées aux sonneries civiles dans les cas de péril commun qui exigent un prompt secours. - L'article 52 précise qu'une clef de clocher est déposée entre les mains du président ou du directeur de l'association cultuelle, une autre entre les mains du maire qui ne peut en faire usage que pour les sonneries civiles mentionnées à l'article précédent et l'entretien des horloges publiques.

Bien que la législation soit claire, des contentieux sont régulièrement suscités par des riverains désireux de faire interdire les sonneries de cloches malgré l'avis des autorités civiles et religieuses et malgré le souhait de la majorité des habitants. Un arrêt du Conseil d'État (CE, Larcena ; 11 mai 1994) a clarifié la jurisprudence concernant les sonneries civiles. Il indique que le maire peut à bon droit maintenir la sonnerie des cloches « dès lors que cette pratique correspond à un usage local auquel les habitants de la commune sont attachés et malgré une interruption pendant plusieurs années ».

Récemment, la cour administrative d'appel de Douai a précisé cette jurisprudence (arrêt commune de Férin c/ époux Duavrant ; 26 mai 2005). La Cour a estimé que « si la pratique des sonneries civiles avait cessé lorsque les requérants de première instance ont acquis leur maison, ladite pratique a été rétablie, conformément au souhait d'une grande partie des habitants et avec l'accord du comité paroissial de la commune, après réparation du mécanisme de l'horloge installée dans le clocher de l'église ».

Enfin, un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Poitiers (Guinot c/ commune d'Ansac-sur-Vienne ; 7 avril 2005) a donné raison à un maire ayant rejeté la demande d'un requérant lequel exigeait la suppression de la sonnerie de la cloche de l'église le matin à huit heures. Le tribunal a relevé « que cette sonnerie correspond à l'angélus lequel a, par son origine, un caractère religieux... qu'il ne résulte pas de l'instruction, que dans les circonstances de l'espèce, cette sonnerie était de nature à troubler l'ordre public ».

La jurisprudence se réfère à l'article L. 2212-1 du CGCT pour admettre que dans des cas spécifiques, le préfet se substitue à une commune ou à l'ensemble des communes du département pour réglementer les sonneries de cloches. Cependant, le droit du préfet ne peut s'exercer à l'égard d'une commune qu'après une mise en demeure au maire resté sans résultat (article L. 2215-1 du CGCT).

II - Le régime en vigueur en Alsace-Lorraine

La loi de séparation des églises et de l'État du 9 décembre 1905 ne s'applique pas dans les trois départements d'Alsace-Lorraine. Pour ce qui est des sonneries religieuses, c'est donc l'article organique 48 de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes qui reste en vigueur. Il prévoit que « l'évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches. On ne pourra les sonner pour toute autre cause sans la permission de la police locale ».

En ce qui concerne les sonneries civiles, il n'existe aucune disposition législative expresse correspondant à l'article 27 de la loi de 1905. Dans ces conditions, il semble que la réglementation des sonneries civiles puisse trouver son fondement juridique dans l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, lequel prévoit que de manière générale « le maire est seul chargé de l'administration ».

Jusque récemment, les préfets des trois départements n'avaient pas cherché à imposer une réglementation départementale uniforme des sonneries de cloches. À l'instar des pratiques en usage dans le reste de la France, les éventuelles divergences locales relatives aux sonneries civiles et religieuses se réglaient donc au cas par cas. C'est encore l'usage en Alsace. Par contre en Moselle, une initiative intempestive du préfet est à l'origine de nombreuses difficultés.

1 - La réglementation édictée par le préfet de la Moselle

Sur la base de l'article organique 48 de la loi du 18 germinal an X, le préfet de la Moselle et l'Évêque de Metz ont signé le 29 août 1991, une nouvelle réglementation très restrictive. Ses trois premiers articles disposent notamment :

« Article 1er : La sonnerie des cloches demeure sous la responsabilité exclusive des ministres du culte et ne peut s'exercer que dans le but d'un service religieux. On ne pourra les sonner pour toute autre cause sans la permission de la police locale et du titulaire de la paroisse ».

« Article 2 : Dans les communes et annexes où les églises, les temples, les chapelles comportent une sonnerie des cloches, celle-ci sera arrêtée chaque jour à partir de 20 heures jusqu 'à 8 heures ».

« Article 3 : La sonnerie de l'horloge (apposée sur l'édifice cultuel ou sur un monument public) est soumise à la même réglementation partout où elle est une source de nuisance pour les habitants immédiats ».

Sur l'opportunité tout d'abord, on peut se demander si le préfet n'avait rien à faire de plus important que de s'immiscer dans la vie des communes et des paroisses pour réglementer les sonneries de cloches. Par ailleurs, cette réglementation s'étend de manière incitative aux sonneries civiles de cloches puisqu'il est fait référence à la sonnerie des horloges qu'elles soient dans les édifices cultuels ou sur des monuments publics (article 3). La loi du 18 germinal an X ne concernant que les sonneries religieuses, il y a une ingérence du préfet et a fortiori de l'évêque en la matière.

2 - La jurisprudence afférente à la réglementation du préfet de la Moselle

Il n'est donc pas surprenant que la réglementation préfectorale des sonneries de cloche en Moselle ait généré de nombreuses difficultés et serve de prétexte aux contestations de procéduriers de tout accabit. Le seul jugement définitif intervenu en la matière a été rendu par le tribunal administratif de Strasbourg le 11 juin 2004. L'affaire opposait la commune de Bliesbruck (Moselle) à un habitant (Marcel Navarro).

Celui-ci demandait de condamner la commune à lui verser 762,25 euros par infraction constatée au règlement départemental des cloches et 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice allégué. Le jugement a débouté le demandeur en retenant les considérants suivants :

- « Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le règlement de la sonnerie des cloches dans le département de la Moselle laisse, en tout état de cause, au maire le soin de définir, en relation avec le titulaire de la paroisse les heures de sonneries des cloches de l'église du village ; qu 'en outre si le maire tient de l'article L. 2542-3 applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin l'obligation de faire jouir les habitants de la tranquillité des rues, la sonnerie des cloches du village revêt le caractère d'un usage local qui n'est pas, faute pour le requérant, d'établir le caractère excessif du niveau sonore occasionné par le tintement des cloches, de nature à troubler l'ordre public, que, dès lors, le maire de la commune de Bliesbruck en autorisant la sonnerie, pendant la nuit, des cloches de l'église tous les quarts d'heures n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Bliesbruck »,

- « Considérant, d'autre part, que la sonnerie fonctionnait depuis de très longues années lorsque M. Navarro a fait l'acquisition de l'immeuble où il en perçoit les tintements ; que la gêne provenant du fonctionnement de cet ouvrage et qui, au surplus, n'entraîne pas un préjudice de caractère anormal et spécial, n'est dès lors pas de nature à lui ouvrir un droit à réparation ».

III - Conférer une compétence exclusive au maire et au desservant du culte

Partout en France, le caractère local des sonneries de cloches et la légitimité démocratique des élus municipaux justifient que le pouvoir de réglementation soit de la seule compétence du maire pour les sonneries civiles et conjointement du maire et de l'autorité religieuse pour les sonneries religieuses. Cela devrait exclure à la fois le principe d'une réglementation départementale laissée à l'arbitraire du préfet et un éventuel pouvoir d'appréciation en opportunité des tribunaux administratifs.

Partout en France et plus encore en Alsace-Lorraine, la réglementation applicable est en tout cas très compliquée. C'est ce que confirment les réponses ministérielles très détaillées aux questions écrites n° 21093 (JO Sénat du 29 décembre 2005) et n° 84120 (JO Assemblée nationale du 31 janvier 2006). Pour l'Alsace-Lorraine, la présente proposition de loi a donc pour but de donner une compétence exclusive aux autorités locales, c'est-à-dire conjointement au maire et au représentant du culte, pour les sonneries religieuses et au maire seul, pour les sonneries civiles.

· À cet effet, l'article 1 modifie la rédaction de l'article organique 48 de la loi du 18 germinal, an X qui régit l'organisation des cultes dans les trois départements. Il substitue le desservant de l'église communale à l'évêque et le maire au préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin. Il est en effet absurde d'imposer une réglementation départementale applicable aussi bien dans les grandes villes que dans les petites communes rurales.

· L'article 2 de la proposition de loi introduit dans la partie du code général des collectivités territoriales propre aux trois départements d'Alsace et de Moselle, le principe de la seule compétence du maire pour les sonneries civiles. Celui-ci réglementerait alors les sonneries des horloges apposées sur les bâtiments publics ou les édifices cultuels de la commune, après avis du desservant local du culte lorsqu'il s'agit d'un édifice cultuel.

· Enfin selon l'article 3, les dispositions des articles R. 1336-6 à R. 1336-10 du code de la santé publique relatifs aux bruits de voisinage ne s'appliqueraient pas aux sonneries de cloches des bâtiments publics ou des édifices cultuels de la commune.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La première phrase de l'article organique 48 de la loi relative à l'organisation des cultes du 18 germinal, an X, est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Les sonneries des cloches servant à l'exercice public du culte sont réglées par décision conjointe du maire et du desservant local du culte. En cas de désaccord, elles sont réglées par arrêté préfectoral. »

Article 2

Après l'article L. 2542-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2542-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 2542-3-1. - Il appartient au maire de déterminer l'horaire des sonneries des horloges apposées sur les bâtiments publics ou sur les édifices cultuels de la commune, après avis du desservant local du culte lorsqu'il s'agit d'un édifice cultuel. »

Article 3

Après l'article L. 2542-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2542-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2542-3-2. - Les dispositions des articles R. 1336-6 à R. 1336-10 du code de la santé publique relatifs aux bruits de voisinage ne s'appliquent pas aux sonneries de cloches ou de carillons des bâtiments publics ou des édifices cultuels de la commune. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121102-8
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N°3027 - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann relative à la réglementation des sonneries de cloches dans les départements d'Alsace-Lorraine


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