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N° 3108

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mai 2006.

PROPOSITION DE LOI
ORGANIQUE

visant à supprimer le cumul des mandats,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Christian BLANC

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La perte de confiance des Français dans leurs dirigeants politiques est une réalité que personne ne conteste. Ajoutée à des sondages concordants, la succession de scrutins électoraux sanctionnant brutalement les pouvoirs en place en atteste. Cette crise de la représentation affaiblit le pilotage de notre pays, au moment où il aurait besoin d'un sursaut. En 2007, revitaliser la démocratie sera donc un chantier prioritaire. Dès à présent, pour préparer ce chantier, il conviendrait de rendre impossible le cumul d'un mandat parlementaire avec des mandats locaux. La cascade d'élections - législatives, municipales et sénatoriales - prévue en 2007 est une occasion unique pour en finir avec ce qui fait de la France une exception au sein des démocraties européennes.

Le cumul des mandats est, en effet, à l'intersection de bien des maux de notre démocratie.

Le cumul de mandats transforme en norme ce qui est une exception partout ailleurs : des carrières politiques très longues. Un parlementaire français enchaîne en moyenne 20 ans de mandats divers. Un député battu ne retourne pas à la vie civile, mais se replie le plus souvent sur ses autres mandats, jusqu'à la prochaine alternance. La classe politique se coupe ainsi de la vie normale des citoyens, l'exercice de mandats électoraux devient un métier.

Le cumul permet à la classe politique de vivre en vase clos tant le renouvellement des élus en est ralenti. Il ne faut pas chercher ailleurs l'explication de la sous-représentation des jeunes ou de l'absence au Parlement de Français issus de l'immigration récente. Quant à la question de la parité, c'est une véritable caricature : en dépit de lois volontaristes, la France reste à la traîne des pays européens avec seulement 13 % de députés de sexe féminin. Comment en serait-il autrement quand les partis politiques donnent systématiquement la prime au sortant ?

Le cumul d'un mandat national avec des mandats locaux comporte un autre effet pervers. Dans l'impossibilité matérielle de remplir correctement ces deux missions très différentes, l'élu tend à privilégier ses actions locales. Difficile de l'en blâmer, car chacun sait que, dans le système actuel, les mandats locaux lui donnent une prise sur le réel beaucoup plus importante. C'est ici que se trouve la principale cause de l'affaiblissement du Parlement : les députés ne consacrent qu'une trop petite partie de leur temps au pilotage et au contrôle de l'État stratège.

Pire, les 80 % de parlementaires qui exercent également au moins un mandat local se retrouvent en position d'extrême faiblesse par rapport à la puissance de l'administration d'une part, et au contrôle des partis politiques d'autre part. Le plus souvent, ils débattent sur des projets de loi préparés essentiellement par l'administration, et ils appliquent les consignes de vote des partis qui accordent les investitures.

En conclusion, le cumul des mandats contribue grandement à la confiscation de la démocratie par un petit groupe qui tend à former une corporation dont la composition est de moins en moins en phase avec la diversité de la société française.

Pour résoudre la crise de la représentativité qui mine la politique française, d'autres réformes seront nécessaires, à commencer par une clarification des responsabilités respectives des différents niveaux territoriaux. Les questions relatives à la rémunération des élus, à la réduction du nombre de parlementaires, ou encore à la réinsertion des élus dans la vie civile après leur mandat devront également être abordées sans tabou. Mais la fin du cumul des mandats est un préalable qui ne peut attendre. Une telle réforme, en effet, n'entre en vigueur qu'après les élections qui la suivent.

La présente proposition de loi organique a donc pour objectif de répondre à cette urgence en appliquant les deux principes suivants aux députés et aux sénateurs :

- un mandat par élu ;

- pas plus de deux mandats successifs.

Élire en 2007 un Parlement qui respecte ces principes serait un signal fort envoyé au pays. Le signal qu'une révolution démocratique a commencé et que les parlementaires y consacrent leur énergie.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

Après l'article L.O. 128 du code électoral, il est inséré un article L.O. 128-1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 128-1. - Sont inéligibles les personnes qui ont exercé deux mandats successifs de député. »

Article 2

L'article L.O. 141 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. O. 141. - Le mandat de député est incompatible avec l'exercice d'un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal. »

Article 3

Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur, pour les députés, lors du prochain renouvellement de l'Assemblée nationale et, pour les sénateurs, lors des deux prochains.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121249-0
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3108 - Proposition de loi organique visant à supprimer le cumul des mandats (M. Christian Blanc)


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