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N° 3283

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer une unité disciplinaire d’insertion
pour les jeunes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jacques MYARD

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les violences urbaines auxquelles la France fait face depuis plusieurs années ont mis en évidence une crise d’intégration. Une faible minorité de jeunes des banlieues vivent en marge de la société, et développent même un mépris de la France qui s’exprime par une violence faite à l’autorité de l’État et aux fondements du pacte républicain.

Ce phénomène d’exclusion est très complexe et ne s’explique pas par une seule cause : la démission de certains parents de leurs responsabilités dans l’éducation de leurs enfants, l’absentéisme et l’échec scolaire qui en découle hypothèquent toute chance pour ces jeunes de trouver un emploi et de s’insérer par le travail. Cette marginalisation progressive d’une partie de la jeunesse crée une fracture au sein de la société, et parfois un repli communautariste fondé sur le mépris des valeurs républicaines, avec la violence comme moyen d’expression.

L’école a longtemps été le socle de l’intégration française. Or force est de reconnaître qu’elle n’est plus en mesure de remplir son rôle pour toute une frange de la jeunesse des quartiers difficiles. Les enseignants n’ont, par ailleurs, pas vocation à se substituer aux parents qui n’inculquent pas à leurs enfants les règles les plus élémentaires de la vie en société.

Or la vie en société ne peut se concevoir sans le respect du principe d’autorité qui permet à tout modèle social de fonctionner. La première incarnation du principe d’autorité se situe au sein des familles. C’est l’autorité parentale. Lorsque les parents n’assument pas leur devoir d’autorité parentale, l’autorité des maîtres à l’école en est d’autant plus affaiblie. Ce processus ne peut aboutir qu’à un rejet pur et simple de l’autorité de l’État, qui, lorsqu’elle est incarnée par la force publique, est perçue comme une agression systématique. C’est ainsi qu’un véritable climat d’affrontement s’installe dans nos banlieues, lorsque des jeunes prétendent s’approprier un quartier dans lequel les forces de l’ordre sont considérées comme des intruses. Il est rare qu’ils ne deviennent pas de multirécidivistes.

Or la prison n’est pas un remède pour ces jeunes qui ne peuvent en sortir qu’endurcis dans une délinquance plus violente, sans aucune perspective de réinsertion. Nombre de délinquants sortis de prison ressortent avec une aura réelle auprès des plus jeunes qui les suivent alors sur la voie de la délinquance. De surcroît, en prison, les jeunes délinquants font la rencontre des intégristes religieux, et se font embrigader.

L’ampleur des violences urbaines de ces derniers mois a montré un nombre insoupçonné de jeunes délinquants qui, bien que ne représentant qu’une minorité des habitants des quartiers défavorisés, ne peut aboutir qu’à une situation de guerre civile dans les années à venir si aucune réponse adaptée n’est apportée par les pouvoirs publics.

L’impunité systématique conduit quant à elle à une surenchère de la violence au mépris du droit des victimes. Si la prison n’est pas la solution pour ces jeunes délinquants, l’on ne peut accepter l’impunité systématique qui conduit à la surenchère de la violence au double mépris du droit des victimes et de l’ordre républicain. Dès lors il faut créer des structures nouvelles qui redonnent aux condamnations de la justice leur rôle légitime de sanction et de réinsertion.

La nécessité de placer les jeunes délinquants dans des centres éducatifs adaptés et fermés est connue depuis longtemps, dès lors que ces comportements ont pour origine un défaut d’éducation doublé d’un échec scolaire et d’une marginalisation confortée par la perspective du chômage. Toutefois, les structures existant aujourd’hui n’ont eu que des résultats limités, voire mitigés.

Les centres fermés définis par l’article 33 de l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante reposent sur un suivi individuel à la fois éducatif et psychologique, doublé d’une contrainte d’enfermement qui ne peut produire de résultats qu’avec l’adhésion du jeune au modèle éducatif proposé. Or cette idéologie angélique du consentement, qui impute tout échec à l’environnement du jeune en le déchargeant de ses responsabilités, ne fonctionne que pour certains types de personnalités capables de discerner leur intérêt à long terme et de légitimer l’autorité de l’éducateur. Dans la majorité des cas, seul un modèle ayant pour préalable et non pour finalité la contrainte visant le rétablissement du principe d’autorité peut produire des résultats.

La discipline d’un type militaire a depuis longtemps montré sa capacité d’intégration et de formation pour les jeunes les plus difficiles. Le service national a longtemps rempli ce rôle pour de nombreux jeunes quelle que soit leur origine. Le succès du modèle d’intégration militaire repose sur la conjonction de deux de ses principes les plus stricts que sont l’égalité face aux contraintes, et l’universalité d’une discipline qui s’impose tant au supérieur qu’au subordonné. La cohésion nécessaire à l’accomplissement de toute mission permet de gommer les inégalités sociales, légitimant le principe d’autorité sur l’expérience et le mérite.

L’opération « Défense deuxième chance » lancée récemment a pour but de recréer cette possibilité d’insertion par un apprentissage en milieu militaire disparu avec le service national. Toutefois, cette opération est fondée sur le volontariat, et ne peut se substituer à une peine de prison dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve. Elle s’adresse donc non à des jeunes délinquants, mais à des jeunes majeurs « en voie de marginalisation sociale » repérés au cours des JAPD.

En 1986, l’Amiral Brac de La Perrière avait lancé les Jeunes en Équipe de Travail destinés à accueillir pour des stages de quatre mois les mineurs délinquants dans des structures encadrées par des militaires, dans le cadre du placement dans un établissement spécialisé prévu par l’article 10 de l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. En plus de 15 ans d’existence, cette opération a permis d’accueillir plusieurs milliers de jeunes réputés parmi les plus difficiles, avec un bilan très positif. Toutefois, s’agissant de structures associatives ayant passé des conventions avec l’administration pénitentiaire et le Ministère de la défense, lequel leur mettait à disposition le personnel d’encadrement, les JET n’ont pas survécu à la professionnalisation des armées dans une période où les effectifs sont comptés pour des raisons budgétaires.

La présente proposition de loi a donc pour objet de créer sous la forme d’Unités disciplinaires d’insertion et d’éducation, une structure permettant l’éducation civique, la formation professionnelle, et la réinsertion des délinquants mineurs ou jeunes majeurs par le biais d’un encadrement et d’une discipline militaires.

Afin de ne pas en conditionner l’existence et les moyens par l’engagement de bénévoles et l’acceptation de l’administration, il convient d’écarter le modèle associatif pour privilégier le statut d’établissement public de l’État sous la tutelle du ministre de la Justice, (Article 1er).

Le placement d’office des jeunes délinquants se ferait sur décision de justice :

–soit dans le cadre du placement sous contrôle judiciaire pour les mineurs, (Article 2 – Section I).

–soit en substitution de la peine de prison dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve pour les mineurs, (Article 2 – Sections II et III) et les jeunes majeurs condamnés, (Article 3).

L’article 132-42 du code pénal fixe entre deux à trois ans les périodes de mise à l’épreuve, ce qui apparaît à la fois nécessaire et suffisant pour permettre une bonne réinsertion des intéressés. Quant au placement sous contrôle judiciaire des mineurs, l’article 10-2 de l’Ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante établit entre six mois et un an la durée du placement dans un centre éducatif fermé. Cet article ne permet le placement des mineurs de moins de seize ans que lorsque le délit qu’ils ont commis est passible de cinq ans d’emprisonnement, ou lorsqu’ils sont récidivistes.

Cette limitation du placement des moins de seize ans à des délinquants confirmés peut également s’appliquer aux Unités disciplinaires d’insertion, dans lequel ils suivraient un programme adapté à leur tranche d’âge.

Le but de l’Unité disciplinaire d’insertion est à la fois de placer les jeunes délinquants sous un régime strict pour éviter le sentiment d’impunité, de leur dispenser une formation citoyenne et une instruction civique, de leur permettre une remise à niveau scolaire et une formation professionnelle. Elle combine ainsi le rôle des centre éducatifs fermés et celui de l’opération Défense deuxième chance pour donner aux jeunes délinquants tous les socles nécessaires pour réussir leur réinsertion. L’Unité disciplinaire d’insertion serait ainsi le plus ambitieux programme de réinsertion des jeunes délinquants proposés jusqu’ici.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er : De l’unité disciplinaire d’insertion

Il est créé un établissement public de l’État placé sous la tutelle du ministre de la justice appelé Unité disciplinaire d’insertion ayant pour but l’éducation, la formation professionnelle et la réinsertion des jeunes délinquants condamnés pour des actes de violence, de dégradation et d’atteinte à l’ordre public.

L’Unité disciplinaire d’insertion :

–maintient les jeunes condamnés dans des centres fermés pour la durée de leur peine ;

–assure aux jeunes condamnés une remise à niveau scolaire et une éducation civique fondée sur le respect du pacte républicain et du principe d’autorité ;

–rétablit le principe d’autorité par une organisation et une discipline militaires. À cette fin les exercices physiques tiennent une place de choix dans le cursus de l’enseignement ;

–permet aux jeunes condamnés d’accéder à une formation professionnelle et faciliter leur recherche d’emploi à leur sortie.

L’Unité disciplinaire d’insertion peut développer toutes les actions de coopération avec des collectivités publiques, des entreprises, des organismes publics ou privés de formation ou intéressés à ce type d’action, notamment par voie de convention, sous réserve de leur compatibilité avec le régime des jeunes condamnés.

L’État pourvoit au budget de l’établissement. Il peut en outre recevoir :

–les subventions, avances, fonds de concours, dotations et participations des collectivités territoriales, des établissements publics, ou de toute autre personne morale ;

–les dons et legs ;

–les produits des activités de l’établissement ;

–les produits des contrats et conventions ;

les revenus des biens meubles et immeubles, fonds et valeurs ;

–les produits des aliénations ;

–le produit des emprunts ;

–les immeubles qui lui sont apportés en dotation.

L’Unité disciplinaire d’insertion est administrée par un conseil d’administration dont le président est un magistrat nommé par décret, comprenant trois représentants du Garde des Sceaux, trois représentants du ministre de la défense, trois représentants du ministre de l’intérieur, trois représentants du ministre chargé de la jeunesse et des sports, ainsi que trois personnes nommées en fonction de leur compétence. Elle est dirigée par un directeur général nommé par décret. Elle peut recruter des agents sous contrat et accueillir des agents publics par voie de détachement et de mise à disposition.

Les ministres présents au Conseil d’administration mettent à la disposition de l’établissement public des personnels compétents pour assurer l’encadrement des jeunes condamnés.

Article 2 : Les délinquants mineurs

Section I : contrôle judiciaire – L’article 10-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :

1° Après le 2° du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Effectuer une formation citoyenne et professionnelle dans une Unité disciplinaire d’insertion et d’éducation. » ;

2° Dans le cinquième alinéa du même II, après la référence « 2° », sont insérés les mots et la référence : « et au 3° » ;

3° Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’application du présent alinéa, le calcul de la peine encourue ne tient pas compte des dispositions du premier alinéa de l’article 20-2. » ;

4° Le deuxième alinéa du même III est ainsi modifié :

a) Dans la première phrase, après la référence : « 2° », sont insérés les mots et la référence : « et du 3° » ;

b) La seconde phrase est complété par les mots : « ou dans une Unité disciplinaire d’insertion ».

Section II : sursis avec mise à l’épreuve – Le premier alinéa de l’article 20-10 de la même ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle peut également décider de placer le mineur dans une Unité disciplinaire d’insertion et d’éducation. »

Section III : durée de placement en Unité disciplinaire d’insertion – La durée du séjour des délinquants mineurs dans une Unité disciplinaire d’insertion est fixée en fonction de la durée nécessaire à la formation, par le juge pour enfants, sous réserve des dispositions du sixième alinéa du II de l’article 10-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante dans le cas d’un placement sous contrôle judiciaire, et peut aller jusqu’à trois ans dans le cas d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Article 3 : Les jeunes majeurs

I. – L’article 132-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 20° Effectuer une formation citoyenne et professionnelle dans une Unité disciplinaire d’insertion et d’éducation. »

II. – La durée du séjour des jeunes délinquants majeurs est fixée en fonction de la durée nécessaire à la formation, par le tribunal correctionnel ou le juge d’application des peines, sous réserve des dispositions de l’article 132-42 du code pénal.

Article 4

Un décret en Conseil d’État définit les règles relatives à la discipline générale et aux sanctions s’appliquant aux jeunes condamnés au sein de l’Unité disciplinaire d’insertion.

Article 5

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121415-9
ISSN : 1240 – 8468

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7, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 00 33


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