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mis en distribution

le 4 décembre 2006


N° 3451

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur la panne d’électricité survenue le samedi 4 novembre 2006 en Europe, qui a privé de courant environ un foyer français sur dix, et sur la nécessité de réviser la politique énergétique en France et en Europe pour prendre les mesures préventives qui s’imposent,

Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Daniel PAUL, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS(,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le samedi 4 novembre 2006 vers 22 heures, quelque 10 millions d’Européens ont été plongés dans le noir une heure et demie durant. L’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, la Croatie, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal ont tour à tour été affectés. Selon des techniciens du secteur, cette panne aurait pu se transformer en black out total. Sur le territoire national, elle a touché près de 10 % de la population et 20 % du réseau. Ses conséquences s’en sont ressenties tant chez les usagers domestiques que dans certaines entreprises.

Sur le plan juridique, c’est une faille dans le principe de continuité, dont le Conseil d'État a pourtant souligné qu’il était l’un des trois principes constitutifs du service public. Cette notion renvoie à un impératif social ou stratégique qui suppose que l'activité soit continue.

Cet incident serait dû à une surtension sur le réseau allemand, qui aurait affecté, par ricochet, les réseaux européens fournissant de l’électricité à l’Allemagne. Cependant, les explications avancées à ce jour pour éclairer les circonstances de la panne varient selon les sources.

Selon le réseau de transport d’électricité allemand, EON Netz, les coupures en cascade pourraient avoir été provoquées par l’arrêt, pourtant programmé, d’une ligne à haute tension dans le nord-ouest du pays, pour permettre la circulation d’un bateau sur une rivière.

D’autres sources évoquent la chute brutale des températures et la hausse subite de la demande d’électricité.

Enfin, plusieurs instances mettent en cause le manque d’investissements et la gestion trop parcimonieuse des dépenses des entreprises énergétiques : la presse parle de défaillance du réseau de lignes à haute tension et la fédération allemande des consommateurs d’énergie a dénoncé « l’état déplorable du réseau ». Des responsables politiques allemands ont appelé les groupes énergétiques à investir davantage dans le réseau de transport.

Les incertitudes qui règnent autour des causes réelles de la panne et son ampleur justifient que soient précisées ses causes exactes.

Il convient également de s’interroger sur les capacités du réseau français à répondre à l’avenir à ce genre de problèmes.

Dans le cadre de l’interconnexion des réseaux électriques européens, les pays sont interdépendants. La solidarité de fait créée par le système d’interconnexion supposerait que l’équilibre entre l’offre et la demande se fasse non plus au niveau national, mais au niveau européen. Or, il semble qu’aujourd’hui, plusieurs États souffrent d’un déficit de capacités de production. Selon des organismes comme l’OCDE ou l’Observatoire européen de l’énergie, les besoins d’investissements sont chiffrés entre 700 et 1 000 milliards d’euros en Europe d’ici à 2030. Des incidents sur un réseau étranger, entraînant des répercussions sur le territoire national, ne peuvent donc être exclus. Il y a là un défi majeur pour notre pays et pour l’Union européenne.

Le secteur énergétique se caractérise de plus en plus par une gestion à flux tendus des capacités de production. Les pointes de consommation deviennent alors difficilement gérables.

Tous ces éléments, ainsi que les doutes sur la qualité du réseau de transport allemand soulevés par la panne du samedi 4 novembre, laissent craindre des ruptures d’approvisionnement dans certaines régions françaises.

Pour les députés communistes et républicains, à l’initiative de la présente demande de commission d’enquête, il faut s’assurer que les capacités de production en France sont suffisantes pour répondre aux besoins des populations, des entreprises et des administrations publiques.

Ce qui est en jeu, c’est, en effet, la capacité de notre pays à faire face à cette situation nouvelle d’interdépendance, constituant certes une possibilité d’entraide entre producteurs européens, mais pouvant également déstabiliser le réseau national.

Enfin, il est nécessaire de faire la lumière sur les conditions d’achat d’électricité par EDF lors de la panne du samedi 4 novembre.

En effet, RTE a souligné qu’au moment de la panne, la France était exportatrice d’électricité. Et pourtant, elle a dû cesser d’alimenter une grande partie de ses usagers. EDF a-t-elle été contrainte de recourir à l’achat d’électricité sur le marché spot pour faire face à la défaillance du réseau allemand ? Si c’est le cas, quel en a été le coût pour l’entreprise publique et les usagers français ?

Le processus de libéralisation du secteur énergétique, la course à la rentabilité financière immédiate alimentée par les privatisations et le système de gestion à flux tendu de l’électricité conduisent à rendre les producteurs d’électricité dépendants du marché spot. Ce système spéculatif introduit une incertitude dans la fixation du prix de l’électricité. Est-ce compatible avec les missions de service public que le secteur énergétique doit remplir ?

La panne du samedi 4 novembre n’est pas unique : elle s’inscrit dans la lignée des « incidents » qui, à la suite des séries de pannes du réseau californien, ont marqué le paysage électrique européen ces dernières années. Chacun se souvient des difficultés qu’ont connues nos voisins italiens. Tous ces dysfonctionnements se sont produits de façon concomitante avec le double processus d’ouverture à la concurrence et de privatisation du secteur énergétique. C’est pourquoi les initiateurs de cette proposition de résolution demandent qu’une étude la plus exhaustive possible évalue les conséquences du processus de déréglementation du secteur énergétique et la perte de maîtrise publique sur la mise en œuvre du service public au regard des exigences de prix abordables pour tous, de continuité de l’approvisionnement et de respect de l’environnement dans la sécurité et la fiabilité. Nous contestons le présupposé idéologique selon lequel le marché serait apte à organiser un secteur économique aussi vital et complexe que celui de l’énergie. La course à la rentabilité, dans l’intérêt égoïste de grands groupes privés ou de fonds financiers agressifs, nous apparaît incompatible avec une réponse cohérente et durable aux défis du secteur énergétique, à la gestion planifiée et concertée des capacités de production, à la recherche permanente du plus haut degré de sécurité sur les réseaux qui exige, sur le long terme, des investissements colossaux en recherche et en maintenance.

La question énergétique est trop sérieuse pour être laissée aux seuls « traders » et analystes financiers. C’est pourquoi, nous soumettons à l’approbation de l’Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la panne d’électricité du samedi 4 novembre 2006 en Europe qui a frappé environ un foyer français sur cinq et sur la nécessité de réorienter la politique énergétique en France et en Europe pour prendre les mesures préventives qui s’imposent.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’investiguer sur les circonstances et les causes de la coupure de courant qui a touché l’Europe et en particulier la France samedi 4 novembre 2006, ainsi que sur l’état du système de production et du réseau de transport national et les moyens à mettre en œuvre pour faire face à d’éventuelles nouvelles défaillances.

( constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.


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