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III.- UN SYSTÈME DE FINANCEMENT FAVORABLE À L'IMPÔT

A.- LA COMBINAISON DES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES ET DES CHOIX FINANCIERS

Tout d'abord, chaque collectivité est sujette à des contraintes spécifiques de richesse, en fonction notamment de ses bases fiscales. Ensuite, pour un niveau de dépenses donné, les collectivités territoriales sont tenues d'ajuster leur produit fiscal dans le respect du principe d'équilibre réel. Le niveau de la fiscalité dépend donc également du niveau des dotations versées par l'État. Enfin chaque collectivité locale a une stratégie financière propre, avec deux arbitrages classiques : entre fiscalité et tarifs d'abord, c'est-à-dire entre le contribuable et l'usager des services publics, entre autofinancement et emprunt, ensuite, à savoir entre fiscalité d'aujourd'hui et fiscalité de demain.

1.- Les inégalités de richesse entre collectivités

Les inégalités de pouvoir d'achat entre collectivités sont importantes, particulièrement entre les communes. En niveau, il convient de rappeler que le pouvoir d'achat de la commune la mieux dotée, avant écrêtement des fonds départementaux, représente 8 500 fois celui de la commune la moins bien pourvue en 2001. 1 % des communes les plus riches disposent de ressources potentielles, corrigées des charges, 44 fois plus élevées que les 1 % des communes les plus pauvres, soit 7 403 euros contre 168 euros par habitant. Les 10 % des communes les plus riches, regroupant 10,3 % de la population, bénéficient de 28,71 % du pouvoir d'achat. À l'opposé, les 10 % les plus pauvres disposent de 1,29 % du potentiel fiscal réels pour 3,25 % de la population40.

Or, comme l'a indiqué M. Alain Guengant, directeur de recherche au CNRS et Professeur à l'Université de Rennes 1, au cours de son audition le 8 mars dernier, « sur le rapport entre la richesse et la dépense, la réponse est claire : si certaines collectivités dépensent plus que d'autres, c'est d'abord et principalement parce qu'elles sont plus riches. Les travaux économétriques sur l'origine de la dépense communale, départementale et régionale ont montré que l'inégalité de la dépense par habitant tient pour les deux tiers à la richesse, le reste tenant aux différences de composition sociologique - à ce que l'on appelle les critères de charges et de besoin - et enfin aux choix politiques. Le comportement des collectivités s'apparente quelque peu à celui du consommateur : plus on a des revenus élevés, plus on consomme. »

Par ailleurs, M. Jacques Pélissard, président de l'AMF, au cours de l'audition du 3 mai dernier, a rappelé à juste titre que « l'inégale répartition des bases entre collectivités est aussi source d'augmentation de la pression fiscale : en effet, pour compenser l'insuffisance de leurs assiettes, certaines collectivités sont contraintes de voter des taux plus élevés. »

On constate en effet que le produit cumulé (tous niveaux de collectivités) des impôts locaux varie assez nettement selon les départements. L'écart est de 1 à 1,5 entre les 10 plus forts et les 10 plus faibles. Il s'explique à la fois par des différences de bases et des différences de taux. En matière de taux d'imposition, les écarts d'une région à l'autre ou d'un département à l'autre sont très inférieurs à ceux que l'on observe au sein du secteur communal.

S'agissant des taux d'imposition, la carte des taux cumulés de taxe professionnelle (figurant dans la note fournie par la DGCL reproduite dans le tome III du présent rapport) met en évidence une opposition assez marquée entre le nord et le sud. Les seuls écarts de taux de niveau départemental et régional n'expliquent qu'une faible part des écarts globaux, qui résultent essentiellement des écarts constatés au sein du secteur communal. Ces taux visent à compenser la relative faiblesse des bases de taxe professionnelle, dans des départements souvent peu industrialisés.

2.- Les conséquences du principe d'équilibre budgétaire

Comme l'a indiqué M. Robert Hertzog, Professeur à l'Université de Strasbourg 3, entendu le 8 mars 2005, « la première, et très bonne cause [d'augmentation de la fiscalité locale], découle de la règle de l'équilibre réel, qui oblige à couvrir les charges de fonctionnement, les frais financiers et les amortissements avec, comme seule ressource d'ajustement en section de fonctionnement, l'impôt direct. Il est excellent qu'il en soit ainsi et que les collectivités territoriales ne puissent pas, comme le fait l'État, emprunter pour payer du fonctionnement ou de la dette ! »

Le budget des collectivités territoriales est en effet encadré par l'existence d'une règle d'or qui les oblige à financer l'ensemble de leurs dépenses de fonctionnement par des recettes propres (fiscalité, transferts, produits d'exploitation et du domaine), et leur permet d'avoir recours à l'endettement uniquement pour financer les investissements. Elles ne peuvent donc emprunter pour couvrir, ni leurs dépenses de fonctionnement, ni le remboursement en capital des annuités d'emprunt.

Ne pouvant être financée par l'emprunt, une large partie des dépenses supplémentaires des collectivités territoriales est financée par les deux autres types de ressources : les transferts de l'Etat et les ressources fiscales. Dans ces conditions, la fiscalité locale est la variable d'ajustement utilisée par les collectivités pour boucler leurs budgets. Le taux de croissance du produit d'équilibre de la fiscalité dépend ainsi du taux d'augmentation des dépenses et de « l'effet de levier des dotations et autres recettes de fonctionnement », c'est-à-dire de l'écart entre les taux d'évolution des dépenses d'une part, des dotations et autres recettes d'autre part.

Indépendamment du débat sur le bon niveau de la dépense locale, l'augmentation du taux des impôts locaux pour ajuster les ressources locales au niveau des dépenses peut comporter des inconvénients. Elle a un effet pro-cyclique lorsque les collectivités décident de maintenir ou d'augmenter les taux d'imposition en période de moindre croissance et elle rend moins lisible les efforts de l'État pour faire baisser le niveau global des prélèvements obligatoires.

3.- L'effet de levier des dotations

Si les dotations et autres recettes courantes augmentent plus vite que les dépenses, l'effet de levier est négatif et réduit d'autant le produit fiscal requis par l'équilibre budgétaire. Dans le cas inverse, l'effet de levier est positif et requiert un surplus d'impôts pour assurer la couverture des dépenses.

« En schématisant, » a expliqué M. Dominique Hoorens, Directeur des études et de la documentation de Dexia Crédit Local, au cours de l'audition du 9 mars dernier, « on constate que, depuis vingt ans, les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté davantage que la croissance économique, tandis que les dotations de l'État augmentaient plus que l'inflation, mais moins que la croissance économique. Le décalage entre l'évolution des dépenses et des ressources a été compensé par la progression naturelle des bases, mais aussi par la hausse des taux. C'est un constat un peu mécanique. »

Entendu le 8 mars dernier par votre Commission d'enquête, M. Robert Hertzog, professeur à l'Université de Strasbourg 3, a dressé le même constat : « Le deuxième facteur [d'augmentation de la fiscalité] tient à l'évolution contrastée des dotations, qui traduit un certain décrochage par rapport aux charges réelles des collectivités territoriales - « un certain », ai-je dit, dans la mesure où les modifications constantes du régime des dotations ne permettent pas d'en apprécier exactement l'évolution à périmètre et bénéficiaires constants. Quoi qu'il en soit, le phénomène est avéré. On disait à une certaine époque que la DGF devait à peu près couvrir les dépenses de personnel ; nous en sommes loin... Force est de compenser avec les ressources fiscales. »

Depuis 1996, l'organisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'inscrit dans une démarche contractuelle, qui a pris initialement la forme d'un pacte de stabilité financière, puis, à compter de 1999, d'un contrat de croissance et de solidarité. Une large partie des transferts versés par l'État aux collectivités territoriales (43,3 milliards d'euros en 2004 sur un effort total de l'État de 60,2 milliards d'euros) est encadré par ce contrat de croissance qui repose sur la définition d'une enveloppe normée regroupant les dotations faisant l'obligation d'une indexation spécifique. Cette enveloppe évolue chaque année selon un taux de progression annuel déterminé par l'application d'indices macroéconomiques.

Il convient de souligner que les règles d'indexation du contrat de croissance sont plus avantageuses pour les collectivités territoriales que ne l'étaient celles du pacte de stabilité qui l'a précédé. En effet, alors que le pacte de stabilité garantissait une évolution des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales fondée exclusivement sur l'indice prévisionnel des prix hors tabac, le contrats de croissance et de solidarité tient également compte de l'évolution annuelle du PIB, à hauteur d'un tiers depuis 2001. Ainsi, en dépit des restrictions imposées aux finances de l'État dans un contexte budgétaire difficile, l'indexation actuelle du contrat de croissance est-elle moins contraignante que la norme que s'est imposée l'État en matière d'évolution de la dépense publique, à savoir « 0 % d'évolution en volume ». Ce ne sont donc pas les dotations qui n'augmentent pas assez, mais les dépenses locales qui augmentent trop.

4.- L'arbitrage des collectivités territoriales en faveur de l'autofinancement

M. Michel Klopfer, consultant, a rappelé, au cours de l'audition du 15 mars dernier, la règle d'or qui doit théoriquement régir l'arbitrage entre fiscalité et emprunt : « face à investissement additionnel, l'emprunt est préférable si la hausse de fiscalité à laquelle il faudra procéder pour payer l'annuité est moins élevée que si l'on y avait procédé au départ. Si la croissance des bases fiscales excède le taux d'intérêt, il est donc préférable d'emprunter ; sinon il vaut mieux jouer sur la fiscalité. » « Cependant, » a-t-il poursuivi, « les collectivités ne suivent pas toujours cette logique : en 1990, elles privilégiaient l'emprunt alors que les taux d'intérêt dépassaient l'inflation de sept points ; en 1998, elles privilégiaient la fiscalité alors que les taux d'intérêt ne dépassaient plus l'inflation que de deux points et que les bases avaient augmenté grâce au dynamisme économique. »

« L'arbitrage des collectivités territoriales en faveur de l'autofinancement et la réduction de leur demande d'emprunt ont également pesé sur les taux de fiscalité », a estimé M. Alain Guengant, au cours de l'audition du 8 mars dernier. « Aux débuts de la décentralisation, 60 % de l'investissement local était couvert par l'emprunt ; nous n'en sommes plus aujourd'hui qu'à 30 ou 35 %. La diminution, considérable, de la part de l'emprunt en tant que mode de financement des investissements a été intégralement compensée par une hausse de l'autofinancement, autrement dit de l'épargne nette des collectivités, et non par les concours de l'État aux investissements qui sont restés proportionnellement constants. » Dans une note écrite adressée à votre Commission et reproduite dans le tome III du présent rapport, le Professeur Alain Guengant indique que « sur la période 1979-2003, 73,62 % de l'augmentation du produit des impôts locaux acquittés par les contribuables, hors impôts transférés, proviennent de la hausse des dépenses de fonctionnement. Les dépenses d'investissement autofinancé représentent la seconde source de croissance à hauteur de 30,90 %, dont 10,61 % induits par les remboursements d'emprunts, 2,94 % par les frais financiers et 17,35 % par l'épargne nette. »

Pour M. Philippe Laurent, entendu le 15 mars dernier en tant que président directeur général du cabinet Philippe Laurent Consultants, ce phénomène serait dû à l'« amélioration remarquable de la qualité et de l'autorité de la fonction financière dans l'administration publique territoriale. » « Les agents territoriaux spécialisés dans les finances sont devenus très compétents, détiennent un savoir-faire et une expérience, pèsent auprès des élus mais ont une tendance peut-être excessive à la prudence », a expliqué M. Philippe Laurent. « La fonction financière agit comme un frein. Ainsi, un accroissement des dépenses est généralement équilibré par une augmentation de la pression fiscale plutôt que par une diminution de la capacité d'épargne. La fonction financière semble guidée par un principe qui s'énoncerait de la façon suivante : « la bonne gestion, c'est une épargne importante ». Nous ne sommes pas certains qu'il s'agisse d'une vérité absolue. (...) Il faut dire que les élus locaux éprouvent une réticence générale à voir leur capacité d'épargne se dégrader ; c'est à partir de cet indicateur qu'ils mesurent la santé financière de leur collectivité. En effet, en matière de gestion publique locale, l'emprunt a mauvaise presse depuis les affaires d'Angoulême et de Briançon mais aussi en raison du poids de la dette de l'État. Le recours à des ratios et des analyses fondés sur un unique critère peut toutefois induire certains biais dans la compréhension de la situation financière d'une collectivité territoriale : il conduit à une prudence excessive, qui risque de perdurer et de poser problème en entraînant une hausse continue de la fiscalité locale. »

Or, comme l'écrit M. Michel Klopfer41 : « la dette est loin d'être un mal absolu, et toute collectivité doit faire appel à l'emprunt pour financer une partie de ses investissements », sachant qu'« une collectivité qui arriverait à payer cash tout nouvel investissement pourrait légitimement être accusée de sur-fiscalisation ». Il conclut donc que « ce n'est pas la dette qui est mal, c'est l'excès de dette lorsque la capacité de désendettement (nombre d'années d'épargne brute nécessaire pour amortir le stock de dette) est trop importante », ce qui n'est le cas actuellement, sauf exceptions, ni pour les départements, ni pour les régions.

B.- L'IMPÔT LOCAL INDOLORE... POUR LES COLLECTIVITÉS

La liberté de taux donnée aux élus locaux doit permettre aux collectivités de lier le montant des impôts qu'elles prélèvent à celui des prestations qu'elles offrent. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales repose donc sur la responsabilité des élus locaux devant les contribuables-électeurs quant à leurs choix financiers. En théorie, on peut espérer de ce phénomène une double concurrence bénéfique entre collectivités, favorisant à la fois une amélioration de la qualité des prestations et une baisse des taux. Or, malgré les correctifs récents, ce mécanisme vertueux est encore faussé par certaines caractéristiques du système fiscal local qui peuvent inciter les collectivités à pratiquer des taux d'imposition supérieurs à l'optimum. Des documents complémentaires figurent en page 97 du tome III du présent rapport.

1.- L'État contributeur à la fiscalité locale et la dégradation du lien fiscal

a) Faute d'une réforme de l'assiette, les crises à répétition de la fiscalité locale ont été désamorcées grâce à une accumulation d'allègements financés par l'État

Le manque de pertinence de l'assiette des impôts locaux et les dysfonctionnements économiques et sociaux engendrés par les quatre taxes existantes ont été maintes fois soulignés. Cependant, face à l'impuissance des pouvoirs publics à promouvoir une réforme des bases en raison des transferts de charge qu'elle était susceptible d'entraîner, la réponse a consisté à multiplier les allégements compensés par le budget national. Les pouvoirs publics ont donc choisi de procéder à une réforme « masquée » de la fiscalité locale, selon les termes employés par le Professeur Alain Guengant au cours de l'audition du 8 mars dernier, « masquée, en ce sens que l'évolution des taxes locales s'est opérée non par une réforme des assiettes, mais à coup de dégrèvements législatifs : plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu, plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée. Ces deux dégrèvements accordés par l'État ont contribué à réformer les deux taxes en profondeur. »

Depuis le début de la décentralisation, l'État s'est donc engagé dans une politique de « ravaudages successifs » de la fiscalité locale le conduisant à participer de façon croissance à son financement par le biais des allègements de cotisations accordés à certains contribuables sous la forme soit d'exonérations de bases, soit de dégrèvements législatifs.

Ce mouvement s'est accéléré entre 1999 et 2000. Les lois de finances pour 1999 et 2000 ont supprimé la taxe additionnelle régionale et abaissé le tarif applicable aux droits de mutation sur les immeubles d'habitation ou professionnels. La première loi de finances rectificative pour 2000 a supprimé la part régionale de la taxe d'habitation et modifié le régime des dégrèvements jusqu'alors en vigueur en refondant quatre mécanismes de dégrèvement législatif en un seul dispositif de plafonnement en fonction du revenu. Les bénéficiaires des anciens dispositifs de dégrèvement sont, à situation de revenu inchangée, dégrevés dans des conditions plus favorables qu'avec les dispositifs qui étaient antérieurement en vigueur. Depuis le 1er décembre 2000, la vignette a été supprimée pour les particuliers et les associations. Enfin, la loi de finances pour 1999 a prévu la suppression progressive de la fraction imposable des salaires comprise dans l'assiette de la taxe professionnelle.

En matière de taxe professionnelle, l'État se substitue de façon massive aux contribuables par le biais des dégrèvements de taxe professionnelle. Ceux-ci ont progressé de 13 % entre 1995 et 2003 en dépit de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. Ils représentent pour l'État une dépense très peu maîtrisable. Ainsi, en 2003, l'État s'est substitué aux entreprises pour 7,4 milliards d'euros de cotisations, dont 6,2 milliards d'euros, soit 84 %, au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Ces dégrèvements représentent 31,5 % du produit voté. Si l'on ajoute les compensations perçues par les collectivités territoriales et que l'on déduit ses recettes annexes (cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée, frais de gestion, de dégrèvement et de non-valeurs, cotisation nationale de péréquation), l'État prend en réalité en charge 38,5 % des recettes de taxe professionnelle.

Au total, le coût budgétaire de la taxe professionnelle a doublé entre 1995 et 2003, passant de 6 932 millions d'euros à 13 783 millions d'euros. La fiche n° 13 du « rapport Fouquet », L'État contributeur, reproduite en annexe, en page 101 du tome III, analyse en détail l'évolution de ce coût.

En matière de taxe d'habitation, la part prise en charge par l'État représente 29,5 % du total de la taxe en 2002. En prenant en compte les dégrèvements et les compensations, l'État prend à sa charge près de 4 milliards d'euros sur un produit total de 13,5 milliards d'euros. Les dégrèvements de taxe d'habitation ont fortement progressé à partir de 2000 en raison notamment des nouvelles modalités de calcul du plafonnement de la taxe en fonction du revenu se substituant aux divers dégrèvements partiels de la taxe afférente à l'habitation principale. Le montant de ces dégrèvements (hors admissions en non-valeur) est passé de 1 323 millions d'euros en 1999 à 2 356 millions en 2003.

Les deux taxes foncières voient également l'État intervenir mais dans une proportion beaucoup plus modeste. En 2002, l'État ne prend en charge que 4,9 % des recettes de taxes foncières. Deux tableaux, l'un retraçant les contributions versées par l'État au titre des quatre taxes directes locales, l'autre la charge pour l'État des compensations et dégrèvements législatifs par taxe et nature de l'allégement fiscal correspondant figurent dans le tome III du présent rapport, en pages 97 et suivantes.

Comme l'a indiqué M. Philippe Laurent, au cours de l'audition du 15 mars dernier, « dès lors que l'accord est unanime pour dénoncer l'injustice et le défaut de pertinence des bases locales, il n'est pas illogique que la fiscalité nationale introduise un minimum d'équité en rendant les cotisations plus conformes aux capacités contributives des redevables. » Cependant, cette substitution croissante de l'État au contribuable local induit de nombreux effets pervers et notamment un affaiblissement du lien fiscal et une érosion de l'autonomie financière des collectivités.

b) Conséquences : l'affaiblissement du lien fiscal, des augmentations de taux opportunistes et l'érosion de l'autonomie financière

· La détérioration du lien fiscal

Différentes règles relatives au calcul de la cotisation de taxe professionnelle et de taxe d'habitation viennent restreindre l'impact réel du taux voté par les collectivités sur les contribuables, biaisant ainsi les conditions de la concurrence fiscale.

En matière de taxe professionnelle, le principe d'un plafonnement de la cotisation en fonction de la valeur ajoutée remonte à la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 qui disposait que la taxe professionnelle acquittée par une entreprise ne pourrait excéder un pourcentage de sa valeur ajoutée. Initialement fixé à 8 %, le plafond créé en 1979 a été réduit à plusieurs reprises pour atteindre 3,5 % en 1991. La loi de finances pour 1996 a assorti ce plafond d'un plancher en instituant une cotisation minimale pour les grandes entreprises, cotisation initialement fixée à 0,35 % de la valeur ajoutée, puis relevée progressivement jusqu'à 1,5 % à compter de 2001. « Conçu au départ comme un palliatif dans l'attente d'une réforme, cet encadrement de la taxe a progressivement débouché sur la création d'une assiette autonome, dont l'importance n'a cessé de croître pour atteindre en 2003 près de 52 % du produit de la taxe professionnelle nette. 42 »

La taxe professionnelle est ainsi devenue un impôt dual, apparemment local, mais en réalité souvent national lorsque l'assiette valeur ajoutée se substitue aux assiettes classiques. À titre d'exemple, les entreprises assujetties à la cotisation minimale (0,6 % des entreprises pour 13,7 % de la taxe professionnelle nette) sont indifférentes à toute augmentation des taux votée par les collectivités territoriales, tant que leur cotisation, calculée selon les règles classiques, ne dépasse pas 1,5 % de leur valeur ajoutée.

Aux effets de l'encadrement de la cotisation par la valeur ajoutée, il convient d'ajouter ceux des mécanismes de péréquation qui entraînent également une déconnexion entre les cotisations acquittées par les entreprises et le produit perçu par les collectivités. À titre d'exemple, le mécanisme de la cotisation de péréquation, due par les redevables dont les établissements imposables à la taxe professionnelle sont situés dans des communes où le taux global de taxe professionnelle de l'année d'imposition est inférieur au taux global moyen constaté l'année précédente au niveau national et qui vise à réduire les écarts de taux entre collectivités territoriales conduit à calculer une cotisation qui ne dépend plus seulement des taux votés par les collectivités.

De la même façon, si la cotisation normale de taxe d'habitation correspond à un impôt local, « suite à un ensemble de mesures votées depuis une quinzaine d'années, le redevable de la taxe d'habitation peut soit en être exonéré ou dégrevé totalement en raison notamment de la faiblesse de son revenu, soit voir sa cotisation plafonnée en fonction du niveau de son revenu et du nombre de parts de son quotient familial. Dans tous ces cas, la taxe d'habitation s'apparente à un impôt national. Son assiette, en cas de plafonnement, n'a plus aucun lien avec le logement mais est constituée par le revenu du contribuable. Son taux (ou son non-paiement) est déconnecté de tout choix fiscal local et dépend uniquement de décisions législatives à portée nationale43. »

Les conditions d'une concurrence fiscale vertueuse ne sont donc plus réunies. Ainsi que l'indique le sénateur Yves Fréville dans son rapport précité sur la taxe d'habitation, « le contribuable dégrevé n'a plus intérêt à fuir les communes surimposées en votant avec les pieds. Il a sans doute au contraire intérêt à s'y déplacer pour bénéficier de services locaux développés... financés par l'État ! »

· Les allègements d'impôts pris en charge par l'État ont pu encourager les collectivités opportunistes à augmenter les taux d'imposition mais des mécanismes ont été introduits afin de contrer ce phénomène

« On peut également se demander, » a estimé le professeur Alain Guengant, le 8 mars dernier, « (...) si les allégements d'impôts de l'État n'ont pas eux-mêmes contribué à stimuler les hausses des taux d'imposition. Même s'ils n'apparaissent pas dans leurs budgets, les élus savent fort bien que les dégrèvements réduiront l'impact de l'impôt concerné sur les contribuables. »

La technique du dégrèvement législatif comporte en effet un risque de déresponsabilisation des élus et d'aggravation de la dépense publique dans la mesure où l'Etat se substitue en totalité au contribuable local dégrevé, « hors la vue » des collectivités territoriales pour lesquelles la perte de recettes est nulle. Ainsi que l'a expliqué M. Robert Hertzog, le 8 mars 2005, « l'État verse 100 là où l'on a voté 100 alors que les contribuables n'ont payé que 70. Des élus locaux peuvent ainsi se dire : quand on augmente les impôts, on augmente la part versée par l'État au profit de la collectivité. » Les dégrèvements ont pu entraîner de tels comportements « opportunistes » de la part des collectivités territoriales.

Cependant, comme l'a expliqué M. Gilles Carrez, président du Comité des finances locales, le 8 juin 2005 : « on a coutume de dire que plus une collectivité augmente son taux, plus le contribuable national vole au secours du contribuable local. Cela a été vrai, mais ce ne l'est plus aujourd'hui, la mise en place des mécanismes de dégrèvement et [de compensations d'exonérations] s'étant progressivement accompagnée de l'introduction du principe dit du « gel des taux ». »

Un premier moyen permettant d'éviter de récompenser les collectivités territoriales qui augmentent le plus leurs taux consiste à transformer les dégrèvements en exonérations calculées sur la base de taux gelés. Ce fut le cas, comme l'a rappelé M. Gilles Carrez au cours de l'audition précitée, des actuelles exonérations de taxe d'habitation, qui étaient des dégrèvements jusqu'en 1992 : « depuis cette époque, l'État verse aux collectivités territoriales une compensation, mais seulement à hauteur des taux pratiqués dans lesdites collectivités en 1991. Autrement dit, si le nombre d'allocataires de l'AAH augmente dans une commune, l'assiette va évidemment augmenter, et en temps réel ; en revanche, le niveau de compensation par l'État ne sera multiplié que par le taux de 1991. »

Intégralement compensé par l'État, le plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, principal dégrèvement en matière de taxe professionnelle, a pu encourager des collectivités opportunistes à augmenter leurs taux, dans la mesure où ces augmentations n'étaient pas ressenties par les entreprises. Confronté à une très forte progression des montants mis à la charge du contribuable national au titre de ce dégrèvement, dont le coût avait décuplé en valeur entre 1988 et 1995, le législateur a, par la loi de finances pour 1996, prévu que le calcul du dégrèvement serait dorénavant effectué soit sur la base du taux en vigueur en 1995, soit par référence au taux de l'année, s'il est inférieur. Ce mécanisme fait ainsi supporter aux entreprises, et non plus à l'État, les hausses de taux décidées par les collectivités territoriales.

De la même façon, depuis 2001, le calcul du dégrèvement au titre du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu s'effectue sur la base du taux global en vigueur en 2000 : le montant du dégrèvement est donc réduit d'un montant égal au produit de la base nette imposable par l'augmentation du taux global de taxe d'habitation depuis 2000. Il s'agit d'un ticket modérateur au bénéfice de l'Etat dont le coût est supporté par le contribuable dégrevé. Toutefois, le dégrèvement étant calculé sur la base du taux global de 2000, c'est-à-dire, le taux voté en 2000, toutes collectivités confondues, si, par exemple, le département baisse son taux, la commune pourra en profiter pour augmenter le sien, sans conséquence pour le contribuable dégrevé, ainsi que le souligne M. Yves Fréville dans son rapport précité sur la taxe d'habitation.

Par ailleurs, comme l'a souligné le Professeur Alain Guengant, au cours de l'audition précitée, il est apparu que « (...) certaines collectivités opportunistes avaient délibérément supprimé des abattements facultatifs [de taxe d'habitation] pour augmenter spectaculairement le produit de la taxe en sachant pertinemment que (pour plus de la moitié de ces contribuables) ces augmentations se répercuteraient non sur les contribuables, mais intégralement sur le budget de l'État » par le biais du plafonnement de la cotisation en fonction du revenu.

« Bon nombre de villes avaient eu tendance à créer ce type d'abattement, espérant alléger, par ce biais, leur taxe d'habitation. » a expliqué M. Gilles Carrez, au cours de l'audition du 8 juin dernier. « Mais le système s'étant généralisé, elles se sont finalement rendu compte qu'à diminuer ainsi leur taxe d'habitation, elles faisaient moins jouer le mécanisme de prise en charge par l'État. Aussi certaines villes ont-elles fait marche arrière depuis quelques années et supprimé leurs abattements généraux (...). L'abattement étant supprimé, le montant de taxe d'habitation augmente ; mais sitôt qu'il dépasse 4,3 % du revenu, il est pris en charge par le contribuable national... »

Le problème posé par ces comportements opportunistes a été réglé par un amendement du sénateur Yves Fréville. Comme l'a rappelé M. Gilles Carrez, « l'amendement proposé par le sénateur Yves Fréville et adopté en loi de finances 2003 a (...) gelé la situation, en prévoyant que le dégrèvement serait calculé en prenant en compte les abattements tels qu'ils existaient en 2003. Autrement dit, la suppression d'un abattement général par une commune ne profitera pas à ses contribuables dès lors que la décision est postérieure à 2003. »

« Autre illustration de ce souci de maîtrise, la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, intervenue en 2000. En l'espèce, c'est un autre mécanisme qui a joué puisque non seulement l'assiette, mais également les taux ont été gelés à leur niveau de 2000. Ainsi figé, le produit est désormais indexé comme la dotation globale de fonctionnement. Nous sommes dans une mécanique pure de compensation et non plus de dégrèvement », a relevé M. Gilles Carrez au cours de la même audition.

LES ALLÈGEMENTS DE TAXE D'HABITATION COMPENSÉS PAR L'ÉTAT

NATURE DE L'ALLÈGEMENT

BÉNÉFICIAIRES DE L'ALLÈGEMENT

PARTICIPATION DE L'ÉTAT ET ÉVENTUELS TICKETS MODÉRATEURS

Exonération totale (article 21 de la LFI 1992)

Sont exonérés, s'ils sont de condition modeste :

- les plus de 60 ans ou veufs ou infirmes ou invalides ou titulaires de AAH

- les titulaires de l'allocation spéciale du FSV

Ces exonérations étaient des dégrèvements jusqu'en 1992. L'Etat verse aux collectivités une compensation égale au produit des bases exonérées de l'année précédente par le taux de TH de 1991 ou le taux de l'année précédente s'il est inférieur => La collectivité territoriale supporte donc un ticket modérateur proportionnel à l'augmentation de son taux de TH depuis 1991 mais la compensation est revalorisée chaque année à hauteur de la croissance des bases exonérées.

Suppression de la part régionale : elle a pris la forme d'un dégrèvement pour tous les contribuables en 2000, puis d'une compensation à partir de 2001

Tous les redevables de la TH

Compensation égale au produit des rôles généraux de taxe d'habitation émis au profit de chaque région en 2000 et revalorisé comme la DGF à compter de 2002. Compensation intégrée dans la DGF régionale en 2004. Ce mécanisme de compensation est différent de celui mis en place pour compenser les exonérations de TH, les bases étant définitivement figées.

Dégrèvement total

- titulaires du RMI

- foyers d'hébergement collectif

Prise en charge intégrale par l'Etat : aucun ticket modérateur

Plafonnement en fonction du revenu (article 1414 A CGI) : dégrèvement partiel, égal à la fraction de cotisation de TH qui excède 4,3 % du revenu de référence, diminué d'un abattement dont le montant varie selon la taille du foyer fiscal

Contribuables de condition modeste, dont le revenu fiscal ne dépasse pas 16 567 euros majoré de 3 871 euros pour la première demi-part et de 3 045 euros pour chacune des suivantes

- depuis 2001, « gel des taux » : calcul du dégrèvement sur la base du taux global de 2000 : il s'agit d'un ticket modérateur au bénéfice de l'Etat mais son coût est supporté non pas par les collectivités mais par le contribuable dégrevé : le montant du dégrèvement partiel est en effet réduit d'un montant égal au produit de la base nette imposable par l'augmentation du taux global de TH depuis 2000

- à compter de 2003,  « gel des abattements » : lorsque les collectivités suppriment un ou plusieurs abattements en vigueur en 2003 ou réduisent le taux d'un ou plusieurs abattements en vigueur en 2003, le dégrèvement est calculé en prenant en compte les abattements de 2003. Ce mécanisme est destiné à éviter que la suppression des abattements ou la baisse de leur taux engendre un accroissement du montant des dégrèvements alloués au titre du plafonnement. En effet, compte tenu du fait que plus les abattements locaux étaient élevés, plus les bases nettes des contribuables étaient réduites, moins le montant du dégrèvement d'État était élevé, certaines collectivités « opportunistes » avaient mis en œuvre une politique de suppression des abattements facultatifs à la base pour en reporter la charge sur l'État.

Le tableau qui précède montre qu'« il n'y a plus, en matière de taxe d'habitation, qu'un seul système totalement « pur », pour lequel on peut vraiment parler de dégrèvement intégral - assiette réelle multipliée par le taux réel : celui qui s'applique aux RMIstes et aux personnes logées en foyer d'hébergement collectif », ainsi que l'a expliqué M. Gilles Carrez, le même jour.

En dépit de ces mécanismes de « gel des taux », « l'accumulation du passé a créé des distorsions géographiques considérables » dans la répartition de la participation de l'Etat au financement des taxes locales, comme l'a rappelé le président du Comité des finances locales.

Le rapport du sénateur Yves Fréville sur la taxe d'habitation a montré que la part de l'imposition globale de taxe d'habitation prise en charge par l'État est très inégale d'un département à un autre. Ces disparités dans la répartition spatiale de la participation de l'État au financement de la taxe d'habitation reflètent les conséquences de l'évolution passée. Le « rapport Fréville » montre que le niveau de la participation de l'État dépend fortement du montant moyen des ressources de taxe d'habitation : « Si les collectivités locales ne votent qu'un faible montant de taxe d'habitation, leurs contribuables à l'évidence ne seront pas dégrevés partiellement et le montant des allègements totaux sera faible ! ». Il en déduit que les dégrèvements législatifs de taxe d'habitation s'apparentent à une « subvention implicite de l'État au profit des collectivités locales les plus imposées ».

L'un des tableaux tirés de ce rapport d'information et reproduit dans le tome III du présent rapport met en évidence que « ce sont, plus surprenant, le Nord de la France, notamment le Nord et le Pas-de-Calais, et tout le pourtour méditerranéen qui bénéficient de la prise en charge la plus élevée de la taxe d'habitation par le contribuable national. » a relevé M. Gilles Carrez. « Le tableau détaille, en francs par habitant, les montants par département [de la part de l'imposition globale de taxe d'habitation prise en charge par l'État]. À un extrême, on trouve les Alpes-Maritimes, dont la taxe d'habitation totale, dégrèvements compris, est de 1 781 francs par habitant, dont 619 francs, soit 34,7 %, sont pris en charge par le contribuable national ; à l'autre extrême, en Lozère, les ressources totales provenant de la taxe d'habitation ne représentent que 535 francs par habitant dont 138 francs, soit 25,7 %, en dégrèvements... Sachant que ces dégrèvements sont censés compenser les disparités de revenus, faut-il en déduire qu'un habitant des Alpes-Maritimes est en moyenne trois ou quatre fois plus pauvre qu'un Lozérien ? Explication absurde... »

· L'érosion de l'autonomie financière des collectivités territoriales

Ainsi que l'a rappelé Alain Guengant lors de l'audition précitée, « d'exonération en exonération, les collectivités subissent une érosion de leur autonomie fiscale en termes de champ d'application du vote des taux, les bases se rétrécissant d'autant, mais également en termes « d'effet bases », la politique fiscale des collectivités produisant de moins en moins d'effet de retour à mesure que leur fiscalité propre devient de plus en plus réduite. »

« Le pourcentage des recettes fiscales prises en charge par l'État au titre des quatre taxes, en 2003, atteignait près de 35 %. Ce chiffre montre que le système est vraiment à bout de souffle et complètement perverti », a estimé M. Jacques Pélissard, au cours de l'audition du 3 mai dernier. « Pour les collectivités, cela se traduit non seulement par un manque à gagner mais aussi par une diminution de leur capacité réelle à maîtriser leurs ressources. En 2000, une étude de l'AMF sur l'autonomie financière des collectivités avait souligné une nette dégradation en la matière : avant les dernières mesures d'allégement de la fiscalité locale, particulièrement la suppression de la part salaires de la TP par M. Dominique Strauss-Kahn, une hausse de 10,2 % des taux d'imposition d'une commune lui permettait d'augmenter les recettes des communes de 5 % ; désormais, pour parvenir à une même augmentation de 5 %, une augmentation de la fiscalité de 12 % est nécessaire. Pour obtenir un même produit, les taux doivent donc être augmentés davantage. »

Afin d'enrayer ce processus d'érosion de l'autonomie financière locale, qui a atteint une ampleur sans précédent avec la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, la majorité actuelle a engagé la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003. Désormais, le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution garantit, sous le contrôle du juge constitutionnel, que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. ». Comme l'a indiqué, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, au cours du son audition le 15 juin dernier, « la réforme constitutionnelle de 2003 nous interdit les coupes franches dans les impôts locaux telles qu'elles ont pu être pratiquées par le passé (...). Le principe de l'autonomie financière protège les budgets locaux de toute suppression brutale d'impôt qui ne serait pas remplacée par des impositions de toutes natures. »

2.- La superposition du pouvoir de vote des taux sur une même assiette

La fiscalité locale, tout particulièrement la fiscalité directe locale, est aujourd'hui caractérisée par une situation d'empilement : chacun des trois niveaux de collectivités (communes, départements et régions) perçoit l'impôt sur l'assiette de chacune des quatre taxes directes. À ces trois niveaux, il convient d'ajouter l'intervention des EPCI, celle des chambres consulaires et celle de l'État, par l'intermédiaire des dégrèvements qu'il prend en charge et des cotisations qu'il perçoit (cotisation minimale par exemple).

Il convient de noter que la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation fait exception à ce constat, de même que l'extension progressive de la taxe professionnelle unique qui tend à priver le niveau communal de cet impôt.

Cet empilement tend à brouiller, aux yeux du contribuable, les responsabilités de chaque échelon dans la hausse de la pression fiscale globale, et favoriser des augmentations dont la responsabilité sera diluée. Il peut ainsi s'avérer difficile pour une collectivité de mener une politique de taux, puisque les arbitrages qu'elle rend peuvent être annulés par les choix des autres collectivités : un effort de modération des taux décidée par une collectivité peut être masquée du fait des augmentation décidées par une autre.

En outre, si, prise individuellement, chaque augmentation décidée par chacun de ces acteurs ne représente pas une charge fiscale importante, ce que la plupart des régions n'ont pas manqué de mettre en avant pour justifier l'explosion des taux en 2005, « ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières » et le cumul peut se révéler lourd à supporter pour le contribuable.

L'empilement actuel des taux peut ainsi être la source d'une « illusion fiscale » : les contribuables n'ayant en général la vision que de l'échelon territorial dont ils sont les plus proches, en l'occurrence la commune, ils ont donc tendance à reporter principalement sur ce niveau leur réaction à une augmentation globale des taux. Les échelons supérieurs pourraient alors être tentés de se comporter en « passagers clandestins ». Comme l'a rappelé le président de l'AMF au cours de l'audition du 3 mai dernier, « (...) les communes sont en prise directe avec leurs habitants, et c'est le maire que les contribuables peuvent interpeller lorsqu'une hausse d'impôt globale est constatée sur la feuille d'impôts. C'est le maire qu'ils vont trouver, qu'ils interrogent et sur lequel ils peuvent faire peser le plus fortement leur irritation. »

Plus globalement, l'analyse économique montre que le principe de superposition du pouvoir de vote des taux sur une même assiette peut entraîner un phénomène de concurrence verticale entre les différents niveaux de collectivités, qui tend à pousser les taux à la hausse. Du fait de la multiplicité des décideurs, les économistes montrent que chaque niveau de collectivité peut être tenté de préempter la marge politiquement admissible d'augmentation des taux afin d'éviter que ce soient les niveaux concurrents qui le fassent. En effet, les gains financiers sont concentrés sur le niveau de collectivité qui décide l'augmentation de taux, alors que les coûts politiques sont répartis sur l'ensemble des bénéficiaires du produit de la taxe, du fait de l'opacité du système aux yeux des contribuables. Le coût politique d'une augmentation de taux peut également être reporté sur l'un des échelons qui n'est en rien responsable de l'augmentation des taux.

En 2005, c'est sur l'État que les régions ont choisi de faire porter la responsabilité des augmentations des taux, alors même que, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, ce dernier œuvre à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages et de la vie des entreprises, en réduisant ses propres prélèvements obligatoires, tout en prenant à sa charge une part croissante de la fiscalité locale, ne serait-ce que par le jeu du dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux. En outre, comme l'a précisé M. Philippe Laurent, au cours de l'audition précitée, « afin que la fiscalité locale ait un impact positif et significatif sur le pouvoir d'achat, il faudrait consentir des baisses de taux extrêmement importantes, la masse considérée étant nettement plus faible que celle de la fiscalité nationale - impôt sur le revenu et surtout TVA. Or peu de collectivités peuvent se permettre une baisse d'une telle ampleur de leurs ressources fiscales. » M. Philippe Laurent a donc souligné que « le coût politique des hausses fiscales, pour un élu local, n'est pas aussi élevé que ce que l'on peut penser. »

3.- Des interdépendances qui conduisent à une fiscalité excessive

Certaines études montrent que les vertus de la concurrence horizontale, censée permettre une stabilisation du taux d'imposition à son niveau optimal, peuvent être annulées par des comportements mimétiques entre collectivités d'un même niveau. En effet, les collectivités sont tentées d'aligner leurs taux d'imposition sur ceux des collectivités voisines, induisant un phénomène d'entente qui peut se traduire dans certaines zones par une taxation supérieure à la taxation optimale.

Une étude de Feld, Josselin et Rocaboy (2002) 44 a montré l'existence de tels comportements mimétiques dans le cas des 22 régions de métropole sur la période 1986-1998. D'après leurs résultats, les taux d'imposition locaux sont significativement et positivement influencés par ceux des régions voisines. La taxe professionnelle serait l'impôt régional suscitant le plus de mimétisme. Une augmentation de 1 point du taux de taxe professionnelle des collectivités voisines d'une région donnée se traduirait par une augmentation de 0,225 point du taux de cette même taxe dans cette même région à court terme, et de 0,6 point à long terme. Ainsi, ces résultats tendraient à révéler le caractère de complémentarité stratégique des taux d'impôts régionaux qui s'expliquerait par l'existence d'une compétition politique dans la mesure où les taux régionaux français convergent à la hausse sur la période étudiée.

IV.- DES CONSÉQUENCES SOUS-ESTIMÉES

A.- L'IMPACT TRÈS CIBLÉ DE LA FISCALITÉ LOCALE SUR LES MÉNAGES

La fiscalité locale est parfois dénoncée comme une charge dont le poids va croissant, au point de grever lourdement le budget des ménages. Chaque année, lorsque les collectivités territoriales votent le taux de leurs impôts, la presse se fait écho, comme M. Pascal Perrineau dans la Lettre du cadre territorial n°192 du 15 mars 2005, de « l'agacement des français vis-à-vis de la pression fiscale directe et indirecte ». Les chiffres issus de la comptabilité nationale conduisent, dans un premier temps, à relativiser l'impact de la fiscalité locale sur le pouvoir d'achat des ménages. En effet, les transferts et versements des collectivités territoriales et les allègements d'impôts locaux décidés par l'État atténuent sensiblement leur poids global. Cependant, ces derniers allègements ont aussi pour conséquence de concentrer l'impact de la fiscalité locale sur certaines catégories de ménages. C'est cette concentration qui explique le mieux le ressenti d'un prélèvement local excessif sur les ménages.

1.- Un impact malaisé à mesurer

a) Les impôts payés par les ménages aux collectivités territoriales ne représentent qu'une faible part des prélèvements obligatoires

D'après les comptes de la Nation en 2003, la part des impôts revenant aux administrations publiques locales représente 11,7 % du total des prélèvements obligatoires et 5,1 % du PIB. En ordre de grandeur, leur poids est proche du tiers des impôts d'État et, si l'on tient compte des cotisations sociales, il est inférieur au quart des prélèvements obligatoires revenant aux organismes de sécurité sociale.

RÉPARTITION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PAR TYPE DE PRÉLÈVEMENT EN 2003

En Mds€

En % du total

En % du PIB

État et ODAC

256,4

37,6

16,5

Administrations de sécurité sociale

339,6

49,8

21,8

Collectivités locales

79,7

11,7

5,1

Union européenne

6,8

1

0,4

Total des prélèvements obligatoires

682,6

100

43,8

Source : rapport sur les prélèvements obligatoires 2005

Pour 2004, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ont perçu, au titre des quatre taxes directes locales, un montant total de 53,5 milliards d'euros.

PRODUIT VOTÉ DES QUATRE TAXES DIRECTES LOCALES POUR L'ANNÉE 2004

(En millions d'euros)

Communes

Groupements

Départements

Régions

Total

Taxe d'habitation

8 342

284

3 884

0

12 510

Taxe sur le foncier bâti

10 295

365

4 652

1 155

16 467

Taxe sur le foncier non bâti

783

86

40

10

919

Taxe professionnelle

4 601

10 174

6 864

1 990

23 629

Total

24 021

10 909

15 440

3 155

53 525

Ces produits intègrent les dégrèvements de fiscalité locale mais pas les compensations

Source : DGCL

Cependant, outre les « quatre vieilles », les collectivités territoriales perçoivent une multitude de taxes indirectes qui, globalement, représentent des montants significatifs : pour les régions, il s'agit essentiellement de la taxe sur les cartes grises - estimée à 1,379 milliard d'euros en 2004, pour les départements, des droits de mutation à titre onéreux - 4,2 milliards estimés en 2004 - et de la taxe sur l'électricité - 1,1 milliard d'euros en 2003, et pour les communes et les groupements, de la TEOM - environ 4 milliards d'euros en 2004.

Il est donc nécessaire de recourir à un agrégat plus large que la fiscalité directe locale : les prélèvements obligatoires à destination des administrations publiques locales, en isolant au sein de ceux-ci, les impôts payés par les ménages. Ce chiffre peut ensuite être rapporté au revenu disponible brut des ménages (RDB), lequel représente la part du revenu primaire restant à la disposition des ménages résidents pour la consommation et l'épargne. La relative stabilité de ce ratio sur longue période - les prélèvements représentant entre 2 et 2,5% du revenu disponible brut des ménages - témoigne d'une croissance à peu près parallèle du revenu des ménages et des prélèvements obligatoires qu'ils versent aux collectivités territoriales.

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PAYÉS PAR LES MÉNAGES AUX
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RAPPORTÉS AU REVENU DISPONIBLE BRUT

Mds€

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

A. PO

18

19,6

20,3

21,7

21,8

23

20,9

20,1

20,3

21,5

22,6

B. RDB

720,2

737,8

772,7

787,6

810,9

839,2

866,7

907,3

951,3

991,8

1.015

Ratio A/B

2,5%

2,7%

2,6%

2,8%

2,7%

2,7%

2,4%

2,2%

2,1%

2,2%

2,2%

Source : DGTPE

Le tableau qui précède reflète, sur le plan macroéconomique, l'incidence significative de la politique d'allègements fiscaux conduite depuis quelques années. L'année 1999 marque un décrochement, le poids des impôts ménages s'établissant autour de 2,1 à 2,2 % de leur revenu disponible brut à partir de 2000, alors qu'il oscillait entre 2,5 % et 2,8 % jusqu'en 1998. Tel est le résultat de plusieurs mesures prises dans les lois de finances 1999, 2000 et 2001 : réduction des droits de mutation à titre onéreux (suppression de la taxe additionnelle régionale, réduction de la part départementale), suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression de la vignette automobile. Leur contrepartie, comme on l'a vu, est naturellement la réduction de la marge d'autonomie des collectivités.

Plus que les données agrégées, le montant de la fiscalité locale exprimé en euros par habitant donnent une indication plus concrète de son poids dans le budget des ménages.

LES IMPÔTS ET TAXES EN EUROS PAR HABITANT HORS COMPENSATIONS FISCALES (COMPENSATIONS 4 TAXES, VIGNETTE, DMTO)

2001

2002

2003

2004

État

4 068

3 991

3 985

Nd

Régions

83

84

83

85

Départements

318

330

351

447

EPCI à fiscalité propre

225

237

Nd

Nd

Communes

536

550

569

588

Source : DGCL

La répartition des impôts locaux entre les collectivités territoriales est donc extrêmement inégale, les communes percevant près de la moitié du produit total des taxes locales, les départements plus du quart et les régions seulement 6 %, sur la base des chiffres de 2002.

De plus, il convient de préciser que la forte hausse des recettes fiscales des départements en 2004 est liée au transfert d'une fraction de la TIPP par la loi de finances pour 2004, désormais considérée comme une ressource propre de ceux-ci et donc intégrés dans le produit de la fiscalité départementale. M. Dominique Schmitt est donc fondé à souligner que « la compensation des derniers transferts de compétences par des transferts d'impôts aura évidemment pour effet de faire de nouveau augmenter la part relative des APUL au détriment de celle de l'État ». Cependant, ces transferts ont aussi pour conséquence de fausser l'analyse du poids de la fiscalité locale sur les ménages. Doit-on en effet considérer que celui-ci s'est aggravé du seul fait du transfert d'une fraction du produit d'un impôt de l'État aux départements, alors que pour les ménages, ce transfert n'a aucune conséquence autre que juridique et comptable ? Les frontières sont d'autant plus brouillées que les départements n'ont pas la maîtrise du taux de TIPP dont elles reçoivent une fraction.

b) La charge pesant sur le contribuable national augmente en raison de la multiplication des allègements décidés par l'État et compensés aux collectivités territoriales

L'analyse du poids de la fiscalité locale est également faussée par l'intervention croissante de l'État dans la fiscalité locale. En effet, ainsi que l'a rappelé M. Dominique Schmitt, « la part des APUL a diminué à la suite des allégements fiscaux de la période 1999-2003, l'État ayant compensé par des dotations les pertes qui en étaient résultées pour les collectivités ».

Tandis qu'il allégeait la fiscalité des entreprises en supprimant la part salaire de la taxe professionnelle, le législateur a, comme on l'a vu, adopté une série d'exonérations et de dégrèvements au bénéfice des ménages, quand il ne supprimait pas purement et simplement des impôts ménages : vignette ou parts régionales de la taxe d'habitation et des droits de mutation à titres onéreux. Ces mesures, tout en allégeant la charge pesant sur le contribuable ménage, ont un coût élevé, supporté par le contribuable national par l'intermédiaire des dotations de compensation versées par l'État.

M. Dominique Schmitt a situé le niveau de l'enjeu financier : « la prise en charge de la fiscalité locale par le contribuable national s'est élevée en 2003 à 25,2 milliards d'euros, dont 11,4 milliards au titre des dégrèvements, 3,7 milliards au titre des compensations et 9,9 milliards au titre des allégements fiscaux ». S'agissant de la taxe d'habitation, le rapport du sénateur Yves Fréville relève que « la participation de l'État, hors compensation de la suppression de la part régionale, est passée de 1,1 milliard d'euros en 1991 à près de 3,7 milliards d'euros en 2002 », le montant de la compensation au titre de la part régionale s'élevant à 977 millions d'euros à la même date, soit un coût total de 4 667 millions d'euros.

En d'autres termes, l'impact de la fiscalité locale sur les ménages est de plus en plus partagé entre le contribuable national et le contribuable local. Ainsi que l'a déclaré M. Jacques Pélissard, « les interventions de l'État dans la fiscalité locale aboutissent ainsi à une détérioration du lien fiscal entre les collectivités et les contribuables locaux puisque l'État, et donc le contribuable national, est devenu le premier contribuable de la fiscalité locale ». Cependant, s'il est possible de connaître le montant global des compensations, il est impossible, du fait du principe d'universalité budgétaire, d'identifier la part spécifique qui pèse sur les ménages au niveau national. Il est seulement possible d'affirmer que celle-ci est en constante augmentation.

Enfin, si l'État est massivement intervenu, n'est-ce pas, ainsi que l'a noté Mme Marie-Christine Lepetit, « parce que les quatre vieilles ont atteint un niveau d'imposition qui, dans bon nombre de cas de figure, outrepasse ce que l'on peut considérer comme étant le niveau adéquat ». De fait, remarquant que cette intervention a eu pour conséquence de soulager les contribuables locaux d'une part substantielle du poids de la fiscalité locale, M. Pierre Méhaignerie s'est ainsi demandé : « sans cette prise en charge, n'y aurait-il pas eu une révolte des contribuables, ou à tout le moins une pression des contribuables locaux sur leurs élus ? ». L'intervention de l'État pourrait avoir eu pour conséquence une moindre sensibilité des contribuables-électeurs aux décisions de leurs élus en matière de fiscalité locale.

c) L'impact des transferts et des prestations versées par les collectivités territoriales sur le pouvoir d'achat des ménages

· Le poids des transferts et des prestations versés aux ménages par les collectivités territoriales atténue l'impact de la fiscalité locale sur leur pouvoir d'achat

L'analyse de l'impact de la fiscalité locale sur le pouvoir d'achat des ménages ne peut ignorer le fait qu'une large part des impôts payés par les ménages leur revient sous la forme de transferts ou de prestations. La fiscalité locale a, en effet, comme la fiscalité nationale, une dimension redistributive qu'il faut prendre en compte, ainsi que le montre le tableau suivant :

graphique

Source : DGTPE

L'impact de ces transferts représente donc en moyenne sur la période 1 % du revenu disponible brut des ménages. On peut cependant observer, à partir de 2001, une augmentation très forte du ratio qui, de 0,8 % passe à plus de 1,5 %. Cette hausse s'explique par la création de l'APA et par le transfert du RMI aux départements en 2004 ; l'augmentation de la fiscalité départementale s'est accompagnée d'une augmentation du niveau des transferts aux ménages.

Le tableau suivant récapitule le détail des transferts et prestations sociales des collectivités territoriales vers les ménages.

En milliards d'euros

2004

Prestations sociales

APA

2,8

RMI

5,4

Autres

6

Transferts divers

2

Total

16,2

Source : DGTPE

Cependant, l'analyse est une nouvelle fois faussée par le fait que ces transferts et versements ne sont pas constitués exclusivement du produit de la fiscalité départementale mais également, pour une part variable, des dotations versées par l'État.

· La fiscalité locale a également un effet redistributif indirect

Pour évaluer l'impact de la fiscalité locale sur le pouvoir d'achat des ménages, ainsi que l'a rappelé M. Philippe Laurent, « il convient de prendre en considération les effets redistributifs indirects de la fiscalité locale. Par exemple, en permettant le financement de places de crèche, la fiscalité locale entraîne une redistribution des ressources entre les contribuables âgés, propriétaires, redevables de l'impôt foncier et de la taxe d'habitation, et les familles d'âge actif. » Ainsi, pour reprendre cet exemple, parce que les communes financent des places de crèches, les jeunes parents - ou certains d'entre eux - n'ont pas à payer une garde individuelle à domicile nécessairement plus coûteuse.

C'est pourquoi l'analyse de l'impact de la fiscalité locale sur le pouvoir d'achat des ménages doit également prendre en compte les services que ceux-ci obtiennent en échange de leurs impôts. Or, ainsi qu'il a été dit lors des auditions, eu égard aux difficultés qu'une telle étude susciterait, aucune n'existe qui mette en parallèle hausse de la fiscalité et services rendus aux contribuables. Cependant, la seule lecture des rapports de présentation des budgets 2005 montre qu'une partie au moins des recettes supplémentaires provenant de la hausse de la fiscalité a servi à financer des dépenses nouvelles d'intervention et d'investissement dont les contribuables locaux sont les premiers bénéficiaires.

En conséquence, du point de vue macroéconomique, la mise en évidence des conséquences de l'évolution la fiscalité locale sur le pouvoir d'achat des ménages se heurte à de nombreux obstacles. Ils tiennent tant à sa faible part dans les prélèvements obligatoires qu'à l'importance des allègements, des transferts et des prestations venant en contrepartie.

2.- Un prélèvement très inégalement réparti entre les ménages

Cependant, la question se pose de savoir comment relier ce constat d'une stagnation, voire d'une diminution au niveau macroéconomique du poids des impôts ménages avec l'évidence d'une hausse continue des taux de fiscalité, dont l'impact devrait nécessairement se faire sentir sur les ménages. Une première réponse tient dans la prise en charge par l'État d'une part croissante de la fiscalité fiscale. Une seconde repose sur la répartition très inégale de cette charge entre les contribuables locaux.

a) Les inégalités géographiques en matière de fiscalité locale

En application du principe d'autonomie des collectivités territoriales, celles-ci votent librement le taux de leurs taxes, sous la seule contrainte des règles de liaison et des plafonds. En conséquence, le poids de la fiscalité locale varie considérablement selon les collectivités territoriales, reflet de leurs choix en matière de dépenses et de recettes, et, avec lui, l'impact sur le pouvoir d'achat des ménages.

Quelques exemples suffisent à illustrer la variété des situations individuelles. S'agissant des régions, pour l'année 2004, le produit par habitant de la taxe sur le foncier bâti s'échelonne de 9,43 euros en Corse à 30,73 euros par habitant en Haute Normandie, pour une moyenne hors Île de France de 20,52 euros. S'agissant des départements, le produit par habitant de la taxe d'habitation s'échelonne de 38,5 euros dans le Nord à 126,5 euros par habitant en Corse du sud, pour une moyenne hors Paris de 66,2 euros. Pour la taxe sur le foncier bâti, l'écart se situe entre 47,6 euros par habitants dans le Nord à 160,8 euros dans les Alpes de Haute Provence.

Or, comme le remarque le sénateur Yves Fréville dans son rapport précité, « la taxe d'habitation (et le cas échéant la taxe foncière) est un élément du choix d'un logement plus ou moins grand ou différemment situé pour tout contribuable qui souhaite en changer à l'intérieur d'une même ville, soit aller habiter dans une autre commune (dans la même agglomération ou dans une autre) ». La fiscalité locale a donc un impact sur la localisation des ménages qui se manifeste de deux façons :

- d'une part, sur la décision d'emménager dans une commune plutôt que dans une autre située dans une même zone géographique. En effet, un ménage privilégie sans doute, toutes choses égales par ailleurs, la commune dans laquelle les impôts locaux sont les plus bas ;

- d'autre part, sur la décision - ou même parfois l'obligation - de quitter une commune qui relèverait fortement ses taux de fiscalité. L'exemple type de cette situation est la ville d'Angoulême dans les années 90. Selon M. Jean Mardikian, maire-adjoint d'Angoulême : « la politique somptuaire de Jean-Michel Boucheron a provoqué une montée en flèche des taxes foncières et professionnelle qui avait chassé la population d'Angoulême vers la périphérie »45 .

En d'autres termes, le niveau de la fiscalité locale joue à la fois sur la décision d'aménager mais également de déménager. Cependant, cet effet n'est apparemment significatif qu'entre les communes, et non entre les départements ou les régions. Il est en effet peu probable qu'un ménage décide de quitter son département ou sa région dans une perspective d'optimisation fiscale, en raison de contraintes d'emploi et de famille évidentes, mais aussi du fait que la fiscalité départementale et régionale pèse d'un poids moindre que la fiscalité communale.

b) La multiplication des dégrèvements et des exonérations a abouti à concentrer l'impact de la fiscalité locale sur certaines catégories de ménages

L'analyse macro-économique des prélèvements obligatoires payés par les ménages à destination des collectivités territoriales est insuffisante en ce qu'elle est faussée par la multiplication des exonérations et des dégrèvements ciblés. Une stagnation, voire une baisse globale peut masquer de fortes variations au profit ou au détriment de certaines catégories particulières de ménages, sans oublier la charge transférée sur le contribuable national.

La taxe sur le foncier non bâti, concentrée sur les agriculteurs, ne pèse plus que très marginalement sur les ménages. Dès lors, ne restent comme impôts ménages significatifs que la taxe foncière et la taxe d'habitation. Or, ces deux impôts se caractérisent, en particulier la taxe d'habitation, par une multiplicité d'exonérations et de dégrèvements. En matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, les exonérations et les dégrèvements sont les suivants :

- l'article 1390 du code général des impôts exonère les titulaires de l'allocation supplémentaire versée par le fonds de solidarité vieillesse ou le fonds spécial d'invalidité ;

- l'article 1391 du même code exonère les redevables âgés de plus de 75 ans au 1er janvier de l'année d'imposition dont les revenus de l'année précédente n'excèdent pas 7 286 euros pour la première part du quotient familial, majorée de 1 946 euros pour chaque demi-part supplémentaire ;

- les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés dont les revenus de l'année n'excèdent pas la même limite sont exonérés en application de l'instruction fiscale 6 C-93.

De plus, lorsqu'ils ne sont pas exonérés, les redevables âgés de plus de 65 ans au 1er janvier de l'année d'imposition dont les revenus de l'année précédente n'excèdent pas la limite précitée bénéficient d'un dégrèvement de 100 euros de la taxe afférente à leur habitation principale.

En conséquence, le montant de la taxe payée par les contribuables locaux diminue sous certaines conditions de revenus et non en fonction de leur habitation.

Cependant, les allègements touchant le foncier bâti sont, somme toute, d'une portée limitée lorsqu'on les compare à ceux affectant la taxe d'habitation. Dans son rapport d'information sur la taxe d'habitation, le sénateur Yves Fréville a montré que le montant des exonérations et des dégrèvements dont bénéficient les contribuables locaux, sous condition de revenus, est tel que « la moitié de ceux-ci ne paient plus ou ne paient que partiellement la taxe d'habitation ».

En effet, « la taxe d'habitation suit un processus que » M. Dominique Hoorens « qualifie de « nationalisation progressive », qui procède de deux mécanismes, surtout palpables depuis une dizaine d'années. Premièrement, l'État supprime des bases en instaurant des exonérations et en versant des compensations aux collectivités. Deuxièmement, il se substitue au contribuable local en plafonnant la taxe d'habitation en fonction du revenu et en accordant des dégrèvements ».

De plus, ainsi que l'a souligné M. Alain Guengant au cours de son audition du 8 mars 2005, « le dispositif de plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu date de 1999. Le taux administratif a été fixé à 4,6 % ; en réalité, la taxe d'habitation est aujourd'hui plafonnée à 3,4 % du revenu du foyer fiscal, mais seulement pour les contribuables en dessous d'un certain seuil. Ce plafond est assorti d'un abattement forfaitaire, ce qui entraîne un effet de progressivité de la taxe d'habitation en fonction du revenu des contribuables. Pour la première fois, nous avons un impôt local progressif sur le revenu - non pas de jure, mais de facto -, et ce jusqu'au seuil de 3,4 % ». Cependant, une fois ce constat fait, « se pose le problème des contribuables qui franchissent ce seuil, s'exposant très probablement à un effet de ressaut très important. Ensuite, la taxe d'habitation continue à décroître en proportion du revenu. De ce fait, les contribuables les plus taxés sont ceux qui se situent au niveau du seuil, autrement dit les catégories moyennes-médianes et non plus les catégories les plus pauvres comme dans l'ancien système. Dans les villes, compte tenu du fait que plus de 50 % des contribuables sont plafonnés, le fameux « électeur médian » se retrouve à bénéficier du plafond ». Et M. Alain Guengant de conclure : « pour l'heure, la taxe d'habitation est devenue un impôt dual : pour une partie des contribuables, c'est un impôt sur le revenu, national, à taux progressif ; pour l'autre partie, c'est un impôt local assis sur des valeurs locatives dont vous connaissez comme moi l'origine. La question se pose d'ailleurs de la compatibilité de ce système dual avec le principe de l'égalité des contribuables devant l'impôt ».

Par ailleurs, outre les catégories moyennes-médianes ainsi évoquées, M. Philippe Laurent a identifié une autre catégorie de ménages sur laquelle l'impact de l'évolution de la fiscalité locale est significatif : celle des jeunes retraités propriétaires « qui subissent une baisse de revenu importante mais conservent leur logement, voient la pression fiscale progresser en permanence et ont en outre perdu le bénéfice de l'abattement sur la taxe d'habitation. En proportion de leur revenu, ces contribuables ont subi une croissance très forte de la fiscalité locale ».

En effet, ainsi que l'a observé M. Alain Guengant, « la taxe foncière sur les propriétés bâties, seul pilier intact de la fiscalité locale, se retrouve subir les hausses de taux les plus élevés ; ils augmentent en moyenne deux fois plus vite que les taux de taxe d'habitation et de taxe professionnelle ». Non seulement cette taxe n'a pas été aussi atteinte par les dégrèvements et les exonérations que la taxe d'habitation, mais elle touche une catégorie de contribuables, les propriétaires, que certaines collectivités territoriales ont fait le choix de ne pas ménager, au contraire des locataires redevables de la taxe d'habitation. Ainsi que l'a déclaré le 19 avril à Montpellier M. Michel Gaudy : « dans la région - je suis aussi conseiller régional - le taux du foncier bâti a augmenté et, pour ce qui concerne la taxe d'habitation, le département de l'Hérault n'en a pas réduit le taux mais a introduit un abattement à la base pour charges de famille, qui se fait sur la valeur locative moyenne, si bien que la charge fiscale a diminué pour certaines catégories de la population et légèrement augmenté pour d'autres. J'appartiens à une famille politique que vous connaissez, et nous avons pensé que c'était faire œuvre d'une plus grande justice fiscale ».

Le parti pris de faire peser l'essentiel de la hausse de la fiscalité locale sur les propriétaires est assumé par M. Georges Frêche : « ayant décidé de n'augmenter ni la taxe sur les permis de conduire pour ne pas taxer les jeunes, ni les impôts touchant les locataires, ni le foncier non bâti en raison de la crise viticole, nous avons centré l'augmentation de l'impôt sur les propriétaires et sur les entreprises au maximum du taux légal et financé le reste par l'emprunt ». Il ajoute, s'agissant des propriétaires : « ce qui n'est pas grave puisque dans la région, la valeur des propriétés a doublé en six ans : payer l'équivalent de quelques paquets de cigarettes ou de quelques places de cinéma n'est donc pas dramatique pour les propriétaires ».

Enfin, cette concentration de la charge du paiement de l'impôt sur certaines catégories de ménages s'accompagne d'une concentration symétrique : ceux-là mêmes qui profitent des allègements de taxe d'habitation ou de taxe sur le foncier bâti sont les bénéficiaires des transferts et de versements des collectivités territoriales, en particulier du RMI. Les catégories identifiées ci-dessus, situées en dehors du champ d'application des allègements fiscaux, le sont également, et pour les mêmes raisons, de celui des prestations sociales versées par les collectivités territoriales. Seule des considérations de solidarité conduisent à nuancer le fait qu'elles supportent en quelque sorte doublement le poids de la fiscalité locale.

Rendu indolore pour les uns, l'impôt local est d'autant plus concentré sur d'autres. D'où les réactions parfois très vives suscitées par certaines augmentations.

B.- POUR LES ENTREPRISES : UN PRÉLÈVEMENT INÉQUITABLE ET UN HANDICAP DE COMPÉTITIVITÉ

L'imposition locale des entreprises paraît peu contestable dans son principe. Les entreprises sont en effet, pour les collectivités territoriales, sources de coûts, liés notamment à l'utilisation de services et d'infrastructures publics ainsi qu'aux nuisances ou effets externes négatifs qu'elles occasionnent.

Cependant, l'imposition locale des entreprises en France, qui est principalement le fait des deux taxes foncières et de la taxe professionnelle, présente de nombreux défauts liés tant à son poids qu'à la répartition inéquitable de la taxe professionnelle. Au-delà, la taxe professionnelle pèse sur la croissance et handicape la France dans la concurrence internationale.

1.- Le poids du prélèvement local sur les entreprises

a) La part non négligeable des APUL dans l'ensemble des prélèvements supportés par les entreprises 

En 2003, les administrations publiques locales percevaient 11,9 % des prélèvements supportés par les entreprises, contre 17 % pour l'État et 71 % pour les organismes sociaux.

POIDS DES DIFFÉRENTS SOUS-SECTEURS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES DANS LES PRÉLÈVEMENTS SUPPORTÉS PAR LES ENTREPRISES EN 2003

graphique

Source : DGTPE.

La part des APUL dans les prélèvements supportés par les entreprises est quasiment stable depuis 1993. On peut néanmoins observer une légère diminution de cette part à partir de 2000, allègement lié à la suppression de la fraction « salaires » de bases de la taxe professionnelle.

graphique

Source : DGTPE.

b) Comparaisons internationales : les singularités françaises

· La taxation des investissements à l'échelon local

Trois lignes de force caractérisent l'assiette de l'imposition locale des entreprises dans les pays de l'OCDE :

la taxe foncière constitue le mode d'imposition locale des entreprises le plus répandu. La totalité des pays de l'Union européenne à l'exception de la Suède, de la Grèce et de Malte ainsi que les États-unis se sont dotés d'une taxe foncière sur les propriétés bâties, la plupart disposant également d'une taxe foncière sur les propriétés non bâties ;

hormis la base foncière, le bénéfice des entreprises est très fréquemment imposé (notamment en Allemagne, aux États-unis, au Japon et au Portugal) en dépit des inconvénients économiques liés à cette assiette qui est difficilement localisable, très volatile et peu corrélée à la valeur des services publics rendus par les collectivités ;

on constate enfin que la masse salariale constitue une assiette en déclin relatif dans les pays de l'OCDE, exclue progressivement en Allemagne et en France. Au contraire, la valeur ajoutée, qui inclut les salaires, semble connaître un certain essor : elle constitue l'assiette de l'IRAP italien et de l'ILA de certains États fédérés des États-Unis (Michigan, New Hampshire). Elle intervient également de façon croissance en France par le biais de la cotisation minimale et du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

Les taxes foncières françaises ne présentent donc pas d'originalité particulière par rapport aux pratiques étrangères. C'est la taxation des investissements au niveau local qui constitue une singularité française.

· Collectivités territoriales : un pouvoir étendu de fixation des taux

Les mécanismes de fixation des taux sont également très hétérogènes d'un pays à l'autre : dans certains pays (au Royaume-Uni notamment), les collectivités locales ne disposent d'aucun pouvoir de fixation des taux et se voient affecter une part d'impôt national. Inconnue en Scandinavie et au Royaume-Uni mais aussi en Grèce et aux Pays-Bas, la taxation des activités économiques par le biais d'un véritable impôt local est en Europe une spécificité des pays latins (France, Espagne, Belgique, Portugal) et germaniques (Allemagne, Suisse, Luxembourg). Elle existe également aux États-unis et au Japon.

IMPÔTS LOCAUX SUR LES ENTREPRISES EXISTANT DANS LES PRINCIPAUX PAYS DE L'OCDE

Pays

Dénomination

Bénéficiaire

Assiette

Marge de manoeuvre

Impôt foncier sur les entreprises

Allemagne

Gewerbesteuer

Communes

(75,52%), Länder

(17,72%) et Bund

(7,46%)

Bénéfice d'exploitation

Oui (faible)

Oui, assis sur la valeur vénale, au taux variant de 0,98% à 2,1%

Autriche

Komunalsteuer

Communes

Masse salariale

Non

Oui

Belgique

- Impôt local sur la force motrice

- Impôt local sur le personnel occupé

Communes et provinces

- moteurs

- surface occupée par l'entreprise

Oui

Oui

Danemark

Pas d'impôt local sur les entreprises. Les communes perçoivent 12% du produit de l'IS national.

Oui, impôt foncier sur le bâti pour les seules entreprises (incidence limitée)

États-Unis

Corporate income tax, taux variable (de 0% à 10%)

États

Bénéfice fiscal, retraité et réparti entre États (règles variables)

Oui

Oui, property tax.

Assiette variable suivant les États : foncier « élargi »

Espagne

Impôt local sur l'activité économique

Communes et provinces

Surface, secteur d'activité, puissance électrique

Oui (limitée à une fourchette fixée par l'Etat)

Oui

Finlande

Pas d'impôt local sur les entreprises. Les communes perçoivent environ 40% du produit de l'IS national

Communes

Bénéfice

Non

Oui

France

taxe professionnelle

Communes (et/ou groupements), départements, régions

Valeur locative des immobilisations, corrigée par la valeur ajoutée

Oui

Oui, assis sur la valeur locative cadastrale

Grèce

Pas d'impôt local, ni d'impôt transféré

Irlande

Commercial rates

Comtés, cités

Propriétés immobilières à caractère industriel et commercial

Oui

Italie

IRAP

Régions

Valeur ajoutée, taux de 4,25%

Oui, faible (1% au maximum)

Oui, assis sur la valeur des biens immobiliers, au taux variant de 0,15% à 0,7%

Japon

- Impôt sur les sociétés

- Taxe sur le capital

Préfectures et municipalités

- Bénéfice fiscal, partiellement retraité

- capital social

Oui

Non

Luxembourg

Impôt commercial

Communes

Bénéfice d'exploitation

Oui, limitée

Oui

Pays-Bas

Pas d'imposition locale

Oui

Portugal

Impôt sur les bénéfices

Communes

Bénéfice : l'impôt est une surtaxe de l'IS

Oui, limitée

Oui

Royaume-Uni

Uniform Business Rate

Toutes les collectivités

Valeur nette locative des biens fonciers des entreprises

Non

Oui, l'UBR, seul impôt local sur les entreprises, est un impôt foncier

Suède

Pas d'impôt local sur les entreprises ni d'impôt local partagé ou transféré

Non

Sources : DP et DLF.

· Le poids élevé de l'impôt local en France, facteur de délocalisation

La Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) a comparé les régimes existant dans les cinq principales économies occidentales (États-unis, Allemagne, Grande-Bretagne, France, Italie), dans le cadre d'une analyse fondée sur l'application à des cas-types d'entreprises des différentes règles d'assiette et de taux des impôts locaux. Il ressort de cette étude que les entreprises établies en France supportent des prélèvements locaux globalement plus lourds que leurs concurrentes situées dans les autres pays.

Si l'on combine l'effet des taxes foncières et des impôts spécifiques sur l'activité économique, la charge fiscale supportée localement par les entreprises et rapportée à la valeur ajoutée apparaît inférieure en France à celle observée en Italie, mais plus élevée qu'en Allemagne, aux États-unis et au Royaume-Uni.

Comme notre pays se situe dans une situation médiane en matière d'impôt sur les sociétés, c'est le niveau élevé des charges pesant localement sur les entreprises qui explique l'essentiel du surcroît de taxation en France et en Italie.

Si la fiscalité locale française conduit à des montants prélevés globalement plus élevés que chez nos principaux concurrents, ce constat est particulièrement net pour les entreprises déficitaires, de nombreux pays disposant de taxes locales assises sur les résultats comptables de l'entreprise.

S'agissant des entreprises bénéficiaires, les prélèvements locaux sur les entreprises établies en France apparaissent au total inférieurs de 13 % à ceux observés en Italie, mais supérieurs d'environ 12 à 16 % aux niveaux observés en Allemagne et aux États-unis, et de plus de 35 % par rapport à la situation des entreprises britanniques.

S'agissant des entreprises déficitaires, la charge fiscale globale supportée par les entreprises françaises est inférieure de 25 % à celle grevant leurs homologues italiennes, mais sans commune mesure avec les niveaux observés dans les trois autres pays étudiés, qui sont trois à cinq fois inférieurs.

CHARGE FISCALE PESANT SUR LES ENTREPRISES

Charge fiscale globale
(IS + impositions locales sur les entreprises) /Valeur ajoutée

Allemagne

Royaume-Uni

États-Unis

Italie

France

Entreprises bénéficiaires

Impôts sur les sociétés / Valeur ajoutée

5,3%

6,3%

6,7%

6,2%

6,6%

Taxes locales / Valeur ajoutée

2,6%

0,5%

1,4%

4,3%

2,6%

Charge fiscale globale

7,9%

6,8%

8,2%

10,6%

9,2%

Entreprises déficitaires

Impôts sur les sociétés / Valeur ajoutée

0,2%

0,2%

0,2%

0,3%

0,2%

Taxes locales / Valeur ajoutée

0,6%

1,0%

0,6%

4,3%

3,7%

Charge fiscale globale

0,8%

1,2%

0,8%

4,6%

3,8%

Source : DGTPE, étude sur cas-types. Ces données ne correspondent pas à une moyenne.

· Les secteurs à forte intensité capitalistique lourdement taxés

Les écarts de prélèvements entre la France et ses principaux partenaires sont également plus importants dans les secteurs à forte intensité capitalistique, tels que les secteurs des composants électriques ou de la métallurgie qui comptent parmi les secteurs plus exposés à la concurrence. Au contraire, ces écarts sont moindres, voire favorables à notre pays, dans le cas de certains secteurs tertiaires.

Ces constats s'expliquent essentiellement par les caractéristiques de la taxe professionnelle, impôt qui constitue une singularité française. Dans la mesure où elle pèse sur les facteurs de production et non sur les résultats et taxe davantage le capital que le travail, la taxe professionnelle engendre un problème bien connu : l'industrie, très intensive en capital, verse une part de la taxe bien supérieure à son poids dans la valeur ajoutée nationale, et sans rapport avec sa capacité contributive par rapport aux autres secteurs d'activité.

2.- La répartition inéquitable du poids de la taxe professionnelle

a) Un impôt dont le poids n'a cessé d'augmenter en dépit de la suppression de la part salariale de son assiette

Le poids de la taxe professionnelle a augmenté de façon continue et régulière depuis sa création. Son produit, qui représentait 1,1 % du PIB en 1976, a évolué près de deux fois plus vite que le PIB et atteint 2 % du PIB vingt ans plus tard. En 2003, il reste, malgré la suppression de la part salariale de l'assiette d'imposition, égal à 1,8 % du PIB. Sur la période 1995-2003, le coût net de la taxe professionnelle a augmenté de 19 %.

La suppression de la part salariale de la taxe professionnelle n'aura eu qu'un impact limité sur cette évolution.

La part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle représentait environ un tiers des bases brutes à la veille de sa suppression en 1998. Or, malgré cette réforme, le coût net de la taxe professionnelle pour les entreprises a légèrement augmenté sur la même période, en raison de la croissance dynamique des autres éléments de l'assiette, de l'augmentation des taux votés par les collectivités territoriales et des recettes perçues par l'Etat pour limiter le coût budgétaire de la réforme.

L'IMPACT DE LA SUPPRESSION DE LA PART « SALAIRES »

graphique

Comme le montre le tableau qui précède, pour les entreprises, la diminution du produit voté par les collectivités territoriales a été plus que compensée par l'augmentation du taux de la cotisation nationale de péréquation et, surtout, du taux de la cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée (porté de 0,35 % à 1,5 %).

b) Un impôt dont la charge, inégalement répartie, est faiblement corrélée aux indicateurs traditionnels de la capacité contributive.

Dans la mesure où elle pèse davantage sur le capital que sur le travail, la taxe grève plus fortement les secteurs les plus intensifs en capital.

Ce phénomène est amplifié par le fait que certaines collectivités territoriales peuvent profiter de l'existence d'assiettes captives liées à la présence d'établissements dotés d'immobilisations importantes, dont le risque de délocalisation est faible. Cela peut contribuer à expliquer pourquoi l'industrie, qui est le secteur dont les bases de taxe professionnelle sont les plus élevées, subit également les hausses de taux les plus élevées.

Le secteur industriel, l'énergie et les transports sont donc redevables de 65,9 % de la taxe professionnelle payée totale alors qu'ils ne produisent que 32,8 % de la valeur ajoutée comptable et ne dégagent que 34,7 % du bénéfice fiscal de l'ensemble des sociétés. Parmi ces activités, l'industrie automobile, l'énergie et les transports sont les plus touchés. En revanche, le secteur financier dégage 8,2 % de la valeur ajoutée totale et 19,6 % du bénéfice fiscal, alors qu'il ne paie que 2,7 % de la taxe professionnelle.

LA CONCENTRATION SECTORIELLE DE LA CHARGE DE TAXE PROFESSIONNELLE

(en % du total)

TP émise

TP nette après PVA

Valeur ajoutée

IS

Industries agricoles et alimentaires

6,1

6,0

4,9

4,5

Industries des biens d'équipement et de consommation

10,8

11,8

9,4

12,4

Industries des biens intermédiaires

25,6

22,8

15,2

10,7

Industrie automobile

5,8

3,3

2,2

1,7

Énergie

8,2

9,6

3,5

2,4

Construction

3,3

4,0

5,2

2,8

Total industrie

59,8

57,5

40,3

34,5

Agriculture et pêche

0,5

0,4

0,4

0,6

Commerce

14,2

16,7

19,4

16,9

Transports

12,7

12,4

7,9

3,0

Activités financières

2,5

2,7

10,5

19,6

Immobilier, location et service aux entreprises

7,1

7,0

17,5

21,6

Administration

0

0

0

0,5

Éducation, santé et action sociale

1,1

1,3

1,4

0,5

Service aux particuliers

2,1

2,0

2,5

2,7

Total général

100%

100%

100%

100%

Sources : DP et DGI (2003)

Outre les distorsions entre secteurs liées à la concentration des bases, le poids de l'impôt porte sur un petit nombre d'entreprises : 10 % des entreprises paient 90 % de la TP nette ; 1 % des entreprises paient 70 % de la TP nette, 270 entreprises paient 30 % de la TP nette.

Le plafonnement de la taxe n'atténue que partiellement ce phénomène.

Certes, les effets du dégrèvement sont très concentrés : le secteur industriel bénéficie de plus de la moitié des dégrèvements au titre du plafonnement à la valeur ajoutée en 2003.

graphique

Cependant, cette concentration du plafonnement ne suffit pas à corriger le poids excessif de l'imposition pesant sur les secteurs industriels.

En effet, ce dégrèvement est calculé sur la base du taux en vigueur en 1995. La cotisation de taxe professionnelle se décompose donc, lorsque le taux effectif d'imposition a augmenté depuis lors, en deux parties, dont l'une est proportionnelle à la valeur ajoutée, et l'autre, à l'augmentation des taux depuis 1995 et à la valeur locative des immobilisations corporelles. Dès lors, la taxe acquittée par une entreprise soumise au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée peut dépasser le plafond, lorsque le taux de taxe professionnelle a augmenté depuis 1995.

Il s'ensuit que, si les taux moyens des cotisations de taxe professionnelle rapportées à la valeur ajoutée sont généralement inférieurs au taux théorique du plafonnement, certains secteurs connaissent une proportion importante d'entreprises dépassant ce taux, en raison du gel des taux servant de calcul au dégrèvement à leur niveau de 2005.

graphique

En taxant les facteurs de production et non les résultats, la taxe professionnelle ne prend pas assez en compte la capacité contributive des entreprises et pèse lourdement sur celles qui sont en difficulté.

Le poids de l'impôt est faiblement corrélé aux indicateurs traditionnels de la capacité contributive ainsi que le montre le tableau suivant.

graphique

On constate en effet que les entreprises déficitaires, qui représentent environ le tiers des entreprises, acquittent plus du quart de la taxe. La cotisation étant déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le surcoût induit par la taxe par rapport au montant investi est plus fort pour une entreprise déficitaire que pour une entreprise bénéficiaire.

D'autre part, les entreprises en difficulté sont, en règle générale, également celles qui rencontrent des problèmes de solvabilité et peinent à se refinancer pour réaliser de nouveaux investissements. Dès lors, ces entreprises ont, en moyenne, une durée d'utilisation des biens plus élevée. Or, assise sur la valeur brute des investissements, la taxe professionnelle affecte plus lourdement les investissements dont la durée d'utilisation est élevée, comme l'a montré le rapport de la « commission Fouquet ».

La taxation du capital entraîne donc une hausse de son coût qui peut varier de 6 % à plus de 45 % suivant la situation de l'entreprise (bénéficiaire ou déficitaire) et la durée d'utilisation du bien46.

Durée d'utilisation du bien

3 ans

7 ans

10 ans

15 ans

20 ans

Surcoût induit par la TP
(en % du montant de l'investissement)

Entreprise déficitaire

9,8%

21,6%

29,5%

34,5%

45,6%

Entreprise bénéficiaire

6,5%

14,4%

19,7%

27,6%

34,4%

Hypothèses : Cas d'une entreprise soumise au régime réel normal. Le bien concerné est acquis l'année N, et commence à être taxe au titre de la TP l'année N+2. Le taux applicable la 1ère année est le taux moyen constaté en 2003, soit 22,3 % (après application de l'abattement à la base de 16%). A l'issue de sa durée d'utilisation, le bien sort de l'actif. Les montants de TP et d'IS acquittés sont actualisés au taux réel de 3%.

3.- La taxe professionnelle pèse sur la croissance et l'emploi ; elle handicape la France dans la concurrence internationale

a) La taxe professionnelle renchérit le coût des facteurs de production, pénalisant ainsi l'investissement, la croissance et l'emploi

Suivant le régime auquel les entreprises sont soumises, ce renchérissement peut porter spécifiquement sur le capital ou impacter à la fois le capital et le travail.

L'impact de la taxe professionnelle sur les coûts de production varie suivant le type de régime auquel l'entreprise est soumise (extrait du « Rapport Fouquet », Fiche n°5 « les effets économiques de la taxe professionnelle, p. 8 et 9) :

· lorsque l'entreprise est imposable au titre de la cotisation minimale, elle paie un montant égal à 1,5 % de sa valeur ajoutée. Dans ce cas, la TP est neutre sur l'arbitrage entre travail et capital et engendre une hausse uniforme des coûts de production ;

· lorsque l'entreprise est imposable au régime normal, c'est-à-dire hors plafonnement et cotisation minimale, la TP n'a pas d'impact sur le coût du facteur travail. Le coût du facteur capital est par contre impacté à la hausse par la TP. En influant spécifiquement sur l'un des deux facteurs de production, la TP a un effet distorsif sur les modes de production des entreprises. Une entreprise soumise au régime normal de TP et qui souhaite augmenter sa production est incitée à privilégier le facteur travail au détriment du facteur capital. Dès lors, sa dotation en capital sera sous-optimale et sa production sera inférieure à la valeur qu'elle atteindrait en l'absence de TP ;

· lorsqu'elle est plafonnée, la TP que paie une entreprise est assise à la fois sur sa VA et sur la valeur locative de ses immobilisations corporelles, selon la formule suivante :

TP plafonnée =

Taux (VA)xVA

+

VL (immo)x(TauxN - Taux1995)

NB : VA = valeur ajoutée produite au cours de l'année N

Taux(VA) = taux national applicable à la VA en fonction du chiffre d'affaires

VL(immo) = valeur locative des immobilisations inscrites au bilan de l'année N-2

TauxN = taux de TP voté localement au titre de l'année N, s'il est supérieur à celui de 1995

Taux1995 = taux de TP voté localement au titre de l'année 1995.

Le premier terme est neutre sur l'arbitrage entre travail et capital, et le second porte exclusivement sur le capital. Il y a ici aussi une distorsion induite par la fiscalité, qui est cependant moins forte que dans le cas du régime normal.

Au total, l'effet de la taxe professionnelle n'est pas neutre sur le choix des facteurs de production et c'est le capital qui est globalement le plus taxé. Cependant, ce sont les salariés qui supportent in fine les conséquences négatives de la TP, quand bien même celle-ci n'est plus prélevée sur le facteur travail.

La taxation des investissements déforme en effet dans un premier temps la structure des prix relatifs des facteurs en défaveur du capital et en faveur du facteur travail. Les entreprises utilisent dès lors moins de capital par unité de valeur ajoutée, et davantage de main d'œuvre. Mais avec moins de capital, chaque unité de travail devient moins productive. Il en résulte deux types de conséquences : des baisses de salaires quand ceux-ci peuvent s'ajuster ou du chômage quand les salaires ne peuvent s'ajuster à la baisse (par exemple au niveau du SMIC).

Une estimation économétrique réalisée par la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) à la demande de la « commission Fouquet » permet d'apprécier l'ordre de grandeur des effets de la taxe. La taxe professionnelle aurait pour effet, à long terme, de réduire la valeur ajoutée du secteur marchand de 1,1 %, diminuant le potentiel de croissance de 0,9 %. Elle induirait une baisse du stock de capital de 2,6 % ainsi qu'une baisse des heures travaillées de 0,5 %.

b) La taxe professionnelle entraîne des distorsions de concurrence entre entreprises.

Ces distorsions résultent tout d'abord de la forte disparité des taux pratiqués par les collectivités. Une entreprise, selon sa localisation, peut être soumise à un prélèvement de taxe professionnelle dont le taux varie du simple au double.

S'agissant d'une entreprise bénéficiaire qui réalise un investissement dont la durée de vie est de 10 ans, le rapport de la « commission Fouquet » montre que le surcoût occasionné par la taxe professionnelle est de 16 % du prix de revient de l'investissement au taux moyen pondéré national, mais se limite à 12,6 % en Basse-Normandie, alors qu'il atteint 21,6 % dans le cas moyen d'une entreprise établie en Languedoc-Roussillon47.

Les nombreuses exonérations de taxe professionnelle constituent une deuxième source de distorsions de concurrence. À titre d'exemple, la position concurrentielle d'une société agroalimentaire peut être dégradée du fait de l'exonération spécifique dont bénéficient les coopératives agricoles qui produisent des biens substituables.48

c) Enfin la taxe professionnelle, spécificité de notre système d'imposition, handicape la France dans la concurrence internationale.

Les caractéristiques de la taxe professionnelle pourraient exercer un effet « désincitatif » sur les choix d'investissement aux dépens de la France.

Tout d'abord, du fait de sa singularité, la taxe professionnelle peut susciter une certaine incompréhension de la part des investisseurs, notamment étrangers. La charge représentée par la taxe professionnelle serait, selon le rapport de la « commission Fouquet », à l'origine de l'échec de certains projets d'investissement, tel celui, en 2004, de la société Saint Regis Paper en Seine-Maritime, pour lequel cette entreprise envisageait un investissement de 230 millions d'euros qui aurait occasionné un prélèvement de taxe professionnelle de 31,2 millions d'euros sur une période de huit ans.

Les auditions auxquelles a procédé la « commission Fouquet » ont fait apparaître la manière spécifique dont les acteurs économiques intègrent la taxe professionnelle dans leurs choix d'investissement. Il semble que la prise en compte de la taxe professionnelle dans le calcul de la rentabilité d'exploitation d'un projet, au moment du choix du site de production, défavorise les sites français par rapport aux pays où la charge de l'imposition se fait sentir plus bas dans le compte de résultat (via l'impôt sur les sociétés par exemple). Dans la mesure où une entreprise nouvellement créée ne dégage en général de bénéfice que plusieurs années après sa création, la forme actuelle de la taxe professionnelle peut représenter un frein au développement de projets nouveaux en France par rapport à ses concurrents internationaux.

Le cercle des décideurs financiers ainsi que certaines entreprises telles qu'Unilever France et Plastic Omnium ont fourni à la « commission Fouquet » des exemples détaillés d'investissements réels, qui mettent en évidence le fait que la taxe professionnelle pèse sur la marge brute des investissements effectués en France, désavantageant ainsi les sites de production situés sur notre territoire.49

Enfin, la politique de taux menée par les collectivités territoriales exerce un effet clairement défavorable à l'implantation d'activités productives en France.

Selon la DGTPE, « la grande dispersion des taux et l'amplitude de leurs variations ainsi que la complexité des mécanismes d'établissement et de dégrèvement de la taxe professionnelle en font un impôt difficile à prévoir pour les entreprises : cela amoindrit l'effet incitatif des allégements votés par le législateur. »

Par ailleurs, « les fortes augmentations des taux locaux depuis 1995 (année de référence pour le calcul du dégrèvement en fonction de la valeur ajoutée) induisent des montants de TP nette qui dépassent parfois 7 % ou 8 % de la valeur ajoutée de l'entreprise, seuil jugé rédhibitoire par les investisseurs étrangers. »

*

* *

TROISIÈME PARTIE : QUELLES PERSPECTIVES POUR LA FISCALITÉ LOCALE ?

Et l'avenir ? Dans le cadre de l'acte II de la décentralisation ou par des lois particulières, de nouvelles compétences seront prochainement transférées. Les mêmes principes prévaudront et les mêmes garanties seront apportées aux collectivités bénéficiaires. Leurs nouvelles responsabilités leur offriront des chances supplémentaires pour gérer mieux, au plus près des besoins de nos concitoyens.

En outre, pour faire mieux que par le passé et pour valoriser la chance offerte par le renforcement des responsabilités locales, les travaux de votre Commission d'enquête permettent de tracer des pistes d'avenir.

I.- POURQUOI IL NE FAUT PAS AVOIR PEUR DE L'ACTE II DE LA DÉCENTRALISATION

A.- UNE COMPENSATION ENTOURÉE DE GARANTIES SANS PRÉCÉDENT POUR DES COLLECTIVITÉS FINANCIÈREMENT SOLIDES

Complétant « l'acte II de la décentralisation », la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales opère de nouveaux et importants transferts de compétences de l'État vers les collectivités territoriales. Ces transferts de compétences sont évalués à 9,8 milliards d'euros, dont environ 7,1 milliards pour les départements (5 milliards pour le seul RMI) et 2,7 milliards d'euros pour les régions. Ils entreront progressivement en vigueur entre 2005 et 2008.

Il convient de rappeler que ces transferts s'inscrivent dans un cadre constitutionnel et organique renouvelé par l'adoption de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, d'une part, et de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales d'autre part. La compensation des transferts résultant de « l'acte II de la décentralisation » est donc entourée de garanties sans précédent en faveur des collectivités territoriales qui, à la veille des transferts, peuvent se prévaloir de fondements financiers solides leur permettant de prendre en charge dans de bonnes conditions leurs nouvelles compétences.

1.- Une compensation entourée de garanties sans précédent

a) Les principes régissant la compensation

Le « verrou constitutionnel » posé en 2003 apporte une garantie sans équivalent jusqu'ici. Sa formulation est très précise. Le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution comporte deux volets traitant les deux cas de figure susceptibles d'être rencontrés : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » De plus, ces règles seront soumises, lors de chaque mise en œuvre législative, à l'examen du Conseil constitutionnel, dont la jurisprudence est exigeante en matière d'autonomie des collectivités territoriales.

Quant aux modalités de la compensation financière aujourd'hui inscrites dans la loi du 13 août 2004, elles sont le fruit d'échanges nourris et constructifs entre le Gouvernement et la représentation nationale. Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a fait preuve d'une grande ouverture au cours des débats, en acceptant plusieurs amendements tendant à rassurer les élus quant au caractère loyal de la compensation des charges résultant des prochains transferts de compétences.

L'évaluation et la compensation des charges transférées s'effectueront donc conformément aux dispositions prévues d'une part, aux articles 118 à 121 de la loi précitée et d'autre part, aux articles L. 1614-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La compensation financière des charges résultant des transferts de compétences inscrits dans la loi du 13 août 2004 continuera à se conformer à quatre principes désormais bien connus : elle sera intégrale, concomitante, contrôlée et respectera le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

· Une compensation intégrale

Les ressources transférées seront équivalentes aux dépenses précédemment effectuées par l'État au titre des compétences transférées. Toutes les dépenses, directes et indirectes, liées à l'exercice des compétences transférées seront prises en compte. La référence de la compensation sera déterminée sur des bases aussi favorables que possible.

Sur proposition parlementaire, il a été inscrit, à l'article 119 de la loi du 13 août 2004, que les charges de fonctionnement seront évaluées à partir de la moyenne actualisée des dépenses consacrées par l'État au cours des trois années précédant le transfert.

S'agissant des charges d'investissement, le niveau de dépenses variant d'un exercice à l'autre, il a été admis d'établir l'évaluation des charges transférées sur la base de la moyenne actualisée des crédits précédemment ouverts au budget de l'État, au titre des investissements exécutés ou subventionnés au cours des cinq années, au moins, précédant le transfert.

· Une compensation concomitante

L'année précédant le transfert de compétences, les ministères décentralisateurs procèdent à l'évaluation provisoire des dépenses qu'ils consacraient jusqu'alors à l'exercice des compétences transférées.

La compensation financière des transferts de compétences est établie en deux temps, dans le strict respect du principe de la concomitance des transferts de charges et de ressources :

- dès la loi de finances de l'année du transfert de compétences, des crédits sont inscrits à titre provisionnel pour donner aux collectivités territoriales les moyens financiers d'exercer leurs nouvelles compétences ;

- lorsque le montant du droit à compensation est définitivement arrêté, il est procédé aux régularisations nécessaires.

· Une compensation contrôlée

Le montant des accroissements de charges résultant des transferts de compétences sera constaté par arrêté interministériel, après avis de la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC), dont la composition et les missions assurent la prise en compte du point de vue des collectivités territoriales.

La Commission consultative sur l'évaluation des charges

L'article 118 de la loi du 13 août 2004 a modifié la composition et le rôle de la CCEC, laquelle devient une formation restreinte du comité des finances locales (CFL).

Pour chaque transfert de compétences, la CCEC réunit paritairement les représentants de l'État et de la catégorie de collectivités territoriales concernées par le transfert. En revanche, pour l'examen de questions intéressant l'ensemble des catégories de collectivités, notamment celles relatives aux modalités d'évaluation des accroissements ou diminutions de charges, la commission siège en formation plénière.

La loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement de la CCEC. Ainsi, le décret n° 2004-1416 du 23 décembre 2004 a été préalablement soumis pour avis, conformément aux dispositions de l'article L. 1211-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), au CFL qui a émis à l'unanimité un avis favorable, lors de sa séance du 26 octobre 2004.

La CCEC est présidée par un élu, associant à parité des représentants de l'État et de l'ensemble des catégories de collectivités territoriales.

Elle comprend 22 membres désignés en son sein par les membres du CFL :

- 1°) les 11 représentants de l'État ;

- 2°) les 2 représentants des régions ;

- 3°) les 4 représentants des départements ;

- 4°) 5 maires, dont au moins 2 présidents d'EPCI.

Trois sections sont créées au sein de la CCEC, une section des régions, une section des départements et une section des communes. Chacune d'entre elles est composée, à parts égales, de représentants de l'État et d'élus. Le nombre de ses membres est fonction de la représentation des élus au sein du CFL.

La présidence de la CCEC est confiée à l'un des membres élus, désigné par le CFL, assisté de deux vice-présidents, représentant chacun une catégorie de collectivités et assurant la présidence des sections dont le président n'est pas l'un des représentants.

Sa mission principale réside dans le contrôle de la compensation financière allouée en contrepartie des transferts de compétences.

En donnant son avis sur les projets d'arrêtés interministériels fixant le montant de la compensation revenant à chacune des collectivités territoriales concernées, la CCEC veille ainsi à l'exacte adéquation entre les charges et les ressources transférées.

Par ailleurs, la CCEC est associée à la définition des modalités d'évaluation des accroissements et diminutions de charges résultant des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales.

Enfin, la CCEC est chargée d'établir chaque année, à l'intention du Parlement, un bilan financier de l'évolution des charges transférées aux collectivités territoriales au cours des 10 dernières années. Ce bilan retracera les conséquences des transferts de personnels et des délégations de compétences ainsi que l'évolution du produit des impositions de toutes natures transférées en compensation des créations, transferts et extensions de compétences.

· Une compensation conforme au principe d'autonomie financière

Ce principe est inscrit à l'article 72-2 de la Constitution qui dispose que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. » La loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales a précisé que la notion de « ressources propres » comprend les impôts nationaux partagés entre l'État et les collectivités territoriales, à condition toutefois qu'un taux ou une part locale d'assiette soient définis par la loi pour chaque collectivité.

Conformément au principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, l'article 119 de la loi du 13 août 2004 prévoit que la compensation financière s'opérera, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature.

Les transferts de compétences seront donc dans leur quasi-totalité, financés par des transferts de parts d'impôts nationaux dont les collectivités territoriales concernées pourront, à terme, moduler les taux dans des limites définies par le législateur. Il s'agit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), pour les départements, et de la taxe de consommation intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), pour les régions.

b) Les ressources transférées

· La TSCA : une ressource dynamique

En 2004, le produit de la TSCA a été de 2 484 millions d'euros, celui de la contribution VTM (véhicules terrestres à moteur), initialement établie au bénéfice de la CNMATS, étant égal à 1 025 millions d'euros. Ces prélèvements constituent des ressources dynamiques ainsi que le montre leur progression assez parallèle sur les dernières années (+17,3% pour la TSCA entre 1998 et 2004 ; +17,5% pour la contribution VTM sur la même période).

Le tableau et le graphique suivants présentent 1'évolution du produit de la TSCA depuis 1998.

ÉVOLUTION DU PRODUIT DE LA TSCA

Année

Produit de la TSCA
(en millions d'euros)

Pourcentage d'évolution

1998

2.118

1999

1.959

- 7,50%

2000

2.031

+3,65%

2001

2.216

+9,11%

2002

2.272

+2,55%

2003

2.348

+3,34%

2004

2.484

+5,79%

graphique

Le tableau et le graphique suivants présentent l'évolution du produit de la contribution VTM depuis 1998.

ÉVOLUTION DU PRODUIT DE LA CONTRIBUTION ASSISE SUR LES PRIMES D'ASSURANCE EN MATIÈRE DE VÉHICULES TERRESTRES À MOTEUR

Année

Produit recouvré par l'ACOSS
(en millions d'euros)

Pourcentage d'évolution

1998

872

1999

870

- 0,2%

2000

882

+1,4%

2001

908

+2,9%

2002

953

+5,0%

2003

989

+3,8%

2004

1.025

+3,6%

graphique

Le dynamisme de la TSCA et de la contribution VTM s'explique par l'évolution des cotisations d'assurance automobile. Leur montant a en effet progressé de 23% entre 1998 et 2003.

Cette augmentation est imputable à la croissance du parc automobile (+10% depuis 1998 pour les quatre roues) et à l'évolution du comportement des assurés qui utilisent désormais plus de garanties facultatives (garanties autres que la garantie obligatoire de responsabilité civile).

S'agissant des modalités de localisation de l'assiette de la TSCA, en réponse au questionnaire que lui a adressé votre Commission d'enquête, la Direction du budget indique qu'« en l'état actuel de l'avancement des travaux, aucune des modalités de rattachement géographique de l'assiette de la TSCA n'a été retenue ». L'Inspection générale des finances a été chargée d'expertiser les différentes pistes d'une localisation de l'assiette et d'une modulation des taux de la taxe par les départements. Elle a rendu un rapport qui a été transmis à votre Commission d'enquête.

Comme l'a indiqué, Mme Marie-Christine Lepetit, Directrice de la législation fiscale, au cours de son audition le 26 mai dernier, « la localisation peut être recherchée en essayant d'établir un lien entre le contrat d'assurance et le véhicule - puisqu'il s'agit en l'espèce de taxe sur les assurances automobiles. Or l'inspection des finances constate que ce lien serait difficile à construire et à faire vivre, ne serait-ce que parce que les compagnies d'assurance ne sont pas à ce jour tenues de décrire précisément la localisation des véhicules de leurs clients, faute de pouvoir s'en assurer. Ajoutons que, selon les informations dont je dispose, les conditions actuelles d'immatriculation, qui permettent en principe d'établir un lien entre un département et un véhicule, seront prochainement modifiées, faisant du coup disparaître cette relation. Du reste, cela n'empêchera pas le débat nécessaire de s'ouvrir. Mais la localisation de la taxe sur les conventions d'assurance se heurte à des difficultés pratiques assez difficiles à surmonter si l'on veut construire et surtout sécuriser ce lien, d'autant que les compagnies d'assurance ne sont pas les plus commodément placées pour remplir cette mission. Il est une limite aux sujétions que l'État pourrait leur imposer en la matière. Au surplus, la répartition de la TSCA en fonction des immatriculations aboutit par nature à de fortes distorsions entre les départements, au point que la réponse pourrait être jugée comme n'étant pas la plus adéquate. Ces deux éléments, décrits de manière très précise et technique dans le rapport de l'inspection des finances, ne manqueront pas d'alimenter la discussion entre le Gouvernement et le Parlement à la fin de l'année. »

· La TIPP : une ressource fiable

Si l'évolution de la TIPP s'est révélée décevante au cours des deux dernières années, il est établi qu'à fiscalité inchangée, le produit de la TIPP demeure relativement stable dans le temps.

ÉVOLUTION DES CONSOMMATIONS DE PRODUITS PÉTROLIERS SUR LESQUELLES SERA APPLIQUÉE

LA FRACTION DE TARIF ATTRIBUÉE AUX RÉGIONS

(en millions d'hectolitres)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Super sans plomb

77,5

90,4
16,59%

99,1
9,62%

103,2
4,14%

111
7,56%

117,6
5,95%

124
5,44%

Gazole

226,2

240,2
6,20%

252,7
5,20%

267,2
5,74%

273,4
2,32%

281,31
2,89%

294,9
4,83%

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005
Prévision

Super sans plomb

135,6
9,35%

143,4
5,75%

149,7
4,39%

152,5
1,87%

147,4
- 3,38%

143,3
- 2,73%

139,05
- 2,98%

Gazole

306,4
3,90%

317,2
3,52%

334,7
5,52%

343,3
2,57%

348,7
1,58%

357,9
2,63%

368,74
3,03%

Rappelons que les recouvrements de TIPP reposent sur les mises à la consommation de carburants dont les évolutions dépendent des facteurs suivants :

- les effet des politiques menées en matière de sécurité routière : les professionnels de l'automobile et les représentants des pétroliers estiment que les différentes mesures coercitives prises à l'encontre des automobilistes ont un impact direct sur les consommations de carburants et, notamment, sur les supercarburants. La réduction de la vitesse moyenne de circulation des véhicules sur l'ensemble du réseau routier et autoroutier implique indéniablement une diminution de la consommation unitaire des véhicules. Selon les constructeurs automobiles, au delà de 100 km/h, une diminution de la vitesse de circulation de 10 km/h induit en effet une diminution de la consommation de carburant de l'ordre de 10 % ;

- la diésélisation du parc automobile : actuellement, la proportion de voitures particulières diesel est d'environ 42 % du parc automobile. La part du diesel continue à progresser, atteignant 69,6 % des immatriculations de voitures neuves à la fin de l'année 2004. Or, la consommation des voitures diesel est inférieure de 17 % à celle des véhicules à essence. En conséquence, la diminution de la consommation unitaire des véhicules est accentuée par la diésélisation ;

- le ralentissement de la croissance du parc automobile : huit ménages sur dix possèdent au moins une automobile. Marché auparavant en expansion du fait de la nécessité pour de nombreux acquéreurs de s'équiper dans ce domaine, le secteur de l'automobile est aujourd'hui davantage caractérisé par des achats limités au renouvellement des véhicules. En conséquence, l'augmentation du parc automobile s'effectue désormais à un rythme plus modéré et engendre, de fait, un ralentissement de la croissance des consommations de carburant.

Au-delà de l'impact négatif des facteurs précités, les recettes de TIPP pourraient toutefois légèrement progresser dans les mois à venir du fait de l'augmentation potentielle des mises à la consommation engendrée par :

- l'augmentation des prix à la pompe du gazole, le prix de ce produit hors taxe étant désormais supérieur à celui de l'essence sur les marchés internationaux ;

- l'impact de la généralisation des équipements électriques et de la climatisation sur les consommations unitaires des véhicules.

Comme l'a indiqué M. Gilles Carrez, Président du Comité des finances locales, au cours de l'audition du 8 juin dernier, « la TIPP est objectivement, lorsqu'on la regarde sur une longue période, un impôt dynamique. Elle a certes stagné depuis deux ans, mais les raisons de cette stagnation n'ont rien de structurel ni de permanent. Le phénomène de diésélisation massive du parc est en train de s'achever ; on observe même une légère régression. (...) La consommation d'énergie à travers le déplacement individuel reste un socle, un des piliers de l'évolution économique en général. L'assiette de la TIPP ne me semble en rien vouée à l'anémie, et les deux dernières années ne doivent pas faire oublier les vingt-cinq précédentes. »

Entendue par votre Commission le 26 mai dernier, Mme Marie-Christine Lepetit, Directrice de la législation fiscale à la Direction générale des impôts, a rappelé à juste titre que « les impôts les plus fréquemment manipulés ont tendanciellement une dynamique grosso modo calée sur celle de la croissance économique. Certes, on peut trouver des exceptions dans un sens ou dans l'autre, certains désajustements sur des analyses à plus court terme, mais force est de reconnaître que les impôts ont une dynamique propre d'autant moins gênante que l'on ne raisonne généralement pas sur un impôt particulier, mais sur des ensembles d'impôts et dans le cadre de périodes relativement longues. »

De surcroît, les collectivités bénéficient d'une garantie de ressource minimale : elles ne peuvent percevoir chaque année au titre d'une compétence transférée un montant inférieur à celui que l'État consacrait à ladite compétence à la veille du transfert. S'il s'avérait que le montant de la ressource attribuée pour assurer le financement des transferts de compétences, fût inférieur au droit à compensation arrêté à cette fin, en raison d'un moindre dynamisme de la ressource transférée, le Gouvernement mettrait en œuvre la garantie consacrée par le considérant 23 de la décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 du Conseil constitutionnel, par ailleurs introduite dans le second alinéa du II de l'article 119 de la loi du 13 août 2004.

En définitive, « les collectivités territoriales ne font pas une mauvaise affaire en bénéficiant d'une part de TIPP », ainsi que l'a ajouté M. Gilles Carrez au cours de la même audition. Ce ne fut pas forcément le cas dans le passé lorsqu'on leur a transféré d'autres impôts, que l'on pouvait pourtant considérer comme plus dynamiques. « En tant que fiscaliste, » a estimé Mme Marie-Christine Lepetit, « je ne suis pas totalement satisfaite en voyant transférer aux collectivités territoriales des impôts que l'on a envie de réformer parce qu'ils sont mal fichus. L'histoire de la vignette en est un bon exemple. Était-ce une bonne idée de la supprimer ? Je n'en sais rien. N'empêche qu'on l'a supprimée après l'avoir transférée... Est-ce vraiment satisfaisant ? Autre exemple beaucoup plus ancien : les droits de mutation que l'on a donnés avant d'amorcer leur baisse, alors même que leur niveau très élevé était, on le savait, cause de frottements économiques très importants. Certes, on s'en est débrouillé ; mais en voyant des impôts mal fichus et dont on a envie d'organiser les dynamiques plutôt à la baisse, ma première proposition n'est pas de les transférer. » À cet égard, la TIPP peut être considérée comme une ressource fiable.

« Pour les régions », a estimé M. Alain Guengant, Directeur de recherche au CNRS et professeur à l'Université de Rennes 1, au cours de l'audition du 8 mars dernier, « le problème de la TIPP se pose en termes d'effet de retour : une politique régionale peut-elle espérer avoir un effet favorable sur le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ? (...) Le paradoxe serait que la TIPP n'ait pas d'effet de retour ou, pire, un effet négatif : en poursuivant leurs politiques de transport ferroviaire, les régions ne concourent-elles pas à réduire la consommation de carburant, dont la plus grande partie est imputable aux déplacements domicile-travail ? »

Mme Marie-Christine Lepetit a toutefois rappelé qu'à mesure qu'augmente la dépense publique locale, « la question se pose de savoir comment (...) adapter la part fiscale des ressources des collectivités territoriales. » Il apparaît en effet de plus en plus difficile de réunir tous les éléments du « cahier des charges » de l'impôt local idéal et de trouver des impôts qui soient localisables, corrélés à la faculté contributive des redevables, sur lesquels les collectivités territoriales aient une forme de maîtrise par le biais des taux ou de l'assiette, dont la dynamique corresponde exactement à celle de la dépense locale et que l'on sache contrôler et gérer dans des conditions satisfaisantes. Comme l'a fort justement souligné la Directrice de la législation fiscale, « jamais on ne parviendra à mettre en place, devant chaque nouvelle dépense permise dans une catégorie donnée de collectivité, un impôt qui lui corresponde exactement, avec la dynamique appropriée. Il faut davantage raisonner en mettant en rapport l'ensemble des dépenses et l'ensemble des impôts dans une catégorie donnée de collectivités. »

Or, « pour le fiscaliste, » a ajouté Mme Marie-Christine Lepetit, « la TIPP est un impôt assez facilement transférable : il est, quoi qu'on en dise, localisable » et « nous allons obtenir prochainement, nous en sommes convaincus, le droit [de permettre aux régions] d'en moduler les taux. »

Dès le 1er janvier 2006, la part de TIPP reçue par les régions sera déterminée par un nouveau mécanisme : le montant perçu par chaque région sera obtenu par l'application d'une fraction du tarif de la TIPP aux quantités de carburants (supercarburant et gazole) vendues au consommateur final sur le territoire de la région. L'assiette de l'impôt sera donc localisée et les régions bénéficieront dès lors d'un « effet bases ».

Dans un deuxième temps, les régions devraient se voir attribuer le droit d'en moduler le tarif. Les régions pourraient ainsi être en mesure de fixer un tarif régional de TIPP dans une fourchette de plus ou moins 1,77 euro par hectolitre autour d'un tarif pivot pour l'essence sans plomb et dans une fourchette de plus ou moins 1,15 euro par hectolitre autour d'un tarif pivot s'agissant du gazole. La Commission européenne doit proposer au vote des États membres une décision autorisant la France à pratiquer cette modulation. Il s'agit d'une procédure relativement longue et complexe car cette décision doit être adoptée à l'unanimité. Dès lors la modulation de taux n'interviendra pas avant le 1er janvier 2007.

2.- Des fondements financiers solides à la veille des transferts de compétences

Les collectivités territoriales présentaient, à la veille de l'acte II de la décentralisation, des fondements financiers solides leur permettant de prendre en charge dans de bonnes conditions les nouvelles compétences.

2003 aura été une année de consolidation de leurs marges de manœuvre financières en vue de relancer l'investissement. C'est par une hausse de la fiscalité directe que les collectivités y sont parvenues. Elles ont également maîtrisé la croissance des dépenses de personnel, et bénéficié de la poursuite de la baisse des frais financiers.

Le niveau de l'épargne a donc progressé en 2003, contrastant avec le tassement relevé les deux années précédentes. Cela a favorisé la reprise de l'investissement, notamment pour les communes, en phase avec leur cycle électoral.

Les régions et les départements ont également relancé leur effort d'investissement, signe que l'intégration des nouvelles compétences a pu être absorbée sans déséquilibrer leurs budgets ni pénaliser l'investissement.

Bien qu'en légère augmentation en 2003, le niveau de la dette des collectivités reste à un niveau très bas. Les taux d'intérêt étant très faibles, les collectivités conservent des marges de manœuvre certaines en termes d'endettement.

B.- LES TRANSFERTS À VENIR

1.- Le transfert des personnels T.O.S. aux régions et aux départements

L'article 82 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales transfère aux départements et aux régions le recrutement et la gestion des 93 000 personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) relevant du ministère de l'Éducation nationale et exerçant leurs missions dans les collèges et dans les lycées. On se reportera à la page 119 du tome III du présent rapport pour consulter les documents annexes relatifs à ce transfert.

Actuellement, les départements et les régions ont déjà la responsabilité de l'accueil, de la restauration et du logement de ces personnels, ainsi que des bâtiments abritant les collèges et les lycées. Il est donc logique qu'ils aient autorité sur les personnels chargés de les entretenir et de les faire fonctionner.

Rappelons, pour un panorama complet, que l'article 84 de la même loi transfère aux départements la propriété et la charge du fonctionnement des collèges à sections internationales et du collège d'État de Font-Romeu. Il fait de même à au profit des régions, s'agissant des lycées à section bi-nationales ou internationales, du lycée d'État de Font-Romeu et des établissements publics nationaux d'enseignement agricole. Ces différents établissements sont transformés en établissements publics locaux d'enseignement, relevant soit de l'article L. 421-1 du code de l'éducation, soit de l'article L. 811-8 du code rural. En outre, l'article 94 de la loi fait, des quatre écoles de la marine marchande, des établissements publics régionaux. La gestion des personnels TOS de ces collèges et lycées sera également transférée aux collectivités. Toutefois, les effectifs concernés ne sont significatifs que dans les lycées agricoles ; où ils représentent 2 000 personnes, mais leur nombre exact ne sera connu qu'après publication du décret fixant la liste de ces établissements. La méthode retenue pour le transfert transposera celle appliquée aux TOS relevant actuellement du ministère de l'éducation nationale.

Le transfert de la gestion des TOS, cohérent en lui-même, permettra en outre aux collectivités concernées, plus proches des besoins des élèves comme des personnels, d'exercer plus efficacement leur compétence. Ainsi que l'a déclaré M. Gilles de Robien : «  la gestion des écoles maternelles et primaires, [qui relève des communes] grâce à la proximité, est beaucoup plus cohérente. C'est ce qui est attendu de la décentralisation des TOS : cohérence et proximité ». Enfin, ce transfert, qui interviendra à l'issue d'une procédure en deux phases, fera l'objet d'une compensation intégrale de la part de l'État à partir du 1er janvier 2006.

a) Une procédure de transfert en deux temps

M. Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a rappelé, lors de son audition du 14 juin 2005, les étapes de la procédure de transfert des personnels TOS aux régions et aux départements : « l'exercice 2005 est une année de transition, pendant laquelle les services de l'État agissent pour le compte des collectivités territoriales, lesquelles continuent à héberger, à assurer la restauration, l'entretien, etc. Au cours du premier trimestre 2005, quarante-cinq conventions ont été signées entre les représentants de l'État et les exécutifs élus, et, dans les semaines à venir, des arrêtés individuels de mise à disposition seront pris pour chacun des agents de l'État mis à disposition. Lorsque les discussions locales n'ont pas permis d'aboutir à la signature d'une convention, un arrêté interministériel doit être pris, après saisine et avis de la commission de conciliation mixte État-collectivités. Cette instance, installée auprès du ministre délégué aux collectivités territoriales, se réunira le 23 juin. Les arrêtés interministériels seront pris immédiatement après émission de l'avis, après quoi les arrêtés individuels de mise à disposition des agents de l'État seront pris à leur tour, et c'est à la fin de 2005 que sera publié le décret de partition fixant le périmètre définitif »

M. Gilles de Robien a poursuivi : « lorsque le décret de partition prendra effet, probablement le 1er janvier 2006, car il n'est pas question d'envisager un moratoire, alors s'ouvrira la période de deux ans ménagée par la loi pour le fameux droit d'option. Les agents exerçant leur activité dans le champ de compétence transféré seront donc définitivement connus et appelés à opter entre l'intégration dans la fonction publique territoriale et le détachement. S'ils attendent avant de choisir, dans la limite de ces deux années, ils seront mis à disposition de la collectivité d'accueil ». Selon M. Dominique Antoine, Directeur des personnels, de la modernisation et de l'administration au ministère de l'éducation nationale, la parution des textes créant les nouveaux cadres d'emplois spécifiques des TOS interviendra en septembre ou octobre 2005, « c'est-à-dire assez tôt pour permettre aux agents TOS d'exercer leur droit d'option en connaissance de cause à compter du 1er janvier 2006 ». Cependant, dès l'entrée en vigueur du décret de partition, les agents non titulaires de droit public deviendront des agents non titulaires des collectivités territoriales.

Le ministre a enfin précisé : « pour simplifier la gestion comptable du processus, nous proposons - ce point n'a toutefois pas encore été tranché - que les vœux de chacun soient enregistrés au fur et à mesure, mais que les décisions soient prononcées en deux fois, le 1er janvier 2007 puis le 1er janvier 2008 ».

b) Un transfert intégralement compensé

Ce transfert de compétence fera l'objet d'une compensation financière intégrale de la part de l'État. En effet, la Commission consultative d'évaluation des charges a émis un avis non seulement sur le périmètre des personnels concernés par le transfert, mais également sur les modalités de compensation de celui-ci, afin que la décentralisation ne se fasse pas au détriment des collectivités territoriales.

· Les personnels concernés par la compensation

Ainsi que l'a rappelé M. Dominique Antoine, pour définir le périmètre des personnels concernés par le transfert, « nous nous appuyons sur les articles 82 et 104 de la loi n° 2004-809 de la loi du 13 août 2004. L'article 82 mentionne la liste des compétences transférées. L'article 104 dispose que seront transférés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements les emplois pourvus au 31 décembre de l'année précédant l'année du transfert sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre 2002 ». Les emplois pourvus sont « les emplois budgétaires sur lesquels ont été affectés soit un fonctionnaire titulaire soit un agent non titulaire ». Ce travail de dénombrement a abouti aux chiffres suivants : « 92 273,55 TOS en équivalents temps plein au 31 décembre 2002 ; 92 997,85 TOS en équivalents temps plein au 31 décembre 2004. Nous retiendrons donc ce deuxième chiffre, puisqu'il est le plus favorable pour les collectivités territoriales ».

S'agissant du transferts des agents de droit privé, en l'espèce des 16 500 agents bénéficiant d'un contrat aidé comme les contrats emploi solidarité (CES) ou les contrat emploi consolidé (CEC), recrutés par les collèges et les lycées pour exercer des fonctions ouvrières et de service, M. Gilles de Robien a déclaré que : « ceux-ci seront mis à disposition des collectivités territoriales dans le cadre des conventions en cours d'élaboration. Le cabinet du Premier ministre a décidé que les collectivités prendront en charge ces contrats à partir du 1er janvier 2006, soit en assumant directement la part employeur, soit en subventionnant les établissements. Les moyens correspondants seront transférés via le ministère de l'Intérieur, sur la base de la dépense engagée par l'État au cours des trois derniers exercices, soit 19,6 millions en 2002, 37,7 millions en 2003 et 35,9 millions en 2004 ». Quant aux contractuels de droit public, qui seront « transférés dès la publication du décret de partition, c'est-à-dire fin 2005, [ils] sont au nombre de 3 700 ». En conséquence, les effectifs de TOS des collèges et des lycées, quel que soit leur statut, resteront inchangés.

En ce qui concerne les emplois supports, au nombre de 750, parmi lesquels « un certain nombre d'informaticiens, de formateurs, de personnel relevant du service social, de la médecine du travail », qui sont chargés de la gestion administrative des personnel TOS, la réponse de M. Dominique Antoine a été claire : « Ces emplois supports sont compris dans le champ de la compensation ». Précisons dès à présent que leur charge financière est évaluée à 25 millions d'euros, dont 12,3 millions d'euros à transférer aux régions.

· Une compensation intégrale par un transfert de fiscalité à partir du 1er janvier 2006

Ainsi que l'a écrit Mme Marie-José Roig, alors ministre déléguée aux collectivités locales, dans une lettre à M. Alain Rousset, président de la région Aquitaine, « la compensation du transfert se fera sur la base des charges réellement exposées par les collectivités, conformément aux dispositions applicables en la matière au sein de la fonction publique territoriale, en prenant comme référence la dernière année précédant le transfert ». M. Gilles de Robien a confirmé  lors de son audition que : « le Gouvernement s'est engagé à compenser financièrement au coût que supporteront les collectivités territoriales », tout comme il s'est engagé à compenser « l'impact en matière de retraites des personnels transférés ».

M. Michel Dellacasagrande, Directeur des affaires financières du ministère de l'éducation nationale, a précisé lors de son audition du 11 mai 2005 que « le calcul du coût d'un agent TOS a été fait sur les bases suivantes. Il intègre : la rémunération principale, que nous sommes en mesure de déterminer à partir du grade de l'agent (nous disposons pour chacun des grades d'un indice moyen de rémunération du grade) ; le cas échéant, la nouvelle bonification indiciaire ; les rémunérations accessoires ; les charges patronales. Les charges patronales sont déterminées au coût qu'acquittent aujourd'hui les collectivités territoriales, soit un taux de 45,6 % [...], taux qui intègre notamment une cotisation retraite de 27,3 %. [...] D'autres coûts existent, qui ne sont pas à proprement parler intégrés dans le coût de l'agent. Il s'agit du coût des concours, de la formation et de l'action sociale. Ce sont des coûts très imbriqués entre les différentes catégories de personnel de l'éducation nationale. Nous conduisons actuellement des enquêtes visant à déterminer précisément la part de ces coûts qui relève des TOS qui seront transférés.

Mme Marie-José Roig avait également confirmé que « les dépenses de formation consacrées par l'État à ces personnels seront intégrées au droit à compensation, de même que les dépenses de recrutement et les dépenses dites sociales (médecine préventive...). Les dépenses annexes (frais de fonctionnement des services transférés, y compris en matière informatique) seront également compensés sur la base d'une évaluation à faire au niveau local dans la préparation de la partition ».

Quant à la question du régime indemnitaire applicable, les départements comme les régions ont souligné que les indemnités servies aux fonctionnaires territoriaux sont plus élevées que celles dont bénéficient actuellement les TOS. Or, conserver deux systèmes de prime différents pour les agents relevant d'un même employeur apparaîtra sans doute peu praticable à terme. Bien entendu, l'éventuel alignement du régime indemnitaire des TOS pèserait sur le budget des collectivités territoriales sans compensation de la part de l'État. Cependant, ainsi que l'a remarqué M. Jean-Pierre Gorges, « l'État n'est nullement responsable de cette situation : la différence de rémunération n'est qu'un problème local ».

Surtout, cette différence de régime indemnitaire ne manquera pas d'être l'un des éléments de la négociation globale entre les collectivités territoriales et les personnels TOS concernant leurs missions, leur temps de travail et leurs conditions générales d'emploi. Ainsi qu'on y reviendra ci-après, au II-D, ce transfert offre une chance remarquable de renforcer l'intérêt du travail de ces agents.

Sur la base de l'effectif de référence, la compensation financière des transferts interviendra, s'agissant des personnels titulaires, à la date d'intégration dans la fonction publique territoriale ou du détachement sans limitation de durée. S'agissant des agents non titulaires, elle interviendra à la date de substitution d'employeur. Sur le plan financier, elle sera assurée par des transferts de fiscalité : taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) pour les départements et taxe de consommation intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) pour les régions. À titre transitoire, cette compensation pourra s'imputer sur la DGD.

· L'absence d'impact du transfert des TOS en 2005

Le transfert des TOS ne sera donc effectif qu'à partir du 1er janvier 2006. De fait, pour le recteur de l'académie de Montpellier, M. Christian Nique, ce transfert n'a pour l'instant « aucune conséquence pour les collectivités territoriales », propos maintes fois confirmé.

Cependant, une région a inscrit un crédit d'un million d'euros de dépenses au titre du transfert des TOS dans son budget  primitif pour 2005: la région Poitou-Charentes. Ainsi que l'a déclaré Mme Ségolène Royal, la région a financé le « coût des logiciels de gestion des TOS et des personnels d'encadrement nécessaires à cette gestion. Dès aujourd'hui, ce sont au moins cinq fonctionnaires de la région qui travaillent au traitement de ces problèmes très compliqués ». De plus, « la région a également financé toutes les charges liées aux assurances des personnels TOS, puisque, depuis le 1er janvier 2005, la région est juridiquement responsable en cas d'accident dans les établissements scolaires ».

Pour être précises, ces indications ne laissent pas de susciter une perplexité générale. S'agissant de l'inscription des dépenses liées à l'assurance des personnels TOS, M. Michel Dellacasagrande, Directeur des affaires financières du ministère, a déclaré : « je ne sais pas de quel type d'assurance on parle. Le principe selon lequel l'État est son propre assureur est aussi applicable, autant que je sache, aux collectivités territoriales [...]. Je mesure mal la portée de la question et le contenu de ce problème d'assurance ». Quant au travail des cinq fonctionnaires susmentionnés, on peut raisonnablement se demander quelle en est la teneur, sachant que la gestion des personnels TOS relève encore en 2005 de l'État.

L'ensemble de ces personnels, TOS, emplois supports et emplois aidés, sera transféré aux collectivités territoriales et intégré dans le périmètre de la compensation. Celle-ci couvrira intégralement le coût de ces personnels tel qu'évalué par les services de l'État sous le contrôle de la Commission consultative d'évaluation des charges. Comme le montre le tableau général d'évaluation qui figure dans le tome II du présent rapport, la compensation prévue à ce stade, compte tenu des derniers travaux de la CCEC, est de 2 572 millions d'euros, dont 1 262 millions d'euros au profit des régions et 1 310 millions d'euros pour les départements. A elle seule, la rémunération des 92 997,85 TOS représente 2 462 millions d'euros.

Les inquiétudes dont les élus locaux ont pu faire état lors de leurs auditions devant votre Commission d'enquête apparaissent désormais dénuées de fondement. Certes, ces éléments n'étaient pas disponibles en début d'année, mais leur calendrier d'élaboration était connu de tous, et ils ne sont que l'application à un cas particulier des garanties constitutionnelles applicables à tous les transferts de compétences.

c) Le transfert d'une situation confuse

Certes, le transfert physique et financier des TOS est un enjeu clair. Pour autant, en amont du transfert, on doit dénoncer ici la grande confusion qui règne dans la gestion nationale et locale des TOS. On peut espérer que la décentralisation sera l'occasion d'y voir plus clair. On doit reconnaître qu'un transfert de compétence est sans doute plus simple lorsque celle-ci est mieux maîtrisée dès la situation de départ. L'enjeu pour la décentralisation en est plus stimulant.

Cette question - autour, en particulier, du temps de travail des TOS - est développée ci-dessous dans le paragraphe II-D de cette troisième partie.

2.- Le transfert des routes nationales aux départements

L'article 18 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit de limiter le domaine routier national relevant de l'État aux autoroutes et aux routes d'intérêt national ou européen constituant un réseau cohérent. Les autres routes nationales seront donc transférées dans le domaine public routier départemental. Sont annexés à la page 125 du tome III du présent rapport des documents se rapportant à ce transfert.

Comme l'a affirmé le 23 juin dernier devant votre Commission M. Dominique Perben, ministre des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer : « sur le plan financier, contrairement à une idée trop largement répandue, cette décentralisation n'aura pas de conséquence négative sur les budgets des départements. L'État transférera en effet la totalité des moyens humains et financiers dont il dispose aujourd'hui pour gérer les routes transférées. Je note que le projet de décret fixant les modalités des transferts financiers a reçu un avis favorable de la Commission consultative d'évaluation des charges. [...] Je crois au principe de subsidiarité : hormis les équipements dont la nature même exige qu'ils soient conçus, gérés et entretenus au niveau national, il est souhaitable que le décideur qui rend les arbitrages se trouve au plus près de l'utilisateur, du citoyen. Conserver 10 000 kilomètres de grands itinéraires dans le giron de l'État et transférer le reste aux départements va forcément dans le sens de la bonne gestion des fonds publics. »

M. Christian Estrosi, président du conseil général des Alpes-Maritimes, partage tout à fait ce sentiment décentralisateur : « sincèrement, parmi les transferts de compétences au bénéfice des conseils généraux, celui des routes nationales me paraît le plus efficace. Depuis plus de vingt ans, nous échouions à obtenir la mise en cohérence entre les voiries nationales et départementales [...,] pour parvenir à rendre cohérent l'aménagement du territoire et à fluidifier la circulation ».

À l'issue des procédures de concertation engagées - réunion de la Commission consultative d'évaluation des charges sur le transfert des routes le 13 avril 2005 et concertation avec les conseils généraux conduites par les préfets dans chaque département -, votre Commission d'enquête ne peut que constater les excellentes conditions dans lesquelles cet important transfert sera réalisé, avec une compensation financière rigoureuse, des transferts des services de l'équipement bien organisés et des moyens nouveaux accordés aux collectivités territoriales pour développer l'investissement sur le réseau. Celles-ci n'ont donc absolument aucune raison de comparer ce transfert à la décentralisation des collèges et lycées lors de l'acte I de la décentralisation.

M. Patrice Parisé, Directeur général des routes au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, a fourni à votre Commission tous les éléments permettant de garantir aux départements la bonne exécution de ce transfert. Ces éléments sont repris dans les développements qui suivent.

a) La détermination concertée du périmètre des routes transférées et des compensations financières allouées

Conformément à la loi, le Gouvernement, par l'intermédiaire des préfets, a consulté l'ensemble des départements sur l'avant-projet de décret qui doit fixer la consistance du futur réseau routier national. Y sont énumérés les axes que l'État envisage de conserver, en application de la définition figurant désormais à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière: « le réseau routier national est un réseau cohérent de routes et d'autoroutes d'intérêt national ou européen ». Le réseau soumis à la consultation totalisait environ 10 000 kilomètres de voies que garderait l'État, sur un total de 30 000 kilomètres de routes nationales et d'autoroutes non concédées, soit un transfert initialement envisagé de 20 000 kilomètres.

Cette consultation s'est déroulée, dans la plupart des départements, au cours du premier trimestre de l'année 2005. Les préfets ont commencé à recueillir les délibérations des conseils généraux depuis fin mars. Très peu de départements ont refusé le principe du transfert ; 30 % à 35 % ont émis une tonalité clairement négative ; certains s'opposent au transfert de telle ou telle route ; la plupart ont donné un avis globalement favorable, émettant parfois quelques observations ou des réserves. M.  Dominique Perben, ministre des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, a indiqué à votre Commission qu'à l'issue de cette phase de négociation, « l'État pourrait conserver 1 740 kilomètres en plus des 9 910 kilomètres prévus dans le projet initial. »

Le projet de décret a été approuvé par la Commission consultative d'évaluation des charges. Il est actuellement soumis au Conseil d'État, ce qui permettra aux collectivités territoriales de disposer d'un cadre réglementaire définitif à l'automne 2005. Une fois ce décret publié, il appartiendra aux préfets de prendre les arrêtés transférant aux départements les routes nationales n'y figurant pas. Ces transferts deviendront effectifs le 1er janvier de l'année suivant les arrêtés préfectoraux et, en l'absence d'arrêté préfectoral, le transfert sera de droit au plus tard le 1er janvier 2008. Ainsi, si des arrêtés sont pris avant la fin de l'été 2005, les routes concernées seront transférées aux départements dès le 1er janvier 2006.

Il peut arriver qu'une route actuellement nationale ne présente pas un caractère d'intérêt national ou européen, mais ait une vocation communale. La loi prévoit alors que l'État la conserve, non pas dans le réseau routier national mais dans son domaine, dans la perspective d'un transfert ultérieur aux communes concernées. Les modalités financières selon lesquelles ce transfert s'opérera n'ont cependant pas encore été définies. Mais le transfert aux communes, lorsqu'il est la conséquence d'une opération générale de décentralisation, devrait s'accompagner d'un transfert de ressources dans les mêmes conditions que pour les départements, par souci d'équité.

S'agissant de la compensation financière du transfert des routes, les articles 119 et 121 de la loi du 13 août 2004 ont prévu d'accorder aux départements l'équivalent des ressources aujourd'hui consacrées par l'État à l'entretien courant et aux grosses réparations - réhabilitations, opérations de sécurité et liées aux risques naturels - des routes transférées. Le projet de décret fixant les modalités précises de cette compensation a, lui aussi, reçu un avis de principe favorable de la Commission consultative d'évaluation des charges.

En ce qui concerne, en premier lieu, la compensation des charges d'entretien courant, avec les patrouilles, la sécurité routière, etc., la moyenne retenue est celle des trois dernières années. Le Gouvernement a proposé d'appliquer la même méthode de répartition que celle aujourd'hui en vigueur pour l'entretien des routes nationales : la dotation votée par le Parlement en loi de finances est répartie entre les directions départementales de l'équipement (DDE) à raison des caractéristiques physiques du réseau (type de route, largeur de la route, trafic supporté, nombre de voies), ainsi que du climat (pour la viabilité hivernale, particulièrement lorsqu'il s'agit de routes de montagne), sur la base d'une circulaire annuelle.

Le deuxième type de dépenses concerne les grosses réparations et les réhabilitations d'ouvrages d'arts ou de chaussée. La compensation sera calculée à partir de la moyenne des cinq dernières années, mais recalculée au niveau national afin d'éviter les distorsions entre départements. En effet, les ressources correspondantes ne sont pas aujourd'hui distribuées aux directions départementales de l'équipement sur la base de ratios, mais font l'objet d'une programmation analytique : les crédits sont alloués en fonction des besoins recensés et de l'urgence des travaux. Il serait donc totalement inefficace de les reverser à l'identique d'année en année, car cela produirait évidemment un effet d'aubaine dans certains cas et d'éviction dans d'autres. Le Gouvernement a donc proposé de globaliser ces dépenses au plan national et de calculer des ratios en fonction des caractéristiques physiques du réseau transféré (linéaires de chaussée, tunnels, tabliers de ponts), de façon à appliquer la même méthode que pour l'entretien courant. Les routes sont ainsi classées en cinq catégories, avec des normes spécifiques et un montant précis pour chacune. Votre Rapporteur, par ailleurs rapporteur spécial des crédits des transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes, tient à signaler que, loin de connaître des gels, les dépenses de l'État pour l'entretien des routes ont progressé au cours des dernières années.

La compensation est évaluée par la Commission consultative d'évaluation des charges à 200 millions d'euros. En ce qui concerne le taux d'actualisation des dépenses d'investissement, le Gouvernement a finalement retenu l'indice des prix de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques (+ 17 % en 5 ans), demandé par les conseils généraux. Sur cette base, deux dotations seront transférées : une dotation globalisée (dépenses de fonctionnement et d'investissement liées à la gestion du réseau transféré, c'est-à-dire à l'entretien courant), qui correspondra aux 2/3 de l'enveloppe transférée, et une dotation destinée à des programmes spécifiques, correspondant à la globalisation au plan national de l'ensemble des sommes dépensées pour des programmes spécifiques (réhabilitation des tunnels, renforcement des ouvrages d'art...). La répartition par départements se fera en fonction de ratios objectifs, comme la nature de la voirie et le kilométrage.

Il n'y a donc aucune inquiétude à avoir sur ce point. M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a ainsi à juste titre démonté, devant votre Commission, les hypothèses alarmistes et dénuées de fondement de l'étude réalisée par le cabinet Ernst & Young à la demande de l'Assemblée des départements de France, pour ce qui concerne le transfert des routes. Les scénarios de cette étude retiennent en effet une « estimation en termes de compensation limitée à 100 millions d'euros. Les chiffres sont en réalité bien supérieurs [...] : les hypothèses sur lesquelles le Gouvernement travaille se situent à 200 millions d'euros. Soit une erreur de 100 %... » Comme l'a aussi démontré M. Patrice Parisé, Directeur général des routes : « l'ensemble des collectivités, régions, départements et communes, sortiront gagnantes de cette opération de décentralisation [...] Il a beaucoup été dit que l'État " maltraitait " les collectivités, en ne transférant pas les crédits nécessaires ; globalement, je suis sûr du contraire, même si, c'est vrai, certains cas particuliers méritent attention. »

À ce stade, le total des transferts aux départements, sous forme de fraction de la TSCA, est évalué à 1 074 millions d'euros, en incluant la charge estimative des personnels à transférer.

b) La garantie du maintien en bon état des routes par le transfert de tous les personnels de l'équipement concernés

Les opérations de transfert de personnel ne sont pas encore engagées, puisque le périmètre définitif du futur réseau routier national n'est pas encore officiellement arrêté. Mais il est acquis que l'État transférera aux départements l'ensemble des personnels aujourd'hui affectés aux routes nationales qui seront décentralisées.

Dans les directions départementales de l'équipement, il existe pour les routes deux types d'organisation. Dans les directions organisées selon l'article 6 de la loi du 2 décembre 1992, les personnels interviennent à la fois sur les routes nationales et sur les routes départementales ; pour ces directions, il faudra donc établir un tri en se fondant sur des bases de données et évaluer le nombre d'équivalents temps plein utilisés sur chacune des deux catégories de voies. Le partage sera plus facile à opérer pour les directions organisées selon l'article 7, où sont d'ores et déjà distincts les services travaillant au profit des routes départementales et nationales. Mais il faudra quand même qu'un partage soit effectué, pour les routes actuellement nationales qui vont devenir départementales ; cet exercice sera mené département par département, sur la base des rapports d'activité et du décompte des temps de travail des personnels.

Outre les personnels techniques, les directions départementales de l'équipement emploient des personnels affectés à des tâches « support », par exemple la comptabilité ou la gestion des ressources humaines : le partage les concernera également, en fonction des volumes d'activité, évalués au cas par cas. Le transfert portera aussi sur les personnels d'encadrement et d'ingénierie, ainsi que sur les dépenses d'action sociale (assistantes sociales, médecine préventive,...). Comme l'a confirmé M. Christian Estrosi, président du conseil général des Alpes-Maritimes, « le personnel d'encadrement, en accord avec le directeur départemental, sera bien intégré au conseil général, pour notre plus grande satisfaction. [...] Les personnels de la direction ont [...] fait savoir qu'ils étaient favorables à rejoindre les services du département. »

Un exemple pratique des modalités de transfert des personnels est apporté par la description très précise faite, pour son département, par M. Jacky Cottet, directeur départemental de l'équipement de l'Hérault : « les effectifs transférés au département seront compensés à l'euro près. Le principe de calcul a été défini par la loi, reste à en préciser les modalités, qui font actuellement l'objet de négociations entre le ministère et l'ADF. Comme dans d'autres départements, le débat, assez fort, se poursuit ici sur les effectifs, et particulièrement sur le transfert non seulement des équipes d'exploitation des routes, mais aussi des équipes qui travaillent à l'ingénierie, aux projets routiers, aux études et à leur réalisation, et des services supports, secrétariats et autres. Sur toutes ces questions, le ministre a donné satisfaction aux conseils généraux ; il faut encore définir précisément les modalités de calcul, département par département. Le département de l'Hérault a pris une certaine avance puisque, en application de l'article 7, 305 agents de la DDE travaillent d'ores et déjà dans des agences départementales, sous l'autorité fonctionnelle du conseil général. Ils seront transférés dès cette année, sitôt que seront sortis les textes statutaires. L'an prochain, il nous restera à transférer un effectif sensiblement moindre, en même temps que 380 kilomètres de routes. Ces questions de personnels ne soulèvent plus grand débat dans l'Hérault, dans la mesure où l'essentiel est déjà fait, le département ayant demandé l'application de l'article 7. »

M. Alain Lorriot, directeur départemental de l'équipement du Haut-Rhin, décrit une situation tout à fait semblable dans son département : « les personnels sont [...] transférés à l'unité près. Les agents qui ont toujours travaillé sur l'actuel réseau du département sont au nombre de 170. Une convention a été passée en application de la loi du décembre 1992, dite de sortie de l'article 30 de la loi du 2 mars 1982. Le nombre d'équivalents temps plein au 1er janvier 1993 a été réévalué, catégorie par catégorie, suivant des coefficients [déterminés] chaque année dans la loi de finances - en tenant compte, bien entendu, des suppressions de postes, systématiquement compensées sur la DGD du département, suivant des calculs fort compliqués arrêtés en accord entre l'Assemblée des départements de France et l'État. Ce qui nous donne ce chiffre de 170 personnes, que le département ne conteste pas. S'y ajouteront les personnels transférés en fonction des routes nouvellement rétrocédées, soit une quarantaine de personnes supplémentaires - notre administration centrale ne nous a pas encore donné les modalités de calcul -, les services supports correspondants, soit une douzaine de personnes - informatique, formation, gestion des carrières, paie, etc. -, et enfin l'ingénierie routière, bureaux d'études et service des grands travaux qui travaillent dans le cadre du contrat de plan sur les routes nationales appelées à être transférées et pour lesquels les critères de détermination n'ont pas encore été arrêtés ; il devrait s'agir de cinq à dix personnes. [...] Environ 230 personnes sont concernées, qui seront transférées selon un barème par catégorie, l'État reconnaissant, par exemple, qu'un ingénieur divisionnaire coûte tant pour la paie, plus tant pour le régime indemnitaire. Tout cela est facile à vérifier. Il ne reste plus qu'à multiplier par le nombre d'ingénieurs divisionnaires transférés et l'argent sera versé sur la DGD du département. Il en sera de même pour toutes les autres catégories. [...] Tant qu'ils n'auront pas exercé leur droit d'option - ils ont deux ans pour le faire - les personnels continueront d'être payés par l'État pour la totalité des prestations qu'ils exécuteront pour le compte du département. Et comme il n'est pas question de compenser sur la DGD à chaque fois qu'un agent aura fait son choix, c'est seulement à l'issue du droit d'option que tout sera définitivement réglé. Or ce droit ne sera ouvert que lorsque le décret aura été pris et la convention passée, autrement dit dans plus d'un an. »

Interrogé sur les éventuelles charges supplémentaires qui résulteraient, pour le conseil général du Haut-Rhin, du transfert des personnels de l'équipement, M. Alain Lorriot a été tout aussi clair : « au final, les éventuelles charges supplémentaires pour le département n'apparaîtront pas avant 2009 - mais, à mon avis, il n'y en aura pas. [...] En réalité, les statuts de la fonction publique d'État et de la fonction publique territoriale sont parfaitement équivalents, qu'il s'agisse de la paye ou du régime indemnitaire - y compris ce qu'on appelait autrefois les " honoraires ". La différence porte sur la promotion des agents dans leurs corps, beaucoup plus linéaire et aisée dans la fonction publique territoriale. C'est cela qui peut provoquer des surcoûts. J'avais ainsi recruté des ingénieurs des travaux publics dans le département du Calvados ; sitôt qu'ils ont opté pour la territoriale, ils sont passés ingénieurs principaux dans la foulée... Le surcoût pour les collectivités territoriales tient au fait que la promotion va beaucoup plus vite dans la fonction publique territoriale que dans la fonction publique de l'État. »

En conséquence, dans le programme Réseau routier national au sens de la LOLF, le nombre de personnels du ministère de l'Équipement impliqués passera d'un peu moins de 50 000 à un peu moins de 15 000, y compris les personnels du réseau scientifique et technique. Il s'agit d'une formidable opportunité pour la réforme de l'État, qu'il faut à tout prix saisir. M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer en est parfaitement convaincu : « le transfert aux départements d'une partie du réseau routier national, au-delà de la nouvelle avancée de la décentralisation qu'il représente, constitue une opportunité unique de modernisation en profondeur des services de l'équipement. Les services routiers de l'État vont en effet devoir être profondément réorganisés pour permettre une gestion par itinéraires du réseau routier national non concédé. Le regroupement des personnels au niveau régional pour la maîtrise d'ouvrage des investissements routiers et au niveau interrégional pour l'entretien, l'ingénierie et l'exploitation permettra une amélioration du service rendu aux usagers, d'une part, et des gains de productivité, d'autre part. [...] Au niveau de l'État, les services seront réorganisés car il serait absurde de maintenir la structure de gestion en l'état alors que plus de la moitié de la tâche est transférée. Le ministère de l'Équipement, qui n'en est pas à sa première réforme de structures depuis une trentaine d'années, a engagé une réflexion et un début d'exécution extrêmement intéressants. La qualité des services rendus par le ministère devrait s'en trouver améliorée. »

M. Michel Guillot, préfet du département du Haut-Rhin, a montré, devant votre Commission, comment cette réorganisation des services de l'équipement pouvait être conduite sur le terrain : « les organigrammes respectifs de la DDE et du service des routes du conseil général sont en cours d'élaboration, parallèlement et en discutant ensemble, en essayant de suivre une politique d'aménagement du territoire intelligente : là où sont les uns, il n'y a pas besoin que les autres soient nombreux, mais il faut savoir compléter là où les uns comme les autres ne sont pas suffisamment. »

Il faut en effet distinguer, parmi les services routiers, les personnels intervenant sur la route, qui constituent la plus grande partie des effectifs, des personnels d'encadrement et des bureaux d'études. Les personnels chargés de l'entretien courant resteront évidemment à proximité de leur territoire d'intervention, dans des centres d'entretien et d'intervention. S'agissant des moyens d'études, il faudra procéder à des regroupements, mais chacune des onze nouvelles directions interrégionales conservera plusieurs implantations - tout ne sera pas regroupé au siège. Cela correspond à une nécessité : dans certaines des directions départementales de l'équipement, la cellule spécialiste des ouvrages d'art ne comporte que deux ou trois agents, et il suffit que l'un d'entre eux vienne à manquer pour que la structure devienne extrêmement fragile. Il est donc essentiel que l'État conserve un savoir-faire de haut niveau en ingénierie, pour les chaussées comme pour les ouvrages d'art, et, à cet effet, les structures doivent avoir une taille minimum.

c) La possibilité pour les départements de développer le réseau transféré grâce au décroisement des financements

La loi ne prévoit d'obligation de compensation que pour l'entretien courant des routes et les grosses réparations et réhabilitations d'ouvrages d'arts ou de chaussée. En transférant aux départements des ressources, pour ces deux postes, l'État remplit parfaitement ses obligations.

En revanche, la loi n'a pas prévu de transfert de ressources au titre du développement du réseau routier. Face à cette situation, le Gouvernement a évoqué, durant le débat parlementaire, la solution consistant à décroiser les financements. En quoi cela consistera-t-il ? Demain, l'État n'interviendra plus financièrement sur les routes nationales qui deviendront départementales et, à l'inverse, les départements ne seront plus sollicités pour participer au financement des routes restant nationales. En revanche, pour les routes nationales conservées par l'État, la contractualisation entre l'État et les régions sera maintenue et une contractualisation du même type devra intervenir, directement entre les départements et les régions, pour les axes qui vont devenir départementaux.

Quelles seraient les conséquences de ce décroisement ? La direction générale des routes a effectué une simulation fondée sur quatre hypothèses. Premièrement, elle a retenu le réseau routier national dessiné dans le projet de décret soumis à la consultation des départements - c'est-à-dire, initialement, 10 000 kilomètres de routes conservées et 20 000 kilomètres de routes transférées. Deuxièmement, elle a calculé comment auraient été exécutés les contrats de plan en cours selon le mode décroisé. Troisièmement, elle a pris en compte l'éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des fonds de concours des collectivités territoriales, prévue par la loi du 13 août 2004, à compter du 1er janvier 2005 (ce qui, soit dit en passant, allégera de plus de 700 millions d'euros leur charge financière au titre des volets routiers des contrats de plan État-régions). Quatrièmement, elle a supposé que les régions réinvestiraient dans les volets routiers des contrats de plan État-régions la TVA récupérée du fait de cette mesure nouvelle, la neutralité financière, pour les régions, étant donc totale.

Sur la base de ces hypothèses et en effectuant les calculs en montants nets, c'est-à-dire après annulation de l'effet TVA, il s'avère que, globalement, à l'échelon national, sur la durée totale des contrats de plan, il en résulterait un « gain » pour les collectivités territoriales - essentiellement les départements mais aussi les agglomérations -, de 370 millions d'euros environ, et, symétriquement une « perte » du même montant pour le budget de l'État. La notion de gain doit s'entendre par rapport à la situation actuelle, toutes choses étant égales par ailleurs.

Cette réalité, qui résulte d'une situation consolidée à l'échelon national, ne se décline évidemment pas de la même manière dans chaque département ; le bilan par collectivité est plus contrasté, certaines perdant des montants significatifs tandis que d'autres sont largement gagnantes, selon une courbe de distribution symétrique. La grande majorité des départements gagne peu ou perd peu. Parmi les perdants, une dizaine d'entre eux le seraient pour un montant significatif, de plusieurs millions, voire de plusieurs dizaines de millions d'euros ; il en va de même pour les gagnants. Par exemple, pour le département des Alpes-de-Haute-Provence, auquel l'État a prévu de transférer la totalité des routes nationales, le bilan ne peut être que négatif. À l'inverse, dès lors qu'est appliquée la règle du décroisement, seront gagnants les départements où, pour des raisons de constitution du réseau, l'État a prévu de garder l'ensemble du réseau routier national. C'est particulièrement vrai pour ceux qui participent significativement aux contrats de plan : les moyens qu'ils consacrent aujourd'hui aux routes nationales seront libres d'emploi, puisque celles-ci resteront nationales dans leur totalité.

À défaut de contrainte législative, l'État a cependant l'obligation morale de faire en sorte qu'aucun département ne pâtisse de façon excessive de ce transfert et du décroisement envisagé. En revanche, il ne paraît pas possible de tenir compte des gains réalisés par certains d'entre eux. Pour les quelques départements qui resteront perdants, en définitive fort peu nombreux, l'État envisage de participer à des opérations bien identifiées en vue de neutraliser, sinon en totalité, du moins en partie, la perte enregistrée par rapport à la situation actuelle. Cependant, l'opération ne donnerait pas lieu à une obligation de dépenses supplémentaires pour le budget de l'État mais, à ressources équivalentes, à un ralentissement de l'aménagement du réseau routier national structurant. Il serait toutefois paradoxal que cette conséquence soit de grande ampleur.

La loi a prévu que les actuels contrats de plan État-régions s'exécutent jusqu'à leur achèvement, c'est-à-dire jusqu'à épuisement de l'enveloppe fixée dans le volet routier, et non jusqu'à leur fin calendaire. Jusqu'à ce stade, rien ne changera : les opérations prévues au contrat de plan seront achevées, même au-delà des sept ans prévus, sans décroisement. Comme l'a rappelé devant votre Commission M. Pierre Mirabaud, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale : « il est convenu que ce qui est inscrit aux contrats de plan actuels sera exécuté à l'avenir quelle que soit la maîtrise d'ouvrage de la route concernée. Les engagements seront donc maintenus tels quels. L'opération pourra, soit rester sous la maîtrise d'ouvrage de l'État jusqu'à l'exécution financière du contrat programmé, soit être reprise par la collectivité, avec, alors, un transfert des crédits d'État. L'impact financier est essentiellement dû à la possibilité nouvelle de récupération du FCTVA. In fine, le dispositif doit aboutir à ce que, grâce à un accord entre l'État et les régions, les conseils généraux ne soient plus appelés à financer les travaux inscrits aux contrats de plan pour les routes nationales. Les départements ne travailleront donc plus que sur leur propre réseau, étendu par le transfert d'un certain nombre de routes nationales, et pourront contractualiser avec les conseils régionaux. »

Les contrats de plan et les financements décroisés relèvent du domaine de la liberté contractuelle. Ils sont donc hors du champ de la compensation par l'État, à l'exception des opérations aujourd'hui inscrites au contrat et non encore engagées. Comme l'a expliqué M. Jacky Cottet, directeur départemental de l'équipement de l'Hérault : « la question de la poursuite de la participation du conseil régional, une fois les routes transférées aux conseils généraux, inquiète plus ces derniers que le principe du décroisement. Il y a donc un débat entre conseils généraux et conseils régionaux. »

En ce qui concerne la poursuite des financements régionaux, M. Adrien Zeller, président du conseil régional d'Alsace, a donné des précisions qui ne peuvent que rassurer les départements : « nous nous calerons sur les projets d'intérêt régional, qui étaient encore à étudier ou dont il faudra cofinancer les études. Je serais étonné que nous nous désengagions sur de tels projets qui ont déjà fait l'objet d'un accord moral, au moins jusqu'en 2010. [...] En tout cas, nous sommes déterminés à ne pas nous désengager brutalement de projets dont nous avons reconnu la pertinence et l'intérêt régional. » Si tel n'était pas le cas, dans telle ou telle région, comme l'a très justement noté M.  Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer : « si une région décidait de suspendre son aide, elle enregistrerait un gain net et pourrait réduire sa fiscalité. » Il n'y aurait donc pas d'augmentation globale de la fiscalité locale si un département devait pallier le désengagement d'une région. Mais on peut espérer, qu'après avoir tant dénoncé - d'ailleurs à tort - le « désengagement de l'État », les conseils régionaux ne se désengageront pas vis-à-vis des conseils généraux !

Il faut aussi souligner - car il s'agit d'un avantage certain pour toutes les collectivités territoriales - que l'éligibilité des fonds de concours des différentes collectivités au FCTVA produit ses effets depuis le 1er janvier 2005. Or, l'éligibilité au FCTVA porte sur les paiements. Comme l'engagement des crédits de paiement pour les opérations prévues dans l'actuelle génération des contrats de plan État-régions était encore inférieure à 50 % au 1er janvier 2005, la récupération de TVA jouera sur plus de la moitié des contrats de plan. Les montants concernés s'élèvent à 4,7 milliards d'euros pour les régions et à 2,7 milliards d'euros pour les départements, soit un total de 7,4 milliards d'euros. Le reversement devrait donc s'élever à 20 % des trois cinquièmes, ce qui représente une somme non négligeable, environ 900 millions d'euros.

Les collectivités territoriales peuvent donc être plus que rassurées. Alors pourquoi tant d'inquiétudes exprimées devant votre Commission ? L'argument qui revient sans cesse est celui du mauvais état des routes transférées, sur lesquelles les conseils généraux devraient donc désormais investir massivement et seuls, car l'État ne leur aurait transféré aucun crédit d'investissement pour l'amélioration du réseau.

Une remise en état des voies préalablement au transfert ne serait pas conforme au principe constitutionnel, qui consiste à transférer aux collectivités territoriales la ressource antérieurement consacrée par l'État à la compétence en cause. L'État transférera aux départements la totalité des crédits qu'il consacrait à l'entretien et au fonctionnement des routes concernées, mais aucune remise à niveau n'est prévue, dans la mesure où le réseau routier répond globalement aux besoins de déplacements et sert convenablement l'économie nationale. D'ailleurs, la loi du 13 août 2004 a prévu qu'une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles, sera réalisée dans un délai d'un an. Celle-ci n'a cependant pas pour objet de conduire à des remises en état du réseau routier, mais de permettre aux futurs gestionnaires d'assumer leurs responsabilités - le Conseil constitutionnel a bien précisé que « cette étude, réalisée par l'État, permettra aux départements de connaître la qualité de ces infrastructures et la charge financière prévisible qui leur est attachée »50.

S'agissant de l'état du réseau transféré, M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, a raison de faire le constat suivant : « pour me déplacer beaucoup sur des réseaux routiers étrangers, je ne pense pas que nous ayons à rougir de notre réseau routier national. » On peut considérer qu'il pourrait être encore mieux entretenu, qu'il serait possible de faire encore plus, mais le niveau de ressources aujourd'hui alloué permet un fonctionnement normal. M. Patrice Parisé, directeur général des routes, s'est ainsi exprimé devant votre Commission : « vous me permettrez de contester l'assertion selon laquelle les routes transférées sont en mauvais état. Je reconnais que les réalisations effectuées par le passé l'ont été avec le concours des collectivités territoriales, sans lesquelles le réseau routier national en serait pas ce qu'il est. Sans les autoroutes à péage, le réseau autoroutier ne serait pas non plus ce qu'il est. Plutôt bien que mal, nos routes répondent aux besoins du pays. On pourrait toujours faire davantage, mettre plus d'argent, mais ce serait au détriment d'autres politiques. Au demeurant, si un département considère qu'il doit faire plus que ce que l'État faisait, c'est son droit mais cela ne justifie pas à mon avis une compensation supplémentaire. »

Chaque département est maître de sa politique et de l'utilisation de ses ressources. Comme le rappelle M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales : « il appartient aux assemblées locales et à leurs exécutifs d'afficher et d'assumer leurs choix. Prenons l'exemple des routes. L'État n'avait pas souhaité mettre certains tronçons à deux fois deux voies ; c'était sa responsabilité. Désormais, c'est devenu celle des départements qui peuvent faire un autre choix, aux dépens d'autres compétences ou non, selon les options fiscales qu'ils se donnent. » Votre Rapporteur se permet cependant de remarquer que, les routes nationales parallèles aux autoroutes devant être décentralisées car elles ne sont pas indispensables au réseau structurant (par exemple, la RN 89, parallèle à l'A 89), il ne lui paraît pas nécessaire de les transformer en routes à deux fois deux voies.

La comparaison avec l'acte I de la décentralisation est alors frappante. M. Francis Idrac, préfet de la région Languedoc-Roussillon, a parfaitement résumé cette problématique : « de même que les équipements scolaires ont coûté aux collectivités beaucoup plus cher que ce qui avait été envisagé au moment de la décentralisation, je comprends que le même phénomène puisse se répéter avec les routes, par exemple. Aussi certaines collectivités brandissent-elles des chiffres invérifiables sur ce que leur coûtera le transfert d'une partie du réseau routier national dans la voirie départementale. [...] L'État est parfaitement capable de présenter le montant précis des dépenses qu'il a affectées à ce réseau routier dans les trois ou cinq années précédentes. Libre aux collectivités territoriales de trouver que c'est trop peu et que cela ne correspond pas à ce qu'elles feront sur ce même réseau routier lorsqu'elles l'auront en charge» Il leur faudrait alors assumer une augmentation de la fiscalité locale, qui n'a absolument rien d'inéluctable compte tenu de l'ensemble des ressources supplémentaires qu'elles vont récupérer avec le décroisement des financements et la récupération du FCTVA.

3.- Au-delà de l'acte II : la création de la prestation de compensation du handicap

Il est un autre sujet d'inquiétude que les départements ont très souvent évoqués devant votre Commission comme source potentielle d'augmentation des impôts locaux pour l'avenir : il s'agit de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Ainsi que l'a signalé M. Philippe Laurent, président-directeur général du cabinet Philippe Laurent Consultants, lors de son audition par votre Commission le 15 mars dernier, « un directeur financier de conseil général a rédigé une note tendant à démontrer que le coût du transfert de la compétence des personnes handicapées conduirait à un triplement du budget annuel. » Évoquant de son côté l'étude réalisée à la demande de l'Association des départements de France, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, a rappelé que les scénarios du cabinet Ernst & Young, pour ce qui concerne le handicap, « anticipent quelque 400 000 bénéficiaires pour la prestation de compensation du handicap. Le Gouvernement table quant à lui sur une hypothèse de 150 000. Comment expliquer une erreur d'appréciation aussi importante ? »

Il y a donc une dramatisation autour des enjeux financiers de la PCH, qui se nourrit du souvenir cuisant de l'allocation personnalisée d'autonomie. Votre Rapporteur a cependant acquis la conviction, notamment grâce aux informations fournies à votre Commission par M. Jean-Jacques Trégoat, Directeur général de l'action sociale au ministère de la Santé et des solidarités, que le dispositif sera financièrement équilibré, dans une enveloppe financière fermée. Ce n'est que dans le cas où les conseils généraux décideraient d'accorder des aides plus généreuses que prévu par la loi qu'une montée de la dépense pourrait se produire. Et l'on retrouve ainsi la problématique classique de la pression citoyenne...

Le grand avantage du dispositif très élaboré de la loi du 11 février 2005 est d'avoir créé des procédures d'alerte précoce : la dépense étant sous surveillance, l'inquiétude constatée par votre Commission d'enquête a tout lieu d'être apaisée, en dépit de la durée incompressible de mise en place.

Son grand inconvénient est d'être un système potentiellement divergent, sauf à trop escompter de la vertu individuelle de chaque conseil général. La répartition de l'enveloppe fermée se faisant sur l'évaluation du nombre d'allocataires, chaque département a individuellement intérêt à en majorer le nombre, sans restreindre le guichet. Au final, un nombre croissant d'allocataires au niveau national amènera à partager l'enveloppe en parts plus petites, mais chaque département a intérêt à en revendiquer le plus grand nombre - phénomène connu sous le nom d'effet pervers et d'ordre social.

Il y a ainsi un risque sérieux que le système ne dispose pas de stabilisation suffisante.

Tout l'enjeu de la définition des critères d'ouverture du droit à la PCH - dans le cadre de l'élaboration des décrets d'application - sera donc de parvenir à un encadrement suffisamment précis pour conjurer ce risque.

a) Une nouvelle prestation sociale dont le surcoût sera intégralement compensé aux départements par la solidarité nationale

La prestation de compensation du handicap (PCH) doit se substituer, au 1er janvier 2006, à l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), déjà servie par les départements. La loi prévoit que l'attribution de la prestation sera décidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, placée sous l'autorité du président du conseil général, sur la base d'une évaluation réalisée par une équipe pluridisciplinaire, laquelle s'appuiera sur des outils qui auront valeur nationale. Des critères objectifs d'attribution seront définis par voie réglementaire, afin de « cadrer » la prestation et de garantir l'égalité des droits des personnes handicapées sur tout le territoire.

· Une enveloppe prédéterminée, un calendrier d'élaboration des critères

Pour assurer le financement de la nouvelle prestation, les conseils généraux recycleront les sommes qu'ils consacrent aujourd'hui à l'ACTP, soit 687 millions d'euros en 2003 (chiffre connu au moment de l'adoption de la loi), et bénéficieront de concours financiers provenant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Conformément aux dispositions de l'article 60 de la loi du 11 février 2005, 40 % du produit de la contribution sociale de 0,3 %, due au titre de la journée nationale de solidarité et affectée à la CNSA, sont destinés aux personnes handicapées, cette ressource étant fractionnée entre la PCH - pour une part comprise entre 26 % et 30 % - et le financement des établissements et services pour personnes handicapées, en complément de l'ONDAM médico-social - pour une part comprise entre 10 % et 14 %.

Les moyens de la CNSA que le Gouvernement envisage d'affecter aux établissements et services pour personnes handicapées de 2006 à 2008 seront calculés sur la base d'un taux de 14 %, soit le maximum autorisé par la loi. En conséquence, l'enveloppe consacrée par la CNSA à la prestation de compensation sera fixée à 26 %. Ceci conduit à une participation de la CNSA à ce dispositif de 500 millions d'euros en 2006, 518 millions d'euros en 2007 et 537 millions d'euros en 2008, au terme de sa montée en charge. Ces crédits s'ajouteront par conséquent chaque année aux moyens actuellement consacrés par les départements à l'ACTP.

Au total donc, l'enveloppe financière globale consacrée à la PCH sera constituée par les financements cumulés de l'actuelle ACTP et des concours financiers versés par la CNSA, pour un montant maximum de 1 187 millions d'euros en 2006, 1 205 millions d'euros en 2007 et 1 224 millions d'euros en 2008. Ce montant sera éventuellement réduit des dépenses qui continueraient à être consacrés à l'ACTP en application du droit d'option prévu par la loi.

À titre indicatif et compte tenu des critères d'éligibilité et des montants d'aide envisagés, l'estimation des dépenses supplémentaires à la charge de la CNSA, correspondant à chacun des éléments de la prestation de compensation du handicap, devrait être la suivante à l'horizon 2008 :

- 1er élément (aide humaine) : 351 millions d'euros ;

- 2ème élément (aides techniques) : 110 millions d'euros ;

- 3ème élément (aménagement du logement et du véhicule et frais de transport) : 20 millions d'euros ;

- 4ème élément (dépenses spécifiques ou exceptionnelles) : 50 millions d'euros ;

- 5ème élément (aides animalières) : 1,25 million d'euros.

Les concours versés aux conseils généraux par la CNSA pour couvrir une partie du coût de la prestation de compensation du handicap seront répartis entre les départements, selon des modalités qui seront fixées par décret en Conseil d'État et ne sont pas encore connues, en fonction des critères suivants : nombre de bénéficiaires de la prestation au titre de l'année écoulée, augmenté du nombre de bénéficiaires de l'ACTP ; caractéristiques des bénéficiaires et montants individuels de prestation versés au cours de l'année écoulée ; nombre de bénéficiaires de pensions d'invalidité, d'allocations aux adultes handicapés et d'allocations d'éducation spéciale ; population adulte de moins de 60 ans ; potentiel financier du département.

L'attribution de la prestation de compensation sera décidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, sur la base d'un plan personnalisé de compensation du handicap réalisé par l'équipe pluridisciplinaire compte tenu des souhaits exprimés par la personne handicapée dans son projet de vie. L'équipe pluridisciplinaire, mise en place par la maison départementale des personnes handicapées, évaluera les besoins de compensation de la personne handicapée et son incapacité permanente sur la base de références qui seront définies par voie réglementaire.

Un guide d'évaluation multidimensionnelle, qui aura valeur réglementaire, est actuellement soumis pour observation à des équipes de terrain et aux partenaires associatifs. Il aidera l'équipe pluridisciplinaire à réaliser une évaluation globale et à aborder les différents aspects de la situation d'une personne handicapée. Il servira de support au recueil des informations nécessaires, quels que soient, d'une part, l'origine ou la nature du handicap et, d'autre part, les besoins de compensation (qu'ils concernent les ressources, les cartes d'invalidité ou de stationnement, la scolarité, l'insertion professionnelle, la prise en charge ou l'accompagnement par des structures médico-sociales, les aides humaines, les aides techniques, l'aménagement du logement,...).

Les critères de handicap, permettant de déterminer les personnes ayant droit à une prestation de compensation du handicap, seront définis par décret. Pour chacun des éléments de la prestation de compensation, sera défini un critère d'éligibilité pour apprécier si les difficultés rencontrées par la personne handicapée dans la réalisation d'une activité (au sens de la classification internationale du fonctionnement et du handicap) justifient l'accès à un ou plusieurs éléments. Un groupe d'experts et un groupe de travail avec les associations concernées examinent actuellement les critères envisagés.

Les conditions dans lesquelles la prestation de compensation pourra être affectée aux différentes charges seront également définies par voie réglementaire, qu'il s'agisse de l'aide effective pour actes essentiels, de la surveillance régulière, des frais supplémentaires d'aide humaine liés à l'activité professionnelle et de l'aide familiale, des aides techniques, d'aménagement du logement ou du véhicule; des surcoûts éligibles au titre des frais de transports, des frais spécifiques et des aides animalières.

Les montants maximaux pouvant être attribués pour chaque élément seront fixés par le pouvoir réglementaire dès 2005, en tenant compte à la fois de la réalité observée dans les sites pour la vie autonome (coût moyen des aides accordées), des publics potentiellement concernés et de l'enveloppe attribuée par la CNSA. La détermination de tarifs par type d'aide ou de produits sera réalisée progressivement, sur la base des analyses et propositions de la CNSA. Enfin, seront également fixés les taux de prise en charge en fonction des ressources. Un système de décote est en cours d'élaboration et n'a pas encore fait l'objet de discussions avec les différents partenaires.

L'ensemble des textes réglementaires sera soumis aux instances consultatives, notamment à celles représentant les conseils généraux, au cours du troisième trimestre 2005, en vue d'une publication au dernier trimestre de cette année.

· Trois garanties de maîtrise et de compensation des coûts

Au-delà de cet encadrement réglementaire de la prestation, trois éléments permettent de garantir aux départements que le coût de la nouvelle prestation n'explosera pas comme pour l'APA.

Tout d'abord, la PCH s'inscrira dans une enveloppe fermée. Même s'il s'agit d'une prestation sociale, donc d'un droit ouvert, il est tout à fait possible de « calibrer » le montant des différents éléments de la prestation, compte tenu du nombre de bénéficiaires potentiels, pour respecter une enveloppe prévue à l'avance. Répondant à une question précise de votre Rapporteur à ce sujet, M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, a clairement affirmé devant votre Commission d'enquête que l'objectif du Gouvernement « est d'établir un barème en [s']en tenant à l'enveloppe déterminée. [...] Nous connaissons précisément les moyens que les départements consacrent à l'ACTP et ceux que la CNSA peut attribuer au nouveau dispositif. L'exercice consiste donc à paramétrer la nouvelle prestation en tenant compte de ces limites financières d'une part, des critères d'éligibilité et des montants d'aide envisagés d'autre part. Il faut à la fois que l'enveloppe suffise et que les critères soient réalistes. »

Ensuite, le conseil général aura la majorité au sein de la commission des droits et de l'autonomie pour ce qui relève de ses compétences. Le département sera donc partie prenante dans l'attribution de la prestation, et devra donc assumer les coûts des décisions qu'il prendra. Cela exige une responsabilité politique forte. M. Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, a raison de préciser que « compte tenu de la façon dont la nouvelle loi organise [...] l'octroi de l'allocation de compensation, les demandeurs étant membres de la commission qui organise les choses, ça va être un sacré chantier, peut-être le plus difficile, car le côté affectif est bien plus lourd encore que pour les personnes âgées ou exclues. S'il y a un vrai souci pour demain, c'est celui-là. » À charge donc pour chaque président de conseil général de relever le défi.

Enfin, les conditions financières de la compensation garantie par la solidarité nationale aux départements seront suivies de très près, compte tenu du précédent fâcheux de l'APA. Le rôle de la CNSA ne se limitera pas à sanctuariser ces crédits. En effet, la Caisse va signer avec l'État une convention d'objectif et de gestion qui la chargera de mettre au point l'évaluation et le suivi du dispositif, avec les départements. Cette évaluation se traduira dans le rapport annuel de la Caisse, et dans un rapport triennal remis par le Gouvernement au Parlement sur la base des travaux de la Conférence nationale du handicap. De la qualité et de l'étroitesse de la collaboration qui s'instaurera aussi entre la CNSA et les départements vont dépendre très largement le contrôle et la maîtrise des nouveaux dispositifs. La loi a prévu à ce titre la passation de conventions entre la CNSA et les conseils généraux, pour développer notamment un échange organisé d'expériences et d'informations. Des travaux ont déjà été engagés avec les représentants des conseils généraux, portant sur la définition d'indicateurs permettant de suivre l'activité des maisons départementales, d'observer les décisions des commissions des droits et de l'autonomie et de disposer d'informations permettant de mieux connaître les publics s'adressant à ces commissions qui remplaceront les CDES et les COTOREP.

La Cour des comptes sera également associée au suivi, le plus en amont possible, de ce dispositif. L'ancien Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, a ainsi demandé à la Cour des comptes de réaliser un premier rapport d'étape fin 2005 et un autre fin 2006, sans attendre les contrôles a posteriori traditionnellement menés par la haute juridiction financière. Il y aura donc des remontées rapides d'informations statistiques pour un meilleur pilotage. Ce cadrage permettra que la CNSA, sous la tutelle de l'État, travaille avec les représentants des conseils généraux au suivi rigoureux et en temps réel de l'évolution de la nouvelle prestation.

Objectivement, la situation n'a donc rien de comparable avec l'APA. Lors de son audition par la Commission des affaires sociales du Sénat, le 7 octobre 200451, Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées, a en effet estimé que « la montée en charge de la prestation de compensation ne serait pas comparable à celle de l'APA dans la mesure où, contrairement aux personnes âgées, le nombre de personnes handicapées est relativement stable et où la prestation de compensation prenait la suite de l'ACTP qui, contrairement à la prestation spécifique dépendance (PSD), ne présentait pas un caractère expérimental. » Elle en a conclu que « les crédits prévus seraient suffisants pour financer la prestation de compensation ».

Bien entendu, comme dans leurs autres domaines de compétences, les conseils généraux conserveront la faculté de servir la prestation selon des critères moins stricts. Il leur appartiendrait alors, ayant pris leurs responsabilités, d'en assumer les conséquences financières : « si l'évolution des dépenses révélait une insuffisance des ressources, il reviendrait aux départements responsables de la prestation de financer le différentiel. » Une vigilance sereine devra donc s'exercer sur les conséquences fiscales éventuelles de ces décisions.

Le problème, comme nous l'avons analysé plus haut, est qu'un conseil général donné ne sera pas immédiatement confronté aux conséquences de ses décisions qui n'auront d'impact qu'amalgamées avec celles des autres départements.

b) La possibilité offerte aux départements d'engager d'autres actions

La mise en place de la prestation de compensation du handicap n'épuise pas tous les aspects de la loi du 11 février 2005. D'autres volets de la loi (scolarisation des enfants handicapés, insertion professionnelle, accessibilité du cadre bâti,...) peuvent concerner également les départements, soit en raison de leurs compétences de droit commun, soit au même titre que d'autres employeurs publics ou responsables de bâtiments accueillant du public. Il ne s'agit en tout cas, dans aucun des cas, de charges spécifiques et lourdes pour les départements.

Les mesures relatives à la scolarisation des enfants handicapés impliquent financièrement pour l'essentiel l'État (dépenses d'enseignement, assistants d'éducation) et l'assurance maladie (accompagnement médico-social). Toutefois, une disposition de la loi, prévoyant que les surcoûts imputables au transport de l'élève handicapé vers un établissement plus éloigné sont à la charge de la collectivité territoriale compétente pour la mise en accessibilité des locaux, peut concerner notamment des départements, sans que l'on puisse parler nécessairement d'un impact financier entraînant des dépenses supplémentaires. En effet, soit cette charge vient en contrepartie de l'absence des dépenses qu'il leur aurait fallu engager pour garantir l'accessibilité des bâtiments relevant de leurs responsabilité, soit cette mesure peut provoquer une économie dans les dépenses de transport d'élèves supportés par le département quand il incombe à une autre collectivité territoriale (commune, région) qu'incombe, pour les mêmes raisons, ce surcoût.

Comme le rappelle M. Charles-Éric Lemaignen, vice-président de l'association des communautés de France chargé des affaires financières et fiscales, « aux termes de la loi sur le handicap, tous les transports publics devront être accessibles aux handicapés d'ici dix ans. Dans mon agglomération [d'Orléans Val-de-Loire], nous avons mené une réflexion sur l'accessibilité des lignes fortes du réseau. Pour les trams, c'est fait. Pour le bus, cela représentera, rien que pour l'accessibilité des stations, un million d'euros pour chacune des cinq lignes fortes, à quoi il faut ajouter les adaptations nécessaires pour équiper les matériels de palettes, ainsi que la modification du service de transport des personnes à mobilité réduite (TPMR), dont le coût par personne transportée est extrêmement élevé. Je ne suis pas certain que beaucoup d'agglomérations seront en mesure, dans dix ans, de respecter la loi... » Mais cela renvoie au débat plus général sur le coût des normes, et il ne faut pas mélanger un transfert de charges et la mise en conformité avec une législation ou une réglementation, qui s'applique indifféremment à toute personne publique ou privée (accueillant du public en l'espèce).

Il y a cependant un dispositif, prévu par la loi, qui offre aux départements la possibilité - ce n'est aucunement une obligation -, de dépenser plus pour les personnes handicapées. La maison départementale des personnes handicapées, placée sous l'autorité du président du conseil général, gèrera en effet un fonds départemental de compensation du handicap chargé d'accorder des aides financières supplémentaires. Ce fonds veillera notamment à ce que des personnes handicapées ne soient pas confrontées à des dépenses dépassant 10 % de leurs revenus, et permettra aux conseils généraux qui le souhaitent d'aller au-delà de la prestation prévue. Si les départements payent plus, c'est qu'ils l'auront choisi.

Les partenaires rassemblés au sein des sites pour la vie autonome, précurseurs de ce nouveau fonds, devraient se maintenir dans ce nouveau dispositif. Ces sites extralégaux apportent des financements complémentaires pour les aides techniques et les aménagements du logement, l'ACTP étant limitée aux aides humaines. Les partenaires actuels sont l'État, les organismes d'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales, la mutualité, parfois le département et d'autres collectivités territoriales. L'État donne l'exemple, puisqu'il continuera d'apporter une contribution financière au nouveau fonds. Le Gouvernement a ainsi pris l'engagement que tous les moyens consacrés aujourd'hui par l'État aux CDES, aux COTOREP et aux sites pour la vie autonome seront mis à la disposition des maisons départementales.

Cet engagement se traduira par la participation obligatoire de l'État au sein des maisons départementales des personnes handicapées, constituées sous la forme de groupements d'intérêt public (GIP), et, à ce titre, par des prestations de moyens humains, financiers, immobiliers et en systèmes d'information. L'État participera également à la commission des droits et de l'autonomie et contribuera au fonds départemental de compensation du handicap. De plus, la CNSA consacrera 50 millions d'euros en 2005 à l'aide au démarrage et au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. En 2006, cette aide au fonctionnement sera, au vu des travaux en cours, de 20 millions d'euros, actualisés sur cette base en 2007 et 2008.

Il faut enfin souligner que toutes les procédures de concertation sont engagées avec les départements pour que la mise en place de ce nouveau dispositif soit la plus transparente et partagée possible. Compte tenu du caractère partenarial de la maison départementale des personnes handicapées, de la nécessité de ne pas entraver les responsabilités propres des départements, mais aussi de la volonté d'organiser de manière harmonieuse et lisible la collaboration entre l'État, les départements et la CNSA autour des maisons départementales, la voie du modèle de convention a été privilégiée par rapport à un encadrement réglementaire trop strict. La mise au point définitive de ce projet de convention, de même que les textes préparés par le gouvernement sur le fonctionnement de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, de l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation et du fonds départemental de compensation, se feront au regard des conclusions du groupe de travail présidé par le sénateur Paul Blanc, rapporteur de la loi pour la commission des affaires sociales du Sénat, lequel a auditionné un certain nombre d'acteurs institutionnels et de partenaires du dispositif d'accueil, d'évaluation et d'orientation des personnes handicapées.

40 Rapport réalisé à l'initiative du Commissariat général du Plan par Guy Gilbert et Alain Guengant, Évaluation des effets péréquateurs des concours de l'État aux collectivités locales, 2004.

41 « Pour une intelligence de la dette », in Pouvoirs Locaux, n°54, 2000, p. 75.

42 Rapport définitif, Commission de réforme de la taxe professionnelle, p. 11.

43 Rapport d'information n°71 (2003-2004) de Yves Fréville, fait au nom de la Commission des finances du Sénat, déposé le 19 novembre 2003.

44 « Le mimétisme fiscal : une application aux régions françaises », Économie et Prévision, n° 156 2002-5.

45 Le Point n°1589 du 28 février 2003.

46 « Fiche n° 5 » annexée au Rapport définitif de la Commission de réforme de la taxe professionnelle, p. 9.

47  Commission de réforme de la taxe professionnelle, Rapport définitif, décembre 2004, p. 27.

48 Commission de réforme de la taxe professionnelle, Rapport définitif, décembre 2004, p. 27.

49 Rapport définitif de la Commission de Réforme de la taxe professionnelle présidée par Olivier Fouquet, p. 39.

50 Cf. considérant 30 de sa décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, relative à la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

51 cf. rapport n° 20 (2004-2005) de M. Paul Blanc.


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