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N° 335

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 octobre 2002.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur le service de santé des armées

et présenté par

M. Christian MÉNARD,

Député.

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Défense.

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. -  UN SERVICE REORGANISÉ AUTOUR DE L'EXIGENCE PRIORITAIRE DU SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES PROJETÉES 7

A. UNE CONCEPTION DU SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES ORIGINALE, FONDÉE SUR UNE CHAÎNE GLOBALE DE PRISE EN CHARGE DU COMBATTANT ET LA MISE EN _UVRE DE LA MÉDICALISATION DE L'AVANT 7

1. Le caractère interarmées, force du service de santé des armées français 7

2. Une chaîne globale et cohérente 8

3. Un soutien sanitaire au plus près du combattant 10

4. Une chaîne santé qui repose néanmoins sur les moyens adaptés mis à disposition par les différentes armées 11

B. LE SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES PROJETÉES, MISSION PRIORITAIRE DU SERVICE DE SANTÉ 14

1. Un format conditionné par l'exigence du contrat opérationnel 14

2. Une participation accrue aux opérations extérieures et aux actions humanitaires 15

3. Une recherche constante de la modularité et de l'optimisation des ressources, rendue nécessaire par la multiplication des opérations extérieures 16

4. Avancées et limites de la coopération européenne 17

5. Des répercussions importantes sur le fonctionnement du service 18

II. -&# remède efficace à long terme 20

3. Le recrutement complémentaire : un remède obligé, mais des résultats décevants 21

4. Les mesures de fidélisation : un pansement compressif pour stopper l'hémorragie 22

B. LES PERSONNELS PARAMÉDICAUX DES ARMÉES : UNE UNIFICATION DES STATUTS INACHEVÉE ET DES DIFFICULTÉS DE FIDÉLISATION 23

1. L'unification des statuts : une réforme inachevée 23

2. Les personnels paramédicaux des armées : une mosaïque de statuts et un déroulement de carrière peu satisfaisant 24

3. Un renforcement du recrutement des MITHA nécessaire à l'amélioration du taux d'encadrement au lit du malade 25

4. Un fort déficit en personnel civil 26

C. DES CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES POUR LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE 27

III. -  UNE OUVERTURE TOUJOURS PLUS LARGE AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER, FORMALISÉE DANS LA LOI DE MODERNISATION SOCIALE 29

A. UNE OUVERTURE NÉCESSAIRE À LA CLIENTÈLE CIVILE 29

B. LES MODALITÉS DE PARTICIPATION AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER 30

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DES RECETTES ISSUES DE L'ACTIVITÉ HOSPITALIÈRE DANS LE FINANCEMENT DU SERVICE 32

IV. -  ESSAI DE PROSPECTIVE ET PROPOSITIONS 35

A. LES FAUSSES PISTES 35

1. La mixité avec le système de soins public 35

2. L'externalisation 35

B. LES DÉFIS MAJEURS À RELEVER 36

1. La réforme des études médicales : vers une séparation accrue entre hospitaliers et médecins des forces ? 36

2. La féminisation 39

3. La montée en puissance de la réserve 40

4. L'impossible homogénéisation des statuts des paramédicaux ? 40

C. PROPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES 41

1. Un accès facilité aux corps d'officiers pour les infirmiers spécialisés ou la nécessaire reconnaissance des qualifications et des emplois 41

2. L'accueil d'étudiants civi engagés volontaires, notamment à travers des stages auprès de la sécurité civile 43

7. Relancer l'effort en faveur de la recherche 43

CONCLUSION 45

TRAVAUX DE LA COMMISSION 47

ANNEXE 49

INTRODUCTION

Souvent méconnu, doté d'effectifs et d'un poids budgétaire modestes au regard de l'ensemble du ministère de la défense et non concerné par les grands programmes d'armement, le service de santé des armées a rarement l'occasion de figurer au premier plan des questions militaires.

Service de soutien interarmées, le service de santé joue cependant un rôle essentiel dans la capacité de projection de nos forces et dans la préservation du moral des combattants. Le maréchal Lyautey disait ainsi qu'« un médecin valait un bataillon ». Plus que jamais, les conditions et la qualité de prise en charge du volet santé sont devenues une préoccupation des états-majors, car ce facteur conditionne tout engagement des forces sur un théâtre et en détermine souvent l'ampleur. A cela, s'ajoute une nouvelle dimension liée à la prise en compte des modalités d'hygiène et de sécurité en opération, comme l'ont démontré a posteriori les revendications liées au syndrome de la guerre du Golfe ou des Balkans.

A bien des égards, l'action du service de santé des armées s'inscrit dans un contexte radicalement différent de celui des dernières années :

- l'abandon du service national a fait disparaître la lourde charge liée à la sélection et au suivi médical des appelés, en recentrant le service sur sa mission de soutien ;

- la suppression de la conscription a privé le fonctionnement du service de l'apport considérable des appelés pourvus d'une formation médicale ou paramédicale. En effet, 27 % des médecins, 63 % des pharmaciens, 75 % des vétérinaires, 92 % des chirurgiens-dentistes, mais aussi 51 % des kinésithérapeutes, 25 % des laborantins et 15 % des infirmiers appartenaient au contingent. Par ailleurs, quelque 80 scientifiques du contingent servaient comme informaticiens ou chercheurs dans les laboratoires.

Ayant dû faire face à la fois à la professionnalisation et à la réforme générale de la santé publique, le service de santé a, en l'espace de quelques années, été profondément réorganisé, cette évolution s'apparentant à une véritable révolution. Le dispositif hospitalier a été réduit de près de moitié, passant de 5 600 à 3 200 lits, en se resserrant sur les neuf hôpitaux d'instruction des armées (HIA), après la fermeture des neuf centres hospitaliers des armées en métropole. Il s'est ouvert dans le même temps très largement au service public hospitalier, en devenant par les recettes liées à son activité de soins le pivot du financement du service de santé des arm&eacu face="Arial" size="+0">- d'analyser les conséquences de la réorganisation du service autour de sa mission prioritaire de soutien des forces projetées, dans un contexte marqué par la multiplication des opérations extérieures ;

- de mettre en lumière les difficultés de recrutement et de fidélisation des personnels médical et paramédical dans les armées, en expliquant les raisons de cette érosion des effectifs ;

- d'exposer les modalités d'une ouverture accrue vers le service public hospitalier et ses incidences sur le financement du service ;

- d'avancer quelques propositions pour l'avenir, en soulignant les nouveaux défis que devra relever le service de santé d'ici la fin de la décennie.

Au travers de tous ces aspects, on constatera que le service de santé constitue un pôle d'excellence de nos armées, fondé sur un concept d'emploi original validé par l'expérience, qu'il appartiendra absolument de préserver dans l'avenir.

I. -  UN SERVICE REORGANISÉ AUTOUR DE L'EXIGENCE PRIORITAIRE DU SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES PROJETÉES

A. UNE CONCEPTION DU SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES ORIGINALE, FONDÉE SUR UNE CHAÎNE GLOBALE DE PRISE EN CHARGE DU COMBATTANT ET LA MISE EN _UVRE DE LA MÉDICALISATION DE L'AVANT

Le concept d'emploi du service de santé français est défini par « l'ensemble des actions qui contribuent, sur les plans individuel et collectif, à la mise en condition et à la conservation du potentiel humain, par prise en charge intégrale et cohérente, dans un cadre interarmées, des combattants, des malades et des blessés » (IM 12 de l'état-major des armées du 5 janvier 1999).

Il s'appuie sur deux piliers : la médicalisation et la réanimation-chirurgicalisation de l'avant et la systématisation des évacuations sanitaires précoces vers les hôpitaux de traitement définitif.

1. Le caractère interarmées, force du service de santé des armées français

Jusqu'à la création d'une direction unique en 1948, chaque service de santé des armées de terre, de la marine ou de l'air était géré par une direction qui lui était propre. L'interarmisation du service n'est cependant devenue totale qu'en 1962, avec le rattachement de l'administration du service de santé des troupes de marine à cette direction unique. Un arrêté du 3 septembre 1962 créait l'actuelle direction centrale du service de santé des armées, qui assure l'administration générale, l'organisation et le fonctionnement du service et arrête les grandes orientations en matière sanitaire. Elle a à sa tête un médecin général des armées (grade équivalent à celui de général de corps d'armée), qui est subordonné directement au ministre de la défense.

La mise en _uvre en 1991 du plan « Armées 2000 » a renforcé l'autonomie du service par le transfert à son administration centrale d'organismes auparavant sous subordination régionale (hôpitaux, étab face="Arial" size="+0">Sans remettre en cause les spécificités des modes d'exercice de la médecine dans chacune des armées, ce caractère interarmées garantit l'autonomie du service, doté d'un budget, de moyens (logistique santé) et d'un personnel qui lui sont propres. Il assure la cohérence de l'action suivie tout au long de la chaîne santé, qui fait appel aux moyens des trois armées à la fois. De plus, il correspond aux conditions actuelles d'emploi des forces, s'inscrivant de plus en plus dans un cadre interarmées, voire multinational.

Jusqu'à une date récente, seul le service de santé français présentait l'originalité de s'appuyer sur une direction centrale unique et de conserver sous son autorité technique la totalité de ses personnels, quelle que soit leur affectation pour emploi. S'inspirant de ce modèle, le service de santé de la Bundeswehr voit aujourd'hui, au terme de plusieurs réorganisations successives depuis 1990, son interarmisation et son autonomie consacrées, son directeur central possédant le même rang que les chefs d'états-majors des trois armées et ayant autorité sur les deux chaînes de commandement du service (structures intégrées aux forces et formations organiques). Lui aussi engagé dans une période de profonde mutation, le service de santé espagnol sera véritablement interarmées à la fin 2003.

En revanche, au Royaume-Uni par exemple, les moyens sanitaires relèvent des directions du service de santé de chaque armée et il n'existe pas de subordination entre les médecins généraux d'armées et le surgeon general (directeur central), mais seulement des relations fonctionnelles. Les personnels restent très attachés à l'armée dans laquelle ils servent, ce qui explique le refus de toute interarmisation. En Italie, la direction générale du service de santé n'a pas non plus le même poids que les directions du service de santé des différentes armées.

2. Une chaîne globale et cohérente

Le service de santé des armées (SSA) a pour objectif d'assurer une couverture complète et autonome de l'ensemble de la chaîne sanitaire, allant de la sélection et de la médecine préventive et d'expertise aux soins immédiats, à l'évacuation et à l'hospitalisation.

Dans cette logique, le dispositif actuel est resserré sur cinq pôles complémentaires, indispensables à la satisfaction de l'ensemble des besoins :

- la formation, avec deux écoles d'officiers (médecins, pharmaciens...) implantées à Lyon et Bordeaux, pour des raisons historiques, mais surtout de capacité d'accueil des universités et de répartition des terrains de stage ; une école de formation des paramédicaux des forces implantée à Toulon ; enfin, l'école d'application du Val-de-Grâce ;

- le ravitaillement en médicaments, matériel, sang et oxygène des unités en France et en opération est réalisé par la direction des approvisionnements et établissements centraux. La pharmacie centrale des armées produit en outre les médicaments spécifiques aux armées. Cette gestion autonome permet au service de santé de ravitailler en sang les formations m&eac par une meilleure connaissance des risques nucléaire, biologique et chimique, ainsi que des pathologies tropicales ;

- le dispositif hospitalier regroupé sur 9 HIA en métropole et le centre hospitalier des armées à Djibouti, qui permettent d'entretenir un vivier de personnels spécialisés susceptibles d'apporter aux combattants au sein des formations sanitaires de campagne un soutien médico-chirurgical aussi performant que celui dont ils auraient pu bénéficier en métropole;

- le soutien intégré aux forces, dont l'adaptation a suivi les restructurations des armées, puisque c'est la composante du service qui ne correspond pas encore à une logique interarmées. La responsabilité du médecin d'unité s'étend de la médecine d'expertise, avec la visite systématique annuelle, et de la médecine de prévention (équivalent de la médecine du travail pour les militaires) à des activités d'éducation sanitaire et d'hygiène. Le médecin militaire est aussi le conseiller du commandement pour toutes les questions ayant une incidence sanitaire.

Cette cohérence de l'action conduite par la chaîne de soutien médical est renforcée par la présence d'un conseiller santé à chaque niveau de commandement opérationnel, responsable de la mise en _uvre du dispositif défini par le centre d'opérations de la direction centrale du service de santé en liaison avec l'état-major des armées.

Aujourd'hui peu d'Etats européens, hormis la France, l'Allemagne et, à une échelle plus modeste, l'Espagne, disposent encore de la capacité de mise sur pied d'une chaîne santé complète et dimensionnée, susceptible d'inscrire son action dans la durée.

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3. Un soutien sanitaire au plus près du combattant

Organiser le soutien médical au plus près des blessés constitue une spécificité française qui n'est d'ailleurs pas propre au milieu militaire, ce concept étant retenu pour la médecine civile d'urgence. Ce soutien de proximité, essentiel d'un point de vue psychologique, implique que tout soit mis en _uvre pour non seulement sauver les vies, mais également garantir le minimum de séquelles fonctionnelles aux combattants. Il s'appuie sur une formation initiale et continue du personnel de santé axée sur l'urgence médicale, à travers les centres d'instruction aux techniques de réanimation de l'avant (CITERA) et les gardes en hôpitaux ou au SAMU.

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Contrairement aux armées anglo-saxonnes qui privilégient l'évacuation immédiate sur des hôpitaux, le concept du soutien sanitaire français repose sur une prise en charge médicalisée précoce et continue des blessés qui applique trois principes techniques complémentaires de la chaîne médicale :

- la « médicalisation de l'avant » (niveau 1), consistant en la pratique de la médecine d'urgence et l'application de techniques de réanimation dès les premières étapes de la prise en charge. Un conditionnement médical de survie es à des évacuations sanitaires urgentes par voie aérienne de patients dont l'état nécessite la prise en charge par au moins un médecin. Les RAPASAN, plus nombreuses (868 en 2001), sont des rapatriements sanitaires par ligne régulière de l'armée de l'air vers la métropole, en dehors d'un contexte d'urgence et ne nécessitant pas l'accompagnement d'un médecin.

La présence d'un psychiatre sur les théâtres d'opérations est désormais une priorité pour le commandement, car elle permet de limiter le nombre d'évacuations liées aux problèmes d'adaptation et d'éloignement familial, celles-ci étant vécues comme un échec par les intéressés et nécessitant une relève délicate dans un contexte de pénurie de personnel. Elle permet aussi d'éviter toute contagion sur le moral des autres soldats et de gérer à chaud des situations qui peuvent dégénérer en raison de la détention d'armes par les individus.

La chaîne globale de prise en charge du combattant ne se limite pas au traitement des urgences, mais comprend également la prévention de risques infectieux ou liés à l'environnement (plomb à Mitrovica, par exemple) dans le cadre de « l'hygiène et de la sécurité en opérations ». En 2002, la préoccupation majeure a porté sur la prise en compte du risque biologique naturel et agressif en opérations extérieures (étude et surveillance de la fièvre hémorragique Crimée Congo au Kosovo, mise en place dans les trousses individuelles de combat d'un traitement prophylactique commun du paludisme et de certains agents biologiques agressifs).

La présence d'un vétérinaire sur le théâtre est également essentielle, car, outre le soutien sanitaire des animaux engagés, il est chargé du contrôle de l'hygiène alimentaire (production, transport et stockage des aliments), ainsi que du contrôle bactériologique et chimique de l'eau.

S'intéressant à ce concept d'emploi depuis la prise en charge médicale par le SSA français de marins américains lors de l'attentat de l'USS-Cole, les Etats-Unis s'engagent actuellement dans une évolution de leur doctrine médicale, intégrée dans le projet « Joint Vision 2015 ».

4. Une chaîne santé qui repose néanmoins sur les moyens adaptés mis à disposition par les différentes armées

Si le service santé fournit les dotations techniques, l'efficacité de la chaîne sanitaire est subordonnée à la mise en _uvre de moyens adaptés aux conditions opérationnelles et modulables, dont disposent les différentes armées, et repose sur la disponibilité de ces matériels.

Les véhicules de l'avant blindés sanitaires (VAB SAN) permettent un transport médicalisé de quatre blessés couchés, ou de deux blessés couchés et quatre assis, en toute sécurité. Dotés d'une capacité amphibie, ils sont protégés contre les risques NBC et leur blindage assure aux passagers une bonne protection contre les éclats et les projectiles de petit calibre.

Les évacuations sanitaires tactiques par voie aérienne s médicaux par leur module de servitude, et peuvent être assemblés de plusieurs façons, en fonction des besoins.

Grâce à la combinaison de quatre éléments (deux modules de réanimation, un module de chirurgie et un module de pharmacie - banque du sang) peut être mise en place une section de triage modulaire, qui permet d'effectuer la catégorisation des blessures et de pratiquer les gestes chirurgicaux les plus urgents, des tentes étant utilisées pour les fonctions « hors plateau technique » (accueil, zone d'attente). Cette structure, dont le déploiement nécessite moins de deux heures, permet de trier jusqu'à 300 blessés par jour. Elle est aussi bien utilisée par l'armée de terre que par l'armée de l'air, comme soutien d'une base aérienne projetée. La combinaison de quatre éléments supplémentaires (un module de soins aux brûlés, un module de radiologie, un module laboratoire et un module supplémentaire de chirurgie) permet de mettre en place en deux heures une section chirurgicale modulaire, structure de traitement médico-chirurgical sur le théâtre de niveau 2 ou de niveau 3 (rendement opératoire de 24 blessés opérés par jour), avec possibilité d'une section d'hospitalisation sous tente.

Outre ces nouveaux équipements et la présence d'un poste de secours par compagnie en zone de contact, armé par le service médical de l'unité engagée, l'armée de terre est capable de déployer sous tentes ou en dur, si des infrastructures sont disponibles sur le théâtre, cinq antennes chirurgicales aérotransportées de niveau 2 et deux hôpitaux mobiles de campagne de niveau 3. C'est d'ailleurs une antenne chirurgicale de l'armée de terre qui intervient en premier lieu en cas d'alerte.

Dotées d'une grande mobilité tactique adaptée au rythme des engagements modernes, les antennes chirurgicales restent des structures légères, composées chacune de deux chirurgiens, de six infirmiers et trois auxiliaires sanitaires, qui permettent le triage et le traitement chirurgical à l'échelon du bataillon, alors que l'hôpital mobile de campagne, utilisé plus rarement, notamment de l'opération Daguet en 1991, permet de traiter en zone arrière de théâtre les blessés les plus urgents si les délais liés à leur évacuation sanitaire le nécessitent (éloignement du théâtre de plus de 2 500 km de la métropole) ou en cas de conflit majeur (rendement opératoire égal à 60 interventions chirurgicales par jour). Structure plus lourde, l'hôpital mobile de campagne mobilise pour son fonctionnement la présence de 331 personnes.

L'armée de terre, à travers ses régiments médicaux de Metz et de la Valbonne, apporte en outre une structure d'accueil et de mise à disposition de matériel tout à fait inédite en faveur de la chaîne santé. En effet, a été créé à l'issue de la guerre du golfe en 1992 le 1er régiment médical, situé près de Metz, dont l'encadrement est confié à des officiers du SSA, et dont la mission est de participer au soutien médical d'une force projetée et d'assurer la formation technique et opérationnelle des personnels d'active et de réserve des formations sani en raison de sa très forte composante de complément opérationnel. Un tiers des effectifs est constitué de médecins spécialistes et de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) travaillant en HIA et s'intégrant au régiment médical lors de la mise en place des formations sanitaires de campagne en opération extérieure.

Un autre régiment médical a été créé en 1999 à La Valbonne, près de Lyon, et son action s'inscrit en parfaite complémentarité de celle du 1er régiment médical. Le 3ème régiment médical intervient plus en zone avant, au niveau d'une base de soutien divisionnaire, en assurant le ramassage, puis le triage médico-chirurgical des blessés à travers le déploiement d'une section de triage modulaire (niveau 2), alors que l'action du 1er régiment médical s'inscrit plus à la limite du niveau 3, en mettant en _uvre en zone arrière de théâtre une section chirurgicale modulaire, voire un hôpital de campagne.

Quant à l'armée de l'air, elle est capable de mettre en _uvre trois types de structures : les cellules RAPACE, qui sont l'équivalent des postes de secours pour base aérienne projetée, chargées du soutien médical courant (consultations...), mais également du convoyage sanitaire (EVASAN) ; les antennes de transit sanitaire qui permettent la mise en condition de 60 blessés/jour et les groupes de transit sanitaire air, configurés pour la mise en condition de 240 blessés/jour.

Outre les infirmeries présentes dans chaque unité, la marine dispose de blocs opératoires permanents à bord de ses bâtiments les plus importants : porte-avions, porte-hélicoptères, transports de chalands de débarquement, pétroliers ravitailleurs. Elle peut également mettre en _uvre un élément chirurgical embarqué. Il existe désormais une infirmerie pouvant être transformée en bloc opératoire dans tous les sous-marins nucléaires, la présence d'un médecin à bord étant indispensable pour éviter l'interruption de missions fondées sur la discrétion.

B. LE SOUTIEN SANITAIRE DES FORCES PROJETÉES, MISSION PRIORITAIRE DU SERVICE DE SANTÉ

1. Un format conditionné par l'exigence du contrat opérationnel

La restructuration du SSA dans le cadre de la professionnalisation a été guidée par l'exigence du contrat opérationnel, figurant dans le Livre blanc de la défense et la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 : soutien de 35 000 hommes engagés sur deux théâtres simultanés à moins de 2500 km de la métropole, avec des taux de pertes maximums de 2 % (soit 700 blessés/jour), d'un groupe aéronaval et d'une force amphibie, ainsi que de trois bases aériennes projetées dont une majeure. Les mêmes moyens ne permettraient de faire face au soutien d'un engagement majeur situé entre 2 500 et 7 000 km de la métropole, qu'avec des taux de pertes limités à 1,2 % (soit 420 blessés/jour, dont 60 % à traiter sur le théâtre) et au prix d'une augmentation des rendements opératoires, pr&eacut les régiments projetables a été fixé à quatre, soit un par compagnie ou escadron, pour tenir compte des départs en opération extérieure, de la nécessité d'assurer la continuité du soutien médical courant en base arrière, des périodes de récupération et de congés, ainsi que des stages de formation continue.

La carte hospitalière a été redéfinie de façon à garantir une activité suffisante pour entretenir le nombre d'équipes chirurgicales nécessaires au soutien des forces projetées. Le SSA évalue ainsi le besoin en équipes chirurgicales des formations sanitaires de campagne à 26 binômes de chirurgiens orthopédiques et viscéralistes et à 45 anesthésistes-réanimateurs. Après application d'un coefficient multiplicateur fixé à 2,5 pour tenir compte de l'organisation des relèves et de la continuité de l'accueil en HIA en respect des critères d'agrément, le besoin global a été fixé à 128 chirurgiens et à 113 réanimateurs. En vue d'entretenir les compétences de ces équipes, le SSA a été contraint de fermer entre 1997 et 2002 les neuf centres hospitaliers des armées de métropole et de resserrer le dispositif sur les neuf HIA, afin de conserver un niveau d'activité de soins soutenu, directement lié au bassin de population et à l'offre de soins environnementale. La notion de maillage du territoire en hôpitaux des armées qu'imposait la prise en charge obligée du contingent a été redéfinie et le nombre de lits a été réduit à 3 200.

2. Une participation accrue aux opérations extérieures et aux actions humanitaires

Le service de santé des armées constitue de fait une composante essentielle des opérations extérieures, au cours desquelles il a mis en _uvre avec efficacité sa conception du traitement médical et chirurgical au plus près des combattants.

Au cours des douze derniers mois, le SSA a participé à toutes les opérations extérieures et exercices multinationaux. Outre la continuité du soutien des forces engagées notamment en Bosnie (SALAMANDRE), au Kosovo (TRIDENT) et au Tchad (EPERVIER), l'année 2001-2002 a été marquée par la participation aux opérations HERACLES en Asie Centrale et PAMIR en Afghanistan.

Le soutien médical des forces françaises engagées en OPEX en 2001 a mobilisé 270 officiers d'active, 44 officiers de la réserve, 311 sous-officiers d'active, 166 militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), ainsi que 516 engagés volontaires dans l'armée de terre (EVAT).

Au premier semestre 2002, ont été déployés sur les différents théâtres 42 postes de secours (ou équivalent de niveau 1), sept cellules RAPACE SANTE, quatre antennes chirurgicales, quatre cabinets dentaires et quatre sections de ravitaillement sanitaire.

En 2001, le SSA a réalisé en OPEX 51 333 consultations au profit des militaires français, 7 797 au profit de militaires étrangers et 18 715 au profit de civils.

L'action humanitaire n'est jamais totalement a caractère purement humanitaire comme au Timor Oriental en 1999 (opération Santal), notamment à travers trois formations spécifiques regroupées au sein de la force d'assistance humanitaire militaire d'intervention rapide (FAHMIR) :

- l'élément médical militaire d'intervention rapide (EMMIR), dont les conditions d'emploi sont en cours de redéfinition, est une formation sanitaire de campagne polyvalente, aérotransportable et autonome, disposant d'une capacité hospitalière de 100 lits et constituée de 75 personnes prêtes à partir sous 24 heures. L'EMMIR est intervenu au profit de populations victimes de catastrophes (séismes, famines) ou d'un conflit armé local (opération Turquoise au profit de la population rwandaise) ;

- la cellule d'identification des victimes militaires de catastrophes (CIVMC) intervient lorsque le nombre des victimes ou la nature de la catastrophe rendent difficiles les opérations d'identification par les moyens présents sur place. Elle est intervenue par exemple lors de l'attentat contre un DC 10 de la compagnie UTA au Niger en 1989 ;

- la Bioforce, créée en 1983, est destinée à porter secours aux Etats devant faire face à une situation de crise épidémiologique, en identifiant la nature des problèmes et en procédant à une vaccination de masse des populations menacées. Elle est intervenue à deux reprises en 1999, lors des inondations au Nicaragua et dans les camps de réfugiés kosovars en Albanie.

3. Une recherche constante de la modularité et de l'optimisation des ressources, rendue nécessaire par la multiplication des opérations extérieures

La modularité et l'optimisation des ressources constituent des objectifs systématiques dans le contexte actuel d'opérations « multi-théâtres » s'inscrivant dans la durée. La concertation permanente entre le centre d'opérations de la direction centrale du SSA et le centre opérationnel interarmées de l'état-major (COIA), indispensable à la réalisation de ces objectifs, est renforcée par l'affectation d'un médecin en septembre 2002 au centre de planification et de conduite des opérations, appelé à succéder au COIA.

Le développement de la fonction « retour d'expérience » permet en outre une amélioration rapide des conditions du soutien médical et une meilleure adaptation des moyens mis en place.

Dans les Balkans, où le théâtre d'opérations est stabilisé, le soutien par unité élémentaire de combat, qui se justifie pleinement en phase initiale d'un conflit, sera abandonné au profit d'une organisation du soutien sanitaire de niveau 1 sur un mode zonal, favorisé par le regroupement des bataillons dans des camps de 1 000 hommes, permettant ainsi une économie de ressources par mutualisation des moyens. Des équipes mobiles, regroupées dans un pôle santé, suivront les troupes engagées, notamment lors des opérations de déminage. Il importe cependant que la réduction du nombre de médecins ne se fasse pas par anticipation sur la diminution des forces et qu'elle n'intervienne qu'après la mise en _uvre du soutien mutualisé des unités stationnées sur les sites.

- la participation de personnels du SSA au sein des états-majors de la SFOR et de la KFOR ;

- l'accueil au sein de l'antenne chirurgicale française à Kaboul de contingents étrangers, y compris américain ;

- l'aide fournie au contingent français par l'hôpital allemand de Kaboul de la FIAS en matière d'examens complémentaires ;

- l'évacuation sanitaire des blessés français dans l'attentat de Karachi en mai 2002 par un avion sanitaire allemand ;

- l'incorporation fin septembre 2002 d'une équipe chirurgicale française à l'hôpital allemand de Kaboul.

Une certaine complémentarité des moyens a pu être trouvée avec le SSA allemand de deux manières. Tout d'abord, le SSA français dispose d'antennes chirurgicales de niveau 2 parfaitement réactives, car immédiatement projetées sur un théâtre en phase initiale d'une opération, tandis que l'Allemagne est en mesure de déployer des hôpitaux de campagne de niveau 3, plus complets, nécessitant beaucoup plus de personnel (240 personnes) et donc plus lourds à mettre en _uvre (deux mois). De la même façon, les armées allemandes disposent de quatre avions version sanitaire permettant chacun la prise en charge d'une trentaine de patients gravement atteints, alors que les avions sanitaires français, sommairement aménagés, ne peuvent évacuer que des blessés dont les fonctions vitales sont stabilisées dans une formation sanitaire de campagne.

La coopération dans le domaine sanitaire se heurte toutefois à certaines limites qui tiennent à la barrière de la langue (un blessé a besoin d'exprimer ses souffrances dans sa propre langue), à la confiance du malade, aux habitudes thérapeutiques, aux difficultés de procédure et au formalisme juridique. Ces limites apparaissent moins nettement s'agissant du soutien dentaire, pour lequel existe une certaine similitude des protocoles, de nature à faciliter la mutualisation.

En outre, les postes de secours régimentaires (niveau 1) en zone de contact ne peuvent se concevoir que dans un cadre national, car ils font partie des moyens organiques propres à une unité élémentaire engagée.

La spécialisation nationale des fonctions se heurte au souci d'auto-suffisance et à l'absence de garantie sur la réactivité des différents pays. Face à ces incertitudes, le concept d'alertes alternatives pourrait être mis en avant pour associer nos partenaires européens, à l'instar de ce qui s'est passé lors de l'attentat de Karachi, avec l'utilisation d'un airbus médicalisé allemand qui était en exposition à Berlin et donc prêt immédiatement à partir.

5. Des répercussions importantes sur le fonctionnement du service

Le Livre blanc ne prévoyait le soutien de 35 000 hommes que dans le cadre d'opérations ponctuelles sur deux théâtres. Dans le contexte actuel des opérations extérieures « multi-théâtres », le soutien opérationnel est assuré par le prél&egrav de réservistes sur un théâtre d'opérations (quatre ou cinq en permanence) permet une plus grande souplesse dans la gestion des effectifs. A titre d'exemple, un médecin et un chirurgien-dentiste réservistes ont été embarqués sur la Jeanne d'Arc, situation inconcevable il y a quelques années. L'impact de cet emploi est limité, car il est subordonné au volontariat et présente des contraintes (préavis, limitation de la durée du mandat, connaissance du milieu...). Il s'agit davantage d'une ressource d'appoint ponctuelle, qui s'intègre dans des relèves planifiées à l'avance. En outre, si les effectifs réalisés en officiers de réserve s'élèvent à 54,23 % de la cible 2008, les effectifs réalisés en sous-officiers (dont MITHRA) ne sont que de 4,3 % et nuls pour les hommes du rang.

II. -  LES INCERTITUDES DE LA PROFESSIONNALISATION : DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES DE RÉALISATION DES EFFECTIFS ET DE FIDÉLISATION DES PERSONNELS

A. UN DEFICIT CROISSANT EN MÉDECINS D'ACTIVE

1. Un diagnostic préoccupant pour les dix ans à venir

Au 1er juin 2002, l'effectif réalisé des médecins des armées était de 2 125 pour un effectif budgétaire de 2 429, soit un déficit de 304 postes (12,5 %). Ce sous-effectif, qui existe depuis 1998, s'élevait à 5 % en 2000 (122 postes) et 9,4 % en 2001 (229 postes). A conditions inchangées, il pourrait dépasser 500 postes en 2007. Le déficit pour les médecins généralistes servant au sein des forces s'élève à 184 postes, essentiellement dans le premier grade. Chez les spécialistes, les déficits les plus préoccupants concernent les anesthésistes-réanimateurs (- 24), les radiologues (- 5) et les urgentistes (- 13), spécialités cruciales pour le soutien des forces et déjà déficitaires dans le secteur civil.

Ce sous-effectif, non anticipé, est dû à la conjugaison de plusieurs facteurs d'importance variable :

- la diminution de moitié des recrutements imposée au service de 1982 à 1996, en raison de l'existence d'un sureffectif conjoncturel (seulement 49 sorties d'école d'application en 2002) ;

- la professionnalisation qui a entraîné la création de 126 postes budgétaires de médecins à pourvoir ;

- l'allongement de la durée des études médicales, passée de 14 à 17 semestres, et depuis la rentrée universitaire 2002 à 18 ;

- une augmentation des départs depuis 1999, due à des facteurs endogènes (vieillissement du corps avec une proportion plus grande de médecins ayant déjà effectué 25 ans de service, départ à la retraite de promotions nombreuses) et exogènes (opportunités plus nombreuses pour entreprendre une seconde carrière dans le secteur civil liées à la baisse du nombre de médecins). Après une baisse constante entre 1990 et 1997 (de 4,2 % à 3,4 %), le taux de départ par rapport à l'effectif global au 1er< programmation militaire : 20 en 2003, 50 en 2004, 2005 et 2006, 35 en 2007 et 15 en 2008. Le succès du concours est constant, avec 10 candidats pour une place, mais, étant donné la durée des études médicales (actuellement 9 ans pour un généraliste, 15 ans pour un spécialiste), les effets de ce mode de recrutement ne seront pas perceptibles avant 2006. Destinés surtout à pallier les pertes survenues en cours de scolarité du concours de catégorie baccalauréat, les recrutements en début de deuxième et troisième cycles ne constituent qu'une ressource très marginale (cinq places réalisées sur douze en 2002 en PCEM2 et une place réalisée sur deux en DCEM4).

L'instauration du numerus clausus flottant en 2001 a introduit une souplesse nécessaire dans le recrutement initial. Avant 2001, il n'existait pas d'aménagement du numerus clausus pour les facultés de Lyon et Bordeaux, alors que les élèves militaires, s'ils y suivent les mêmes cours que les étudiants civils, n'iront pas travailler dans la région. L'instauration du numerus clausus flottant permet désormais de tenir compte de la particularité des facultés de médecine de Lyon et de Bordeaux, en majorant leur numerus clausus du nombre d'élèves militaires classés en rang utile, dans la limite d'un plafond (90 places à Lyon et 60 à Bordeaux). Ce numerus clausus aménagé a permis d'augmenter le taux de réussite au concours de fin de première année des études médicales, celui-ci passant de 47,79 % en 2000 à 63,20 % en 2002.

Point noir de ce recrutement initial, le nombre de démissions enregistrées au cours des deux premières années des études médicales est assez important (à titre d'exemple, sur la seule école de Lyon, treize en 2000, huit en 2001). Le délai de réflexion étant actuellement de deux ans, certains élèves passent le concours d'entrée des écoles du SSA pour bénéficier de meilleures conditions de préparation du concours de fin d'année de première année médicale et, leur passage en PCEM2 acquis, ils démissionnent pour réintégrer le cursus civil avant la signature de leur engagement. Un décret ramenant ce délai de réflexion de deux ans à six mois éviterait cette dérive et sélectionnerait les élèves selon leur réelle motivation. S'il existe un risque de reporter le problème plus loin et de se retrouver avec des démissions déguisées sous forme d'échecs tardifs volontaires et de radiations disciplinaires, quitter l'institution aura un coût (remboursement des études).

3. Le recrutement complémentaire : un remède obligé, mais des résultats décevants

Outre l'augmentation des places offertes pour les entrées en école de formation, l'effort a porté sur la diversification du recrutement, dans l'attente des effets du renforcement du recrutement initial. Crucial pour la réussite de la transition vers un service entièrement professionnalisé, ce recrutement complémentaire, à hauteur de 40 à 50 postes par an, a donné des résultats décevants. En 1998, sur les 43 places offertes au titre du recrutement complémentaire de médecins diplômés par concours ou sous contrat titre du recrutement complémentaire en 2001, 19 médecins ont pu être recrutés, dont 14 sous contrat. Par comparaison, sur les 48 postes offerts en 2000, seuls cinq avaient pu être pourvus, dont trois par contrat. En 2002, les prévisions portent sur 25 à 30 recrutements de médecins thésés, huit recrutements d'OSC et douze recrutements de spécialistes au titre de l'article 98-1 étant déjà effectifs en août 2002.

Ce frémissement des recrutements complémentaires est le résultat d'une politique de communication menée auprès des universités et de l'ordre des médecins depuis deux ans. Une campagne d'information pour le recrutement de généralistes, volontaires pour servir comme officiers sous contrat (OSC), a été en outre lancée le 1er juin 2002 dans trois revues médicales : « la revue du praticien », « impact médecin », « le panorama du médecin ». La création récente d'un bureau « recrutement » à la direction centrale du SSA devrait également permettre de confirmer ce sursaut, crucial dans l'attente des premiers effets du renforcement du recrutement initial. On ne peut cependant que regretter que cette politique de communication n'utilise pas assez pour l'instant les nouvelles technologies. Ces mesures, pour positives qu'elles soient, risquent de rester encore très insuffisantes pour attirer rapidement de nombreuses candidatures et résorber un déficit qui risque de se creuser davantage jusqu'en 2006.

Il est nécessaire, au-delà d'une meilleure communication, d'accroître l'attractivité des recrutements d'OSC et de « 98-1 ». Les premiers sont en effet recrutés avec le grade de capitaine (premier grade de médecin) et sont très vite bloqués en matière d'avancement et de limite d'âge (52 ans), ce qui rend ce contrat peu attractif pour les médecins installés depuis plusieurs années ou a fortiori totalement inadapté à des praticiens en fin de carrière. Une prime de recrutement, qui compenserait partiellement le coût des études médicales en étant assortie d'une obligation de remboursement le cas échéant, rendrait plus attractif ce type de contrat auprès des jeunes médecins généralistes. Un des facteurs d'attractivité qui explique le succès du recrutement initial est l'autonomie financière des élèves du SSA, dont la scolarité est totalement prise en charge. Or, ce facteur d'attractivité n'existe pas pour le recrutement complémentaire de médecins déjà diplômés, qui doivent faire face au remboursement des prêts contractés pour financer leurs études avec une rémunération inférieure à celle du secteur civil.

Quant aux médecins spécialistes, recrutés au titre de l'article 98-1 du statut de 1972, ils ne peuvent à l'heure actuelle prétendre au versement de la prime de qualification. L'attribution de cette prime nécessiterait une modification du décret indemnitaire propre aux médecins des armées.

Ces recrutements sous contrat présentent enfin un inconvénient important, car les praticiens s'engagent en fonction de l'affection qui leur est proposée et n'ont donc pas la même disponibilité que les médecins de carrière. Ils ne permettront obtenir la jouissance immédiate de sa retraite au bout de 25 ans de service, durée de ses études comprise, et commencer une nouvelle carrière dans le secteur civil, hospitalier ou libéral, à un âge relativement jeune (45 ans). Il ne doit d'ailleurs à l'Etat que dix ans de services à l'issue de ses études et les démissions ne sont pas rares.

En vue de limiter les départs et de fidéliser les médecins des armées, différentes mesures de valorisation ont été inscrites aux budgets 2001, 2002 et dans le projet de loi de finances initiale pour 2003 : indemnisation forfaitaire des gardes hospitalières ; amélioration de l'avancement au grade de médecin principal en début de carrière ; revalorisation des primes spéciale et de qualification à partir du grade de médecin en chef, de 430 € par mois à compter d'avril 2002, puis de 70 € supplémentaires à compter de 2003 ; repyramidage planifié de 2003 à 2005 en vue d'améliorer l'avancement en fin de carrière et notamment l'accès au grade de médecin en chef hors échelle (lettre A) pour les généralistes. Ces deux dernières mesures sont plus particulièrement destinées aux personnels possédant plus de 25 ans de services et pouvant bénéficier d'une retraite à jouissance immédiate, donc plus enclins à partir. L'impact du doublement du contingent de médecins en chef hors échelle intervient dans la carrière des médecins trois à six ans après la revalorisation des primes spéciale et de qualification et permet ainsi de prolonger la fidélisation.

Il est encore trop tôt pour pouvoir mesurer valablement l'impact de ces mesures, même si la tendance au départ semble s'infléchir au cours du premier trimestre 2002. L'estimation actuelle des départs pour 2002 est de 160, contre 178 en 2001.

B. LES PERSONNELS PARAMÉDICAUX DES ARMÉES : UNE UNIFICATION DES STATUTS INACHEVÉE ET DES DIFFICULTÉS DE FIDÉLISATION

1. L'unification des statuts : une réforme inachevée

Le personnel paramédical au sein des armées relève actuellement de plusieurs statuts :

- militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), catégorie propre au service de santé qui regroupe sous un statut inspiré de celui de la fonction publique hospitalière divers emplois hospitaliers. Le recrutement s'effectue sur titre, après l'obtention du diplôme d'Etat correspondant ;

- les personnels civils du SSA, sous statut de fonctionnaire ou d'ouvrier d'Etat, qui sont rémunérés sur les crédits du secrétariat général à l'administration, mais sont gérés par le SSA ;

- les sous-officiers et officiers mariniers de la branche santé recrutés par leur armée d'appartenance et ne relevant pas du budget du SSA. Ils obtiennent leur qualification et leur diplôme à l'issue d'une formation interne commune à l'école du personnel paramédical des armées de Toulon.

Les conditions d'emploi des personnels paramédicaux n'apparaissant pas clairement, notamment au regard des o par des civils.

En vue de garantir cette rationalisation, un nouveau statut des personnels paramédicaux civils des armées, inspiré de la fonction publique hospitalière, a été créé la même année. Les paramédicaux civils des armées étaient jusqu'alors essentiellement rattachés au statut d'ouvrier d'Etat, peu adapté à l'évolution de leurs métiers. Quatre corps de fonctionnaires paramédicaux ont été créés : le corps des agents de services hospitaliers qualifiés et le corps des aides soignants civils du SSA, qui sont deux corps de catégorie C ; le corps des techniciens paramédicaux civils du SSA regroupant les métiers de la rééducation-réadaptation, les techniciens d'imagerie médicale et les techniciens de laboratoires et le corps des préparateurs en pharmacie du SSA, qui sont deux corps de catégorie B.

Pour des raisons essentiellement budgétaires (incidence financière estimée à 2,5 millions d'euros), l'unification des statuts des personnels paramédicaux militaires, qu'ils soient recrutés sur titre par le SSA ou qu'ils soient recrutés par les armées et formés ensuite à l'EPPA de Toulon, dans le cadre d'un statut MITHA élargi, n'a pu aboutir. En conséquence, il existe toujours des disparités injustifiées en matière de déroulement de carrière et de rémunération entre des personnels répondant aux mêmes critères de diplôme et de niveau de compétences techniques exigés par le code de la santé publique, tous amenés à travailler sous les ordres d'officiers du SSA et se côtoyant même parfois lors des opérations extérieures et dans les HIA. L'étanchéité des statuts de MITHA et des personnels paramédicaux des armées, particulièrement pénalisante dans un contexte de pénurie de personnel, empêche en outre le recrutement par le service de santé, avec reprise de leur ancienneté, des infirmiers des forces à l'issue de leur engagement avec leur armée d'appartenance.

2. Les personnels paramédicaux des armées : une mosaïque de statuts et un déroulement de carrière peu satisfaisant

Les personnels paramédicaux des forces, qui s'engagent dès l'origine pour devenir infirmiers, n'ont pas le même statut ni la même rémunération selon leur armée d'appartenance. Contrairement aux MITHA, ils ne bénéficient pas des avancées de la fonction publique hospitalières (mesures Kouchner, par exemple).

Leur recrutement ne pose pas de problème, avec, par exemple, dans l'armée de terre onze dossiers pour un poste, mais leur fidélisation est plus délicate, en raison d'un déroulement de carrière peu satisfaisant et de l'attractivité du secteur civil.

Les officiers mariniers infirmiers plafonnent ainsi vers 35 ans à la limite de leur grade, au bout de quinze ans de services, en ayant acquis toutes leurs annuités pour la jouissance de leur retraite.

Le parcours professionnel dans les armées de ces infirmiers s'arrête souvent là, car, contrairement à leurs homologues des armées anglo-saxonnes, ils ne peuvent pas avoir accès aux corps d'officiers, sauf à renoncer à leur spécia face="Arial" size="+0">Ces personnels non officiers doivent actuellement cinq ans à l'armée à l'issue de l'obtention de leur diplôme d'Etat à l'école de Toulon. Prolonger ce délai est difficilement envisageable, car cette variation statutaire doit respecter une cohérence d'ensemble (par rapport à la durée de services demandée aux autres sous-officiers, ou par rapport à celle demandée aux médecins). Elle demande également une compensation.

Le besoin des forces en paramédicaux est d'autant plus important qu'à ces départs s'ajoutent les effets de l'allongement de la formation des infirmiers de deux à trois ans et donc d'une année blanche sans sorties.

3. Un renforcement du recrutement des MITHA nécessaire à l'amélioration du taux d'encadrement au lit du malade

En réponse à la diminution des candidatures à l'engagement sous statut MITHA et à l'augmentation notable des départs constatées récemment, la direction centrale du SSA a mis en _uvre les mesures suivantes :

- développement d'une campagne d'information auprès des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) ;

- décentralisation du recrutement au niveau des HIA ;

- garantie d'une stabilité d'affectation de cinq ans dans l'HIA de leur choix pour les nouveaux candidats ;

- mise en place d'un pré-recrutement d'infirmier dès la troisième année d'études avec signature d'un contrat pour cinq ans, le SSA prenant à sa charge la dernière année d'études et rémunérant les intéressés comme aides-soignants.

Ces mesures semblent encourageantes, car le bilan prévisionnel pour l'année 2002 laisse entrevoir un solde positif significatif entre les engagements et les départs. Les emplois budgétaires (2900 pour l'année 2002) sont réalisés au 1er juillet 2002 à 96 %. Les postes libérés par les MITHA des professions non projetables, postes désormais occupés par des techniciens paramédicaux sous statut fonctionnaire (diététiciens, orthophonistes...), permettent au fur et à mesure des départs de procéder au recrutement de MITHA projetables, notamment infirmiers. Cependant, des déficits se font sentir au niveau des infirmiers de blocs opératoires et des infirmiers anesthésistes, spécialité déjà en situation déficitaire dans le secteur civil.

La transposition en cours des mesures de la fonction publique hospitalière aux MITHA devrait permettre, par une meilleure reconnaissance des qualifications et une meilleure lisibilité des parcours professionnels, de fidéliser ces personnels, notamment les infirmiers spécialisés et les cadres de santé.

Cependant, la multiplication des opérations extérieures entraîne de fortes contraintes, ces personnels paramédicaux n'étant jamais remplacés dans les hôpitaux d'où ils sont prélevés. C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 2003, renforçant l'effort substantiel déjà engagé en 2002, prévoit d'accroître de 200 postes supplémentaires le nombre des MITHA (infirmiers essentiellement), afin d'augmenter le personnel civil

S'il n'est pas propre au seul service de santé, le fort déficit en personnels civils, lié à des départs massifs lors de la restructuration du dispositif hospitalier et à l'impossibilité de les remplacer rapidement en raison des contraintes liées au recrutement d'ouvriers et de fonctionnaires, constitue une entrave à la bonne marche de la professionnalisation. L'effectif réalisé au 1er juillet 2002 ne s'élève qu'à 4 856, soit un écart de 817 postes par rapport aux droits budgétaires ouverts (5 673). Le recrutement prévisionnel de 666 personnes d'ici fin 2002 ne comblera pas ce déficit, qui devrait donc atteindre au minimum 151 postes.

En ce qui concerne les ouvriers, l'interdiction d'embauche, sauf à hauteur de 40 ouvriers au titre de l'ARTT, ne permet pas de résorber le sous-effectif. Les postes d'ouvriers vacants sont transformés au titre du budget 2003, à hauteur de 246, en postes de fonctionnaires paramédicaux ou techniques. Toutefois, le manque de réactivité du recrutement des personnels sous statut fonctionnaire (lourdeur et lenteur des concours), associé à une situation de pénurie démographique de certaines professions paramédicales (masseurs-kinésithérapeutes et manipulateurs de radiologie) et à un défaut d'attractivité par rapport au secteur libéral, ainsi qu'à l'absence de reprise de services des agents issus du privé, suscite des difficultés pour réaliser les effectifs. Les délais sont trop importants entre la vacance de poste et l'ouverture du concours, puis entre l'inscription au concours et la décision d'affectation adressée aux lauréats. Les délais incompressibles de réalisation des concours et de signature des documents préalables à l'affectation font qu'un certain nombre de lauréats ne rejoint pas son poste, car ils ont trouvé un autre emploi. La situation est encore plus critique en région parisienne. Le concours d'aides-soignants de mars 2002 en est l'illustration : sur 90 postes offerts, 69 refus ont été enregistrés. La procédure de recrutement des personnels ouvriers de l'Etat était beaucoup plus adaptée au recrutement sur le bassin d'origine des candidats et aux besoins fonctionnels des établissements.

L'acceptation des postes offerts devrait être néanmoins être améliorée par l'abandon du concours national au profit d'un recrutement déconcentré.

C. DES CONSÉQUENCES PRÉJUDICIABLES POUR LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE

Jusqu'à présent, le SSA a su faire face à ces déficits en personnel en préservant en priorité les effectifs projetés en OPEX, mais la multiplication des opérations extérieures, leur simultanéité et leur inscription dans la durée créent des situations tendues. Les dispositifs doivent être redimensionnés et les effectifs ne sont parfois pas entièrement réalisés sur certains théâtres d'opérations stabilisés et donc non prioritaires. Ainsi, au Kosovo, au sein de la brigade multinationale nord, plusieurs de nos postes de secours fonctionnent sans infirmier ; le bataillon de l'ALAT ne dispose que d'un médecin, pour un effectif théorique de deux, alors que les évacuations sanitaires le rendent indisponible pour les consultations et qu'il ne pourra faire face seul &agra sanction de cette pénurie de personnel est immédiate et se traduit par une réduction de l'activité, la fermeture de lits, voire de services, en raison de l'impossibilité de respecter les normes d'encadrement au lit du malade. Ainsi, l'hôpital Percy de Clamart dispose de 53 lits en psychiatrie, mais seuls vingt sont ouverts. De même, en pneumologie, sur 45 lits, seuls vingt sont ouverts. Le service de chirurgie plastique a dû fermer totalement, ce qui est lourd de conséquences. Le centre de traitement des brûlés, qui est un support indispensable du service public, notamment depuis la fermeture du service similaire de l'hôpital Foch, est également touché, avec au minimum quatre lits fermés sur les vingt dont il dispose ; au total, cent lits sont fermés en moyenne dans cet HIA.

Le tableau ci-après présente la situation générale des effectifs militaires relevant du budget du service de santé au 1er septembre 2002, en comparant les effectifs réalisés par rapport aux droits budgétaires ouverts.

SITUATION DES EFFECTIFS MILITAIRES EN POSITION D'ACTIVITÉ
EFFECTIFS RÉALISÉS AU 1ER SEPTEMBRE 2002

Catégories de personnels et grades

Budgétaire

Réalisés

Total

Dont femmes

OFFICIERS ET ASSIMILÉS (ACTIVE)

Médecins

2 429

2 155

245

Pharmaciens

204

199

78

Vétérinaires

81

69

10

Chirurgiens-dentistes

58

43

3

Officiers du corps technique et administratif

338

286

59

Officiers terre

7

1

0

Sous-total

3 117

2 753

395

MITHA Officiers

178

167

152

Aumôniers militaires (assimilés officiers)

120

115

2

Total

3 415

3 035

549

SOUS-OFFICIERS ET ASSIMILÉS (ACTIVE)

MITHA sous-officiers

2 722

2 585

1 999

Sous-officiers féminins du service de santé des armées

0

53

53

Sous-officiers terre, santé

549

497

48

Elèves des écoles du service de santé des armées

920

937

413

Total

4 191

4 072

2 513

EVAT

240

227

74

TOTAL ACTIVE

7 846

7 334

3 136

Volontaires SSA

260

201

132

TOTAL GÉNÉRAL MILITAIRES

8 106

7 535

3 268

III. -  UNE OUVERTURE TOUJOURS PLUS LARGE AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER, FORMALISÉE DANS LA LOI DE MODERNISATION SOCIALE

A. UNE OUVERTURE NÉCESSAIRE À LA CLIENTÈLE CIVILE

La suppression d'une partie de leur clientèle obligée à travers la disparition des appelés et la réduction de format des armées a rendu indispensable l'ouverture très large des hôpitaux militaires, afin de conserver une activité suffisante et le traitement d'un large éventail de pathologies, gage d'un maintien de la compétence du personnel pour des missions au profit des forces, et afin de rentabiliser les équipements.

Ainsi, les hôpitaux militaires se sont plus largement ouverts au secteur civil, notamment dans le domaine de l'urgence, jusqu'à servir de référent dans des spécialités particulières telles que les brûlés. L'hôpital Sainte-Anne de Toulon, par exemple, dispose du seul service de neurochirurgie du Var et il est à ce titre un support incontournable du service public. Les services d'accueil des urgences, présents dans huit des neufs HIA, travaillent en étroite collaboration avec les services de secours (SAMU, SMUR, pompiers) et fournissent une part importante des hospitalisations. Ils constituent surtout une nécessité pour le maintien du potentiel opérationnel des équipes hospitalières, les préparant aux missions qu'elles retrouvent en opérations extérieures. De plus, dans le contexte actuel de restructuration du dispositif hospitalier public et privé, l'hôpital militaire devient parfois l'hôpital de proximité, les patients ayant en outre l'assurance d'être suivi dans de bonnes conditions, liées à la qualité des plateaux techniques, à un suivi plus personnalisé et à un environnement qu'ils jugent sûr.

Bien qu'ils constituent leur clientèle prioritaire, les militaires ne sont en outre pas tenus de s'adresser à un HIA, sauf si l'accident ou la maladie est imputable au service. Ils peuvent être hospitalisés dans l'établissement de leur choix, le service de santé prenant à sa charge le coût de leur séjour. Or, les HIA ayant en charge des tâches d'expertise et la vérification en dernier ressort de l'aptitude des personnels, les militaires utilisent largement leur libre choix, de crainte de révéler une pathologie et de remettre en cause le déroulement de leur carrière.

La part du secteur civil au sens strict (sans compter les familles des militaires, les retraités et les personnels civils du ministère de la défense) dans l'activité hospitalière du service de santé est passée entre 1997 et 2001 de 49 % à 72 % des entrées et de 57 % à 76 % des journées d'hospitalisation. 55 % des consultations ne relèvent pas de la sécurité sociale militaire. Ces proportions sont encore plus déséquilibrées, s'agissant de l'activité à charge du service de santé (accident ou maladie imputable au service) et de l'activité à titre remboursable. Comme l'indique le tableau ci-après, les missions proprement régaliennes ne représentent plus en 2001 que 9 % des entrées, contre 20 % en 1998.

Un

RÉALISATIONS

PRÉVISIONS

1998 (1)

1999 (1)

2000 (1)

2001 (1)

2002

2003

Nombre d'entrées :

. à charge du SSA

32 054

21 418

13 487

7 915

7 000

6 500

. à charge de remboursement

84 925

90 716

87 114

80 774

83 000

80 500

dont ceux ne relevant pas de la sécurité sociale militaire

63 384

67 706

68 556

63 697

65 452

63 481

TOTAL

116 979

112 134

100 601

88 689

90 000

87 000

Nombre d'entrées, en pourcentage du total :

. à charge du SSA

27 %

19 %

13 %

9 %

8 %

7,5 %

. à charge de remboursement

73 %

81 %

87 %

91 %

92 %

92,5 %

Nombre de journées :

. à charge du SSA

170 404

118 519

74 299

45 014

35 740

30 000

. à charge de remboursement

669 798

638 143

593 890

534 722

550 000

520 000

dont ceux ne relevant pas de la sécurité sociale militaire

527 036

502 129

487 930

442 089

454 720

429 917

TOTAL

840 202

756 662

668 189

579 736

585 740

550 000

Nombre de journées, en pourcentage du total :

. à charge du SSA

20 %

16 %

11 %

8 %

6 %

5,5 %

. à charge de remboursement

80 %

84 %

89 %

92 %

94 %

94,5 %

Durée moyenne de séjour (2)

6,67

6,40

6,29

6,20

6,25

6,08

Nombre de consultations

1 045 222

1 001 040

932 416

837 722

760 000

720 000

(1) Sources : résultats du compte de gestion
(2)
CHA Lamalou, HTA et établissements à l'étranger et outre-mer exclus.

B. LES MODALITÉS DE PARTICIPATION AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

Cette participation des hôpitaux militaires au service public hospitalier est désormais formalisée par l'article 11 de la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale : « outre leur mission prioritaire de soutien sanitaire des forces armées...ils concourent au service public hospitalier » et « dispensent des soins remboursables aux assurés sociaux ».

Les installations, les équipements et les activités de soins du SSA sont pris en compte dans le schéma régional d'organisation sanitaire sans en faire partie. Un arrêté interministériel santé-défense fixera la liste des hôpitaux des armées concourant au service public, ainsi que les équipements concernés. Cette participation des hôpitaux militaires à la planification sanitaire est légitime, mais elle ne doit pas conduire à soumettre ces établissements aux procédures et aux critères imposés aux hôpitaux civils. Les plateaux techniques des HIA sont dimensionnés pour faire face à un afflux massif de blessés en cas de conflit, et non en fonction des besoins courants de la population.

En sens inverse, le SSA doit prendre en considération l'offre hospitalière environnante et il a ainsi dû différer de deux ans la fermeture du centre hospitalier des armées R. Le Bas de Cherbourg.

Cette participation au service public se manifeste également par des conventions de complémentarité établies avec le secteur civil, pour le prêt et la mise à disposition d'équipements lourds (IRM, scanner, caissons hyperbares...), voire d'un service entier. Ainsi, le secteur stérile du service d'hématologie de l'hôpital Percy a été mis à disposition de l'hôpital Saint-Louis après l'incendie de ce dernier en 1999. Le nouvel article L.711-9 du code de la santé publique, résultant de la loi de modernisation sociale précitée, ouvre la possibilité aux HIA de participer aux réseaux de soins et aux communautés d'établissements. Cette coopération entre les dispositifs de soins civils et militaires devrait être précisée prochainement par des textes d'application. La responsabilité d'organiser le cadre conventionnel pourrait revenir à la direction centrale du SSA, qui assume déjà les missions d'une agence régionale d'hospitalisation en répartissant le montant de la dotation globale, et pourrait devenir l'interlocuteur de ces agences au niveau régional.

De plus, dotés de personnels formés, les HIA, qui disposent pour six d'entre eux d'un centre de traitement pour blessés radio-contaminés faisant parfois aussi office de centre d'accueil des contaminés chimiques, sont naturellement impliqués dans la prise en charge des victimes d'un attentat de nature nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique (NRBC) et font partie des réseaux des plans gouvernementaux PIRATOME, PIRATOX, et BIOTOX. Les laboratoires des neuf HIA, ainsi que ceux de virologie de l'institut de médecine tropicale du SSA, peuvent être sollicités pour le diagnostic biologique de maladies suspectes. A titre d'exemple, les laboratoires du ministèr procède à l'accréditation des hôpitaux des armées que le ministre de la défense désigne. Le 3 avril 2001, les neufs HIA ont été proposés par le ministre de la défense à l'accréditation. Cette démarche impose des contraintes techniques et financières en matière de sécurité du patient, des personnels, de l'environnement, et surtout d'effectifs. L'HIA Laveran à Marseille a été le premier à faire l'objet de la visite d'accréditation en février 2002.

Enfin, les HIA, malgré un manque d'informaticiens, participent dorénavant au programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Les cabinets médicaux des unités devront également intégrer les contraintes posées par les ordonnances du 24 avril 1996 visant à une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, par la mise en _uvre du programme SISMU (système d'information des services médicaux d'unité).

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DES RECETTES ISSUES DE L'ACTIVITÉ HOSPITALIÈRE DANS LE FINANCEMENT DU SERVICE

Les ressources financières du service reposent sur les crédits budgétaires provenant des titres III et V du budget de la défense et sur les recettes issues principalement des activités de soins hospitaliers, rétablies au budget du service par la voie de fonds de concours.

Succédant au régime de remboursement des prestations effectuées aux assurés sociaux de droit commun depuis le 1er janvier 2002, le financement du service de santé par dotation globale de fonctionnement (DGF), prévu par l'article 43 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, repose sur la définition d'une allocation annuelle forfaitaire versée en dix fois constituant l'enveloppe financière destinée à ses hôpitaux. L'extension du système de la dotation globale aux HIA s'inscrit dans la logique de leur participation toujours plus importante au service public hospitalier et au dispositif d'encadrement des dépenses d'assurance maladie fondée sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). L'intégration du SSA dans ce système connaît cependant certains aménagements, qui tiennent compte de sa spécificité. Ainsi, la fixation du montant de la dotation globale ne peut relever de la compétence des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) puisque, à la différence des hôpitaux publics, les HIA sont dépourvus de la personnalité morale. Le montant annuel de la dotation globale est donc déterminé, pour l'ensemble des HIA, par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, en fonction de l'ONDAM.

Résultant de l'activité de soins hospitaliers du service, cette dotation est rétablie à son budget par la voie du fonds de concours et permet de financer les dépenses hospitalières à charge de l'assurance maladie, à l'exclusion de celles induites par des missions régaliennes. Elle est payée pour le compte de l'ensemble des régimes de sécurité sociale par la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui joue le rôle de caisse pivot. Le montant 2002 de la DGF s'élève à 341 404 133 € (arrêté du 30 avril 2002), à comp versements, qui facilitent grandement la gestion de la trésorerie. D'éventuelles conséquences financières d'une baisse durable et significative de l'activité ne se feraient sentir que lors de la négociation de l'évolution de la DGF de l'exercice suivant. On notera en revanche que la DGF ne remédie pas à certains inconvénients du système des fonds de concours, qui tiennent à la fois à la répartition rigide entre titre III et titre V et à leur versement étalé au long de l'année. Or, les ordonnateurs secondaires ont besoin d'engager rapidement dès le début de l'année un montant de crédits aussi important que possible, afin que soient passés en temps utile les marchés nécessaires au bon fonctionnement des établissements.

Il conviendra qu'à l'avenir, l'ajustement du montant de la dotation globale, qui ne saurait être dissocié de l'évolution de l'activité hospitalière du service, soit coordonné avec la fixation des crédits budgétaires, de telle sorte que l'ensemble des ressources du SSA soit compatible avec l'exigence prioritaire du soutien sanitaire des forces. L'augmentation des ressources externes tirées de l'activité hospitalière et la mise en place de la dotation globale, gage d'une certaine stabilité par rapport aux remboursements de prestations, ne doivent pas provoquer une érosion des crédits budgétaires qui fragiliserait le service. Les conséquences d'une chute conjoncturelle de l'activité au profit de la population civile, liée notamment à un conflit majeur comme ce fut le cas en 1991 avec la fermeture totale de services lors de l'opération Daguet, ne sauraient être occultées.

ÉVOLUTION DES RESSOURCES DU SERVICE DE SANTÉ

(en millions d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Ressources budgétaires

377,2

302,3

280,9

256,9

250,0

258

Ressources externes

350,5

388,4

401,9

498,3

461,8

397

Part des ressources externes

48,2 %

56,2 %

58,9 %

66,0 %

64,9 %

60,6 %

TOTAL

727,7

690,7

682,8

755,2

711,8

655

IV. -  ESSAI DE PROSPECTIVE ET PROPOSITIONS

A. LES FAUSSES PISTES

1. La mixité avec le système de soins public

L'intégration de médecins des armées dans des hôpitaux civils ou l'individualisation de salles militaires dans ces structures, en vue d'alléger le dispositif de soins militaires, ne paraît pas être envisageable pour diverses raisons.

A l'expérience, ces solutions ne sont techniquement pas viables et n'offrent aucune garantie de réactivité pour la mise à disposition des personnels ou des capacités requises. En outre, les départs en opérations extérieures des personnels militaires bouleverseront le fonctionnement et la capacité d'accueil de structures hospitalières travaillant au profit d'une clientèle civile, dont les besoins doivent continuer néanmoins à être pris en compte. En effet, tout chirurgien est tributaire d'une équipe qui doit être au complet pour pratiquer une intervention. La continuité du service public hospitalier serait alors menacée.

Par ailleurs, cette mixité entraînerait de façon probable un affaiblissement de la culture militaire et, par une facilité des comparaisons et des « démarchages », une accélération des départs vers le secteur civil, où les rémunérations et le système de paiement des gardes sont nettement plus attractifs, les praticiens se voyant proposer des offres au sein même de l'hôpital.

2. L'externalisation

Le recours à l'externalisation se heurte à un certain nombre de limites. Cette démarche est lourde de conséquences en raison de la perte quasi-irréversible de savoir-faire qu'elle entraîne. L'amputation définitive d'une capacité technique de la chaîne militaire santé est d'autant plus dangereuse qu'elle pose la question de la réactivité et de la fiabilité en cas de crise.

L'idée de confier les rapatriements sanitaires à des sociétés d'assurance du type Europe assistance ne permettrait pas, par exemple, de faire face à un conflit majeur avec un taux de perte important. De plus, une autre difficulté résiderait dans la complexité des contrats, qui ne peuvent pas tout prévoir.

L'exemple anglais est également édifiant. A des fins d'économies à court terme, le « Defense Medical Service » a perdu entre 1990 et 1997 la moitié de ses effectifs, alors que dans le même temps, les forces armées n'étaient réduites que du tiers. Le choix exclusif du recours au secteur civil, le « National Health Service », s'est traduit par la fermeture de la totalité des hôpitaux militaires, avec parallèlement l'ouverture de cinq unités militaires, intégrées au sein des hôpitaux civils, sans qu'aucun lit ne soit réservé aux militaires, sauf blessures ou maladies mettant en péril le pronostic vital. Face aujourd'hui à des besoins opérationnels exigeants, le service de santé des armées britannique connaît un déficit global en m&eacu du service de santé dont les effectifs connaissent aujourd'hui un important déficit. La gendarmerie, qui estimait ne pas disposer de suffisamment de médecins et de personnel paramédical à son service, a obtenu ces dernières années l'affectation de médecins supplémentaires et de MITHA dans les différentes brigades, contre un transfert de postes budgétaires en direction du SSA (30 en 2003). Cette volonté souligne bien que l'accès au service de santé reste considéré comme un élément important de la condition militaire

B. LES DÉFIS MAJEURS À RELEVER

1. La réforme des études médicales : vers une séparation accrue entre hospitaliers et médecins des forces ?

Actuellement, la formation initiale des médecins des armées conduit à l'exercice de la médecine générale, la voie des spécialités hospitalières n'étant possible qu'à l'issue de trois années passées en unité après l'obtention de la thèse et après la réussite du concours de l'assistanat, qui permet la préparation des diplômes d'études spécialisées (DES). L'article 60 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 précitée subordonne à partir de l'année universitaire 2004-2005 l'accès à tous les troisièmes cycles des études médicales, y compris de médecine générale, aux résultats des épreuves de l'examen national classant. Afin que le ministère de la défense conserve la maîtrise des disciplines médicales qui lui sont indispensables ainsi que des centres hospitaliers universitaires de rattachement, ce même article prévoit que les élèves médecins des écoles du SSA exercent leur choix au sein d'une liste hors quota fixée par arrêté interministériel et renvoie à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'attribution des postes d'internes qui leur sont destinés.

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Cette disposition, qui nécessite une adaptation du statut particulier des médecins des armées, aura trois conséquences :

- un rajeunissement des spécialistes, qui étaient nettement plus âgés que leurs homologues civils à l'issue de leurs études, en raison des trois ans préalables passés en unité et de la nécessité de suivre le troisième cycle de médecine générale, d'une durée de deux ans et demi ;

- la détermination immédiate de la discipline médicale dans laquelle le futur médecin exercera l'ensemble de sa carrière ;

- l'existence de fait de deux filières distinctes dès l'origine : la filière des unités pour les médecins généralistes et une filière interarmées, celle des HIA, pour les spécialistes.

Cette évolution a déjà été amorcée à la rentrée universitaire 2002-2003. Il est dé année, complété de quelques visites dans la suite de leur scolarité. Il est regrettable qu'un choix aussi lourd de conséquences, aussi bien pour la carrière des intéressés que pour la satisfaction des besoins du service de santé, se fasse dans ces conditions.

Un « droit au remords » est cependant prévu, car il est envisagé de maintenir l'assistanat après trois ans de médecine en unité, mais il ne fonctionne que dans un sens, en faveur des vocations hospitalières tardives.

Les incertitudes sont donc les plus fortes sur la clé de répartition entre les hospitaliers et les médecins des forces. Une désaffection de la filière généraliste par les élèves ne pourra que fragiliser le service et renforcer le déficit qui se concentre déjà dans les forces.

Enfin, l'absence de réelle culture militaire des futurs spécialistes suscite des interrogations quant à leur capacité à effectuer des tâches d'expertise et d'aptitude en dernier ressort au sein des HIA. Il leur sera difficile de se prononcer en connaissance de cause, sans connaître les conditions d'emploi dans les différentes armées. Des stages seront donc nécessaires pour pallier l'expérience acquise au cours des trois ans en unité. Ce maintien de la culture militaire des futurs spécialistes est également crucial pour le bon fonctionnement des formations sanitaires de campagne sur les théâtres d'opérations extérieures.

Dans l'intérêt du service, il sera donc vital d'aménager des passerelles entre les deux filières.

Par ailleurs, le service de santé doit faire face au projet de réforme de la première année des études médicales, qui deviendrait commune à l'ensemble des professions de santé (à terme 18). Un concours spécifique serait organisé par spécialité, mais les étudiants, qui ne bénéficieraient plus de la possibilité de redoubler, auraient la possibilité de s'inscrire à plusieurs concours. Dans ces conditions, comment justifier l'examen d'entrée des écoles du SSA organisé au niveau du baccalauréat ? Continuer de recruter à ce niveau implique un taux d'attrition important car le service de santé ne gardera pas de sages-femmes, par exemple. Y aura-t-il suffisamment de candidats ? Doit-on leur faire signer un engagement de présenter le concours de médecine ?

Ce manque de clarté de la scolarité proposée aux étudiants du SSA, lié à la réforme générale des études médicales en France, n'est pas le bienvenu dans un contexte marqué par la nécessité de renforcer le recrutement initial.

La réforme des études médicales devra être néanmoins l'occasion d'intégrer un module optionnel validant de médecine militaire dans le cursus des études civiles, par exemple dans le nouvel internat ou le troisième cycle de médecine générale, qui permettrait de restaurer un lien armées-nation affaibli avec la fin de la conscription et de faire partager des savoir-faire en matière de médecine d'urgence, de catastrophe ou de pathologie tropicale. La faculté de Montpellier a montré l'exemple dès 2001, en créant, à l'initiative d'un réserviste (62,4 %).

Beaucoup plus faible est la proportion de femmes parmi les officiers du SSA : 11 % des médecins, 38 % des pharmaciens-chimistes, 14,5 % des vétérinaires, 27,6 % des officiers des corps techniques et administratifs (OCTA). Cette situation devrait pourtant évoluer rapidement dans la décennie à venir. Cette faible proportion de femmes était liée à la présence de quotas de recrutement féminin (40 % pour les OCTA, 33 % pour les pharmaciens, 15 % pour les médecins), qui ont été supprimés par le décret n°98-86 du 16 février 1998. La levée des quotas aura des incidences profondes sur le corps des médecins des armées dès la sortie d'école de ces nouvelles promotions, à compter de la fin de la décennie. La proportion de jeunes filles admises au concours des écoles du SSA dépasse les 50 % depuis 1998, à l'instar du fort taux de féminisation enregistré dans les facultés. A titre d'exemple, à l'école du SSA de Lyon-Bron, la promotion 2002, tous niveaux de recrutement confondus, est constituée de 59 femmes pour un effectif total de 115, soit 51,3 %. La même proportion se retrouve chez les nouvelles promotions de pharmaciens-chimistes.

Les femmes servant sous statut militaire ont la même vocation que les hommes à être projetées sur les théâtres d'opération extérieure. Si le mandat des médecins spécialistes en opération extérieure est limité à deux mois, en vue d'entretenir leur pratique, il n'en est pas de même des médecins affectés par exemple au sein de l'armée de terre, qui partent pour quatre mois. Cette durée assez longue n'est pas adaptée à une vie de famille avec des enfants. Le changement profond lié à la féminisation du SSA et plus particulièrement des médecins laisse planer des incertitudes quant à la disponibilité opérationnelle de ses personnels.

La gestion des personnels médicaux et paramédicaux devra prendre en compte les facteurs liés aux maternités et aux contraintes familiales, en faisant preuve de créativité, notamment dans la redéfinition des emplois, et de souplesse. Elle ne pourra pas faire l'impasse d'une réflexion sur l'aménagement du temps de travail dans le cadre d'un statut militaire, en imposant des garde-fous excluant la possibilité d'un cumul avec une activité dans le secteur civil. Cet aménagement pourrait aussi se concevoir de façon plus originale sur l'ensemble de la vie, avec la possibilité d'alterner des périodes sous statut militaire et des périodes sous statut civil plus consacrées à la vie familiale.

La juste rémunération des gardes de nuit, notamment pour les MITHA qui, contrairement à leurs homologues du secteur civil, ne perçoivent pas de prime, est devenue une nécessité, lorsque s'ajoutent le problème et le coût de la garde des enfants. Des crèches aux horaires adaptés devront être aménagées dans les hôpitaux militaires.

Enfin, pour les médecins, il serait souhaitable qu'un numerus clausus élargi prenne en compte cette féminisation et ses conséquences en matière de réduction du temps du travail et d'absences liées aux congés maternités et aux contraintes familiales en général.

Afin d'informer les réservistes et de leur proposer un éventail d'emplois aussi large que possible, l'utilisation des nouvelles technologies devrait être favorisée par le biais d'un site extranet (internet sécurisé), mis à jour par le bureau réserves de la direction centrale du SSA.

Afin d'optimiser l'emploi des réservistes, un allongement de la durée de leur mandat, qui s'élève actuellement à trente jours par an et peut être prolongée à 120 jours pour raisons opérationnelles, pourrait également faire l'objet d'une modification de la législation.

4. L'impossible homogénéisation des statuts des paramédicaux ?

Si l'harmonisation des conditions de recrutement, d'avancement et d'emploi des personnels non officiers de la branche santé des armées fait aujourd'hui l'objet de deux études du collège des inspecteurs généraux du SSA et du contrôle général des armées et semble envisagée, le regroupement de l'ensemble des paramédicaux militaires diplômés d'Etat sous un statut unique MITHA présente quant à lui de multiples avantages. Pour les paramédicaux des forces, il met fin aux distorsions injustifiées de déroulement de carrière et permet d'aligner leur rémunération sur celle des MITHA. Il offre également davantage de mobilité à des MITHA qui, jusqu'ici, sont extrêmement contraints en matière de mutations, en raison du resserrement du dispositif sur les neuf HIA, et les autorise en outre à partir plus souvent en opérations extérieures, s'ils le désirent. Par l'alternance de périodes en secteur hospitalier et en services médicaux d'unités, il permet d'une façon générale d'améliorer la polyvalence du personnel d'active et de renforcer la culture militaire des MITHA.

C. PROPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES

1. Un accès facilité aux corps d'officiers pour les infirmiers spécialisés ou la nécessaire reconnaissance des qualifications et des emplois

Dans les armées anglo-saxonnes, les « nurses » accèdent aux corps d'officiers et sont représentées dans les états-majors. Au Royaume-Uni, en particulier, les « registered nurses », qui sont l'équivalent de nos infirmières diplômées d'Etat, par opposition aux aides-soignantes (« enrolled nurses »), ont toutes le rang d'officier, leur hiérarchie allant jusqu'au grade de général de brigade. Sans aller jusque là, il est souhaitable de tenir compte des responsabilités parfois importantes exercées par les infirmiers (par exemple, au sein de la force qu'elle présente un intérêt certain pour les intéressés, en raison de la qualité des plateaux techniques présents dans les HIA, de la connaissance de certaines pathologies particulières (médecine tropicale) et du savoir-faire acquis dans certaines spécialités (brûlés, médecine d'urgence). Pour le SSA, la présence de ces stagiaires serait particulièrement utile au fonctionnement des HIA dans le contexte actuel de sous-effectif et de multiplication des opérations extérieures. De plus, en faisant connaître le SSA, elle constituerait une base pour la montée en puissance de la réserve opérationnelle et faciliterait le recrutement complémentaire, en restaurant un lien disparu avec la fin du service national.

L'échange de praticiens en formation ne fonctionnait jusqu'ici qu'en sens unique, les médecins spécialistes du SSA devant dans le cadre de leur formation et de l'obtention du DES passer deux semestres en centre hospitalier universitaire (CHU). Les étudiants civils ont aussi l'obligation d'effectuer des stages hors CHU au cours de leur scolarité, mais ceux-ci ont lieu uniquement en centre hospitalier régional pour l'instant. Il semble qu'un début d'amélioration s'amorce en 2003, avec la possibilité budgétée d'accueillir cinq internes civils, soit résidants, soit préparant un DES, dans des services sélectionnés des HIA. L'accueil des stagiaires civils reposait sur plusieurs conditions : la déclaration des postes à la commission d'ouverture des postes, l'existence de services agréés et le financement. Les textes d'application de la loi de modernisation sociale relatifs à la participation du SSA au service public hospitalier devront être l'occasion d'amplifier et de préciser ce dispositif.

3. La réintégration des masseurs-kinésithérapeutes sous statut militaire

L'échec du recrutement des masseurs-kinésithérapeutes sous statut fonctionnaire, lié à la moindre attractivité par rapport au secteur libéral et à des modes d'exercice analogues à ceux rencontrés dans les hôpitaux publics, est révélateur de son inadéquation. Le reclassement des masseurs-kinésithérapeutes parmi les professions projetables s'impose aujourd'hui, car, outre la valorisation de cette fonction par rapport au secteur civil à travers des conditions d'emploi atypiques, il permettrait de traiter sur le théâtre des accidents liés à la pratique d'activités sportives, de plus en plus fréquents lors d'opérations qui s'enlisent dans la durée, et éviterait ainsi des rapatriements sanitaires. La réintégration de ces personnels sous statut militaire a dû d'ailleurs être engagée cette année avec le recrutement de sept masseurs-kinésithérapeutes sous statut MITHA.

4. Un recrutement élargi des chirurgiens-dentistes

Faisant suite à la création du corps en 2000 (décret n° 2000-187), les modalités du recrutement dans le corps des chirurgiens-dentistes d'active sont annoncées pour 2003. En 2002, les effectifs budgétaires des chirurgiens-dentistes s'élèvent à 58, alors que l'effectif réalisé au 1er juillet n'est que de 37. Si le recrutement des chirurgiens-dentistes s'effectue aujourd'hui prioritairement par l'intégration des ancien être poursuivi et élargi à un plan national (médias, ANPE et surtout internet), mais aussi grâce au concours des armées. Il n'existe pas de centre de recrutement pour les services communs. Il est donc primordial que les centres de recrutement, de l'armée de terre par exemple, puissent donner en cas de besoin quelques informations synthétiques sur le SSA et orienter les personnes intéressées par une carrière médicale dans les armées vers la direction régionale du service de santé. De même, le service de santé des armées doit pouvoir être évoqué lors de la journée d'appel et de préparation à la défense. Enfin, une préparation militaire à dominante santé pourrait être mise en place.

6. Valoriser l'emploi des engagés volontaires, notamment à travers des stages auprès de la sécurité civile

Comme les médecins et les infirmiers en unité, les engagés volontaires de l'armée de terre affectés aux 1er et 3ème régiments médicaux, qui obtiennent à l'issue de leur formation initiale un certificat pratique de brancardier secouriste, doivent pouvoir mettre en valeur et entretenir leur spécialité santé en dehors des OPEX. Cette possibilité de formation continue existe déjà à l'HIA Legouest pour le 1er régiment médical de Metz, mais elle pourrait être systématisée et élargie à des gardes ou des stages auprès des pompiers ou du SAMU, qui motiveraient ces militaires du rang. Une formation en anglais apparaît par ailleurs nécessaire, en raison du cadre multinational de l'engagement des forces et du développement de la coopération avec les armées étrangères.

7. Relancer l'effort en faveur de la recherche

Les nouveaux risques terroristes et les colis suspects liés à la maladie du charbon ont mis sur le devant de la scène la fonction recherche du SSA. Mais qu'en est-il de ce secteur à l'issue de la professionnalisation ? Les quatre établissements de recherche du SSA représentent actuellement 400 personnes (cible 2008 égale à 494), dont la moitié de civils, contre 600 avant 1998, dont une centaine de scientifiques du contingent. La vitalité du secteur recherche dépend largement de sa capacité à renouveler régulièrement une partie de ses cadres, via des contrats offerts à des post-doctorants ; or, actuellement, le service ne compte que dix agents sur contrat sur les 34 qui seraient requis.

Il existe un déficit en moyens financiers et humains consacrés à la recherche-développement du secteur biomédical de défense, qui affecte notamment les programmes d'études amont consacrés à la défense NRBC, pour lesquels le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 devrait engager un effort de redressement significatif. Il serait souhaitable par ailleurs de faciliter l'accueil de chercheurs d'établissements publics de recherche (CNRS, INSERM) ou d'universités dans les structures de recherche du SSA. Enfin, le doublement des crédits du titre III affectés aux déplacements apparaît comme une nécessité, compte tenu de l'évolution du cadre de la recherche sous forme de réseaux et de coopération nation cependant de rigueur pour la réussite de cette transition, la qualité des personnels du service de santé étant à la hauteur des mutations opérées et ayant permis jusqu'ici au service de remplir toutes ses missions sans faillir.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d'information de M. Christian Ménard sur le service de santé des armées, au cours de sa réunion du mardi 29 octobre 2002.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Alain Moyne-Bressand a demandé si les agences régionales de l'hospitalisation étaient compétentes dans la décision d'achat des équipements des hôpitaux des armées et comment ces équipements étaient pris en compte dans la carte sanitaire.

M. Christian Ménard, rapporteur, a répondu qu'en dépit d'une ouverture croissante des hôpitaux militaires à une clientèle civile, le ministère de la défense restait seul décideur en la matière, la fixation du montant de la dotation globale faisant l'objet d'une négociation directe avec le ministre de la santé. Si les équipements des hôpitaux militaires sont pris en compte dans le schéma régional d'organisation sanitaire, ils n'en font pas partie pour autant.

M. Philippe Vitel a ajouté que le matériel lourd acquis par les hôpitaux des armées était recensé par les agences régionales de l'hospitalisation, en vue d'une meilleure optimisation des équipements avec le secteur civil.

S'inquiétant du déficit en médecins militaires, M. Charles Cova s'est interrogé sur la possibilité d'imposer aux étudiants en médecine boursiers l'obligation de servir deux ans dans les armées à l'issue de leurs études, en contrepartie de l'effort financier consenti par l'Etat.

M. Christian Ménard, rapporteur, a reconnu que cette idée méritait d'être approfondie.

Le président Guy Teissier a souligné qu'il s'agissait d'une pratique courante aux Etats-Unis pour le recrutement d'officiers et qu'en France la commission armées-jeunesse décernait déjà quelques bourses d'études à des étudiants de haut niveau, en contrepartie d'une obligation de service dans les armées. Cet usage doit être développé et assorti en outre d'une obligation de service dans la réserve. De manière plus générale, les armées doivent renforcer leur politique de communication auprès des universités.

M. Philippe Vitel a souligné que le problème de la démographie médicale concernait aussi bien les civils que les militaires, ces derniers étant d'ailleurs compris dans le numerus clausus. En 2010, 8 000 médecins partiront à la retraite et seuls 3 500 seront remplacés. Les départs de médecins militaires s'ajouteront à ce déficit généralisé. Alors que 200 000 médecins exercent en France actuellement, il n'en restera que 158 000 en 2025. Il a également souhaité savoir si l'ouverture aux ressortissants europ&eacu

M. Richard Mallié a manifesté la crainte qu'en imposant aux boursiers de leur faire effectuer un temps sous les drapeaux, on risque de décourager davantage les vocations médicales.

Le président Guy Teissier a précisé que si ce système de contrepartie était retenu, il devrait se généraliser à l'ensemble des étudiants boursiers, des chimistes pouvant servir par exemple dans le service des essences.

M. Yves Fromion a souligné que les bénéficiaires de bourses accordées à des doctorants par des collectivités territoriales se voient également demander des contreparties.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
AU COURS DE LA MISSION D'INFORMATION

- Médecin général des armées Michel Meyran, directeur central du SSA, médecin en chef Jean-François Ladrange, chef de cabinet, médecin général Philippe Loudes, sous-directeur organisation et logistique, médecin général Jean-François Gouteyron, sous-directeur ressources humaines, médecin général Bernard Lafont, sous-directeur hôpitaux, médecin général Henri Delolme, sous-directeur action scientifique et technique, médecin général Roger Perraud, sous-directeur études, planification, gestion et médecin en chef Christian Estripeau, chef du bureau de la communication et de l'information.

- Médecin en chef Joël Marionnet, conseiller santé du chef d'état-major des armées et médecin en chef Anne Robert, conseiller santé du chef d'état-major de l'armée de terre.

- Médecin général inspecteur Jacques Abgrall, médecin-chef de l'Hôpital d'instruction des armées Percy à Clamart et médecin général Jean-Yves Tréguier, directeur du service de protection radiologique des armées.

- Médecin en chef Bordaguibel-Labaye, commandant en second du 1er régiment médical de Metz.

- Déplacement au Kosovo du 3 au 5 octobre 2002 :

_ Général Alain Bidard, commandant la brigade multinationale nord ;

_ Général Perruche, Repfrance, état-major de la KFOR ;

_ Colonel Cahuet, chef de la chaîne logistique (ADCONFRANCE) ;

_ Médecin en chef Jean-Louis Lederlé, chef santé de la brigade multinationale nord ;

_ Médecin en chef Paul Balaire, chef du groupement médico-chirurgical de Mitrovica et l'ensemble de l'équipe médicale ;

_ Médecin en chef Bruno Fervel, médecin chef de théâtre, état-major de la KFOR ;

_ Médecin principal Conan, médecin chef du bataillon d'infanterie motorisé et les autres médecins des postes de secours régimentaires ;

(Le rapporteur s'est également rendu à l'hôpital marocain de Mitrovica).

- Médecin général inspecteur Alain Fléchaire, école du service de santé de Lyon-Bron.

- Médecin général Bernard Le Saint, directeur du service de santé en région maritime Atlantique et médecin chef des services Henri Roe, directeur adjoint.

- Médecin en chef Abiliou, chef du service de santé des forces sous-marines, capitaine de vaisseau Riou, commandant la base de l'Ile Longue, capitaine de vaisseau Fustier, adjoint d'ALFOST.

- Vice-amiral d'escadre Gheerbrant, préfet maritime et contre-amiral Forissier, adjoint territorial, médecin en chef Berciaud, adjoint pour Brest au chef du service de santé de la FAN.

N° 0335 - Rapport d'information sur le service de santé des armées (M. Christian Ménard)