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N° 701

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 mars 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1), SUR LES CONSÉQUENCES DES POLITIQUES EUROPÉENNES
SUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

PAR MM. Joël beaugendre et Philippe FOLLIOT

Députés

--

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Aménagement du territoire

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Emile Blessig, président ; MM. Nicolas Forissier, Jean Launay, Serge Poignant, vice-présidents ; MM. André Chassaigne, Philippe Folliot, secrétaires ; MM. Joël Beaugendre, Jean Diébold, Jacques Le Nay, Alain Marleix, Mme Henriette Martinez, MM. Max Roustan, Jean-Pierre Dufau, Patrick Lemasle, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

INTRODUCTION 7

I - LES AIDES STRUCTURELLES D'OBJECTIF 1 DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET EN CORSE 11

A. LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER DANS L'UNION EUROPÉENNE 11

1. Une masse financière considérable 13

2. Des retards dans les versements 17

3. Prolongation ou pérennisation des aides structurelles ? 20

a) Les résultats des aides structurelles 20

b) La pérennisation au nom de la spécificité 22

B. LES FONDS STRUCTURELS D'OBJECTIF 1 EN CORSE 24

1. Un processus entamé en 1986 24

2. Une ouverture sur l'économie européenne 26

3. Faut-il maintenir les aides structurelles en Corse ? 28

II - LES FONDS STRUCTURELS EN MÉTROPOLE 33

A. UN ENJEU MAJEUR POUR LES TERRITOIRES 34

1. Une dotation importante 34

a) La reconversion économique et sociale : l'objectif 2 40

c) Le dispositif de contrôle 41

3. Un impact difficile à apprécier 42

a) L'évaluation de l'action des fonds structurels sur l'aménagement du territoire se heurte à de réelles difficultés 42

b) La réduction des disparités entre les régions 43

B. LA SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS COMMUNAUTAIRES ET SES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES POUR L'ANNÉE 2003 44

1. un retard important 44

a) Les enseignements de la période de programmation 1994/1999 44

b) Malgré une reprise significative depuis le dernier trimestre 2002, le niveau d'avancement des programmes reste très insuffisant 44

2. La complexité des procédures 45

a) Le manque d'appui aux porteurs de projets 45

b) L'approche insuffisamment stratégique des DOCUP 46

c) Les délais liés aux circuits budgétaire et financier 46

d) La difficile mobilisation des contreparties nationales 47

3. De très lourdes conséquences financières dès l'année 2003 48

a) La règle du "dégagement d'office" 48

b) La réserve de performance 48

c) Les corrections forfaitaires et extrapolées 49

C.RENFORCER L'EFFICIENCE DES FONDS STRUCTURELS 50

1. Vers une culture de projet : la réforme de 2002 50

a) L'allégement substantiel des procédures 50

b) Le renforcement de l'appui aux projets 54

A. LA RECHERCHE D'UNE DOCTRINE EUROPÉENNE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 55

1. Un concept essentiellement français 56

2. Le schéma de développement de l'espace communautaire ou la tentative avortée d'émergence d'une doctrine européenne 57

a) Un débat ancien 57

b) Une tentative de doctrine restée lettre morte 58

B. LES PERSPECTIVES D'UNE NOUVELLE POLITIQUE REGIONALE 59

1. La prise en compte de nouvelles disparités 59

2. Les réflexions sur la future politique régionale 62

a) Les interventions dans les régions les moins développées 62

b) Les interventions dans les autres régions 63

3. Les conséquences pour la France 63

a) Une perte financière certaine 63

b) PAC contre fonds structurels ? 64

CONCLUSIONS 67

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION 71

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 75

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 77

AUDITIONS 79

MESDAMES, MESSIEURS,

Les effets des politiques communautaires sur l'aménagement du territoire sont le plus souvent perçues par le prisme des fonds structurels. Ces derniers ont comme objectif de renforcer la cohésion économique et sociale des pays européens, gage d'un bon fonctionnement du marché unique. Les fonds constituent le second poste du budget communautaire, avec 213 milliards d'euros pour la période allant de 2000 à 2006. La part de la France dépasse légèrement 15 milliards d'euros sur cette période.

Les politiques communautaires sont essentiellement sectorielles. Pour autant, l'Union européenne a pris conscience d'aller au-delà de l'objectif de cohésion et d'établir des stratégies en vue d'un développement plus harmonieux des territoires européens, en raison de quatre facteurs :

- Les pouvoirs publics et les acteurs économiques constatent de plus en plus l'interdépendance croissante des fonctions, devant les mutations technologiques dans le domaine des communications et des transports, l'effacement des frontières à l'intérieur du marché unique et les possibilités de plus en plus nombreuses de constitution de réseaux, reliant les territoires et les économies sur l'ensemble du continent européen. Cette interdépendance rend nécessaire une meilleure convergence des objectifs et des politiques.

- Face aux enjeux de la mondialisation de l'économie, il est vital que chaque Etat ou collectivité territoriale de l'Union européenne renforce sa coopération avec les partenaires qui partagent les mêmes intérêts et qui sont confrontés aux mêmes enjeux, notamment les régions frontalières.

- Le prochain élargissement nécessite l'adoption d'une démarche stratégique commune pour le développement de l'Europe de l'Est et pour l'intégration des futurs Etats membres dans les différents réseaux transeuropéens, qu'il s'agisse du système urbain européen, des réseaux de transports, d'énergie et de communication ou des espaces naturels.

- Enfin, les contraintes budgétaires imposent une utilisation efficace de ressources publiques de plus en plus limitées.

La France est directement concernée par cette nouvelle approche de la Commission européenne. Notre pays est en effet l'un des rares, en Europe, à mettre en avant une politique d'aménagement du territoire. Or l'attention portée par l'Union européenne à l'aménagement de l'espace coïncide avec une évolution majeure des orientations communautaires, à savoir la nouvelle répartition géographique des fonds structurels, en raison du prochain élargissement de l'Union. Il est certain que l'enveloppe financière dont bénéficie la France sera diminuée. Cette diminution affectera surtout les départements de métropole. Le cas des départements d'outre-mer et de la Corse est encore à l'étude. Pour ces derniers, il est vital que l'Union européenne maintienne une politique spécifique à l'égard des régions insulaires et ultrapériphériques.

Cette approche communautaire rejoint le récent mémorandum du gouvernement à l'attention du Conseil européen, par lequel notre pays propose trois objectifs pour la nouvelle politique de cohésion européenne :

- accorder la priorité aux régions en retard de développement, en particulier dans les nouveaux Etats membres ;

- régionale européenne. A une logique de cohésion se substituerait un objectif de partenariat entre des territoires, fondé sur une communauté d'intérêt ou sur la complémentarité des activités.

Compte tenu de sa spécificité géographique, qui allie des zones urbanisées à des espaces faiblement peuplés, la France doit veiller à ce que la nouvelle approche européenne ne soit pas en contradiction avec les principes qui guident l'aménagement de son territoire. L'accès du plus grand nombre possible de citoyens aux services publics, à l'éducation, à l'emploi et à la culture - pour ne citer que ces domaines - quelle que soit la localisation de leur habitat, est un principe qui a constamment guidé l'action publique. Or, la logique de réseaux qui semble se dessiner favoriserait à l'excès les grandes villes et accentuerait la désertification de nos campagnes, en raison d'une rentabilité plus rapide des investissements.

Conformément au rôle assigné par la loi du 25 juin 1999 à la Délégation, le présent rapport a pour objet de faire le point sur les enjeux des politiques européennes sur l'aménagement du territoire, et d'analyser dans quelle mesure les autorités françaises, au sein du Conseil européen, tiennent compte de l'aménagement du territoire lorsqu'elles défendent la position de la France dans les négociations communautaires.

I - LES AIDES STRUCTURELLES D'OBJECTIF 1 DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET EN CORSE

Les départements d'outre-mer et la région Corse sont classés parmi les régions d'objectif 1. Ce régime d'aide concerne les zones géographiques dont le PIB par habitant n'atteint pas 75 % de la moyenne communautaire. Si tel est le cas des départements d'outre-mer, la Corse dépasse ce seuil et se trouve éligible par dérogation.

Les départements d'outre-mer (DOM) et la Corse ont en commun divers handicaps qui pèsent sur leurs performances économiques : une économie de rente tournée vers l'import-export plutôt que vers les structures productives, le manque relatif d'investissements privés, la dépendance à l'égard de la France continentale. Les DOM subissent par ailleurs la concurrence croissante des autres pays de la Caraïbe, où les coûts de main d'oeuvre sont moins élevés. Le marché du tourisme s'en ressent, et il en est de même pour l'ensemble des productions agricoles, notamment la banane et la canne à sucre. En revanche, la Corse et les DOM ne connaissent pas les mêmes tendances démographiques. Les DOM enregistrent un important taux de natalité, se traduisant par un fort chômage des jeunes, tandis que la Corse était en 1990 la seule grande île de Méditerranée qui n'avait pas retrouvé son niveau de population du début du XXème siècle.

On notera toutefois que plusieurs départements de métropole sont confrontés à des problèmes similaires d'enclavement ou de déclin démographique et que des solutions exi l'Union européenne. Il en est ainsi des six Antilles néerlandaises, des Iles Vierges britanniques, du Groënland, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des Terres australes et antarctiques françaises. D'autres territoires sont juridiquement intégrés à l'Union européenne, ce qui est le cas des quatre départements d'outre-mer, mais aussi des Canaries, des Açores et de Madère. Les règles du droit européen s'y appliquent pleinement (libre circulation des hommes, des capitaux, des marchandises, ensemble des politiques communes...) et seules quelques adaptations, comme la fiscalité, tiennent compte de spécificités propres à ces territoires, notamment l'insularité.

L'Union européenne tient toutefois compte de l'éloignement géographique des DOM et de l'impossiblité d'y appliquer le droit communautaire dans son intégralité. L'article 299,§ 2 du Traité d'Amsterdam définit le concept de région ultrapériphérique et prévoit : "Les dispositions du présent traité sont applicables aux départements d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux Canaries. Toutefois, compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer, des Açores, de Madère et des Iles Canaries, qui est aggravée par l'éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficile, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, après consultation du Parlement européen, arrête les mesures spécifiques visant en particulier à fixer les conditions d'application du présent traité à ces régions, y compris les politiques communes".

Cette rédaction du traité marque essentiellement un souci de pragmatisme afin d'adapter le droit communautaire à des contraintes d'ordre local.

Le droit communautaire ne peut par ailleurs s'appliquer qu'au regard d'un minimum de cohésion économique et sociale entre Etats européens. La cohésion a un double objectif : permettre le fonctionnement harmonieux du marché unique et assurer un haut niveau de vie et de protection sociale pour l'ensemble des citoyens de l'Union européenne. Les DOM jouissent déjà de taux de rémunérations et de protection sociale comparable à ceux enregistrés en métropole. Mais il en résulte un coût du travail supérieur aux autres Etats de la Caraïbe et de l'Océan indien. En outre, les DOM sont fortement concurrencés sur le marché du tourisme ainsi que sur le marché des produits tropicaux, comme la banane ou le sucre, ces derniers entrant en franchise de droits sur le marché européen lorsqu'ils proviennent des pays signataires des accords de Lomé.

Les aides structurelles d'objectif 1 ont donc une fonction qui dépasse la mission qui leur est assignée dans le reste de l'Union européenne : elles doivent permettre aux DOM de moderniser l'ensemble de leurs structures économiques, afin de les rendre moins dé font-size: 10pt">La Réunion 1516 millions d'euros

Martinique 673,8 millions d'euros.

Les tableaux qui suivent indiquent la répartition des aides communautaires par axe prioritaire et par département.

Répartition des aides structurelles en Guadeloupe

(en millions d'euros)

Axes prioritaires

Coût total

Total aides publiques

Participation Union européenne

1. Environnement productif et technologie

205,196

128,972

75,462

2. Tourisme

105,037

66,925

39,637

3. Agriculture

309,472

242,241

144,827

4. Pêche et aquaculture

14,102

9,620

6,090

5. Ressources humaines

356,654

356,654

198,184

6. Cohésion sociale

261,755

261,755

99,397

7. Environnement et cadre de vie

343,849

283,936

99,092

8. Transport et échanges

316,942

312,368

111,135

9. Développement des îles et des espaces ruraux

45,354

42,762

16,769

10.Coopération régionale

12,043

12,043

6,098

11. Assistance technique

15,985

15,985

11,854

Total

1986,389

1733,261

808,545

Source : Commission européenne

Répartition de l'aide européenne par Fonds

(en millions d'euros)

Participation

européenne

FEDER

FSE

FEOGA

808,545

497,554

164,656

140,175

100 %

61,54 %

20,36 %

17,34 %

Source : Commission européenne

Répartition des aides structurelles en Guyane

(en millions d'euros)

Axes prioritaires

Coût total

Total aides publiques

Participation Union européenne

1. Créer de la richesse et de l'emploi

132,661

82,957

47,488

2. Mettre en place les outils indispensables au financement de l'économie et à l'émergence de projets économiques

64,471

39,088

14,330

3. Promouvoir la coopération régionale comme facteur de croissance

3,947

2,499

1,585

4. Accompagner la dynamique démographique en terme d'équipements de formation

87,216

86,057

43,067

5. Promouvoir l'aptitude à l'emploi, les capacités et la mobilité par la formation professionnelle

32,180

32,180

24,087

6. Développer la recherche et les formations supérieures en créant un pôle universitaire ancré dans son environnement

50,415

50,415

17,638

7. Développer un modèle d'intégration sociale

17,227

17,227

10,367

8. Promouvoir l'emploi et lutter contre les exclusions

68,907

67,382

51,375

9. Renforcer l'action culturelle et la réhabilitation du patrimoine

15,126

11,925

7,775

10.Développer les infrastructures de base pour désenclaver le territoire

133,649

132,838

69,669

11. Promouvoir une politique d'aménagement du territoire et de valorisation de l'environnement

115,762

112,774

77,063

12. Rééquilibrage territorial de l'action publique et développement local

3,910

3,910

2,287

13. Assistance technique

4,978

4,978

3,851

Total

730,449

644,230

370,582

Source : Commission européenne

Répartition de l'aide européenne par Fonds

(en millions d'euros)

Participation

européenne

FEDER

FSE

FEOGA

370,582

224,231

75,92

62,809

100,00 %

60,51 %

20,49 %

16,95 %

Source : Commission européenne

Répartition des aides structurelles en Martinique

(en millions d'euros)

Axes prioritaires

Coût total

Total aides publiques

Participation Union européenne

1. Tourisme

100,378

81,246

47,772

2. Industrie, commerce, artisanat et services

60,051

38,895

18,295

3. Agriculture et forêt

244,720

161,446

99,257

4. Pêche et aquaculture

18,604

17,019

11,324

5. Développement de nouveaux outils financiers

52,065

45,205

18,678

6. Nouvelles technologies de l'information et de la communication, transfert de technologie et innovation

44,340

40,806

18,522

7. Egalité entre les femmes et les hommes

3,330

3,330

2,261

8. Emploi, formation professionnelle et insertion

451,897

451,897

219,208

9. Culture et santé

164,01

164,010

74,320

10. Environnement

307,157

200,569

72,692

11. Transports

185,777

185,014

70,844

12. Politiques urbaines

29,054

29,054

8,563

13. Coopération régionale

8,208

8,208

3,330

14. Assistance technique

11,633

11,633

8,717

Total

1681,224

1438,332

673,783

Source : Commission européenne

Répartition de l'aide européenne par Fonds

(en millions d'euros)

Participation

européenne

FEDER

FSE

FEOGA

673,783

443,775

121,019

99,864

100,00 %

65,86 %

17,96 %

14,82 %

Source : Commission européenne

Répartition des aides structurelles à La Réunion

(en millions d'euros)

Axes prioritaires

Coût total

Total aides publiques

Participation Union européenne

1. Développement créateur d'emplois durables

527,747

348,454

206,679

2. Aménagement équilibré du territoire

323,044

322,526

180,053

3. Gestion préventive et durable

des ressources

326,856

319,051

191,423

4. Infrastructures de formation et d'éducation

206,781

206,781

124,068

5. Ouverture sur l'extérieur

141,885

116,151

56,414

6. Insertion et lutte contre l'exclusion

138,714

138,714

97,099

7. Formation et apprentissage tout au long de la vie

467,752

461,141

322,438

8. Accompagnement et ingénierie

53,693

53,693

37,616

9. Aménagement et développement rural

281,179

258,669

155,020

10.Structures d'exploitation et de production agricoles

410,553

239,827

145,193

Total

2878,204

2465,007

1516,003

Source : Commission européenne

Répartition de l'aide européenne par Fonds

(en millions d'euros)

Participation

européenne

FEDER

FSE

FEOGA

1516,003

457,153

300,213

743,049

100,00 %

30,16%

19,80 % %

49,01 %

Source : Commission européenne

L'enveloppe financière versée par l'Union européenne est d'un montant considérable et a déjà largement contribué aux investissements dans les DOM. Ainsi la Martinique a-t-elle pu financer des stations d'épuration, une usine d'incinération, des écoles, un pôle de recherche agronomique, des infrastructures portuaires et aéroportuaires, des actions de formation professionnelle et de tourisme. En Guadeloupe, les financements communautaires ont accéléré le développement aéroportuaire.

2. Des retards dans les versements

A l'instar de la métropole, les DOM souffrent de retards dans les versements des fonds structurels. Ainsi les crédits ont été intégralement programmés pour la période 1994-1999, mais leur taux de consommation s'est élevé à 85,01 % pour la Guadeloupe, 82,52 % pour la Guyane, 84,63 % pour la Martinique et 90,47 % pour la Réunion. Ces taux sont comparables à ceux enregistrés en métropole.

Pour ce qui concerne la période 2000-2006, les taux de consommation sont beaucoup plus préoccupants. Ils ne dépassent pas 10 %.

Taux de consommation des fonds structurels (2000-2006)

(en millions d'euros)

GUADELOUPE

Total

DOCUP

Part du fonds au sein du DOCUP

crédits consommés

Taux de Consommation

FEDER

497,554

61,54 %

38,010

7,64 %

FEOGA

140,175

17,34 %

11,389

8,12 %

FSE

164,656

20,36 %

26,051

15,82 %

IFOP

6,159

0,76 %

0,263

4,27 %

Total

808,545

100 %

75,713

9,36 %

GUYANE

Total

DOCUP

Part du fonds au sein du DOCUP

crédits consommés

Taux de Consommation

FEDER

224,231

60,51 %

2

0,89 %

FEOGA

62,809

16,95 %

4,18

6,66 %

FSE

75,920

20,49 %

21,125

27,83 %

IFOP

7,622

2,05 %

0,246

3,23 %

Total

370,582

100 %

27,551

7,43 %

MARTINIQUE

Total

DOCUP

Part du fonds au sein du DOCUP

crédits consommés

Taux de Consommation

FEDER

443,775

65,86 %

24,677

5,56 %

FEOGA

99,864

14,82 %

5,149

5,16 %

FSE

121,019

17,96 %

10,282

8,50 %

IFOP

9,125

1,36 %

0,101

1,11 %

Total

673,783

100 %

40,209

5,97 %

LA RÉUNION

Total

DOCUP

Part du fonds au sein du DOCUP

crédits consommés

Taux de Consommation

FEDER

743,049

49,01 %

2,812

0,38 %

FEOGA

300,213

19,80 %

29,782

9,92 %

FSE

457,153

30,16 %

56

12,25 %

IFOP

15,588

1,03 %

0,02

0,13 %

Total

1516,003

100 %

88,614

5,85 %

Source : demandes de paiement transmises à la Commission

Les données exposées supra sous-estiment sans doute le taux de consommation réel car elles reposent sur les demandes de paiement transmises à la Commission, lesquelles sont trimestrielles et n'intègrent pas l'ensemble des factures qui sont actuellement devant les autorités de paiement. La lenteur du rythme de consommation des crédits est néanmoins patente, comme en métropole, pour des raisons qui sont soit communes à celles constatées en métropole, soit propres aux DOM.

Les DOM ne diffèrent pas de la métropole pour ce qui concerne un certain nombre de problèmes : la complexité des documents de programmation, qui ont perdu leur caractère stratégique en raison de leur sophistication, le manque de coordination des contrôles entre les services administratifs de l'Etat et l'émiettement des compétences qui conduit un dossier à être traité à la fois par l'Etat et plusieurs collectivités territoriales. On se référera à la deuxième partie du présent rapport pour plus de détails, ainsi qu'aux auditions de Mmes et MM. les députés et sénateurs d'outre-mer, et celles de MM. Jean Bassères, Jean-Pierre Jochum et Patrice Magnier, qui ont apporté leur expérience politique et administrative sur les difficultés de gestion des fonds structurels.

Les raisons propres à l'outre-mer sont au nombre de trois :

Le manque de personnel d'Etat qualifié pour gérer les dossiers dans les préfectures : la complexité des dossiers communautaires exige d'y affecter du personnel spécialisé. Or les services du ministère de l'outre-mer ont admis, lors d'un entretien avec vos Rapporteurs, avoir les plus grandes difficultés à trouver des fonctionnaires acceptant un poste dans les DOM. Cette crise du recrutement conduit à ralentir l'instruction des dossiers.

Le second facteur provient de la fragilité des finances locales, notamment dans les petites communes, qui sont dépourvues de base fiscale. Or les règles de procédure communautaires exigent que les contreparties financières nationales soit préalablement avancées par les collectivités locales ou l'Etat et que les travaux soit réalisés avant de verser la quote-part européenne. Nombre de communes sont dans l'incapacité de mobiliser des crédits d'un montant significatif. Il en est ainsi surtout des communes de Guyane, isolées le long d'un fleuve difficilement navigable- le Maroni - ou de celles situées en zone montagneuse à La Réunion, ou encore des îles constitutives de l'archipel guadeloupéen (toutes proportions gardées, on constate le même phénomène dans des communes situées en vallées enclavées, en métropole). Ce sont pourtant ces collectivités qui ont les besoins les plus urgents en matière d'investissements. De nouvelles procédures, parmi lesquelles les prêts de l'Agence français moindre.

S'il existe une problématique propre à l'outre-mer, il ressort des auditions conduites par vos Rapporteurs que les DOM sont globalement confrontés aux mêmes difficultés que la métropole pour consommer les crédits structurels.

3. Prolongation ou pérennisation des aides structurelles ?

La prolongation ou la pérennisation des aides structurelles est une question centrale pour les départements d'outre-mer, en raison de l'élargissement prochain de l'Union européenne. La population de l'Union européenne va s'accroître d'un tiers, mais son PIB de 5 % seulement. Un nouveau groupe d'Etats va apparaître, rassemblant des pays au revenu par habitant inférieur de 40 % à la moyenne actuelle de l'Union. Sur les 105 millions d'habitants que comptent les pays candidats, 98 millions vivent dans des régions dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire.

Face à ces 105 millions d'habitants supplémentaires, la population des régions ultrapériphériques (DOM, Canaries, Açores, Madère) ne rassemble que 3,7 millions de personnes, sur une superficie équivalent à 3 % de l'espace communautaire. Le risque est réel de voir les aides communautaires se concentrer sur l'Europe centrale et orientale. Cependant, les inégalités déjà existantes dans l'Europe des Quinze n'auront pas disparu en 2006. Il faudra en conséquence continuer à apporter des réponses aux difficultés constatées dans les Etats membres actuels.

a) Les résultats des aides structurelles

L'ensemble des rapports de l'Union européenne et des Etats membres ont montré que les fonds structurels ont réduit de manière significative les disparités régionales.

La réduction des écarts de revenu moyen par habitant entre régions, et, plus encore entre Etats membres, au cours de la période 1987-1997, s'est ainsi établie : dans les régions les plus pauvres où habite 10 % de la population de l'Union, le PIB par habitant est passé de 54,2 % en 1987 à 62,1 % en 1997 par rapport à la moyenne communautaire. Au niveau national, la convergence est encore plus sensible puisque pour les quatre pays les moins prospères de l'Union (Grèce, Portugal, Irlande et Espagne), le PIB moyen par habitant est passé de 67,6 % en 1988 à 78,8 % en 1998.

Dans les régions de l'objectif 1, la contribution des fonds à la croissance au cours de la période 1989-1999 a varié entre 1 et 2 % par an. Leur effet cumulatif aurait entraîné une augmentation d'environ 10 % du PIB en Grèce, en Irlande et au Portugal, et d'environ 4 % en Espagne. En d'autres termes, un tiers ou plus de la convergence économique de ces pays n'aurait pas été possible sans les fonds structurels. On estime à quelque 2,2 millions le nombre d'emplois maintenus ou créés avec l'aide des c durée. Le taux de chômage des jeunes s'élève à 47 % et seuls 30 % des femmes en âge de travailler ont un emploi.

Pour les départements d'outre-mer et les autres régions ultrapériphériques, l'évolution du PIB par habitant par rapport à la moyenne communautaire, a ainsi évolué entre 1995 et 1999.

Evolution du PIB par habitant dans les régions ultrapériphériques

(en % de la moyenne communautaire)

1995

1999

Guadeloupe

56

56

Guyane

59

52

La Réunion

53

48

Martinique

63

65

Açores

50

53

Canaries

75

79

Madère

63

71

Source : Commission européenne.

A la différence de la plupart des régions d'Europe continentale, le PIB par habitant dans les DOM a stagné ou régressé, sauf en Martinique. Cette baisse et stagnation est principalement due à l'immigration clandestine, qui a explosé en Guyane et à Saint-Martin. S'agissant du chômage les taux demeurent élevés. Les statistiques de l'année 2001 s'établissaient à 29 % en Guadeloupe, 20,5 % en Guyane, 33 % à La Réunion et 26,5 % en Martinique.

L'action de l'Union européenne ne se limite pas aux aides structurelles. Elle comporte également un volet agricole, ainsi que la renégociation avec le gouvernement du régime de l'octroi de mer. Dans le domaine agricole, l'Union européenne a conduit des politiques de soutien aux secteurs du sucre et de la banane, qui, avec le riz, sont considérés comme des productions traditionnelles. Dans le cas du sucre, le règlement adopté par le Conseil en 2001, ainsi que les mesures spéciales en vigueur dans le cadre des règlements POSEI s'appliquent et les garanties reconduites jusqu'en 2006 par ce régime au niveau de la production et des prix soutiennent également les productions de betteraves et de canne dans les régions ultrapériphériques. La Commission envisage de présenter en 2003 un rapport au Conseil relatif à de nouvelles orientations éventuelles de cette politique à partir de 2006.

Dans le cas de la banane, les questions relatives à ce secteur concernent l'importation de bananes provenant des pays tiers dans la Communauté, l'organisation commune du marché et le régime des aides compensatoires à la production.

En ce qui concerne les importations en provenance de pays tiers, l'accord intervenu avec les Etats-Unis et l'Equateur en 2001 a stabilisé les échanges et a prévu le passage à un régime tarifaire à partir de 2006. La Commission européenne présentera avant le 31 décembre 2004, conformément à l'article 32 du Règlement (CEE) n°404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, un rapport au Parlement européen et au Conseil sur le fonctionnement de l'organisation du marché de la banane. L'aide compensatoire aux producteurs communautaires de bananes est en outre censée garantir leurs revenus. Or, les producteurs de Guadeloupe et de Martinique sont une nouvelle fois confrontés à la baisse des cours. Pour soutenir leur revenu, la Commission européenne a proposé en novembre 2002 au Comité de gestion une augmentation de leurs avances de paiement. Mais en ce qui concerne les paiements complémentaires, la demande des producteurs ne pourra pas être envisagée avant l'année 2003, de l'aveu de la Commission, ce qui fragilise ces derniers.

Dans le domaine fiscal, la Commission européenne a été saisie en mars 2002 d'une demande des autorités françaises de reconduction pour dix années, à compter du 1er janvier 2003, du régime actuel de l' style="text-align: justify">Malgré la stagnation du PIB par habitant, due en partie au dynamisme démographique des DOM, les fonds structurels ont à l'évidence constitué un levier pour l'économie de l'outre-mer : construction de collèges et désenclavement routier à La Réunion, travaux aéroportuaires en Guadeloupe, etc... Les départements d'outre-mer ont su saisir les opportunités de développement qu'ils représentaient, malgré certaines difficultés administratives et financières, d'autant que leurs collectivités locales investissent plus que l'Etat.

L'agenda 2000, adopté en Conseil européen, a programmé les dépenses de fonctionnement de la politique régionale européenne (fonds structurels et dépenses de pré-élargissement) jusqu'en 2006. Le financement de la deuxième partie de l'exécution des fonds structurels est donc assuré. La prolongation des aides pour la période 2007- 2013 fait l'objet des réflexions du gouvernement et de la Commission européenne.

L'objectif 1 bénéficie aux régions dont le PIB est inférieur à 75% de la moyenne communautaire. Le PIB des DOM est lui-même inférieur à cette moyenne, mais la signification de ce seuil perd de sa force politique dès lors que 98 % de la population des pays auxquels l'Union s'élargira sera éligible à l'objectif 1. Se fonder sur un taux de PIB aboutira sans doute à prolonger l'aide structurelle de l'Union européenne jusqu'en 2013 mais comporte un risque d'amalgame entre l'ensemble des régions d'objectif 1. Compte tenu du budget limité de l'Union, les crédits structurels alloués aux DOM ne pourront que se diluer au fil du temps.

Or, les DOM se distinguent des autres régions européennes par des handicaps permanents : leur caractère périphérique, le plus souvent insulaire, des productions agricoles à faible valeur ajoutée soumises aux aléas des cours mondiaux, un marché intérieur étroit. Leur éligibilité à l'aide communautaire se justifie sur ce fondement, jusqu'à ce que la diversification et la modernisation de leur économie leur permette de s'insérer dans le flux des échanges mondiaux.

Ce raisonnement était partagé dès 1999 par la Commission et le Parlement européen, qui reconnaissaient aux régions ultrapériphériques une spécificité les rendant automatiquement éligibles à l'objectif 1. Mais le Conseil, dans le Règlement général 1260/1999, n'a pas prévu cette automaticité. Il a confirmé le statu quo juridique en fondant l'éligibilité à l'objectif 1 à un PIB inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Cette position conduit les Canaries à perdre le bénéfice des aides structurelles à partir de 2007.

L'économie des DOM, malgré la croissance de l'emploi salarié, présente une série de fragilités. Face à un taux de chômage élevé, la cohésion du corps social n'est préservée que par la solidit& style="text-align: justify">développer les petites et moyennes entreprises (PME) : l'Union européenne a plusieurs projets en préparation, mais compte tenu de difficultés récentes rencontrées par le secteur du tourisme dans certaines régions ultrapériphériques, la Commission souhaite qu'en plus de mesures à mettre en oeuvre dans le domaine des transports, deux types d'actions soient approfondis. Il s'agit d'une part des mesures facilitant l'accès des PME aux moyens financiers et de crédit, et d'autre part du soutien accru aux programmes de formation professionnelle dans ces secteurs.

- relier les DOM à l'Europe continentale : Depuis l'adoption de la décision 1346/2001/CE amendant les orientations adoptées en 1996, les ports des régions ultrapériphériques sont reconnus d'intérêt commun et intégrés aux réseaux transeuropéens. Ceci les rend automatiquement éligibles au financement du budget relatif à ces réseaux et au fonds de cohésion. Par ailleurs, la Commission a transmis le 6 novembre 2001 une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 1692/96/CE sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transports. Cette proposition, en cours de discussion au Parlement et au Conseil, inclut parmi les priorités le développement des infrastructures permettant de relier les régions ultrapériphériques à l'Europe continentale.

Ces trois axes justifient la pérennisation des aides structurelles accordées aux DOM.

Lors de la mission que votre Délégation a conduite, conjointement avec le Sénat, auprès de la Commission européenne le 27 février dernier, vos rapporteurs ont interrogé M. Michel Barnier, commissaire européen et ses collaborateurs chargés de la politique régionale. M. Michel Barnier a confirmé le souhait de la Commission de pérenniser les aides en faveur des régions ultrapériphériques, sous une forme qui reste à préciser. La décision finale reviendra au Conseil européen.

B. LES FONDS STRUCTURELS D'OBJECTIF 1 EN CORSE

1. Un processus entamé en 1986

La Corse est le territoire le moins densément peuplé de France. La démographie insulaire souffre en effet d'une tendance à l'exode et l'île compte seulement 261 000 habitants. La Corse cumule deux caractéristiques qui sont traditionnellement des handicaps économiques. Elle est insulaire et montagneuse. En 2010, les personnes de plus de 60 ans seront plus nombreuses que les jeunes de moins de 20 ans. Le chômage, en déclin ces dernières années, reste relativement élevé (12,5 %) et les chômeurs de longue durée représentent plus d'un tiers des demandeurs d'emploi. La Corse est également la région la moins industrielle (6,8 % de la population active) alors que l'agriculture occupe 6,1 % de cette même population. Le PIB par habitant s'él&e pour les régions méditerranéennes qui venaient d'entrer dans la Communauté européenne, cette dernière, à la demande des nouveaux Etats membres, (Grèce, Espagne et Portugal), mit en place les programmes intégrés méditerranéens (PIM). Ceux-ci servirent par ailleurs de modèle de réflexion pour la politique régionale telle que prévue dans l'Acte unique européen de 1987. La Corse, éligible aux PIM, a reçu 100 millions d'euros et a bénéficié des deux programmes d'initiative communautaire Star et Valoren pour un montant de 12 millions d'euros, soit un total de 112 millions d'euros pour la période allant de 1986 à 1989.

De 1986 à 1989, la Communauté européenne a mis en oeuvre la politique régionale prévue par l'Acte unique. La Corse était éligible aux aides prévues par l'objectif 1, alors que son PIB par habitant se situait à 77 % de la moyenne communautaire. C'est donc en vertu d'une nouvelle dérogation qu'elle a bénéficié des fonds structurels. Elle a reçu 138 millions d'euros au titre de l'objectif 1 et 45 millions au titre d'un programme d'initiative communautaire, soit 183 millions d'euros au total.

La Communauté européenne a maintenu sa dérogation en faveur de la Corse pour la seconde génération d'aides structurelles, de 1994 à 1999, alors que le PIB par habitant s'élevait à 79% de la moyenne européenne. L'île a bénéficié de 283 millions d'euros, à raison de 247 millions au titre de l'objectif 1 et de 36 millions au titre d'un programme d'initiative communautaire.

Pour la période 2000-2006, l'Union européenne a prolongé son effort financier, à hauteur de 210,9 millions d'euros alors que l'indice du PIB par habitant est passé en 2000 à 82 % de la moyenne communautaire. Les fonds structurels doivent permettre à la Corse, qui a amélioré ses infrastructures, de dynamiser son économie. Le programme est articulé autour de six axes prioritaires :

consolider les bases du développement : Afin de soutenir l'activité économique, cet axe se concentre sur la modernisation des transports (routier, ferroviaire et maritime) tout en développant leur intermodalité. Il comprend également des mesures encourageant la diffusion des nouvelles technologies, la bonne gestion de l'eau et le développement d'énergies renouvelables.

construire l'avenir avec les acteurs du développement : Cet axe vise à encourager le développement du tourisme et des entreprises. S'agissant du tourisme, l'objectif est d'augmenter la qualité de l'offre et de favoriser la diversification du secteur pour développer l'emploi. Pour les entreprises, sont prévues des mesures favorisant la diversification des sources de financement et encourageant la compétitivité, la recherche appliquée, l'innovation et le transfert de technologies. Une attention particulière sera portée aux entreprises, au commerce et à l'artisanat en milieu rural.

valoriser les produits du et la promotion des femmes et des hommes : Il s'agit d'accompagner les entreprises en valorisant le capital humain et aider à insérer les chômeurs dans la vie active. Des mesures en faveur de l'égalité des chances, de l'éducation et de la formation figurent également parmi les priorités de cet axe.

- valoriser le territoire et promouvoir le développement local : Afin d'augmenter l'attractivité de la région, de créer des emplois et d'améliorer la qualité de la vie, cet axe vise à protéger les espaces naturels, à valoriser le tourisme et à rénover les villages. La Corse dispose en effet d'un patrimoine architectural considérable.

2. Une ouverture sur l'économie européenne

Quel est l'impact des fonds structurels sur l'économie corse ? En se fondant sur les auditions de MM. Jochum et Magnier, l'absence d'instrument fiable d'évaluation rend l'exercice difficile.

Les programmes intégrés méditerranéens, puis l'objectif 1 se sont théoriquement combinés aux contrats de plan pour créer un effet de levier sur les investissements. Il est vrai que les taux d'exécution ont été très satisfaisants. Les actions ont porté sur le désenclavement de l'île dans un premier temps, sur la modernisation du réseau routier ensuite (1), la maîtrise des ressources hydrauliques, la restructuration de l'agriculture, l'enseignement supérieur et la recherche. Le tableau ci-dessous retrace l'impact financier du programme des fonds structurels en Corse, de 1994 à 1999. Il montre la part prépondérante de la Communauté européenne, dont le volume d'aide a dépassé celui de l'Etat et de la collectivité de Corse cumulés.

Fonds structurels en Corse 1994-1999

(en millions de francs)

Axe du programme

Communauté européenne

Etat

Corse(1)

Total

1. Désenclavement/

infrastructures

441,35

57,55

30,05

528,95

2. Valorisation des produits du sol et de la mer

470,6

257,75

217,95

946,3

3. Education recherche

81,25

102,32

81,92

265,49

4. Mise en valeur du patrimoine culturel et du tourisme

97,5

82,9

79,1

259,5

5. Environnement

198,25

23,15

24,6

246

6. Valorisation ressources humaines

201,78

71

71

343

7. Développement

économique

118,95

52,7

37

208,65

8. Assistance technique

13,2

0,42

0,42

14,02

Total

1 622,88

647,8

542,04

2 812

Total en millions

d'euros

247,76

98,90

82,75

429,31

(1) communes, départements, région

Source : Préfecture de région

L'effet de levier semble indéniable, même s'il est modeste. L'emploi a progressé, passant de 78 000 à 87 000 actifs tandis que le chômage s'est stabilisé. 433 entreprises, représentant 3 000 emplois, ont bénéficié d'aides communautaires, soit 10 % de la population active. Dans le domaine de la formation professionnelle, où la Corse souffrait d'une main d'oeuvre sous-qualifiée, les programmes européens ont concerné 15 000 personnes, soit le double du nombre de personnes initialement prévu.

A l'instar des autres régions françaises, les aides structurelles communautaires ont obligé l'Etat et les collectivités locales corses à définir leur partenariat selon une méthodologie précise. En Corse comme ailleurs, les fonds structurels ont mis les responsables politiques en face d'un impératif politique (dynamiser leur territoire avec des projets) et ont conduit l'administration à rationaliser ses procédures même si nombre de lourdeurs ont été relevées. "Peu de projets structurants sont au stade du démarrage. Les procédures de maturation des grands projets (routes, incinérateurs, notamment) sont très longues et soumises à de multiples aléas juridiques (Ex : la déviation de Bocagnano dont la DUP a été annulée par le tribunal administratif et aucun projet de substitution n'a pu prendre le relais dans les temps). La solution est de mettre en place, en amont des programmes, des portefeuilles d'opérations prêtes à démarrer. Pour cela une véritable "force de frappe" en matière d'ingéniérie doit être mise en place. C'est la démarche actuelle de la collectivité territoriale de Corse (CTC), notamment dans le cadre du plan exceptionnel d'investissement. Il a également été décidé de mettre en oeuvre une assistance technique à maîtrise d'ouvrage publique, afin d'aider les petites collectivités, et notamment les communes, à surmonter l'ensemble du circuit des financements communautaires et à ne pas se perdre dans les méandres des diverses réglementations. Ainsi, un prestataire extérieur sera bientôt désigné sur la base d'un cahier des charges, par l'Etat et la CTC pour être aux côtés de ces collectivités dans l'ensemble du parcours d'une demande d'aide de financement européen. Afin d'éviter le dégagement d'office, certains services de l'Etat et de la CTC ont été conduits en fin d'année 2002 à dépêcher auprès des maîtres d'ouvrage publics et privés des agents qui se sont rendus sur le terrain et se sont livrés à une véritable "chasse aux factures". Cette procédure a été payante. Il faut sans doute l'améliorer et la généraliser (2). M. Camille de Rocca-Serra, député de Corse-du-Sud, a en outre souligné devant votre Délégation l'insuffisance de la Corse en mati& chargées de l'aménagement du territoire ont menée à Bruxelles le 27 février dernier, auprès de la Commission européenne, M. Michel Barnier, Commissaire européen, et l'ensemble des fonctionnaires chargés de la politique régionale ont clairement rappelé que la France ne serait plus éligible à l'objectif 1 à partir de 2006, à l'exception des départements d'outre-mer. Cela signifie que la Corse cesserait de recevoir les aides communautaires, sous réserve d'une évolution des négociations au sein du Conseil européen.

Sur la base d'une Europe à 15 membres, l'indice de la Corse se situe actuellement à 76 % de la moyenne communautaire. Dans le cadre d'une Europe élargie à 25, l'indice s'établit à 83,6. Dans les deux cas, l'île dépasse le seuil d'éligibilité aux crédits d'objectif 1. On rappellera toutefois que l'indice est une moyenne régionale et qu'en raison de son caractère montagneux, la Corse est traversée de multiples vallées, souvent enclavées, où l'émergence d'activités économiques modernes est difficile.

Est-ce à dire que 2006 sera la fin de toute aide européenne ? Le réalisme oblige à admettre qu'elle sera à tout le moins en forte diminution, mais la Corse, tout en sortant de l'objectif 1, pourrait continuer à bénéficier de fonds communautaires, au nom de son caractère insulaire.

Comme le rappelle M. Claude Olivesi, conseiller général de Haute-Corse, "l'insularité est une dimension constitutive de l'Union Européenne. Certains de ses Etats membres sont totalement insulaires comme le Royaume-Uni et l'Irlande. D'autres peuvent être qualifiés de semi-insulaires en raison de l'importance de leurs îles tant sur les plans de la superficie et de la démographie ou encore de l'histoire et de l'économie. La Grèce et l'Italie, par exemple, sont à classer dans cette catégorie. Le "fait" insulaire y représente respectivement 19 % et 17 % du territoire national et 14 % et 12 % de la population totale. Et que dire du Danemark ? Son territoire se compose d'une partie européenne de 43 069 km2 pour un tiers insulaire (Copenhague, sa capitale, y est située), du Groenland, la plus grande île du monde (2 175 000 km2) après l'Australie, sans oublier l'archipel des îles Féroé au nord-est de l'Ecosse.

En définitive seuls la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche ne disposent d'aucun territoire insulaire. Les Etats insulaires, en raison de leur statut, ne relèvent pas du "fait insulaire mineur", c'est-à-dire des territoires et des populations ayant la qualité d'insulaire mais ne disposant pas de la totalité des attributs de la souveraineté. Appréciée sous cet angle, la question insulaire intéresse 4,5 % de la population totale de l'Union européenne, occupe environ 5 % de sa superficie : soit environ 15 millions de citoyens européens. Une population plus importante que celle d'Etats comme le Luxembourg, la Belgique, l'Irlande, le Danemark, la Finlande, la Suède, la Belgique, l'Autriche répartie sur 120 000 km2. L'Europe des îles ne rel&egr optimale. Citons à nouveau M. Olivesi : "La reconnaissance de l'insularité est d'abord nécessitée par la logique communautaire et la réalisation de son vaste espace de libre échange. Le marché y est supposé réguler les déséquilibres. A cette logique s'oppose une logique de "discontinuité maximale". Car les îles sont très souvent confrontées à des ruptures de charges... Ce phénomène explique pourquoi de nombreuses règles du jeu économique, conçues dans et pour les grands ensembles sont objectivement inapplicables aux îles en l'absence de correctifs réels. Divers documents communautaires reconnaissent cette difficulté pour ces entités qui rencontrent "des problèmes beaucoup plus importants en ce qui concerne les transports, la fourniture d'énergie, les communications. La prise en compte de ces problèmes particuliers est une condition préalable à la planification d'une stratégie susceptible de concrétiser leurs potentialités de développement".

La reconnaissance est aussi justifiée par leur situation géopolitique objective. En effet un chapelet d'îles-archipels forme la ceinture extérieure de l'Union en contact avec divers ensembles géopolitiques. Elle constitue une ligne d'avant, vitrine de la construction européenne. Enclaves, îlots, îles ou archipels ces derniers vestiges de l'Europe conquérante du XIXè siècle ont des dimensions et une notoriété variables. Cependant avec une zone économique exclusive de 200 miles marins, le plus petit des rochers représente désormais une superficie de 400 000 km2 et devient un enjeu économique. Leur éparpillement assure à l'Europe, situation exceptionnelle, une présence dans la quasi-totalité des mers et des océans. Ainsi, la France et le Royaume-Uni exercent-ils grâce à leurs îles des droits sur près de 22 millions de km2 de mers et d'océans, soit 15 % des espaces maritimes contrôlés du globe. Le Portugal, par l'intermédiaire des archipels de Madère et des Açores, possède une zone économique exclusive maritime d'une superficie dix fois supérieure à celle de son territoire continental".

Malgré son PIB plus élevé que les régions en retard de développement, la Corse est de l'aveu même de l'Union européenne, "la région de l'Arc latin dont l'avenir est le plus incertain", en raison de six facteurs :

- le vieillissement démographique (25 % de la population est pensionnée) ;

- l'insuffisance de création d'emplois qualifiés ;

- la faiblesse des activités industrielles ;

- l'importance des revenus de transferts ;

- le faible impact de la fréquentation touristique, essentiellement saisonnière ;

- l'insécurité, qui nuit au dé font-size: 10pt">Une politique spécifique s'impose d'autant plus que l'analyse de la situation des grandes îles de Méditerranée montre une grande hétérogénéité. Tandis que les Baléares bénéficient de flux financiers considérables liés au tourisme de masse et atteignent un revenu par habitant proche de la moyenne européenne, la Corse, la Sardaigne et surtout la Sicile font face à des taux de chômage élevés. Les îles Egée et les îles Ioniennes bénéficient de liaisons maritimes fréquentes avec le continent européen, ce qui leur garantit une fréquentation touristique soutenue. Quoique dépourvues de ressources naturelles et d'industries, leur taux de chômage est inférieur à la moyenne communautaire. L'efficience des transports se révèle être un atout majeur pour le développement des îles.

Iles de Méditerranée : chiffres clé

Iles

Superficie

(en km2)

Population

Densité

(hab/km2)

PIB/Hab

Eur.15=100

(2001)

Chômage

(en % - 2001)

Baléares

5 041

768 800

152,35

98,3

6,6

Corse

8 681

261 100

30,06

76

12,5

Sardaigne

24 080

1 645 000

68,31

75,5

15,7

Sicile

25 708

5 069 000

197,17

65,4

20,8

Crète

8 305

542 000

65,2

66,1

5,8

Nord Egée

3 886

199 000

51,8

79,8

9,7

Sud Egée

5 286

259 000

48,9

65,6

6,1

Ioniennes

2307

194 000

84,1

47,1

6,7

Source : Eurostat

Il reste à déterminer si l'Union européenne mettra en place une politique spécifique en faveur de la Corse ou si elle la classera parmi les autres régions françaises. Dans le second cas, le volume financier de l'aide communautaire chutera ou sera supprimé.

Vos Rapporteurs estiment que l'insularité de la Corse justifie le maintien d'une aide communautaire. Cette insularité constitue un handicap économique du même ordre que l'ultrapériphéricité qui frappe les départements d'outre-mer. Ils relèvent toutefois que la situation corse n'est pas si éloignée de celle de certaines régions françaises.

Régions françaises au regard des indicateurs européens

Régions

Indice PIB/habitant

(2000)

Taux de chômage

(2001)

UE 15 = 100

UE 25 =100

Ile de France

158,3

174,5

7,6

Champagne-Ardenne

94,6

104,2

9,2

Picardie

82,3

90,7

10,2

Haute-Normandie

95,2

105

9,7

Centre

90,8

100,1

6,6

Basse-Normandie

85,3

94,1

9,4

Bourgogne

92,7

102,2

7,7

Nord-Pas-de-Calais

80,6

88,9

12,6

Lorraine

83,5

92

6,7

Alsace

102,9

113,4

4,8

Franche-Comté

87,6

96,6

5,2

Pays de la Loire

90

99,3

7,5

Bretagne

86,2

95

6,6

Poitou-Charentes

82,9

91,4

9,2

Aquitaine

90,4

99,6

8,3

Midi-Pyrénées

88,5

97,6

9

Limousin

82

90,4

6,4

Rhône-Alpes

103,1

113,7

7

Auvergne

86,5

95,3

8,2

Languedoc-Roussillon

77,7

85,6

14,1

Provence-Alpes-Côte d'Azur

90,8

100,1

13,2

Corse

76

83,6

12,5

Guadeloupe

57,6

63,5

29

Martinique

67,4

74,3

26,3

Guyane

53,7

59,2

20,5

Réunion

50,4

55,6

33,3

Source : Commission européenne

On observera notamment que deux régions de métropole, le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon ont un taux de richesse par habitant à peine supérieur à celui de la Corse, et que les taux de chômage y sont plus élevés. L'analyse est identique, dans une proportion hélas supérieure, dans les départements d'outre-mer. Par ailleurs, des statistiques à l'échelle régionale dissimulent des disparités infrarégionales où la situation économique et sociale est plus grave qu'en Corse. Les Alpes de Haute-Provence, le Cantal, la Lozère, la Haute-Vienne ou le sud-est du Tarn disposent de moins d'équipements collectifs que la Corse, sans pour autant être éligibles à l'objectif 1. De récentes fermetures d'usines en Ariège, dans le Pas-de-Calais ou dans la Manche vont gravement altérer le tissu social de certains cantons. Si votre Délégation est sensible aux difficultés que traversent certaines vallées corses, les aides de l'Union européenne et de l'Etat ne sauraient y être, dans leur montant, excessivement supérieures à celles qui devraient être accordées à d'autres régions, sauf à porter atteinte au principe de solidarité nationale. L'aménagement du territoire est en effet en train de changer de nature. Si la nécessité d'équipements structurants demeure, d'autres besoins apparaissent, comme la revitalisation de territoires victimes de délocalisations d'entreprises ou d'exode rural.

La Délégation approuve l'ensemble des démarches conduites conjointement par le gouvernement et les élus locaux de Corse tendant soit à pérenniser le régime d'objectif 1 dans l'île, soit à la placer au sein d'un dispositif financier permanent qui tienne compte des handicaps liés à son insularité et à son caractère montagneux. La Corse a encore besoin d'investissements, notamment dans les secteurs liés au tourisme. De nombreuses communes littorales (Calvi, Porto-Vecchio, Bastia, Ajaccio) voient leur population décupler en été, ce qui induit le surdimensionnement de certains équipements comme les routes, les ports ou les stations d'épuration pour faire face à cet afflux.

La réflexion de la Commission européenne semble pour l'heure rejoindre le souhait de votre Délégation. Il serait toutefois judicieux que la pérennisation de l'aide communautaire soit ensuite intégrée dans une stratégie nationale en faveur des régions insulaires. Si la Corse doit bénéficier de dérogations fiscales ou d'avantages liés à l'investissement, de tels avantages doivent également être étendus aux DOM qui sont également insulaires (à l'exception de la Guyane) et pour la plupart, traversés par des zones de moyenne et haute montagne.

II - LES FONDS STRUCTURELS EN MÉTROPOLE

La France métropolitaine bénéficie, pour la période 2000-2006, d'un peu pl d'avancement très insuffisant, tant en termes de programmation que de réalisation. La réforme de leur gestion, engagée par le gouvernement au cours de l'été 2002, devrait toutefois permettre de renforcer leur efficience et de mieux appréhender les besoins des territoires.

A. UN ENJEU MAJEUR POUR LES TERRITOIRES

Les politiques régionales communautaires reposent sur l'intervention de quatre fonds structurels : le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), le Fonds européen de développement régional (FEDER) et l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP). Ces fonds représentent aujourd'hui un enjeu majeur pour nombre de territoires français, autant par l'importance de leurs montants que par les conditions de leur mise en oeuvre, qui intervient, pour les deux tiers, à l'échelon local.

Leur impact sur l'aménagement du territoire, s'il est réel, demeure toutefois difficile à apprécier.

1. Une dotation importante

En application du règlement n° 1250/1999 du Conseil du 21 juin 1999, dit "règlement général", les fonds structurels sont mis en oeuvre, en complément de financements nationaux, dans le cadre de programmes pluriannuels, qui définissent une action stratégique et des mesures prioritaires.

Leur intervention se concentre sur les territoires ou les publics les plus en difficultés, à savoir : les régions en retard en développement (objectif 1), qui ont fait l'objet de la première partie du présent rapport, les zones en reconversion économique et sociale (objectif 2) ainsi que les publics défavorisés en termes d'éducation, de formation et d'emploi (objectif 3). A ceux-ci s'ajoutent des actions thématiques ciblées, mises en œuvre dans le cadre de "programmes d'initiatives communautaires" (PIC).

a) La reconversion économique et sociale : l'objectif 2

Cofinancé par le FEDER et le FSE, l'objectif 2 vise à soutenir la reconversion économique et sociale des zones industrielles, rurales, urbaines ou dépendantes de la pêche qui connaissent des difficultés structurelles. Le plafond de population éligible à l'objectif 2 est de 18,768 millions d'habitants, soit 31,3% de la population française, contre 18 % en moyenne au niveau communautaire. La France est ainsi le premier bénéficiaire de l'objectif 2.

Sur la période de programmation 2000-2006, la dotation allouée au titre de l'objectif 2 s'élève à 5,58 milliards d'euros.

La sélection des zones éligibles à l'objectif 2

Des travaux d'analyse, d'harmonisation et de synthèse ont ensuite été conduits par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Après une approbation de principe en janvier 2000, la Commission européenne a adopté définitivement la sélection des zones éligibles le 7 mars 2000.

Le tableau ci-après indique la répartition par région des dotations d'objectif 2, pour la période 2000-2006.

Dotations financières objectif 2 (2000-2006)

RÉGION

Population objectif 2

Dotation financière zones objectif 2

(en millions d'euros)

Nombre d'habitants

prorata

Alsace

266 156

1,42

79,250

Aquitaine

1 368 578

7,29

407,505

Auvergne

874 338

4,66

260,341

Basse-Normandie

765 347

4,08

227,888

Bourgogne

725 278

3,86

215,957

Bretagne

1 176 503

6,27

350,313

Centre

634 617

3,38

188,962

Champagne-Ardenne

653 616

3,48

194,619

Franche-Comté

544 959

2,90

162,266

Haute-Normandie

927 908

4,94

276,292

Ile-de-France

476 372

2,54

141,843

Languedoc-Roussillon

824 883

4,40

245,615

Limousin

440 962

2,35

131,300

Lorraine

1 170 319

6,24

348,472

Midi-Pyrénées

1 264 459

6,74

376,503

Nord-Pas-de-Calais

1 830 133

9,75

544,937

Pays-de-la-Loire

1 115 394

5,94

332,118

Picardie

777 795

4,14

231,595

Poitou-Charentes

795 506

4,24

236,868

PACA

920 042

4,90

273,950

Rhône-Alpes

1 213 719

6,47

361,395

TOTAL

18 766 884

100,00

5 588,000

Source : DATAR

b) L'adaptation et la modernisation des politiques d'éducation, de formation et d'emploi : l'objectif 3

Cofinancé exclusivement par le FSE, l'objectif 3 vise à soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes d'éducation, de formation et d'emploi. Ces interventions s'inscrivent dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi définie au Conseil européen de Luxembourg en novembre 1997 et traduite, en France, par le Plan national d'action pour l'emploi.

Sur une dotation communautaire de 24 milliards d'euros, la France bénéficie de 4,7 milliards d'euros au titre de l'objectif 3. L'ensemble du territoire est éligible à cet objectif, à l'exception toutefois des zones éligibles à l'objectif 1.

Environ 70 % de ces fonds sont réservés à des projets régionaux. Les collectivités locales peuvent ainsi bénéficier de financements pour les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE), les plans départementaux d'insertion (PDI) ou encore les programmes de formation et d'apprentissage des conseils régionaux.

c) Les programmes d'initiative communautaire (PIC)

L'Union européenne met par ailleurs en œuvre des politiques aux objectifs plus ciblés dans le cadre des "programmes d'initiative communautaire" (PIC), qui représentent 1,09 milliard d'euros pour la France, soit près de 5,35 % des crédits communautaires sur la période 2000-2006.

▪ Le programme INTERREG III, dont la gestion est déléguée aux collectivités locales, vise à développer les coopérations transfrontalières, transnationales et interrégionales, l'objectif étant de promouvoir le polycentrisme et de préparer l'élargissement de l'Union européenne.

▪ URBAN a pour but de régénérer le tissu économique et social des villes et banlieues en crise. En France, 9 sites ont été retenus pour développer une stratégie innovante fondée sur un large partenariat, avec les communes : Bordeaux, Bastia, Grenoble, Strasbourg, Grigny-Viry, Val de Seine - Les Mureaux, Clichy-Montfermeil, Le Mantois et Le Havre.

▪ Le programme EQUAL, dont le lien avec l'aménagement du territoire est nettement moins fort, est destiné à promouvoir de nouvelles méthodes de lutte contre toutes les formes de discriminations et d'inégalités existant sur le marché du travail.

▪ Cofinancé par le FEOGA (section orientation), LEADER + a pour vocation de soutenir des projets de développe l'autorité conjointe des préfets de région et des présidents de conseil régional, avec la participation des collectivités concernées. Dans un deuxième temps, les candidatures ont été examinées par un comité national de sélection, appuyé par un groupe d'experts, composé de différentes administrations et d'associations d'élus. Sur 227 projets, 140 ont finalement été retenus en juillet 2002.

Les bénéficiaires de LEADER + sont constitués en groupes d'action locale (GAL), composés d'acteurs publics et privés, qui peuvent prendre différentes formes juridiques, telles que l'association ou le syndicat mixte. Chaque GAL assure la responsabilité de la sélection des opérations qu'il souhaite financer dans le cadre du projet de développement du territoire et dispose d'une dotation financière globale par convention passée avec le Centre national d'adaptation des structures des exploitations agricoles (CNASEA), autorité de gestion et de paiement du programme. Le projet du territoire est articulé autour d'un thème fédérateur et d'une stratégie de développement sur 6 ans.

Il ne faut toutefois pas trop attendre de Leader +. Ce programme pourrait théoriquement avoir un impact sur l'aménagement du territoire s'il n'était constitué de crédits d'études, ce qui limite sa latitude d'action.

Au total, pour la période 2000-2006, les fonds structurels représentent, en moyenne, près de 260 euros par habitant, et dans les zones éligibles à l'objectif 2, près de 330 euros par habitant.

Ces chiffres confirment ainsi ce que les membres de votre Délégation ont pu constater quotidiennement sur le terrain : la politique structurelle européenne est essentielle pour nombre de petits territoires, et ce d'autant plus que la gestion des fonds, largement déconcentrée, s'effectue en partenariat avec les régions.

2. Une mise en œuvre largement déconcentrée

Pour la période de programmation 2000-2006, la subsidiarité est accrue : la Commission européenne s'est en effet désengagée de la gestion courante des fonds structurels au profit des Etats membres. En contrepartie, les exigences en matière de contrôle et d'évaluation des programmes ont été renforcées.

En France, les fonds structurels sont mis en œuvre dans le cadre de programmes majoritairement régionaux. Seuls demeurent en effet quatre programmes nationaux : l'objectif 3, l'IFOP ainsi que les programmes d'assistance technique et d'informatique.

Le dispositif national de gestion, de suivi et de contrôle des opérations cofinancées par les fonds structurels, dont seuls les principaux éléments sont présentés ci-après, se caractérise aujourd'hui par l'importance de la déconcentration et de la coopération avec les partenaires régionaux.

- la stratégie d'action qui se décline en axes prioritaire et en mesures,

- le plan de financement et les dispositions de mise en œuvre.

Les DOCUP des objectifs 1 et 2 ont été élaborés sous l'autorité du préfet de région, durant l'hiver 2000, dans le cadre d'un partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales et les représentants du monde économique, social et associatif, au travers des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire (CRADT). Adressés à Bruxelles en avril 2000, les DOCUP objectif 2 ont reçu l'approbation définitive de la Commission européenne les 21 et 22 mars 2001.

Les financements de l'objectif 2 soutiennent théoriquement les actions inscrites aux contrats de plan Etat-région (CPER) dans le cadre des politiques sectorielles (action économique, environnement, tourisme...), mais également des volets territoriaux (contrats de pays, d'agglomération...). La circulaire du 3 janvier 2000 de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement précise à ce sujet que "convergence des objectifs et coïncidence des calendriers sont le fruit d'une volonté délibérée du gouvernement français. Les CPER et les fonds structurels ont en effet vocation à devenir "deux instruments complémentaires au service d'une stratégie commune en région". Les auditions en annexe de ce rapport montreront que cette stratégie n'a pas été suivie d'effets. En raison des différences de procédures, de la mise en place des exécutifs régionaux après le renouvellement des conseils régionaux, il n'y a pratiquement pas eu de synergie comme l'aurait souhaité le gouvernement. L'Etat et les régions se sont en fait servis des fonds comme des variables d'ajustement, sans stratégie définie, montrant ainsi leur incompréhension de la nature des crédits européens. Ces derniers étaient pourtant garantis par l'Union européenne, qui marquait ainsi sa volonté politique de développer des territoires.

b) La gestion et le suivi des opérations cofinancées par les fonds structurels

Pour chaque programme, la réglementation communautaire prévoit une autorité de gestion (3) et une autorité de paiement (4), responsable de la certification des dépenses et du paiement de l'aide communautaire.

La sélection des opérations est assurée par un comité de programmation. Un comité de suivi, réuni deux fois par an, est responsable, pour sa part, du suivi du programme et de l'adoption du complément de programmation.

Pour les objectifs 1 et 2, c'est le préfet de région qui est autorité de gestion et de paiement. A ce titre, il est régionaux, les groupements d'intérêt public ou encore des organismes spécialisés, comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou l'Agence française de l'innovation (ANVAR).

Pour l'objectif 3, le ministre chargé de l'emploi et de la solidarité est autorité de gestion et de paiement. La mise en oeuvre du programme est déconcentrée pour deux tiers des crédits, la sélection des opérations étant réalisée par un comité régional coprésidé par le préfet de région et le président du conseil régional, où doivent être largement représentés les différents acteurs publics, les partenaires sociaux, ainsi que les représentants du milieu économique impliqués dans les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle.

S'agissant des PIC, la gestion des programmes INTERREG et URBAN a été déléguée aux collectivités locales candidates pour en assumer la responsabilité. Parallèlement, la Caisse des dépôts et consignations a été mandatée comme autorité de paiement. De même, pour le programme "LEADER +", le Centre national d'adaptation des structures des exploitations agricoles (CNASEA) assure les fonctions d'autorité de gestion et de paiement.

Les ministères de l'intérieur, de l'emploi et de la solidarité et de l'agriculture et de la pêche sont chargés respectivement de la gestion financière du FEDER, du FSE, du FEOGA et de l'IFOP. Ces ministères sont par ailleurs chargés d'une mission générale de coordination pour les programmes régionaux.

La DATAR assure, quant à elle, en liaison avec les ministères gestionnaires, le pilotage et le suivi de l'ensemble des programmes au niveau national.

c) Le dispositif de contrôle

Outre les contrôles de qualité visant à vérifier régulièrement le bon fonctionnement du système mis en place, les autorités de gestion doivent effectuer deux types de contrôle afin de garantir la fiabilité et la régularité des opérations cofinancées par les fonds structurels.

Le contrôle de service fait, prévu par l'article 4 du règlement n°438/2001 du 2 mars 2001, porte sur l'intégralité des dépenses et a pour but de vérifier la réalité et la conformité physique des opérations, la réalité et l'éligibilité des dépenses encourues ainsi que le respect du plan de financement prévu.

Les contrôles par sondage, dits "des 5%", ont quant à eux pour objet, d'une part, de vérifier le fonctionnement du système de gestion et de contrôle mis en place pour en améliorer l'efficience et, d'autre part, d'examiner de manière sélective des opérations afin de s'assurer de la fiabilité des d&e consacré, pour le compte de la CICC, 236 jours environ à des inspections sur place, ceux de l'inspection générale des affaires sociales 335 jours et ceux de l'inspection générale de l'agriculture 125 jours. Ces durées doivent être doublées pour le traitement du travail au sein de l'administration centrale.

Contrôleur financier national au sens des règlements communautaires, la CICC est par ailleurs chargée de l'établissement des déclarations de validité, soit, selon M. Jean-Pierre Jochum, Président de la CICC auditionné par la Délégation le 11 décembre dernier, "l'assurance raisonnable ou non d'une bonne gestion des fonds en France". Cette déclaration conditionne le versement du solde du programme par les autorités communautaires et couronne ainsi le dispositif de gestion des opérations cofinancées par les fonds structurels.

3. Un impact difficile à apprécier

La politique structurelle régionale est par nature une politique de caractère territorial. Depuis de nombreuses années, la Commission européenne s'emploie en effet à promouvoir pour les zones éligibles une action intégrée avec plusieurs fonds afin d'engendrer des effets territoriaux de synergie.

Dans quelle mesure est-il cependant possible d'évaluer l'action des fonds structurels sur l'aménagement et le développement des territoires français ?

a) L'évaluation de l'action des fonds structurels sur l'aménagement du territoire se heurte à de réelles difficultés

Ces difficultés résultent pour une large part de la nature même des fonds structurels. En effet, les opérations éligibles ne comportent pas d'investissements lourds d'infrastructures et sont nécessairement nombreuses et diffuses. Près de 70 % des dossiers portent ainsi sur des projets dont le montant est inférieur à 23 000 €, "ce qui pose clairement la question de la philosophie des fonds structurels", a estimé, lors de son audition, le mercredi 29 janvier dernier, M. Jean Bassères, directeur de la comptabilité publique.

Dans le même sens, la Cour des comptes, dans son rapport public pour l'année 2000, a constaté que "les opérations financées sur fonds FEDER doivent, par principe, s'intégrer dans une programmation régionale d'ensemble approuvée par la Commission européenne [ce qui] aboutit à des empilements documentaires d'une utilité problématique qui se traduisent par des dizaines ou des centaines d'opérations individuelles saupoudrées sur le terrain sans effet structurel mesurable".

A cela s'ajoute le fait que la mise en œuvre des projets repose sur l'idée d'une responsabilité partagée. Or, la multiplication des financements croisés ainsi que les "effets d'aubaine" dont peuvent bénéficier de contrôle et, en tout état de cause, par l'absence d'une évaluation qualitative globale sur les fonds structurels. M. Patrice Magnier, Président de l'instance nationale du Conseil national de l'évaluation sur les fonds structurels et les contrats de plan Etat-région, relevait ainsi que l'on ne dispose actuellement "d'aucun instrument statistique ou à valeur scientifique permettant d'apprécier avec certitude les effets de la complémentarité [entre les fonds structurels et les CPER]. Les témoignages des élus et des responsables socio-économiques ne donnent que des indications, sans quantification précise".

b) La réduction des disparités entre les régions

Dans son deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale adopté en janvier 2001, intitulé "Unité de l'Europe, solidarité des peuples, diversité des territoires", ainsi que dans son rapport d'étape de janvier 2002, la Commission européenne a constaté que si les écarts économiques entre les Etats membres s'étaient notablement réduits depuis 1988, en particulier pour les pays de la cohésion, la diminution des disparités entre les régions se confirme, mais dans une moindre mesure qu'au niveau national. A l'intérieur des Etats membres, ces disparités se sont parfois aggravées, et "pour la majorité des régions, le processus de rattrapage reste un objectif à long terme". Il en est de même au niveau infra-régional. Au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les Alpes de Haute-Provence sont quasiment dépourvues d'équipements collectifs, ce qui contraste avec Nice et son pôle universitaire. Toulouse concentre les richesses de la région Midi-Pyrénées, au détriment des espaces qui l'entourent.

Toutefois, comme le rappelait M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, auditionné le 24 octobre dernier, "c'est surtout l'effet de levier provoqué par l'injection des fonds qui importe". En Aquitaine, par exemple, il a été mesuré qu'un euro de crédit communautaire avait permis de mobiliser trois euros.

Les fonds structurels ont au moins permis à l'administration française de moderniser ses méthodes en recourant au développement de l'évaluation, au décloisonnement des services ou encore au développement de l'ingénierie, et ont par ailleurs renforcé le partenariat entre l'Etat et les régions, grâce notamment à la coprésidence des comités de suivi et de programmation.

Depuis plusieurs années, le développement de cette dynamique est pourtant obéré par une sous-consommation particulièrement inquiétante des crédits communautaires.

B. LA SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS COMMUNAUTAIRES ET SES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES POUR L'ANNÉE 2003

Si près de 100 % des crédits ont finalement pu être programmés, entre 15 % et 20 % n'ont pu être consommés. Aussi M. Jean-Pierre Jochum, Président de la CICC, a déclaré que "nous nous sommes trompés d'indicateurs. Nous avons suivi attentivement les montants programmés et nous avons oublié de suivre les dépenses effectives". En valeur absolue, notre pays a "oublié" de dépenser environ 11 milliards de francs en investissements depuis la mise en place des fonds structurels.

b) Malgré une reprise significative depuis le dernier trimestre 2002, le niveau d'avancement des programmes reste très insuffisant

Le démarrage des programmes pour la période 2000-2006 a fait apparaître des difficultés qui se traduisent par un niveau d'avancement très insuffisant, tant en termes de programmation que de réalisation. Au 1er juillet 2002, après deux années de mise en œuvre des programmes européens, seuls 15 % des crédits concernés étaient en effet programmés, et 6 % réalisés à la même date, alors qu'un fonctionnement normal et régulier devrait conduire à atteindre un taux de réalisation de 30 % à la fin de l'année 2003.

Le gouvernement, le Parlement et les élus locaux se sont émus de cette situation, dont l'origine était largement due à une désorganisation de l'ensemble des circuits administratifs de l'Etat. Cette prise de conscience a notamment conduit à une simplification des procédures, et à un meilleur taux d'exécution ces derniers mois. Il convient de féliciter M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire pour avoir coordonné avec succès cette action.

Un rattrapage important est ainsi intervenu en six mois : au 1er janvier 2003, le taux de programmation pour les objectifs 1 et 2 (26 %) se rapproche en effet de la courbe optimale (30 %). Pour l'objectif 2, le taux d'avancement progresse très différemment selon les régions : celui-ci varie en effet de 16,9 % à 59,8 % en coût total et de 15,1 % à 38,3 % en crédits communautaires. Pour les objectifs 1 et 2, le taux de réalisation (4,4 %) reste très insuffisant, même s'il a triplé depuis le 1er juillet 2002. L'inflexion sensible constatée en termes de programmation permet toutefois d'espérer une accélération de l'exécution des projets au cours des prochains mois.

2. La complexité des procédures

S'il n'est pas nécessaire de revenir outre mesure sur l'ensemble des causes de cette situation, qui, du reste, ont été largement étudiées par ailleurs, certains de ces éléments méritent d'être soulignés en raison des enjeux particuliers qu'ils soulèvent en termes d'aménagement du territoire.

De nombreux bénéficiaires regrettent en effet le décalage persistant entre le niveau des aides reçues et la mobilisation nécessaire pour les obtenir, en raison notamment du fonctionnement du dispositif : longueur des délais, complexité des règles de fonctionnement et d'éligibilité des dépenses. Sur ce point, la Délégation rejoint tout à fait sur le constat dressé par M. Jochum, Président de la CICC, qui relève "qu'à chaque fois qu'une obligation nouvelle est prévue par un règlement, une loi ou un décret, au lieu de réexaminer l'ensemble de la procédure, on rajoute une étape, sans qu'il y ait de réflexion". La plupart des élus mettent en cause les SGAR, les accusant d'enterrer les projets sans la moindre justification.

Or, la mise en place de dispositifs d'animation et d'appui aux porteurs de projet nécessite des moyens techniques et humains importants. La mise en œuvre des fonds structurels peut donc s'avérer particulièrement discriminante pour les régions les plus défavorisées.

b) L'approche insuffisamment stratégique des DOCUP

Si, en principe, les DOCUP doivent être vecteurs d'une vision stratégique pour les territoires, dans la pratique, ceux-ci ont souvent atteint un niveau de détail qui pénalise les porteurs de projets. "Vérifier que tel projet entre bien dans ce qui est écrit dans les DOCUP est un exercice à s'arracher les cheveux", juge ainsi M. Jean-Pierre Jochum, président de la commission interministérielle de coordination des contrôles sur les opérations cofinancées par les fonds structurels. La Délégation approuve cette analyse. Elle souhaite que les DOCUP s'assimilent aux orientations budgétaires d'une collectivité locale.

Aussi est-il important que les DOCUP présentent une approche réellement stratégique, et, dans cet objectif, que ceux-ci soient, si nécessaire, modifiés à mi-parcours. A l'avenir, il conviendra par ailleurs de veiller à ce que les préfets de région et les partenaires régionaux disposent de davantage de temps pour élaborer les DOCUP que les quelques semaines qui leur ont été imparties au début de l'année 2000.

c) Les délais liés aux circuits budgétaire et financier

Dès l'approbation du programme, une avance de 7 % de la dotation communautaire globale est versée par la Commission en deux fois. Pour déclencher les autres versements communautaires, dits "paiements intermédiaires", l'autorité de paiement doit appeler les fonds, correspondant à des paiements exécutés par les bénéficiaires (paiement sur "service fait"). La Commission procède ensuite au versement des crédits dans un délai moyen inférieur à deux mois.

Le rattachement des crédits au budget général se faisait, au travers de l'Agence centrale comptable niveau ministériel est beaucoup moins satisfaisant (date d'encaissement/date de fin de procédures) : le délai moyen de traitement global applicable aux circuits centraux représentait ainsi 62,40 jours ouvrés au troisième trimestre de 2002, le délai moyen d'émission et de transmission des titres de perception atteignant près de 105 jours pour le ministère de l'agriculture.

Si cette situation a pu présenter d'indéniables avantages en termes de trésorerie, pour l'Etat, elle a freiné la réalisation effective des opérations.

d) La difficile mobilisation des contreparties nationales

Alors que l'enveloppe européenne est totalement sécurisée sur une période de programmation, tel n'est pas le cas des cofinancements nationaux, et notamment des contrats de plan Etat-région. Le ministre de la fonction publique, de la réforme l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué à ce sujet que "certaines administrations nationales considéraient favorablement la sous-utilisation des fonds européens, y voyant un élément de modération des dépenses publiques, du fait de la règle de la contrepartie nationale aux fonds européens".

La multiplicité des financements sur une même opération fragilise par ailleurs les opérations et alourdit d'autant la gestion financière des projets. En outre, le taux d'intervention des fonds structurels est souvent sensiblement inférieur aux taux prévus par le DOCUP et le complément de programmation. Aussi la Délégation juge-t-elle nécessaire que les fonds structurels soient désormais considérés comme de véritables apports financiers, et non comme une variable d'ajustement dans les plans de financement.

De façon générale, cette question soulève par ailleurs le problème de la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, dont la nécessaire clarification serait de nature à renforcer l'efficience des fonds structurels.

Plus problématique est la sous-consommation des crédits et son lien avec une surévaluation des besoins des territoires ou à une insuffisante capacité d'absorption du tissu économique et social des territoires, comme a pu le suggérer, lors de son audition, le 15 janvier dernier, M. Patrice Magnier. Les aides structurelles ont en effet précisément pour objectif d'accompagner les territoires en déclin, lesquels peuvent toujours se relever dès lors qu'existe une volonté humaine. Néanmoins, de nombreux élus et hauts fonctionnaires ont constaté l'insuffisance du nombre de projets dans certains départements, en raison d'un tissu social fragile : manque d'entreprises ou d'associations, faiblesse démographique. Ces handicaps s'ajoutent à la faiblesse des ressources fiscales des collectivités locales. De nombreuses communes ne peuvent apporter la contrepartie nationale aux fonds communautaires, ce qui empêche la naissance de projets.

En conséquence, des sommes considérables pourraient être annulées dès l'année 2003. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué que le gouvernement avait souhaité que cette règle soit maintenue afin de conserver la rigueur nécessaire pour l'utilisation des fonds.

Selon M. Jean-Pierre Jochum, Président de la CICC, "le dégagement d'office est une pression extraordinaire pour consommer réellement les crédits et pour ne pas se contenter de mettre des enveloppes budgétaires sur des projets. Mais la pression est très dure pour les autorités de gestion, car il s'agit vraiment d'un changement culturel (...). Il s'agit d'une règle très rigoureuse mais elle met l'accent sur le fait que les fonds ont pour finalité d'être dépensés et non de servir à des mesures d'annonce".

b) La réserve de performance

Contrepartie, souvent méconnue, de la règle du dégagement d'office, la "réserve de performance" est un nouvel outil visant à renforcer l'efficacité des interventions financées par les fonds structurels.

Le principe en est simple: conformément à l'article 44 du règlement général, une partie des crédits alloués à chaque État membre (4 %) a été mise en réserve jusqu'en 2003 pour être distribuée aux programmes les plus performants. L'appréciation de la performance s'effectuera, lors des évaluations à mi-parcours en 2003, grâce à des indicateurs de suivi qui reflètent l'efficacité, la gestion et l'exécution financière.

La réserve sera attribuée par la Commission, à partir des propositions présentées par chaque État membre, au plus tard le 31 mars 2004.

Il s'agit donc d'un élément de motivation important pour les gestionnaires de programmes, qui devront d'ici 2003 veiller à utiliser de manière efficace et performante les fonds publics à leur disposition. M. Jochum, Président de la CICC, estime toutefois qu'à l'heure actuelle, "aucune région ne vise la réserve de performance", situation qui semble commune à l'ensemble des Etats membres, davantage préoccupés par la règle du dégagement d'office.

c) Les corrections forfaitaires et extrapolées

Les manquements aux règles communautaires peuvent désormais être sanctionnés par un système élargi de corrections financières, conformément aux dispositions prévues par le règlement général et par le règlement n°438/2001 du 2 mars 2001.

Par exemple, en cas de défaut de publicité constaté sur les lieux de réalisation d'un échantillon d'opérations, la correction forfaitaire est de 5 %. Si les infractions sont peu nombreuses, des corrections individuelles sont appliquées par dossier. Mais si l'irrégularité est systémique parce que les mesures de publicité n'ont pas été prescrites aux bénéficiaires ou qu'elles n'ont pas été contrôlées, la correction peut amputer tout le programme de 5 %. De même, si la Commission ou la Cour des comptes européenne, au terme de la vérification d'un échantillon homogène de dossiers, trouvent un certain pourcentage d'irrégularités avec une incidence financière de 18 % par exemple, une correction de 18% sera apportée à l'intégralité de la mesure, voire de l'axe ou du programme, par une extrapolation des irrégularités découverts à la totalité de la population représentée par cet échantillon

Afin de détecter au plus tôt les irrégularités et d'éviter l'application de ces corrections financières, les gestionnaires des fonds, en particulier les SGAR, devront donc veiller au bon fonctionnement des systèmes de contrôle.

On rappellera pourtant que la Commission européenne a émis d'importantes notes de débit en raison de paiements indus, du fait notamment des règles d'éligibilité des dépenses souvent mal connues et de contrôles internes parfois défaillants : en 2002, les restitutions ont ainsi atteint près de 5,133 millions d'euros.

Accélérer l'engagement des dossiers tout en garantissant la qualité des programmes par un contrôle financier rigoureux : la recherche de cet équilibre délicat, et pourtant nécessaire, a ainsi guidé la réforme de la mise en œuvre des fonds structurels engagé par le gouvernement depuis juillet 2002.

C. RENFORCER L'EFFICIENCE DES FONDS STRUCTURELS

Rompant avec les aménagements limités apportés jusqu'alors, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a présenté au conseil des ministres, le 31 juillet 2002, une série de mesures visant à améliorer l'accès aux programmes régionaux communautaires et à simplifier la mise en œuvre des fonds structurels.

Ce dispositif d'envergure, apte à donner un signal fort de la proximité de l'Europe pour le citoyen, vise tout à la fois à restaurer une culture de projet, à renforcer la subsidiarité par un recentrage de l'intervention européenne, et à mieux prendre en compte les besoins des territoires.

Dans le même temps, les pouvoirs de contrôle de la CICC ont été significativement accrus afin d'améliorer la qualité et l'efficience des programmes européens.

a) L'allégement substantiel des procédures

En premier lieu, le contenu des dossiers de demande d'aide et les modalités de leur engagement financier ont été simplifiés.

Afin de garantir la réalisation plus rapide des projets, les délibérations des collectivités territoriales qui s'engagent à cofinancer les projets ainsi que les décisions attributives de subventions de l'Etat qui étaient exigées au stade de la programmation et de l'engagement des dossiers de subventions peuvent désormais être remplacées par de simples lettres d'intention.

La demande d'attestation des organismes bancaires a été supprimée à ce stade pour les porteurs de projets qui sollicitent un emprunt. En outre, pour percevoir le cofinancement européen, la contrepartie nationale pourra n'être versée qu'au solde des opérations.

Le contrôle financier déconcentré a par ailleurs été simplifié de façon significative. Ainsi, pour les demandes de subvention inférieures à 23 000 €, le trésorier payeur général ne donne plus d'avis économique et financier et ne vise plus ces dossiers au titre du contrôle financier, conformément aux dispositions prévues par la circulaire interministérielle du 19 août 2002.

Les autorités de gestion qui le souhaitent pourront également confier la fonction d'autorité de paiement au Trésor public ou un organisme public compétent.

En outre, l'une des principales avancées de ce dispositif réside certainement dans la mise en place de fonds de concours locaux. Ainsi, depuis le 1er janvier 2003, les fonds reçus de la Commission européenne au titre de la programmation 2000-2006, à la suite d'une demande de paiement des préfets de région, même antérieure à cette date, ne sont plus rattachés au budget de l'Etat par voie de fonds de concours pour être ensuite délégués aux préfets, mais, sauf exceptions prévues par la circulaire du Premier ministre du 24 décembre 2002, rattachés directement au niveau local.

Grâce à cette procédure, les crédits seront ainsi disponibles pour mandatement, au niveau local, dans un délai de cinq jours suivant le versement des fonds à l'ACCT, contre quatre mois en moyenne auparavant. Cette réforme a été mise en oeuvre avec célérité par la Direction de la comptabilité publique.

Les crédits européens imputés sur les chapitres exclusivement réservés aux fonds structurels et disponibles au niveau local au 31 décembre des années 2003 et suivantes pourront également être reportés au même niveau, sans remonter à l'échelon central. Une telle souplesse de gestion avait déjà ét&eacu style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">b) Le renforcement de l'appui aux projets

Afin d'élargir les possibilités d'intervention des fonds européen, les DOCUP pourront tout d'abord être modifiés, afin de simplifier les programmes, valoriser au mieux des domaines d'éligibilité autorisés par les règlements communautaires, et augmenter le montant de l'aide européenne aux projets.

Par ailleurs, lorsque le bénéficiaire ne dispose pas d'une trésorerie suffisante, le montant des avances de subventions pourra être porté à 20 % afin que les opérations soient engagées rapidement. Cette mesure favorisera les collectivités disposant de faibles ressources.

La modification actuellement en cours du décret n° 1999-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement permettra que les subventions puissent être attribuées à des dossiers inscrits dans un programme qui ont déjà reçu un début d'exécution à la date de réception du dossier.

Afin de compléter et renforcer l'efficacité des mesures de simplification, un dispositif d'animation est également mis en place. La circulaire du 24 juillet précise à ce sujet que "trop souvent confondue avec les tâches directement liées directement à la gestion et au suivi des projets, l'animation du programme a pour objectif de faciliter le repérage des projets et d'apporter une aide ciblée au montage des dossiers".

Au niveau régional, l'animation du projet reposera sur un dispositif opérationnel comprenant, en application de la circulaire du 27 novembre 2002 : un pôle animation, un appui aux acteurs du développement local, qui passera notamment par la formation de "référents territoriaux", ainsi que des organismes ressources et des experts afin d'assurer un appui à l'émergence et au montage des opérations. Ce dispositif sera notamment soutenu par le programme national d'assistance technique (PNAT).

Parallèlement, un plan national de formation sera mis en œuvre et un responsable animation à la DATAR sera chargé d'assurer la coordination des programmes d'animation. Cette action comprendra notamment la mise en place d'un réseau d'échange d'expériences et de bonnes pratiques sur les programmes européens régionaux (REPERE), à travers des canaux aussi divers qu'un numéro vert, un réseau intranet et, à terme, un portail internet.

Enfin, l'allégement des charges de gestion des services de l'Etat est poursuivi afin de leur permettre de se concentrer sur les fonctions d'animation et de conseil aux porteurs de projets. Dans ce sens, la délégation à un prestataire extérieur des missions de contrôle de service vient d'être étendue. Placée en concurrence avec la Caisse des dépôts, la direction de la comptabilité publique a proposé d'apporter son assistance aux préfets de région afin de contribuer au montage des dossiers de programmation et actuellement en cours du transfert des fonctions d'autorité de gestion à une région, l'Alsace, sera suivie avec une attention particulière par la Délégation. M. Jean-Paul Delevoye a indiqué à ce sujet que le dispositif pourrait, le cas échant, être étendu en fonction des conclusions qui pourraient être tirées de cette première expérience. Toutefois, comme le relevait M. Jean-Pierre Jochum, président de la CICC, "ce n'est pas parce que l'on passe d'une autorité de gestion comme le préfet de région au conseil régional que l'on a résolu le problème de la faiblesse des moyens humains, des capacités financières des collectivités et des porteurs de projet".

2. Renforcer l'efficacité et la qualité des programmes : l'extension des contrôles de la CICC

La qualité des contrôles, outre qu'elle permet l'approfondissement de la lutte indispensable contre la fraude dans des procédures caractérisées par leur lourdeur et le nombre élevé d'intervenants, est une condition essentielle à l'efficacité des programmes structurels.

Dans cet objectif, l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n°2002-1576) du 30 décembre 2002, a doté la CICC des moyens propres à lui permettre d'exercer plus efficacement ses missions.

a) L'attribution de pouvoirs de contrôle propres

La CICC dispose désormais des pouvoirs de contrôle prévus au § I de l'article 43 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996, aux termes duquel "le contrôle [...] s'exerce de plein droit. Il est effectué sur pièces et sur place et porte sur l'ensemble des comptes et de la gestion de l'organisme vérifié. Toutefois, lorsque le concours [...] est affecté à une dépense déterminée et qu'il ne dépasse pas la moitié des ressources totales de l'organisme bénéficiaire, le contrôle se limite au compte d'emploi du concours financier que l'organisme doit produire en même temps que les pièces de dépenses afférentes. Si le compte d'emploi et les pièces de dépenses ne sont pas produites, le contrôle porte sur l'ensemble des comptes et de la gestion de l'organisme".

Les titulaires de ces pouvoirs de contrôle sont les membres de la CICC, soit en vertu du décret n° 2002-633 du 26 avril 2002 : un inspecteur général des finances, un inspecteur général de l'administration, un inspecteur général des affaires sociales, un inspecteur général de l'agriculture ainsi que deux personnalités qualifiées dans le domaine de compétence de la commission ayant la qualité de fonctionnaire de catégorie A en activité ou honoraire.

Peuvent par ailleurs exercer les contrôles relevant de la compétence de la CICC "pour le compte de cette dernière" : l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'a ainsi qu'aux bénéficiaires ultimes des fonds et aux organismes par lesquels transitent les fonds.

En cas d'obstacle aux contrôles de la commission interministérielle de coordination des contrôles, les sanctions prévues au III de l'article 43 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996, sont applicables soit une amende de 15 267 euros ainsi que la reprise des concours financiers dont l'utilisation n'aura pas été justifiée.

III - POLITIQUE RÉGIONALE EUROPEENNE ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La politique régionale européenne ne se résume pas à la programmation des fonds structurels. D'autres politiques entrent en jeu, qui ont un effet sur les territoires.

La politique agricole commune (PAC), qui absorbe près de la moitié du budget de l'Union, finance aussi le développement rural, qui constitue une des finalités des fonds structurels, en dehors des zones de l'objectif 1. De plus, les actions en faveur des zones rurales et de l'agriculture réalisées avec l'apport des fonds structurels doivent être compatibles avec la PAC.

La politique européenne de recherche et de développement favorise le développement technologique de l'Union européenne et la rend plus compétitive sur les marchés mondiaux. Cette politique vise à orienter les investissements dans les zones ciblées par la politique régionale, la recherche étant l'un des moyens d'accélérer la création de richesse dans les régions les moins prospères et de relancer sur de nouvelles bases les activités économiques des zones en reconversion. Dans le même ordre d'idée, la construction de réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunications joue un rôle primordial dans le développement des zones périphériques de l'Union, dont la plupart font partie des régions en retard de développement. De même, l'usage et le développement des technologies de l'information ouvrent des perspectives de croissance, de compétitivité et d'emploi. L'initiative "e-Europe" vise à assurer les bénéfices de la société de l'information à l'ensemble des Etats membres et des régions de l'Union. Les fonds structurels accompagnent cette initiative là où les retards et les inégalités d'accès et d'utilisation des nouvelles technologies doivent être réduits.

Enfin, la politique européenne de concurrence contrôle et limite les aides publiques aux entreprises, qu'il s'agisse des aides d'Etat ou de celles qui proviennent des fonds structurels. Toute opération financée par les fonds structurels doit être compatible avec les règles communautaires en matière de concurrence. Pour l'Union européenne, les politiques régionales et de concurrence doivent s'efforcer de concentrer les aides publiques dans les zones les plus défavorisées de l'Union.

Ainsi apparaît progressivement une série de complémentarités au moment où la localisation des activit&eacut subsides. Il lui faut devenir être une politique de coopération et de complémentarité des territoires. C'est une approche nouvelle pour l'Union européenne, alors que la France conduit une telle politique depuis quarante ans sous l'appellation d'aménagement du territoire.

A. LA RECHERCHE D'UNE DOCTRINE EUROPÉENNE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Depuis sa création, la construction européenne s'est fondée sur des délégations graduelles et progressives de souverainetés, et a concerné des politiques facilement identifiables : agriculture, environnement, transports, monnaie... Il est en revanche plus difficile à l'Union européenne de conduire une politique transversale comme l'aménagement du territoire. Une telle démarche exige que ce concept soit partagé par plusieurs Etats membres et que la Commission européenne soit en mesure de coordonner ses politiques sectorielles avec l'aménagement de l'espace, qui ressort essentiellement de l'action nationale.

1. Un concept essentiellement français

Le concept d'aménagement du territoire est issu de la volonté politique d'arrêter la centralisation multiséculaire de la France, tout en modernisant ses infrastructures sur l'ensemble de son territoire. L'attachement de nos concitoyens à demeurer dans leurs lieux d'origine et les moderniser s'est ensuite traduit par un mouvement de décentralisation et par l'exigence croissante de participation des acteurs locaux.

L'aménagement du territoire constitue une forme de défi à la logique économique. Celle-ci favorise les concentrations d'activités et de populations, afin que leur proximité rende les investissements plus rentables. Les pays développés concentrent ainsi 80 % de leurs habitants sur quelques métropoles. L'aménagement du territoire consiste à répartir les activités sur l'ensemble de notre pays et part du principe que tout citoyen, quel que soit son habitat (rural, périurbain, urbain) a droit à accéder à un éventail de services publics et privés. Ce type de politique se fonde sur la péréquation entre régions riches et pauvres.

Peu d'Etats européens conduisent une politique analogue. La France présente la caractéristique d'être un territoire relativement vaste dont certaines zones sont sous-peuplées. Seules l'Espagne et la Suède partagent de telles caractéristiques et c'est en toute logique que la Suède veille à l'aménagement de ses espaces ruraux, ou des zones sur le cercle polaire. La Grande-Bretagne a mis en place une agence pour l'espace rural. Pour le reste, les Pays-Bas, dont la densité de population est élevée, l'Allemagne ou l'Italie n'utilisent pas ce concept. Dans ces conditions, il apparaît difficile de mettre en avant une politique d'aménagement du territoire au niveau européen, d'autant que la France elle-même s'interroge sur cette politique. La DATAR, instrument de l'action de l'Etat, subit la diminution constante de son budget et doit faire face aux critiques régulières sur l'exécution des contrats de plan par les ministères. L'amé bassins d'emplois la création d'activité et la qualité de la vie". Le Premier ministre, pour sa part, a souhaité "...renouveler les concepts... Nous sommes en train de changer les choses en mettant la région au coeur de notre architecture" (6)

Le concept d'aménagement du territoire demeure, mais il sera prochainement redéfini. Les pistes proposées par le gouvernement et la DATAR concernent :

la cohérence de l'action des pouvoirs publics : face à la multiplication des structures intercommunales, il importe de clarifier les rôles respectifs de l'Etat, des régions et des départements, et de lier leur action à la politique européenne ;

- le développement des territoires les plus fragiles : qu'il s'agisse des zones industrielles en crise ou des zones rurales en voie de désertification, la politique d'aménagement du territoire doit permettre, grâce à la péréquation des ressources, le relèvement des territoires en retard de développement. Cet objectif doit accompagner la politique de cohésion territoriale de l'Union européenne, dans la mesure où elle n'a pas atténué les disparités régionales au sein d'un même pays ;

- le maintien des pôles d'excellence : le développement de régions qui accueillent des activités à haute valeur ajoutée est une condition du maintien des positions de la France dans le monde. Cette politique concerne outre l'aménagement du territoire l'ensemble des actions (éducation, formation professionnelle, fiscalité, réseaux de communication) qui concourent à l'attractivité d'un pays.

2. Le schéma de développement de l'espace communautaire ou la tentative avortée d'émergence d'une doctrine européenne

a) Un débat ancien

Le débat sur l'aménagement du territoire à l'échelle communautaire est relativement ancien, puisqu'il date de 1989. Même si le concept est essentiellement français, les Etats membres ont ressenti le besoin de développer une stratégie de coordination des activités qui jouent sur l'utilisation de l'espace européen. C'est dans ce contexte que les ministres chargés de l'aménagement du territoire ont pris la décision, en novembre 1993, d'élaborer un schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC).

Les Etats membres et la Commission ont établi un premier projet de SDEC, présenté aux ministres de l'aménagement du territoire en juin 1997 à Noordwijk, sous la présidence néerlandaise. Après avoir approuvé le document comme base de discussion, les ministres ont décidé d'associer le maximum d'acteurs administratifs, économiques et sociaux pour affiner ce document. La version finale du SDEC a été approuv&ea devaient pas être recherchés séparément, mais ensemble en tenant compte de leurs interactions, afin d'éviter que les décisions prises à partir de logiques divergentes n'aient des effets qui auraient pu s'avérer contradictoires.

Le SDEC a identifié une série d'options organisées autour de quelques concepts : équilibre des systèmes urbains et relations ville-campagne, accès aux infrastructures et aux connaissances, protection du patrimoine naturel et culturel, qui constituaient autant de politiques transversales, alors que la politique régionale communautaire était essentiellement une politique de territoires.

b) Une tentative de doctrine restée lettre morte

Le SDEC partait du principe que les politiques sectorielles n'avaient pas d'objectif territorial, mais qu'elles exerçaient néanmoins un impact sur les territoires. Ainsi, le soutien aux revenus par le biais de la politique agricole commune maintient le pouvoir d'achat dans les zones rurales et fixe les populations agricoles.

La Commission européenne a mis par ailleurs en avant l'étroite corrélation entre les politiques communautaires, l'objectif de cohésion et l'aménagement du territoire. Ainsi a-t-on assisté au sein des politiques communautaires, à des démarches autres que sectorielles et recherchant des liens avec d'autres disciplines.

Le SDEC est toutefois resté lettre morte, en raison de la volonté même des Etats membres. Les ministres chargés de l'aménagement du territoire avaient décidé qu'il n'aurait pas de valeur normative. Le texte du SDEC lui-même précisait : "il est clair que la démarche ne peut revêtir qu'un caractère indicatif, et non pas impératif. Néanmoins, il est attendu d'elle qu'elle conduise à des résultats tangibles pour le territoire européen et qu'elle soit un stimulant pour l'action".

On ne saurait trouver meilleure expression pour qualifier une action politique et administrative vouée dès le départ à l'inutilité. Les Etats membres n'avaient aucune expérience commune de l'aménagement du territoire et ne pouvaient en conséquence dégager la moindre volonté politique. Le seul intérêt du travail de la Commission réside en ce que le SDEC a constitué un outil de réflexion pour l'avenir de la politique régionale.

B. LES PERSPECTIVES D'UNE NOUVELLE POLITIQUE REGIONALE

La mise en place d'une nouvelle politique régionale européenne est actuellement à l'étude. Il s'agit de rénover les outils de l'intervention communautaire et de tenir compte de l'élargissement de l'Union.

L'élargissement de l'Europe à vingt-cinq Etats membres représente un défi sans précédent pour la compétitivité et la cohésion interne de l'Union européenne. Plusieurs élé résideront dans les régions des Etats membres actuels, alors que les six autres seront des ressortissants des pays candidats.

- une situation de l'emploi moins favorable : trois millions d'emplois devront être créés pour aligner le niveau moyen d'emploi dans les nouveaux Etats membres sur celui de l'Union européenne, en raison de la tendance au déclin du taux d'emploi et d'un taux de chômage de longue durée et des jeunes plus élevé. Dans l'Union élargie, des écarts considérables persisteront en matière d'emploi, notamment en fonction de l'âge, du sexe et du niveau de qualification.

1. La prise en compte de nouvelles disparités

Les disparités au sein de l'Union européenne à vingt-cinq sont résumées dans les tableaux ci-après. Si les régions les plus riches se situent en Europe occidentale, les régions les plus pauvres sont à une écrasante proportion dans les nouveaux pays adhérents.

Les 15 régions les plus riches d'Europe

Région

Pays

PIB/habitant

(indice 100 pour l'UE

à 25)

Population

(en millions d'habitants)

Londres

Grande-Bretagne

266,1

2,824

Bruxelles

Belgique

239,9

0,961

Luxembourg (Grand-Duché)

Luxembourg

215,3

0,441

Hambourg

Allemagne

200,1

1,710

Ile-de-France

France

174,5

11,001

Vienne

Autriche

173,1

1,608

Haute-Bavière

Allemagne

170,2

4,055

Darmstadt

Allemagne

164,0

3,727

Stockholm

Suède

162,1

1,820

Uusimaa

Finlande

157,8

1,386

Brême

Allemagne

157,5

0,661

Utrecht

Pays-Bas

154,7

1,112

Âland

Finlande

153,4

0,025

Trentin Haut-Adige

Italie

150,2

0,941

Lombardie

Italie

148,3

9,108

Stuttgart

Allemagne

147,9

3,926

Source : Commission européenne

Les 15 régions les plus pauvres d'Europe

Région

Pays

PIB/habitant

(indice 100 pour l'UE

à 25)

Population

(en millions d'habitants)

Lubelskie

Pologne

29,4

2,233

Podkarpackie

Pologne

30,5

2,127

Podlaskie

Pologne

31,8

1,222

Warminsko-Mazurskie

Pologne

31,9

1,466

Swietokrzyskie

Pologne

33,5

1,323

Latvija

Lithuanie

34,0

2,373

Észak-Alföld

Hongrie

34,7

1,547

Észak-Magyarország

Hongrie

35,4

1,289

Opolskie

Pologne

36,6

1,086

Lódzkie

Pologne

38,0

2,647

Malopolskie

Pologne

38,2

3,226

Kujawsko-Pomorskie

Pologne

38,4

2,101

Lubuskie

Pologne

38,4

1,023

Východné Slovensko

Slovaquie

39,1

1,552

Lietuva

Lettonie

39,3

3,506

Source : Commission européenne

A titre de comparaison, la région la plus pauvre de l'Europe des Quinze - Ipeiros en Grèce - atteint l'indice 53. L'île de La Réunion, la Guyane et la Guadeloupe sont respectivement aux indices 55,6, 59,2 et 63,5. Aucune région de France métropolitaine ne se situe sous l'indice 75.

A une exception, les taux d'emploi correspondent à la même logique géographique.

Régions les moins affectées par le chômage (2001)

Région

Pays

Taux de chômage

en %

Nombre de chômeurs

en milliers

Population totale en 2000

en millions

Utrecht

Pays-Bas

1,2

7

1,113

Âland

Finlande

1,3

0

0,026

Berkshire, Bucks et Oxfordshire

Grande-Bretagne

1,6

19

2,126

Flevoland

Pays-Bas

1,9

3

0,323

Noord-Holland

Pays-Bas

2,0

27

2,526

Surrey, East et West Sussex

Grande-Bretagne

2,0

26

2,604

Közép-Magyarország

Hongrie

2,0

25

2,891

Noord-Brabant

Pays-Bas

2,0

25

2,365

Zuid-Holland

Pays-Bas

2,1

37

3,409

Oberösterreich

Autriche

2,1

14

1,380

Gelderland

Pays-Bas

2,2

22

1,926

Açores

Portugal

2,2

2

0,239

Bedfordshire, Hertfordshire

Grande-Bretagne

2,3

20

1,612

Zeeland

Pays-Bas

2,3

4

0,373

Centro

Portugal

2,4

24

1,773

Source : Eurostat

En revanche, les taux de chômage sont en moyenne plus importants dans les départements d'outre-mer et en Europe du Sud.

Régions les plus affectées par le chômage (2001)

Région

Pays

Taux de chômage

en %

Nombre de chômeurs

en milliers

Population totale en 2000

en millions

La Réunion

France

33,3

91

0,722

Guadeloupe

France

29

48

0,428

Martinique

France

26,3

41

0,385

Calabre

Italie

24,8

185

2,040

Dolnoslaskie

Pologne

24,1

290

2,975

Východné Slovensko

Slovaquie

23,9

172

1,552

Lubuskie

Pologne

23,6

114

1,024

Campanie

Italie

22,4

461

5,774

Andalousie

Espagne

22,3

642

7,238

Warminsko-Mazurskie

Pologne

22,3

142

1,466

Estramadoure

Espagne

22,1

97

1,074

Ceuta et Melilla

Espagne

21,9

12

0,140

Kujawsko-Pomorskie

Pologne

21,8

220

2,101

Zachodniopomorskie

Pologne

21,5

157

1,733

Stredné Slovensko

Pologne

21,1

137

1,356

Source : Eurostat

2. Les réflexions sur la future politique régionale

La Commission européenne conduit depuis plusieurs années, conjointement avec les Etats membres, une réflexion sur la future politique régionale.

a) Les interventions dans les régions les moins développées

Le dernier rapport d'étape de la Commission européenne (janvier 2003) a pris acte de l'accroissement des disparités régionales au sein de l'Union européenne élargie. La cohésion économique et sociale et l'éligibilité des nouveaux pays à la monnaie unique dépendant entre autres facteurs du relèvement économique des régions les moins développées.

Si la majeure partie de ces régions se trouve désormais en Europe centrale et orientale, les Etats membres se sont accordés sur la nécessité de mettre en place un dispositif en faveur des régions ultrapériphériques et des régions actuellement éligibles à l'objectif 1. Ces dernières n'ont pas encore achevé leur processus de convergence économique, mais la diminution du PIB par habitant dans l'Union élargie leur ferait perdre leur éligibilité (à l'exception des départements d'outre-mer). En se fondant sur les statistiques de l'année 2000, dix-huit régions, rassemblant 21 millions d'habitants, se trouvent dans cette situation.

Le maintien d'une aide communautaire en faveur de ces régions semble un principe acquis, même s'il est envisagé qu'elle prenne une forme dégressive qui reste à déterminer.

b) Les interventions dans les autres régions

On rappellera qu'un tiers des fonds structurels a été alloué aux régions non éligibles à l'objectif 1 au cours de la période allant de 2000 à 2006. Les questions de compétitivité, de dynamisme économique, de restructuration économique et sociale concernent l'ensemble des Etats membres. L'hétérogénéité des situations rend cependant nécessaire une redéfinition des interventions communautaires en fonction des objectifs proclamés au Conseil européen de Lisbonne d'une économie plus concurrentielle, plus dynamique et créatrice d'emplois plus nombreux et plus qualifiés.

Plusieurs Etats membres ont rappelé que les régions ne disposaient pas des mêmes armes pour atteindre cet objectif. Infrastructures de transport, zones urbaines en difficultés, zones sujettes à des handicaps naturels sont autant de facteurs qui exigent que l'Union européenne modifie ses axes prioritaires style="text-align: justify">a) Une perte financière certaine

De 1994 à 2006, la France aura reçu 28,5 milliards d'euros (186,67 milliards de francs) de l'Union européenne. Cette masse financière aura grandement contribué à la réalisation d'infrastructures et d'opérations de formation professionnelle. La métropole (hors Corse) aura perçu les deux tiers de cette dotation, les départements d'outre-mer et la Corse se réservant le tiers restant.

Les négociations pour les prochaines perspectives budgétaires pluriannuelles (2007-2013) sont en cours actuellement. D'après les informations recueillies par votre Délégation auprès de la Commission européenne, le maintien des aides en faveur des départements d'outre-mer est acquis, tandis que la création d'une assistance financière aux grandes îles de la Méditerranée est à l'étude.

Reste le cas de la métropole. Compte tenu du principe politique décidé au Conseil européen de Berlin, consistant à concentrer les aides structurelles sur l'Europe de l'Est, aucune région française ne recevrait d'aide structurelles après 2006. Conscient d'un risque de césure pour les investissements sur notre territoire, le gouvernement négocie avec la Commission le maintien d'une forme d'aide pour des zones qui connaîtraient des formes particulières de fragilité économique et sociale. La dotation dont disposerait la métropole entre 2007 et 2013 oscillera vraisemblablement entre 0 (hypothèse la plus pessimiste) et un peu plus de 1,5 milliards d'euros. Ces chiffres sont évidemment sujets à modification tant que la négociation se poursuivra. Pour l'heure, les hypothèses optimistes induisent une perte de trois quarts de fonds structurels en métropole pour le prochain exercice budgétaire.

b) PAC contre fonds structurels ?

La renégociation de l'enveloppe structurelle éventuellement allouée à la métropole prend place dans un contexte plus vaste. Obligés par le pacte de stabilité à limiter leurs déficits publics, les Etats membres ne souhaitent pas augmenter à l'envi leur quote-part au budget communautaire, notamment les Etats qui sont contributeurs nets (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Finlande, mais également la France). Pour l'Allemagne, ce point est crucial.

Or la France est le premier pays bénéficiaire des dépenses de politique agricole commune (PAC) et (hors pays du Fonds de cohésion) le second bénéficiaire des politiques structurelles. La position de notre pays sur la PAC a été rappelée à plusieurs reprises par M. le  Président de la République et par M. le ministre de l'Agriculture. Certains Etats européens tenteront à l'évidence de faire un marchandage entre la PAC et l'aide structurelle octroyée à la France. Il y a là un risque patent pour notre pays, alors que ces deux politiques n'ont ni la même logique, ni les mêmes objectifs.

- promouvoir la cohésion territoriale de l'Europe en développant la coopération transfrontalière. La France souhaite notamment la définition de cadres communautaires permettant la conduite de programmes transfrontaliers qui ne seraient pas entravés par des difficultés administratives.

La France observe par ailleurs que le développement et l'élargissement de l'Union s'accompagnent d'une très forte croissance des échanges. Cette dernière emporte la question des infrastructures et de la protection de l'environnement. Afin d'y répondre, il sera nécessaire de définir une nouvelle approche des instruments financiers communautaires lorsque l'élargissement imposera la révision du schéma des réseaux transeuropéens.

CONCLUSIONS

Bien que le bilan des fonds structurels depuis 1994 soit difficile à évaluer, en raison d'un manque d'instruments d'analyse, la plupart des personnalités entendues par l'ensemble de votre Délégation ou par vos Rapporteurs s'accordent sur trois points :

- Les aides structurelles ont eu peu d'effets sur le PIB national ou les PIB régionaux. Elles ont en revanche constitué un levier pour des investissements ;

- ces aides n'ont pas eu "d'effet structurant" sur l'aménagement du territoire. L'écrasante majorité des projets mobilisait des crédits inférieurs à 23 000 euros. Sans doute est-ce parce que les facteurs permettant cet effet relèvent de politiques nationales comme les investissements en faveur des transports ou des télécommunications ;

- les aides se sont concentrées sur de petits projets, souvent en complément des contrats de plan ou pour compenser le manque d'investissements nationaux. L'effet de levier est indéniable dans nombre de cantons. Dans un souci d'égalité des territoires les gouvernements successifs ont essayé de répartir les fonds sur l'ensemble des espaces éligibles, recourant à un zonage qui a bénéficié aux territoires ruraux, mais dont les critères de sélection ont parfois relevé de l'arbitraire.

L'enveloppe financière réduite dont disposera notre pays obligera le gouvernement à déterminer l'utilisation de la prochaine génération de fonds selon des critères précis. La Commission européenne a déjà indiqué qu'elle souhaitait simplifier la gestion des fonds en les limitant à deux ou trois instruments (hors objectif 1). Les objectifs 2 et 3 pourraient ainsi faire l'objet d'une fusion.

La réforme prévisible des instruments communautaires emportera inévitablement une réforme similaire des objectifs d'aménagement du territoire en France. Notre pays ne pourra conduire à la fois des politiques de for territorialité, même si la diminution des fonds obligera l'Etat à une sélectivité accrue.

- La répartition des aides entre espaces rural et urbain est une question intrinsèquement liée au zonage, mais elle pose également celle de la priorité desdites aides. L'octroi d'aides financières à des quartiers en difficulté se justifie sans nul doute, mais une telle politique accentue à terme la concentration urbaine, alors que l'aménagement du territoire vise à éviter les déséquilibres entre les villes et les campagnes. En outre, communes urbaines et agglomérations disposent le plus souvent d'une base fiscale suffisante pour assurer une péréquation au niveau desdites agglomérations, cette péréquation étant la base de la solidarité interurbaine.

L'espace rural ne bénéficie guère de dispositifs spécifiques. La faiblesse démographique induit l'étroitesse des bases fiscales. Certains facteurs comme l'insularité ou le caractère montagneux du relief accentuent la fragilité de cet espace. La concentration urbaine a pour corollaire la désertification de territoires. Alors que les pouvoirs publics évoquent les réseaux de villes européennes, les investissements en internet à haut débit, des cantons, voire des départements ne disposent pas de réseau routier digne de ce nom, d'accès ferroviaire, d'aérodrome. Or le dernier recensement a clairement démontré le lien entre croissance de la population et voies de communication.

Pour redynamiser l'espace rural, l'Etat doit dégager des critères objectifs et facilement identifiables : la densité de population, le déclin démographique, la faiblesse des bases fiscales, le rapport entre actifs et inactifs, le caractère montagneux ou insulaire du territoire. Ces critères induisent donc la répartition des aides selon le principe de territorialité, en partant de l'hypothèse que lesdites aides auront un effet de levier en zone rurale.

A ce jour, le gouvernement n'a pas pris de position nette en ce domaine. Son mémorandum indique que les actions structurelles ne doivent pas être entravées par les effets pervers d'un zonage a priori, mais le document fait également allusion au développement dans les zones de faible densité et à la complémentarité entre développement rural et politique de cohésion.

Votre Délégation considère qu'au moment où la décentralisation va être relancée, aménager le territoire signifie un développement équilibré de l'ensemble des régions françaises et non la concentration des moyens sur quelques métropoles. Les instruments financiers d'aménagement des villes existent déjà. Ils permettent à la solidarité de proximité de s'exprimer grâce à la péréquation entre villes d'une même agglomération. Les financements nationaux et européens existent également pour les infrastructures de transport, qui ont de fortes conséquences sur la localisation des populations et des activités. Certaines zones rurales dépendent en revanche d'inves Rapporteurs, M. Emile Blessig, président, constatant la diminution du PIB par habitant en Guyane et en Guadeloupe, a demandé des explications sur cette tendance.

M. Joël Beaugendre, rapporteur, a souligné que la Guadeloupe constituait un archipel éclaté et que l'immigration clandestine était particulièrement importante dans la partie française de l'île de Saint-Martin. Il en est de même en Guyane qui souffre de l'immigration en provenance du Surinam et du Brésil.

M. Jean-Claude Lemoine a insisté sur les contraintes liées au fonctionnement de l'administration en France, qui s'ajoutent aux contraintes communautaires.

M. Joël Beaugendre, rapporteur, a rappelé que les préfectures en outre-mer ne disposaient pas de personnels en nombre suffisant pour gérer les fonds structurels.

M. Emile Blessig, président, s'est inquiété de la sous-consommation des crédits structurels en outre-mer et a fait part de ses craintes d'un dégagement d'office pour 2003.

M. Joël Beaugendre, rapporteur, s'est félicité d'un récent changement de cap qui a permis la sensibilisation des exécutifs locaux à une bonne consommation des fonds et qui a simplifié considérablement les procédures.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a déclaré souscrire aux conclusions des rapporteurs mais a jugé que l'élargissement de l'Union européenne allait accroître les échanges commerciaux entre Etats membres. Il est crucial que l'Union européenne investisse à la fois en infrastructures et en actions protectrices de l'environnement, surtout en Europe orientale. Par ailleurs, il serait inquiétant que les fonds structurels servent de variable d'ajustement au maintien de la politique agricole commune.

M. André Chassaigne a marqué son accord avec les conclusions du rapport, notamment sur la problématique de l'avenir du monde rural. Toutefois, il a jugé que des critères trop précis risquaient d'exclure certains territoires. Or il ne faut jamais considérer que des territoires sont perdus et il faut plutôt prendre en compte leur renouveau. Les enjeux d'une réforme de la politique agricole commune sont également considérables et il faut se garder d'opposer le développement du monde rural et les modes de productions agricoles. L'aménagement du territoire va de pair avec le maintien de l'activité agricole productive.

M. Jacques Le Nay a déclaré partager avec M. Folliot les conclusions sur la solidarité interurbaine. Il a jugé que la plupart des agglomérations permettaient que villes riches et villes pauvres se côtoient alors que le monde rural consistait souvent en une addition de zones pauvres. Il a regretté que le gouvernement ne s'engage pas plus avant dans la création de zones franches rurales.

M. Jean-Claude Lemoine a estimé que le monde rural vivrait tant que bien décliner une solidarité infrarégionale, comme celle que l'on constate entre communes d'une même agglomération, à condition d'opérer les péréquations nécessaires, dont on parle beaucoup mais qui ne sont jamais mises en application. Par ailleurs, la diminution drastique des enveloppes consacrées aux objectifs 2 et 3 contraindra l'Etat à redéfinir sa stratégie sur le territoire français. Si l'on conserve le zonage tel qu'il est appliqué actuellement, les territoires ruraux risquent en fait de manquer de stratégie de développement. Enfin, il sera nécessaire à l'Union européenne de développer sa politique de réseaux d'échange, qu'il s'agisse des infrastructures de transport ou des technologies de l'information.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a rappelé que le dernier recensement démographique avait clairement montré le rôle des infrastructures pour l'attractivité des territoires et leur essor démographique.

M. Philippe Folliot, rapporteur, a marqué son accord avec Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont mais il a également souligné l'importance d'un maillage infrarégional. Il a considéré que la plupart des richesses se concentraient vers les villes et leurs premières couronnes et que les zones à faible densité de population devraient recevoir en priorité les aides structurelles.

La Délégation a ensuite autorisé la publication du rapport relatif aux conséquences des politiques européennes sur l'aménagement du territoire.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES

PAR LA DÉLÉGATION

24 octobre 2002 :

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (audition conjointe avec la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne).

11 décembre 2002 :

- M. Jean-Pierre Jochum, inspecteur des finances, président de la Commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les opérations cofinancées par les fonds structurels européens,

et M. Alain Larangé, inspecteur général de l'administration.

15 janvier 2003 :

- M. Patrice Magnier, conseiller d'Etat, président de l'instance d'évaluation des fonds structurels européens et des politiques régionales et M. Denis Besnainou, rapporteur général de cette instance.

28 janvier 2003 :

- Mme Juliana Rimane, députée de Guyane et M. Bertho Audifax, député de La Réunion.

29 janvier 2003 :

- M. Jean Bassères, directeur de la comptabilité publique.

12 février 2003 :

- M. Nicolas Jacquet, délégué général de la DATAR.

26 février 2003 :

- M. Paul Natali, sénateur de Haute-Corse et M. Simon Renucci, député de Corse du Sud.

27 février 2003 (7)

- M. Michel Barnier, commissaire européen

- M. Jean-Charles Leygues, directeur division A : conception, impact coordination et évaluation

- M. Graham Meadows, directeur direction E : interventions en France, Grèce et Italie

- M. Bernard Lange, chef d'unité E3 Unité France

- M. Anastassios Bougas (Chef d'Unité A3 Coordination de l'évaluation).

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES

PAR LES RAPPORTEURS

12 décembre 2002 :

- M. Pascal Brice, sous-directeur au ministère des Affaires étrangères chargé des affaires communautaires internes et M.  Alexandre Giorgini, direction de la coopération européenne.

18 décembre 2002 :

- M. Jean-Jacques François, trésorier payeur général, agent central comptable du trésor, M. Philippe Leroy, chef des services du trésor public, Mme Claudette Rigal, trésorier principal, chargée des relations avec l'Union européenne et Mme Stéphanie Sainson, chargée de mission, Agence comptable centrale du trésor.

13 janvier 2003 :

- M. Stéphane Catta, conseiller technique au cabinet de Mme la ministre de l'outre-mer et M. Joseph Monlouis, chef du département des affaires européennes au ministère de l'outre-mer.

22 janvier 2003 :

- M. Gérard Belorgey, Fédération des entreprises des départements d'outre-mer.

18 février 2003 :

- Mme Martine Cambon-Fallières, chargée de mission à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et M. Hubert Patringue, responsable du pôle animation du Fonds social européen (ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité).

5 mars 2003 :

- M. Camille de Rocca-Serra, député de Corse-du-Sud

La Délégation a en outre bénéficié des réflexions, transmises par courrier, de M. Alfred Almont, député de la Martinique, de M. Paul Giacobbi, député de Haute-Corse, de M. Victorin Lurel, député de la Guadeloupe, de Mme Anne-Marie Payet, sénatrice de La Réunion, de M. René-Paul Victoria, député de La Réunion et de M. Claude Olivesi, conseiller général de Haute-Corse.

AUDITIONS

Audition conjointe avec la Délégation pour l'Union européenne de
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur l'amélioration de la gestion des fonds structurels européens

Réunion du mercredi 24 octobre 2002

Présidence de M. Emile Blessig, Président

et de M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne

M. Pierre Lequiller, président, a souligné l'intérêt de réunions tenues conjointement par la Délégation avec les autres commissions et délégations de l'Assemblée, et a précisé qu'il s'agissait de la première réunion commune avec la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Il a estimé qu'il était important de faire le point sur l'organisation et le fonctionnement des fonds structurels européens. Beaucoup d'idées fausses circulent à propos du fonctionnement de ces fonds, notamment celle selon laquelle la responsabilité des difficultés rencontrées incombe à la Commission européenne, alors qu'en réalité ce sont souvent les Etats membres eux-mêmes qui sont responsables des dysfonctionnements constatés. Il a salué les initiatives prises très rapidement par le gouvernement dans ce domaine, pour rendre l'utilisation des fonds structurels plus simple et plus rapide et éviter une pénalisation financière de la France. Il a souhaité que l'apport des fonds structurels européens au développement régional soit davantage mis en valeur auprès des citoyens, comme c'est le cas en Espagne ou au Portugal.

M. Emile Blessig, président, a souligné l'intérêt de réunions communes entre les différentes commissions et délégations de l'Assemblée. Il a indiqué que la délégation qu'il préside avait, dès le début de ses travaux, posé le problème de la sous-consommation chronique des fonds structurels européens par la France. Il a noté que le gouvernement s'était attaqué très vite à cette question. Il a par ailleurs souhaité que soient abordées les conséquences de l'élargissement pour les fonds structurels et l'aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a considéré que l'utilisation des fonds structurels constituait un sujet essentiel, souvent sous-évalué. Il a souligné l'importance du rôle joué par les fonds structurels pour le développement régional, mettant en exergue leur effet de rattrapage économique, dont notamment l'Espagne, le Portugal et l'Irlande ont bénéficié au cours de la décennie 1988-1998, et les conséquences majeures des fonds structurels pour la cohésion économique et sociale de l'Europe. Il a précisé que le gouvernement avait souhaité que soit maintenue au niveau européen la r publiques, du fait de la règle de la contrepartie nationale aux fonds européens. Il a rappelé que le gouvernement avait, dès la fin juillet, pris un ensemble de mesures destinées à simplifier les procédures et à raccourcir les délais, parmi lesquelles : la suppression des conventions en-dessous d'un certain seuil, une procédure d'examen global des dossiers lorsque plusieurs projets sont liés, la déconcentration plus rapide des crédits au niveau des préfets de région sous la forme de fonds de concours locaux, la mise en concurrence du Trésor public avec d'autres structures, dont la Caisse des dépôts et consignations. Il a estimé que les administrations concernées avaient réagi rapidement et positivement à ces mesures. Il a indiqué que le champ d'utilisation des fonds structurels avait été étendu à certains domaines essentiels pour le développement régional - comme la téléphonie mobile - et que le gouvernement avait en outre obtenu de la Commission européenne une révision immédiate des documents de programmation (DOCUP), à condition que cette modification ne remette pas en cause l'économie générale des projets.

Dans les régions, un dispositif d'animation a été mis en place. Les SGAR (Secrétariats généraux pour les affaires régionales) peuvent désormais mobiliser les fonds par eux-mêmes et mettent en place avec l'aide du partenariat régional l'ingénierie administrative aux auteurs de projets. Sans ces relais, les projets ne peuvent en effet se dérouler convenablement. Sur le plan national, la DATAR a formé un autre dispositif d'animation qui vient en appui des dispositifs régionaux.

Il s'est félicité de ce que le décret de décembre 1999 soit en cours de révision, de façon à ce que les subventions d'Etat puissent bientôt être versées alors même que les travaux auraient déjà été engagés. La modification devrait être adoptée avant la fin de l'année.

M. Jean-Paul Delevoye a rappelé que, dès maintenant, les services devaient se concentrer davantage sur l'ingénierie des projets, soulignant que les collectivités territoriales devaient être mieux associées à ces derniers. Dans l'immédiat, les taux de cofinancement communautaire avaient été portés à leur maximum, soit 50 % en métropole pour les zones d'Objectif 2, et même 75 % pour l'Objectif 1 dans les départements d'outre-mer.

Il a mentionné ensuite l'expérience en cours en Alsace, où la gestion des programmes a été transférée à la région. Il a subordonné l'extension du dispositif aux conclusions qui pourraient être tirées de cette première expérience. Il a indiqué qu'un tableau des régions avait été dressé, où les résultats de chacune étaient régulièrement mis à jour.

Le ministre s'est réjoui que les taux de programmation des crédits soient ainsi passés en quatre mois de 15 à 19 %, même si cela est encore insuffisant. Il a annoncé l'existence d'un mémorandum français qui se déclare favorable à leur reconduction. Nombre des Etats membres aujourd'hui y émettent pourtant des objections, l'Allemagne ne comprenant pas l'utilité de passer par les autorités communautaires pour venir en aide à ses provinces orientales, tandis que les pays du Nord saisissent mal la raison d'être même desdits fonds. En tout état de cause, la France pourrait perdre après 2006 en partie le bénéfice des fonds de l'actuel Objectif 2 du fait de l'entrée des nouveaux Etats membres. Pour l'outre-mer cependant, l'Objectif 1 devrait pouvoir continuer à apporter son aide après 2006.

Le commissaire Michel Barnier est, quant à lui, partisan de reconduire cette politique régionale. Les futurs objectifs seraient encore à débattre et il serait possible d'y inclure la politique urbaine ou la préservation des espaces naturels. Le problème de fond est cependant budgétaire, du fait des dissensions entre bénéficiaires et contributeurs nets.

Le ministre a abordé quelques points particuliers : le programme Leader +, le programme Interreg et le récent Fonds de solidarité aux sinistrés des catastrophes naturelles.

Il apparaît aujourd'hui que le programme Leader + aura mis trois ans pour se mettre en marche, tout comme le précédent programme de ce nom.

Le programme Interreg est peut-être plus difficile encore à mettre en place, du fait de règles compliquées de mobilisation des fonds. À cet égard, la DATAR réfléchit en ce moment à la coopération transfrontalière. Le ministre a cité les exemples des migrations de personnel hospitalier, du grand nombre de travailleurs frontaliers lorrains au Luxembourg, des besoins ressentis aussi dans la région belgo-lilloise. Le ministre a souligné que, dans tous ces points, la dynamique du territoire dépassait les frontières.

Le gouvernement espère que le fonds de solidarité récemment créé permettra d'indemniser les sinistrés du Gard.

Revenant ensuite à l'exemple alsacien, il a nettement signifié que les transferts du paiement et de la gestion devaient aller de pair avec un transfert de responsabilité juridique. Aujourd'hui encore, seul l'Etat peut être, du point de vue européen, incriminé en cas de paiements indus. À l'avenir, ce devrait être aux régions, si elles deviennent autorités de gestion, de rembourser les aides irrégulièrement versées.

Le ministre a ainsi attiré l'attention sur le fait qu'une délégation totale emportait de lourdes responsabilités, et qu'elle était peut-être susceptible elle aussi d'alourdir la procédure et d'allonger les délais. Aussi s'est-il déclaré plutôt partisan d'un partenariat plus efficace entre préfets et présidents de région, fût-ce sous une forme informelle.

M. Nicolas Jacquet, délég internet et d'un réseau intranet.

M. Pierre Lequiller, président, a félicité le ministre pour son action, qui a permis d'augmenter en quelques mois le taux de programmation des crédits. Il l'a interrogé sur le fait de savoir si la bonne utilisation des fonds structurels par l'Allemagne était due à son organisation régionalisée autour des Länder. Constatant par ailleurs de nettes différences dans le taux d'utilisation des crédits selon les régions - qui est bon dans des régions comme l'Auvergne ou la Bourgogne, mais mauvais pour le Nord-Pas-de-Calais, selon des éléments chiffrés distribués aux députés -, il lui a demandé à quoi elles tenaient.

M. Marc Laffineur s'est enquis de savoir s'il était vrai que pour bénéficier de fonds structurels, il était nécessaire de passer un contrat avec l'Etat ou la région, alors même que cette contrainte est une source de blocage. S'agissant de la période postérieure à 2006, il a indiqué qu'il voyait mal comment on pouvait s'opposer à la reconduction des fonds structurels, au regard à la fois de ses effets positifs - notamment dans des pays comme l'Irlande ou le Portugal - et des besoins des futurs Etats membres. En effet, comment, sans ces fonds, aider ces Etats dans le cadre de l'élargissement ?

M. Edouard Landrain a posé la question du bien-fondé du mode de financement actuel. Il s'est étonné que, dans un même pays, certaines zones soient éligibles et d'autres pas. Ne faudrait-il pas davantage se déterminer, pour l'attribution des crédits, en fonction de l'utilité des projets plutôt que de zones déterminées, dont les limites présentent une inévitable part d'arbitraire ?

En réponse à ces interventions, M. Jean-Paul Delevoye a apporté les éléments de réponse suivants :

- la bonne utilisation des fonds structurels dépend moins des acteurs choisis que des procédures retenues : si les régions françaises avaient été soumises aux mêmes règles que les Länder allemands, elles auraient sans doute enregistré les mêmes résultats ; la rapidité avec laquelle l'Allemagne a réagi face aux problèmes provoqués par les inondations atteste son efficacité en la matière. Il faut donc alléger les procédures applicables en France et passer d'une culture du soupçon à une culture de la confiance - autrement dit faire confiance aux préfets pour l'utilisation des fonds et apprécier leur action en fonction des résultats obtenus ;

- les différences de performance selon les régions dépendent de l'importance des projets réalisés. Il convient de rappeler à cet égard combien la fin 2003 sera une échéance capitale : si la France n'a pas exécuté 15 % de ses crédits d'ici là, elle perdra une partie des fonds qui lui sont réservés. Si on veut éviter cela, il est nécessaire que les décisions relatives à ces projets soient bénéficier à l'ensemble de l'espace européen : les besoins en matière de revalorisation des espaces urbains le montrent notamment. Cependant, si la France n'avait pas bien utilisé ses crédits, il lui serait plus difficile de défendre cette position. Cela doit nous conduire à une attention particulière à l'égard des régions d'outre-mer, qui peuvent connaître des problèmes de financement ;

- le financement des projets repose sur l'idée d'une responsabilité partagée. Mais ce qui importe surtout est l'effet de levier provoqué par l'injection des fonds. Quand on regarde l'évolution du PIB par habitant concernant les zones d'Objectif 1 au cours de la dernière période d'exécution, on constate par exemple que l'Espagne est passée de 62 à 67 % du PIB moyen communautaire, l'Irlande de 64 à 108 % et la France de 49 à 56 %. Certes, les fonds structurels ne constituent pas le seul moteur de cette évolution - il faut aussi prendre en compte l'environnement réglementaire ou fiscal notamment -, mais ils peuvent jouer un rôle déterminant. Par ailleurs, on peut mesurer ces effets à l'aune de différents critères : la création d'emploi, mais aussi le supplément de valeur ajoutée ou la croissance du PIB ;

- la définition des zones éligibles ne peut être remise en cause pour l'instant, car elle est déterminée par un accord entre les Quinze. Cependant, cette question appelle sans doute une réflexion, voire une réforme à l'avenir, tant les règles relatives au zonage constituent aujourd'hui une source inutile de confusion ;

- le pays doit être un espace de projet porté par une structure juridique souple et non un espace d'exécution. Par ailleurs, il faut éviter que cet échelon ne soit instrumentalisé à des fins de pouvoir par le département et la région. D'une manière générale, l'attitude des administrations et des élus les conduit à analyser les enjeux des projets en termes de répartition du pouvoir et non sous l'angle de la pertinence de l'action envisagée. Cette attitude très humaine inspire aussi la façon dont est perçue la règle du cofinancement. Il est donc nécessaire, comme le montre l'exemple des régions italiennes, de désigner une administration chef de file, qui engage toutes les administrations de l'Etat, et permet ainsi d'éviter au porteur d'un projet d'engager un parcours du combattant auprès de tous les niveaux de collectivité.

M. René André a observé que, dans ce domaine, chaque niveau d'administration locale voulant préserver ses prérogatives, il était effectivement souhaitable de désigner un chef de file pour la définition et la mise en œuvre des projets. Il a considéré que le département avait parfois tendance à vouloir empêcher le pays d'exister en matière de développement de projets, ce qui l'a conduit à se demander s'il était utile de conserver l'échelon du pays.

M. Emile Blessig, président, a estimé que les propos du ministre et du délégué de la DATAR tendaie de péréquation et la capacité de soutenir l'excellence des projets.

M. Jacques Le Nay a déclaré que les propos du ministre sur les conséquences que pouvaient entraîner la sous-exécution des crédits et les réformes nécessaires à engager annonçaient en fait une véritable révolution. Les communes sont ainsi souvent mal placées pour mener à bien des projets en raison notamment des règles qui parfois les empêchent de percevoir des crédits européens lorsqu'elles sont bénéficiaires de certains fonds nationaux. Il a néanmoins estimé possible d'améliorer la gestion des fonds de la politique régionale et souhaité que dans ce but la volonté du ministre puisse se traduire dans les faits. Observant par ailleurs que le ministre n'était pas favorable à la méthode du zonage, il a considéré que l'élargissement, en accentuant les disparités entre régions, rendait nécessaire l'invention de systèmes de péréquation efficaces.

M. Pierre Forgues a émis des doutes sur le résultat qu'obtiendrait le ministre dans sa volonté de substituer une culture de projet à la culture du pouvoir. Il a souligné le paradoxe d'une situation dans laquelle la France souhaite réformer sa pratique administrative alors qu'elle ne bénéficiera plus des fonds structurels après l'élargissement. Il a ensuite posé trois questions au ministre. L'exigence de cofinancement local ou national est-elle imposée par le droit communautaire ? Comment se fait-il qu'un projet de la région Midi-Pyrénées visant à construire une gare multimodale se soit vu refuser par les services de l'Etat l'attribution des fonds européens au motif que la SNCF en était le chef de file ? Qui enfin de l'Etat ou de la collectivité locale doit financer l'animateur d'un projet impliquant l'utilisation des fonds structurels ?

M. Jérôme Lambert a observé que, dans sa circonscription où dix cantons ruraux sont éligibles, à divers titres, aux fonds structurels européens, le problème principal réside dans la faiblesse des structures administratives. La complexité du montage des dossiers n'explique pas tout, il y a également un manque de moyens. Il a donc salué les initiatives annoncées pour accompagner la mise en œuvre des projets. Il a souhaité savoir si la téléphonie mobile pourrait désormais être éligible, ce qui permettrait de développer de nombreux petits projets, et si la règle, autorisant le versement des subventions dès que les travaux ont démarré, ne concernait que les fonds européens.

M. Jean-Paul Delevoye a confirmé que, dans ce dernier cas, tout projet éligible à un financement communautaire pouvait bénéficier de la dérogation.

M. André Chassaigne s'est réjoui de la "révolution culturelle" annoncée par le ministre, en espérant qu'elle aura un retour en milieu rural. Les chiffres concernant l'utilisation des fonds structurels au niveau régional devraient être affinés car, en Auvergne, par exemple, le taux global im justify">M. Didier Quentin a estimé que les fonds structurels européens pourraient être un excellent instrument pour réconcilier l'opinion publique avec l'idée européenne, mais que malheureusement leur gestion était trop opaque.

M. Pierre Lequiller, président, a confirmé le manque de visibilité, en France, des fonds européens, contrairement à ce que l'on peut constater en Espagne où le moindre investissement financé par l'Europe est signalé de manière ostensible.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Delevoye a apporté les précisions suivantes :

- il importe de réintroduire la citoyenneté européenne, qui ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité de développement ;

- dans un monde de plus en plus réactif, il faut réduire le délai entre la prise de décision politique et la réalisation effective ;

- les départements d'outre-mer devraient rester éligibles aux fonds structurels et il serait souhaitable que l'Europe perçoive mieux l'intérêt de ces départements à établir des liens avec les pays qui leur sont périphériques ;

- l'inégalité entre les territoires réside essentiellement dans les différences de moyens administratifs. Une réforme devrait être engagée en la matière, mais les élus locaux doivent comprendre que cela conduira parfois à une déconnexion territoriale entre l'organisation politique et l'organisation administrative ;

- la révolution culturelle dont a parlé M. André Chassaigne est déjà en marche et les messages sont passés, notamment avec la circulaire adressée en août aux préfets de région, même s'il faut continuer à diffuser l'information auprès de certains élus locaux qu'elle n'a pas encore vraiment atteints et aussi s'efforcer de convaincre certains fonctionnaires que ce qu'ils attendaient depuis longtemps est enfin arrivé ;

M. Nicolas Jacquet a indiqué qu'il fallait distinguer l'assistance technique qui touche à l'animation et à la prospection générale de projets et l'ingénierie propre aux projets, Bruxelles ne voulant pas financer l'ingénierie d'un projet sur les crédits de l'assistance technique. Cette position conduit à incorporer les frais d'ingénierie au budget du projet proprement dit, ce qui amène à différer, voire à abandonner, le remboursement de dépenses qui sont engagées tout de suite.

Le taux de consommation de l'assistance technique est faible parce que Bruxelles ne paye jamais l'intégralité de la dépense. Il est souvent difficile pour une petite commune ou une intercommunalité d'apporter 50 % d'un financ défoulement sur le sentiment du quotidien, n'enregistrent pas en 2004 une montée du parti des extrêmes dans une période où les crispations se développent en France et dans les autres Etats membres.

Il a indiqué que le ministère et la DATAR étaient à l'entière disposition des parlementaires en cas de difficultés et qu'un tour de France avait été entrepris pour analyser l'état de la consommation des crédits et les difficultés rencontrées par les acteurs locaux.

L'efficacité de ce partenariat sera la preuve que la révolution culturelle enclenchée pourrait s'étendre à l'administration de l'Etat, en partant des pratiques de bon sens conduisant à appliquer non seulement la loi mais aussi l'esprit de la loi.

M. Pierre Lequiller, président a souligné l'importance et l'intérêt de ce débat et souhaité que tous les parlementaires en prennent connaissance.

Audition de M. Jean-Pierre Jochum, président de la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les opérations cofinancées par les fonds structurels, et de M. Alain Larangé, inspecteur général de l'administration

Réunion du mercredi 11 décembre 2002

Présidence de M. Emile BLESSIG, Président

M. Emile Blessig, président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Jean-Pierre Jochum, président de la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les opérations cofinancées par les fonds structurels européens (CICC), et M. Alain Larangé, inspecteur général de l'administration.

Notre délégation a, dès sa création, été préoccupée par le problème de la sous-consommation des crédits européens et des conséquences qui en résultent, notamment la suppression d'un nombre non négligeable de crédits.

Le nouveau gouvernement a réagi rapidement, notamment en proposant une expérimentation de décentralisation de la gestion de ces fonds. C'est la région Alsace qui, de ce point de vue, est le leader. Plutôt que de nous concentrer uniquement sur cet aspect, il nous semble important d'essayer d'élargir le débat pour déterminer quelle pourraient être les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne sur l'aménagement du territoire, sachant que les fonds structurels européens sont l'un des leviers de nombreux projets dans notre pays.

Il est clair que l'enveloppe sera vraisemblablement réaffectée et que, dans ces conditions, les conséquences pourraient être graves s'agissant des crédits alloués à la France. Il nous est donc apparu nécessaire de faire, le plus en amont possible, le poi définie dans le décret de 1993, mais elle est la suivante : coordonner les contrôles sur les opérations bénéficiant d'un cofinancement par les fonds structurels.

Elle comportait trois sections, une par fonds. Chacune d'elle était présidée par un inspecteur général et composée de l'ensemble des administrations intervenant dans la gestion des fonds structurels : la direction du budget, la direction du ministère de l'intérieur, la DGCM, etc... En pratique, la commission a fonctionné avec quatre inspecteurs généraux issus des ministères de l'intérieur, des affaires sociales et de l'agriculture.

Dès le départ, un accord administratif avait été passé avec la Commission des Communautés européennes sur l'échange des rapports d'audit. Cet accord avait pour objectif principal de donner la même valeur aux rapports établis sous l'égide de la CICC qu'à ceux établis par les auditeurs des Communautés européennes.

En 1997, le règlement numéro 2064-97 a été publié. Il avait pour objet d'améliorer la gestion des fonds structurels qui impose, outre les contrôles nationaux traditionnels, un second niveau de contrôle qui devait porter sur 5 % des opérations - un sondage sur 5 % des masses financières en jeu, exprimés en dépenses - et obéir à deux prescriptions : d'une part, ces opérations de contrôle devaient être représentatives, au sens géographique et temporel, de chaque opération. D'autre part, le programme devait être fondé sur une analyse des risques. Chaque autorité de gestion devait établir sa propre analyse des risques.

Une circulaire du Premier ministre a été publiée en mai 1998. Elle traduisait dans les pratiques administratives un certain nombre de dispositions du règlement de 1997. Elle demandait aux services de réaliser les contrôles sur les 5 % des masses financières, et que les conventions soient établies en bonne et due forme avec les porteurs de projets. Cette circulaire a constitué une sorte de réveil pour les administrations françaises concernées par la gestion des fonds structurels.

A la fin de cette circulaire, il était écrit que la fameuse déclaration de validité instituée par le règlement de 1997 serait confiée à la CICC. Qu'est-ce que la déclaration de validité ? C'est une déclaration aux termes de laquelle l'organe, qui doit être indépendant, se prononce sur l'assurance raisonnable ou non d'une bonne gestion des fonds en France, programme par programme.

A cet égard, la CICC a réfléchi sur ce que pourrait être le contenu et le support de cette déclaration de validité. Nous examinons la fiabilité de ce que nous appelons la piste d'audit - la fiabilité des procédures de gestion -, nous nous assurons du respect de l'obligation des contrôles par sondage sur 5 % des masses financières, de la réalisation quantitative, de la qualité de ces contrôles et de l'effectivité des suites. général des affaires sociales et un inspecteur général de l'agriculture. Les ministères gestionnaires et l'ensemble des fonds sont représentés à la CICC : le FEDER pour le ministère de l'intérieur, le FSE pour les affaires sociales, le FEOGA orientation et l'instrument pêche pour le ministère de l'agriculture.

S'ajoutent à ces quatre inspecteurs généraux deux personnes qualifiées qui sont un préfet de région en retraite et un trésorier payeur général de région, en retraite également. Il a paru intéressant au gouvernement de faire appel à des praticiens en retraite. Chacune de ces six personnes a un suppléant de la même origine. Les douze titulaires et suppléants ont été nommés par un arrêté du Premier ministre en août.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Pouvez-nous nous préciser quels sont les moyens humains et budgétaires dont vous disposez ? Par ailleurs, jugez-vous ces moyens suffisants et nécessaires pour accomplir votre mission ?

M. Jean-Pierre Jochum : Je termine, si vous le permettez, la description de la composition de la CICC. Les décisions de la CICC sont prises collégialement par ses six membres, et le collège exerce les missions prévues par le décret d'avril 2002 que je vous remettrai.

En ce qui concerne les missions d'audit, qui sont de sa compétence, la CICC s'appuie sur les inspections générales qui sont représentées en son sein, rarement sur l'inspection générale des finances. Au sein de chacune de ces inspections générales, une douzaine de personnes tournent sur les missions d'audit. Elles n'y consacrent pas tout leur temps de travail, mais accomplissent un nombre de missions suffisant pour acquérir la compétence nécessaire.

Pour la première fois, dans le rapport annuel, j'ai indiqué le nombre de journées des inspecteurs pour chaque inspection générale, sachant que les jours auditeurs ne sont que les jours sur place. Il convient donc de doubler le nombre de jours pour avoir une approche de la charge de travail réelle des inspections générales - écrire les rapports, recevoir les réponses dans le cadre de la procédure contradictoire et rédiger le rapport définitif. Sur 2001, l'inspection générale de l'administration a consacré 236 journées auditeurs sur place, l'inspection générale des affaires sociales 335, et l'inspection générale de l'agriculture 125.

S'agissant des audits de systèmes, ce sont les inspections générales qui fourniront les moyens. Le décret prévoit d'ailleurs que je dois négocier avec elles une enveloppe de moyens en fonction de nos programmes de contrôle annuels, sachant que s'il y a des incendies, il appartient aux inspections générales d'aller vérifier.

Actuellement, quatre chargés de missions de catégorie A sont mis à disposition par les ministères intéressés - intérieur, affaires sociales, agriculture& être le rôle du staff administratif de la CICC. Pourquoi quatre et non pas cinquante ? Parce que nous considérons que les ministères gestionnaires doivent avoir un rôle de première alerte, de premier pilotage des autorités de gestion. Je craignais, si nous nous retrouvions à cinquante, que plus personne dans l'administration de l'Etat ne s'intéresse à la gestion des fonds européens, alors que nos missions sont très délimitées. Nous sommes là pour définir les principes d'organisation des contrôles, pour coordonner les différents niveaux de contrôle, pour effectuer nous-mêmes des audits de systèmes et pour établir, en fin de période de programmation, une déclaration de validité. Nous ne sommes pas là pour gérer au jour le jour, car nous perdrions notre indépendance.

Je veux que chacun assume ses responsabilités, notamment les ministères gestionnaires - intérieur, affaires sociales et agriculture - qui ont un rôle à jouer en matière d'utilisation du FEDER ou du FSE, la DATAR ayant un rôle de coordination générale, notamment sur les aspects qui ne relèvent pas de l'audit des systèmes et du contrôle de la gestion.

Je n'aurai pas de difficulté avec les inspections générales à obtenir les moyens nécessaires. Il me semble que l'approche programme et les modes de gestion sont plutôt un terrain d'expérience pour les administrations dans la perspective de la mise en place de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Les différents services de contrôle devront apprendre à fonctionner différemment en ayant des approches d'évaluation ou d'audits de systèmes.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Après cette présentation, je voudrais aborder les questions relatives à votre mission.

Quelle est votre analyse de l'exécution de fonds structurels en France, objectif par objectif ? Pouvez-nous nous donner quelques indications sur la problématique spécifique des départements d'outre-mer ? Estimez-vous que les fonds structurels constituent un élément de la politique d'aménagement du territoire ou qu'ils complètent simplement les financements nationaux sur des opérations qui auraient, de toute manière, été financées ? Quel est l'effet de levier de ces fonds européens sur les projets nationaux ?

Enfin, s'agissant des procédures d'octroi de ces fonds structurels, de nombreux élus locaux les trouvent lentes et lourdes. Partagez-vous cette opinion, même si les choses se sont améliorées ? Je vais vous faire part de mon expérience de maire d'une petite commune : pour la même opération, le règlement du conseil général m'oblige à ne pas commencer l'opération pour réclamer une subvention du département, alors que pour obtenir les fonds européens, je dois avoir terminé l'opération.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : En mars 1999, il nous a été demandé, au sein de la commission de la production, de travailler sur la r&ea des rééquilibrages à l'intérieur du territoire national entre les régions. Cet aspect sera-t-il pris en compte dans le cadre de votre mission ?

Enfin, comment allez-vous pouvoir exercer une mission de surveillance dans la perspective d'un élargissement européen ? Que vont devenir les fonds structurels, puisqu'il n'est pas prévu de les augmenter ? La pertinence des fonds européens sera-t-elle toujours la même ? Ces fonds joueront-ils toujours un effet de levier dans la dynamique territoriale ?

M. Jean Launay : D'où vient, à votre avis, le retard de l'utilisation des fonds, comment expliquez-vous leur non consommation ? Par ailleurs, pouvez-vous nous parler des DOCUP et de leur adaptation au temps par rapport à l'utilisation ou à la programmation des crédits ?

M. Jean-Pierre Jochum : Pour répondre à la dernière interrogation, nous nous sommes trompés d'indicateurs sur la période allant de 1994 à 1999. Nous avons suivi attentivement les montants programmés et nous avons oublié de suivre les dépenses effectives. Cette mauvaise habitude, si nous n'arrivons pas à la corriger, sera assassine sur la période de 2000 à 2006, compte tenu de la règle du dégagement d'office. De 2000 à 2006, le produit final, c'est la dépense effective et non la programmation d'enveloppes budgétaires sur des projets. Nous ne cessons d'insister auprès des autorités de gestion quelles qu'elles soient pour qu'elles rajoutent cette colonne dans leur tableau de bord.

Mme Pérol-Dumont, vous avez parlé de la réforme des fonds structurels. Cette réforme avait effectivement comme objectif une meilleure consommation des crédits. C'est la raison pour laquelle nous avons inventé le dégagement d'office, qui est une pression extraordinaire pour consommer réellement les crédits et pour ne pas se contenter de mettre des enveloppes budgétaires sur des projets. Mais la pression est très dure à vivre pour les autorités de gestion, car il s'agit vraiment d'un changement culturel. Entre programmer un projet en comité de programmation et être obligé de justifier au 31 décembre de N+2 la consommation effective, en dépenses, des crédits, la logique et l'approche culturelle sont tout à fait différentes.

Des débats ont lieu actuellement sur ce dégagement d'office : convient-il ou ne convient-il pas de le maintenir - d'autant qu'il est inscrit dans le règlement du Conseil - avec des opinions différentes à la fois entre Etats membres et entre intervenants nationaux ? Il s'agit d'une règle très rigoureuse, mais elle met l'accent sur le fait que les fonds ont pour finalité d'être dépensés, et non de servir à des mesures d'annonce.

M. Alain Larangé : Cela est vraiment important, car nous voyons bien la manière dont ont fonctionné les comités de programmation : parfois, ont été programmées davantage d'idées que de projets. Nous avons eu affaire à des cas dans lesquels les dossiers étaient programmés depuis trois ou quatre DOCUP, donc la région. Si la région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, ne consomme pas ses crédits, elle les perd.

M. Jean-Pierre Jochum : Il n'est pas possible de redistribuer les fonds sur d'autres programmes français. Actuellement, les contacts que nous avons avec la Commission européenne ne nous donnent pas l'impression qu'elle cherche à gagner des crédits pour pouvoir les redistribuer ailleurs. Les pays candidats ont leur propre ligne budgétaire, et je pense qu'elle est au contraire aussi navrée que les autorités nationales de constater que les pays n'arrivent pas suivre leurs prévisions budgétaires. Elle se retrouve, chaque année, avec des restes à liquider qui lui font plus peur que plaisir.

M. Alain Larangé : Le dégagement d'office, c'est un peu la sanction financière d'une mauvaise consommation des crédits. Mais il existe une sanction positive qui est, à mi-parcours, la possibilité d'attribuer la réserve de performance, qui permettra, par une discussion entre les différents Etats membres et la Commission européenne, d'attribuer un supplément aux régions ou aux programmes qui auront bien fonctionné et qui auront bien consommé les crédits.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Pensez-vous que ce message soit bien parvenu aux régions ?

M. Jean-Pierre Jochum : Malheureusement - j'étais en Martinique la semaine dernière - il y encore des efforts à faire pour expliquer ce qu'est le dégagement d'office. A l'heure actuelle, à ma connaissance, aucune région ne vise la réserve de performance. Elles visent uniquement à consommer leur enveloppe normale.

M. Alain Larangé : Nous avons eu l'occasion de mener des missions dans différents Etats membres pour savoir comment cela se passait ; or la problématique est la même : aucun des Etats membres ne nous a parlé de la réserve de performance, en revanche, tout le monde est inquiet en ce qui concerne le dégagement d'office.

S'agissant des éléments de consommation, nous nous sommes déplacés dans toutes les régions pour faire passer le message, mais les situations sont très diverses. Cependant, probablement grâce aux mesures de simplification qui ont été adoptées depuis le mois de juillet, le montant des dépenses reconnues par Bruxelles pour la France, et qui vont justifier des versements par la Commission européenne, a quasiment doublé sur les objectifs 1 et 2, entre le mois de septembre et le mois de novembre.

M. Emile Blessig, président : Nous faisions tout à l'heure la distinction entre programmer et dépenser. Quelle est la nature de la consommation de ces crédits ? Je suis très surpris qu'en si peu de temps nous passions du simple au double !

M. Alain Larangé : Ce sont les dépenses qui ont été déclarées à Bruxelles comme ayant été réalisées. Mais dans ce volum payés, il faut aller exprimer sa demande de paiement auprès du secrétariat général aux affaires régionales.

A ce moment-là, si l'on n'est pas vigilant, toute une série de délais s'accumulent. Les autorités de gestion stressent par rapport à la réalité de la non consommation effective et à toutes les factures qui ne sont pas arrivées à leur terme de traitement. Nous leur expliquons qu'elles doivent arriver, au mois de septembre, à déterminer la réalité du problème, et que celui-ci ne soit pas noyé dans des questions de remontée de dépenses.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : C'est la raison pour laquelle je vous demandais si la gestion directe de ces fonds par les régions ne serait pas de nature, en supprimant une strate, à améliorer la consommation. Ne pourrait-on pas suggérer une généralisation de la gestion par les régions de ces crédits européens ?

M. Jean-Pierre Jochum : Avant de vous répondre, je voudrais finir d'énumérer les freins. Parmi ces derniers, nous notons la lourdeur des procédures, due à plusieurs facteurs. Tout d'abord, chaque fois qu'il y a une obligation nouvelle dans un règlement, une loi ou un décret, au lieu de réexaminer l'ensemble de la procédure, on rajoute une étape. Il n'y a jamais de réflexion d'ensemble pour essayer de rationaliser le nouveau et l'ancien. Par ailleurs, les DOCUP sont parfois très compliqués. Vérifier que tel projet entre bien dans ce qui est écrit dans le DOCUP est un exercice à s'arracher les cheveux. Nous poussons à rendre plus stratégiques un certain nombre de DOCUP pour qu'ils soient plus souples d'utilisation. Il ne sert à rien de faire des mesures ou des sous-mesures, de désigner des porteurs de projets, des maîtres d'ouvrage. Il vaut mieux avoir une vision stratégique de ce que l'on veut réaliser dans une région et permettre à tous ceux qui présentent des projets réalisables d'entrer dans le DOCUP.

M. Emile Blessig, président : Les conséquences de ces difficultés sont donc de plusieurs sortes : retard et difficulté d'identifier un porteur recevable.

M. Jean-Pierre Dufau : Je voudrais rebondir sur votre dernière réponse, M. Jochum, car je suis tout à fait d'accord avec vous.  Bien avant que les dossiers ne soient présentés en comité de programmation régional - notamment lorsqu'ils sont instruits en comité de préfecture ou de sous-préfecture - il existe une première rétention ahurissante des fonctionnaires territoriaux. Tout le monde a tellement peur de faire une erreur dans le DOCUP qu'un premier filtre est mis en place que je qualifierais de comité de censure.

Finalement, la logique qui prévaut est non pas une logique de projets, de développement, mais une logique de censure, et la moitié des projets est rejetée avant l'avis du comité de programmation - qui a sa propre analyse critique. Ensuite, benoîtement, on nous fait observer que les collectivités ne sont pas capables de au niveau régional.

Si l'on veut une stratégie de développement, il convient de ne pas se mettre des limites, car le DOCUP est la règle qui rend une dépense éligible ou inéligible. Si l'on sort de la contrainte que l'on s'est fixée, on est sous le coup d'une inéligibilité de la dépense, avec toutes les conséquences financières que cela entraîne.

M. Alain Larangé : Nous sommes dans un système où il est difficile d'interpeller les autorités nationales - et encore moins européennes - à partir du moment où la règle du jeu a été définie localement et de manière partenariale. Et la moindre des choses est d'appliquer cette règle du jeu. C'est la raison pour laquelle elle ne doit pas être trop stricte. Il convient de privilégier une approche des fonds structurels qui ait pour but d'aider au développement économique et social et à l'aménagement du territoire.

S'agissant de la consommation des crédits, je voudrais dire un mot sur la programmation allant de 1994 à 1999. Dans certaines régions, on arrive à 50 % de programmations pour la seule année 1999 - voire la fin de l'année. Néanmoins, 100 % des crédits effectifs ont été programmés. Nous sommes en train de réaliser les déclarations de validité. Or nous constatons que la consommation des crédits sur les gros programme, sur la gestion de 1994 à 1999 est de 85 à 90 %. La perte est certes importante, mais ce n'est pas aussi catastrophique que l'on aurait pu le croire.

On trouve d'ailleurs là probablement l'une des explications du problème de programmation et de consommation des crédits allant de 2000 à 2006. Beaucoup de projets ont été programmés sur l'année 1999, et les maîtres d'ouvrage concernés par la gestion de 2000 à 2006 sont à peu près les mêmes que pour la programmation de 1994 à 1999. Nous notons donc un effet de masse des projets sur l'année 1999 qui entraîne un effet de réduction du nombre de projets potentiels sur la gestion de 2000 à 2006. Il y a un effet de report.

M. Emile Blessig, président : Vous venez de parler, s'agissant des DOCUP, de partenariat régional, mais les SGAR et l'administration d'Etat ont tout de même pesé. Il existait donc une philosophie particulière. Avez-vous le sentiment que notre DOCUP est une spécificité hexagonale ? D'autres pays ont-ils su les élaborer avec plus de souplesse et d'efficacité ?

M. Jean-Pierre Jochum : Je n'occupais pas cette fonction en 1994, l'Etat a certainement pesé, mais il y a aussi une pression locale !

M. Emile Blessig, président : C'est la philosophie de l'élaboration qui nous intéresse, car si nous voulons améliorer les choses, autant poser un bon diagnostic.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Dans les régions où la moitié de la programmation a eu lieu Bruxelles par les préfets de région pour solder les opérations.

M. Jean-Pierre Jochum : Je souhaiterais revenir sur les freins. La logique des programmes communautaires est assez différente de tous les financements d'intervention, notamment des investissements nationaux. L'enveloppe européenne est sûre, totalement sécurisée sur une période de programmation, sous condition que des dépenses soient présentées. En revanche, cette sécurité n'existe pas dans les financements nationaux. Par conséquent, prévoir des opérations cofinancées, avec cette différence fondamentale, est parfois difficile.

Par ailleurs, les cofinancements nationaux ne sont pas forcément là à temps. Il existe donc un décalage qu'il convient d'apprendre à gérer, sur des opérations cofinancées. Il s'agit là d'un sujet de réflexion important, et quels que soient les modes de gestion de l'avenir, il conviendra de veiller à ce que l'ensemble des financements soient au rendez-vous. Si vous programmez une opération avec uniquement des lettres d'intention de collectivités locales, qui amorcera la pompe en finançant le maître d'ouvrage ?

M. Jean-Pierre Dufau : S'agissant des financements croisés, voire entremêlés, ils n'ont pas pour effet d'accélérer les dossiers et ont une corresponsabilité sur la non consommation des crédits, voire sur l'animation de certains projets. Ne pourrait-on pas imaginer des règles simples ?

On comprend bien que les fonds structurels européens ne puissent pas être les seuls à intervenir, et il convient de s'assurer qu'il y ait une garantie nationale ou locale. Ne pourrions-nous pas nous limiter à une seule contrepartie, nationale ou locale, les trop nombreux cofinancements départementaux ou régionaux compliquant la tâche du maître d'ouvrage ?

Pour une fois, ne pourrait-on pas réfléchir non pas à une logique administrative faite d'un certain nombre de règlements, de cases, de crédits à consommer, mais à une logique partant du maître d'ouvrage : comment monter le projet ?

M. Jean-Pierre Jochum : Nous avons un regard très critique sur le saupoudrage. En effet, s'il y a 110 dossiers à 5 euros, au lieu de 15 dossiers à X euros, les charges administratives sont automatiquement gonflées. Les programmations de dossiers sont donc beaucoup plus simples à gérer s'il n'y a que deux ou trois financeurs. Nous délivrons donc le message suivant dans les régions : considérez le FEDER ou le FSE non pas comme une variable d'ajustement d'un plan de financement, mais comme un vrai partenaire financier. Et l'on peut expliquer à l'Union européenne, qui parfois pousse au saupoudrage, qu'il vaut mieux se concentrer et faire de l'Union un vrai partenaire financier pour les projets phares. Quelle économie de gestion !

M. Jean-Pierre Dufau : C'est en effet vers cette logique qu'il faut tendre. Or le maître d'ouvrage, lui, se place dans une autre logique : il considère les fonds européens comme un plus, s'il entièrement d'accord avec vous : il convient de se placer du côté du maître d'ouvrage. La difficulté essentielle est la diversité des financements, avec des règles différentes : les règles d'éligibilité, les règles de constitution de dossier. Le maître d'ouvrage doit donc fournir différents dossiers à l'Etat, à la région, à l'Union européenne. Il conviendrait donc, dans un premier temps, d'établir une règle unique, une règle calquée sur celle du DOCUP. Prenons l'exemple des aides aux entreprises, qui fonctionnent bien. Elles sont gérées par les DRIRE, font l'objet d'une instruction, d'un examen en comité régional des aides - dans lequel siègent notamment l'Etat et le conseil régional. Et c'est ce comité qui décide de la provenance de la subvention : Etat, région, Europe. En résumé : un seul instructeur, un seul dossier et des règles identiques.

M. Jean-Pierre Jochum : C'est une espèce de pot commun des capacités de financement des différents partenaires.

M. Alain Larangé : Pour faire une comparaison internationale, le problème du multifinancement existe dans certains autres Etats membres. Mais il existe moins là où la répartition des compétences est plus claire entre les différentes institutions publiques. Si l'on trouve des cofinancements de toutes les institutions publiques sur les mêmes projets, c'est que la répartition des compétences entre les différentes collectivités publiques n'est pas très claire et permet à tout le monde d'intervenir

En Espagne, par exemple, il existe une relative étanchéité entre les compétences assumées par les communautés autonomes et celles qui sont assumées par l'Etat. De ce fait, par nature, les multifinancements sont rares.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Vous avez tout à fait raison sur le fond mais nous sommes des élus et nous faisons de la politique. Et à travers vos propos, je comprends qu'il serait nécessaire de supprimer les cofinancements. Or si j'ai longtemps pensé que cette suppression faciliterait les choses, je pense aujourd'hui que les cofinancements sont vecteurs de progrès, parce que vecteurs d'émulation politique. Il convient donc de clarifier le chef de fil et d'harmoniser le cadre des demandes. A partir de là, le problème du cofinancement sera pour partie réglé.

M. Jean-Pierre Jochum : Sous condition, Mme, qu'ils soient présents tous au même moment ! Et sous condition aussi de ne pas trop les multiplier. Nous ne disons pas de supprimer les cofinancements, mais parfois nous en comptons douze pour le même projet !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Les aides européennes sont souvent versées avec beaucoup de retard. Cependant, ces aides sont un peu la cerise sur le gâteau ; l'on cherche les fonds ailleurs, puis, en dernier ressort, on sollicite l'Union européenne - ce qui montre que nous ne nous sommes pas bien appropriés l'Europe. Il convient donc de repositionner ces fonds comme un élément struc 160;; mais encore faut-il envoyer sa demande de paiement et que tout le circuit - dont la remontée des dépenses - soit bien huilé.

M. Alain Larangé : S'agissant du versement tardif des sommes, il convient de noter qu'indépendamment des règles européennes, il y a aussi des retards franco-français liés à la procédure budgétaire et comptable. Les dispositions qui ont été adoptées par le gouvernement, notamment sur les fonds de concours locaux, qui vont se mettre en place au 1er janvier 2003, devraient permettre de disposer des crédits, au niveau régional, dans la semaine qui suit leur arrivée de Bruxelles. Il s'agit là d'une avancée importante, par rapport au système qui est actuellement en cours et qui suppose un rattachement des fonds de concours au niveau national, puis une délégation de crédits des ministères - sans aucune valeur ajoutée - vers les autorités de gestion.

En ce qui concerne les reports de crédits de paiement non utilisés en 2003, la procédure sera désormais maîtrisée au niveau local. Dès que les applications informatiques de la comptabilité publique seront à nouveau ouvertes, vous pourrez utiliser les crédits qui n'auront pas été dépensés l'année précédente.

M. Jean-Pierre Jochum : Concrètement, les préfectures de région recevaient les premiers crédits entre le 1er et le 15 avril, compte tenu du passage par les ministères centraux, y compris les reports de crédits de l'année précédente, alors que dorénavant, tous les paiements qui arriveront de Bruxelles seront transmis à l'agent central du Trésor qui les enverra à la région. Le préfet de région recevra donc les crédits directement, trois ou quatre mois plus tôt.

S'agissant des reports de crédits en fin d'année, ils pourront être utilisés le 15 janvier. Toutes les écritures de report seront réalisées au niveau local. Il convient donc de noter une avancée extraordinaire de la comptabilité publique et de la direction du budget.

M. Philippe Folliot, rapporteur : M. Jochum, vous n'avez pas répondu à l'une de mes premières questions : existe-t-il des éléments de spécificité pour les départements et territoires d'outre-mer ?

Projetons-nous maintenant après 2006. Tout d'abord, quid de la régionalisation dans le cadre de la décentralisation ? Ensuite, avec l'élargissement de l'Europe, les Etats membres verront leurs crédits diminuer. Pensez-vous que les régions qui ont le plus besoin de crédits, je pense notamment aux zones de revitalisation rurales, consomment la part qui devrait légitimement leur revenir, ou les régions qui disposent de plus de moyens consomment-elles davantage ? Lorsque les crédits auront diminué, qui, selon vous, devra-t-on privilégier ?

M. Jean-Pierre Jochum : Votre question c 10pt">Je suis persuadé que si la situation évolue, compte tenu des prétentions à obtenir de l'argent des pays candidats, les autorités publiques françaises donneront toujours priorité aux zones de métropole et aux collectivités des DOM-TOM qui ont des besoins de développement. Bien entendu, il conviendra tout de même de veiller à ce que le déséquilibre ne s'accentue pas.

Cette question rejoint ce que nous disions tout à l'heure : les rapports sur la cohésion signalent que si on a réussi à rapprocher les PIB entre les Etats membres, les régions au sein d'un Etat membre, relevant de l'objectif 1, sont restées très décalées les unes par rapport aux autres. Cela résulte du même phénomène : les régions qui ont peu de moyens ont du mal à s'en sortir. La préoccupation première doit donc être la suivante : préfinancement et moyens humains pour favoriser l'émergence des projets.

Il existe d'excellents professionnels qui ne savent pas écrire en huit pages ce qu'ils ont l'intention de réaliser, alors qu'ils ont un bon projet. Cela se retrouve particulièrement dans les DOM-TOM. La problématique est la suivante : ils ont beaucoup d'argent - encore plus de 2000 à 2006 que de 1994 à 1999 - mais avec des moyens humains beaucoup plus faibles qu'en métropole, tant dans l'administration que dans la société civile. Si l'on veut, par exemple, réaliser des infrastructures en Guyane - qui est un autre monde - les services de l'Etat sont insuffisants. Des entreprises sont indispensables pour arriver à consommer la dépense publique.

Actuellement, ont commencé les discussions pour déterminer comment se fera la répartition sur les zones d'objectif 2 d'une éventuelle manne après 2006. On ne sait pas encore si ce seront des enveloppes régionales ou plutôt des programmes nationaux avec des déconcentrations partielles en région. Les discussions ne font que commencer. En 2003, le commissaire Barnier présentera plusieurs rapports, et nous sommes inquiets quant au degré d'utilisation des crédits dans les régions les plus défavorisées, notamment dans les DOM-TOM. Car ce constat à mi-parcours aura une influence certaine sur ce qui sera décidé pour l'après 2006.

En ce qui concerne la régionalisation, il est clair, dans le contexte que je viens de décrire, que les crédits les plus importants, après 2006, seront pour les DOM-TOM. Les crédits en métropole n'auront plus la même forme qu'aujourd'hui : il s'agira de programmes régionaux de l'objectif 2 permettant de financer un peu tout ce qui est écrit dans le DOCUP qui a été rédigé au niveau régional. Mais les problématiques seront les mêmes. Ce n'est pas parce que l'on passe d'une autorité de gestion comme le préfet de région à une autorité de gestion comme le conseil régional, que l'on aura résolu le problème de la faiblesse des moyens humains, des capacités financières des collectivités et des porteurs de projets. Vous connaissez la situation d'un certain nombre de communes dans les DOM, qui sont parfois en dessous de la ligne de flottaison et qui ne peuvent rien faire si l'on ne concerne les dépenses réalisées, serait plus facile avec un système plus décentralisé. Je n'en suis pas certain car les maîtres d'ouvrage seront les mêmes ! Si la situation a été améliorée ces derniers temps, c'est parce que nous avons réussi à mobiliser les comptables publics locaux pour faire remonter la dépense, notamment de la part des maîtres d'ouvrage de petites collectivités locales qui, parfois, tardent à faire remonter ces informations.

Ce qui a été déterminant, pour l'organisation de la gestion et du contrôle des fonds structurels dans les Etats membres, c'est la répartition des compétences. La façon dont on gère les fonds européens est fonction de la répartition des compétences entre les différentes institutions publiques. Nous n'avons trouvé aucun système selon lequel l'Etat ou la région soient entièrement compétents. Les problématiques sont plus complexes que cela, y compris dans des Etats fédéraux tels que l'Allemagne, où des programmes sont transversaux et concernent l'ensemble du territoire et qui ne sont pas délégués aux Länders.

Par ailleurs, nous avons pu observer, au cours de la période de programmation précédente, la perturbation qu'a entraîné sur le fonctionnement du système le changement des règles du jeu en cours de gestion, par le règlement de 1997. La Commission européenne est maintenant réticente à ce que l'on change de manière fondamentale les systèmes de gestion en place. Cela veut dire que si ces systèmes doivent être changés, il conviendra de mesurer ce changement à l'aune de l'efficacité en termes de consommation immédiate de crédits.

Enfin, dernier élément, le problème de la responsabilité financière qui est beaucoup plus lourde sur la gestion allant de 2000 à 2006. En effet, un règlement prévoit que la Commission peut imposer des corrections forfaitaires ou extrapolées quand elle estime que le système fonctionne mal. Elle peut contrôler une dizaine de dossiers et si elle découvre un problème systémique, elle impose une correction à l'ensemble de la mesure, voire à l'ensemble du programme. Cette responsabilité financière est d'abord celle de l'Etat membre, mais il est évident que dans une gestion déléguée, et ce sera le cas pour l'Alsace, elle sera reportée sur l'autorité de gestion désignée dans le DOCUP à partir du 1er janvier 2003.

M. Emile Blessig président : Je vous remercie d'avoir participé à cette audition.

Audition de M. Patrice Magnier

conseiller d'Etat

président de l'instance d'évaluation des fonds structurels européens
et des politiques régionales

et de M. Denis Besnainou,

rapporteur général de cette instance

Réunion du 15 janvier 2003

Présidence de M. Emile Blessig, Président

M. Emile Blessig, président : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Patrice Magnier, conseiller d'Etat, ancien préfet, président de l'instance d'évaluation des fonds structurels européens et des politiques régionales, accompagné de M. Denis Besnainou, rapporteur général de cette commission. Nous nous sommes saisis de la problématique des fonds structurels sous une double préoccupation : la première est celle de la sous-consommation chronique de ces crédits et de ses conséquences à court terme ; et, à moyen et long terme, nous nous interrogeons sur les conséquences prévisibles de l'élargissement européen sur la politique régionale et ses incidences envisageables sur les fonds structurels.

Nous vous proposons de nous faire part de votre mission au sein de l'instance d'évaluation, ainsi que des enseignements que vous pouvez tirer à ce jour quant à la gestion des fonds structurels, dont certaines des modalités viennent d'être modifiées. Certaines expériences sont en cours, notamment en région Alsace. Puis, nos rapporteurs, l'un plus spécialement orienté vers les fonds structurels d'objectif 1 dans les départements d'outre-mer, l'autre se concentrant sur la situation en métropole, vous poseront quelques questions.

M. Patrice Magnier : Le principe de ma mission procédait d'une double demande. La première émanait du ministère des Finances, avec les préoccupations que l'on peut percevoir derrière : fonds structurels et contrats de plan comme porteurs d'une politique régionale qui débouche sur un bon emploi des moyens financiers. Cette interrogation était portée, sous un angle différent, par le ministère des Affaires européennes qui avait en vue le fait qu'avec l'élargissement, le problème de l'évolution des fonds structurels serait posé et qu'il n'était pas inutile qu'il puisse y avoir un regard sur la façon dont ils étaient effectivement utilisés. C'est cette double démarche qui a été à l'origine de la décision de créer cette mission.

La décision du gouvernement dont j'ai eu connaissance au mois de juin 2001, a débouché sur la mise en place de cette instance d'évaluation au mois de février 2002, soit un laps de temps relativement long. Cette instance comprend des représentants des administrations concernées de l'Etat, des élus et des fonctionnaires territoriaux, et des experts, professeurs d'université ou économistes.

L'instance procède tous les quinze jours à l'audition de personnalités qui, du fait de leurs respons faire l'étude prospective malgré un certain nombre d'obstacles. Mais si ce travail présente assurément un intérêt, il serait malaisé de savoir s'il pourra avoir une vertu opérationnelle demain. Cela dépendra des décisions de politique nationale qui seront arrêtées.

La deuxième difficulté, pour que ce travail ait une utilité, est un problème de calendrier. Ce travail exige un temps qui n'est pas négligeable. Or le gouvernement, qui est lui-même soumis à d'autres calendriers, est appelé à prendre des décisions et, fort légitimement, est soumis à ses contraintes propres. Notre souci actuel, à défaut de pouvoir remettre nos conclusions en un temps qui les rende immédiatement exploitables par le gouvernement est de lui fournir des éléments d'appréciation qui, pour n'être pas totalement validés, pourraient lui être utiles dès à présent.

La troisième difficulté se trouve dans le fait qu'il est très difficile d'avoir des données statistiques, financières et comptables suffisamment éclairantes. Nous sommes en rapport avec des administrations qui ne manifestent pas de mauvaise volonté mais qui, elles-mêmes, ne détiennent pas toujours les éléments à partir desquels il nous serait possible de progresser. En outre, travailler actuellement sur ces sujets avec les conseils régionaux ou avec les services préfectoraux n'est pas aisé, car les uns et les autres sont absorbés par la révision mi-chemin des contrats de plan et des documents de programmation (DOCUP).

Au-delà de ce problème de complémentarité, il nous avait été demandé de voir si l'objectif avait été atteint, comment et à partir de quel raisonnement il l'avait été et, si tel n'était pas le cas, pourquoi. Cette demande était déclinée sous plusieurs modes.

Il s'agissait de voir si les DOCUP et les contrats de plan avaient bien pris en compte les objectifs communautaires. Il était aussi demandé d'étudier dans quelle mesure les contrats de plan étaient le support de financements liés aux fonds structurels et, à partir de là, d'apprécier si les contrats de plan n'avaient pas été un élément d'opportunité pour assurer des financements en utilisant les fonds structurels. Au-delà, il fallait déterminer si on n'avait pas été conduit, ici et là, à retenir dans les contrats de plan, des opérations qui n'y auraient pas figuré si les fonds structurels n'avaient pas existé - et inversement.

Il s'agissait également d'apprécier dans quelle mesure cette intervention conjointe des fonds structurels et des contrats de plan avait été efficace pour le développement de nos territoires. Or, sur ce point, l'évaluation est très malaisée. Enfin, il nous était demandé de regarder dans quelle mesure les procédures mises en place, aussi bien pour la gestion que l'évaluation, concouraient à répondre à cet objectif de complémentarité.

Aujourd' permis véritablement d'améliorer la situation économique. C'est une démarche sur laquelle il faut être très modeste et qui donne d'ailleurs lieu actuellement à débat entre spécialistes. En l'état des moyens de l'instance et d'autres institutions, il sera très difficile de répondre avec certitude à cette question. En revanche, à défaut d'une analyse scientifique, le témoignage des élus, des autorités administratives et de responsables socioprofessionnels est un élément qui n'est pas négligeable et qui permet de donner plus qu'une indication à cet égard, même si nous ne pouvons le quantifier.

Deuxième facteur que vous avez évoqué d'emblée, la sous-consommation des crédits structurels est absolument évidente. On invoque habituellement la complexité des procédures. On fait valoir qu'elles ont suivi un joyeux mouvement de complexification des DOCUP et qu'aujourd'hui, ou tout au moins jusqu'à l'été, nous subissons l'effet négatif de ce perfectionnisme. Tout cela est vraisemblablement exact. On peut tout de même se poser d'autres questions que l'on ne peut, sans vouloir être provocateur, totalement écarter.

La première, qui me semble fondamentale, est de se demander si les moyens financiers qui ont été prévus l'ont été à bon escient et si l'on ne s'est pas conformé à une pratique habituelle, en disant que sur tel territoire et dans telle situation, il fallait absolument apporter une aide. On l'a donc inclus dans le zonage. Or certains territoires avaient été largement bénéficiaires au cours des années passées des fonds structurels et peut-être, les capacités d'innovation, d'intervention, d'opération étaient-elles émoussées. On ne s'est peut-être pas posé la question. Pourtant...

La deuxième question est de savoir si, sur certains territoires, on n'a pas atteint une situation où le tissu humain et économique n'est plus assez solide pour pouvoir réellement bénéficier des possibilités qui lui sont offertes. Ce n'est certainement pas un phénomène général mais nous ne pouvons pas exclure qu'ici ou là, il y ait une difficulté de cette nature alors que peut-être, en mettant en place des moyens spécifiques - animateurs, structures - on aurait pu pallier cette situation.

Troisième question, je vais être totalement provocateur : les besoins étaient-ils toujours aussi grands qu'on l'a pensé, tout au moins, eu égard aux règles et aux orientations contenues dans les DOCUP ? On peut avoir des besoins dans un domaine, mais qui ne soient en aucune façon pris en compte dans les DOCUP. On ne peut exclure totalement ce cas.

Indépendamment de la difficulté d'apprécier ce problème de consommation, l'articulation entre les contrats de plan et les fonds structurels n'était-elle pas la fausse bonne idée ? Intellectuellement, cela semble séduisant, mais deux aspects sont apparus. En réalité, le contrat de plan, dans sa finalité, son élaboration et sa mise en œuvre ne constitue pas le même exercice que les DOCUP ou la mobilisa précisément défini, des champs d'application qui recouvrent partiellement les interventions du contrat de plan et une mobilisation des administrations d'Etat qui diffère de celle qui existe pour les contrats de plan. Il y a en outre une différence dans les calendriers. S'agissant de l'Etat, les enveloppes ont été définies au CIAT de juillet 1999. On a conclu les contrats de plan à la fin de 1999 ou au début de 2000, selon les régions. Une fois signés, en principe, on a commencé à les appliquer.

Pour les fonds structurels, la démarche a été différente. Il y a d'abord eu une incertitude sur les zonages qui n'a été levée officiellement qu'en mars 2000, soit un an après. La copie a été envoyée à l'été 2000 à la DATAR. Elle n'a été avalisée qu'au printemps 2001.

La distorsion des calendriers n'était pas porteuse de complémentarité. Nous avions, d'un côté, des incertitudes sur les fonds structurels - tout au moins la situation était vécue comme telle par les administrations et les préfets - et, de l'autre, l'obligation de déboucher à la fin de 1999 ou début 2000 sur le contrat de plan. Psychologiquement, la situation calendaire n'était pas tout à fait satisfaisante et a ajouté ses effets, me semble-t-il, au fait que nous ne sommes pas sur un exercice absolument identique.

De plus, il ne faut pas méconnaître l'effet d'inertie qui peut jouer. Il est fondamental car, qu'il s'agisse des contrats de plan ou des fonds structurels, les uns et les autres ont nécessairement pris en compte ce qui avait déjà été fait. Il y a eu une volonté de reconduction dès lors que les actions qui avaient été menées avaient paru répondre aux attentes des uns et des autres. Cela ne permettait pas d'accentuer la complémentarité.

Un autre élément a aussi joué : pour les contrats de plan, l'Etat a présenté un document qui était réputé être la matrice des orientations. C'était la stratégie de l'Etat en région et les régions ont, de façon générale, élaboré un document qui a été soumis, le plus souvent, aux conseils régionaux. Néanmoins, dans les documents de l'Etat, force est de constater que la prise en compte des fonds structurels n'est pas évidente, hormis peut-être pour quelques régions. Sans aller jusqu'à dire que la messe était dite au printemps 1999, on voit bien que dans le document initial, dans cette stratégie de l'Etat qui avait été élaborée en 1998, les réflexions préliminaires n'intégraient pas cette donnée. Cela n'a pas été très porteur du point de vue de la complémentarité.

De même, sur le plan de la mise en œuvre des documents, on n'est pas allé au bout de la logique car chaque document a donné lieu à des procédures financières et à des procédures de gestion qui lui étaient propres, au recours à des moyens informatiques non homogènes et à des procédures d'évaluation distinctes align: justify">C'est en fonction de cela que nous pourrions imaginer comment il pourrait y avoir une articulation des fonds avec les contrats de plan. Mais, à ce jour la réflexion n'est pas aboutie. Je ne suis d'ailleurs pas sûr qu'elle prenne vraiment en compte cet aspect. Ce n'est pas un regret, c'est une constatation. On voit bien que pour ceux qui sont appelés à prendre des décisions de politique nationale, voire des décisions liées à l'Europe, la liaison entre contrats de plan et fonds structurels est un aspect qui, au regard d'autres éléments, n'est pas essentiel.

Donc, pour résumer, il s'agit d'une idée pertinente, mais dont la mise en œuvre souffre à l'évidence d'insuffisances parce que rien n'a été agencé, que ce soit en termes de temps, de procédures, de réflexions ou de négociations dans des conditions optimales, pour que la complémentarité joue pleinement.

M. Emile Blessig, président : La parole est à nos rapporteurs.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : De quels moyens disposez-vous pour remplir votre mission ?

M. Patrice Magnier : Le crédit initial était de 1,2 million de francs. En fait, je pense ce crédit initial ne sera pas intégralement consommé, car il est utilisé essentiellement pour les bureaux d'études et ensuite, pour des sommes tout à fait marginales, pour permettre aux membres de l'instance, soit individuellement, soit collectivement, de faire des déplacements en province.

Est-ce suffisant ? A mon avis, avec des crédits plus élevés, nous aurions pu lancer d'autres études. Néanmoins, compte tenu du calendrier et de la situation, le sujet ne justifiait pas que l'on mobilise des moyens démesurés. L'objectif d'une instance d'évaluation n'est pas de fournir un travail intellectuel mais de livrer un document qui puisse servir aux autorités décisionnaires. Il faut donc garder une relation équilibrée entre les moyens mis et le fait que le travail effectué débouche sur des décisions.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Vous affirmez que l'on peut se poser la question de savoir si sur certains territoires qui connaissent successivement plusieurs stratégies d'aides, en l'occurrence communautaires, on arrive parfois au bout du potentiel de projets.

M. Patrice Magnier : Absolument.

M. Philippe Folliot, rapporteur A contrario, au cours de votre mission d'évaluation, avez-vous pu déterminer des territoires où le contraire se soit produit ?

M. Patrice Magnier : Non. Mais mes propos, s'agissant de la capacité de mobilisation et d'utilisation des moyens, comme tous mes propos, n'engagent pas l'instance, seulement son président.

M. Patrice Magnier : Les complexités de procédure jouent indéniablement, mais elles jouent bien plus sur l'actuelle génération que sur la précédente. L'Etat a recruté des personnels pour traiter les procédures, de façon à ce que les porteurs de projets puissent aller au bout de leur démarche. Pour la génération actuelle, j'ai entendu les uns et les autres dire que l'on avait encore plus sophistiqué les procédures et que cela provoquait des blocages. Dans le même temps, on a raffiné à l'excès le contenu des compléments de programmation ou des DOCUP. Quand on raffine trop et que l'on ajoute des procédures extraordinaires, il ne faut pas s'étonner que cela ne fonctionne plus.

Je pense, malgré tout, qu'il n'est pas possible d'écarter totalement l'hypothèse de situations où il n'y a plus de projets qui s'imposent d'évidence et où il n'y a plus forcément de contreparties financières locales pour compléter les crédits européens.

M. Philippe Folliot, rapporteur : La différence entre vous et nous, c'est que chacun d'entre nous a une histoire sur un territoire donné et que vous avez une vision générale, plus particulièrement axée sur quatre régions : Bretagne, Aquitaine, Lorraine et Nord-Pas-de-Calais. Avez-vous dans les procédures, dans l'élaboration des DOCUP, dans l'approche de l'utilisation de ces crédits, affiné votre opinion ?

M. Patrice Magnier : Il est encore trop tôt pour vous apporter une réponse car le bureau d'études travaille encore. Je ne peux donc pas vous dire actuellement comment cet élément apparaît sur les quatre régions. En revanche, les régions qui ont été retenues l'ont été pour que nous puissions disposer d'un panel relativement varié tout en intégrant la donnée frontalière.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Votre mission a porté essentiellement sur l'objectif 2, mais avez-vous quelques remarques à formuler concernant l'objectif 1 ?

M. Patrice Magnier : Non. Cet élément a été écarté d'emblée. Je sais bien lorsque l'on dit que l'on "écarte" les collectivités territoriales d'outre-mer, il y a toujours une perception négative des choses. Ayant été en poste en outre-mer, croyez que j'ai été, pendant un temps, le premier à le regretter. La vérité est qu'il aurait fallu que nous puissions avoir la participation au sein de l'instance d'évaluation de personnes appartenant ou travaillant dans ces collectivités. Comme nous nous réunissons tous les quinze jours, la première difficulté était de faire venir quelqu'un de la Réunion ou de Guadeloupe à cette périodicité. La seconde difficulté tenait au fait que nous avions également écarté l'objectif 5b. Dès lors, l'objectif 1 était difficile à prendre en compte.

Cela é d'évaluation était-elle liée au fait que vous aviez comparé les taux de consommation entre eux ?

M. Patrice Magnier : Non, ce n'est pas cela.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Avez-vous le sentiment qu'il y a une plus faible consommation en France hexagonale que dans les départements d'outre-mer ?

M. Patrice Magnier : Je ne peux rien dire à ce sujet car, n'ayant pas inclus les département d'outre-mer dans l'étude, ils ne figurent pas du tout dans nos tableaux statistiques. Mais cela peut être demandé. Ce doit être accessible, encore qu'il y ait des problèmes de transposition car des mécanismes particuliers jouent à certains égards et les situations ne sont pas tout à fait comparables.

M. Denis Besnainou : Le cabinet d'études travaille sur le Nord Pas-de-Calais dans lequel il y a un petit territoire concerné par l'objectif 1. Par contre, la logique de l'objectif 1 est extrêmement forte en termes de procédures et engendre des modalités d'exécution bien plus rapides. Cela agit sur l'objectif 2 sur lequel nous réalisons l'étude.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Vous parliez de la complémentarité dans le cadre des contrats de plan Etat-régions et des fonds structurels. Il me semble que, dans le cadre précis des départements d'outre-mer, cela a été intégré dès la réflexion et la signature du contrat de plan Etat-région.

M. Patrice Magnier : Oui, outre-mer, la situation a été différente, tout simplement parce que les régions étaient habituées à l'objectif 1. Il n'y a pas eu de problème de zonage. La prise en compte d'emblée a sans doute été un mouvement plus naturel.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Pourriez-vous revenir sur les trois hypothèses que vous avez développées en conclusion ?

M. Patrice Magnier : Pour vous donner mon sentiment personnel, je pense qu'il faut arrêter de faire des contrats de plan. Tout d'abord, il faut être cohérent face à la décentralisation. Si l'on décentralise, on ne va pas, tous les six ans, repartir sur des grandes messes. Ensuite, je ne suis pas favorable au renouvellement des contrats de plan car nous voyons bien que l'Etat prend des engagements financiers qu'il a le plus grand mal à tenir. C'est un facteur permanent de difficultés avec les collectivités territoriales, notamment avec les régions qui, après tout, ne sont pas infondées à dire que l'Etat n'honore pas sa signature.

Enfin, je ne suis pas favorable à la perpétuation des contrats de plan, car c'est une machine très lourde, même si elle revêt une portée symbolique. Mais je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable de la maintenir parce que, l&agra orientations qui pourraient être prises. Mais ces contrats ont jusqu'à présent généré de nombreux inconvénients : pour parvenir à la signature, des inscriptions étaient faites qui ne correspondaient pas à des dossiers vraiment réfléchis, étudiées et mûris. S'agissant de l'Etat, sans vouloir être désobligeant, on ne pouvait exclure qu'il ne mette pas un enthousiasme très marqué à financer les études ou même à lancer les études préliminaires à la réalisation de certains projets - de mauvaises langues disent que cela a été le cas en matière routière, par exemple.

Tout cela n'est pas satisfaisant, mais on peut très bien envisager d'avoir des contrats sectoriels qui ne soient pas sur des durées identiques selon les régions mais qui porteraient, comme on le voit dans certains domaines, sur des éléments précis, préalablement étudiés. Nous avons ainsi des chartes culturelles, des chartes en matière d'environnement, des contrats dans des domaines qui supportent des projets précis.

Je ne suis donc pas favorable à la reconduction des contrats de plan tels qu'ils existent actuellement. Je considère absolument nécessaire l'idée d'une rencontre, d'un échange entre l'Etat et les régions, et suis absolument favorable à l'idée de contrats sectoriels dès lors que, de part et d'autre, on y trouve son compte. Mais il faut que cela soit fait dans la liberté, c'est-à-dire que si telle région ne veut pas signer ou, surtout, si l'Etat ne veut pas contracter avec une région parce que ce qu'elle souhaite ne correspond pas aux objectifs de l'Etat, ce ne soit pas un drame, juste une constatation : il n'y a pas de contrat, et la terre continue à tourner sans traumatisme pour les uns ou les autres. Le budget recouvre sa liberté, ce qui n'est pas plus mal à certains égards et cela permet d'éviter les situations que l'on connaît aujourd'hui. Voilà pour l'avenir des contrats de plan.

Pour ce qui est des fonds structurels, je pense que, globalement, cela a été une chose positive. L'inconvénient a été d'inclure des actions dont le coût administratif a été vraiment hors de proportion avec l'avantage qu'elles ont apporté. Donc, s'il doit y avoir demain reconduction des fonds structurels, sans doute doivent-ils être plus ciblés et leur intervention être telle que l'avantage qu'ils apportent ne soit pas obéré par des procédures.

De plus, je ne suis pas sûr, s'agissant des fonds structurels, que les interventions ne doivent pas être sous-tendues par une analyse plus sévère, plus fouillée de la situation des territoires. Dans certains territoires, le cours des choses est tel que parfois ce sont des cautères sur une jambe de bois. Je sais bien que cette position n'est pas très facile à afficher. Pourtant, l'expérience montre parfois qu'en dépit d'interventions financières lourdes, on n'a pas eu les résultats escomptés.

Aujourd'hui, une grande réflexion est menée sur le thème de la suppression des zonages. J'y serai personnellement plutôt favorable mais à condition que align: justify">Il est évident, en tout cas, que la connexion entre contrats de plan et fonds structurels dépend de ce que seront les instruments et les orientations que nous mettrons en place.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Vos propos sont particulièrement importants car, à travers eux, deux orientations se dessinent quant à l'utilisation de ces fonds. Vous posez très clairement la question de savoir si ces fonds ne doivent pas être utilisés uniquement pour de lourdes opérations...

M. Patrice Magnier : Oui, pour des opérations structurantes...

M. Philippe Folliot, rapporteur : ... Et vous posez aussi, par le biais de la question du zonage, celle de savoir si les fonds structurels doivent être ou non un outil en matière d'aménagement du territoire, parce que les opérations très structurantes que vous évoquez ne permettront pas forcément d'irriguer certaines zones en retard de développement.

Pour vous donner mon sentiment sur cette problématique du zonage, dès lors que l'on fait sauter le zonage,...

M. Patrice Magnier : On change la nature des choses.

M. Philippe Folliot, rapporteur : ... tout à fait et, quelle que soit la nature des besoins, cela donnera toujours une prime à la collectivité qui aura les moyens d'apporter des contreparties financières locales plus importantes, et non à la collectivité qui a besoin d'aide. Le problème de fond est là.

De même, quand on parle de supprimer les contrats de plan, je réponds simplement qu'il existe sur notre territoire national, même métropolitain, des régions qui manquent d'équipements et, de ce point de vue, la volonté de réaménagement du territoire qui s'exprime par le biais des contrats précités ne peut être que nationale. Ce qui différencie, en fait, l'Europe du Sud de l'Europe du Nord, c'est que la problématique d'aménagement du territoire qui est réelle dans notre pays ne l'est pas dans d'autres. Parler d'aménagement du territoire à un Néerlandais, un Belge, un Luxembourgeois ou un Allemand, c'est parler chinois. Je pense que ce sont là des questions et des enjeux-clés pour l'avenir.

M. Patrice Magnier : Je ne partage pas tout à fait votre analyse car il faut déjà se demander si les contrats de plan sont vraiment des outils d'aménagement du territoire. Je n'en suis pas convaincu. Ils ne sont, bien sûr, pas indifférents en termes d'aménagement du territoire, mais il faudrait étudier très attentivement la relation entre les moyens financiers engagés sur les régions et l'acuité des problèmes. On sait bien qu'en dépit de la volonté de gouvernements successifs pour essayer de rééquilibrer la situation, il y a un héritage, qui est celui de l'inertie. Certaines régions accordent une part importante aux contrats de plan et y consacrent des moyens fina sécurité routière. Je pourrais vous citer des axes pour lesquels on ne peut parler d'aménagement du territoire. Je suis désolé, mon propos ne va tout à fait dans le sens de ce que l'on entend dire.

M. Emile Blessig, président : Au fur et à mesure des auditions, et la vôtre se place à un niveau d'analyse assez pointu, nous nous rendons compte que, pendant longtemps, l'aménagement du territoire a été envisagé comme un rattrapage ou un rééquilibrage. Cette notion est plus ou moins entrée comme une sorte de donnée mais a eu de moins en moins de contenu concret. En termes d'aménagement du territoire, il s'agit aujourd'hui de continuer à assurer des rattrapages, mais aussi de répondre à la nécessité de donner la chance à nos pôles d'excellence de se maintenir dans un contexte et une concurrence internationale qui devient de plus en plus difficile.

Se pose alors la question des trois thèmes de l'aménagement du territoire : rattrapage et création de richesses mais aussi péréquation, équité. C'est autour de ces trois thèmes qu'il nous faut réfléchir.

M. Patrice Magnier : Mon point de vue vous paraîtra sans doute paradoxal. J'ai commencé ma carrière dans les Alpes-de-Haute-Provence. J'avais eu alors la curiosité d'étudier les résultats des recensements du siècle dernier. J'avais constaté, à ma grande stupeur, que dans des endroits que je connaissais pour m'y promener, il y avait au siècle dernier une centaine habitants alors qu'il ne restait que des ruines avec du lierre. Il n'y avait plus de village. Ce n'était pas désagréable et il y avait des personnes intéressées pour acheter et essayer de reconstruire, mais cela m'avait beaucoup frappé.

Pourquoi est-ce que je vous en parle ? Le constat est que la population vieillit considérablement et que son renouvellement ou son maintien ne se fera pas dans les conditions actuelles. Dans le Massif central, le phénomène est tout à fait évident. Le processus est parfaitement engagé dans certains coins de la Haute-Loire et il est terminé en Lozère. C'est un leurre ou, tout au moins, serions-nous irréalistes en n'intégrant pas l'inéluctable.

La politique en la matière ne consiste pas à faire semblant de réanimer des territoires mais à accompagner le déclin dans des conditions qui soient, humainement et socialement, acceptables c'est-à-dire que ceux qui y vivent encore ne soient pas laissés pour compte et qu'effectivement, soient trouvés les moyens de leur assurer la capacité de circuler, d'aller en ville, d'avoir accès à des services publics. Il s'agit d'accompagner, il ne s'agit pas de faire croire que l'on va revitaliser ces lieux. Cela concerne des territoires ruraux.

Il est vrai que le problème que vous soulevez, M. Blessig, qui consiste à dire que l'on a à choisir entre soutenir ce qui est dynamique, fort et porteur, tout en ne perdant pas de vue la nécessaire solidarité, l'accompagnement et tout ce qui peut être mis en œuvre pour que des terri style="text-align: justify">M. Jean Launay : En écoutant de façon très directe votre analyse, on pourrait dire qu'elle est assez cynique. J'essaie d'en avoir une autre approche et je comprends mieux le fait que vous ayez avancé l'idée que l'on pourrait se passer des zonages.

J'habite un département, le Lot, qui a stoppé son déclin démographique et qui est même en phase de reconquête depuis une quinzaine d'années, encore que si l'on affinait l'analyse, certains points du territoire se rapprocheraient de la problématique du Massif central et de l'Auvergne. Si l'on veut être pragmatique - au-delà du mot cynisme, j'ai bien dit que c'était si l'on n'en avait qu'une écoute primaire - ce que l'on recherche, c'est de renforcer cette attractivité des territoires. Il faut essayer d'avoir un positionnement plus dynamique et tonique en fonction des différentes situations. Il n'est pas illégitime que, dans des territoires même ruraux, même en phase de déclin démographique, existe l'envie de s'accrocher à ces territoires pour diverses raisons et de se structurer autour de pôles de reconquête.

Pour le Lot, le patrimoine est un outil de reconquête touristique et environnementale. Si l'on veut être plus pragmatique, il faut sans doute essayer de porter nos efforts sur ce qui constitue véritablement les pôles de technologies, de recherche et de développement économique, dont nous ne sommes ni exempts ni exsangues, de mettre en place des procédures plus ponctuelles - et effectivement, on sort des zonages - pour répondre au besoin de telle ou telle entreprise. Ces dernières peuvent avoir des stratégies bien définies, et s'implanter au plus profond du Lot.

M. Patrice Magnier : Amener le haut débit, offrir aux personnes qui n'habitent pas le chef-lieu la possibilité de ne pas être totalement dépendantes de leur voiture, créer effectivement un système de transports publics qui corresponde, autant que faire se peut, avec le système de liaison ferroviaire ou aérienne, cela a un sens.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Il faut bien se garder de toute systématisation. Même dans des territoires comme le sud du Massif central, qui apparaissent statistiquement comme en voie de perdition ou cliniquement morts, il y a des gisements. Le facteur le plus important, ce sont les hommes et leur capacité à réagir, individuellement ou collectivement, sur un territoire donné.

M. Patrice Magnier : Absolument.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Et cela, ce n'est pas de la statistique ! Donc, de ce point de vue, la problématique, y compris par rapport aux fonds européens, est la suivante : pour prendre une configuration régionale que je connais bien, celle de Midi-Pyrénées, nous avons une métropole dynamique, Toulouse, qui avance et gagne 17 000 habitants par an. Je m'interroge sur la problématique de développement de l'Airbus A380 - une très bonne perspective qui fera peut-être que pendant quelques années, nous gagner grandes infrastructures, aux grands travaux est très important mais ce n'est pas à proprement parler de l'aménagement du territoire. Puis, il y a l'autre problématique, celle d'aide et de soutien, pas seulement, comme vous l'avez dit, pour accompagner le déclin de ces territoires ruraux - le déclin se fera là où il doit se faire - mais pour offrir les opportunités et rétablir une certaine équité ou égalité de chances pour ceux qui souhaitent développer des projets innovants dans ces régions.

Dans ma circonscription, par exemple, j'ai une entreprise qui fabrique des pièces pour satellite sous vide. Ils sont cinq ou six employés, perdus en pleine campagne. C'est un choix. Il s'agit d'un Allemand qui a choisi de créer son entreprise à cet endroit. Il aurait pu tout aussi bien s'installer à Toulouse, mais il y a eu cette volonté de choix. Demain, nous serons peut-être dans une société où des gens voudront aussi avoir un mode de vie différent. Notre rôle sera d'essayer de les accompagner.

M. Patrice Magnier : Vous évoquez là deux questions. Premièrement, nous ne savons pas si les opérations qui ont bénéficié des fonds structurels européens, n'auraient pas, en fait, été réalisées même sans ces fonds. Nous ne sommes pas à même d'en apprécier l'effet.

Deuxièmement, et c'est bien plus important, il est vrai qu'il est malaisé d'apprécier objectivement la capacité des hommes à faire vivre leur territoire. On ne peut pas l'apprécier objectivement mais tout de même, force est de constater qu'à partir des fonds structurels européens, il n'y a aucun projet. Rien. Quand on se rend dans ces territoires, on a des personnes qui n'ont plus, objectivement, la capacité de réagir. Cela n'exclut pas qu'un apport extérieur puisse avoir un effet stimulant, porteur de réanimation, mais encore faut-il le réaliser. C'est loin d'être évident. Vous avez cité un cas. On en rencontre d'autres, mais il faut les trouver et cela ne se commande pas.

M. Emile Blessig : Le rapport entre fonds structurels européens et contrat de plan Etat-région est un peu l'histoire d'un rendez-vous manqué parce qu'apparemment, il n'y a eu aucune volonté politique claire et précise de les coordonner...

M. Patrice Magnier : C'est clair.

M. Emile Blessig, président : Pour ma part, pour avoir été en mission en outre-mer, je pensais que, compte tenu de la crise structurelle des finances locales, les contreparties nationales sur les fonds européens pouvaient faire un seul projet, un seul programme parce que, très souvent, il n'y a pas de possibilité, notamment de la part des communes, de contrepartie aux fonds d'objectif 1.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Ce n'est pas aussi clair.

M. Emile Blessig, président : Disons que cela n'a pas ét&eac family: 'Arial'; font-size: 10pt">D'ailleurs, honnêtement, si je l'avais vu, j'aurais été très ennuyé parce qu'il fallait que je rende ma copie pour la fin de l'année 1999. Or je n'avais pas les termes de la copie que je devais rendre sur les crédits européens. Mes interlocuteurs avaient exactement la même réaction. Vous avez dit que cela avait été un rendez-vous manqué. C'est exact d'une certaine façon.

Je crois aussi qu'il y a une logique des situations. Il faut voir ce qu'est la mécanique du contrat de plan. Cela aspire toute votre énergie. J'ai passé neuf mois avec cet objectif principal. Donc, il est vrai qu'en ce qui concerne les fonds structurels, on se disait que quand on aurait les éléments, on s'y mettrait et, de temps en temps, dans le contrat de plan, on gardait des éléments qui semblaient pouvoir relever plutôt des fonds structurels, car nous l'avons fait aussi, mais nous ne l'avons pas fait systématiquement, méthodiquement pour avoir une vision globale cohérente.

M. Emile Blessig, président : Je vous remercie d'avoir participé à cette audition.

Audition de M. Bertho Audifax, député de la Réunion,
et de Mme Juliana Rimane, députée de Guyane

Réunion du mardi 28 janvier 2003

Présidence de M. Emile Blessig, président

M. Emile Blessig, président : La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire travaille sur la politique régionale européenne et les fonds structurels. Le gouvernement s'étant saisi de la problématique de la sous-consommation des crédits européens, nous avons décidé de nous placer dans la perspective de la politique régionale européenne après l'élargissement. Quel est l'avenir des fonds structurels dans une Europe à vingt-cinq ? Quelle sera la nouvelle règle du jeu ? Cette question ayant des incidences non seulement pour la France métropolitaine, mais aussi pour l'outre-mer, nous avons décidé de désigner deux rapporteurs, Philippe Folliot et Joël Beaugendre, lequel a jugé utile d'organiser un échange avec les parlementaires d'outre-mer.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Tout d'abord, je dois rappeler qu'il faut distinguer deux catégories de collectivités dans l'outre-mer : les territoires d'outre-mer qui ne bénéficient pas des fonds structurels et les départements d'outre-mer- Guyane, Guadeloupe, Martinique et Réunion - qui en bénéficient. Depuis la conférence de Séville, la notion de régions en retard de développement, en particulier s'agissant des îles périphériques de l'Europe, est devenue une réalité. A ce titre, les quatre DOM ont bénéficié de l'objectif 1, qui vise un doublement des fonds européens. Contrairement à la situation qui prévaut pour la France hexagonale, la sous-consommation n'est pas établie pour les zones périphériques, les quatre DOM enregistrant dans le précédent DOCUP une consommation de fonds de l'ordre de 80 %.

Le problème de sous-consommation s'explique par la faiblesse des fonds et les problèmes structurels et financiers de ces départements, notamment de leurs communes. En 1992, il faut se rappeler que les régions Guyane, Guadeloupe, Martinique et Réunion étaient en déficit. Mais en 1994, grâce à la loi Perben, elles ont pu renflouer leurs trésoreries, donnant ainsi la possibilité à certaines communes de préfinancer les fonds structurels européens. Cette situation n'a pas été sans poser de problèmes, puisqu'il fallait d'abord que l'investissement soit réalisé pour que l'Union europénne débloque ses aides. Bien des exécutifs se plaignaient ainsi du fait qu'il fallait des fonds qui, deux ans après avoir été engagés, n'étaient toujours pas remboursés. D'où des difficultés pour pouvoir continuer à mener les programmes européens du DOCUP 1994-2000. Au total, la majeure partie des départements a eu une année et demie supplémentaire pour mener à bien ce qui était prévu dans le précédent DOCUP. Et ce n'est que début 2001 que de nouveaux projets ont pu émerger.

Mme Juliana Rimane : Il est certain qu'en Guyane, nous avons un grand besoin des fonds européens. L'élargissement nous inquiète, d'autant plus qu'il semblerait que les Açores et les Canaries pourraient sortir de l'objectif 1. Cette perspective constitue pour nous un très gros souci, parce que sans fonds européen, nous sommes morts, et nous ne sommes pas sûrs que l'Etat puisse, à lui tout seul, prendre en charge notre développement qui est toujours en attente.

En outre, les fonds sont là et nous n'arrivons pas à les consommer. C'est une situation assez kafkaïenne. Pour pallier ce non sens, il est essentiel que des décisions soient prises pour que les fonds soient consommés à 100 %, car nous en avons besoin.

M. Bertho Audifax : Sans être un spécialiste des fonds européens, je confirme ce qu'a très bien décrit le rapporteur : les fonds européens ont une très grande importance pour le développement des départements d'outre-mer, et la mise en place des régions ultrapériphériques a permis une nette amélioration des financements européens pour l'outre-mer.

Lorsque le dispositif relève d'un seul intermédiaire, la consommation des crédits est assez simple. Les crédits pour la formation professionnelle, par exemple, qui relèvent de la région, fonctionnent bien parce qu'il existe un seul intermédiaire, la région et l'Etat. Mais les problèmes deviennent de plus en plus complexes lorsqu'une autre collectivité a besoin de fonds européens. Ainsi, à la Réunion, l'endiguement des ravines, assuré par les communes, est un exemple de montage particulièrement complexe des dossiers, lesquels doivent intégrer de multiples modifications dans leur présentation, sans compter d'une part que l'Etat lui-même n'a souvent pas les compétences nécessaires sur place pour gérer la totalité des dossiers, d'autre part, les difficultés de trésorerie. Le gouvernement s'est inquiété de cette situation, et le Préfet a la volonté de faire avancer les choses. Si un fonds d'avance a été prévu, il semblerait qu'il reste quelques difficultés à faire en sorte que l'Agence française de développement fasse l'avance de trésorerie.

Mais la grosse inquiétude des départements d'outre-mer est l'élargissement à des pays dont le PIB est inférieur à celui de nos départements. De parents pauvres, les DOM risquent de se devenir des parents un peu plus aisés... Or, nous souhaitons rester des parents pauvres parce que nos problèmes de développement sont importants.

Autre problème capital pour l'outre-mer : le devenir de l'octroi de mer qui représente 30 à 40 % du budget des communes. Le maintien de l'octroi de mer est donc une nécessité absolue par rapport au financement des projets des communes et aux équilibres sociaux des DOM. Le gouvernement, vous le savez, a chargé M. Jean-Paul Virapoullé d'une mission sur la question.

M. Audifax a parlé de parents pauvres. Mais il ne faut pas oublier que les DOM sont des territoires exigus et que ce sont les fonds européens qui ont permis leur éclosion économique. S'ils ne sont pas pérennisés, les DOM replongeront, à coup sûr. Ce sont le BTP et l'agriculture qui ont principalement bénéficié des fonds de l'objectif 1. Notre taux de croissance est donc surtout lié aux chantiers d'investissements du BTP et à une agriculture protégée par la politique agricole commune. Cette dernière étant attaquée de toute part, qui pourra dire que nous ne pourrons plus être considérés comme région relevant de l'objectif 1 ?

M. Emile Blessig, président : Les DOCUP de chaque DOM sont élaborés séparément. Comment ont-ils donc été élaborés ? Comment les responsables locaux ont-ils participé à leur élaboration ?

Ayant suivi sous la précédente législature les débats relatifs à la loi d'orientation de l'outre-mer, je me demande s'il n'y a pas une différence fondamentale de culture politique entre l'intervention européenne et l'intervention métropolitaine. Pour cette dernière, l'aide apportée aux départements d'outre-mer est assise sur un devoir de solidarité et de péréquation. L'aide européenne, elle, s'appuie sur une logique contractuelle d'aide au développement, non de rattrapage, d'équité et de péréquation. Le mot pérennisation fait partie de ces choses qu'il faut toujours avoir à l'esprit sans jamais en parler. Voilà pourquoi il faudrait mettre au point un argumentaire permettant à l'Union européenne de traiter les départements d'outre-mer en mettant en avant d'une part leur situation géographique, indispensable pour que l'Europe joue un rôle dans le reste du monde, d'autre part la jeunesse de la population de ces territoires qui sont un atout dans le contexte démographique actuel de l'Europe.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Le traité d'Amsterdam reconnaît non seulement notre insularité, mais également les spécificités de nos départements. Reste à la France à prendre en compte les handicaps liés à la continuité territoriale, comme le reconnaissent l'Espagne et le Portugal pour les Açores et les Canaries. Lorsqu'on se rend dans une de ces îles par avion, on ne paiera pas le même prix selon que l'on est touriste ou autochtone. Mais le Président de la République et l'ancien Premier ministre ont évoqué la question à Amsterdam et souhaité faire reconnaître dans le corps même du traité la spécificité et le statut particulier au sein de l'Europe des îles périphériques.

Mme Juliana Rimane : La base spatiale européenne est bel et bien en Guyane. Et pourtant...

M. Bertho Audifax : À la Réunion, les milieux socioprofessionnels ont été associés à la réflexion sur le DOCUP, et se sont particuli&egrav ultra-périphériques, en particulier des départements d'outre-mer, en prenant en compte plusieurs critères : le PIB, l'éloignement géographique et notre position de tête de pont de l'Europe, nos problèmes démographiques qui sont totalement différents de ceux des autres pays européens, sans oublier une notion que nous devons mettre en avant : le coût du salaire et du travail dans nos environnements. Parce que si les salaires polonais sont probablement inférieurs aux salaires allemands, il ne faut pas oublier que les lois sociales qui s'appliquent à la Réunion n'existent pas dans les îles avoisinantes. En clair, le coût du travail est le plus gros handicap pour les entreprises exportatrices des départements d'outre-mer. À l'île Maurice, il est quatre fois moins cher, et je n'ose pas avancer de chiffres pour Madagascar. Il s'agit là d'un critère capital pour faire admettre à l'Europe que le développement des régions ultrapériphériques, et en particulier des DOM, doit être pris en compte. Soit l'Europe, c'est-à-dire la démocratie à laquelle nous appartenons, souhaite un développement social qui se mondialise et reconnaît la différence de développement qui bloque nos économies, soit elle considère qu'il y a des régions qui s'effondreront totalement, avec des PIB vingt fois inférieurs à la moyenne européenne.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : L'ensemble des parlementaires et des exécutifs régionaux juge nécessaire la pérennisation des fonds européens pour ces régions en difficulté. Certes, il faudrait parler du coût du travail, mais les fonds européens ont surtout permis le maintien d'une activité économique. S'ils ne sont pas pérennisés, y aura-t-il encore une activité économique ? Rien n'est moins sûr !

Lorsqu'on examine le DOCUP 2000-2006 de la Guadeloupe, on constate que ce département a apporté deux fois et demi plus que l'Etat. Les régions et les départements sont donc soucieux de faire décoller leur économie. En participant de façon beaucoup plus conséquente que l'Etat au FIDOM, ils souhaitent rattraper leur retard de développement. Pour le précédent DOCUP, la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion ont respectivement utilisé leurs fonds à hauteur de 84 %, 85 % et 90 %. Ces résultats, qui montrent bien que les fonds sont attendus, contrastent avec la faiblesse des précédents DOCUP. Des documents ont été programmés, avec des axes bien définis. Les dossiers sont de moins en moins rejetés, mais ils mettent beaucoup de temps à être examinés par une commission. Avant de parler d'élargissement, il faudrait donc qu'on puisse consommer les fonds à 100 %. Ce serait la preuve qu'ils sont nécessaires pour le développement économique de nos îles.

M. Emile Blessig, président : Quel est le rapport entre les contrats de plan et les fonds structurels européens dans les DOM ? Y a-t-il indépendance totale ou complémentarité ? La méthode de fonctionnement est-elle satisfaisante ?

M. Joel Beaugendre, rapporteur : Il y a confusion et mixité, d inaccessibles, des personnes qui ne peuvent ni se déplacer ni se faire soigner correctement. On envoie encore des fusées sur fond de bidonville, comme le disait M. Mitterrand.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : C'est un problème de continuité territoriale, et c'est dans le cadre de la loi programme pour l'outre-mer qu'il faudra rappeler ces spécificités et y apporter des mesures concrètes.

Mme Juliana Rimane : Certes, mais que faire quand les communes ne peuvent pas apporter les 20 % ? C'est un gros problème.

M. Emile Blessig, président : Il faut éventuellement plus de souplesse dans l'application des règles, en fonction des spécificités locales. Il existe dans les DOM, à l'intérieur même des territoires, des niveaux de développement tout à fait divergents. Dans le cadre de la décentralisation, ne pourrait-il pas y avoir, au plan local, certaines adaptations ? L'exemple d'une commune sans route et sans ressource est une situation tout à fait particulière.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : C'est le rôle du chef de file.

M. Emile Blessig, président. : Y a-t-il d'autres observations ?

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Je regrette l'absence de M. Alfred Marie-Jeanne, dont le témoignage de président de région ultrapériphérique aurait été très précieux. Sans doute sera-t-il utile de l'entendre. Par ailleurs, je vous informe que nous avons envoyé un courrier aux présidents des régions Guyane, Martinique et Guadeloupe pour qu'ils apportent leurs contributions à la rédaction de notre rapport.

M. Emile Blessig, président. : La séance est levée.

Audition de M. Jean Bassères,

directeur de la comptabilité publique

Réunion du mercredi 29 janvier 2003

Présidence de M. Emile Blessig, président

M. Emile Blessig, président : Mes chers collègues, nous poursuivons notre série d'auditions sur les conséquences des politiques européennes sur l'aménagement du territoire. Nous recevons aujourd'hui M. Jean Bassères, directeur de la comptabilité publique. Certains services de l'Etat sont en effet régulièrement mis en cause dans la gestion des fonds structurels. Or, la direction de la comptabilité publique a récemment réformé ses procédures d'attribution des fonds. Votre audition, M. le directeur, m'apparaissait donc indispensable pour éclairer les travaux de nos deux Rapporteurs : M. Joël Beaugendre, député de la Guadeloupe qui s'intéresse plus particulièrement nous expliquiez les raisons qui président au retard du versement des fonds structurels depuis une dizaine d'années. Pourquoi avoir attendu septembre 2002 pour mettre en œuvre une réforme des procédures administratives ? Pouvez-vous nous décrire les grandes lignes de cette réforme et nous indiquer dans quel délai les dotations structurelles versées par l'Union européenne sont disponibles auprès des préfets de région ?

Par ailleurs, et c'est une question que pourrait également vous poser mon collègue Joël Beaugendre, y a-t-il des différences dans les modalités de versement en métropole et en outre mer ? Y a-t-il des différences dans les modalités de versement des fonds selon leur catégorie ?

La direction de la comptabilité publique procède-t-elle à des statistiques sur la consommation des fonds structurels et, dans l'affirmative, quels sont les taux de consommation des différents fonds pour la période 2000-2006 ? Nous retrouverons-nous dans une situation comparable à celle que nous avons connue entre 1994 et 1999 quand l'essentiel de la consommation des fonds est intervenu en fin de période ?

J'en arrive à ma dernière question : la direction de comptabilité publique est-elle en mesure d'évaluer l'efficacité des fonds et quels sont les moyens mis en œuvre pour le faire ?

M. Emile Blessig, président : La parole est à M. Jean Bassères.

M. Jean Bassères, directeur de la comptabilité publique : Je voudrais avant tout vous remercier de me donner aujourd'hui l'occasion de m'exprimer devant vous sur ces sujets qui sont, pour nous, très importants et vous présenter mes collaborateurs qui sont experts de ces questions : M. François Tanguy qui est chef de bureau et Mme Claude Courtois qui, au sein du Trésor public, est chargée du secteur des fonds européens.

Pour répondre aux questions posées et pour élargir le débat, je vais essayer de traiter devant vous, rapidement, deux séries de questions qui renvoient assez directement d'ailleurs à celles qui viennent de m'être posées.

Je commencerai par formuler des observations assez générales sur la gestion des fonds structurels européens. Je prendrai volontiers la liberté de sortir un peu de mon rôle de directeur de la comptabilité publique pour donner la vision, qui est la nôtre et celle des trésoriers payeurs généraux (TPG) sur le terrain, des principales difficultés que pose aujourd'hui la gestion des fonds, quitte, dans un second temps à revenir sur le rôle spécifique du Trésor public et notamment sur le programme de réformes qui a été annoncé durant l'été.

Je formulerai quatre observations générales, qui rejoignent notamment vos propos, M. le Rapporteur, concernant la fin de la gestion précédente. A cet égard, je tiens à insister à l'autre, on retrouve sensiblement, en effet, les mêmes porteurs de projets, notamment les collectivités locales et les entreprises et nous étions probablement en train d'épuiser leur capacité d'investissement et d'engagement de projets ce qui, à mon sens, explique largement le retard pris puisque vous savez qu'au titre des programmes 1994-1999, les paiements étaient possibles jusqu'au 31 décembre 2001. Cette situation a induit, mécaniquement, un retard assez important ! Par ailleurs, je vois une autre raison d'ordre conjoncturel à ce démarrage tardif, à savoir le délai pris par la Commission européenne pour approuver les DOCUP qui sont essentiels pour la programmation : dans beaucoup de régions, les DOCUP n'ont été approuvés qu'en mai 2001. Il est une troisième raison conjoncturelle : le renouvellement, en 2001, des exécutifs, tant au niveau des municipalités que des structures intercommunales, qui explique une montée en charge un peu différée dans le temps.

Telle était ma première observation pour tenter de justifier cette lenteur du démarrage des programmes.

J'en arrive à une deuxième observation d'ordre général dont vous me pardonnerez la trivialité, mais la gestion des fonds structurels européens, pour qui se trouve sur le terrain, représente - et vous le savez sans doute mieux que moi - une opération terriblement complexe. Elle suppose d'agir sur différents leviers lorsque l'on veut, comme le gouvernement s'y est attaché, réformer les procédures de gestion. Vous me permettrez d'en citer quelques-uns qui sont de nature très différente.

Premièrement, les DOCUP eux-mêmes dont on se rend compte à l'usage qu'ils sont souvent extrêmement précis et qu'ils ont perdu de leur vocation stratégique. Comme ils sont difficiles à modifier, nous en sommes souvent un peu prisonniers et l'extrême précision de leur niveau de détail pénalise fréquemment, par la suite, la mobilisation de projets.

Deuxièmement les difficultés que nous rencontrons - et le gouvernement s'y est attaqué dès cet été - à encourager et à accompagner les porteurs de projets. Du fait de la complexité des réglementations, on ressent sur le terrain un besoin de coordination, d'animation pour accompagner les porteurs de projets tout au long de la vie de ces projets depuis leur conception jusqu'à leur mise en œuvre.

Troisièmement la problématique des cofinancements qui est sans doute un point essentiel. En France, il est toujours difficile de gérer des opérations cofinancées. Or, avec les fonds européens, nous nous situons dans le cadre de cofinancements quasi structurels puisque, ainsi que vous le savez, nous avons l'obligation de fournir à côté des subventions communautaires des contreparties nationales. Ce faisant, les difficultés touchent aussi bien les porteurs de projets que les services : les premiers parce qu'ils doivent souvent s'adresser à plusieurs cofinanceurs, les seconds parce que, se trouvant sur une opération donnée, ils sont conduits à l'instruire de deux façons, d'une part au titre des financements europ& 10pt">Je me réserve de parler ultérieurement des procédures financières puisqu'elles concernent plus directement le Trésor public pour dire maintenant un mot sur les départements d'outre-mer (DOM) puisque vous les avez évoqués.

Il n'y a pas, à proprement parler, de différences entre les règles qui s'y appliquent et celles qui s'appliquent en métropole. Il est toutefois important de mettre l'accent sur certaines particularités des DOM. D'abord, ce sont les seules régions, au titre de l'objectif 1, qui ont à gérer l'intervention de quatre fonds : le FEDER, le FSE, le FEOGA orientation et l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP). Ensuite, les montants financiers liés à l'objectif 1 sont beaucoup plus importants qu'en métropole et la masse de crédits à mobiliser y est significativement supérieure. Enfin, les collectivités locales de la Guadeloupe, notamment les communes, connaissent de graves difficultés financières. La subvention communautaire n'étant versée qu'après la réalisation des travaux, ces collectivités sont confrontées à un problème de préfinancement auquel réfléchit d'ailleurs le ministère des finances avec l'Agence française de développement (AFD) en vue de monter des dispositifs de préfinancement. Mais hormis ces particularités dont le poids est très lourd, il n'y a pas de modalités de gestion, de circuits, ou de mécanismes propres aux DOM.

Ma troisième observation générale sera pour dire qu'il y a, à mon sens, un équilibre très difficile à trouver entre la simplification qui sous-tend l'accélération des dossiers et la nécessaire maîtrise des risques financiers. Sur ce point, la nouvelle campagne se distingue par deux particularités importantes : d'une part, les règles de dégagement d'office qui n'existaient pas au préalable et qui entraînent, si l'on programme des projets qui ne se montent pas, le risque de perdre les subventions communautaires ; d'autre part, les nouvelles règles de sanction financière imaginées par la Commission et qui prévoient des mécanismes assez complexes de forfaitisation et d'extrapolation qui font qu'un dossier jugé irrégulier peut in fine coûter beaucoup plus cher. En effet, non seulement le dossier va être rejeté mais, sur la base de ce rejet, on va extrapoler des rejets sur l'ensemble du programme !

Nous sommes donc partagés entre la nécessité de tout faire pour simplifier les choses et le souci de ne pas retrouver en aval des difficultés que nous aurions voulu gommer en amont. C'est un équilibre d'autant plus difficile à trouver que les procédures de contrôle imposées par la Commission sont très importantes. J'ignore si vous avez eu la curiosité de lire la circulaire du Premier ministre de juillet 2002, qui énumère l'ensemble des contrôles imposés par la Commission - il ne s'agit pas d'inventions franco-françaises - mais on ne peut qu'être impressionné par leur quantité : contrôles de services ; contrôles par sondage dits "de deuxième niveau" ; contrôles qualité ; audits de systèmes... Nous sommes vraiment soumis à une forte obligation de contrôles !

Présage que la Commission considère comme l'un des meilleurs outils utilisés par les Etats membres pour suivre le déroulement des programmes. Les régions ont été associées à la programmation et au suivi des plans et beaucoup de guides aussi bien en matière de procédure que de gestion ont été rédigés, notamment par le Trésor public.

Par ailleurs, nous enregistrons des résultats qui, à ce stade, ne sont pas mauvais puisque, sur la période 1994-1999 nous obtenons un taux de programmation proche de 100 % avec, il est vrai, un taux de réalisation plus faible puisqu'il se situe aux alentours de 85 %. Cela montre bien que nous avons dû intensifier la programmation avec des projets qu'ensuite nous n'avons pas été capables de mener à bien.

Telles sont les quatre premières observations générales que je souhaitais formuler avant d'en venir à votre deuxième question, M. le Rapporteur, qui a trait à la réforme mise en place par le gouvernement au cours de l'été dernier. J'aborderai cette question du point de vue du Trésor public puisque, en la matière nous avons eu deux séries de préoccupations : d'abord, être un acteur de la simplification, ensuite faire une offre de services supplémentaires aux préfets pour les aider à mieux gérer les fonds européens.

Pour répondre à votre première série de préoccupations, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions présentées en Conseil des ministres le 31 juillet, et finalisées depuis par trois circulaires publiées en août, en novembre et en décembre 2002. Pour m'en tenir aux aspects financiers, six mesures importantes ont été arrêtées, qui concernent tout ce qui se passe avant le paiement par rapport à l'instruction, à la programmation, et au conventionnement.

Ce sont des mesures d'allégements connues par votre Délégation. Elles concernent toute la chaîne avant paiement. Le seul point sur lequel je peux insister est qu'il s'agit de mesures qui sont d'ores et déjà mises en œuvre, ce qui prouve que les administrations se sont vite mobilisées pour les rendre opérationnelles. Une seule ne l'est pas encore totalement : la modification du décret de 1999 sur les investissements de l'Etat, l'idée étant de pouvoir financer un projet ayant déjà eu un début d'exécution. Le texte devrait être soumis à l'avis du Conseil d'Etat et sa promulgation n'est donc qu'une question de jours...

Les circulaires auxquelles j'ai fait référence sont allées encore plus loin que les décisions annoncées par le gouvernement, en les complétant par des simplifications dont une, extrêmement importante : on a supprimé la règle qui, jusqu'à présent imposait pour percevoir la subvention communautaire d'avoir encaissé les cofinancements de telle sorte que, même si le cofinancement reste obligatoire, la preuve n'en sera exigée qu'au solde de l'opération.

La seconde modification très forte concerne la gestion des crédits non consommés en fin d'exercice. Nous en verrons l'utilité à la fin de l'année 2003, mais nous avons beaucoup simplifié notre procédure pour éviter que les crédits ne remontent à Paris avant d'être renvoyés dans les régions. En d'autres termes, cela signifie que les crédits ne quitteront pas les régions et que l'on pourra utiliser dès les premiers jours de janvier, ces "reports", pour employer le terme technique.

Je comprends votre question et je sais que l'on serait parfaitement fondé à nous demander pourquoi nous ne les avons pas engagées plus tôt... Je dois avouer que nous y avions pensé en 1998, mais nous nous étions alors heurtés à des réticences, notamment de la part des ministères qui préféraient gérer des enveloppes au niveau national et déterminer eux-mêmes la répartition des fonds par région. Nous les avons convaincus que c'était une procédure extrêmement lourde, qui ne servait pas à grand-chose, que dans la mesure où nous faisions des appels de fonds sur la base des dépenses déjà constatées, il n'y avait pas de redéploiement à prévoir et nous leur avons garanti - ce qui a achevé de les convaincre - que la restitution des informations dont ils bénéficieraient serait de bonne qualité.

Au-delà de ces deux innovations très fortes, nous avons proposé aux préfets des prestations supplémentaires. Vous n'ignorez pas que la réglementation européenne distingue désormais autorité de gestion et autorité de paiement et nous avons proposé aux préfets de prendre, pour leur compte, la fonction d'autorité de paiement dans son intégralité. De ce point de vue - et j'aurais sans doute dû commencer par là - il convient de préciser que nous n'avons pas, en tant que trésorerie, de problèmes de moyens. J'estime que ces fonctions font partie de notre métier traditionnel ! Nous avons donc des problèmes d'organisation et de mobilisation, mais pas de problèmes de moyens stricto sensu. En assumant cette fonction d'autorité de paiement, nous allons décharger les services préfectoraux de tâches administratives pour lesquelles nous nous sentons, soit dit sans prétention, plus armés qu'eux. C'est une première offre qui est importante puisque l'autorité de paiement assure le lien avec la Commission et la certification des dépenses : nous nous sentons à même de l'assumer.

La deuxième offre que nous avons faite aux préfets était de les aider en tant qu'autorité de gestion sur trois points qui nous semblent importants. Premièrement, l'appui à l'émergence des projets, l'idée étant de mobiliser les comptables publics pour qu'ils fassent connaître à leurs interlocuteurs et notamment aux collectivités au montage des projets : les trésoreries générales peuvent apporter une aide juridique ou technique au montage, voire parfois tenter de boucler un plan de financement. Nous pouvons, en la matière, mettre notre savoir-faire à la disposition des préfets. De même, nous avons une certaine expérience d'expertise des projets d'investissement par le biais de nos missions d'expertise économique et financière. En ce domaine également, nous avons proposé notre concours aux préfets pour ce qui concerne les fonds européens et plus généralement, nous leur avons proposé des prestations d'analyse économique et financière.

Cette proposition a été bien reçue : ce sont vingt-cinq régions qui se trouvent concernées, l'Alsace fonctionnant sur un modèle différent et, à ce jour, nous avons signé ou sommes sur le point de signer des accords avec vingt préfets de région. C'est un bon résultat qui m'a fait plaisir puisque, sur ce créneau, nous étions en concurrence avec la Caisse des dépôts et consignations. Cela m'a permis de constater que lorsque nous nous organisons, nous sommes capables d'offrir un service de qualité qui supporte la comparaison avec l'action des tiers.

Tout cela illustre notre souci de nous mobiliser fortement sur la gestion des fonds européens. Nous avons bien perçu l'importance de cette problématique pour le gouvernement et nos premiers résultats sont encourageants si l'on veut bien considérer que nous avons mis l'accent sur la programmation. De 15 %, au moment de l'annonce du plan gouvernemental au 1er août, nous sommes passés au 1er janvier aux alentours de 29 %.

Pour répondre à votre question concernant les statistiques, la comptabilité publique en tant que telle ne dispose pas de chiffres particuliers sur la consommation : c'est la DATAR qui les centralise avec l'outil Présage dont j'ai parlé. Nous réalisons un seul travail avec la DATAR, à savoir interfacer l'outil qui permettra d'intégrer automatiquement les paiements à Présage pour éviter les doubles saisies.

Il me reste à préciser l'évaluation. Nous n'en sommes pas directement chargés : il existe des obligations communautaires en termes d'évaluation des programmes des fonds structurels européens. Une évaluation à mi-parcours doit être réalisée en 2003. Elle sera pilotée par les SGAR, mais elle fera appel à des cabinets privés. Notre contribution a consisté à mettre à la disposition des SGAR un inspecteur du Trésor à temps plein. Par ailleurs, une instance nationale d'évaluation dont les travaux sont en cours, et vice-présidée par un Trésorier-payeur de région, va travailler tout au long de l'année, afin d'élaborer un rapport qui sera remis à la fin de l'année 2003.

Telles sont, M. le Président, M. le Rapporteur, Mmes et MM. les députés, les précisions que je pouvais vous apporter dans cet exposé liminaire.

M. Emile Blessig, président&# propositions que vous avez faites aux préfets de région, et qui me semblent tout à fait intéressantes, je n'ai pas très bien compris la teneur de votre première proposition. Pourriez-vous m'apporter des éclaircissements également sur ce point ?

M. Emile Blessig, président : La parole est à M. le Rapporteur.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Ma question vient compléter celles de ma collègue : compte tenu de la possibilité qui est offerte à la région de conserver les crédits non consommés, j'aimerais savoir s'il y aura une opportunité de les redéployer. Je pense notamment au cas des régions qui demandent des financements pour des infrastructures, routières entre autres...

M. Jean Bassères : Je vais essayer de répondre à ces deux questions. La première concerne les reports de crédits ; j'aimerais, pour éclairer mon propos, vous rappeler quelle est la procédure courante : normalement, les crédits sont délégués aux préfets. En fin d'exercice, certains crédits ne sont pas consommés et la procédure administrative usuelle consiste à les faire remonter à l'échelon central avec un assez grand nombre de justifications et de contraintes, puis à les faire redescendre dans le cadre des délégations comme tous les crédits de telle sorte qu'ils n'interviennent jamais avant le mois de février, voire avant le mois de mars.

Nous avons pris conscience, en examinant ce processus, qu'il fragilisait sérieusement les crédits européens et nous avons donc décidé de mettre un terme à cette procédure d'aller-retour et de permettre aux préfets de région d'engager les crédits, sinon le 2 janvier puisque nous avons maintenu un minimum de procédures, du moins dans les premiers jours du mois. Nous avons ainsi évité un aller-retour administratif. Ceci garantit aux régions - au sens administratif du terme - de conserver les crédits non employés.

S'agissant de la question du redéploiement, je dirai que nous poursuivons bien l'objectif de permettre des redéploiements au plan local, étant entendu qu'ils devront quand même être opérés au sein du même chapitre budgétaire. J'ignore si cette précision peut satisfaire votre demande relative aux infrastructures routières qui font l'objet d'un chapitre particulier : aussi longtemps que la loi organique ne sera pas en place nous ne saurons pas gérer des redéploiements entre chapitres budgétaires. J'ajoute que ces redéploiements devront être cohérents avec le DOCUP et les opérations financées puisque théoriquement ces crédits, mis à part l'acompte de 7 %, sont versés sur des opérations déjà effectuées : il n'est donc pas envisageable d'allouer les crédits à un autre bénéficiaire que le bénéficiaire final.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : J'aimerais revenir sur les propos de mon collègue sur ce sujet qui, pour nous, style="text-align: justify">M. Philippe Folliot, rapporteur : Vous me permettrez de poursuivre sur la problématique des infrastructures. Les régions qui sont en situation de reconversion industrielle ne peuvent être éligibles au titre des programmes routiers, tout au moins en métropole, ce qui dans une région comme celle de Midi-Pyrénées restreint beaucoup les choses !

Voyons si j'ai bien compris vos explications. Supposons qu'au départ, dans un chapitre, telle somme se trouve inscrite, que l'intégralité de ladite somme a été relativement vite consommée, alors que dans un autre chapitre prévu dans le cadre du DOCUP, pratiquement aucun crédit n'a été utilisé, il n'existe pas de possibilité, au sein de la région, d'opérer un transfert de crédit ?

M. Jean Bassères : Non parce que, dans ce cas, ce qui est en cause, c'est le document d'orientation lui-même, la programmation. Je vous parle des paiements et de la souplesse indispensable au dispositif. Dans l'exemple que vous donnez, la programmation qui a été approuvée par Bruxelles prévoit tel financement pour telle opération et tel financement pour telle autre opération. Par conséquent, la position qui consisterait finalement à financer telle opération plutôt que telle autre nécessiterait des modifications de la programmation et du DOCUP ...

Cela renvoie à l'une de mes premières observations : nous n'avons probablement pas intérêt à avoir des DOCUP trop précis. C'est là une parfaite illustration de ce que j'ai essayé de vous démontrer !

Mme Claude Courtois : Pour chaque fonds, on a des chapitres-articles correspondants. Ainsi, si une action reçoit des financements du FEDER dans un département et qu'une autre action, dans un autre département, également financée par des fonds du FEDER, avance plus vite, les crédits pourront être redéployés et cela quelle que soit la nature de l'action, à partir du moment où les actions sont financées par des crédits européens. Ensuite, le préfet pourra faire l'action contraire pour que le projet qui avait bénéficié de moins de financements au motif qu'il avançait plus lentement en reçoive davantage. Mais, de toute façon, il faut rester dans le cadre de la région et de la programmation.

M. Jean Bassères : Je souhaiterais maintenant répondre à la question relative au transfert de l'autorité de paiement. Il s'agit d'un terme un peu complexe retenu par l'Union européenne. Dans un programme européen, on distingue l'autorité dite "de gestion" qui, à l'exception de la région Alsace est assumée par le préfet qui gère le programme, négocie la programmation et suit son exécution, de l'autorité dite "de paiement" qui assure la relation financière avec la Commission qui reçoit les fonds et fait l'appel de fonds, après avoir procédé aux contrôles et vérifications préalables. En France, le droit commun veut que les deux autorités relèvent du pr&eac projets, le préfet ayant le choix d'externaliser cette fonction au profit soit du Trésor public, soit de la Caisse des dépôts et consignations.

Le principal avantage de cette dernière par rapport à notre système antérieur, était de garantir un circuit court. Dès lors que nous mettons en place un circuit à cinq jours, la comparaison lui est moins favorable.

M. Jean Launay : M. le directeur, j'ai, pour ma part, été sensible à l'idée que vous avez émise dans le cadre de votre deuxième série de remarques, sur l'accompagnement des porteurs de projets. Néanmoins cet accompagnement ne va pas être aussi facile qu'il y paraît à mettre en place et j'en veux pour exemple une situation que j'ai moi-même vécue.

Lorsque les collectivités portant des projets importants, susceptibles d'être éligibles aux fonds européens disposent de structures techniques propres, il est assez aisé pour elles de se coordonner avec les services préfectoraux, mais je vois mal comment, en amont, au moment du montage du projet, le réseau peut véritablement être associé.

Il l'est, naturellement, par la suite, lors de la phase finale de l'opération quand il s'agit de recueillir les décisions des comités de programmation, mais il me semble qu'il ne l'est pas suffisamment en amont. Nous en arrivons ainsi à cette situation que j'ai vécue, que je vis encore et qui est très pénible où un comité de programmation peut être contredit dans sa proposition plus d'un an et demi après l'émission de son premier avis. J'ai vécu ce cas au sein d'une petite commune, où bien qu'une petite équipe technique du contrat de terroir ait piloté l'affaire et fait le lien avec les services de la préfecture, cela n'a pas empêché le blocage du projet lors de sa finalisation. J'ai l'impression d'être l'otage d'un mauvais jeu entre les services financiers et les services préfectoraux. Je ne mets pas en cause les services financiers, mais faute de les avoir associés en amont, la façon de monter le projet présente indiscutablement une faille !

C'est peut-être une idée fixe que j'ai sur ce point, mais il me semble qu'y compris avec les procédures de réforme espérées, nous aurons du mal à corriger ce défaut. Comment, concrètement, pourrez-vous, en tant que services financiers, être associés plus en amont à cette mission de conseil ? Je l'ignore sincèrement même si j'ai été sensible à l'argumentation que vous avez développée pour nous convaincre que vous pouviez offrir à la préfecture l'opportunité de bénéficier d'un appui technique.

M. Jean Bassères : Il est clair que la situation que vous décrivez est précisément celle que nous voulons éviter ! Que l'on puisse émettre un avis à un moment donné et le modifier un an et demi plus tard est, en soi, extrêmement choquant - sous réserve que le projet n'ait pas lui-même connu durant ce laps de temps des évolutions, mais tel n'est pas le présents, de manière globale, émettre un avis sur le dossier et quand ce dossier aura été accepté en programmation, il n'y aura plus moyen de dire ensuite qu'il pâtit de tel ou tel oubli ! Au-delà, c'est plus en amont qu'il nous faut intervenir. En réalité, le Trésor public travaille assez peu à ce stade : il peut intervenir sur la programmation, sur le paiement et sur le suivi. Nous souhaitons mobiliser les comptables pour qu'ils puissent être formés - mais je ne suis pas naïf et je sais que seuls certains comptables, en sont capables - à la réglementation européenne, aux possibilités offertes par les fonds européens de manière à leur permettre, en amont, de jouer un rôle de conseil auprès des collectivités locales qui le souhaitent, et d'accompagner les projets le plus rapidement possible.

C'est une orientation que nous nous sommes fixé cet été, mais j'observe une certaine prudence dans l'effet d'annonce, car je suis conscient qu'elle ne va pas concerner tout le monde : il faut déjà former les comptables pour qu'ils connaissent les réglementations, ce qui n'est pas facile. Je pense néanmoins que les plus dynamiques et les plus motivés d'entre eux - et je sais qu'ils sont nombreux - nous permettront d'intervenir plus en amont par rapport au comité de programmation. Telle est, en tout cas, notre ambition.

M. Jean Launay : Ce dossier avait une incidence qui n'est pas neutre sur le contrôle budgétaire. En effet, l'inscription au budget d'une prévision de recettes, sur la base d'une décision prise en comité de programmation et qui n'a pas de suites, met en cause la qualité du contrôle budgétaire : non seulement celui du comptable, mais également celui des services de la préfecture !

M. Jean Bassères : Je ne peux que partager votre point de vue : cela fait partie in fine de la sincérité des comptes administratifs.

M. Emile Blessig, président : A l'évidence, les fonds européens constituent l'un des principaux outils pour lutter contre les inégalités de développement territorial. Or, on se heurte, comme vous l'avez relevé dans votre propos concernant les départements d'outre-mer, à une divergence culturelle sur les notions de programmation et de réalisation, d'où la difficulté qui tient souvent aux modalités de préfinancement des opérations. Par ailleurs je suis surpris d'apprendre car c'est la première fois que j'entends ce chiffre, que 70 % des dossiers représentent des montants inférieurs à 23 000 €.

Puisqu'il s'agit d'un outil extrêmement complexe, destiné aux régions victimes de la fracture territoriale où, précisément, il est le plus difficile de mobiliser les moyens financiers et les moyens humains, des réflexions sont-elles engagées par rapport au préfinancement ? Quelle est votre analyse sur l'impact de cette difficulté que rencontrent les territoires et quelles pourraient être les pistes d'intervention susceptibles de la résoudre ? Je parle d'un problème qui, s'il se pose de façon caricaturale dans les d&ea d'évaluation sont à entendre qualitativement ! Je veux dire par là que les évaluations qui vont être réalisées pour le compte de la Commission européenne comprendront des éléments qualitatifs dont l'impact sur les territoires, l'articulation des contrats de plan etc. Elles répondront donc au souci que vous exprimez, mais je ne peux pas vous en dire davantage sur des travaux dont certains se poursuivent, voire ne sont pas même engagés.

M. Emile Blessig, président : Dans combien de temps aboutiront-ils ?

M. Jean Bassères : Nous devons fournir des évaluations en 2003, dans le cadre de l'évaluation à mi-parcours des fonds et, par conséquent, les travaux doivent avoir avancé à des degrés divers selon les régions. Quoi qu'il en soit, c'est durant l'année 2003 que nous remettrons ces rapports, ce qui implique d'étudier les situations, région par région, pour affiner les choses !

Sur le second volet de votre question, M. le Président, je peux plus facilement vous livrer mon sentiment. Notre principale difficulté consiste à faire émerger des porteurs de projets. A titre personnel, je ne suis pas convaincu que le financement soit la question la plus sensible : je ne la nie pas, mais je ne la considère pas comme la plus sensible. Pour les cas où elle existe, un point important est à noter dans les décisions qui ont été prises dans le courant de l'été : la possibilité d'avoir un régime d'avances supérieur, là où les porteurs de projets rencontrent le plus de difficulté à obtenir des préfinancements. Le taux de l'avance moyenne qui, en règle générale, était fixé à 5 % est passé à 20 % et il a été demandé aux préfets de cibler ce nouveau dispositif sur ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés au niveau des préfinancements.

En ce qui concerne les collectivités locales, vous savez que les DOM se trouvent dans une situation totalement atypique alors que la situation financière des collectivités locales est globalement satisfaisante en métropole. Un mécanisme de préfinancement dont j'ignore s'il est déjà totalement monté ou s'il est en cours de définition fait intervenir l'AFD dans les DOM : la collectivité locale obtient un prêt par l'AFD, monte le projet et, une fois que la subvention communautaire arrive, la reverse à l'AFD.

Il est vrai que nous avons travaillé dans le cadre des DOM : j'ignore si un besoin de cette nature s'exprime au sein des collectivités de métropole qui ont, de toute façon, la possibilité de réussir aujourd'hui par le biais des lignes de trésorerie.

Quoi qu'il en soit, je suis, moi aussi, impressionné par les chiffres et le nombre de dossiers mettant en jeu moins de 23 000 €. Il pose la question de la philosophie de l'utilisation de nos fonds européens car, dans de nombreux cas, nous ne situons pas dans une notion d'opérations structurantes. Il convient donc aussi de nous interroger sur l'objectif des fonds.< combler les disparités interrégionales existant à l'intérieur d'un même pays. Par conséquent ce disséminement et le fait que nous intervenions parfois sur des projets qui ne sont peut-être pas considérés comme éminemment structurants demeurent une façon de combler les disparités interrégionales au sein d'un même Etat membre.

La perspective de l'élargissement de l'Union va-t-elle obérer la prise en compte des disparités entre les régions à l'intérieur d'un même Etat membre ? Si tel est le cas, c'est extrêmement inquiétant pour nous !

M. Emile Blessig, président : En d'autres termes, l'option macro-économique risque-t-elle de l'emporter sur les arbitrages interrégionaux à l'intérieur d'un pays ?

M. Jean Bassères : Je ferai deux commentaires. D'abord, le chiffre que je vous donne correspond bien à 70 % ou à 80 % du nombre des dossiers. Si on rapportait ce pourcentage aux masses financières, le rapport serait d'une autre nature !

Par ailleurs, il y a une perspective d'élargissement et l'on pressent - mais je ne suis pas technicien en la matière - que la masse des fonds consacrés à la France dans l'avenir risque d'être plus réduite que celle dont nous disposons actuellement, d'où l'importance de maintenir un bon niveau de la qualité du contrôle exercé sur les fonds. On a objectivement intérêt en effet à ce que les nouveaux pays de l'Union soient également soumis à des exigences de contrôle assez fortes. Il faudra donc bien faire attention à ne pas donner l'impression que nous baissons la garde en la matière car les nouveaux Etats profiteront de la moindre perspective de relâchement.

M. Emile Blessig, président : La technique du zonage vous paraît-elle être une bonne approche pour un pays comme la France ou peut-on, pour une meilleure efficacité de l'utilisation des fonds, envisager d'autres perspectives ? Nous ignorons totalement si la politique régionale européenne maintiendra le zonage qui, comme tous les outils, a, de toute façon, ses avantages et ses inconvénients. Je sais bien que c'est un sujet qui est un peu éloigné des préoccupations de la comptabilité publique, mais avez-vous quelques observations à faire à cet égard ?

M. Jean Bassères  : En fait, non ! C'est vrai que c'est un sujet qui, pour le coup, n'entre pas du tout dans notre champ de compétences : je ne me suis pas posé la question et je ne sais pas, non plus, - c'est un aveu d'incompétence - quelles sont les contraintes européennes en la matière. Je me demande s'il n'y a pas des obligations en termes de zonage puisque je vois, sur l'objectif 1 que figurent les DOM. J'imagine que tout cela a donné lieu à une discussion avec Bruxelles pour déterminer quelles zones sont éligibles à tel type d'objectif....

La philosophie des objectifs est bien en effet de distinguer les régions en fonction pourrais-je dire, disposez-vous de moyens suffisants, ne serait-ce qu'au niveau informatique ?

M. Jean Bassères : Vous ne rencontrerez jamais un gestionnaire pour vous dire que si on lui offre plus de moyens, il ne s'en réjouira pas. Si le Parlement dans sa sagesse nous octroie des euros supplémentaires, je prends devant vous l'engagement qu'ils seront bien utilisés...( Rires.)

Cela étant je suis un peu schizophrène : j'appartiens aussi à un ministère qui plaide plutôt en faveur, sinon de la rigueur puisque le terme est à bannir, du moins de la modération budgétaire et j'ai cru comprendre que, pour les prochaines années, le ministère des finances s'inscrivait plutôt dans un projet de maîtrise assez stricte des moyens.

Je suis donc réaliste et je pense qu'objectivement, pour ce qui concerne mon réseau et la problématique des fonds européens, nous avons les moyens matériels et humains de faire face aux exigences. Si je vous le dis, c'est parce que j'en suis convaincu d'autant que c'est vraiment une question de mobilisation des hommes et des femmes. Nous étions très contents que les préfets nous fassent confiance et nous nous sommes vraiment mobilisés au cours de l'été parce que nous pensons que c'est une exigence nationale d'améliorer les choses.

Un jour, je viendrai peut-être vous voir, M. le Rapporteur, pour vous dire qu'à un autre niveau, je manque de moyens, mais l'honnêteté m'oblige à reconnaître, aujourd'hui, que les moyens ne constituent pas un point de blocage !

M. Emile Blessig, président : Je remercie M. Bassères et ses collaborateurs d'avoir bien voulu nous consacrer une partie de leur temps.

La séance est levée.

Audition de M. Nicolas Jacquet,

Délégué général de la DATAR

Réunion du mardi 12 février 2003

Présidence de M. Emile Blessig, président

M. Emile Blessig, président : Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui Nicolas Jacquet, délégué général de la DATAR, dans le cadre de nos auditions sur les conséquences des politiques communautaires sur l'aménagement du territoire.

Nos précédentes auditions ont mis en lumière les problèmes et obstacles à une bonne consommation des dotations des fonds structurels dans notre pays. Il serait maintenant souhaitable de se livrer, autant que possible, à une analyse de l'avenir et de comprendre ce que peut être l'aménagement du territoire sans les fonds structurels. Je remercie M. Jacquet de tenter cet exercice de prospective.

et sociale, la DATAR a engagé une réflexion prospective dans le cadre d'un groupe de travail, présidé par le SGCI et constitué à la fois de représentants des administrations centrales, d'élus, d'associations et d'experts. C'est à l'issue des travaux de ce groupe de travail qu'a pu être présentée au CIADT du 13 décembre dernier la position française sur l'avenir des fonds européens, ce qui a amené le ministre chargé de l'aménagement du territoire, M. Delevoye, à écrire à M. Barnier début janvier pour présenter la position française.

Mais d'abord, quels enseignements peut-on tirer de la politique de cohésion économique et sociale ?

Nous avons le sentiment que le bilan de la gestion des fonds européens est globalement positif, mais qu'il est perfectible. Le bilan que nous avons dressé, en effet, fait apparaître un état des lieux a priori positif sur les trois objectifs.

Pour les pays du fonds de cohésion et les régions concernées par l'objectif 1, on a constaté une convergence des PIB nationaux et dans une moindre mesure des PIB régionaux vers la moyenne européenne. A partir du moment où les fonds structurels reposent sur une idée de base, celle de l'écart des PIB, le premier instrument de mesure est cette convergence des PIB vers la moyenne européenne. Avec l'élargissement, on le sait, cette conception de la moyenne des PIB risque de voler en éclats, l'arrivée de pays à faible PIB faisant monter fictivement le PIB des autres pays, donc, faisant de pays pas très riches des pays riches, et de pays pauvres des pays aisés. Cette situation ne manquera pas de bouleverser notre approche des fonds structurels.

Un rapport de la Commission confirme que l'interconnexion des marchés des quinze Etats membres conduit les pays les plus développés à récupérer une part des crédits de la cohésion par le biais des importations de services et de marchandises dans les régions les plus en retard : 24 % des aides dédiées à l'objectif 1 auraient ainsi été redistribuées aux pays membres autres que les bénéficiaires. Il s'agit là d'un aspect un peu paradoxal de la gestion des fonds européens : de l'argent a été injecté des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres. Mais compte tenu des importations des produits et de l'apport d'ingénierie, une partie de ces fonds a été récupérée par les pays les plus riches.

Pour les zones concernées par l'objectif 2, la mise en place de stratégies globales de reconversion a souvent permis à l'emploi local de résister, d'introduire une culture de la diversification dans des espaces qui pouvaient être spécialisés à l'extrême. Les ex-zones de l'objectif 2, en effet, étaient des zones en reconversion industrielle, donc des zones très fortement industrialisées. Les politiques structurelles ont contribué à aider ces régions à organiser leur reconversion. La région Nord Pas-de-Calais, par exemple, a perdu 500 000 emplois ces cinquante dernières années, essentiellement dans la mine constate quelque effet de la restriction dans le droit d'utilisation des fonds européens.

Si le bilan est globalement positif, mais perfectible, une interrogation demeure sur les politiques de zonage. La notion de zonage a bien évidemment permis de cibler les aides sur un certain nombre de territoires. En même temps, nous étions sur des zonages assez larges, 37 % de la population métropolitaine étant éligible aux fonds européens et 100 % des populations des départements d'outre-mer. Cette politique a d'abord été très difficile à imaginer, à conduire et à négocier. On en voit bien les imperfections, quand il faut raisonner uniquement sur des logiques de population, puis quartier par quartier, tracer un trait pour dire que tel quartier en milieu urbain est éligible, tel autre ne l'est pas, et arriver en maniant les ciseaux sur les populations. C'est vrai qu'il y a un côté un peu technocratique et un peu irréel dans cette politique des zonages. Nous sommes en la matière confrontés à la difficulté de la définition par Bruxelles des zones, Nuts 2 étant le niveau régional et Nuts 3 le niveau départemental. Le fait pour Bruxelles de devoir appliquer des modes de répartition géographique identiques pour l'ensemble des pays d'Europe amène à des découpages assez étonnants, l'élément de cohésion pour Bruxelles étant Nuts 2. Une politique de zonage aurait peut-être été plus efficace et efficiente si elle avait été concentrée sur des zones géographiques plus resserrées. Aujourd'hui, il existe un certain consensus pour dire que la politique de zonage telle qu'elle a été conduite est extrêmement difficile à mettre en œuvre, notamment pour passer d'une période à une autre, d'un zonage à un autre. Cela obligeait de mettre en place des systèmes de phasing out, de sortie de zonage, ce qui amenait à des discussions sans fin. On voit les effets pervers d'un tel système, alors même qu'avec 37 % de la population éligible, nous aurions dû être dans une situation relativement aisée.

Quant à l'objectif 3, il a permis de soutenir les politiques nationales de l'emploi sur l'ensemble du territoire, y compris dans leurs déclinaisons territoriales. Mais il est vrai que la logique de cet objectif était nationale plus que territoriale. Cela dit, l'objectif 3 a certainement joué un rôle d'effet levier sur les politiques de formation.

Il existe donc plusieurs aspects positifs dans la gestion des fonds européens dans notre pays, en particulier pour les territoires en difficulté. L'aspect innovant de la démarche mérite également d'être mis en avant. Les fonds européens nous ont en effet vraiment obligé à prendre en compte une logique d'élaboration d'une stratégie, d'établissement d'un document opérationnel et d'évaluation des politiques conduites. Ce triptyque qui pourrait être celui de toute action publique a été un apport des fonds européens, une méthodologie qui nous a été apportée par Bruxelles et qui a été mise en œuvre aussi bien pour les contrats de plan Etat-régions que pour nos politiques territoriales.

Autre apport des fon les crédits du contrat de plan non consommés pourront l'être les années suivantes. Mais il ne faut pas oublier que les mécanismes de gestion des fonds européens interdisent une consommation à 100 %. Lancer un projet et avoir une logique dans laquelle au 31 décembre de l'année n+2 la dernière facture a dû être payée pour être intégré dans un dossier global permettant de justifier la consommation à 100 % des fonds est extrêmement difficile quand on essaie de financer des opérations lourdes. À la limite, mieux on consomme l'argent quand on soutient des petits projets, moins on consomme l'argent quand on soutient des gros projets. C'est complètement paradoxal parce qu'une politique d'aménagement du territoire consiste à financer des projets structurants. Un des problèmes du mécanisme de gestion des fonds européens est qu'on est encouragé à soutenir des petits projets, donc à saupoudrer.

J'en viens à ma deuxième question : quel impact possible de la suppression des fonds structurels ?

L'élargissement, c'est clair, introduira une nouvelle donne dans le débat sur les fonds structurels. Il est ainsi évident qu'un rebasculage d'une partie des fonds - notamment de l'actuel objectif 2 - vers les pays de l'élargissement est incontournable. Le retour des fonds structurels sur la France s'est effiloché : de 10,2 % de taux de retour, on est passé de 9,8 % puis 8 % pour la dernière période.

Autre élément : la difficulté à accroître l'enveloppe consacrée au fonds de cohésion et aux fonds structurels. Avec une enveloppe relativement constante, les pays les moins riches se trouveront plus riches par un simple effet statistique et se trouveront exclus du bénéfice des fonds. Il s'agit là d'une sorte de quadrature du cercle que l'on n'arrive pas à résoudre. Dans le scénario élaboré par la DATAR sur la base des critères actuels de répartition des crédits et d'un plafonnement de l'aide aux dix nouveaux arrivants à 4 % de leur PIB, soit 16 milliards d'euros en 2007, le montant de l'enveloppe financière se situerait autour de 0,40 % du PIB communautaire à comparer à la moyenne de 0,35 % sur la période 1996-2000 et à 0,45 % proposé par la Commission. Ce scénario à 0,40 % implique toutefois une augmentation de la contribution nette des pays tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Troisième et dernière question : faut-il une nouvelle politique européenne et quel serait son contenu ?

La réponse apportée par le CIADT du 13 décembre dernier est très claire : oui, nous voulons une nouvelle politique régionale européenne, le maintien de l'objectif I, notamment pour l'Outre-mer français, mais nous voulons aussi le maintien d'une enveloppe régionale européenne. C'est le message qui a été adressé à la Commission. Vendredi prochain, à l'occasion d'une réunion du comité de suivi des fonds structurels en région Pays de Loire, nous organiserons une communication avec la presse, en présence de Michel Barni 160;décembre comme dans le rapport du comité stratégique de la DATAR, nous évoquons le thème des "Petites Europe", c'est-à-dire la nécessité dans une Europe à vingt-cinq de travailler en alliance avec un certain nombre d'autres pays qui ont des thématiques identiques aux nôtres et qui souhaitent travailler avec nous.

En matière de politique de la montagne, par exemple, nous avons des coopérations à imaginer, l'arc alpin s'étendant jusqu'aux pays de l'Est. Pris sous cet angle, le thème de la ruralité est un espace d'alliance qui peut constituer une Petite Europe, une thématique sur laquelle nous pouvons trouver des alliés et faire valoir auprès de l'Union européenne la nécessité d'une politique régionale.

Autre exemple de Petite Europe : les politiques littorales. L'arc atlantique concerne ainsi l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, le Royaume Uni, la Belgique aussi bien que la France. Une politique structurante en la matière, ce peut être une vraie politique de cabotage maritime, de manière à éviter des norias de camions remontant sur nos infrastructures routières et autoroutières. C'est un moyen de structurer un espace, tant localement qu'économiquement, de développer des politiques touristiques ou de mieux organiser les trafics maritimes, notamment pour lutter contre les pollutions marines. L'arc méditerranéen ou les régions ultrapériphériques sont également des Petites Europe.

Une nouvelle politique régionale européenne pourrait reposer sur ce genre de thématique, étant entendu que nous pourrions, selon les espaces, fonctionner avec une sorte de politique régionale à la carte. Autrement dit, les territoires ou les régions intéressés par telle ou telle de ces politiques pourraient demander l'intervention de l'Europe sur une thématique et non forcément sur l'ensemble des thématiques. Dans ces nouvelles thématiques, nous sommes convaincus que les nouvelles technologies constituent un élément majeur. Elles doivent impérativement devenir un élément structurant d'aménagement du territoire, comme l'ont été les infrastructures de transport, la formation et la recherche. Nous espérons d'ailleurs que M. Barnier annoncera prochainement une bonne nouvelle : l'acceptation par Bruxelles du principe d'un financement sur fonds européens de la politique française de téléphonie mobile et de haut débit.

Quant au volet urbain et la politique de la ville, les quartiers sensibles peuvent eux aussi constituer une Petite Europe. Dans une Europe à vingt-cinq, nous avons à nous trouver des alliés car certains pays d'Europe ne partagent pas du tout notre préoccupation sur les politiques urbaines. Enfin, une politique régionale européenne ne doit pas oublier le problème des infrastructures d'enjeu européen. Nous savons que le sujet des infrastructures de transport est un sujet difficilement soluble à l'échelle française, compte tenu de notre espace, de notre positionnement au carrefour de l'Europe. Même s'il y a un risque d'être décentré avec l'élargissement, il est tout à fait fondamental pour notre pays de rester ce carrefour de l'Europe, aussi bien dans le lien Nord-Sud que dans l'espace Est-Ouest. Et thématiques urbaines - vous en avez évoquées un certain nombre - au détriment des territoires en difficulté, qu'ils soient ruraux ou en reconversion industrielle ? Ne faut-il pas promouvoir les enjeux liés aux Petites Europe, sans pour autant oublier les zones rurales et les bassins de reconversion industrielle ?

M. Jacques Le Nay : Je m'associe aux propos du rapporteur. Lorsqu'il s'agit d'aménagement, comment pourrait-on exclure ces territoires sensibles ? C'est une de nos préoccupations principales.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Moi aussi, la suppression des zonages m'inquiète, alors que vous avez reconnu, M. le délégué, que les fonds structurels avaient eu un effet levier sur les territoires les plus en difficulté. On ne peut le contester. Pour autant, on constate que les disparités entre les régions, au sein d'un pays, restent fortes. Si les disparités entre Etats membres ont été comblées, il reste beaucoup à faire au sein de chaque pays, et singulièrement à l'intérieur de la France. La suppression des zonages ne pourrait qu'avoir un effet négatif. Il faut donc rester vigilant.

Vous avez également indiqué, et je m'en félicite, que les nouvelles technologies allaient être prises en compte dans les évolutions. Cela dit, vous avez dit qu'elles allaient jouer le même rôle que celui qu'avaient joué les infrastructures routières. Certes, les nouvelles technologies sont déterminantes et auront un rôle majeur pour pallier les disparités territoriales. Pour autant, on ne peut pas dire qu'elles auront un rôle aussi important que celui qu'ont eu les infrastructures routières. Il serait ainsi particulièrement dangereux de considérer que de nouvelles infrastructures routières ou ferroviaires lourdes ne sont plus nécessaires, en raison de l'apport des nouvelles technologies. C'est un signal d'alarme que j'ai déjà eu l'occasion de lancer pendant toute la législature précédente. Je le relance avec autant de fermeté aujourd'hui. Il est très important que la France reste le carrefour de l'Europe. Or, l'élargissement fera nécessairement de la France une sorte de corne isolée de l'Europe si nous ne faisons pas très attention aux axes routiers transversaux.

Il faut donc garder une attention toute particulière sur les grandes infrastructures routières. Par ailleurs, j'ai quelques inquiétudes liées aux problèmes de cofinancement. Les gels de crédits annoncés par le gouvernement entraîneront nécessairement, par un effet mécanique, des retards sur des grands programmes qui bénéficient de cofinancement, donc un retard encore plus important de fonds européens. Comment surmonter cette difficulté ? Comment imaginer que des fonds non consommés sur un programme puissent être transférés sur un autre programme afin de ne pas avoir un taux de retour encore plus important ?

M. Emile Blessig, président : Je me pose une question de méthodologie. Vous venez de nous dire que le critère du PIB n'était pas toujours opérant. Existe-t-il entre les pays européens, sur la mesure du retard une fois et demi la Belgique. Il est donc vital qu'on puisse tenir compte des éléments liés à une spécificité française au regard de l'étendue de son territoire.

M. Nicolas Jacquet : J'adhère à toutes vos remarques. S'agissant du zonage, j'ai voulu rappeler qu'il existait un véritable risque qu'il n'y ait plus de politique régionale européenne. Et je voudrais sensibiliser la Délégation au message de M. Barnier. Autrement dit, sans action de lobbying, sans un message politique fort de notre pays à l'égard de la Commission, mais plus encore à l'égard des autres pays d'Europe, il y a toutes les chances qu'il n'y ait plus de politique régionale européenne hors objectif 1 et pays de l'élargissement. C'est la sonnette d'alarme que nous tirons, car tous les échos qui nous viennent montrent que tel ou tel pays estime que le dispositif coûtera trop cher et qu'il n'est pas question de rentrer dans ce jeu-là. Ainsi, l'Allemagne, pays fédéral, développe une thèse selon laquelle l'aménagement du territoire est purement national et n'intéresse pas l'Europe. En France, au contraire, nous affichons clairement et fortement la nécessité d'avoir une politique européenne en la matière.

Il y a donc bel et bien un risque qu'il n'y ait plus de politique régionale européenne. Dans cette perspective, l'enjeu du zonage est de moindre ampleur. Le constat qui est fait, c'est qu'en 2006, on prend tous les pays d'Europe, on mélange le PIB, le taux de chômage, et on sort du chapeau des zones qui méritent d'être aidées pour quelque politique et d'autres zones qui ne méritent pas d'être aidées. C'est ce système un peu absurde. Alors que l'autre idée mise sur la table et sur laquelle la Commission, du moins M. Barnier, est plutôt en phase, met l'accent sur un zonage qui ne fait pas l'objet d'un montage a priori. On ne dit pas qu'il y a un endroit où il y a des fonds européens, et un autre où il n'y en a pas. Il y a des thématiques qui justifient des fonds européens et pour lesquelles il faut voir quel est le bon zonage. Mais les espaces fragiles ou les zones peu peuplées, ne l'oubliez pas, sont des Petites Europe, cette notion n'étant pas seulement un espace géographique, mais aussi un espace thématique, un lieu d'alliance, là où d'autres pays veulent faire la même politique que nous. Il faudra bien une logique de zonage pour identifier les espaces ruraux peu peuplés. Mais il s'agit plus d'une logique Leader que d'une logique classique objectif 2.

Cela dit, le sujet du zonage est secondaire, car sans politique régionale européenne, la question du zonage ne se pose même pas.

Ensuite, je suis complètement convaincu par la nécessité de construire des politiques d'aménagement du territoire à partir des leviers traditionnels que sont notamment les routes, le fer, les aéroports, la recherche ou la formation. Je me suis sans doute mal exprimé. Je voulais simplement dire que pour le futur, les nouvelles technologies joueraient le même effet levier qu'il y a dix, vingt, trente ou quarante ans, l'effet levier du désenclavement routier ou ferroviaire. Hier, on m'a expliqué dans une réunion quels étaient les projets des grandes villes européennes. Qu'il s'agisse de Milan essentiel qui n'enlève rien au volet désenclavement. Reste qu'il ne faut pas perdre la bataille du désenclavement du numérique. Ce n'est d'ailleurs pas qu'une question de désenclavement. Comme tout le monde est sur la même ligne de départ, il faut que le monde rural autant que le monde urbain, autant les petites villes que les grandes villes, arrivent à partir en même temps pour apporter une offre satisfaisante aux entreprises et aux particuliers.

Quant à la question de la batterie de critères, j'y ai déjà répondu.

M. Emile Blessig, président : Les critères sont-ils élaborés uniquement par la Commission ? Un organisme comme le vôtre peut-il faire remonter des propositions d'amélioration des outils méthodologiques qui sont loin d'être neutres, puisque nous les subissons, et une fois qu'ils sont arrêtés, on ne peut plus changer la règle du jeu en cours de partie ? L'opportunité de l'élargissement serait-il une manière de trouver des règles plus efficientes ?

M. Nicolas Jacquet : Et des règles différenciées également. Faut-il, par exemple, un système unique, quels que soient les thématiques et les sujets ? Faut-il le même type de procédure pour la gestion des fonds européens ou de sélection d'un pays à l'autre, alors que les organisations sont différentes ? La Commission doit d'ailleurs organiser un séminaire début mars sur les modalités de mise en œuvre des fonds européens pour l'après 2006. Il s'agira notamment de savoir s'il est possible d'avoir des systèmes différenciés.

Le système administratif français est certes complexe. Mais pour répondre à la demande de l'Union européenne de contrepartie nationale, nous avons appliqué notre complexité administrative à ce besoin de réponse sur les cofinancements. C'est peut-être une erreur. L'Italie, elle, répond de façon différente, le niveau régional ayant complètement pris la gestion des fonds européens. Mais les DOCUP italiens précisent à la Commission que les régions financent les projets à 7 %, l'Europe à 30 %. Autrement dit, il n'y a qu'un seul interlocuteur. La notion de contrepartie nationale est une notion unique en Italie. Bien évidemment, toutes les régions ne peuvent financer à hauteur de 7 % toutes les opérations. C'est pourquoi elles se retournent vers les communes et l'Etat pour disposer de l'argent complémentaire. Les projets ne sont ainsi pas bloqués. Et lorsqu'on veut financer un projet avec de l'argent européen, la région se porte fort pour tout le monde, et il n'y a plus de complexité administrative, il n'y a plus besoin de joindre au dossier la délibération de la commune, du département ou de l'Etat. Le jour où on arrivera à imaginer un système où on se portera fort pour le compte des autres, on aura fait un grand pas. Le sujet est bien difficile, car le jour où on se porte fort, les communes, les départements ou l'Etat risquent de ne plus intervenir.

Quant à la simplification, elle constitue un sujet majeur, aussi bien en term que trois chaînes de télévision et pas de téléphonie mobile. Je m'interroge donc sur tous les grands projets d'aménagement du territoire qui sont lancés. À côté de villes qui avancent très vite et de territoires qui se développent avec de grandes capacités financières et technologiques, il existe d'autres territoires dans lesquels rien n'avance.

Force est donc de constater qu'il y a une France et une Europe à deux vitesses, des territoires qui avancent et d'autres territoires de plus en plus décalés. Pourquoi ? Parce qu'ils sont peu peuplés, donc oubliés. Leurs élus ne sont pas entendus parce qu'ils n'ont pas la capacité financière de répondre à ces grands programmes européens. Nous n'avons pas les capacités d'apporter les contreparties à ces grands programmes européens dont nous ne pouvons pas être candidat. Et si par hasard nous le sommes, on nous regarde comme les parents pauvres qui prétendent acheter une Rolls alors qu'ils ne peuvent se payer qu'une 2CV. On est donc dans une situation de décalage permanent, et plus les choses avancent ailleurs, plus nous nous sentons décalés. Je m'interroge face aux avancées technologiques des grandes capitales européennes, sur l'avenir des territoires ruraux, et l'abandon par les pouvoirs publics, qu'ils soient nationaux ou européens de certains de nos territoires. Que vont-ils devenir ? Où va-t-on ? Comment peut-on dénier le droit de se déplacer, d'avoir la télévision ou la téléphonie mobile, à l'heure où on parle d'équiper tout le monde en haut débit ? J'ai l'impression qu'on est au Moyen Age quand d'autres sont au XXIè siècle. Quel est donc l'avenir de ces territoires ? Si l'Europe veut vider ces territoires, qu'elle nous le dise tout de suite. On s'arrêtera alors de s'époumoner à essayer d'y vivre et de donner de faux espoirs à nos habitants. Car les choses que nous réclamons pour vivre dans les Hautes Alpes, je peux vous assurer qu'elles ne sont pas du même niveau que celles qu'on réclame dans les villes européennes.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Je partage l'analyse de notre collègue. La notion d'aménagement du territoire est au départ une idée bien française, traduisant la volonté de lutter contre la fracture existante entre Paris et le désert français. Or, lorsqu'on met dans une politique d'aménagement du territoire des volets urbains et des grandes infrastructures pour relier les pôles urbains entre eux, on n'est plus du tout dans la même logique. On parle toujours d'aménagement du territoire, alors qu'on n'a plus les mêmes réalités derrières.

M. Nicolas Jacquet : Je partage, moi aussi, vos analyses. Le fait d'avoir une politique d'aménagement du territoire tournée vers la compétitivité est indispensable dès lors qu'on fait partie d'un monde de plus en plus internationalisé et où la compétition est devenue internationale. Si l'on veut empêcher que nos entreprises se délocalisent pour partir dans les pays de l'Est, il faut aussi que l'on ait une offre de compétitivité suffisante.

Cela dit, on peut très bien avoir une politique de compétitivité, mais a occasion de trouver des pays qui partagent la même problématique, avec lesquels on peut construire une politique commune. C'est vrai que sur la montagne, notamment certaines parties de la montagne, le problème de base est la population. Soit on arrive à faire revenir de la population, soit on n'y arrive pas. Globalement, on va plutôt dans le bon sens dans les Alpes, mais de façon inégale. Le massif alpin a ainsi pris 80 % de population en plus depuis vingt ans, mais pas partout, malheureusement. Une politique d'accompagnement des espaces fragiles doit donc consister à apporter le minimum d'infrastructures nécessaires pour que ces territoires soient toujours dans le jeu. C'est le sens de ce qui a été décidé le 13 décembre dernier sur la téléphonie mobile, puisqu'il y a eu à la fois une vraie volonté de réaliser 1200 antennes correspondant à 1600 centres-bourgs, quasiment exclusivement dans les espaces ruraux les plus fragiles, puisque les zones blanches sont a priori des zones très faiblement peuplées. Il a été demandé au préfet de région non seulement de conduire la concertation avec les élus, mais également au préfet coordonnateur de massif d'avoir une logique de massif, donc allant complètement dans le sens de la montagne. Je ne sais pas exactement où nous en sommes sur les implantations de téléphonie mobile dans les Hautes-Alpes, mais je crois que c'est clair. Parallèlement, des programmes Leader dans les Hautes-Alpes sont vraiment positifs parce qu'ils relèvent d'une logique de décentralisation. Il y a un territoire qui a son unité et sa cohérence, de l'argent qui est injecté, mais de façon globale : on donne de l'argent globalement sur une politique de redéveloppement du territoire concernée. Donc, il ne faut surtout pas abandonner ce type de politique. Une future politique régionale européenne doit intégrer des problématiques de type Leader pour aider les territoires les plus fragiles.

Mme Henriette Martinez : Ce que je reproche, c'est que les crédits qui nous sont délivrés ne sont que des crédits de fonctionnement alors que l'on a besoin de crédit d'investissement. LEADER n'est qu'un programme d'études, et les habitants des Hautes-Alpes en ont assez d'être des sujets d'étude !

M. Emile Blessig, président : On ne peut pas parler d'aménagement du territoire sans inclure la notion de péréquation. Tous ces outils sont des outils principalement de développement, mais quel échelon doit prendre en charge la péréquation ? Manifestement, au niveau des fonds structurels européens, c'est une règle unique qui s'applique. La péréquation est prise en compte éventuellement au niveau de la définition du zonage et du choix du zonage, mais après, elle n'est pas mise en œuvre. Je pense que nous devrions aussi insister dans notre rapport sur l'insuffisance des fonds structurels européens dans les mécanismes de péréquation existants.

M. Nicolas Jacquet : Lorsque j'ai rappelé qu'il faudrait qu'une politique régionale européenne intègre les infrastructures, c'est parce que l'on ne fait pas d'aménagement du territoire sans infrastructures, qu'il s'agisse des TIC, des routes, du fer ou de l'avion. On ne fait pas de politique d'aménagement propositions, et je me demandais, en écoutant M. Jacquet si nous ne pourrions pas essayer d'avoir des contacts avec des collègues parlementaires européens. Car les Parlements nationaux doivent prendre le plus largement possible leur part de lobbying auprès des autorités européennes.

Audition de M. Simon Renucci, député de Corse du Sud

et de M. Paul Natali, sénateur de Haute-Corse

Réunion du mercredi 26 février 2003

Présidence de M. Emile Blessig, Président

M. Emile Blessig, président : Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. Nous poursuivons notre série d'auditions sur les fonds structurels européens et la manière dont ils ont été utilisés jusqu'à présent tant en objectif 1 qu'en objectif 2. Il nous a semblé intéressant, dans la mesure où la Corse est éligible à l'objectif 1 des fonds structurels, de recueillir l'avis de nos collègues élus de cette région sur l'opportunité, la mise en œuvre et les résultats de cette politique. La question qui se pose est celle de savoir quel a été le taux de consommation de ces crédits et nous nous interrogeons également sur l'avenir des fonds structurels européens dans la perspective de l'élargissement.

M. Simon Renucci : Je vous ai amené deux documents : l'un est Le programme européen dans le développement régional de la Corse et l'autre qui ne m'est pas propre, mais qui relève un certain nombre de problématiques, s'intitule Les îles vues d'Europe, un concept polysémique, et est plus politique. Il traite de la Corse vue de l'Europe, et surtout des obstacles de nature juridique ou de nature politique, des lieux et influence de nouveaux pouvoirs, puis dresse un bilan et des perspectives pour la politique régionale communautaire en Corse.

Ensuite, je veux tout simplement vous dire mon sentiment en tant qu'élu...

M. Emile Blessig, président : C'est cela qui nous intéresse.

M. Simon Renucci : Je suis en politique depuis 1998. J'ai été élu conseiller général dans le troisième canton d'Ajaccio, puis à l'Assemblée de Corse, avec la gauche plurielle. Depuis 2001, je suis maire d'Ajaccio. J'ai trouvé à la mairie une situation difficile et surtout une sous-consommation des crédits, en raison de la méthodologie qui avait été mise en place, même s'il est toujours plus facile de critiquer que de faire. J'y reviendrai.

La sous-consommation pose, premièrement, le problème du maintien dans le cadre de l'objectif 1. A mon sens, il ne faut pas en sortir, nous verrons pour quelles raisons. Deuxièmement, si nous étions obligés d'en sortir, certains asp les régions et l'Europe, l'appartenance forte à l'Europe. Vous aurez compris que, social-démocrate, je suis un farouche partisan de l'Europe mais, en même temps, je me rends compte de la difficulté, qui tient aux différentes strates existantes et au fait que quand on parle d'évaluation, on est toujours en aval.

Si je prends dans l'ordre général ce qui nous réunit aujourd'hui, la première question qui se pose est de savoir, premièrement, pourquoi il nous faut rester dans l'objectif n°1.

Tout d'abord, parce que, manifestement, cet objectif n° 1 n'a encore pas répondu aux difficultés qui ont été les nôtres, c'est-à-dire qu'entre le moment où l'on a pensé que l'Europe intégrait tel ou tel projet et que les décideurs régionaux s'impliquent dans les projets, il y a beaucoup trop de lenteurs pour les monter, les organiser, les planifier.

Ces lenteurs ne sont pas forcément administratives. Ce serait trop facile. Elles sont aussi liées à la méthodologie employée. Si j'étais mauvaise langue, je dirai que c'est une usine à gaz. Je pense plutôt que c'est parfois le fait d'un manque de coordination et de formation des hommes. Les meilleurs organisateurs sont ceux qui ont quelqu'un qui travaille quotidiennement sur les programmes européens.

Je ne parle pas pour les autres villes corses mais à Ajaccio, en sept mois, j'ai créé la communauté d'agglomération des pays ajacciens, dont je suis le président et j'ai recruté auprès du bureau du président pour se consacrer uniquement à ces financements extérieurs une personne qui a fait des études, est allé à Bruxelles et a reçu une bourse Erasmus. C'est ainsi que nous avons récupéré cette année davantage de financements extérieurs. Nos finances sont positives alors qu'elles l'étaient moins, du moins sur certains projets.

Tout élu doit avoir pour préoccupation d'avoir un œil attentif sur les financements européens. C'est donc l'une de mes préoccupations. Ma position est sans doute liée au fait que je pense que l'Europe est importante. Autrement, j'aurais peut-être moins ce souci. Mais elle tient aussi au fait que les finances de la ville nécessitent une attention plus particulière à la consommation de fonds structurels.

Ensuite, cela ne marche pas toujours très bien parce qu'il n'y a pas adéquation entre les décideurs et les besoins. Ce n'est plus la structure elle-même mais ceux qui décident. Il faut analyser les besoins en fonction des financements, mais aussi en fonction de ce qui est proposé et, pour cela, il manque une idée de l'Europe. On peut très bien être un farouche partisan de l'Europe, mais l'idée générale que l'on s'en fait reste à construire. Cela aussi est un aspect sur lequel il faut avancer.

Puis, comme raison, vient la complexité de la réponse. Je ne suis pas juriste, je suis médecin de formation et je parle en homme pratique : il y a une inadéquation entre l'ensemble des décisions et la d cela me conduit à la conclusion suivante : il faut maintenir notre région en objectif 1. Sinon, on a l'impression... vous savez, c'est comme la main tendue. Pour se serrer la main, il faut que les deux mains se tendent en même temps.

Après, je sais que plus habiles que moi diront que si l'on sort de l'objectif 1, il faut demander qu'il y ait une meilleure communication entre les îles en Méditerranée, qu'il y ait une continuité territoriale ou une égalité des chances d'accès des uns vers les autres. Ce serait une compensation. Mais, de mon point de vue, je pense qu'il ne faut pas sortir de l'objectif n° 1, d'autant que dire que d'autres îles ou d'autres régions y entreront me semble assez aléatoire car si elles mettent autant de temps que nous à avoir droit à ces financements, ce sera difficile.

Nous redoutons de ne plus être éligibles à l'objectif n°1 en raison d'un effet de seuil. Chez nous, ce sont les emplois publics qui augmentent le niveau de vie et le PIB. Le fait que l'on ne tienne pas compte de cette donnée nous fragilisera sans nous renforcer réellement. Nous sortirions non parce que nous avons été très bons dans le développement mais parce que nous avons beaucoup d'emplois publics aidés. Il me semble que ce critère devrait être pris en compte au niveau de l'Europe. Sinon, nous serons tous analysés de façon différente. Les critères n'étant pas les mêmes, je crains qu'il y ait là une source d'inégalité. Or pour moi, pour que les gens adhèrent fortement à l'Europe, celle-ci doit être source d'égalité et non d'inégalité.

Avant de répondre à vos questions, je dois dire aussi que la Corse a été en retard dans l'utilisation des fonds européens parce que depuis le 13 décembre 1999, un processus politique est en jeu qui, à mon avis, a rendu inertes les décideurs. En outre, la Corse a été dotée d'un certain nombre de compétences et la mise en œuvre de ces compétences ne s'est pas encore faite de façon très active, tout simplement parce que l'Assemblée de Corse, comme vous le savez, n'est pas une assemblée pilote, chef de file, et que nous avons beaucoup d'autres intervenants sur des projets communs. Cela ralentit d'autant plus les décisions. Vous aurez compris que je suis pour la simplification administrative. Une des raisons pour lesquelles je suis pour la collectivité unique est justement qu'elle permettrait de faciliter la consommation des crédits et leur utilisation.

En conclusion, je suis très heureux d'être devant vous aujourd'hui. Mes propos traduisent un sentiment profond qui est celui de plus d'Europe, une meilleure Europe et, en tout cas, une Europe plus lisible dans la mesure où elle sera plus visible et plus active. Si nous sortons de l'objectif 1, nous aurons l'impression d'avoir été jetés dehors sans en avoir vraiment tiré la quintessence. En tant que citoyen, je pense que cela crée un flou par rapport à l'Europe, parce que le vrai problème de l'Europe est celui de son identité.

M. Emile Blessig, président : Nous n'avons rien à décider, mais nous enregistrons bien volontiers chance assez extraordinaire à saisir pour une région. Nous voulions savoir très exactement où cela en était. Je ne sais pas exactement quelle est la règle de contrepartie de financement local en objectif 1, de l'ordre de 25 %, me semble-t-il ?

M. Max Roustan : En objectif 2, dans le premier plan, elle était de 80 % pour certains financements ; dans le second plan, de 50 %, voire 40 %.

M. Emile Blessig, président : Ces taux sont pour l'objectif 2. Mais la Corse est une zone d'objectif 1, les règles sont encore différentes.

M. Simon Renucci : C'est au maximum 80 %.

M. Emile Blessig, président : C'est, de toute façon, une chance à saisir. Nous aurions voulu savoir où cela en était, notamment par comparaison aux départements d'outre-mer qui sont dans la même situation. C'est pour cela qu'il nous a semblé intéressant d'organiser cet échange.

M. Max Roustan : Cela m'intéresse parce que le Languedoc-Roussillon avait demandé en son temps à être zone d'objectif 1. Les événements, malheureusement, confirment que nous avions raison de le demander. L'apport d'une population retraitée et vieillissante sur le Midi fait que nous devenons une région qui est en train de battre des records par le bas. Jacques Blanc avait bien raison de le demander, malgré l'opposition de certains de ses collègues.

Je suis heureux d'apprendre que la Corse a pu utiliser ces fonds structurels au maximum. Cela veut dire qu'elle avait des projets. En Languedoc-Roussillon, nous n'y sommes pas arrivés, même en objectif 2 !

M. Simon Renucci : Je n'ai pas dit cela.

M. Max Roustan : Les chiffres qui ont été donnés...

M. Emile Blessig, président : Ces chiffres reprennent ce qui a été alloué. Nous ne savons pas ce qui a été exécuté. C'est pour cela que nous avons voulu organiser cette rencontre avec les parlementaires corses.

M. Simon Renucci : S'ils l'avaient été, je n'aurais jamais été élu !

M. Max Roustan : Je m'étonnais juste des chiffres annoncés...

M. Emile Blessig, président : La question est de savoir ce qui a été consommé et où l'on peut trouver les contreparties locales.

M. Max Roustan : Sur le Languedoc-Roussillon, vues les complications administratives sur le XIIème Plan au cours des trois premières années, fait. On a beau se gargariser et faire l'annonce politique, si les collectivités qui reçoivent les fonds n'ont pas les moyens complémentaires, les projets ne peuvent pas avancer. C'est pour cela que l'objectif 1 aurait été intéressant parce que les 80 % permettaient de décoller.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Quand on parle de 80 %, il faut savoir que l'Europe ne vient jamais à plus de 50 %...

M. Max Roustan : Oui, avec les financements croisés, nous sommes bien d'accord. Nous aussi, en objectif 2, on y arrive parce que l'on a le Fibar et d'autres financements qui nous permettent d'atteindre 80 %, mais le règlement français avait imposé 50 % maximum, en tenant compte de tous les financements croisés. Ils nous ont un peu déshabillé, surtout dans les secteurs industriels de reconversion dans lesquels je suis.

Que dire sur les fonds structurels ?... On applique tout de même des règles administratives draconiennes qui font que l'on n'a pas le temps de sortir les dossiers. En objectif 2, chez nous, il faut sortir le dossier et, dans les deux ans, l'avoir réalisé. Ce n'est possible nulle part. On ne sait pas faire une villa en deux ans aujourd'hui. Comment voulez-vous sortir un projet industriel ou de reconversion en deux ans ?! Nous avons réussi sur de gros dossiers parce qu'ils roulaient par tranche. Mais sur de nouveaux dossiers, nous n'avons pas su le faire.

Heureusement, les préfets nous aident bien et nous arrivons parfois à passer certaines filières, mais les règlements des premiers DOCUP que l'on avait sorti pour le XIIème Plan étaient très restrictifs. Le SGAR que nous avions était vraiment très strict là-dessus. Les règles italiennes ou espagnoles étaient loin d'être les mêmes.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Je reviens à la problématique insulaire pour dire que je comprends ces préoccupations parce que la problématique de développement de nos territoires est, je crois, la même mais elle est, en Corse, encore renforcée par la spécificité de l'insularité.

Je suis convaincu que notre délégation - c'est du moins le sens que je mets à ce rapport - exprimera sa volonté de voir assurer la continuité de la prise en compte des territoires ruraux fragiles de notre pays, qu'ils soient en métropole, en Corse ou en outre-mer. Au regard des orientations qui nous ont été données par des personnes auditionnées, dans le cadre de cette nouvelle génération des fonds structurels, les crédits pourraient être réservés à des projets réellement structurants à l'échelle européenne. Pour prendre un exemple, si cette orientation était adoptée, la liaison de ferroutage entre Lyon et Turin serait considérée comme structurante à l'échelle européenne, mais le développement des micro-terroirs que l'on peut trouver en Corse, en Languedoc-Roussillon ou en Guadeloupe ou dans toute autre zone difficile de notre territoire national, ne serait plus considéré comme une priorité.

Pour ma part, je n'ai pas de question spécifique à poser. Il nous faudra quand même tenir compte des éléments qu'a développés M. le Président, parce qu'il y a des situations en France métropolitaine qui sont au moins aussi difficiles qu'en Corse.

M. Simon Renucci : Les éléments de comparaison ne sont pas les mêmes.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Quand vous regardez des critères tels que l'évolution de la population, les signaux sont à peu près identiques. Toute la problématique sera d'essayer de mettre en avant des arguments, en tenant compte de tous les éléments de spécificité qu'il peut y avoir, bien sûr, en faisant en sorte qu'au regard de cette pénurie qui sera à gérer, les fonds qui vont rester puissent aller là où il y aura le plus de besoins et là où ils auront un effet de levier le plus important possible par rapport à une dynamique de développement.

M. Simon Renucci : Pour moi, c'est vital, pour des raisons simples. Tout ce que vous dites, et vous l'avez bien dit avec toutes les nuances qu'il faut, on peut l'entendre et le comprendre, mais il me faut expliquer certains points. Par exemple, pour ce qui est du PIB, il est plus calculé en fonction d'emplois liés à la fonction publique qu'au développement. Or, si l'Europe aide au développement, c'est un critère qui doit intervenir dans le calcul du PIB. Notre PIB est meilleur non parce que les conditions se sont améliorées, mais parce que l'on a introduit des pays dont le PIB est très bas. C'est ce que vous disiez tout à l'heure.

Si vous voulez, la problématique de la Corse tient au fait qu'il faut des institutions qui soient extrêmement efficaces. J'en ai déjà parlé. Il faut que leur mise en œuvre soit coordonnée avec des politiques européennes. De ce point de vue, quand on voit la sous-consommation des crédits, il faut faire des efforts de part et d'autre, car je vous assure qu'il y aura une sous-consommation.

En tout cas, il y a une sous-consommation. Cela ne veut pas dire que les politiques ou que l'administration ne sont pas bonnes, mais qu'il y a inadéquation entre l'offre et les besoins. Les besoins nécessitent que soit fait un certain nombre de choses. Le temps qu'on les mette en œuvre, il faut deux ans et quand on passe le dossier deux ans après, on n'utilise pas forcément tout ce que l'on aurait pu utiliser.

Mon objection tient à deux ou trois points.

Le premier, c'est de dire que puisque, de façon presque mécanique, il y a une certaine sous-consommation qui fera qu'à terme ces crédits retourneront à l'Europe, la prévu, parce que M. Barnier fait certainement un travail très important, mais on ne parlera pas tout de suite des handicaps des îles avant 2004-2006.

M. Emile Blessig, président : Nous saluons M. le sénateur Paul Natali que nous remercions d'être venu.

M Paul Natali : Sur quels points souhaitez-vous nous interroger ?

M. Emile Blessig, président : Pour résumer en deux mots, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée nationale s'est intéressée à la problématique des fonds structurels européens pour deux raisons : d'une part, on constate une sous-consommation de ces fonds européens dans l'ensemble de la France, avec des conséquences notamment sur la mise en œuvre de la règle du dégagement d'office, et d'autre part, il faut essayer d'anticiper ce que sera l'avenir de ces fonds pour un pays comme le nôtre dans la perspective de l'élargissement.

M. Philippe Folliot est l'un des rapporteurs de ce dossier pour la France métropolitaine et notre collègue M. Joël Beaugendre s'occupe des zones objectif 1, en particulier des départements d'outre-mer. Il nous est apparu que la Corse relevait de l'objectif  1 et nous avons souhaité connaître l'approche des parlementaires corses sur cette problématique parce que vous avez bénéficié de fonds extrêmement importants puisque pour 1994-1999, ils s'élevaient à 288 millions d'euros et pour 2000-2006, ce sont 365 millions d'euros qui ont été attribués à la Corse. Ce sont des montants qui, en annonce, apparaissent extrêmement importants. J'aurais aimé savoir comment vous le ressentez sur le terrain, comment vous les avez utilisés, et quelle est votre analyse de cette application des fonds structurels à la Corse.

M. Paul Natali : Actuellement, je ne sais quels sont les taux de consommation des crédits... Je vais à des réunions de travail avec le SGAR et la collectivité territoriale, mais je ne sais pas les choix qui sont faits ni les projets qui ont été retenus.

M. Max Roustan : En Languedoc-Roussillon, nous sommes associés à ce travail.

M. Paul Natali : Nous, en Corse, nous avons été exclus en tant que parlementaires. Je le sais cependant parce que j'ai été quinze ans président de la chambre de commerce et six ans président du conseil général. Je suis toujours les affaires, puisque je suis juge et que je viens du monde des socioprofessionnels. Donc, j'entends, par des échos, qu'actuellement, la Corse a à peine consommé 15 % de ces fonds et que 30 % sont affectés. Mais ce ne sont que des échos. Je suis donc venu bien volontiers devant vous aujourd'hui, je suis même parti en catastrophe du Sénat pour venir vous rejoindre, mais je ne peux vous apporter grand éclaircissement.

Comme M.& 160;Natali : Je suis d'une région située au sud de Bastia où des développements et des équipements se sont faits. Il y a d'autres besoins en équipements, mais pour faire prendre en compte les gros projets, c'est toute une expédition, nécessitant un tas de schémas, de suivis qui, souvent, rendent les élus réticents à les déposer.

M. Simon Renucci : Pour en terminer sur la question que vous m'aviez posée, il me semblait que M. Beaugendre souhaitait poursuivre...

M. Emile Blessig : La parole est à M. Joël Beaugendre.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : En effet tout à l'heure vous avez, dans votre plaidoyer pour rester objectif 1, mis en avant la continuité territoriale. Il faut savoir que, sans être un spécialiste des questions européennes, la continuité territoriale n'existe pas pour les zones objectif 1...

M. Simon Renucci : Je n'ai pas dit cela...

M. Joël Beaugendre, rapporteur : J'ai bien compris, c'était dans votre argumentaire. Vous disiez que parce que l'on bénéficiait de la continuité territoriale, il y avait beaucoup d'emplois publics, mais qu'en fait, il y avait un taux de chômage important et une richesse dans l'île qui ne correspondait pas, finalement, à une amélioration du tissu social. C'est bien cela ?

M. Simon Renucci : oui.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : C'est pour cela que je disais que la continuité territoriale n'est pas un argument en soi.

M. Simon Renucci : Je vais préciser ce que je voulais dire. J'ai dit que notre île pourrait demander, si l'on sortait de l'objectif 1, que l'on soit tous - je pense à la Sardaigne, par exemple - pris en compte dans une continuité territoriale dans le cadre européen.

M. Max Roustan : Ce sont les critères d'éligibilité à l'objectif n° 1 qui définissent...

M. Simon Renucci : Je n'ai pas mélangé les deux. Il y a eu une confusion.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : M. le président a donné le taux par habitant. Il faut savoir qu'il y a deux mesures qui sont tout de même différentes parce que c'est dans le cadre du CPER que cela est décidé. Il y a non seulement un critère qui est le pourcentage, mais c'est surtout le volume de fonds, le doublement des fonds structurels européens, ce qui fait que la plupart du temps - je n'ai pas retrouvé cela dans votre exposé - on donne des taux qui varient. Cela ne va pas toujours à 80 % - c'est pour répondre - dans la mesure où, surtout en fin de program mais, parce qu'il ne répond pas à tous les critères qui sont liés dans la rédaction du DOCUP, il suffit qu'un critère ne soit pas respecté pour ne pas être remboursé de l'avance ou pour qu'il soit, dès l'examen en commission, refusé.

Par ailleurs, je voudrais préciser, mais je ne sais s'il s'agit d'une règle uniforme, que l'on nous a donné jusqu'à fin 2004 pour engager les crédits, faute de quoi, ce n'est pas un retour mais une redéfinition du DOCUP qu'il faudra prévoir pour pouvoir engager ces sommes sur d'autres objectifs. Si, par contre, en 2006, les crédits ne sont toujours pas consommés, ils repartent.

M. Simon Renucci : Oui, mais en 2006, si on reste en objectif 1, on pourra encore utiliser les crédits. C'est à ce moment-là que se pose la question.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Tout à fait. Pour nous, c'est encore plus complexe mais je précisais cela pour vous indiquer que pour être objectif 1 aujourd'hui, le problème de la continuité territoriale n'est pas un critère prioritaire, dans la mesure où les Iles Kerguelen et certaines îles de Norvège bénéficient de la continuité territoriale sans, pour autant, être objectif 1.

M. Simon Renucci : Pour préciser mon propos, j'ai simplement dit, d'une part, que si nous sortions de l'objectif 1, à partir de 2006, pour avoir accès à ces aides, nous pourrions redéployer différemment, puisque nous n'aurons pas tout consommé ; et, d'autre part, que si on sortait de l'objectif 1 avant, d'autres îles pourraient alors demander avec nous que l'Europe se penche que la communication inter-îles, comme nous avons, nous, accès la continuité territoriale. Ce sont deux choses séparées, mais vers lesquelles nous pourrions aller.

M. Max Roustan : Ce que vous avez dit, M. le Rapporteur, m'a un peu effrayé. Effectivement, l'Europe s'agrandit et les pays de l'Est sont demandeurs plus que nous de fonds structurels et vous dites qu'éventuellement, l'esprit de distribution s'orienterait plutôt sur des équipements structurants que sur des objectifs comme ceux que l'on a aujourd'hui qui s'appliquent à des territoires ?

M. Philippe Folliot, rapporteur : J'ai simplement voulu dire qu'un certain nombre de personnes que nous avons auditionnées nous ont dit qu'elles le pensaient, certaines d'entre elles le souhaitaient et d'autres le craignaient. En tout état de cause, nous ne partageons assurément pas ce point de vue.

M. Max Roustan : Cela me rassure parce que si c'était le cas, il faudrait insister pour que les régions qui sont aujourd'hui éligibles, que ce soit à l'objectif 1 ou 2, ne subissent pas l'effet de ciseau, de cassure d'un coup, à la fin du contrat de plan et nous avons aussi intérêt à accompagner la démarche parce qu'aujourd'hui, justement, ces fonds ne servent pas à des équipements structurants. Je suis que nous n'aurions pu faire sans eux.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Tout l'enjeu est de savoir si ce sera uniquement de la politique européenne régionale ou de la politique européenne régionale combinée à de l'aménagement du territoire. Donc, même la question de sémantique est très importante parce que la problématique d'aménagement du territoire est sans doute plus spécifiquement française si l'on compare notamment avec ce qui se passe dans des pays d'Europe du Nord. Donc, nous avons tout intérêt à ce que cette dimension subsiste. C'est le sens que nous souhaiterions donner à notre rapport, en disant qu'il est bien qu'il y ait une politique européenne régionale, mais encore faut-il que celle-ci soit tournée vers l'aménagement du territoire.

M. Emile Blessig, président : Je propose que nous donnions la parole à M. le sénateur Natali pour qu'il nous dise ce qu'il pense des fonds structurels.

M. Paul Natali : Sans doute, le docteur Renucci pourrait-il vous en dire plus parce qu'il est plus près de la gestion des organismes qui décident des affectations de ces crédits mais, en tant que parlementaire ou au conseil général, je ne sais comment ils font jouer aujourd'hui des affectations sur des équipements structurants, parce qu'il est vrai que l'équipement structurant crée aussi le développement ; les deux marchent de pair sur certains types d'investissement.

Ensuite, vous parliez de la continuité territoriale, mais cela n'est pas pris en compte par les fonds structurels. C'est tout à fait en dehors de l'enveloppe qui concerne la Corse. Je ne sais comment cela se passe chez vous.

La Corse a aussi bénéficié d'un plan exceptionnel d'investissement qui, aujourd'hui, va venir s'ajouter aux fonds structurels. Je ne sais pas du tout comment ils vont articuler cela au niveau de la collectivité et de l'Etat ni comment se feront les articulations sur des taux pour arriver à un pourcentage d'au moins 80 % sur la réalisation de certains équipements structurants. Je suis complètement en dehors de cela dans la mesure où, en tant que parlementaire, nous ne sommes pas associés aux commissions d'affectation de crédits.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Mais le PEI est un outil national, qui vient en complément du plan Etat-Région...

M. Simon Renucci : Il ne vient pas en complément. Il vient pour combler le retard, sur lequel il n'y a pas les difficultés qu'il y a sur le CPER et le DOCUP.

M. Paul Natali : Le point qui nous préoccupe concerne le PEI - parce que l'on entend aussi des bruits selon lesquels une partie des crédits de l'Etat qui ont été affectés dans le cadre de l'enveloppe du PEI pourraient être prélevés dans le cadre du contrat de plan. Ce sont des rumeurs, mais il n'y a pas de fumée sans feu.

M. Max Roustan : En tant que conseiller général, vous n'êtes pas au courant car, dans notre région, les départements participent.

M. Paul Natali : Le département peut participer, ce n'est pas une obligation.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Je le dis seulement parce que nous avons eu un tas de problèmes avec cela...

M. Simon Renucci : Je ne peux pas répondre positivement

M. Joël Beaugendre, rapporteur : ...parce que, pour être éligibles, on demandait un minimum de la part des collectivités locales et de l'Etat. Or aujourd'hui, une somme a été reconduite pour 2000-2006 avec une augmentation légère, alors que, de l'autre côté, il y a eu un doublement de la part Etat.

M. Simon Renucci : Il n'y a pas eu doublement. Je me souviens avoir voté le CPER, puisqu'il faisait partie des choses auxquelles j'ai participé. Je ne me souviens pas que l'on ait doublé la CPER.

La vraie question est de savoir qu'il y a une sous-consommation parce que les collectivités n'ont pas forcément les 20 % nécessaires à ce type de travaux importants. C'est cela le problème. Cela se pose pour l'objet dont nous discutons aujourd'hui comme pour le programme exceptionnel. Nous n'avons pas toujours les 20 % qui permettraient de faire des travaux. Sur des travaux d'un million de francs, c'est possible. Mais quand il s'agit de fonds structurels, on parle plutôt de projets de 10 millions de francs minimum.

M. Paul Natali : Le fait est qu'il y a différents niveaux dans le cadre des financements et des crédits à affecter suivant les programmes. La ville d'Ajaccio a des projets importants. Sur ces projets, le maire peut solliciter le département et la région dans le cadre des crédits européens, du DOCUP, du contrat de plan. Il peut donc faire son montage financier avec sa participation. Mais les petites communes qui n'ont pas de recettes fiscales, même pour un petit projet d'un ou deux millions de francs, n'arrivent jamais à mettre les 20 % nécessaires parce qu'elles n'ont pas de revenu fiscal. Donc, tous ces financements ne peuvent être utilisés que par des communes qui ont une certaine capacité financière et disposent des fonds propres leur permettant de participer à un montage financier.

L'Etat a apporté sa quote-part dans le CPER. Si vous n'êtes pas éligible au contrat de plan, l'Etat ne participe pas. Vous aurez des financements de l'Europe sur certains projets, s'il y a certains types de dispositifs d'équipement structurant inscrits dans le DOCUP. Pour l'assainissement de l'eau, par exemple, vous avez des commissions tripartites auxquelles participe aussi l'Agence de l'eau : vous avez les crédits de l'Europe, la collectivité et le département arrivent à un financement de 80 % sur un projet important. La commune participe à hauteur d

M. Paul Natali : Le problème, c'est que pour déclencher le versement de la subvention, il faut que le receveur municipal justifie que la commune a payé. Donc, elle ne reçoit la subvention qu'après avoir payé. Si elle n'a pas de fonds disponibles, elle n'engage pas son projet parce qu'elle ne reçoit l'argent qu'une fois le certificat fait.

M. Philippe Folliot, rapporteur : Cette procédure a été modifiée depuis janvier.

M. Paul Natali : C'était, paraît-il, pour éviter les abus et que l'on ne reçoive de subvention sans faire les travaux.

M. Joël Beaugendre, rapporteur : Cela ne touchait pas uniquement la Corse, c'était le cas partout. Maintenant, on reçoit la subvention au fur et à mesure des factures acquittées.

M. Emile Blessig, président : Il nous reste à vous remercier.

N° 0701 - Rapport d'information sur les conséquences des politiques européennes sur l'aménagement du territoire (MM. Joël Beaugendre et Philippe Folliot)

1 () En raison du transfert du réseau routier national par l'Etat à la collectivité de Corse, dans le cadre du statut de 1991.

2 () Note des services de l'Assemblée de Corse

3 () Conformément à l'article 9 du règlement n°1260/1999 précité, dit "règlement général", l'autorité de gestion désigne "l'autorité ou l'organisme public ou privé national, régional ou local désigné par l'Etat membre, ou l'Etat membre lorsqu'il exerce lui-même cette fonction, pour gérer une intervention et assurer la sélection des opérations".

4 () L'autorité de paiement désigne "l'organisme ou l'autorités locaux, régionaux ou nationaux désignés par les États membres pour établir et soumettre les demandes de paiement et recevoir les paiements de la Commission".

5 () Voir également sur ce point le rapport déposé le 2 février 2002 sous la précédente législature par M. Philippe Duron sur "l'évaluation des politiques publiques et les indicateurs du développement durable"

6 (1) Discours à la Sorbonne du Président de la République et du Premier ministre pour le quarantième anniversaire de la DATAR, 13 février 2003

7 () Mission commune des Délégations à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat, le 27 février 2003, à la Commission européenne (Bruxelles). Les Délégations étaient composées de MM. Emile Blessig, président, Joël Beaugendre, Philippe Folliot, Jean Launay, Jacques Le Nay et Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour l'Assemblée nationale, et de MM. Jean François-Poncet, président, Claude Belot, Roger Besse et Mmes Yolande Boyer et Evelyne Didier pour le Sénat.