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N° 765

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 avril 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur

le contrôle des dépenses publiques et
l'amélioration des performances de l'État

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Pierre MÉHAIGNERIE et Gilles CARREZ,

Députés.

--

Finances publiques.

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LA PERFORMANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES, VECTEUR ESSENTIEL DE LA RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE 11

A.- L'EVALUATION, NOTION MULTIFORME 12

B.- LA PERFORMANCE, NOTION PRÉCISE 16

DEUXIEME PARTIE : LA NOTION DE MISSION ET DE PROGRAMME, POINT CENTRAL DE LA RÉFORME 17

A.- LA COHÉRENCE DES MISSIONS ET DES PROGRAMMES, CONDITION NECESSAIRE DE LA RÉFORME 17

B.- LA COHÉRENCE DES MISSIONS ET PROGRAMMES, CONDITION INSUFFISANTE DE LA RÉFORME BUDGETAIRE 18

TROISIEME PARTIE : LA MAÎTRISE DES DEPENSES PUBLIQUES, ÉLÉMENT NÉCESSAIRE DU RENOUVEAU DES FINANCES PUBLIQUES 23

A.- DES PROPOSITIONS SANS SUITE... 23

B.- ... AU SUIVI DES PROPOSITIONS 32

PROPOSITIONS 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

ANNEXES 37

INTRODUCTION

La réduction et le redéploiement des dépenses publiques ne sont ni un dogme, ni une fin en soi, ni un exercice qui s'imposerait au Parlement uniquement du fait d'une conjoncture budgétaire difficile. Au contraire, la maîtrise des dépenses publiques doit être la résultante de la réforme de l'État et d'une réflexion sur les structures administratives et sur les modalités de la gestion publique. Elle implique la mise en œuvre d'une véritable évaluation des dépenses publiques, qui, aujourd'hui fait défaut.

Le débat que votre Assemblée tiendra, dans le cadre de la séance d'initiative parlementaire mensuelle réservée au groupe de l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP), le 8 avril, a pour objectif de préciser les contours de la notion de performance, et de situer la ma&ic août 2001 mettait fin à une longue série d'échecs et remédiait à des situations insatisfaisantes : 36 tentatives de révision de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959 n'avaient pas abouti alors que la nomenclature était obsolète et ne responsabilisait pas les gestionnaires. Les conditions du débat budgétaire comme les pouvoirs des parlementaires étaient ressentis comme très contraignants, tandis que la régulation budgétaire modifiait durablement l'autorisation parlementaire, sans contrôle efficace. C'est ce déséquilibre entre le Parlement et l'exécutif comme l'absence de liberté des gestionnaires qui ont motivé l'abrogation de l'ordonnance de 1959 et l'adoption - à l'unanimité - de la nouvelle loi organique.

La réforme budgétaire, induite par cette loi, est particulièrement ambitieuse, puisqu'elle doit amener à repenser la dépense publique en fonction de ses finalités et des objectifs qu'elle doit permettre d'atteindre et non plus à se contenter de fixer des budgets de moyens. L'abandon des chapitres, plafonds de dotations regroupés « par nature ou par destination » et des titres au profit d'une nomenclature en programmes et en missions impose de s'interroger sur les finalités des dépenses publiques : des crédits, pourquoi faire ? Cette modification de la nature même de la dépense publique constitue l'enjeu majeur de la nouvelle loi organique. Il paraîtrait pour le moins paradoxal que celle-ci puisse se traduire par un abaissement des droits du Parlement ou par une déresponsabilisation des gestionnaires publics, alors qu'elle poursuit les objectifs contraires.

Il convient donc, d'ores et déjà, que le Parlement, dans son ensemble, débute une réflexion sur la notion de performance des dépenses publiques, afin d'orienter la future nomenclature budgétaire.

Pour autant, des considérations évidentes quant au niveau actuel de la dépense publique ne peuvent pas être aujourd'hui absentes du débat. Les tableaux ci-après rappellent à l'évidence, et avec une certaine brutalité, le mouvement à long terme d'augmentation incompressible des dépenses publiques. S'agissant du budget de l'État, celles-ci sont passées, en crédits votés, de 215 à 287 milliards d'euros au cours des dix dernières années. S'agissant des budgets exécutés, ces chiffres sont passés de 221,85 milliards d'euros à 280,1 milliards d'euros. Cette progression aboutit à l'idée que les dépenses de l'État ne diminuent jamais, ne se stabilisent jamais et qu'elles augmentent à long terme de manière irréversible , alors même que le rôle de la puissance publique se modifie.

Les dépenses nettes de l'État, hors recettes d'ordre et fonds de concours, ont systématiquement augmenté depuis 1991, à la seule exception de l'année 2000. Leur taux de progression est extrêmement variable. En exécution, il a par exemple dépassé 6,5 % en 1992, 5 % en 1999 et 4 % en 1993 et 1994.

La conjoncture rend également nécessaire une réflexion sur la dérive des dépenses publiques. Dans un r dans l'ensemble des dépenses publiques (87,3 milliards d'euros, soit 34,8  % des dépenses civiles du budget général) cette augmentation ne paraît pas pouvoir être poursuivie à l'avenir. Le risque est grand de voir les marges de manœuvre budgétaire absorbées par des dépenses de fonctionnement, alors que les dépenses d'intervention régresseraient ou stagneraient.

Il convient d'ajouter à cet élément le fait que toute augmentation des dépenses aura un effet d'autant plus négatif qu'il interviendra dans une situation où le déficit budgétaire est important. Or, comme votre Rapporteur général l'a constaté, le déficit général d'exécution, en 2002, atteint 42.299 millions d'euros, alors que la loi de finances initiale avait, de façon très peu réaliste, situé ce chiffre à 30,45 milliards d'euros. L'écart constaté entre le collectif de l'été 2002 et la loi de finances initiale est de 51  %. L'écart entre le déficit du collectif et le déficit finalement exécuté n'est que de 7  %. Quoi qu'il en soit, le niveau atteint par le déficit, et la dérive structurelle qu'il traduit, ne permettent pas d'envisager de nouvelles augmentations de dépenses qui auraient pour effet l'aggravation du déficit.

Au sens du traité de Maastricht, le besoin de financement des administrations publiques atteint 3,1  % du PIB en 2002 (contre 1,4  % du PIB en 2000 et en 2001). La France est donc, vis-à-vis de la Communauté européenne, dans une situation qui doit également conduire à une réflexion sur la limitation des dépenses publiques.

Tout converge donc, à la fois la situation budgétaire actuelle, ses incidences européennes, le mouvement structurel d'augmentation des dépenses publiques, et surtout la rénovation de notre droit budgétaire, pour que l'évaluation des performances des crédits publics soit au centre des préoccupations de votre Assemblée nationale et des pouvoirs publics. La qualité du service public doit être sans cesse améliorée, mais elle ne passe pas nécessairement par l'accroissement systématique des moyens.

C'est donc cet ensemble de motifs, à la fois liés à la conjoncture la plus récente, à la nécessité d'intégrer la notion de performance comme un élément clé de l'analyse de la dépense publique et de suivre au plus près la mise en œuvre de la réforme budgétaire, qui justifie la tenue d'un débat parlementaire.
 

 

Crédits initiaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

1. Opérations définitives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses ordinaires civiles nettes

138,38

144,68

151,20

157,86

171,02

176,52

187,86

193,11

196,66

207,98

207,05

214,19

219,25

223,94

Dépenses civiles en capital

12,50

14,13

13,66

13,54

13,58

13,14

12,87

10,97

11,01

12,01

12,35

12,22

12,15

12,80

Dépenses militaires

35,18

36,35

36,65

37,45

36,98

37,11

36,81

37,10

36,32

37,12

37,02

37,31

37,67

39,96

Sous-total Budget général

186,05

195,16

201,52

208,85

221,58

226,78

237,54

241,17

243,99

257,11

256,42

263,72

269,07

276,71

b. Comptes d'affectation spéciale

2,05

2,13

2,32

4,90

3,32

4,23

6,79

8,12

9,30

7,11

6,55

12,49

10,30

11,70

Total Opérations définitives

188,10

197,29

203,84

213,75

224,90

231,00

244,34

249,30

253,30

264,23

262,97

276,21

279,37

288,41

2. BAX (pour mémoire)

12,45

13,28

13,88

14,77

14,85

15,34

15,39

15,44

15,80

16,10

16,18

16,44

17,18

17,73

3. Opérations temporaires

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Comptes dotés de crédits

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes d'affectation spéciale

0,04

0,03

0,02

0,02

0,02

0,02

0,01

0,01

0,01

0,01

0,00

0,01

0,00

0,00

- comptes de prêts

2,20

2,34

2,40

2,70

2,44

2,49

1,08

0,61

0,93

0,82

0,66

0,53

0,84

1,52

- comptes d'avances

31,60

34,10

36,74

38,93

44,98

49,05

51,23

54,32

56,42

57,09

57,84

55,64

54,64

57,51

Sous-total Comptes dotés de crédits

33,85

36,47

39,16

41,65

47,45

51,56

52,32

54,94

57,36

57,92

58,50

56,18

55,49

59,03

b. Recettes des comptes dotés de crédits

33,79

34,90

37,08

40,05

44,46

49,09

50,63

54,49

56,67

57,93

59,06

57,64

56,76

59,90

b. Comptes dotés de découverts (charge nette)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes de commerce

-0,11

-0,01

-0,02

-0,02

-0,02

0,00

-0,01

0,00

-0,01

-0,01

0,01

0,02

-0,19

-0,25

- comptes de règlement

0,02

0,02

0,02

0,02

0,01

0,01

0,01

0,01

0,01

0,01

0,01

0,00

0,00

0,00

- comptes d'opérations monétaires

-0,07

-0,05

-0,11

-0,30

-0,03

-0,06

-0,06

-0,03

0,01

0,06

0,08

0,06

-0,53

0,05

Sous-total Comptes dotés de découverts

-0,15

-0,03

-0,10

-0,30

-0,04

-0,05

-0,06

-0,03

0,01

0,06

0,10

0,07

-0,72

-0,20

Total Opérations temporaires (nettes)

-0,10

1,54

1,97

1,30

2,95

2,42

1,63

0,42

0,70

0,05

-0,46

-1,39

-1,98

-1,07

TOTAL Budget de l'État (hors BAX)

188,00

198,83

205,81

215,04

227,85

233,42

245,97

249,72

253,99

264,28

262,52

274,82

277,38

287,34

Pour mémoire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- charge nette des opérations avec le FSC

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- charge nette des opérations avec le FMI

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- charges nettes temporaires hors FMI

-0,10

1,54

1,97

1,30

2,95

2,42

1,63

0,42

0,70

0,05

-0,46

-1,39

-1,98

-1,07

- budget de l'État hors FMI

188,00

198,83

205,81

215,04

227,85

233,42

245,97

249,72

253,99

264,28

262,52

274,82

277,38

287,34

Budget de l'État hors FMI et FSC

188,00

198,83

205,81

215,04

227,85

233,42

245,97

249,72

253,99

264,28

262,52

274,82

277,38

287,34

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses effectives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1. Opérations définitives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses ordinaires civiles nettes

153,39

159,95

172,51

183,55

191,40

200,49

205,51

209,42

213,17

220,89

218,99

224,52

234,07

Dépenses civiles en capital

14,27

14,87

15,81

16,74

15,99

15,50

16,55

15,17

14,86

15,16

15,73

16,30

16,81

Dépenses militaires

28,37

28,79

28,94

28,82

29,30

27,44

28,27

27,78

27,21

27,19

27,63

27,85

29,21

Sous-total Budget général

196,03

203,61

217,26

229,11

236,68

243,43

250,33

252,37

255,24

263,24

262,34

268,67

280,10

b. Comptes d'affectation spéciale

2,00

2,02

2,29

6,84

4,42

6,11

5,20

13,31

12,75

9,36

5,54

6,79

0,00

Total Opérations définitives

198,03

205,63

219,55

235,94

241,11

249,54

255,53

265,67

267,99

272,60

267,88

275,46

280,10

2. BAX (pour mémoire)

13,25

13,95

14,54

14,89

14,77

15,32

15,32

15,44

15,97

16,34

16,67

17,18

0,00

3. Opérations temporaires

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Comptes dotés de crédits

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes d'affectation spéciale

0,03

0,03

0,02

0,03

0,03

0,02

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- comptes de prêts

2,26

2,37

2,33

2,00

2,07

0,91

1,35

0,92

0,67

0,99

0,30

0,59

0,00

- comptes d'avances

33,66

52,51

113,61

288,18

71,56

264,61

55,07

60,41

59,85

66,95

63,74

61,01

0,00

Sous-total Comptes dotés de crédits

35,94

54,91

115,96

290,21

73,66

265,55

56,43

61,34

60,53

67,94

64,04

61,60

0,00

b. Recettes des comptes dotés de crédits

35,77

51,83

112,72

286,99

70,39

262,67

56,16

61,20

60,54

68,59

63,85

62,00

0,00

b. Comptes dotés de découverts (charge nette)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes de commerce

-0,43

-0,10

-0,07

0,32

0,30

0,39

-0,13

-0,06

-0,19

-0,33

-0,43

0,57

0,00

- comptes de règlement

0,01

0,02

0,00

0,00

-0,01

0,00

0,00

0,01

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- comptes d'opérations monétaires

0,28

-0,05

1,68

0,11

0,58

-0,67

-0,42

-0,05

-0,59

2,96

2,28

-0,40

0,00

Sous-total Comptes dotés de découverts

-0,15

-0,12

1,62

0,43

0,87

-0,29

-0,55

-0,11

-0,78

2,64

1,86

0,17

0,00

Total Opérations temporaires (nettes)

0,02

2,96

4,86

3,66

4,13

2,58

-0,28

0,04

-0,80

1,98

2,04

-0,23

0,00

TOTAL Budget de l'État (hors BAX)

198,06

208,60

224,42

239,60

245,24

252,12

255,25

265,71

267,19

274,59

269,92

275,23

280,10

Pour mémoire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- charge nette des opérations avec le FSC

-0,05

0,01

0,08

0,02

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

-0,03

-0,01

0,00

- charge nette des opérations avec le FMI

-0,37

0,07

2,49

0,16

0,52

-0,58

-0,23

0,09

-0,67

2,91

1,90

-0,81

0,00

- charges nettes temporaires hors FMI

0,40

2,89

2,38

3,50

3,62

3,17

-0,04

-0,05

-0,13

-0,92

0,14

0,58

0,00

- budget de l'État hors FMI

198,43

208,52

221,93

239,44

244,72

252,71

255,49

265,62

267,86

271,68

268,01

276,03

280,10

Budget de l'État hors FMI et FSC

198,48

208,51

221,85

239,42

244,72

252,71

255,49

265,62

267,86

271,68

268,04

276,04

280,10

 

Dépenses effectives

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1. Opérations définitives

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses ordinaires civiles nettes

153,39

159,95

172,51

183,55

191,40

200,49

205,51

209,42

213,17

220,89

218,99

224,52

234,07

Dépenses civiles en capital

14,27

14,87

15,81

16,74

15,99

15,50

16,55

15,17

14,86

15,16

15,73

16,30

16,81

Dépenses militaires

28,37

28,79

28,94

28,82

29,30

27,44

28,27

27,78

27,21

27,19

27,63

27,85

29,21

Sous-total Budget général

196,03

203,61

217,26

229,11

236,68

243,43

250,33

252,37

255,24

263,24

262,34

268,67

280,10

b. Comptes d'affectation spéciale

2,00

2,02

2,29

6,84

4,42

6,11

5,20

13,31

12,75

9,36

5,54

6,79

0,00

Total Opérations définitives

198,03

205,63

219,55

235,94

241,11

249,54

255,53

265,67

267,99

272,60

267,88

275,46

280,10

2. BAX (pour mémoire)

13,25

13,95

14,54

14,89

14,77

15,32

15,32

15,44

15,97

16,34

16,67

17,18

0,00

3. Opérations temporaires

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

a. Comptes dotés de crédits

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes d'affectation spéciale

0,03

0,03

0,02

0,03

0,03

0,02

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- comptes de prêts

2,26

2,37

2,33

2,00

2,07

0,91

1,35

0,92

0,67

0,99

0,30

0,59

0,00

- comptes d'avances

33,66

52,51

113,61

288,18

71,56

264,61

55,07

60,41

59,85

66,95

63,74

61,01

0,00

Sous-total Comptes dotés de crédits

35,94

54,91

115,96

290,21

73,66

265,55

56,43

61,34

60,53

67,94

64,04

61,60

0,00

b. Recettes des comptes dotés de crédits

35,77

51,83

112,72

286,99

70,39

262,67

56,16

61,20

60,54

68,59

63,85

62,00

0,00

b. Comptes dotés de découverts (charge nette)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- comptes de commerce

-0,43

-0,10

-0,07

0,32

0,30

0,39

-0,13

-0,06

-0,19

-0,33

-0,43

0,57

0,00

- comptes de règlement

0,01

0,02

0,00

0,00

-0,01

0,00

0,00

0,01

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

- comptes d'opérations monétaires

0,28

-0,05

1,68

0,11

0,58

-0,67

-0,42

-0,05

-0,59

2,96

2,28

-0,40

0,00

Sous-total Comptes dotés de découverts

-0,15

-0,12

1,62

0,43

0,87

-0,29

-0,55

-0,11

-0,78

2,64

1,86

0,17

0,00

Total Opérations temporaires (nettes)

0,02

2,96

4,86

3,66

4,13

2,58

-0,28

0,04

-0,80

1,98

2,04

-0,23

0,00

TOTAL Budget de l'État (hors BAX)

198,06

208,60

224,42

239,60

245,24

252,12

255,25

265,71

267,19

274,59

269,92

275,23

280,10

Pour mémoire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- charge nette des opérations avec le FSC

-0,05

0,01

0,08

0,02

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

-0,03

-0,01

0,00

- charge nette des opérations avec le FMI

-0,37

0,07

2,49

0,16

0,52

-0,58

-0,23

0,09

-0,67

2,91

1,90

-0,81

0,00

- charges nettes temporaires hors FMI

0,40

2,89

2,38

3,50

3,62

3,17

-0,04

-0,05

-0,13

-0,92

0,14

0,58

0,00

- budget de l'État hors FMI

198,43

208,52

221,93

239,44

244,72

252,71

255,49

265,62

267,86

271,68

268,01

276,03

280,10

Budget de l'État hors FMI et FSC

198,48

208,51

221,85

239,42

244,72

252,71

255,49

265,62

267,86

271,68

268,04

276,04

280,10

PREMIÈRE PARTIE : LA PERFORMANCE DES DÉPENSES PUBLIQUES, VECTEUR ESSENTIEL DE LA RÉFORME DE LA GESTION PUBLIQUE

Au cours de son audition par votre Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) consacrée aux organismes publics d'évaluation et de prospective économiques et sociales, le 6 mars dernier, M. Jean-Michel Charpin, directeur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), a exposé ce qu'il faut entendre lorsqu'on parle d'évaluation des dépenses publiques. Selon lui, le premier sens que peut revêtir ce mot est celui d'une sorte de contrôle de gestion. Dans une seconde acception, l'évaluation, telle que la pratique le Commissariat général du Plan, est un processus de connaissance relativement lourd, qui cherche à appréhender l'impact des politiques sur les destinataires. Enfin, il y aurait une sorte d'évaluation « légère » qui ne supposerait pas de processus de connaissance et qui, en réunissant quelques avis, permettrait de porter un jugement sur les politiques engagées. M. Jean-Michel Charpin, en centrant son analyse sur l'évaluation comme processus de connaissance, indiquait également que la « machine publique » n'est pas une machine au sens courant du terme, et qu'il faut se départir de l'idée selon laquelle, s'agissant des politiques économiques, les gouvernements sont comme devant un clavier et que lorsqu'ils appuient sur un bouton, à l'autre bout, l'administré reçoit tel message ou telle prestation.

Il est très fréquent que les parlementaires, comme tous les décideurs publics, soient au contraire confrontés à l'excessive complexité des processus de décision, mais aussi de transmission. La dépense publique n'échappe pas à cette complexité, à des « pertes en ligne », dont chacun a pu rencontrer de nombreux exemples. L'empilement des structures administratives, la complexité des circuits administratifs, la lourdeur et la longueur de certaines procédures sont facteurs non seulement de coûts inutiles, mais constituent aussi un élément qui tend à déresponsabiliser les agents publics et, au final, à décourager nos concitoyens.

La difficulté réside dans le fait qu'un tel constat fait l'unanimité, mais qu'en revanche on voit mal émerger des solutions concrètes. L'évaluation des performances de la dépense publique peut être un moyen de remettre en cause l'orientation de certaines politiques publiques, de mesure leur efficacité réelle et d'envisager les moyens de les rendre plus pertinentes.

A.- L'ÉVALUATION, NOTION MULTIFORME

Évaluer une politique consiste à établir une corrélation entre des objectifs, leur mise en œuvre et leurs résultats. Le décret n° 90-82 du 22 janvier 1990 qui avait créé le comité interministériel de l'évaluation définit : « évaluer les politiques publiques consiste à mesurer les effets qu'elles engendrent et à chercher si les moyens juridiques, a des universités, l'Agence nationale pour l'accréditation et l'évaluation en santé (ANAES) ou encore le haut conseil de l'évaluation de l'école (décret du 27 octobre 2000).

Les tentatives de relance du processus ne semblent pas, elles non plus, donner les résultats escomptés. Ainsi, le dispositif interministériel d'évaluation actuellement régi par le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998, qui a abrogé celui de 1990 et mis en place le conseil national de l'évaluation, permet-il la poursuite de recherches sur des thématiques certes intéressantes, comme la sécurité routière ou la préservation de la ressource en eau, mais les incidences concrètes de ces études sur les administrations concernées sont souvent très ténues. Le Conseil national de l'évaluation, qui n'a pas été reconstitué, alors que le mandat de ses membres s'est terminé en janvier 2002, n'inclut aucun parlementaire es-qualité parmi ses quatorze membres. Cet organisme, placé auprès du Premier ministre, se situe davantage dans le cadre d'une démarche purement consultative et insuffisamment incitative : si les avis comportent les réponses des administrations concernées, la capacité du Conseil national d'évaluation face à des blocages administratifs apparaît particulièrement faible. Le décret du 22 janvier 1990 prévoyait une délibération sur les suites à donner à l'évaluation. Ce dispositif, resté sans application, a disparu dans le décret de 1998. On peut également s'interroger sur la capacité du Conseil national de l'évaluation à dépasser une approche globale et à davantage analyser les sujets concernés en termes de contrôle de gestion.

Le concept d'évaluation met d'une manière générale beaucoup plus de temps à émerger en France qu'à l'étranger : aux États-Unis, le General accounting office, dont la mission est d'intégrer à chaque programme une évaluation de ses résultats date de 1921. Aux Pays-Bas, depuis 1981, fonctionne une procédure de « réexamen » des dépenses publiques par voie d'amendement au projet de loi de finances. Les thèmes soumis à cette procédure sont décidés par le Parlement. Les ministères concernés qui ne peuvent les refuser, et doivent explicitement argumenter leur position, préparent des scenarii d'économie, assortis d'indications chiffrées quant à la réduction des dépenses publiques. Les rapports de réexamen sont publics et les propositions sont soumises au Parlement, et examinées dans le cadre du vote du budget.

En Grande-Bretagne, outre le National audit office (NAO) qui réalise, pour le compte du Parlement, environ 50 analyses d'efficience (« Value for money studies ») par an, existent également de nombreuses autres structures d'évaluation. Le Trésor public publie chaque année un guide de l'évaluation. Depuis 1983 - date à laquelle le Central policy review staff a été supprimé, tous les premiers ministres ont, auprès d'eux des équipes restreintes qui ont pour unique mission d'évaluer des politiques publiques sous un angle plus politique, et des unités sectorielles sp&eac en terme de performance est reléguée au second plan des préoccupations politiques et administratives.

En particulier, aux yeux des gestionnaires, existerait une corrélation mécanique entre, d'une part, l'augmentation des dépenses publiques et, d'autre part, l'amélioration du service public. Or, ce lien n'est pas évident ; au contraire, il faut développer l'attitude inverse : l'efficacité du service rendu doit intégrer une composante liée à la maîtrise de la dépense. Le calcul de la performance doit aboutir à rendre un meilleur service à un coût moindre. Nos concitoyens en sont persuadés. Il faut maintenant qu'une culture de l'évaluation s'instaure au sein de l'administration.

LE CONSEIL NATIONAL DE L'ÉVALUATION

Aux termes de l'article 2 du décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques, le Conseil national de l'évaluation et le Commissariat général du Plan concourent à l'évaluation des politiques conduites par l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs. Une circulaire du 28 décembre 1998 précise ce rôle. Le Conseil national de l'évaluation (CNE) est composé de quatorze membres, désignés par décret pour trois ans : six personnalités qualifiées, un représentant du Conseil d'État, un représentant de la Cour des comptes, trois membres désignés par le Conseil économique et social, un maire, un conseiller général, un conseiller régional, désignés au vu des propositions faites par les grandes associations représentatives.

Le CNE est chargé :

- de proposer un programme annuel d'évaluation au Premier ministre, sur la base des propositions qui peuvent lui être transmises par le Premier ministre, les ministres, le Conseil d'État, la cour des comptes, le Conseil économique et social, le Médiateur de la République, ainsi que les collectivités territoriales et leurs associations représentatives. Ce programme énumère les projets d'évaluation retenus et expose leur contenu ainsi que les méthodes préconisées pour réaliser l'évaluation ;

- de formuler un avis sur la qualité des travaux menés par les instances d'évaluation, dans les deux mois suivant leur achèvement ;

- d'établir un rapport annuel d'activité. Le suivi des travaux n'est pas organisé.

Il peut, par ailleurs, être consulté sur toute question méthodologique relative à l'évaluation par les administration de l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Le Parlement ne peut pas le saisir.

Aux termes de l'article 8 du décret, le Commissariat général du Plan assure le secrétariat du Conseil national de l'évaluation. A ce titre, il contribue à l'instruction et à la mise au point des projets d'évaluation, en liaison avec les divers départements ministériels concernés. Il est chargé de désigner les présidents et les membres des instances d'évaluation et de suivre leurs travaux. Le Commissariat général du Plan assure la publication des rapports après avoir recueilli l'avis des administrations et collectivités concernées. Il propose au Premier ministre les suites à donner aux évaluations en ce qui concerne l'État. Fin 2002, neuf chargés de mission et trois rapporteurs extérieurs - à mi-temps  imposer les résultats. Pour autant, la démarche d'évaluation devient aujourd'hui indispensable.

Comme l'indique justement Michel Crozier :  (2)  « Il y a, en fait, trois phases principales dans l'évaluation. Le premier niveau est « neutre » et ne porte que sur le résultat. Il y a une « boîte noire », on y entre, on voit où on sort, on cherche le résultat, pas autre chose. C'est une première étape, mais essentielle puisque c'est à partir de là que tout le reste se joue. Le deuxième stade est alors : « que fait-on de l'évaluation ? Car le résultat, effectivement, a un « sens » : quel est-il, et que va être l'impact de cette information ? Il y a enfin un troisième stade, plus sophistiqué, qui consiste à faire de l'évaluation en amont - par anticipation. Dans l'expérience (...) du General Accounting office, l'enjeu le plus important - du point de vue « pédagogique » qui était aussi celui de la division de l'évaluation -, était d'atteindre d'abord, et de consolider, le premier niveau de l'évaluation, autrement dit de faire accepter des évaluations « neutres », impartiales - celles qui proposent un diagnostic simple : « ça a marché » ou « ça n'a pas marché ». Il est évident que lorsque l'évaluation démontre qu'un programme n'a servi à rien, ça fait un « floc » dans la politique ! »

Or, si la volonté politique ou les logiques administratives tendent, parfois, à l'immobilisme, il faut, en outre, souligner à quel point le raisonnement en termes d'évaluation ne s'impose pas, actuellement, en France, même au premier stade évoqué par Michel Crozier. En tant que processus de connaissance objectif, impartial et indépendant, l'évaluation de la performance des dépenses publiques n'est pas encore une pratique répandue au sein de l'administration. Vos Rapporteurs, à travers l'incompréhension parfois manifestée par des personnes auditionnées par la MEC, ont pu mesurer à quel point des tentatives d'évaluation parlementaire, focalisées sur des sujets précis et tendant de s'abstraire de contingences politiques ont du mal à s'imposer.

Si l'évaluation ne fait pas partie de la culture administrative et politique de notre pays, cela tient, en grande partie à l'absence d'outils incontestables, de techniques admises par ceux à qui elles doivent s'appliquer. L'appréciation de la performance requiert donc l'existence de critères connus, reconnus et ... partagés.

B.- LA PERFORMANCE, NOTION PRÉCISE

Si la maîtrise des coûts publics ne peut, aujourd'hui, être menée indépendamment d'une démarche portant sur la performance de l'action publique, il est indispensable que cette démarche, à son tour, se fonde sur des critères objectifs. Or, par comparaison avec la situation du secteur privé, l'évaluation des dépenses publiques est beaucoup plus complexe : e 339;uvre, en termes de coûts et de moyens matériels mobilisés à cette fin. L'efficacité est une norme plus globale, qui consiste à se demander si l'ensemble des effets d'une politique donnée atteint les objectifs poursuivis. Enfin, la pertinence cherche davantage à apprécier les résultats d'ensemble : elle consiste à savoir si les objectifs poursuivis sont bien adaptés aux problèmes auxquels ils s'appliquent. Ces trois concepts d'effectivité, d'efficacité et de pertinence ne se recoupent que partiellement, ils font appel à des indicateurs de performance distincts les uns des autres.

Or, l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 fait état, sans autre précision, d'objectifs assignés aux dépenses publiques, et son article 54 vise les indicateurs, corrélés à ces objectifs. La réflexion sur les indicateurs, qui doit être menée préalablement à la mise en œuvre de la réforme, ne répond donc pas à un enjeu uniquement technique : elle est, au contraire, fondamentale au regard des raisonnements en termes de performance des dépenses publiques. Si les indicateurs ne sont pas suffisamment objectifs pour être admis par tous, pertinents pour pouvoir analyser l'ensemble d'un programme et précis pour pouvoir mesurer l'efficience, l'efficacité et la pertinence des politiques publiques, les objectifs poursuivis par la loi organique ne pourront être atteints.

Vos rapporteurs attachent donc la plus grande importance à la définition des indicateurs prévus par la loi organique. Il est très souhaitable que les rapporteurs spéciaux, et les rapporteurs pour avis, s'en préoccupent, en amont du processus.

DEUXIÈME PARTIE :
LA NOTION DE MISSION ET DE PROGRAMME,
POINT CENTRAL DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE

A.- LA COHÉRENCE DES MISSIONS ET DES PROGRAMMES, CONDITION NÉCESSAIRE DE LA RÉFORME

La loi organique du 1er août 2001 conduit, en dehors de la fixation d'objectifs et d'indicateurs, à établir des missions et des programmes auxquels sont corrélés ces objectifs. L'article 7 de la loi organique définit les missions et les programmes en fonction des finalités assignées aux dépenses publiques, et, de ce fait, suppose le passage d'un budget de moyens à un budget d'objectifs fonctionnels, où le vote de la loi de finances est structuré en programmes, lesquels représentent « des crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère » et non plus en chapitres. Une mission regroupe un « ensemble de programmes ».

Vos rapporteurs estiment que ce changement, comme la lettre de la loi organique, sont incompatibles avec trois attitudes. La première de ces attitudes consisterait à penser la nouvelle structure de vote et d'exécution des lois de finances uniquement à partir de l'existant, c'est-à-dire à plaquer les missions et les programmes sur les structures administratives au lieu de mettre en avant des exigences fonctionnelles à partir desquelles les budgets ministériels doivent être établis et qui seules sont de nature à permettre d'introduire une logique de performance et de résultat.

La mission d'information que votre commission des finances a confié à quatre députés, MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard pour assurer le suivi de la mise en place de la loi organique, même si elle n'a encore qu'une vision nécessairement partielle et provisoire des choses, a cependant mis en évidence ce risque (3). Il est clair que le fait de s'en tenir aux structures administratives actuelles rendrait inopérante toute réflexion construite à partir d'objectifs et plus difficile la mise en place d'indicateurs de performance, notamment en ce qui concerne la pertinence des dépenses publiques.

Le second risque est moindre, mais il découle du premier. Il s'agirait d'une conception très large des « fonctions support », retraçant par exemple des crédits d'administration centrale. Plus ces fonctions seront larges, moins l'appréciation de la performance des dépenses qui y sont affectées sera aisée. De ce fait, le regroupement de dotations destinées à des crédits de rémunération ou à des équipements, pouvant être retracées dans d'autres programmes au sein de fonctions support doit être évité. Il faut même se demander, si, au delà du fonctionnement des cabinets ministériels, de l'activité du ministre proprement dite ou de directions réellement transversales, la notion de « fonction support » ne doit pas être, purement et simplement, bannie de la construction de la nouvelle procédure budgétaire. Plus les « fonctions support » seront larges, moins la r& parfaitement contradictoire avec l'objectif de la réforme, et rendrait inopérant tout calcul de performance des dépenses. En outre, une telle présentation des crédits est contraire à la lettre même de l'article 7 de la loi organique et à la nécessité d'une présentation sincère des lois de finances.

Vos Rapporteurs ont donc saisi chacun des membres du Gouvernement pour éviter que ces risques d'échec se concrétisent. Il convient de ne pas ignorer les points positifs de mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001, s'agissant par exemple de la suppression des taxes parafiscales, de l'institutionnalisation du débat d'orientation budgétaire, de la comptabilité publique, ou encore de l'information sur la régulation budgétaire. Pour autant, il faut souligner, en amont, l'importance que revêtira, pour l'autorisation parlementaire, pour l'exécution budgétaire et pour la mise en œuvre des techniques d'évaluation, le périmètre de chaque programme.

Pour autant, l'indispensable cohérence des missions et des programmes ne suffit pas à assurer le succès de la réforme.

B.- LA COHÉRENCE DES MISSIONS ET PROGRAMMES, CONDITION INSUFFISANTE DE LA RÉFORME BUDGÉTAIRE

Vos Rapporteurs tiennent à insister au delà des éléments permettant d'apprécier la performance de la dépense publique, à travers la précision des missions et des programmes et la lisibilité des indicateurs, sur quatre éléments, qui eux aussi, conditionnent la réforme des finances publiques.

1°) Les indicateurs de performance doivent prévoir des échéances de réalisation

Conçus dans le cadre d'objectifs à atteindre, présentés à l'appui de la loi de finances de l'année et du débat d'orientation budgétaire, les indicateurs permettent de déterminer, a posteriori, si ces objectifs ont été atteints. Il convient donc de concevoir les indicateurs comme des éléments de connaissance, mais aussi de prospective, les plus « ciblés » possibles. L'efficacité d'une dépense publique doit, certes, s'apprécier dans un cadre annuel ; en revanche son effectivité et sa pertinence dépassent nécessairement l'annualité budgétaire, et appellent donc à concevoir des indicateurs pluriannuels. Mais l'échéancier de réalisation des objectifs doit être connu dès l'origine.

Il convient donc que des objectifs comme les indicateurs, comportent des données précises quant à leur réalisation.

En toute hypothèse, le débat sur les indicateurs doit devenir un élément essentiel du débat budgétaire, et, de ce fait, du débat parlementaire.

2°) Il est impératif que la Cour des comptes pours conclusions de ce groupe de travail. Ils ont en outre souhaité que le ministère de l'Industrie soit également l'objet d'une prochaine analyse de la part de la Cour des Comptes.

Il importe, en outre, si possible dès cette année pour les expérimentations préfigurant l'entrée en vigueur de la loi organique, qu'une première vague de résultats soit disponible au moment de la préparation du débat d'orientation budgétaire. En effet, l'article 48 de la loi organique officialise ce débat, qui aura lieu « au cours du dernier trimestre de la session ordinaire », c'est-à-dire en pratique en juin prochain. Ce texte prévoit en outre que « la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performance » est présentée dans un rapport déposé à l'appui du débat, mais ce dispositif n'entrera en vigueur qu'en 2006. Il est, de ce fait, essentiel, que les travaux de la Cour des comptes s'insèrent dans ce cadre, et soient donc connus avant le débat.

3°) La mise en place d'une procédure parlementaire de réexamen des dépenses est nécessaire

Le débat sur la loi de finances pour 2003 a montré qu'il était souvent plus facile de souhaiter, au plan théorique, des réductions de dépenses que de les concrétiser.

En effet, confrontés à des amendements ponctuels de réduction de crédits, adoptés par votre commission des Finances, les ministres se sont souvent montrés réticents, recherchant le soutien de députés pour préserver leurs crédits et éviter la discussion sur leur bien fondé. Seuls les ministères de la fonction publique, du travail et de la ville ont accepté d'entrer dans une logique de remise en cause de l'efficacité de certains crédits. Or, c'est cette logique qui, précisément, présidera, désormais avec l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001, à l'examen des crédits.

Sans doute peut-on reprocher à de tels amendements de ne pas être suffisamment conçus en amont du débat et de ne pas s'appuyer sur des indicateurs irréfutables, encore que la procédure d'examen de la loi de finances encadre nécessairement de telles initiatives dans des délais restreints. Pour éviter cette critique, vos Rapporteurs proposent d'instaurer, sans qu'il soit besoin de modifier les textes, une procédure de réexamen de dépenses.

Vos Rapporteurs suggèrent, en effet, que chaque année, au moment du débat de la loi de finances initiale, la commission des Finances choisisse deux à trois dépenses ponctuelles soumises à une analyse précise d'efficience, d'effectivité et de pertinence, à charge pour le ministre concerné, l'année suivante, de présenter les résultats de l'examen auquel il aura fait procéder et les économies possibles en résultant.

S'agissant des conditions de cette enquête interne, le Président de votre commission des Finances a souvent deuxième partie de la loi de finances initiale - et plutôt à la fin de celle-ci - et devrait impliquer la commission des Finances dans son ensemble, à qui les résultats seraient communiqués. Elle ne requiert que l'accord du Gouvernement.

4°) La rénovation du système d'évaluation s'impose

La Mission d'évaluation et de contrôle, dont M. Georges Tron est rapporteur, relative aux organismes publics d'évaluation et de prospective économiques et sociales est en train de mener une réflexion d'ensemble sur l'évaluation. Sans présumer des conclusions de celle-ci, il apparaît indispensable à vos Rapporteurs qu'une véritable culture de l'évaluation se développe vis-à-vis de nos concitoyens. L'activité du Conseil national de l'évaluation (CNE) a été trop confidentielle et sans doute insuffisamment réactive : une évaluation sur la politique nationale de sécurité routière, décidée le 12 octobre 2000, doit s'achever en mars 2003. Une évaluation sur le logement social dans les départements d'outre-mer, décidée en 1999, a été interrompue. Pourtant, un tel sujet mériterait, à l'évidence, une évaluation. Il apparaît donc très souhaitable que l'évaluation fasse l'objet d'une véritable priorité administrative. Il est donc proposé que les principaux ministères se dotent d'une véritable structure d'évaluation. Il apparaît souhaitable également que le Parlement puisse saisir de telles structures.

En outre, la possibilité de mobiliser, de manière plus large, les corps d'inspection des organismes externes à l'administration paraît indispensable à la réalisation de travaux d'évaluation. Si le Conseil national de l'évaluation était maintenu, il serait indispensable que le Parlement puisse le saisir, voire de rattacher, cet organisme au Parlement.

Enfin, une procédure de suivi en matière d'évaluation doit être mise en place, de manière à conférer davantage de force aux travaux de cette nature, qui demeurent marqués, d'une manière générale, du « sceau consultatif ». A cet égard, vos Rapporteurs suggèrent que si la MEC traite d'un sujet qui a fait - ou qui fait - l'objet d'une procédure d'évaluation, les fonctionnaires responsables de l'évaluation soient associés aux travaux de la MEC, comme le sont, d'ores et déjà, les membres de la Cour des comptes.

*

* *

Ces propositions, qui nécessitent un accord, selon le cas, de la Cour des comptes ou du Gouvernement permettront d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme budgétaire. L'un des problèmes qui risque d'estomper les objectifs de la réforme est son insuffisante diffusion auprès de l'administration. C'est dans la mesure où le calcul de performance prendra une place prééminente, et où le Gouvernement, dans son ensemble, donnera une pleine portée à la mise en place des objectifs et des

UN EXEMPLE :

L'INSPECTION GÉNÉRALE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES :
UN TRAVAIL À VALORISER

En vertu du décret n° 79-936 du 2 novembre 1979, confirmé par l'article 2 du décret n° 98-1124 du 10 décembre 1998 portant organisation de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères, l'inspection générale des Affaires étrangères, héritière de l'inspection des postes diplomatiques et consulaires et composée de onze inspecteurs, dont un inspecteur général et deux inspecteurs généraux adjoints, vérifie le bon fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires et des services centraux. Elle peut être chargée de toute mission de contrôle et d'audit, y compris de la part du Premier ministre ; ses rapports sont transmis au secrétaire général, qui en contrôle le suivi ; elle rédige un rapport annuel qui guide les postes et les services dans leurs efforts d'amélioration. Elle peut entendre les responsables des différents services des missions diplomatiques, qui sont tenus de lui donner toutes les informations nécessaires à l'accomplissement de sa tâche. Sa compétence s'étend à l'ensemble des personnels employés dans une mission diplomatique ou consulaire, y compris ceux qui ne relèvent pas du ministère des affaires étrangères, dès lors que le ministre concerné a donné son accord.

Un effort de transparence en direction des parlementaires et de l'opinion publique mériterait d'être entrepris, comme le soulignait notre ancien collègue Yves Tavernier dans son rapport d'information sur le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs (5), en évoquant l'exemple des rapports d'audits de l'inspecteur général du Département d'État américain, dont la publication donne du ministère des affaires étrangères une image de transparence et permet à chacun de mesurer l'efficacité de tel ou tel service ou de tel ou tel poste diplomatique, ce qui accroît la légitimité de l'action extérieure. L'inspecteur général du Département d'État américain transmet aussi au Congrès des États-Unis un rapport semestriel qui retrace précisément ses activités, fait une synthèse des meilleures pratiques observées à l'occasion des contrôles et n'hésite pas à formuler un certain nombre de critiques et de propositions.

Depuis quelques années, sont menées des inspections conjointes avec d'autres inspections. Les missions menées avec l'inspection générale des finances ont prouvé tout leur intérêt : en 1999 sur les commandes et marchés publics du ministère et sur l'action humanitaire d'État, en 2000 sur la Mission laïque française en Espagne, au Liban et au Maroc, en 2001 sur la cellule d'urgence et veille du ministère et sur l'Association française des volontaires du progrès. Il faut, en revanche, regretter que les missions menées, en 1999, sur les postes mixtes affaires étrangères-direction des relations économiques extérieures à Atlanta, Houston et Miami, aient été menées séparément par l'inspection des affaires étrangères et l'inspection de la direction des relations économiques extérieur LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES,
ÉLÉMENT NÉCESSAIRE DU RENOUVEAU
DES FINANCES PUBLIQUES

Nombre de propositions de réduction de crédits sont aujourd'hui formulées par des acteurs publics comme privés, mais, ici comme ailleurs, il y a beaucoup de dépenses appelées et... peu d'élues... Vos Rapporteurs entendent cependant rappeler que certaines propositions, comme celles de la Cour des comptes ou de la MEC paraissent pertinentes et s'appuient sur l'insuffisance des résultats, mais qu'elles n'ont pas connu de mise en œuvre. Le rôle du Parlement, en la matière, est de rappeler que de telles propositions doivent être appliquées, sauf pour les ministères ou plus précisément leurs administrations, à démontrer que ces propositions ne sont pas fondées. Mais, en l'espèce, la « charge de la preuve » leur incombe. Le débat public doit donc, ici encore, servir à évaluer ces dépenses.

A.- DES PROPOSITIONS SANS SUITE...

Vos Rapporteurs se contentent, ici, de sélectionner quelques observations, en particulier provenant de la Cour des comptes, qui ont mis en évidence une insuffisante effectivité, voire une insuffisante efficacité, de dépenses publiques. Ils ont volontairement laissé de côté certains sujets, comme la politique de la ville ou encore la formation professionnelle, auxquels de nombreux travaux ont d'ores et déjà été consacrés mais dont l'analyse nécessiterait, à elle seule, plus qu'un rapport...

S'agissant par exemple de l'enseignement scolaire, dans le premier rapport particulier sur la fonction publique de l'État (décembre 1999), la Cour des comptes avait plus particulièrement examiné les procédures de recrutement des enseignants du second degré. Même si elle reconnaissait que le ministère avait « amélioré ses instruments de prévision à moyen et long termes », elle notait que ces instruments « ne permettent en aucun cas de déterminer de manière précise, discipline par discipline ou concours par concours, le nombre de places à ouvrir chaque année ». Elle relevait qu'il manque encore au ministère « une connaissance permanente des effectifs en stocks et en flux, la définition des objectifs poursuivis en termes de scolarisation, de pédagogie et donc d'encadrement et un processus d'arbitrage qui donne la priorité au moyen terme sur les contingences ou les pressions du court terme ».

La synthèse consacrée à la gestion des emplois et personnels enseignants du second degré, dans le second rapport particulier d'avril 2001, pointe une situation « révélatrice d'un système qui n'est ni maîtrisé ni contrôlé » ; en particulier le fait que « le nombre des disciplines (350) et leur cloisonnement, la lourdeur des procédures d'affectation, le fait que les enseignants soient de plus en plus « monovalents » et refusent d'enseigner dans des disciplines proches de la leur, la difficulté pour les chefs d'établissements de pouvoir obtenir des enseignants des heures supplémentaires sont autant de causes qui expliquent que puissent coexister des profess 160;la nécessité de « la mise en place urgente d'une gestion prévisionnelle des moyens et des personnels et l'ouverture d'une réflexion sur les règles de gestion des enseignants du second degré, qu'il s'agisse des règles de mutations, des modalités d'affectation ou du contenu des obligations de service. »

Il est évident que certaines de ces mesures nécessitent des modifications, en particulier statutaires, à moyen ou à long terme. Pour autant, il paraît très utile de répondre à de telles observations : aucune des préconisations de la Cour ne porte atteinte à la qualité de l'enseignement.

S'agissant de la Préfecture de police de Paris, dans son rapport annuel 1998, la Cour des comptes a pointé l'insuffisance du contrôle de gestion et de la gestion des personnels : absence d'un tableau de répartition des effectifs, impossibilité d'apprécier la répartition du personnel au regard des charges de travail, absence d'une gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs... Elle a constaté que :

- de nombreux fonctionnaires de police demeurent affectés à des tâches non policières mais continuent de percevoir les primes des fonctionnaires actifs (garages, services vétérinaires, fourrières, musiciens, équipe de gymnastique, équipe d'acrobatie motocycliste, mises à disposition d'associations) ;

- le contrôle de l'activité des personnels est insuffisant (le taux d'absentéisme dans les ateliers varierait entre 34 % et 60 % selon les périodes de l'année ;

- certains fonctionnaires consacrent une partie de leur temps de travail à des activités privées ;

- l'organisation très disparate des moyens de la police scientifique et technique n'est pas « optimale » ;

- le patrimoine immobilier est très important, vétuste et mal entretenu et il n'y a pas de réflexion de fond sur le regroupement des services et la rationalisation du réseau des immeubles.

En conclusion, la Cour estime que le statut très particulier de la Préfecture de police « présente plus d'inconvénients que d'avantages » et que la « recherche du meilleur coût n'a pas jusqu'à ce jour constitué une priorité pour les responsables ».

S'agissant, plus largement, de la gestion et des rémunérations des personnels de la police nationale, dans son premier rapport particulier sur la fonction publique de l'État, en décembre 1999, la Cour des comptes a pointé l'affectation de policiers à des tâches administratives (alors que le coût d'un policier actif est environ supérieur de 50 % au coût d'un agent administratif de même catégorie), l'importance du nombre de policiers indisponibles du fait de détachements, de mises à disposition et de d&eacu family: 'Arial'; font-size: 10pt">Ces propositions rejoignent largement celles que la MEC sur la police avait préconisées en juillet 1999  (6).

LES CONCLUSIONS DE LA MEC SUR LA POLICE

La MEC avait abouti notamment aux conclusions suivantes :

- certaines tâches doivent être externalisées (réparation des automobiles, maintenance informatique) ;

- les horaires de travail des policiers doivent être contrôlés : « La mise en place d'un contrôle effectif des horaires est, à cet égard, impérative. L'utilisation effective de toutes les potentialités des outils informatiques qui commencent à être mis en place, notamment l'utilisation de cartes magnétiques compatibles avec le logiciel Geopol, constitue une première mesure qui peut être mise en œuvre aisément » ;

- le paiement des heures supplémentaires doit prendre le pas sur les récupérations ;

- le régime indemnitaire doit être mieux modulé, en fonction notamment de la zone d'activité ;

- les projets de redéploiement entre la police et la gendarmerie et la restructuration des services de police doivent être poursuivis.

De toutes ces propositions, comme de celles de la Cour, quel a été l'écho ? Pourtant, ces propositions ne portent pas atteinte au service rendu mais, au contraire, cherchent à l'améliorer. À part une nouvelle étape de la redistribution territoriale de la police et de la gendarmerie, actuellement mise en œuvre, bien peu de ces préconisations semblent avoir été pleinement suivies.

Vos Rapporteurs insistent, en particulier, à nouveau sur la nécessité de moduler les primes en fonction de la nature des tâches et de la zone d'exercice. Cette notion de rendement est, elle aussi, un des éléments induits par la mise en œuvre de la loi organique.

D'une manière plus générale, il convient d'introduire, dans l'ensemble de la fonction publique, le principe d'une modulation des primes en fonction des résultats.

Les offices agricoles voient leurs comptes régulièrement contrôlés par la Cour des comptes. Rares sont ceux qui échappent aux critiques relatives à la gestion des crédits, nationaux et communautaires, qui leur sont confiés, et en particulier à celles portant sur leurs coûts de gestion. Sur une initiative parlementaire, l'article 112 de la loi de finances pour 2003 prévoit que le Gouvernement présentera avant le 30 juin 2003 un rapport évaluant les conditions de fonctionnement des offices agricoles et proposant des mesures destinées à en minorer les frais de structure. Le rapprochement, et même la fusion, de certains offic fonctionnaires gestionnaires du régime obligatoire d'assurance maladie (mutualité fonction publique, mutuelle générale de la police, mutuelle générale de l'Éducation nationale, mutuelle des agents des impôts...). Ces aides, très variables, consistent en des subventions et des prestations gratuites de l'État, sous forme de mises à disposition de fonctionnaires, de locaux, de matériels et de services. Toutefois, la Cour indique, comme alternative à la suppression des aides, la conclusion de contrats avec les ministères compétents et l'assurance maladie, en précisant l'affectation de ces aides, de façon à éviter qu'elles ne fassent double emploi avec les remises de gestion accordées à ces mêmes mutuelles.

Le ministère de la Justice est une des priorités gouvernementales et bénéficie donc d'un traitement budgétaire favorable : une importante progression des crédits a donc été prévue et votée par le Parlement à l'été dernier dans le cadre de la loi n° 2002-1138, d'orientation et de programmation, du 9 septembre 2002.

La Cour des comptes ne relève pas de gisements d'économies majeures mais craint que la hausse, nécessaire, des crédits fasse obstacle à ce que soient menées à bien les réformes de structure indispensables.

Concernant les services judiciaires, deux réformes de fond sont nécessaires :

- d'une part, la poursuite de la professionnalisation de la fonction de gestion au sein des juridictions, c'est-à-dire le renforcement des Services Administratifs Régionaux (SAR), la création d'un statut de chef de SAR et leur inscription dans le code de l'organisation judiciaire.

- d'autre part, la poursuite de la rationalisation de la carte judiciaire : l'offre judiciaire n'est plus adaptée géographiquement et techniquement à la demande sociale, avec pour conséquences une moindre efficacité des services judiciaires et un éparpillement des moyens. Concernant l'équipement, il serait budgétairement moins coûteux et juridiquement plus efficace de réunir certains tribunaux sur un nouveau site plutôt que remettre à neuf des bâtiments petits et vétustes. Par ailleurs, un regroupement des contentieux au sein de juridictions spécialisées semble indispensable.

S'agissant de la Protection judiciaire de la jeunesse, celle-ci est régulièrement remise en cause dans son fonctionnement. Un rapport public spécial devrait être publié au mois de juin.

D'ores et déjà, le Garde des sceaux a décidé le renforcement des moyens de l'administration centrale, afin de développer l'évaluation des politiques menées. Il est également prévu de consolider les directions départementales. Un certain nombre d'associations para-administratives vont être supprimées et une réorganisation du centre de formation des éducateurs est programmée.

Toutefois, la prise e

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DE LA MEC SUR LA JUSTICE  (7)

I.- Poursuivre la réforme de la carte judiciaire

· Lancer sans délais la deuxième vague de réforme des tribunaux de commerce

· Appliquer la réforme des tribunaux d'instance élaborée au sein du TGI de Paris

· Donner des missions claires à la sous-direction de l'organisation judiciaire et de la programmation

· Favoriser le développement de juridictions très spécialisées avec des ressorts géographiques importants, par exemple en matière de droit de la presse, de droit maritime ou de droit de l'expropriation

II.- Moderniser l'équipement judiciaire

· Choisir, d'ici la fin de l'année 2001, un emplacement pour un nouveau TGI à Paris

· Renforcer les antennes régionales de l'équipement

· Doter de moyens plus importants l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice

· Distinguer systématiquement crédits d'études et crédits de réalisation, afin de limiter les reports de crédits, signes de mauvaise gestion budgétaire

III.-  Renforcer les services administratifs régionaux (SAR)

· Renforcer les moyens des SAR

· Créer un statut pour les SAR, première étape d'une valorisation de la fonction de gestion au sein des juridictions

· Élargir, à moyen terme, les compétences du SAR aux autres directions du ministère et lui attribuer la qualité d'ordonnateur secondaire

IV.-  Développer l'inspection générale des services judiciaires

· Rééquilibrer les missions de l'inspection au profit des contrôles de fonctionnement des juridictions

· Poursuivre le renforcement en effectifs de l'inspection

· Développer les synergies entre les différentes inspections du ministère

· Ouvrir l'inspection à d'autre de 45,7 millions d'euros en crédits de paiement. La Cour des comptes dans son rapport public pour 2001 a relevé certaines défaillances dans sa gestion :

- la gestion des crédits du fonds n'a plus qu'un rapport lointain avec les dispositions qui les réglementent. Par exemple, le comité directeur qui devrait constituer l'organe d'orientation et de contrôle de l'action économique menée dans le cadre du fonds n'a plus été réuni depuis 1994. De même, les préfets devraient faire parvenir à l'administration centrale un bilan annuel qualitatif et quantitatif. Or cette remontée d'information ne se fait que de manière lacunaire et imprécise ;

- des défaillances sont relevées dans l'exécution de la dépense : les crédits d'investissements ont parfois été utilisés à des dépenses de fonctionnement, des crédits destinés à faire face à des calamités naturelles ont été alloués à d'autres fins, des subventions ont été versées pour des opérations déjà engagées ou achevées ;

- enfin, le contrôle de l'État est parfois insuffisant, notamment pour des opérations lourdes et complexes. La garantie de l'État a été parfois engagée dans des conditions de légèreté critiquables.

Le rapport public de la Cour des comptes de 2002 étudie la situation du service de santé de armées. La professionnalisation des armées ne permet plus le recours aux appelés, alors même que les médecins appelés occupaient parfois des fonctions particulièrement cruciales. Compte tenu des départs en retraite massifs et des difficultés à recruter - la Cour estime que 25 % des postes budgétaires seront pourvus en 2008 - le service de santé, dont les missions doivent être précisées, doit réformer en profondeur son organisation.

On a pu s'interroger sur l'opportunité d'inscrire ce thème parmi les sujets de la MEC, encore que le calendrier des travaux pour l'année en cours doit être pris en considération. Quoi qu'il en soit, ici encore, une réelle évaluation n'a jamais eu lieu, et l'absence d'outils prospectifs ne contribue certainement pas à améliorer la situation.

Un exemple significatif : l'aménagement du territoire

Le budget confié à la DATAR pour mener la politique d'aménagement du territoire représente environ 250 millions d'euros. Ce budget finance le fonds national d'aménagement et de développement du territoire et la prime d'aménagement du territoire (PAT). Sa gestion fait régulièrement l'objet de contrôles de la Cour des comptes. Cette dernière a notamment mis en lumière, dans son rapport public pour 2001 :

- une sous-consommation chronique des crédits : les reports intervenus de 2001 à 2002 s'élevaient à 103 millions d'euros (soit 36 % de la dotation initiale) ;

- une attention insuffisante apportée à la gestion : la DATAR accorde trop peu d'importance à ses fonctions de gestionnaire, comme le montre le nombre trop limité d'agents affectés à des fonctions de gestion et de suivi de la dépense ;

- les lacunes persistantes dans la gestion et le contrôle des associations subventionnées par la DATAR. La Cour, dans son rapport annuel de 1997, avait mis en évidence l'absence de réel contrôle de la Délégation sur ces associations et l'existence d'irrégularités dans l'attribution de subventions. En 2001, celle-ci a pris acte des améliorations apportées. Cependant certaines lacunes persistent : malgré des modifications statuaires successives, il est difficile de tracer une frontière claire entre les missions des associations et celles de la Délégation, et les délais d'instruction des demandes de subventions sont encore trop longs et les versements très tardifs, dans certains cas, même si les irrégularités les plus flagrantes ont disparu, la Cour a encore relevé des montages financiers critiquables ;

- les lacunes persistantes dans la gestion et le contrôle Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire ;

- des progrès encore insuffisants dans la gestion de la prime d'aménagement du territoire. En 1997, la Cour s'était déjà penchée sur les crédits de la PAT. Les critiques de la Cour étaient apparues suffisamment préoccupantes pour que les ministres concernés suscitent une enquête de l'Inspection générale des finances. Ses conclusions ont largement rejoint celles de la Cour. Deux nouveaux contrôles au cours de l'année 2000 ont permis de faire le point, dans le rapport annuel de 2001, sur les défaillances relevées auparavant. La Cour avance plusieurs critiques ;

- la gestion de la prime fait apparaître des lacunes dans l'articulation entre l'échelon central et l'échelon déconcentré ;

- des critères clairs dans le choix des opérations subventionnées ne sont pas définis ;

- les règles de droit communautaire sont insuffisamment prises en compte ;

- les crédits sont dispersés entre des opérations dans lesquelles le caractère incitatif de la PAT n'est pas démontré. Le nouveau régime du décret du 11 avril 2001, en abaissant les seuils d'éligibilité de la prime, risque de contribuer à accentuer encore cet effet de dispersion ;

- un suivi défaillant des opérations subventionnées dans la mesure où la Délégation éprouve des difficultés à fournir un bilan de l'état d'avancement des opérations subventionnées les années précédentes. A partir de l'étude de 200 dossiers, la Cour a constaté que le taux réel des emplois créés grâce à la PAT ne dépasse pas 60 % du résultat escompté.

Ces propositions, qui ne sont naturellement pas exhaustives, ont seulement pour but d'illustrer, au plan pratique, le présent rapport. Si les travaux menés par la Cour sont souvent de grande qualité, l'un des problèmes rencontrés tient, ici, encore, à la définition préalable d'objectifs précis. Un autre probl application de la réforme budgétaire. Au-delà des propositions de la Cour des comptes ou de la MEC non suivies d'effets, il convient de redéfinir le rôle des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, lesquels doivent, eux aussi, orienter leurs travaux en fonction de critères d'évaluation de la dépense publique. A cet égard, vos Rapporteurs suggèrent :

- que les travaux de la MEC soient substantiellement renforcés ;

- qu'une partie systématique, et, si possible, commune des questionnaires budgétaires de 2003, porte sur la mise en place des programmes et des indicateurs ;

- que les propositions de la MEC et de la Cour des comptes - souvent convergentes - fassent l'objet d'un suivi systématique, de la part de votre Rapporteur général et des rapporteurs spéciaux ;

- qu'au moment du débat budgétaire, chaque ministre réponde précisément aux propositions d'économies formulées par la Cour des comptes.

L'ensemble des préconisations de vos Rapporteurs est résumé dans le tableau ci-après, qui est présenté en guise de conclusion du présent rapport.

PROPOSITIONS

I- La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances doit s'accélérer

- Présenter à l'appui du débat d'orientation budgétaire de juin 2003, le dispositif d'évaluation de la performance mis en place pour les expérimentations actuellement en cours pour préfigurer la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001.

- Ne pas prévoir de missions qui ne comporteraient qu'un seul programme, contraires à l'exigence d'évaluation résultant de la loi organique du 1er août 2001.

- Demander à la Cour des comptes de poursuivre et d'accentuer ses travaux sur les programmes et les indicateurs, en fonction notamment des orientations que lui suggérera la commission des Finances, et assurer une présentation de ses premiers travaux, avant le prochain débat d'orientation budgétaire.

- Vos Rapporteurs adhèrent aux suggestions formulées par la mission d'information sur la mise en application de la loi organique, figurant en annexe au présent rapport.

II- Le Parlement doit jouer un rôle accru en matière d'évaluation

- Instaurer une procédure parlementaire de réexamen de dépenses publiques. A la fin du débat de deuxième partie de la loi de finances initiale, la commission des Finances préconiserait trois à quatre crédits précis alors soumis à une procédure d'évaluation interne à chacun des ministères concernés, avec l'appui des corps d'inspection. Les résultats seraient transmis de manière spécifique à la commission des Finances et, sauf opposition du ministre, publiées. Ils devraient inclure des propositions d'économie, mises en œuvre au plus tard dans la loi de finances initiale suivante.

- Renforcer le rôle de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC).

- Prévoir une partie commune aux questionnaires budgétaires portant sur la mise en place des programmes et des indicateurs.

- Les principaux ministères doivent faire fonctionner une structure d'évaluation interne au sein de leurs services.

page blanche

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 2 avril 2003, votre commission des Finances, a examiné les conclusions du présent rapport.

Après avoir rappelé que l'expression de M. Laurent Fabius, alors Président de l'Assemblée nationale, selon laquelle il convenait de dépenser moins en dépensant mieux, était plus que jamais d'actualité, votre Rapporteur général a souligné qu'il fallait cesser de penser que l'amélioration de la qualité du service public ne pouvait se traduire que par un accroissement des moyens financiers. Le rapport sur l'amélioration des performances de l'État sera l'occasion de formuler trois séries de propositions.

La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances doit permettre, grâce aux missions et programmes qu'elle implique, de contribuer à la rationalisation de la dépense publique. Cette réforme doit s'accompagner de la mise en place d'instruments efficaces permettant d'évaluer l'action de l'État. Le débat d'orientation budgétaire du mois de juin prochain sera, pour la première fois, tenu dans le cadre de la loi organique. La réflexion sur la définition des missions, des programmes et des indicateurs de performance et de résultats qui les accompagnent doit se poursuivre. Il convient, dès cette année, de disposer à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire des données sur les indicateurs qui, à titre expérimental, sont progressivement mis en place.

La place du Parlement dans l'évaluation des politiques publiques doit être renforcée. La mission d'évaluation et de contrôle doit voir son rôle accru. La Commission doit pouvoir demander aux corps d'inspection des ministères des études spécifiques. Les outils de comptabilité analytique prévus par la loi organique devraient permettre une meilleure lisibilité de la dépense publique. En outre, une meilleure articulation des travaux de la Commission avec ceux de la Cour des comptes doit être recherchée. Chaque rapporteur spécial devrait consacrer une partie de son rapport au suivi des propositions formulées par la Cour. De plus, des crédits d'études mis à la disposition de la Commission pourraient permettre de commander des analyses à des cabinets d'audit. Éventuellement, ces crédits pourraient être augmentés.

Enfin, il convient de faire évoluer les comportements. Nos concitoyens doivent prendre conscience du lien existant entre la dépense publique et l'impôt, dans une démarche de « value for money ». Ce changement de comportement devrait leur permettre de juger de la qualité du service rendu et de responsabiliser les gestionnaires des crédits publics.

ANNEXES

ANNEXE N ° 1

Compte rendu de l'audition, du 26 mars 2003, de M.  François Logerot, Premier président de la Cour des comptes par la commission des Finances  :

Votre commission des Finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, accompagné de Mme Claire Bazy-Malaurie et M. Jean-François Carrez, conseillers maîtres, et de Mme Catherine Démier, Secrétaire générale adjointe de la Cour des comptes, sur l'amélioration des performances de l'Etat.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné l'importance de cette audition dans la perspective de la rédaction du rapport d'information que lui-même et le Rapporteur général présenteront en introduction au débat du 8 avril 2003 consacré à l'amélioration des performances de l'Etat.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que la présentation, la veille, des premiers résultats de l'exécution du budget pour 2002, a été l'occasion de déplorer un nouveau dérapage des dépenses publiques, qui ont progressé de 4,6% entre 2001 et 2002. La difficulté de maîtriser la progression des charges publiques justifie la priorité absolue que la Commission accorde à la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, maîtriser signifie mesurer les performances, et, à cette fin, disposer d'instruments d'évaluation aujourd'hui insuffisants, voire inexistants. A cet égard, la nouvelle nomenclature par objectifs (par la définition des missions et des programmes) et par moyens clairement identifiés (par la globalisation des crédits) permettra une meilleure responsabilisation des gestionnaires, une claire identification des politiques publiques et une réelle appréciation de leurs résultats. Cependant, le travail préparatoire sera difficile et devra être conduit avec détermination, à la fois par l'exécutif, au moyen d'une collaboration interministérielle renforcée, et par le Parlement auquel la Cour des comptes pourra très utilement apporter sa précieuse expérience nourrie du travail accumulé depuis de nombreuses années dans ce domaine.

Le Rapporteur général a rappelé que la Commission des finances s'est déjà attelée à cette tâche avec la mission de suivi de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, composée de MM. Michel Bouvard, Charles de Courson et Didier Migaud. De même, les rapporteurs spéciaux, ainsi que les rapporteurs pour avis, réfléchissent actuellement à la meilleure organisation possible, en termes de missions et de programmes, des politiques ministérielles qu'ils contrôlent.

En second lieu, M. Daniel Garrigue a évoqué le problème de la judiciarisation croissante de la responsabilité publique. Il semble, en effet, que la crainte de nombreux décideurs publics d'être inculpés en raison de leur action les incite fréquemment à l'inertie. Par exemple, après la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse, les services de la DRIRE ont décidé, pour se couvrir pénalement, de recourir de manière systématique à des tierces expertises dans les procédures Seveso, ce qui représente évidemment un coût considérable pour les finances publiques et un allongement sensible des processus de décision.

M. Didier Migaud s'est interrogé sur la façon dont la Cour des comptes est, éventuellement, associée par le Gouvernement au processus de mise en œuvre de la loi organique. Celui-ci consulte-t-il la Cour officiellement ? A-t-elle connaissance des dispositifs d'évaluation qui doivent faire partie intégrante des mécanismes budgétaires ? Est-elle amenée à donner son avis sur ces dispositifs ? La Cour des comptes a accumulé une expertise importante grâce aux monographies ministérielles incluses dans les rapports sur l'exécution des lois de finances. En a-t-elle tiré des propositions ou des suggestions quant à la présentation des missions, programmes et actions et quant aux objectifs et indicateurs associés aux programmes ?

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître l'appréciation portée par la Cour des comptes sur le temps de réaction des administrations à ses observations contenues dans les rapports publics ou particuliers et les pistes qui pourraient permettre de réduire ce temps de réaction. Le Premier président a évoqué les difficultés rencontrées par la Cour, pour assumer en toute efficacité des tâches en nombre sans cesse croissant. Peut-on envisager une meilleure mobilisation des corps d'inspection générale, dont certains sont peut-être « sous-utilisés » par rapport aux compétences qu'ils accueillent ? Par ailleurs, la mise en évidence d'une certaine inertie, voire résistance, à la mise en place rapide des différents éléments de la loi organique relative aux lois de finances incite à demander si la Cour des comptes serait prête à répondre à des demandes d'enquête sur ce sujet qui seraient présentées par la Commission des finances.

M. François Logerot, Premier président, a indiqué que le rapport sur l'ex&eacut finances et de l'industrie. Un comité de liaison a d'ailleurs été installé au début de l'année 2003, sur la base d'une proposition faite en 2002, qui associe la Cour des comptes, la direction de la réforme budgétaire, la direction du budget et la direction générale de la comptabilité publique. Ce comité apparaît d'emblée comme un lieu d'échanges utile et indispensable, où la Cour des comptes s'attachera à délivrer ses « messages ». Deux sujets mobilisent particulièrement l'attention de la Cour :

- la construction de la nouvelle nomenclature budgétaire, avec l'articulation entre missions, programmes et actions, pour laquelle des contacts seront pris prochainement avec le président du Comité d'audit des programmes, M. André Barilari ;

- la réorganisation de la filière Dépenses et, notamment, les rôles respectifs de l'ordonnateur, du contrôle financier et du comptable.

La Cour des comptes s'est toujours attachée à analyser les suites données à ses observations, n'ayant pas de légitimité pour adresser des injonctions aux administrations ou organismes visés par ces recommandations. Depuis plusieurs années, le rapport d'activité des juridictions financières en fait une présentation centrée sur les cas les plus significatifs, en positif comme en négatif. Il arrive parfois qu'une inertie persistante amène la Cour des comptes à approfondir ses enquêtes et à publier leur résultat sous forme d'un rapport public particulier, ce qui donne évidemment un poids supplémentaire aux observations de la juridiction. Il en est ainsi du récent rapport public particulier sur le contrôle de la navigation aérienne, qui a dû relever l'absence de réaction aux observations précédentes de la Cour.

On notera cependant que la politique autoroutière a été profondément renouvelée, dans les toutes dernières années, processus auquel n'a peut-être pas été étranger le rapport public particulier publié en 1999. De même, les deux rapports relatifs à la fonction publique ont conduit à des améliorations notables, notamment en termes de clarté et de publicité des modes de rémunération ; il reste, en revanche, des progrès importants à accomplir en matière de gestion des emplois budgétaires.

La réactivité des administrations est cependant encore trop faible : la « machine administrative » est lourde, les structures et les procédures ne s'ajustent pas facilement, le dialogue avec les personnels et les autres autorités est parfois délicat. Il faut en général deux à trois ans pour que les observations de la Cour des comptes donnent lieu à la mise en œuvre de réformes concrètes.

Une façon d'accroître la réactivité des administrations pourrait consister, pour les autorités politiques, à montrer qu'elles ont pris note des observations de la Cour des comptes et attachent du prix à leur prise en compte rap travaux préparatoires et les débats sur la loi organique n'apportant guère d'éclairage à cet égard. Le débat a été ouvert à la Cour des comptes, qui s'interroge sur la nature de la responsabilité des gestionnaires de programme et sur l'opportunité de définir de nouveaux modes de responsabilité susceptibles de renouveler la gestion publique.

Une réponse juridique - voire pénale - paraît toutefois inadaptée. La Cour des comptes ne juge que les comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière ne peut que sanctionner des écarts à la réglementation, sauf si démonstration est faite que l'action ou l'inaction du responsable a conduit à des pertes ou à une situation financière dégradée de l'organisme dont il avait la charge. Cette démonstration est, en général, très difficile à apporter. Il faut donc faire un effort d'imagination et se demander comment créer, au sein de la fonction publique, une véritable responsabilité managériale, qui aurait - pourquoi pas ? - des incidences en termes de carrière et de rémunération. Une telle responsabilité managériale peut d'ailleurs être mise en œuvre sans toucher au statut de la fonction publique. Celui-ci est, certes, très protecteur pour les emplois liés aux tâches d'exécution - notamment en termes de licenciements - mais il est beaucoup plus ouvert et souple pour les emplois de haute administration, ceux-là même qui sont susceptibles de relever d'un niveau de responsabilité managériale. La réflexion de la Cour des comptes se développe dans ces directions. Il serait souhaitable qu'elle ne soit pas la seule institution à se pencher sur cette question.

En réponse à M. Daniel Garrigue, M. François Logerot, Premier président, a confirmé la nécessité d'améliorer la gestion du patrimoine immobilier public qui serait un gisement important d'économies budgétaires. La Cour des comptes a inscrit à son programme annuel une étude de faisabilité relative à une enquête générale sur la gestion immobilière de l'État. Ce thème n'avait pas fait l'objet de travaux de la Cour depuis de nombreuses années, à l'exception d'études ponctuelles, concernant notamment le patrimoine immobilier du ministère de la Défense, que ce dernier s'est attaché à valoriser par la pratique des échanges compensés, bien connue des élus locaux. La première condition pour mener un tel travail sera d'établir un inventaire exhaustif et actualisé des immobilisations de l'Etat, le tableau général des propriétés de l'Etat, tenu par les services fonciers du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, étant très perfectible.

Abordant la judiciarisation de la responsabilité publique, problème qui n'entre pas directement dans le champ des compétences de la Cour, M. François Logerot a estimé qu'elle témoigne moins d'une dérive sociale, que de l'absence de mécanismes de responsabilisation des décideurs publics. Ainsi, mieux évaluer, en particulier les actions de prévention des risques, et mieux responsabiliser les décideurs publics, pourraient permettre d'é critères de sélection pour répondre aux préoccupations de la Commission des finances, laquelle pourrait indiquer au moment où la Cour adopte son programme de travail, en octobre, les domaines prioritaires retenant son attention. Dans l'esprit de la loi organique, il est essentiel que la Cour connaisse les domaines jugés prioritaires par le Parlement, afin de lui apporter son expertise.

Remerciant le Président Pierre Méhaignerie de l'attention qu'il accorde aux moyens affectés à la Cour des comptes, M. François Logerot a, tout d'abord, concédé que tout organisme de contrôle peut toujours utilement multiplier ses moyens, afin de perfectionner son travail et qu'en la matière, il n'est guère aisé de définir un optimum. Cependant, il semble bien que la Cour soit confrontée à des tensions excessives en raison principalement de la tâche nouvelle de certification des comptes qui lui est confiée par la loi organique relative aux lois de finances. Ce travail ne pourra être réalisé efficacement avec les moyens actuellement alloués à la Cour, à la fois d'un point de vue quantitatif, sauf à obérer les missions d'enquête particulières sur la gestion des administrations, et d'un point de vue qualitatif, dans la mesure où la certification des comptes requiert l'expertise de comptables, tandis que le recrutement de la Cour des comptes est fait de généralistes, certes d'un haut niveau. En outre, la certification des comptes rendra nécessaire le recours à des missions ponctuelles d'expertise confiées par voie d'appel d'offres à des cabinets comptables. Une revalorisation des moyens de la Cour apparaît, dès lors, indispensable.

Il a douté de pouvoir vraiment mobiliser au profit de la Cour, des corps d'inspection générale déjà lourdement mis à contribution par leurs ministres respectifs. Reste qu'une collaboration renforcée entre la Cour et les corps d'inspection pourrait emprunter deux voies prometteuses : d'une part, les inspecteurs pourraient relayer de manière plus systématique les enquêtes particulières menées par la Cour des comptes, et, d'autre part, un des moyens pour renforcer la Cour serait d'assurer un débouché accru à certains fonctionnaires (dont les membres des inspections générales), au sein de la Cour des comptes, en multipliant le recours aux conseillers maîtres en service extraordinaire, recours qui offre par ailleurs l'avantage d'être neutre en terme d'emplois publics.

M. Michel Bouvard a souhaité connaître les appréciations de la Cour des comptes sur la construction des objectifs et des indicateurs associés aux futurs programmes, qui figureront dans son prochain rapport sur l'exécution des lois de finances, compte tenu des observations qu'elle a pu recueillir dans ses analyses budgétaires.

Il faut, certainement, développer une approche « préventive » de l'évaluation, afin de couper court à un développement excessif du recours à la justice. Dans cette perspective, la Cour pourrait utilement préciser, parmi les observations adressées aux administrations, la proportion qui a donné lieu à des poursuites pénales, à des condamnations et les délais dans lesquels ces condamnations sont intervenues.< Sports, Culture et Intérieur.

Le Rapporteur général, ayant récemment assisté à un séminaire des cadres dirigeants du ministère des sports portant sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, a souligné que le programme unique envisagé pour les dotations budgétaires relatives aux sports serait calqué sur les structures administratives actuelles. Il faut donc prendre le problème beaucoup plus en amont et porter sur lui un éclairage très politique, seul à même de dépasser ce type de blocage.

M. François Logerot, Premier président, a estimé que la construction budgétaire nouvelle doit permettre de remettre en cause, en tant que de besoin, les structures administratives existantes. En tout état de cause, les programmes ne doivent pas être calqués sur les structures.

Le Président Pierre Méhaignerie a relevé qu'il s'agit pourtant d'une tentation forte, qui aurait l'inconvénient d'empêcher toute évaluation.

Mme Claire Bazy-Malaurie, Conseiller maître, a estimé que les agrégats actuels et les indicateurs qui leur sont associés ne répondent pas à leur vocation naturelle et, encore moins, aux objectifs de la loi organique relative aux lois de finances. Les indicateurs sont mal renseignés et la plupart ne correspondent pas directement à la nomenclature budgétaire existante. Il faut donc un travail important de rencontre et de reconstruction, qui est suivi de près par les instances de la Cour.

M. François Logerot, Premier président, a rappelé que les juridictions financières ont l'obligation de transmettre au Parquet les éléments qui leur laissent présager l'existence de faits susceptibles d'avoir une qualification pénale. Le rapport d'activité de ces juridictions pour 2002 fait apparaître une augmentation de ces transmissions. Cependant, il n'est pas possible d'en faire état dans les rapports publics ou dans les référés, puisque le Parquet conduit sa propre analyse des faits signalés et décide seul des suites qu'il convient de leur donner. En fait, la Cour des comptes a donc pu transmettre un dossier au Parquet, sans en faire état dans le document public. Les délais de jugement sont généralement importants. Chacun sait, par exemple, que l'examen des comptes du Crédit Lyonnais par le tribunal a commencé tout récemment, alors que les premiers signalements de la Cour des comptes remontent à plus de huit ans.

La notation de la fonction publique est destinée à évoluer. Les travaux récents du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics suggèrent que cette rénovation aille dans le sens d'une meilleure évaluation des agents, notamment sur la base d'un entretien annuel personnel. Il s'agit de développer une réelle évaluation des capacités des personnes qui fait aujourd'hui défaut. Par ailleurs, l'évaluation bien conduite doit avoir des suites, dont on peut envisager qu'elles touchent à la rémunération. Il serait souhaitable de mettre en p notamment en matière d'amortissements, de comptabilités par ministère (prévues par les textes mais quasiment abandonnées depuis longtemps), ainsi qu'à la problématique de la certification des comptes de l'État. Le patrimoine de l'État ne pourra être correctement évalué que si certaines ambiguïtés de définition sont levées et si certaines difficultés de mise en œuvre, plutôt du domaine comptable, sont résolues.

La notation de la fonction publique est trop liée à l'avancement. Or, dans les fonctions d'encadrement, il est fréquent d'atteindre la hors classe très tôt dans sa carrière. Dès lors, la notation perd toute signification. Il faut donc en faire un nouvel outil d'évaluation, permettant, en premier lieu, d'ajuster la rémunération aux performances effectives et, en second lieu, d'identifier les compétences. La gestion des compétences dans l'encadrement supérieur de la fonction publique est un sujet ouvert.

M. Jean François Carrez, Conseiller maître, a tiré deux enseignements des observations auxquelles il a pu être procédé s'agissant des effets, dans des pays comparables à la France, de réformes analogues à la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 :

- en premier lieu, la démarche de gestion publique par programmes vient au terme d'un processus de restructuration des administrations. Or, il semble qu'en France l'idée soit de mener de front ces deux chantiers, ce qui rend encore plus complexe leur mise en œuvre respective. Il reste qu'il existe un risque de voir les programmes définis selon les structures administratives existantes, la question étant rendue encore plus complexe par l'instabilité des structures gouvernementales en France ;

- en second lieu, la gestion publique par programmes auxquels sont associés des indicateurs de résultats devrait modifier substantiellement le travail parlementaire. L'exemple du Royaume-Uni tend à prouver que l'identification du responsable d'un programme déterminé permet un dialogue plus riche et fructueux entre les parlementaires et ce responsable et aboutit sans doute à ce que le dernier tienne compte plus rapidement des observations et des préconisations d'origine parlementaire.

M. Alain Rodet a demandé si les particularités propres à l'organisation des départements et des territoires d'outre-mer marquaient, le cas échéant, les relations entre la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes propres à ces collectivités.

M. François Logerot, Premier président, a constaté au cours d'une récente mission auprès des chambres territoriales de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, que ces deux institutions, malgré des moyens limités, accomplissent un travail de qualité, marqué dans sa nature et son objet, par les particularités institutionnelles propres à ces deux territoires, mais ne les empêchant pas d'approfondir désormais des sujets relatifs aux principales politiques mises statut protecteur de la fonction publique, qui ne permet pas de donner leur congé à ceux de ses éléments qui n'ont pas su prouver qu'ils étaient aptes à mettre en œuvre les missions qui leur ont été confiées. Il n'est pas concevable que la seule démarche praticable de « mise en responsabilité » des fonctionnaires demeure la procédure pénale. Par ailleurs, s'agissant de l'effectivité de la mise en œuvre des recommandations et des préconisations de la Cour des comptes et compte tenu de ce qu'il est constant qu'une organisation ne saurait se réformer de l'intérieur, il apparaît nécessaire de prévoir au plus près des administrations elles-mêmes, mais leur étant extérieur, un organisme spécifiquement chargé de veiller au suivi effectif de ces préconisations et recommandations.

M. Hervé Novelli a suggéré deux mesures pour resserrer les liens entre la Cour des comptes et le Parlement, processus qui permettrait d'améliorer la mise en œuvre effective des recommandations et des préconisations de la Cour des comptes par les administrations concernées :

- l'établissement de modalités d'organisation permettant un travail plus direct entre les rapporteurs spéciaux et les membres de la Cour des comptes ;

- la mise à la disposition des parlementaires concernés des notes et des éléments internes des travaux préparatoires de la Cour des comptes, afin de promouvoir la transparence et un travail plus rapide.

M. François Logerot, Premier président, s'est déclaré, sur le principe, favorable à un renforcement de la coopération entre les rapporteurs spéciaux et la Cour des comptes. S'agissant des modalités concrètes permettant la mise en œuvre de ce renforcement, il a souligné les points suivants :

- il est possible d'envisager des contacts directs entre un rapporteur spécial et une chambre de la Cour des comptes. Il est cependant nécessaire que le Secrétariat général et, ainsi, le Premier président de la Cour des comptes en soient avertis. Il importe par ailleurs que le contact s'établisse au moins au niveau du président de la chambre concernée s'agissant de la Cour des comptes, même s'il peut être envisagé que la conduite des entretiens soit confiée à un président de section ;

- il n'est pas envisageable d'accorder un accès aux documents internes de la Cour des comptes, ni aux documents provisoires, qui n'ont pas, par définition, fait l'objet d'une contradiction avec les administrations contrôlées. Seuls des documents comptant des constatations définitives sont communicables.

Il a par ailleurs précisé qu'il n'appartenait pas à un magistrat de la Cour des comptes de se prononcer, en tant que tel et à ce titre, sur la nécessité ou non de réformer le statut de la fonction publique. Il s'agit d'une question politique. On peut cependant estimer que le cadre actuel permettr solides qu'autant qu'elles auront été proposées après un effort de connaissance approfondie de l'administration concernée. Les inspections générales des administrations disposent d'ailleurs, à ce titre et par définition, de bonnes dispositions initiales pour un tel conseil de qualité.

M. Marc Le Fur s'est félicité de l'enquête en cours sur la gestion immobilière de l'Etat face à la lenteur de réalisation des projets dont l'Etat est maître d'ouvrage. A cet égard, l'idée d'associer des partenaires privés à ces projets permettrait sans doute de résoudre ce problème. Il a ensuite souligné la distorsion qui marque la périodicité des contrôles portant sur les collectivités locales, dont les budgets sont contrôlés tous les quatre à six ans par les chambres régionales des comptes, et celle relative aux contrôles des décisions des ordonnateurs locaux de l'Etat, que la Cour des comptes ne contrôle que tous les vingt ans, environ. Cette distorsion est peu compréhensible et il y a lieu de se demander si l'on ne devrait pas associer, à la déconcentration des pouvoirs publics, une déconcentration des contrôles.

M. Hervé Mariton a considéré qu'il faudrait trouver de nouvelles modalités de collaboration, plus directe, entre les rapporteurs spéciaux et la Cour des comptes, les premiers souhaitant d'abord pouvoir inscrire leurs démarches de contrôle de la gestion publique dans la bonne direction et les magistrats de la Cour souhaitant, eux, répondre à un questionnement précis. Par ailleurs, il a souhaité savoir quel sera le programme de travail du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

En réponse à ces questions, M. François Logerot, Premier président, a apporté les précisions suivantes :

- les lois de décentralisation de 1982 ont fait le choix exprès d'une distinction nette des compétences entre la Cour des comptes et les chambres régionales, en garantissant le contrôle des décisions des élus locaux a posteriori par des juridictions indépendantes et autonomes vis-à-vis de la Cour des comptes. De fait, un grand nombre de politiques publiques sont mises en œuvre simultanément par l'Etat et les collectivités locales, ce qui nécessite un travail commun de la Cour des comptes et des chambres régionales. L'enquête sur la politique de la ville a ainsi été menée en collaboration avec certaines chambres régionales. Prochainement, un rapport sera publié sur la gestion du système éducatif grâce au concours actif des chambres compétentes de la Cour des comptes et de dix-sept chambres régionales ;

- il est vrai, cependant, que l'on peut nourrir le sentiment d'un contrôle moindre des gestionnaires locaux de l'Etat par rapport au contrôle des collectivités locales. La Cour des comptes mène une réflexion à ce sujet. Ainsi, un travail est-il actuellement mené sur la déconcentration des crédits et sur leur gestion dans une région. Pour autant, on ne peut pas dire que le contrôle ne soit pas assuré car, outre les contrôles sur place, il peut également prendre la forme de questionnaires et de vérification des documents écrits disponibles ;

- la qualité du dialogue entre les rapporteurs spéciaux et les magistrats de la Cour dépend bien sûr de la personnalité de chacun, mais les présidents de chambres ont tous reçu la consigne d'être attentifs aux demandes des parlementaires ;

- le Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics a pour particularité de comprendre des membres du Parlement, mais également des représentants des organisations syndicales de la fonction publique, ce qui donne une occasion de dialogue utile sur des questions de fond. Son programme de travail est arrêté par le Premier ministre ou par le ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'Etat. La Cour des comptes peut cependant faire des suggestions. Cette année, ont été retenus les thèmes de la mobilité et de la gestion géographique des emplois. Le prochain programme est en cours d'élaboration.

M. Marc Laffineur a souhaité que la coopération entre les parlementaires et la Cour des comptes puisse aller au-delà de simples réponses à des questions précises, les rapporteurs spéciaux ayant avant tout besoin d'information, mais ne sachant pas toujours ce dont la Cour dispose.

Le Président Pierre Méhaignerie a tiré trois conclusions de la présente audition :

- une coopération plus active entre la Commission des finances, et plus généralement le Parlement, et la Cour des comptes est nécessaire, dont les conditions pourraient être précisées par écrit ;

- le rôle d'impulsion et de suivi relève toujours des parlementaires, au premier rang desquels les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis ;

- la Commission des finances peut compter sur le soutien de la Cour des comptes pour apprécier la pertinence des programmes qui devront être établis en application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

M. François Logerot, Premier président, a assuré la Commission de l'entière bonne volonté de la Cour quant à sa collaboration avec le Parlement. Le souci d'information émanant des parlementaires est légitime, sans que la Cour puisse pour autant transmettre des informations qui n'auraient pas été vérifiées et adoptées coll&eacu des députés à réformer en profondeur les administrations publiques. L'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 oblige à repenser les dépenses de l'État en fonction de leur finalité et de leur efficacité, appréciées notamment grâce à des indicateurs de performance. Le 8 avril prochain sera organisé un débat à partir d'un rapport de la Commission des finances sur les recommandations de la Cour des comptes qui n'ont pas été mises en œuvre. De même, de nombreuses observations de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) n'ont pas fait l'objet de traductions concrètes de la part du Gouvernement. Aujourd'hui, au pied du mur, il convient donc d'agir.

M. Hervé Novelli a demandé si le débat pourrait se prolonger tard dans la nuit, car il y aura beaucoup à dire sur les recommandations non suivies d'effet.

Après avoir indiqué que l'observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise était un groupe de réflexion réunissant des personnalités issues du monde administratif ou de l'entreprise, M. Yves Cannac a souligné que la maîtrise de la dépense publique ne signifiait pas obligatoirement sa réduction. En revanche, il faut lutter contre des dérives causées soit par des gaspillages, soit par des avantages excessifs accordés à certaines catégories. Nécessairement structurelle, la maîtrise de la dépense publique se distingue aussi de la régulation budgétaire, par essence conjoncturelle. Même si nous nous concentrons sur les dépenses de l'État, il convient de porter un regard sur l'ensemble des dépenses publiques. La principale menace de dérive est actuellement le fait des dépenses de santé. Dans ce contexte, il faut réfléchir aux conditions institutionnelles, c'est-à-dire aux choix d'organisation et de fonctionnement de l'État, ainsi qu'à certaines catégories de dépenses qui appellent un effort particulier de maîtrise.

Il faut disposer d'un système d'évaluation, ce que permet la loi organique, qui doit être pleinement mise en œuvre. S'agissant de l'exécutif, il faut mieux organiser les responsabilités, prendre des engagements dans la durée et améliorer les conditions de gestion du personnel. La responsabilisation financière des cadres doit s'accompagner de leur autonomie. Le management participatif doit être encouragé et assorti de récompenses, tant personnelles que collectives. Les engagements des ministres, centrés sur l'impact final, doivent être cohérents avec l'action des grands gestionnaires, focalisée sur la qualité de la prestation. Il faut sortir de la confusion entre responsabilité politique et administrative. L'application déconcentrée de la loi organique ne peut pas être confiée aux préfets. En revanche, il est souhaitable de recourir à un système d'agences. Les prévisions triennales globales édictées par les ministres doivent les lier, dans une certaine mesure, pour les années suivantes. Les gestionnaires doivent pouvoir conserver le bénéfice des crédits économisés et conserver leurs fonctions pendant une durée significative. La gestion du personnel doit permettre un vrai management. Celui-ci est limité p les ministères. Il faut aussi que le Parlement dispose d'un instrument d'audit et d'évaluation qui soit à sa libre disposition, permettant ainsi à la MEC d'effectuer un examen périodique et approfondi de toutes les dépenses. De plus, les travaux du Parlement doivent être éclairés par des comparaisons internationales. Enfin, les parlementaires, les groupes politiques et les partis doivent prendre pleinement conscience de l'importance de leur mission.

Les rapports publics de la Cour des comptes notamment ceux de 2001 et de 2002 ont fait des analyses précises sur un grand nombre de sujets. Le dernier rapport public a ainsi proposé de supprimer les aides publiques aux mutuelles de fonctionnaires. De même, le rapport précédent mettait profondément en doute l'utilité du CNRS. Des rapports particuliers ont aussi critiqué la gestion des emplois au ministère de finances, la politique de la ville ou encore la gestion de la direction des constructions navales. L'annonce d'une procédure de suivi de ces dossiers par la Commission des finances est donc particulièrement encourageante. Les dépenses de personnel et les transferts sont deux domaines où les charges de l'État pourraient être mieux maîtrisées. L'augmentation de l'emploi public ne diminue pas le chômage, bien au contraire, car son coût se répercute sur l'emploi marchand. L'amélioration de la qualité du service public dépend plutôt de l'amélioration de ses méthodes de fonctionnement. Des administrations comme l'éducation nationale, les finances, l'intérieur ou la justice devraient voir leurs effectifs baisser. Des études de l'OCDE montrent que la France dispose, avec l'Italie, du plus grand nombre de professeurs par rapport au nombre de ses élèves. Or, les résultats ne sont pas meilleurs. Compte tenu de l'absentéisme et des décharges de service, on recense un nombre d'enseignants inférieur, de 40.000, au nombre théorique. Lors de la présentation du budget 2003, le ministre de l'éducation nationale s'est félicité du maintien du nombre de postes budgétaires, ce qui ne va pas dans le sens d'une rationalisation de la gestion publique. Alors que l'économie est largement libéralisée, les effectifs du ministère des finances ne baissent pas. S'agissant du ministère de l'intérieur, la France dispose du plus grand nombre de forces de l'ordre par habitant en Europe. De même, l'augmentation des effectifs du ministère de la justice ne s'est pas accompagnée d'une réforme de la carte judiciaire, qui date pourtant de l'Ancien Régime.

La contractualisation, l'externalisation et la décentralisation doivent conduire à une déflation des effectifs de l'État. Recourant déjà à des emplois contractuels, il pourrait davantage demander aux fonctionnaires titulaires de renoncer à la garantie de l'emploi à vie contre des salaires plus attractifs. L'externalisation des activités liées à l'informatique, l'hôtellerie ou la gestion immobilière doit permettre des gains de productivité. Dans certains pays, la règle du market testing oblige les administrations à se comparer périodiquement aux prestataires privés. La décentralisation, qui doit à terme réduire les besoins en personnel, risque, dans l'immédiat, de conduire à un dérapage supplémentaire de l'emploi public du fait des réticences des fonctionnaires à dém&eacut gaspillages, et la responsabilité, qui permet la motivation individuelle et collective, doivent présider à la maîtrise des dépenses publiques. Ce message devrait être entendu par les Français.

M. Roger Fauroux a souligné en premier lieu qu'il fallait adopter un discours clair et percutant sur la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Une simple comparaison est éclairante : selon la notice jointe à la déclaration de revenus, les recettes de l'État représentent 280 milliards d'euros et les dépenses 325 milliards d'euros. L'État dépense donc, chaque année, 15 % de plus que ses recettes. Il est indispensable que cela soit bien compris par les citoyens. Il y a un consensus aujourd'hui pour dire que l'on ne peut plus augmenter les impôts : il est donc indispensable de baisser les dépenses. Certaines d'entre elles peuvent difficilement être remises en cause, c'est le cas notamment de la charge de la dette ou des dépenses sociales. Le seul moyen est donc de diminuer le coût de fonctionnement de l'État, c'est-à-dire de baisser le nombre de fonctionnaires. L'État doit être ferme, mais peut procéder avec nuance et intelligence. La conjoncture démographique est d'ailleurs particulièrement favorable : 50 % des fonctionnaires vont prendre leur retraite dans les dix ans à venir. L'objectif devrait donc être de ne procéder qu'à une seule embauche pour deux départs en retraite. Cette politique présente plusieurs avantages : elle ne porte pas atteinte aux droits des fonctionnaires et c'est un processus étalé dans le temps. Elle pourrait cependant susciter l'opposition des syndicats, voire des élus eux-mêmes. Les débats autour de la réforme de la Banque de France et la position de certains élus n'apparaissent pas à cet égard de bon augure.

Il faut absolument casser le postulat d'acier qu'il existerait une corrélation entre les crédits dépensés et la qualité du service public. Par exemple, en matière de fournitures, des pratiques intelligentes doivent permettre de baisser leurs coûts sans diminuer brutalement leur quantité à l'occasion d'un gel des crédits. Ce sont véritablement l'intelligence et l'innovation qui permettront de baisser les dépenses de l'État. Le ministère des finances, en premier lieu, doit être réformé. Selon une étude du ministère lui-même, la collecte des impôts en France coûte 40 % plus cher qu'en Grande-Bretagne, qu'en Irlande et qu'en Espagne. La complexité du système fiscal en France est une fausse excuse, dans la mesure où ces pays connaissent des degrés de complexité comparables. Il est regrettable que la réforme du système de collecte des impôts ait été abandonnée. Les élus ont peut-être eu aussi une part de responsabilité en la matière. La décentralisation est aussi une excellente réforme, mais elle ne constitue en rien une « potion magique ». Elle pose autant de problèmes qu'elle n'en résout, car un État décentralisé est plus difficile à gérer. Il faudra beaucoup d'intelligence pour éviter les doublons. Il faut bien avoir à l'esprit qu'on peut obtenir de meilleurs résultats avec moins d'argent. Ainsi des études montrent qu'il n'y a pas de corrélation entre le niveau des élèves et le no Une seconde réforme, souhaitable, consisterait à modifier les règles présidant à la passation des marchés publics en renforçant la procédure de gré à gré. Par exemple, l'expérience de M. Fauroux à Saint Gobain lui a montré qu'il était possible, avec des réformes simples, d'économiser 7 % des coûts d'approvisionnement. L'État, grand client des entreprises de transport négocie-t-il ses tarifs ?

Il faut donc absolument introduire une véritable « litanie de l'efficacité » dans la formation. L'émulation doit constituer un facteur d'incitation, au sein de l'État : les comparaisons internationales seront certainement très utiles à cet égard.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que M. Jacques Marseille, qui est professeur d'histoire économique à la Sorbonne, a récemment publié un livre dans lequel il expliquait comment le budget français pourrait économiser 500 à 600 milliards de francs par an. Il s'est demandé si ce chiffre n'était pas excessif et destiné à frapper les esprits mais s'il ne recouvrait pas aussi des possibilités d'économies certaines.

M. Jacques Marseille a indiqué que pour tout observateur extérieur de la dépense publique, les problèmes sont bien connus mais que rien n'est entrepris pour les résoudre. Par rapport à la situation de l'ensemble des pays européens, la dérive de la dépense publique française date du début des années 1990. En 1990, la dépense publique française représentait 49,6 % du PIB, tandis que la moyenne de la zone euro était à 49,1 % ; aujourd'hui la dépense publique atteint, en France, 53,4 % du PIB, quand elle est limitée à une moyenne de 48,4 % dans la zone euro. En une douzaine d'années, l'écart entre la zone euro et la situation française représente donc 5 points de PIB. Rapprochée du montant du PIB en volume, que personne ne connaît en France, cette dérive est de 500 milliards de francs, soit une fois et demi le produit de l'impôt sur le revenu et l'équivalent de 8.000 francs par an et par Français, c'est-à-dire un mois du revenu médian français. Pourtant, on ne peut pas dire que, dans les autres pays de la zone euro, les enfants soient moins bien éduqués, les chômeurs plus mal traités, la sécurité moins assurée, les politiques sanitaires plus déficientes.

Cette dérive représente 10 % de la dépense publique globale. Pour revenir au niveau européen, il faudrait donc réduire la dépense publique de 10 %. Cette dérive est d'autant plus scandaleuse qu'elle n'a nullement entraîné un mieux-être social. L'espérance de vie d'un ouvrier demeure inférieure de neuf ans à celle d'un cadre de la fonction publique ; pour une moyenne nationale de 100, un cadre de la fonction publique atteint l'indice 167 en matière de consultations de médecins spécialistes quand un ouvrier n'est qu'à l'indice 46. De même, l'efficacité du système éducatif doit se mesurer en termes de v actuelle y ressemble, au moins sur le plan boursier. D'autre part, l'iniquité qui résulte de cette dérive de la dépense publique pourrait se traduire par une dangereuse dérive populiste, comme cela s'est déjà produit dans notre histoire, le boulangisme en est un exemple.

Les origines nombreuses de la dérive des dépenses publiques sont bien connues. Elles font l'objet de dénonciations récurrentes de la part de la Cour des comptes. Il ne fait guère de doute que les 10 % d'économie seraient facilement obtenus si ses observations étaient suivies d'effets, mais les ministres avouent systématiquement les fautes de leurs services, sans jamais faire quoi que ce soit pour les corriger. Les dépassements de devis sont systématiques ; les exemples en la matière, du prix du char Leclerc à celui de la moindre école maternelle, sont innombrables. Ces problèmes sont dénoncés en permanence par les différentes inspections, par le Sénat, par l'Assemblée nationale. Les travaux de la MEC ont vivement dénoncé le gaspillage financier, par exemple dans le domaine de la formation professionnelle, ou s'agissant du nombre très élevé de tâches administratives conférées aux policiers. Une étude de l'inspection de l'Éducation nationale portant sur cinq académies a évalué à 4 % le surnombre des enseignants ; cela représente 16.800 emplois et un gaspillage de 4 milliards de francs, certains enseignants se trouvant sans classe, tandis que bien des classes sont privées d'enseignant. Comment peut-on justifier le maintien du service de la redevance, créée au moment où la France s'équipait de téléviseurs, et qui ne sert plus à rien depuis que presque tous les Français ont un poste de télévision, alors qu'il suffirait de faire assurer le recouvrement de la redevance par les services compétents pour la taxe d'habitation ? La suppression de ce service permettrait, par exemple, d'utiliser à d'autres missions les 1.500 fonctionnaires qui y travaillent. Les Français, trop souvent suivis par la presse, adoptent systématiquement une logique keynésienne qui les conduit à penser, à tort, que la dépense est un facteur de stabilité.

Pour éviter la hausse systématique de la dépense publique, il faudrait élaborer le budget de l'année n+1 à partir des recettes de l'année n-1, au lieu d'anticiper systématiquement une croissance des recettes toujours incertaine. On pourrait affecter les crédits correspondants à une croissance nulle, les produits fiscaux induits par une croissance positive étant utilisés, le cas échéant, au remboursement de la dette qui pèse actuellement sur les seules générations futures. Il faudrait exiger de chaque ministère qu'il réduise ses dépenses de 10 %. Toutes les subventions aux entreprises devraient être supprimées, puisqu'il est démontré que ce sont les perspectives de croissance qui entraînent les embauches, alors que les subventions se traduisent simplement par des effets d'aubaine, dont le dégât politique s'avère, à terme, très fort. Si la suppression des ces subventions permet corrélativement un allègement des charges sociales, toutes les entreprises en seront très satisfaites. Les subventions aux associations mériteraient aussi d'être systématiquement revues. L comptabilité publique, qui ne permet pas de connaître la situation patrimoniale de l'État, le fait que l'Institut de France loue des locaux à 60 francs le mètre carré, ou encore les conditions de versement de certaines dotations, par exemple au CNRS, même en l'absence de demande émanant des laboratoires concernés.

Pour conclure, M. Jacques Marseille a précisé que son indignation était à la fois celle du citoyen et du contribuable et qu'il appartenait aux parlementaires de mettre en œuvre le droit proclamé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de demander compte à tout agent public de son administration.

M. Hervé Mariton a remercié les trois intervenants pour leur analyse pertinente de la dérive des dépenses publiques tout en constatant que, malheureusement, elle n'était guère originale. En effet, des analyses convergentes existent depuis de nombreuses années. La question centrale est donc aujourd'hui celle de leur diffusion et surtout de la mise en œuvre des réformes qui s'imposent. La difficulté consiste à faire adhérer les citoyens à une nouvelle démarche, vertueuse, qui par définition, reste peu attractive. Il faut, en effet, éviter que, dans cinq ans, les mêmes constats d'impasse soient effectués dans les mêmes conditions qu'il y a cinq ans, et opérer des changements sans attendre la pression de l'urgence absolue.

Après avoir estimé que les analyses présentées pouvaient faire l'objet d'appréciations contrastées, M. Michel Bouvard a souhaité soulever deux questions. Il a demandé tout d'abord si, en matière de responsabilisation des administrations dépensières, les expériences étrangères avaient été probantes et quel délai sépare l'adoption des réformes et leur mise en œuvre. Il a ensuite souhaité connaître si les objectifs de maîtrise des effectifs de la fonction publique avaient pu être atteints dans d'autres pays, comparables à la France. Dans ceux-ci, les expériences laissent-elles penser que l'objectif de réduction d'un quart des effectifs de la fonction publique sur dix ans, par le remplacement de deux départs à la retraite par un seul recrutement, est réaliste ?

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est aussi interrogé sur la manière d'éviter que les constats soient les mêmes dans cinq ans. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances est, dans cette perspective, stratégique. Elle doit contribuer à responsabiliser les gestionnaires. Il faut donc leur faire confiance et les associer à la définition des objectifs pluriannuels. Mais, il faut relever que la loi organique n'induit pas, en elle-même, une baisse des dépenses publiques. Le ministère de l'économie et des finances pourrait être tenté de trouver dans sa mise en œuvre un nouveau cadre pour la régulation budgétaire, en faisant passer au second plan l'essentiel de cette réforme. Or, il convient de bien distinguer les deux exercices.

M. Georges Tron a déclaré partager les opinions exprim&e style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">M. Hervé Novelli s'est interrogé sur les raisons de l'inertie administrative. Le manque de pédagogie sur le niveau de la dépense publique, surtout en période post-électorale, est probablement une première raison. On doit même constater que le Gouvernement actuel fait preuve d'une « anti-pédagogie » regrettable. Il n'est ainsi guère compréhensible que le ministre de l'économie et des finances ait indiqué récemment que le nombre de fonctionnaires n'est pas le bon critère à retenir dans le cadre d'une politique de maîtrise des dépenses publiques et que le discours sur la maîtrise du déficit ne soit pas plus rigoureux. Un message différent et plus clair eut été plus cohérent, mieux compris et plus courageux. La deuxième raison expliquant les constats auxquels chacun aboutit réside, sans doute, dans le fait que l'État, en France, est depuis trop longtemps glorifié. On pouvait comprendre le rôle de l'État, après la guerre, lorsqu'il s'est agi de reconstruire le pays, mais aujourd'hui il faut en redéfinir les missions dans le cadre d'une économie mondialisée. La troisième et dernière raison est qu'en France la dépense publique est un symbole de puissance pour les élus et les hommes politiques d'une façon générale.

Le Président Pierre Méhaignerie a considéré que, finalement, seuls de nouveaux rapports de force, notamment au Parlement, pouvaient faire évoluer les choses. L'idée d'une croissance nulle du budget de l'État au cours des prochaines années doit être, à l'évidence, imposée si l'on veut faire baisser le taux de chômage en dessous de 5 %. Les pays qui ont maîtrisé la dépense publique sont ceux où la lutte contre le chômage est efficace.

M. Philippe Auberger a rappelé que les constats étaient largement partagés, mais que les raisons de la dérive des dépenses publiques n'étaient pas claires. La construction communautaire devait servir de cadre, mais le pacte de stabilité n'a pas été véritablement contraignant. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 n'ont pas permis d'économie et il est à craindre qu'il en soit de même avec la nouvelle étape de décentralisation. Les comparaisons sont pourtant instructives. Le coût moyen d'un élève dans l'Éducation nationale a augmenté de 50 %, en francs constants, en quinze ans et, aujourd'hui, il faut constater que certaines classes d'allemand ne comportent que 5 ou 6 élèves, alors que le nombre d'enseignants y est resté constant. L'effort pédagogique sur l'adaptation de l'administration est donc une tâche considérable. Parallèlement, il faut poursuivre un objectif de flexibilité. Il convient, par exemple, de rappeler que l'évolution de la carte judiciaire est aujourd'hui fortement freinée par le manque de souplesse dans la gestion des immeubles occupés par l'administration judiciaire, qui loue très peu d'immeubles, ce qui s'oppose à des regroupements immobiliers ou à des changements d'implantation de tribunaux.

Soulignant la convergence de vues entre les trois intervenants, M. Pierre Hériaud a noté que la question de la maîtrise de la dépense différents intervenants, M. Yves Cannac s'est étonné que la majorité de ces derniers se soient déclarés d'accord avec les analyses présentées. S'agissant des comparaisons internationales, la France est pratiquement le seul pays à n'avoir fait aucun effort de maîtrise de sa dépense publique, au contraire du Canada - qui est parvenu à réduire ses effectifs de fonctionnaires de 25 % en trois ans et donc le poids de sa dépense publique -, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande ou, pour quitter le monde anglo-saxon, de la Suède ou de l'Italie, qui sans cela n'aurait pu entrer dans la zone euro. La suggestion de Roger Fauroux de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux paraît, peut-être, excessive ; l'Allemagne s'en est tenue à un remplacement de trois pour deux, ce qui constituerait déjà un effort remarquable en France.

La mise en œuvre de la retenue à la source, si elle a des effets positifs, risque cependant de rendre l'impôt indolore, ce qui se révèlerait catastrophique. Quant à la décentralisation, elle ne pourra avoir un effet favorable qu'à la condition que la question de l'empilement des structures territoriales soit enfin traitée.

L'adhésion des citoyens est également essentielle. Il faut reconnaître que les hommes politiques de tous bords n'ont pas fait grand chose en ce domaine. Outre une meilleure information, il conviendrait de valoriser les expériences menées par certaines administrations qui ont pu faire mieux en dépensant moins. Pourquoi ne pas rêver d'un ministre qui s'excuserait de l'augmentation de son budget ?

M. Yves Cannac a exprimé ses inquiétudes en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi organique. Bercy a abordé ce dossier sous le seul angle du maintien de son pouvoir de contrôle et non sous celui de la responsabilisation des différents ministères, qui en est pourtant l'un des enjeux essentiels. La réforme du management administratif étant une condition indispensable à la maîtrise des dépenses, il convient d'accroître les marges de manœuvre des ministères. Même si on ne peut pas suspecter l'implication personnelle du ministre du budget, les facteurs de blocage sont cependant nombreux. La prise en main de la mise en œuvre de la loi organique par le Premier ministre lui-même s'imposerait à l'évidence.

M. Roger Fauroux a insisté à son tour sur la nécessité de s'attaquer à la forteresse de Bercy. L'échec de la réforme de ce ministère est emblématique : alors que la nécessité était évidente et les objectifs clairs, c'est le courage politique qui a manqué devant l'opposition des syndicats et des élus, ces derniers étant largement influencés par les premiers. Cette réforme doit être reprise, pour illustrer la volonté de maîtrise des dépenses publiques : son exemplarité est forte.

Faisant part de son expérience de ministre de l'industrie, il a indiqué qu'à l'époque déjà, l'effectif de l'administration centrale de ce ministère aurait pu être réduit d'un tiers. Aujourd'hui, avec le rec de constater que les hommes politiques manquent singulièrement de confiance dans la sagacité des citoyens ou des fonctionnaires et qu'ils pensent à tort que l'immobilisme est un gage de réélection.

Après avoir rappelé que les dépenses liées au chômage ont été multipliées par dix en euros constants entre 1974 et 2002, alors que le nombre de chômeurs n'avait été multiplié que par cinq, M. Jacques Marseille a estimé qu'il serait facile de démontrer que la croissance des dépenses pour l'emploi est corrélée avec une progression du chômage. Un effort de pédagogie est nécessaire, mais les citoyens savent déjà, instinctivement, que la maîtrise des dépenses serait une bonne chose. En tout état de cause, il faut éviter les comparaisons avec le Royaume-Uni, dangereuses politiquement, pour privilégier celles avec l'Italie ou l'Espagne qui nous sont plus proches. Il faudra aussi compter avec les médias qui ont rapidement tendance à qualifier de « rigueur » ou de « politique d'austérité » tout effort de maîtrise de la dépense publique. A cet égard, les récentes déclarations du Premier ministre, indiquant qu'il n'avait pas l'intention de mener une politique de rigueur, augurent mal de l'avenir et constituent une première erreur qui compromet les chances de victoire électorale de l'actuelle majorité dans quatre ans. Au contraire, il convient de faire des réformes, qui sont indispensables et peuvent être comprises par le citoyen et l'électeur.

Il convient d'insister sur la nécessité de s'en tenir à un objectif clair - chaque ministère devra réduire de 10 % ses crédits - et il faudra y associer les supposées « victimes », à savoir les fonctionnaires, par exemple en mettant en place un mécanisme de récompense des initiatives et des suggestions.

En conclusion, le Président Pierre Méhaignerie a cité l'exemple des lycées agricoles privés et publics, indiquant que les différences de contraintes administratives permettaient aux premiers de fonctionner avec une enveloppe financière inférieure de 20 % à celle des seconds. Il faut aussi garder à l'esprit que la dépense locale est électoralement payante puisque, quand un élu dépense 100, il ne demande que 10 à la moitié des contribuables concernés. Cependant, il a estimé que les esprits commençent à évoluer. Ainsi, lorsque le gouverneur de la Banque de France est venu présenter la réforme de celle-ci devant la commission des Finances, il s'attendait à de vives critiques. Or, la plupart des commissaires présents ont soutenu cette réforme et n'ont critiqué qu'un seul de ses aspects, à savoir le fait de privilégier systématiquement les grandes villes au détriment des plus petites. En effet, il n'y a aucune raison que les agences de la Banque de France soient systématiquement situées dans les chefs-lieux de département. Ce travail d'explication préalable est, sans nul doute, l'une des clefs du succès des prochaines réformes.

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La mission d'information a choisi d'organiser ses travaux autour de trois volets : la mise en place de la budgétisation par objectif  (construction de la nouvelle architecture et du dispositif d'évaluation de la performance qui lui est lié), la modification de la gestion des emplois publics et la réforme de la comptabilité de l'État (instauration du nouveau système d'information comptable et modification de la chaîne de contrôle).

La mission achève la première partie de ses travaux : elle a auditionné les services chargés du pilotage interministériel de la réforme, puis les responsables de sa mise en œuvre pour trois budgets (« intérieur et libertés locales », « équipement, transports, logement, tourisme et mer » et « économie, finances et industrie »). Elle rencontrera la semaine prochaine les services du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

La mission est aujourd'hui en mesure de faire un premier point sur la réforme et d'émettre, à l'attention des ministères, des propositions susceptibles d'en améliorer la mise en oeuvre. Il s'agit d'un premier bilan d'étape qui ne préjuge pas des positions que la mission pourra prendre ultérieurement, en fonction notamment des éléments de réponse du Gouvernement.

L'application de la loi organique achoppe sur quatre grandes difficultés qui pourraient mener le Gouvernement à s'affranchir sensiblement des principes posés par le texte. Les inquiétudes suscitées par certains scénarii justifient une mobilisation de l'ensemble de la Commission des finances : il est essentiel de rappeler au Gouvernement les points qui, aux yeux du Parlement, conditionnent la réussite de la réforme. À cet effet, la mission a préparé à l'attention des rapporteurs spéciaux une grille destinée à analyser la pertinence des pistes envisagées par chaque ministère.

A.- Les enjeux, l'organisation et le calendrier de la réforme

1.- Les enjeux : réformer l'État tout en renforçant le rôle du Parlement

La loi organique poursuit deux objectifs :

- réformer l'État pour améliorer sa performance : la mise en oeuvre de la loi organique est une opportunité unique de vérifier la pertinence des politiques publiques, moderniser les structures et instaurer une évaluation des résultats ;

- réformer la procédure budgétaire pour renforcer le rôle du Parlement : l'entrée en vigueur de la loi organique est le moyen de rétablir le sens et la portée de l'autorisation parlementaire et de donner au Parlement des nouvelles prérogatives dans la définition et le contrôle de la dépense.

Ces organes interministériels sont relayés dans chaque ministère par une équipe de projet, constituée selon des modalités différentes selon le département.

3.- Le calendrier : un an pour décider de l'architecture du nouveau cadre budgétaire

L'ensemble des dispositions organiques sera, pour la première fois, applicable à la loi de finances pour 2006. Dans deux ans et demi (en octobre 2005), le Parlement examinera et votera un projet de loi de finances conçu selon les nouvelles règles. Le ministre du budget et de la réforme budgétaire vient de fixer le calendrier de préparation de ce projet :

· en juin 2003, chaque ministère aura proposé au moins une expérimentation qui sera intégrée dans le projet de loi de finances pour 2004 ;

· à l'automne 2003, les missions, programmes et actions seront finalisés ;

· au 31 décembre 2003, les nouvelles normes comptables seront adoptées ;

· au premier trimestre 2004, les objectifs et les indicateurs seront arrêtés.

Dans un an, l'architecture du nouveau cadre budgétaire et comptable sera donc décidée.

B.- Les quatre conditions de réussite de la réforme

Sur plusieurs points, les solutions actuellement envisagées s'écartent des principes de la loi organique : quatre conditions essentielles à la réussite de la réforme risquent de ne pas être remplies.

1.- Donner aux missions toute leur place

a) Le rôle des missions

La mission relève « d'un ou de plusieurs services d'un ou de plusieurs ministères », et forme « un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

Premier niveau de la future architecture, la mission a été conçue pour identifier les politiques de l'& votant les crédits d'une mission, il s'agira d'autoriser la mise en œuvre d'une politique publique ;

- elles constitueront également les unités au sein desquelles s'exercera le droit d'amendement que la loi organique ouvre à l'initiative parlementaire. Elles formeront en effet des enveloppes à l'intérieur desquelles, en déposant des amendements redéployant les crédits entre programmes, les parlementaires pourront proposer de modifier l'allocation des moyens.

b) L'option prise par le Gouvernement

Le Gouvernement a mis les missions au second plan : le cahier des charges adressé aux ministères a prévu d'aborder la définition des missions après le découpage entre les programmes. Les services chargés du pilotage de la réforme ne font donc pas de la réflexion globale sur les politiques de l'État un préalable à la construction de la nouvelle architecture.

Ce choix présente plusieurs inconvénients :

- les programmes risquent d'être construits sans réflexion sur la justification des dépenses de l'État et sans remise en cause des structures redondantes

Le Gouvernement a choisi une démarche ascendante consistant à bâtir le nouveau cadre en partant des unités élémentaires du budget, de préférence à une démarche descendante dans laquelle la construction de la nouvelle architecture s'organise autour de la définition de grandes politiques publiques. L'absence de réflexion stratégique sur les missions de l'État risque de calquer la structuration des programmes sur l'organisation existante, et de maintenir l'éparpillement de l'action de l'État et la sédimentation de ses interventions.

- la structuration des programmes pourrait ne pas prendre en compte la dimension interministérielle de certaines politiques

La possibilité de créer des missions interministérielles est le moyen de s'affranchir des découpages administratifs en mettant dans une même unité de vote des programmes qui concourent à une même politique. Elle permet non seulement de faire apparaître le coût complet d'un volet de l'action de l'État, mais aussi de présenter les crédits des ministères concernés selon une nomenclature, des objectifs et des indicateurs harmonisés.

Les services concernés par des politiques identiques (recherche, sécurité publique, lutte contre la violence routière, action extérieure, ville) n'ont, pour le moment, organisé aucune réflexion interministérielle sur l'opportunité de créer une mission commune. Or, les missions interministérielles doivent pouvoir être arrêtées en amont afin que la contribution de chaque ministère fasse l'objet d'un programme spécifique. Faute d'un arbitrage préalable, la mission interministérielle risque de rester lettre morte.

- le ministère de l'intérieur envisage une seule unité de spécialité pour l'ensemble des moyens de la police nationale et de la sécurité civile (soit 5,8 milliards d'euros), et le budget en faveur des cultes serait fondu au sein des crédits des préfectures.

Plusieurs regroupements d'agrégats sont actuellement envisagés. Le nombre de programmes devrait donc être sensiblement inférieur à celui des actuels agrégats (118 en 2001), et l'équilibre prévu par les travaux préparatoires de la loi organique (60 missions et 150 programmes) risque de ne pas être respecté.

Destiné à maximiser les effets de la fongibilité, le surdimensionnement des programmes n'est pas sans conséquence :

· des programmes trop gros nuiront à l'homogénéité et à la clarté de l'autorisation parlementaire

Quel sens y aurait-il à mélanger dans une même autorisation les activités d'accueil, de réglementation et de conseil exercées par les préfectures et la rémunération des ministres du culte d'Alsace-Moselle ? De même, on voit difficilement quelle pourrait être la cohérence d'un programme au sein duquel coexisteraient la subvention aux Charbonnages de France et les crédits de l'Agence nationale de valorisation de la recherche. S'il est légitime d'assurer la fongibilité des crédits alloués à une finalité bien identifiée, autoriser des redéploiements de crédits entre des politiques manifestement éloignées les unes des autres remettrait en cause la portée de l'autorisation de dépense.

· la réduction du nombre des programmes se traduira par des missions « mono-programme »

La concentration des réflexions des ministères sur la structuration des unités de spécialité revient à considérer les missions comme un simple habillage des programmes, quitte à créer des missions comprenant un seul programme.

Le recours à des missions « mono-programme » n'est conforme ni à l'esprit, ni au texte de la loi organique. Celle-ci n'a pas prévu que la mission soit composée d'un seul élément, alors qu'elle l'a fait pour le progamme : à la différence des programmes destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions, la mission est définie comme un ensemble de programmes.

L'apparition des missions « mono-programme » aurait pour effet de limiter le pouvoir de redéploiement de crédits reconnu au Parlement par la loi organique. Au sein d family: 'Arial'; font-size: 10pt">2.- Asseoir la structuration des programmes sur les finalités de l'action de l'État davantage que sur l'organisation des services

a) Les règles de structuration des programmes

Unités de spécialité des crédits, les programmes constitueront le cadre d'exécution du budget. Ils ont été créés de manière à substituer à la spécialisation par nature de dépense actuellement en vigueur une spécialisation par destination de dépense. Obligatoirement ministériels, ils seront, à titre indicatif, déclinés en actions qui formeront le troisième niveau de la nomenclature. Ils seront, également à titre indicatif, ventilés par nature de dépense.

Le calibrage des programmes déterminera l'importance de la souplesse de gestion offerte aux ministres pour remplir les objectifs qui leur ont été fixés. Les programmes formeront en effet des enveloppes totalement fongibles (le ministre sera libre de changer la ventilation prévisionnelle du programme entre les actions qui le composent et de modifier sa répartition par nature de dépense), sous réserve de ne pas dépasser les crédits de personnel qui constitueront un plafond (mécanisme de la fongibilité dite « asymétrique »).

La loi organique a conçu le programme en privilégiant une structuration autour d'actions aux finalités homogènes et clairement définies. Le programme est en effet défini comme le regroupement de « crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». La définition des programmes induit donc un découpage des crédits en fonction des finalités poursuivies.

b) La méthode choisie par le Gouvernement

La mise en place des programmes se heurte à deux principales difficultés :

- dans certains cas, la nécessité d'identifier clairement le responsable des programmes pourrait conduire à des changements de structures. L'organisation actuelle des responsabilités ne coïncide en effet pas toujours avec la définition des objectifs poursuivis. Certains services, centraux ou déconcentrés, font apparaître des acteurs polyvalents, chargés de mettre en œuvre plusieurs politiques (par exemple, les directions départementales de l'équipement) ;

- par ailleurs, certaines dépenses de l'État ne peuvent pas être ventilées. Une part des crédits n'est pas affectée à la réalisation d'une politique particulière, mais participe d'une fonction générale de pilotage ou de gestion commune à l'ensemble d'un minist&eg certains services ne seraient pas ventilés par destination de dépense, mais regroupés dans des catégories de programmes dérogatoires :

- des programmes « fonction support » dédiés aux fonctions de pilotage (élaboration des politiques et des réglementations, fonction de direction, d'organisation et d'études, recherche) ou de gestion des moyens (gestion du personnel, financière, immobilière ou informatique) ;

- des programmes « services polyvalents » regroupant les crédits de fonctionnement et d'équipement des services amenés à mettre en œuvre plusieurs politiques avec les mêmes moyens.

Exemples :

- le budget de l'intérieur pourrait comprendre un programme « fonctions support » qui agrègerait les fonctions d'état-major et la gestion des systèmes d'information, des affaires patrimoniales et financières, ainsi que les affaires juridiques et le financement des partis politiques (soit 2,9 milliards d'euros représentant 15 % du budget total) ;

- les directions régionales et départementales de l'équipement feraient l'objet d'un programme « services polyvalents » qui regrouperait la rémunération des agents, les moyens de fonctionnement courant et d'équipement des services opérationnels et administratifs (soit 2,9 milliards d'euros, hors charges de pension). Ce ne serait qu'au niveau des actions, et donc à titre purement indicatif, que les crédits seraient ventilés par politique (routes, transports, habitat, urbanisme, navigation ...).

Les expérimentations lancées pour préparer l'entrée en vigueur de la loi organique se situent dans la même perspective. Elles ne s'apparentent pas à une préfiguration d'un programme défini en fonction de la finalité de la dépense - en imposant une spécialisation par nature de dépense, les règles de l'ordonnance du 2 janvier 1959, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2006, ne se prêtent guère à cet exercice -, mais consistent à ouvrir, au bénéfice de services déconcentrés polyvalents (directions départementales de l'équipement, postes du réseau de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique), une enveloppe globale pour la rémunération des agents et le fonctionnement courant du service.

La liberté avec laquelle certains principes de la loi organique sont mis en œuvre présente trois inconvénients :

- l'instauration de plusieurs catégories de programmes risque de nuire à la lisibilité de la loi de finances

La solution avancée par le Gouvernement mélange une approche par structure et une approche par finalité. Elle fera coexister des programmes par service et des programmes par politique. programme pourraient confier l'exécution d'une partie de leurs crédits à des services transversaux spécialisés dans la gestion de certaines dépenses (gestion des ressources humaines, gestion immobilière ou informatique, études ...). Cette procédure du mandat de gestion, prévue par les instances de pilotage de la réforme, a l'avantage de concilier une budgétisation à coût complet et une souplesse dans l'exécution opérationnelle du budget.

Exemple :

Pour une opération de construction d'un commissariat de police, les crédits seraient inscrits au sein d'un des programmes dédiés à la sécurité, et la direction générale de la police nationale donnerait mandat à la direction de la programmation, des affaires financières et immobilières pour réaliser l'investissement.

- une définition des programmes en fonction des structures administratives risque de maintenir une budgétisation par nature de dépense

Le cahier des charges adressé aux ministères opère une distinction entre les « crédits d'action » destinés à doter l'État d'une capacité d'action (interventions et subventions d'investissement) et les « crédits de moyens » destinés à assurer le fonctionnement de l'administration (rémunération des agents, fonctionnement et équipement des services). Les premiers ont vocation à être découpés par finalité afin de constituer de véritables programmes de « politique ». Les seconds pourraient en revanche être maintenus dans des programmes « services polyvalents » ou « fonctions support ».

Exemple :

À côté de programmes découpés par politique (« routes », « transports » « logement » ...), constitués exclusivement de moyens d'intervention et d'investissement, serait maintenu un programme « services opérationnels et administratifs » qui concentrerait la quasi-totalité des emplois et des dépenses de fonctionnement du ministère de l'Équipement, des transports et du logement.

Ce schéma, s'il était généralisé, reviendrait à faire une séparation entre, d'un côté, les crédits d'intervention et d'investissement, et, de l'autre, les crédits de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services. C'est précisément le mécanisme de spécialisation par nature de dépense que la loi organique a supprimé. Au demeurant, ce type de regroupement des crédits n'exigeait pas de réformer en profondeur le texte organique : il aurait pu être atteint, moyennant quelques adaptations, sous l'empire de l'ordonnance de 1959 par une généralisation du mouvement de regroupement des chapitres engagé depuis plusieurs années. Le maintien d'une structuration des programmes par nature de dépense signerait l'échec responsable du programme peut modifier la nature de ses dépenses (recruter moins pour investir plus, par exemple) ;

- en introduisant des programmes polyvalents, le Gouvernement ajoute la possibilité de bénéficier d'une fongibilité horizontale : au sein d'une entité administrative (une direction départementale de l'équipement, par exemple), le responsable pourra modifier la ventilation de ses moyens par finalité (faire, par exemple, glisser des emplois prévus pour la délivrance des titres d'urbanisme vers la sécurité routière).

On notera que les avantages des deux formes de fongibilité pourront se cumuler : un même acteur pourra être responsable à la fois d'un programme horizontal (à ce titre, il pourra arbitrer entre plusieurs politiques) et d'un programme vertical (à ce titre, il pourra procéder à des redéploiements au sein d'une même politique).

Ce schéma risque de vider de son sens le caractère asymétrique de la fongibilité. L'absence de ventilation des moyens communs par finalité se traduira par une concentration des crédits de rémunération dans un nombre limité de programmes, voire dans un programme unique. Cette concentration fera disparaître les verrous prévus par le texte : au lieu d'être soumis à un plafond de dépenses de personnel pour chacune des politiques poursuivies, les services polyvalents bénéficieront d'un seul plafond global. Cette globalisation des plafonds de rémunération donnera une souplesse de gestion très large, au risque de remettre en cause le mécanisme de maîtrise des coûts de personnel créé par la loi organique.

Les ministères doivent maintenir une construction de programmes « à coût complet » (9), même si celle-ci passe par une réorganisation des responsabilités administratives, voire des modifications de structures. Le recours à la notion de programme polyvalent n'est pas conforme aux principes de la réforme, et il faut limiter les programmes « support » aux seules dépenses transversales qu'il est impossible de ventiler par finalité.

Afin de permettre au Parlement de s'exprimer sur la structuration des programmes avant que le Gouvernement n'en finalise les contours - cette finalisation est prévue pour l'automne 2003 -, il est proposé que chaque fascicule de dépense annexé au projet de loi de finances pour 2004 comprenne une présentation des programmes et des actions envisagés, une justification des éventuels programmes support ou polyvalents et une description des procédures de mandat de gestion à l'étude.

3.- Organiser la déclinaison des programmes au niveau opérationnel

a) Les budgets opérationnels de programme

La réussite de la réforme repose sur les modalités de déclinaison des autorisations de dépense donnée budgets opérationnels suppose de choisir le niveau d'exécution des programmes le plus adéquat : gestion de la dépense à l'échelon central, délégation à l'échelon déconcentré ou transfert de la mise en œuvre de la politique considérée à un démembrement de l'État (établissement public ou organisme assimilé).

La déclinaison opérationnelle des programmes doit par ailleurs passer par une modification des relations entre les donneurs d'ordre et les exécutants. Les instructions adressées aux ministères parlent d'un nouveau « dialogue de gestion » qui doit permettre aux « gouverneurs de crédits » d'expliciter leur politique et de fixer les priorités, et aux « utilisateurs des crédits » de présenter la déclinaison locale du programme et de justifier les actions proposées. Ce dialogue de gestion passe par la généralisation des outils de suivi en vigueur dans certaines administrations (contrats de gestion, contrat d'objectifs ...).

b) Quel contrôle et quelle coordination mettre en place ?

Les ministères n'ont pas encore complètement intégré à leurs travaux la déclinaison locale de l'architecture qu'ils sont en train de concevoir au niveau national. Le caractère opérationnel des futurs programmes pourrait en pâtir. Sur deux points, les conditions de mise en œuvre des programmes n'ont pas été arrêtées.

- Comment concilier la logique verticale de la loi organique et l'organisation horizontale d'une partie de l'action déconcentrée de l'État ?

La mise en œuvre de la loi organique a suscité une certaine inquiétude au sein du corps préfectoral : les préfets craignent que la déclinaison des programmes nationaux aboutisse à une « reverticalisation » de la gestion locale, calée sur des programmes ministériels étanches, et plaident en faveur d'enveloppes territorialisées et interministérielles.

On voit difficilement comment la globalisation des crédits dans 150 grands programmes nationaux aboutirait à un cloisonnement plus serré que le découpage entre les quelque 850 chapitres actuels. En diminuant le nombre d'unités de spécialité et en répercutant au niveau opérationnel la fongibilité ouverte au niveau national, la réforme devrait sensiblement simplifier la gestion locale. Une conception territoriale des budgets opérationnels serait en revanche difficilement compatible avec les principes de la loi organique : une fongibilité entre des budgets opérationnels relevant de programmes différents serait contraire à la règle de spécialité des crédits.

Il n'en reste pas moins que l'articulation entre les programmes relevant de ministères différents reste l'un des enjeux de la réforme. La capacité de coordination du préfet doit être renforcée : en créant des enveloppes de cr&eac rendant les crédits effectivement disponibles.

Les ministères dépensiers militent en faveur d'un assouplissement beaucoup plus large. Ils craignent que le maintien des procédures de contrôle actuellement en vigueur aboutisse à une reprise en mains de la souplesse de gestion introduite par la fongibilité. Leurs critiques se focalisent sur le poids des contrôles a priori, et notamment du contrôle financier.

La logique de responsabilisation induite par la loi organique implique la disparition de la conception actuelle du contrôle a priori. Instauré à la demande du Parlement pour vérifier l'adéquation de l'exécution du budget à l'autorisation parlementaire, le contrôle financier est devenu un instrument de régulation utilisé par le ministère des finances. Il conviendrait de le remplacer par un droit de suite dont les modalités restent à déterminer. Sur ce point, le Gouvernement a lancé une expérimentation au sein du ministère de l'intérieur.

La mise place des budgets opérationnels doit être testée dans chaque ministère. À cette fin, il est proposé que chaque chapitre servant de support aux expérimentations - celles actuellement en cours comme celles qui seront lancées en 2004 - soit décliné en enveloppes conçues sur le modèle et selon les règles des futurs budgets opérationnels de programme. Le projet de loi de finances pour 2004 comprendrait, dans chaque annexe budgétaire concernée, une présentation du contenu de ces enveloppes. En outre, cette préfiguration des BOP s'accompagnerait d'une extension de l'expérience d'allègement du contrôle financier actuellement en cours au sein du ministère de l'intérieur.

4.- Développer la mesure de la performance

a) Le dispositif d'évaluation prévu

La loi organique soumet les gestionnaires à une obligation de s'engager sur des objectifs et à rendre compte de leurs résultats. Cette obligation se concrétisera, tous les ans et pour chaque programme, par la production de deux documents :

- en annexe au projet de loi de finances, un projet annuel de performances comprendra une description des engagements du ministre concerné, orientée vers une évaluation pluriannuelle et réalisée à partir des éléments constitutifs du programme (présentation des actions du programme, de leurs coûts, de leurs objectifs et de leurs résultats) ;

- en annexe au projet de loi de règlement, un rapport annuel de performances donnera un compte rendu de la performance du programme (rappel des objectifs, des résultats attendus, des indicateurs choisis et des coûts prévus et présentation des résultats obtenus et des coûts effectifs).

La mise en place de ce dispositif d'évaluation de la performance est l'indispensable contrepartie de la liberté de gestion offerte par mise en œuvre. Il devra être mesuré à partir de données statistiques relatives à la gestion administrative (par exemple, le taux de déclarations fiscales et de paiements spontanés reçus à l'échéance pourrait être un indicateur de l'efficacité de l'action de la direction générale des impôts), complétées par des enquêtes spécifiques (par exemple, les acquis des élèves à différents stades du cursus scolaire) ;

- la qualité du service rendu à l'usager : ce critère suppose le suivi de paramètres internes (continuité du service ou taux de dysfonctionnement constaté), mais également la réalisation d'enquêtes externes ;

- l'efficacité de la gestion des ressources : ce critère rapporte les produits des activités de l'État aux moyens consommés, en recourant par exemple au coût unitaire par usager ou à une analyse des écarts entre bénéficiaires.

Les possibilités de pondération entre les trois critères dépendent de la nature des dépenses en cause. Les dépenses d'intervention pourront assez facilement être mesurées par leur efficacité socio-économique. De même, les critères de qualité et d'efficience devraient être utilisés pour les prestations de services. En revanche, pour les crédits de moyens (rémunération des agents et fonctionnement courant du service), il sera difficile de recourir à d'autres analyses que celle de l'efficacité de la gestion des ressources.

Plusieurs éléments conditionnent la qualité de la mesure de la performance :

- le choix des programmes et la définition du système d'évaluation doivent aller de pair. Or, les difficultés rencontrées dans la structuration des programmes risquent de mettre au second plan la construction du dispositif de mesure de performance ;

 - l'évaluation ne doit pas se limiter à une simple mesure des produits de l'activité administrative (par exemple, le nombre de bénéficiaires d'un dispositif d'intervention), ni à une mesure d'impact trop large qui dépend plus de l'évolution du contexte général que de l'action de l'État (par exemple, le taux de chômage) ;

- la pertinence des critères réside dans la certification des éléments de performance retenus par une source indépendante de l'administration ;

- à chaque objectif doit être associé un nombre restreint d'indicateurs de résultats pertinents et fiables. La principale difficulté est de concilier la possibilité offerte au Gouvernement de modifier la formulation des objectifs avec une lecture éclairée des résultats, qui suppose une stabilité des indicateurs ;

- enfin, la définition des cibles à atte cours comme celles qui démarreront en 2004 - soient présentés selon les éléments de justification requis par la loi organique pour les projets annuels de performances. Cette démarche permettrait de tester un dispositif de mesure de la performance dans chaque ministère.

On notera que, pour les expérimentations actuellement en cours, les résultats des dispositifs de mesure de la performance devraient d'ores et déjà être portés à la connaissance du Parlement. Par exemple, la globalisation des crédits de préfectures s'est accompagnée de la mise en place d'un système de comptabilité analytique et d'un outil de mesure de la performance. Le ministère de l'intérieur n'a pas encore répercuté, dans les documents budgétaires, les résultats de ces outils. Le Parlement n'est pour le moment pas véritablement associé à l'examen des performances des préfectures. Notamment, la globalisation des crédits ne s'est pas accompagnée d'un compte rendu de la gestion des préfectures concernées, susceptible d'éclairer le Parlement sur l'utilisation qui a été faite des enveloppes globales ouvertes en loi de finances. La liberté de gestion créée par la globalisation n'a pas encore pour corollaire l'engagement devant le Parlement sur des objectifs, mesurés par des résultats évaluables.

LISTE DES PROPOSITIONS

1.- annexer au projet de loi de finances pour 2004 une liste des missions envisagées par le Gouvernement, mentionnant celles auxquelles il est prévu de donner un caractère interministériel

2.- inclure dans chaque fascicule de dépense annexé au projet de loi de finances pour 2004 :

· une présentation des programmes et des actions envisagés

· une justification des éventuels programmes support ou polyvalents et une description des procédures de mandat de gestion à l'étude

3.- tester la mise en place des budgets opérationnels de programme

· décliner chaque chapitre servant de support aux expérimentations - celles actuellement en cours comme celles qui seront lancées en 2004 -en enveloppes conçues sur le modèle et selon les règles des futurs budgets opérationnels de programme

· présenter le contenu de ces enveloppes dans les fascicules budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2004

· étendre l'allègement du contrôle financier N° 0765 - Rapport d'information sur le contrôle des dépenses publiques et l'amélioration des performances de l'État (M. Pierre Méhaignerie)

1 () Document AN n° 720 par M. Gilles Carrez, Rapporteur général.

2 () Pouvoirs locaux n° 38 III, 1998 p. 40.

3 () voir la note d'étape, figurant en annexe au présent rapport.

4 () La Cour des comptes a mis en place un groupe d'étude chargé d'apprécier, en particulier, la façon dont les programmes et indicateurs de performance se mettent en place.

5 () Yves TAVERNIER, Rapport d'information de la Commission des finances sur le réseau diplomatique et le rôle des ambassadeurs, Assemblée nationale, XIème législature, n° 3620, 20 février 2002.

6 () Doc. AN, n° 1781, par M. Tony Dreyfus, annexe n° 2.

7 () Doc AN n° 3282 par M. Patrick Devedjian, 1er octobre 2001.

8 () Le cahier des charges adressé aux ministères considère que « l'objet premier des programmes n'est pas de reconstituer des coûts complets au moyen d'une comptabilité des charges indirectes » .

9 () La budgétisation à coût complet impliquera de prendre en compte les dépenses fiscales dans la présentation des politiques de l'État. C'est bien l'objectif des futurs projets annuels de performances qui, en application de l'article 51 de la loi organique, comprendront une évaluation des dépenses fiscales.