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N° 1040

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur les améliorations pouvant être apportées au droit applicable dans les zones de montagne

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Yves Coussain,

Rapporteur

en conclusion des travaux d'une mission d'information présidée par

PAR M. François Brottes,

et composée en outre de MM. Jean Lassalle, Jean Charroppin, vice-Présidents, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Marie Binetruy, André Chassaigne, Jean Launay, Jean Proriol, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Daniel Spagnou,

Député(e)s.

Environnement.

INTRODUCTION 7

CHAPITRE IER : L'ADAPTATION DES INSTITUTIONS 13

I.- LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA MONTAGNE 13

A.- DES CONTRAINTES DIFFICILES À DESSERRER 13

1. Les sources de contraintes 13

2. Les marges de manœuvre pour déclasser les zones 15

B.- DES AIDES DE PLUS EN PLUS CONDITIONNÉES 16

1. L'exception des aides spécifiques à la montagne 1621

1. Le reversement dû aux zones d'environnement protégé 21

2. Le rôle du massif dans la gestion du reversement 22

CHAPITRE II : LA VALORISATION DES ATOUTS 27

I.- LA RÉMUNÉRATION DES PRODUCTIONS NATURELLES 27

A.- LE PRINCIPE DU JUSTE RETOUR 28

1. La préservation de la qualité de l'eau 28

2. L'entretien du paysage 30

B.- LA MAJORATION DES REVENUS DÉGAGÉS 31

1. La compensation des surcoûts de production 31

2. La stratégie du « label » 32

3. Le cas de la filière « bois » 34

II.- LA PRÉCARITÉ DES ACTIVITÉS À VALEUR AJOUTÉE 34

A.- LE TOURISME ET LE LOISIR 34

1. La définition de la stratégie touristique 34

2. Le besoin de coordination et de coopération 37

3. La qualité de l'accueil 39

B.- L'ARTISANAT ET L'INDUSTRIE 40

1. La concentration industrielle 40

2. La présence artisanale 41

3. La problématique des « zones franches » 44

4. Les « contrats d'objectifs » départementaux 46

CHAPITRE III : L'ORGANISATION DE LA PLURIACTIVITE 47

II.- LES POINTS D'AMÉLIORATION SOUHAITABLES 50

A.- LE DROIT AU LOGEMENT 50

B.- LE STATUT DE TRAVAIL 52

1. Les solutions partielles déjà préconisées ou mises en œuvre 52

2. Les « sociétés de gestion de la pluriactivité » 53

ANNEXES AU CHAPITRE III 57

A.- GROUPEMENTS D'EMPLOYEURS ET PERSONNES PUBLIQUES 57

B.- CRÉATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION DE LA PLURIACTIVITÉ 59

CHAPITRE IV : LES SERVICES À LA POPULATION 61

I.- LES LIMITES DE LA RÉGULATION INSTITUTIONNELLE 61

A.- LES PISTES DÉJÀ EXPLORÉES 62

1. La voie radicale du moratoire 62

2. Les commissions départementales des services publics 62

3. Les commissions départementales de présence postale 63

B.- LE BESOIN D'UNE APPROCHE NOUVELLE 64

1. Une situation toujours insatisfaisante 64

2. L'élargissement du champ à couvrir 64

3. La mise en jeu de la responsabilité de l'Etat 66

II.- LES CONDITIONS D'UNE RÉGULATION ÉCONOMIQUE 67

A.- LE MAINTIEN SOUTENU DE LA PRÉSENCE TERRITORIALE 67

1. L'élargissement de l'assiette géographique des activités 67

2. La mutualisation des coûts de fonctionnement 68

73

ANNEXES AU CHAPITRE IV 75

A.- PROCÉDURE DE RECOURS EN CAS DE CARENCE 75

B.- PROBLÈME DE L'INSTALLATION DES MÉDECINS EN MONTAGNE 76

CHAPITRE V : L'AMÉNAGEMENT ET LA POLITIQUE FONCIÈRE 79

I.- LA RECHERCHE DE COMPROMIS EN MATIÈRE D'URBANISME 79

A.- L'ASSOUPLISSEMENT VERTUEUX DES LIMITES À LA CONSTRUCTION 80

1. Le principe de « continuité » 80

2. le principe de « réciprocité » 81

3. Les « unités d'intérêt général » reconquises sur la friche 82

B.- LE RECOURS AUX PRESCRIPTIONS PARTICULIÈRES DE MASSIF 83

II.- LA RATIONALISATION DE LA STRUCTURE FONCIÈRE 84

A.- LE REGROUPEMENT DES PARCELLES 84

1. L'extension d'échelle des échanges amiables 84

2. L'ajustement de l'avantage fiscal pour les acquéreurs de forêt 86

B.- LA CRÉATION D'INSTRUMENTS POUR L'AMÉNAGEMENT PAYSAGER 86

1. La faculté de s'appuyer sur les SAFER 86

2. Les cas de carence du propriétaire privé 87

C.- LA GESTION DES BIENS DES SECTIONS DE COMMUNE 88

1. Le financement des équipements collectifs des sections 88

2. L'appropriation privée des revenus des biens des sections 89

ANNEXES DU CHAPITRE V 91

A.- ADAPTATION DE L'ARTICLE L.145-7 DU CODE DE align: justify">Pragmatisme, voilà le maître mot qui a guidé les travaux de notre mission d'information sur la montagne !

La création de cette mission d'information est l'œuvre de l'un des pionniers de la politique de la montagne : M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, auteur en 1991 du premier rapport faisant un bilan de l'application de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

Il a tenu à ce que l'Assemblée nationale continue à occuper une place de choix dans les réflexions conduites dans ce domaine, et a marqué, en soutenant la nomination à sa présidence d'un député de l'opposition, M. François Brottes, qui se trouvait ainsi mandaté pour travailler en étroite collaboration avec le rapporteur issu des rangs de la majorité, M. Yves Coussain, sa volonté que ces réflexions bénéficient d'un climat de travail consensuel.

Ayant pour objectif de contribuer à la préparation en cours du projet de loi sur le développement rural, mais venant plutôt en fin de parcours de l'ensemble des travaux de réflexion conduits par ailleurs par diverses instances compétentes, au premier rang desquelles a figuré la mission commune d'information du Sénat, qui a produit son remarquable rapport dès octobre 2002, la démarche ne pouvait être utile que si elle veillait à ne pas se disperser dans des directions déjà bien explorées par d'autres, mais qu'au contraire elle se nourrissait des apports de ses devanciers pour pousser plus loin l'analyse, en venant seulement compléter, le cas échéant, certains aspects encore non totalement couverts.

De là, le pragmatisme qui a guidé la formulation des propositions de la mission, dont il a paru souhaitable qu'elles puissent se décliner en quelques grandes lignes de force, afin d'assurer leur bonne visibilité et par là, leur capacité à emporter plus facilement l'adhésion de l'ensemble des parties prenantes à l'élaboration de la future loi.

Cet effort de synthèse n'a pas été facile, tant la question du développement durable d'une montagne vivante et respectée démultiplie le nombre des aspects par lesquels elle peut être abordée, puisqu'elle touche non seulement au code rural et au code général des collectivités territoriales, mais aussi au code général des impôts, au code de l'urbanisme, au code du travail, au code de la sécurité sociale.

La difficulté première tient à la tentation permanente de définir une politique dans toutes ses composantes, incluant la négociation avec la Commission européenne, l'élaboration de mesures réglementaires, le pilotage des comportements administratifs par voie de circulaire, l'engagement d'un processus contractuel avec les acteurs de terrain, alors que la portée concrète de l'efficacité du travail parlementaire se limite au domaine de la loi, qui, pour être indispensable pour la mise en place d'un ca les phénomènes fondamentaux à l'œuvre, dont l'appréhension justifie effectivement une intervention de niveau législatif.

Car, l'objectif ultime de la politique de la montagne est de garantir le bien-être des populations qui y vivent, ainsi que le bon accueil des visiteurs occasionnels, grâce à une intégration harmonieuse et maîtrisée de la présence humaine au sein de cet environnement de qualité qui reste le premier atout de la montagne.

En l'occurrence, le cœur des insatisfactions des populations de montagne semble se situer dans une insuffisante prise en compte, au niveau institutionnel, des particularités de la valorisation des ressources naturelles, qui fournit l'essentiel de la richesse économique produite en zone de montagne, particularités qui appellent à l'instauration d'une cohésion plus forte des différentes composantes du monde montagnard à l'échelle des massifs.

En effet, d'un point de vue économique, la montagne apparaît comme un foyer de richesses naturelles importantes, que cela concerne l'eau, l'air pur, le paysage, le bois, mais aussi le lait et la viande produits dans des conditions extensives qui garantissent leur qualité. Mais elle constitue aussi, du fait même de la nécessité de préserver ces ressources naturelles, une zone de contrainte pour l'accumulation des facteurs de production.

Car la crainte du « mitage » du paysage d'un côté, qui justifie des règles spéciales d'urbanisme, la sauvegarde des habitats de la faune et de la flore de l'autre, qui a pris une dimension nouvelle avec l'instauration des zones « Natura 2000 », mais qui avait donné lieu dès le début des années soixante à la création des parcs naturels, ont pour effet direct de neutraliser le droit de construire. Or, un afflux nouveau de facteurs de production, que ce soit sous la forme d'investissements ou d'embauches, suppose nécessairement la création « raisonnée » de bâtiments nouveaux, pour héberger les ateliers et les bureaux, et procurer un domicile aux employés et à leur famille.

La montagne se trouve donc, de par la nature même de ses atouts économiques, cantonnée dans la production de produits « bruts ». Il est certes possible, en théorie, de concevoir l'implantation d'activités faiblement capitalistiques se déployant sans besoin de constructions nouvelles, sous la forme du télétravail en particulier. Mais cette forme moderne de travail à domicile se trouverait elle aussi bornée dans son extension, à un moment ou à un autre, d'une part par le parc existant de bâtiments, et d'autre part par la nécessité qu'une partie de la population locale se consacre, directement ou indirectement, à des tâches d'entretien du patrimoine naturel. La figure futuriste du « cyber-montagnard » ne pourra donc à elle seule permettre de surmonter les obstacles au développement de la montagne.

Cet enfermement contraint dans la production de produits « bruts » contribue à un double titre à la faiblesse du revenu en montagne.

Un tel constat invite à la mise en place d'un dispositif qui viserait à retenir les industries de transformation sur un territoire un peu plus large que celui de la montagne proprement dite, afin que celle-ci puisse bénéficier d'une partie au moins de la valeur ajoutée dégagée par la transformation de ses produits « bruts », par l'intermédiaire d'un mécanisme de « reversement ».

Or cette structure existe déjà : c'est le massif, qui inclut les « zones contiguës » en vertu de l'article 5 de la loi du 9 janvier 1985. Par définition ces « zones contiguës » ne sont pas des zones de montagne, et ne sont donc pas nécessairement soumises aux mêmes règles restrictives en matière de construction.

Le renforcement du label de « montagne » afin d'ajouter une contrainte sur le lieu de production à celle concernant l'origine des ingrédients, constituerait une incitation à ce que les industries de transformation des produits « bruts » de la montagne s'implantent à tout le moins dans les « zones contiguës ».

Le mécanisme de « reversement » pourrait prendre différentes formes, allant de l'offre supplémentaire d'emplois pour les montagnards pluriactifs, à la participation financière des collectivités territoriales des « zones contiguës » au maintien des services à la population dans les zones de montagne.

Ainsi se dessine un modèle de développement pour la montagne s'appuyant sur la recherche d'une certaine autonomie par l'exploitation de ses atouts.

Une telle démarche s'inscrit dans la logique de l'inscription récente dans la Constitution du principe selon lequel les recettes propres des collectivités territoriales doivent constituer la part déterminante de leurs ressources.

D'une façon plus générale, le massif, parce qu'il a vocation à englober la totalité d'un territoire montagnard, apparaît comme l'entité la mieux à même d'organiser l'utilisation la plus efficace des différentes composantes spatiales de montagne, en mettant en valeur chacune d'elles, selon ses atouts spécifiques, au sein d'un ensemble fonctionnant de manière complémentaire, alors que la gestion de l'espace à une échelle plus réduite risque de créer des situations dommageables de tension et de concurrence entre zones.

L'article 9 de la loi du 9 janvier 1985 a déjà prévu l'instrument de cette gestion organisée de l'espace montagnard en instaurant le « schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif ». La mission d'information se rallie pleinement à l'idée de rendre obligatoire cet outil jusque là facultatif.

Mais l'organisation géographique d'un territoire visant à son utilisation plus efficace, et don style="font-family: 'Arial'; font-size: 10pt">Des instruments financiers fédérateurs comme la « convention interrégionale de massif », voire la création d'un « fonds de massif » permettant, dans le même esprit, de faire face à des besoins d'intervention non anticipés, constituent ainsi les canaux indispensables d'une redistribution d'une partie au moins de la richesse produite dans le cadre d'une solidarité bien comprise entre les composantes géographiques complémentaires de la montagne.

*

* *

Ainsi se justifie l'accent mis par la mission d'information sur le rôle du massif, appelé à devenir le centre de coordination de l'aménagement du territoire pour la montagne. La région constitue en effet de toute évidence une entité géographique trop petite et partielle pour gérer l'aménagement du territoire en montagne.

Ce rôle essentiel du massif est mis en valeur au travers de l'analyse des cinq aspects du développement de la montagne qui ont plus particulièrement retenu l'attention de la mission d'information, et qui font l'objet des cinq chapitres suivants :

- le premier chapitre met en évidence les aménagements institutionnels qui permettraient à la montagne de surmonter les blocages à son développement ;

- le second chapitre fait le point sur les ressources économiques dont dispose la montagne ;

- le troisième examine la question de la pluriactivité, qui constitue une des composantes caractéristiques de l'emploi en montagne ;

- le quatrième chapitre présente les difficultés rencontrées pour le maintien des services à la population ;

- enfin, le dernier chapitre analyse les contraintes particulières auxquelles se trouve confrontée la montagne en matière d'aménagement et de politique foncière.

CHAPITRE IER :
L'ADAPTATION DES INSTITUTIONS

Pour mieux appréhender la façon dont une évolution des institutions permettrait d'assurer un meilleur cadre de développement pour la montagne, il convient préalablement de considérer les objectifs à atteindre. Or ceux-ci sont au nombre de deux :

- améliorer la prise en compte des besoins spécifiques de la montagne au niveau des instances européennes ;

- faire en sorte que les institutions représentatives de la montagne disposent de plus de poids dans leurs négociations avec l'Etat national et les régions.

Dans les deux cas, une solution convergente se dégage : celle consistant à renforcer le poids des massifs, pour les structurer en interlocuteurs incontournables des instances nationale et européenne.

I.- LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA MONTAGNE

La Communauté européenne semble pour l'instant être, pour la montagne, une source de contraintes réglementaires multiples sans véritable contrepartie financière de dédommagement. Pourtant le projet de constitution élaboré par la Convention pour l'avenir de l'Europe rappelle, reprenant en cela l'article 158 du Traité instituant la communauté économique européenne, que : « l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales. » (article III-111).

La montagne a donc besoin d'une représentation institutionnelle beaucoup plus forte pour rééquilibrer l'intervention européenne à son avantage, et faire ainsi jouer les dispositifs conformes au principe de « l'inégalité de traitement au service de l'égalité des chances », défendu de longue date, en matière d'aménagement du territoire, par M. Patrick Ollier.

A.- DES CONTRAINTES DIFFICILES À DESSERRER

Le desserrement des contraintes est théoriquement toujours possible, sauf qu'il n'est plus possible d'y procéder de manière unilatérale dans le contexte communautaire.

1. Les sources de contraintes

Il existe principalement deux types de contraintes :

·  d'une part, celles qui s'imposent en matière d'aménagement et d'urbanisme en raison de la protection de l'environnement. Cela concerne :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive «& 87 du Traité instituant la communauté européenne.

Parmi les exceptions admises, figurent :

- « les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi » ;

- « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun » ;

- « les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun ».

Encore faut-il que de telles aides, lorsqu'elles ont été conçues par un Etat, bénéficient d'un aval de la Commission, qui certifie qu'elles peuvent être considérées comme « compatibles avec le marché commun ». Ainsi la mise en place pour 2003 de la « prime herbagère agri-environnementale » s'est-elle effectuée en concertation avec les services techniques de la Commission.

De même, le deuxième PMPOA, mis en place par le décret n° 2002-26 du 4 janvier 2002 relatif aux aides pour la maîtrise des pollutions liées aux effluents d'élevage, qui est entièrement pris en charge par des fonds français (la moitié par les agences de l'eau, l'autre répartie entre l'Etat, la région, le département) a dû être discuté avec la Commission européenne pour ce qui concerne ses modalités, au cours d'une négociation qui a eu lieu tout au long de l'année 2001, et qui a été difficile.

La contrainte sur les aides d'Etat pèse aussi sur les conditions d'octroi de la « prime à l'aménagement du territoire » qui bénéficie aux entreprises. Cette « prime » en effet ne peut notamment concerner, en France, qu'un ensemble de zones rassemblant au maximum, d'après une norme communautaire, 36,7 % de la population. La mission d'information commune du Sénat a souhaité que la répartition géographique de cette « prime » soit revue afin de mieux prendre en compte les zones de montagne, lors du renouvellement du dispositif actuel qui doit expirer fin 2006, d'après le décret n° 2001-312 du 11avril 2001.

2. Les marges de manœuvre pour déclasser les zones

La délimitation des zones visées par la directive « Habitats » pose un problème depuis longtemps, puisqu'un gel de la définition des périmètres concernés avait été décidé par le P

Il convient de préciser qu'en outre, un acte administratif de classement peut être contesté devant le juge (administratif ou européen, selon le cas), s'il est pris sans respecter les conditions de forme ou de fond prévues.

Ainsi la méthode précipitée qu'a utilisée le ministre chargé de l'environnement pour rattraper le retard français dans la transmission des listes de sites « Natura 2000 », a été condamnée par le Conseil d'Etat une première fois dans un arrêt du 27 septembre 1999, sanctionnant le non respect du délai de deux mois pour la consultation des maires des communes concernées prévu par le décret du 5 mai 1995, une seconde fois dans un arrêt du 22 juin 2001, sanctionnant la reprise, dans une nouvelle liste, de certains des mêmes sites sans nouvelle procédure de consultation.

Le déclassement d'une zone classée est donc en théorie toujours possible, même sans le support d'un texte législatif. Mais cela suppose un revirement politique des autorités de l'Etat, ou, dans le cas de décision prise par la commission européenne, s'agissant des zones « Natura 2000 » en particulier, une action devant la Cour de Justice des Communautés européennes.

Cependant, le rapport de la mission commune d'information du Sénat a opportunément rappelé le contexte dans lequel se situe la France vis-à-vis de la mise en œuvre de la directive « Natura 2000 » :

- une action en manquement diligentée par la Commission devant la Cour de justice des communautés européennes, qui, après la première condamnation du 11 septembre 2001 pour retard, sera assortie cette fois de pénalités d'astreinte ;

- la menace d'une interruption du versement des fonds structurels, si la France ne transmet pas les listes complémentaires de sites attendues (par référence aux 1316 sites qui avaient été inventoriés par le Muséum d'histoire naturelle).

Il préconise plutôt, en conséquence, le retour à une véritable concertation, sinon pour définir le périmètre des zones, car les choses semblent fixées de ce côté-là, du moins pour déterminer, dans le cadre des « contrats d'objectifs » prévus par le décret du 20 décembre 2001, la liste des contraintes qui s'y imposeront et des compensations financières qui pourront en résulter.

L'établissement des « contrats d'objectifs » sera sûrement l'occasion d'un retour à une lecture plus équilibrée, et aussi beaucoup plus juste, de la directive « Habitats », qui en son article 2 paragraphe 3, prévoit la prise en compte des « exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que des particularités régionales et locales ».

Cette indemnité semble efficace puisque le dernier recensement agricole aurait fait apparaître, pour l'année 2000, un écart de revenu agricole réduit à 19 %.

Cette aide continue à être distribuée depuis 2001 sur la base du règlement n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). Dans ce nouveau cadre, elle bénéficie d'un cofinancement par la Communauté. Elle fournit 95 % de l'ensemble des apports communautaires à l'agriculture de montagne.

Mais il s'agit là de la seule aide communautaire accordée spécifiquement aux zones de montagne, sans autre condition que la prise en compte du handicap géographique.

D'autres aides européennes sont accessibles aux activités de montagne, mais sont perçues dans des contextes de politiques sectorielles qui imposent leurs conditions. C'est notamment le cas, entre d'autres :

- des aides attribuées, dans le cadre d'un cofinancement, en vertu du règlement n° 1655/2000 du 17 juillet 2000 concernant un instrument financier pour l'environnement (LIFE), pouvant bénéficier à des sites Natura 2000 ;

- ou des aides accordées, également dans le cadre d'un cofinancement avec une part communautaire au plus égale à 50 %, en vertu du règlement n° 3528/86 du Conseil du 17 novembre 1986 relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique, soutenant la mise en place d'actions de mesures de l'impact de la pollution de l'air sur les forêts ;

- ou encore des aides octroyées, sous la forme d'une prime à la tonne, en vertu du règlement n° 603/95 du Conseil du 21 février 1995 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés. Les fourrages séchés, qui constituent une source d'aliments protéiniques des animaux de qualité, doivent provenir de parcelles répondant à des exigences de qualité spécifiques. Seules les entreprises de transformation reconnues officiellement peuvent bénéficier de la prime.

2. La création d'un fonds de massif

Pour inverser la tendance à la dispersion des aides européennes sur des politiques sectorielles imposant chacune leurs conditions, il faut faire jouer un des principes fondamentaux de l'intervention européenne : l'additionnalité.

Ce principe s'appuie sur l'idée que défaut de viser spécifiquement les zones de montagne, dépend de l'existence d'une base de financement locale, puisque cette aide ne peut atteindre au maximum que 50 % du coût total éligible. Il est précisé qu'une administration « régionale » (au sens communautaire) peut être bénéficiaire, ce qui ouvre la possibilité d'une gestion directe au niveau du massif territorial. L'aide ne peut concerner que des investissements, notamment des investissements en infrastructures concernant les télécommunications. Il y aurait donc là une piste pour avancer sur la mise en place d'un dispositif de soutien financier à l'effort de couverture en téléphonie mobile et en Internet haut débit des massifs territoriaux.

D'autre part, tous les massifs, à l'exception du massif central, se situent en zones frontalières, et de ce fait sont éligibles aux aides du programme InterReg du FEDER. Là encore, l'initiative des projets peut émaner des administrations « régionales » (au sens communautaire). Par conséquent, les massifs territoriaux doivent être mis dans la possibilité de porter des projets intéressants les régions étrangères mitoyennes, de manière à bénéficier des aides InterReg. Comme il s'agit d'aides additionnelles à hauteur au maximum de 50 % du coût total du programme, un financement propre sur la base d'un « fonds de massif » est nécessaire. La palette des projets éligibles est plus large, le critère de la coopération interrégionale étant dominant. Des projets mettant en valeur les « spécificités territoriales » comme celles attachées aux zones montagneuses sont envisageables.

Les massifs français ne sont pas actuellement totalement absents de ces programmes. Mais ils y sont représentés par des autorités déconcentrés de l'Etat, en l'occurrence les préfectures de région ou de massif, tandis que les délégations des massifs suisses et italiens par exemple, bénéficiant dans leur pays d'une organisation beaucoup plus décentralisée, sont directement animées par des élus locaux, et pèsent de ce fait d'un poids plus conséquent dans les négociations avec les instances communautaires.

L'institution d'un fonds de massif doit donc nécessairement s'accompagner, pour être pleinement efficace, de la mise en place de véritables instances politiques de massif, évolution qui se révèle également indispensable à l'échelle purement nationale (Cf infra).

Il convient en outre de noter que la collecte d'aides européennes mobilise une connaissance particulière des circuits communautaires. La stratégie d'appui sur un fonds de massif doit donc également s'accompagner d'un développement des moyens permettant de faire appel à des cabinets spécialisés pour la mise en forme des projets. Sur ce terrain aussi, le besoin de plus grande efficacité communautaire rencontre un besoin d'autonomie technique au niveau national.

II.- LE POSITIONNEMENT NATIONAL DE LA MONTAGNE

1. Les besoins de négociation avec les autorités centrales

Ces besoins concernent d'une part, le cas où il importe de faire sentir le poids économique et humain des massifs à l'appui d'une demande, et d'autre part, le cas où il s'agit d'élaborer des normes d'application locale.

·  Les collectivités de montagne peuvent avoir besoin d'un soutien dans leur dialogue avec le pouvoir central qu'un massif institutionnellement renforcé pourrait leur apporter.

Le massif pourrait en effet se faire le relais auprès de l'Etat des demandes des petites collectivités qu'il jugerait justifiées, en utilisant son poids plus important dans la négociation. En cas d'échec de la négociation, il pourrait aussi, le cas échéant, saisir lui-même le juge administratif, s'appuyant sur ses moyens plus importants pour se substituer à la commune lésée devant la justice. Cela concernerait en particulier :

- le dialogue avec l'Etat pour le maintien de structures minimales de gestion des services à la population ;

- la négociation de décisions en matière d'urbanisme prenant en compte véritablement toutes les dimensions de la directive Natura 2000.

·  Le renforcement institutionnel du massif pourrait également permettre la mise en place de procédures plus efficaces de prise de décisions.

Le comité de massif serait la seule instance consultée dans certaines circonstances, ce qui permettrait de faire l'économie d'une fastidieuse consultation de l'ensemble des collectivités du massif. Cet allègement de procédure pourrait concerner en particulier :

- l'élaboration du schéma interrégional de développement de massif : la commission permanente du Conseil national de la montagne a souhaité que cette élaboration devienne obligatoire, et même incombe au comité de massif ;

- la réalisation des prescriptions particulières de massif : seul le comité de massif serait consulté, alors que la procédure actuelle prévoit de recueillir l'avis de l'ensemble des acteurs décentralisés.

2. Les voies pour conférer une stature politique au massif

Il s'agirait de mettre clairement face à face une autorité administrative déconcentrée et une circonscription territoriale décentralisée. Celle-ci verrait son autonomie limitée au développement d'une capacité propre d'étude et de recours administratif.

En effet, le renforcement du rôle des massifs passerait également par la création d'un « fonds de massif », géré par un syndicat mixte, lequel serait constitué à partir d'une « entente de massif » rassemblant de manière tripartite l'Etat, les régions, mais aussi, les départements.

A cette fin, le dispositif juridique du syndicat mixte serait modifié pour permettre à l'Etat d'en être membre. Cela pourrait se faire par une modification de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales. Il s'agirait par exemple d'insérer après le deuxième alinéa l'alinéa suivant : « L'Etat peut être membre d'un syndicat mixte si celui-ci ne comprend par ailleurs que des régions et des départements. », puis de rédiger ainsi l'alinéa suivant : « La répartition des sièges au sein du comité syndical entre les collectivités locales, les établissements publics membres du syndicat mixte, et, le cas échéant, l'Etat, est fixée par les statuts. »

Cette notion d'« entente » est reprise de l'initiative lancée par les trois régions du massif des Vosges, en juillet 2000, pour créer une « structure de fédération et d'animation » assurant le pilotage du développement économique du massif. Mais, contrairement au projet vosgien, « l'entente de massif » n'aurait pas une dimension exclusivement inter-régionale.

Les régions sont en effet tentées, lorsque la montagne ne représente qu'une partie minime de leur territoire, de ne pas s'investir dans la gestion des problèmes du massif. Les départements au contraire, de taille plus réduite, se situent généralement franchement soit à l'extérieur, soit à l'intérieur du massif, et dans le second cas, constituent des soutiens directement intéressés au développement économique du massif. Leurs représentants au niveau du conseil général, ont alors, de par leur mandat, un ancrage territorial très fort garantissant leur intérêt à agir au service de la montagne.

La forme juridique du syndicat mixte présente l'avantage d'être déjà parfaitement définie par les articles L. 5721-1 à L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, sous réserve de l'adaptation mentionnée pour introduire la participation de l'Etat. Le « fond de massif » s'identifierait au budget du syndicat mixte, géré suivant les dispositions prévues par les articles L. 5722-1 à L. 5722-7 du même code.

·  La mise en place de ce syndicat mixte de l'« entente de massif », qui deviendrait le véritable maître d'œuvre pratique de la politique d'aménagement du territoire dans le massif, placerait le comité de massif en situation de « conseil de développement de massif », à l'instar de ceux fonctionnant dans les « pays » et les agglomérations.

Les instances de massif pourraient également avoir recours en tant que de besoin à d'autres services d'études à statut public : le SEATM (1), les CAUE (2). Elle serait habilitée à commander des études.

B.- L'ORGANISATION DE LA COHÉSION LOCALE

Les zones dites de « montagne » sont en fait de nature géographique très diverse, et une structure renforcée de massif pourrait être le moyen d'assurer leur cohésion, en assurant la couverture des besoins des zones d'environnement protégé grâce à des mécanismes de transfert internes au massif.

1. Le reversement dû aux zones d'environnement protégé

Comme les analyses du chapitre II vont l'illustrer, les zones d'environnement protégé constituent des foyers de production des ressources économiques de la montagne.

Ces ressources sont produites par deux canaux : d'une part, l'incitation au tourisme ou à la pratique des loisirs de plein air ; d'autre part, la fourniture de produits naturels, résultant d'une exploitation de qualité.

Or dans les deux cas, l'essentiel des revenus ainsi dégagés échappent aux zones qui en sont à l'origine. En effet, les revenus dégagés par le tourisme et les loisirs de plein air se fixent là où vivent les visiteurs des espaces naturels, c'est-à-dire principalement dans les zones urbanisés à la périphérie des zones d'environnement protégé ; car c'est là que se font l'essentiel des dépenses de logement et d'alimentation de ces visiteurs, qu'ils soient résidents permanents ou occasionnels.

Par ailleurs, s'agissant des produits naturels de la montagne, les zones d'environnement protégées n'en reçoivent qu'une rémunération correspondant à la vente sous une forme brute, les flux de revenus dégagés par la transformation de ces produits étant recueillis par les zones urbanisées où sont implantées les industries de transformation nécessaires.

Les mécanismes pouvant atténuer une partie de cette déperdition de revenus ne sont pas très opératoires. Ainsi la pluriactivité permet aux agriculteurs de bénéficier de manière saisonnière des flux de revenus dégagés par les activités de tourisme, mais il est plus difficile d'organiser de la même manière la récupération des flux de revenus dégagés par la transformation des produits bruts, car cette transformation mobilise plutôt une main d'œuvre à temps plein. De surcroît, les industries de transformation peuvent être implantées à grande distance des zones d'environnement protégé.

Quant au dispositif des stations d montagne, dans une logique de juste retour au profit des zones dédiées à la conservation du patrimoine naturel.

2. Le rôle du massif dans la gestion du reversement

Il existe plusieurs manières d'organiser ce reversement aux zones d'environnement protégé, faisant une place plus ou moins grande à la structure de massif. En fait, on peut considérer qu'il existe deux modèles extrêmes d'organisation, entre lesquels se situe probablement le point d'équilibre correspondant à la solution souhaitable.

·  Le premier modèle de gestion du reversement s'inscrit dans un face à face entre l'Etat et les communes rurales de montagne, les secondes réclamant au premier la mise en jeu des mécanismes de solidarité nationale.

Il n'est pas dépourvu de fondement économique, puisque la déperdition des ressources issues de la montagne profite par diffusion à toute l'économie nationale. Par ailleurs, l'Etat étant le prescripteur des restrictions à l'urbanisation qui consolident cette déperdition, il n'est pas anormal qu'il en soit aussi le payeur.

Cependant ce schéma, qui correspond à peu près à celui qui a prévalu jusqu'alors, pâtit du très grand éloignement du « payeur », qui ne peut souscrire que d'une manière très théorique à la justification économique du reversement, et qui surtout doit arbitrer en permanence entre tous les champs d'intervention de la politique d'aménagement du territoire.

Le massif joue a priori un rôle annexe dans cette configuration de face à face directe entre les communes rurales et l`Etat, sinon qu'il peut essayer de peser de son poids pour rééquilibrer les interventions de l'Etat en faveur des zones de montagne.

·  Le second modèle place au contraire le massif au cœur d'une logique de solidarité bien comprise entre les différentes composantes des zones de montagne.

Le fonds de massif devient alors une pompe aspirante, prélevant directement au niveau des zones urbanisées une partie des ressources produites par la montagne, et assurant un juste reversement aux zones d'environnement protégé.

Les deux principaux inconvénients de ce schéma de solidarité locale forcée sont évidents :

- d'une part, il conduirait inévitablement, en dépit de la prise de conscience par les zones urbanisées de leur intérêt à une solidarité au sein du massif, à une hausse locale des prélèvements obligatoires, engendrant freinage économique et délocalisation ;

- d'autre part, il encouragerait l'Etat à se désengager de sa mission de solidarité nationale, qui apparaîtrait alor ressources mises actuellement par les régions appartenant au massif dans les volets « Montagne » des plans régionaux « Etat-Région » ;

- de la participation aux montages financiers permettant de fournir une solution à une carence localisée des services à la population, dans le cas où il serait possible de trouver, en partenariat avec l'Etat, une solution acceptable à cette carence. Cette contribution financière au bon fonctionnement des services à la population serait la forme donnée au « reversement » en faveur des zones d'environnement protégé ;

- des travaux d'études par des services d'ingénierie permettant d'éclairer les initiatives des instances de massif, d'aider à la réalisation des documents d'aménagement du territoire, et d'appuyer les démarches de mise en place des projets ciblés éligibles à des aides nationales ou européennes.

Dans ce dernier domaine, le « fonds de massif » jouerait, au niveau du massif, le rôle du « fonds d'innovation et d'expérimentation pour la montagne », dont le projet est défendu notamment par l'Association nationale des élus de la montagne, en vue de reconstituer une capacité financière de soutien pour des travaux d'expertise et d'évaluation. Celle-ci s'est en effet considérablement réduite depuis l'absorption de l'ancien FIAM (fonds d'intervention pour l'auto développement en montagne) au sein du FNADT (fonds national d'aménagement et de développement du territoire) en vertu de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Le FIAM avait été institué par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne pour financer des actions de soutien à la « matière grise » indispensable au développement de la montagne : études de faisabilité, actions d'appui technique, collectes d'informations socio-économiques.

Les ressources du fonds de massif proviendraient pour l'essentiel d'un nouvel aiguillage de fonds jusque là dispersés entre plusieurs intervenants de la politique de la montagne. Son budget serait ainsi alimenté par :

- d'abord, une dotation forfaitaire du budget de l'Etat, sur une enveloppe globale dédiée à l'ensemble des cinq massifs ; il s'agirait d'une dotation globale calculée en fonction de critères objectifs mesurant l'apport du massif en termes d'offre d'espace naturel, comme le nombre de kilomètres de sentiers de randonnée, le pourcentage de territoire occupé par des zones protégées, la surface de forêt contribuant à l'atténuation de l'effet de serre, la surface des pâturages, le volume d'eau déversé annuellement dans le bassin ; cette dotation serait une forme de rémunération du massif pour le service rendu au pays consistant à gérer un espace naturel préservé, et à en faire profiter le plus grand nombre, le plus souvent dans des conditions de complète gratuité ;

- par ailleurs, la réaffectation d'une part des dotations que les départements peuvent déjà consacrer à des actions relevant de l'aménagement du territoire. Cette part pourrait être au besoin calculée en se basant sur le produit des taxes locales, à l'exception de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans le cadre d'une solidarité des zones qui possèdent une capacité d'hébergement des touristes et des adeptes du loisir de plein air, ou qui bénéficient de l'implantation des industries de transformation des produits de la montagne, au profit des zones qui offrent à titre gratuit l'accès à un espace naturel préservé ;

- enfin, le produit d'une taxe sur les transactions immobilières dans les zones en proie à la spéculation foncière, dont la mise en œuvre serait décidée par le « conseil de massif », au vu de critères objectifs. Ce serait là aussi une manière de rendre justice au massif dans son ensemble du succès de certaines stations, qui s'explique non seulement par les investissements faits sur place, mais aussi par les efforts consentis par les collectivités environnantes pour préserver le paysage.

·  Il convient de noter la place centrale que devraient jouer les « conventions interrégionales de massif » dans le jeu d'équilibre entre solidarité nationale et solidarité locale.

Ces conventions ont été instituées par le décret du 4 juillet 2002 relatif aux compétences des préfets coordonnateurs de massif. Les préfets coordonnateurs de massif les négocient et les concluent au nom de l'Etat; ils ont un pouvoir d'ordonnancement secondaire unique des crédits concernés.

Le renforcement des structures de massif aboutirait à un regroupement complet, au sein de ces conventions, de l'ensemble des moyens affectés à la montagne. Ce regroupement aurait pour conséquence que les conventions interrégionales de massif se substitueraient totalement au volet « montagne » des contrats de plan Etat-Région.

Les solutions ad hoc trouvées, après négociation avec l'Etat, pour la couverture des carences locales constatées dans les services à la population, auraient naturellement vocation à être pérennisées dans le cadre des conventions interrégionales de massif.

CHAPITRE II :
LA VALORISATION DES ATOUTS

La montagne dispose d'incontestables atouts, puisque les handicaps naturels qui freinent son développement, le climat, l'altitude, la pente, constituent paradoxalement autant de barrières protectrices pour la préservation de ces richesses premières que sont l'air pur, l'eau des sources, la beauté sauvage des paysages, la diversité de la faune et de la flore.

Un tel environnement s'accommoderait mal d'un modèle de développement classique fondé sur l'accumulation des facteurs de production. De fait, les règles particulières d'urbanisme en montagne ont pour fonction d'empêcher l'afflux désordonné de capital, et de limiter la population résidente à un niveau permettant une coexistence équilibrée de l'homme avec la nature.

Aussi la montagne est-elle amenée à fonder principalement son développement sur l'exploitation « brute », c'est-à-dire sans transformation, de ses ressources naturelles, en faisant une place déterminante à différentes formes de tourisme, à l'exploitation forestière, à une agriculture d'élevage extensif surtout productrice de lait et de viande.

Ce faisant, elle rencontre cependant une difficulté inhérente à ce type de modèle de développement, à savoir une situation d' « échange inégal » avec le reste du territoire. Car les produits « bruts » de la montagne subissent sur les marchés une forte concurrence qui abaisse leurs prix, et réduit d'autant le revenu des montagnards, tandis que ceux-ci se trouvent contraints d'acheter, à un prix relatif beaucoup plus élevé, à cause du surcoût lié à la valeur ajoutée, tous les biens élaborés qu'ils utilisent, que ce soit pour leur consommation directe ou comme intrants dans leur activité productrice (les outils).

L'amélioration de la situation économique de la montagne semble donc passer par une intervention à deux niveaux : d'une part, une meilleure valorisation de ses productions naturelles ; d'autre part, l'instauration de canaux de récupération d'une partie plus conséquente des gains résultant de la mise à disposition et de la transformation des ressources naturelles.

I.- LA RÉMUNÉRATION DES PRODUCTIONS NATURELLES

Cette meilleure valorisation doit se faire à deux niveaux : d'une part, la valorisation doit être plus complète, c'est le principe du juste retour ; d'autre part, elle doit aboutir à la récupération de revenus plus élevés.

A.- LE PRINCIPE DU JUSTE RETOUR

Certains services rendus par la montagne ne sont pas valorisés économiquement. C'est le cas notamment de la fourniture en eau, et de l'entretien de l'espace naturel.

œuvre de 1997 à 2000, et le second est prévu sur la période 2001-2003.

Une telle mesure trouverait sa place dans le cadre de la refonte législative du volet financier de la politique de l'eau prévue dans les mois qui viennent. Ce projet de loi est indépendant du projet de loi de transposition de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui est d'ores et déjà en discussion devant le Parlement. Ce second texte reprendrait la matière du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, qui avait été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 janvier 2002, et est devenu caduc du fait du changement de législature.

Une disposition de ce texte resté caduc pourrait répondre au besoin mentionné :

<< Dans le cadre de son programme pluriannuel d'intervention, l'agence [de l'eau] attribue des subventions et des avances remboursables aux personnes publiques ou privées pour la réalisation d'actions et de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins directement effectués par elles, dans la mesure où ces actions ou travaux sont de nature à éviter des dépenses futures ou à contribuer à leur maîtrise.

Ces subventions et avances ne sont définitivement acquises que sous réserve du respect des formalités requises au titre d'une police spéciale relative à l'eau. >>

Cette disposition constituerait une version plus large du principe d'ores et déjà fixé par le 3 de l'article 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution :

<< Lorsqu'un dispositif permet d'éviter la détérioration de la qualité des eaux, une prime est versée au maître d'ouvrage public ou privé de ce dispositif ou à son mandataire. Elle est calculée en fonction de la quantité de pollution dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. >>

Dans l'état actuel du droit, il conviendrait de compléter le deuxième alinéa de l'article L. 213-6 du code de l'environnement, qui indique :

« L'agence [de l'eau] attribue des subventions et des avances remboursables aux personnes publiques et privées pour l'exécution de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins directement effectués par elles, dans la mesure où ces travaux sont de nature à réduire les charges financières de l'agence. »

La phrase complémentaire pourrait être la suivante :

« Elle établit en particulier, pour les zones de montagne situ& leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. « , et qui précise en son article 2 : « Afin de protéger la nature, la faune et la flore, des dispositions réglementaires définiront les conditions techniques d'aménagement et de fonctionnement des centrales électriques. ». Cet article 2 ajoute : « Sur certains cours d'eau ou sections de cours d'eau, et dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat, aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour des entreprises hydrauliques nouvelles. ».

La loi du 9 janvier 1985, en son article 90, a déjà aménagé cette loi du 16 octobre 1919, en lui ajoutant un article 16 bis, qui reconnaît aux « entreprises autorisées, aménagées et exploitées directement par les collectivités locales ou leurs groupements » les mêmes prérogatives en matière d'exécution de travaux, d'expropriation, ou d'éviction des droits particuliers à l'usage de l'eau, que celles reconnues aux concessionnaires de l'Etat.

Mais, comme l'a indiqué la mission d'information commune du Sénat, l'exploitation par des micro-centrales du potentiel économiquement viable de 4 à 8 TWh par an d'énergie hydroélectrique supplémentaire (pour une production hydroélectrique française totale de 70 TWh par an) suppose surtout des ajustements d'ordre réglementaire.

Il paraît en effet indispensable de conserver une approche centralisée, et techniquement éclairée, des décisions relatives à l'ouverture des cours d'eau à l'exploitation hydroélectrique, ainsi que des procédures d'examen de la conformité des installations envisagées aux règles de protection de l'environnement.

Afin d'accélérer l'examen des demandes d'autorisation, un nouvel alinéa pourrait être inséré après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 ; il serait rédigé ainsi : « En cas de silence du ministre chargé de l'énergie, l'autorisation est réputée acquise un an après la transmission de la demande. »

2. L'entretien du paysage

La population installée en montagne contribue, notamment au travers du pastoralisme et de la sylviculture, à l'entretien des paysages, et à la préservation de l'habitat pour la faune et la flore. L'agriculture également, en associant les techniques modernes et le savoir faire traditionnel, contribue à préserver le patrimoine naturel.

Il est d'ores et déjà dans la logique de Natura 2000, mais aussi dans celle des « contrats d'agriculture durable », d'accorder explicitement des aides aux exploitants agricoles qui participent aux actions d'entretien de l'environnement.

Mais, dans ce domaine, les collectivités locales peuvent aussi être amenées à intervenir en se fina l'aménagement et la gestion des sentiers ; elle est établie comme la précédente sur la construction, la reconstruction et l'agrandissement des bâtiments.

Un aménagement des conditions d'utilisation du produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles avait déjà été introduite par l'article 10 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt, qui a permis qu'il finance l'acquisition par un département, une commune, un établissement public de coopération intercommunale, ou le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, de bois et forêts, sous réserve de leur ouverture au public.

La mission d'information souhaite qu'en zone de montagne, 15 % du produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles soit réservé à la création et à l'entretien des sentiers forestiers. En effet, La difficulté d'accès aux parcelles forestières constitue, en montagne, un frein notable à l'exploitation des forêts.

Cela suppose l'ajout suivant au sixième alinéa de l'article L.142-2 du code de l'urbanisme : « dans ce cadre, une part de 15 % au moins du produit de la taxe est affectée à la création et à l'entretien des chemins forestiers ; ».

Mais les aides à la préservation de l'espace naturel pourraient prendre aussi la forme d'un soutien aux services à la population, dans une logique consistant à encourager la présence humaine en montagne, afin que soit poursuivie dans des conditions décentes l'action essentielle d'entretien du paysage. (Cf Chapitre IV).

B.- LA MAJORATION DES REVENUS DÉGAGÉS

La majoration des revenus dégagés par les activités de montagne peut résulter soit d'un abaissement des coûts de production, soit d'un relèvement des prix. Elle concerne surtout l'agriculture et l'exploitation forestière, et passe notamment par la mise en place d'un label.

1. La compensation des surcoûts de production

Cette compensation vise à prendre en compte le fait que la production en zone de montagne est structurellement plus coûteuse. Les machines agricoles notamment sont d'un prix plus élevés, car elles ont souvent besoin de caractéristiques moins indispensables en plaine, comme les quatre roues motrices, et un centre de gravité plus bas, et de ce fait, sont produites en plus petite série.

Mais le surcoût concerne aussi la construction, en raison d'une part du climat qui impose le recours à des structures plus massives, et qui réduit la période possible des travaux, et d'autre part, des conditions d'accès, qui majorent les frais de transport des matériaux. Ce surcoût à la construction se répercute évidemment sur les loyers.

- l'ajout de points de bonification pour les dotations aux collectivités locales de montagne, et particulièrement pour la « dotation globale de fonctionnement » ; la prise en compte de critères de calcul liés aux handicaps structurels devrait permettre de réduire l'écart constaté entre les villes et le monde rural : en 2000, selon le ministère de l'intérieur, la dotation globale de fonctionnement par habitant était en moyenne, en France, de 152 euros pour les communes de moins de 10 000 habitants, et de 214 euros pour les communes de plus de 10 000 habitants.

Les transferts ne doivent cependant fournir qu'un revenu accessoire des zones de montagne, sinon ils risquent de créer une dépendance vis-à-vis des circuits de financement public qui aurait pour effet de fragiliser l'équilibre économique des zones de montagne.

La montagne doit donc s'adapter à son handicap structurel en exploitant les atouts économiques qui en sont la contrepartie, comme par exemple la qualité des productions naturelles, qui résultent, dans le cas de la viande et du lait, du caractère obligatoirement extensif de l'agriculture de montagne, et dans le cas du bois « de résonance » qui est utilisé en lutherie, de la croissance plus lente des arbres situés en altitude.

2. La stratégie du « label »

Cette stratégie s'inscrit dans une démarche d'exploitation des avantages comparatifs de la montagne, qui doit permettre d'obtenir une rémunération plus importante des diverses activités concernées, par le consentement du consommateur à payer spontanément un prix plus élevé pour les produits qu'elles fournissent, parce qu'il reconnaît à ces produits une qualité particulière.

Cependant cette stratégie ne peut pas s'appliquer seulement aux produits bruts de la montagne, mais doit concerner la totalité des filières dont ces produits bruts constituent le premier maillon, car une image de marque se défend au stade final de la consommation, une fois opéré tout un ensemble de transformation sur les produits bruts.

Et comme un prix plus élevé au stade de la consommation ne se répercute pas nécessairement au stade de la production brute, cette stratégie doit intégrer l'objectif de localiser autant que possible les transformations intermédiaires et finales en zone de montagne, de manière que la valeur ajoutée associée à ces transformations ne soit pas appropriée par d'autres espaces économiques.

Au surplus, la proximité des lieux de production et de transformation permet d'assurer plus facilement la garantie de l'origine des produits bruts.

Cette démarche peut s'illustrer au travers de l'exemple des deux filières du lait et de la viande :

La mission commune d'information du Sénat a évoqué la piste d'un approfondissement de cet avantage comparatif à travers le développement de « l'agriculture biologique », mais des aménagements réglementaires seraient nécessaires pour adapter cette forme d'agriculture aux conditions de la montagne, à cause notamment des restrictions concernant l'entravage des animaux, et la fourniture d'une alimentation non produite sur place.

·  En aval, la valorisation des produits de la montagne passe par la défense d'un label sur le modèle préconisé par l'article 34 de la loi de 1985, qui a créé le label « Montagne ».

Ce label « Montagne » a été remis en cause par l'arrêt du 7 mai 1997 de la Cour de justice des communautés européennes. Et le régime actuel subit deux inconvénients du fait de sa mise en conformité avec le droit européen :

- d'une part, il ne peut empêcher que les matières premières entrant dans la composition des produits viennent d'ailleurs que des montagnes françaises ;

- d'autre part, il ne peut interdire la concurrence par des produits européens utilisant aussi un label « Montagne ».

Une définition du label qui introduirait, tout en gardant la dénomination « Montagne », la condition, via le décret prévu à l'article L. 644-3 du code rural, d'une transformation « sur place », c'est à dire dans le même massif montagneux que celui d'où proviennent les produits bruts, limiterait un peu ces inconvénients.

Actuellement, le décret n° 2000-1231 du 15 décembre 2000 relatif à l'utilisation du terme « Montagne » prévoit seulement que « l'aire géographique des opérations de production, d'élevage, d'engraissement, d'abattage et de préparation, de fabrication, d'affinage et de conditionnement ... doit être située dans une zone de montagne en France », ce qui autorise un partage des différents stades des filières entre les massifs.

Le label « Montagne » doit être adossé à des certifications de qualité (AOC, label rouge, IGP). La mission d'information a considéré qu'une fois que ce label «Montagne» serait consolidé, des labels de « massif », assis également sur une certification de qualité permettant de leur appliquer le régime des AOC, pourraient être mis en place à titre complémentaire.

La mission d'information regrette donc l'absence de mise en œuvre de certaines dispositions de la loi n° 2001-602 d'orientation sur la forêt visant à une meilleure exploitation des ressources forestières, et notamment son article 32, qui reconnaît un droit de délaissement des parcelles sans propriétaire identifié au profit des associations foncières forestières.

II.- LA PRÉCARITÉ DES ACTIVITÉS À VALEUR AJOUTÉE

Le positionnement général de l'économie montagnarde sur des productions brutes connaît des exceptions, puisque les activités de sport d'hiver et d'été, ainsi que le thermalisme, ont permis localement le déploiement de services à valeur ajoutée liés au tourisme et à la santé, et que par ailleurs les restrictions à l'urbanisation sont compatibles avec le maintien d'un artisanat traditionnel. Certains massifs portent aussi la trace d'une industrialisation passée.

A.- LE TOURISME ET LE LOISIR

La ressource touristique repose sur un équilibre fragile entre d'un côté, la préservation du patrimoine naturel et, de l'autre, la mise en place d'équipements permettant la pratique des activités de montagne, et l'accueil des populations en visite.

1. La définition de la stratégie touristique

Le premier problème qui se pose aux régions de montagne consiste à choisir, compte tenu de leurs atouts naturels, le type de tourisme et d'activités de loisir qu'elles doivent s'efforcer de promouvoir. Chaque forme de tourisme montagnard soulève ses propres problèmes de viabilité économique.

·  L'exploitation de « l'or blanc » est longtemps apparue comme la meilleure manière de mettre en valeur le potentiel touristique de la montagne. A partir du IVe Plan (1962-1964), une action d'équipement systématique des zones propices aux activités de sports d'hiver a été entreprise.

Cependant, il est apparu à l'expérience que cette stratégie était moins bien adaptée à la moyenne montagne, compte tenu de la diminution de l'enneigement constatée d'année en année. Le conseil général de l'Isère a conduit récemment une étude constatant la faible viabilité économique de certaines stations. En Suisse, les investissements dans les équipements de ski sont abandonnés en dessous de 1 600 mètres d'altitude.

Confrontées au même problème d'enneigement aléatoire, quoiqu'à un niveau de gravité moindre, les zones de haute montagne s'adaptent en développant l'utilisation des canons à eau, sachant que la production de neige artificielle consomme de tels volumes d'eau qu'elle peut en v créé une discordance avec la disposition du dixième alinéa de l'article 42 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 sur la montagne, quant à la durée des délégations de service pour l'exploitation des remontées mécaniques.

L'article 40 de la loi Sapin, qui établit le droit commun, laisse la collectivité publique fixer la durée de la convention en fonction de la durée d'amortissement des installations, tandis que l'article 42 de la loi sur la montagne établit une durée maximale de 18 ans, sauf lorsque la durée d'amortissement « technique » excède 18 ans, la durée maximale étant alors reportée à 30 ans.

Cette discordance crée une insécurité juridique, notamment dans le cas où il serait nécessaire de proroger les conventions, puisque la rédaction du dixième alinéa de l'article 42 de la loi sur la montagne donne une dimension absolue à la durée maximale de 30 ans, qui peut donc s'entendre « prorogation comprise » : « Elle ne peut, en aucun cas, être supérieure à trente ans ».

Afin de rétablir une cohérence juridique au profit de l'application du droit commun, la mission d'information propose la rédaction suivante du dixième alinéa de l'article 42 de la loi sur la montagne :

« Conformément aux dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la durée de ces contrats est modulée en fonction de la nature et de l'importance des investissements consentis par l'aménageur ou l'exploitant. »

·  Le tourisme de découverte, qui s'appuie sur des sites spécialement aménagés pour y organiser des visites payantes, qu'il s'agisse de musées, de monastères, d'habitats traditionnels ou d'anciennes fabriques, ne peut par définition concerner que quelques localités disposant d'un atout historique particulier, et se trouve de toute façon cantonné dans son développement par les restrictions imposées à l'urbanisme en montagne.

·  Les loisirs de plein air, qui n'imposent pas le recours à des équipements collectifs, génère néanmoins des coûts à couvrir, car ils supposent un entretien des chemins et des signaux indicateurs, une surveillance des risques d'atteinte à la faune et à la flore, un nettoyage des déchets : c'est typiquement le cas pour la randonnée à pied ou à cheval, mais aussi la varappe, le VTT. Il s'agit là plutôt d'activités d'été, éventuellement complémentaires de celles d'hiver dans les stations de haute montagne.

Le risque de non viabilité vient alors de ce que ces pratiques s'appuient sur une gratuité totale de l'accès à l'espace naturel utilisé, car il est exclu, notamment pour des raisons évidentes d'ordre matériel, d'instituer, en vue de dégager des fonds au service de la préservation des sites, l'équiva code général des impôts prévoit d'ores et déjà que la TVA s'applique au taux réduit de 5,5 % en cas de vente locale de produits agricoles, que ce soit au titre des produits «n'ayant subi aucune transformation», ou au titre des produits «destinés à l'alimentation humaine».

Cependant la définition fiscale de l'activité agricole n'est pas alignée sur la définition donnée par le code rural, lequel assimile totalement à celle-ci les autres activités exercées "dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation", alors que l'article 298 bis du code général des impôts, en son paragraphe III bis, prévoit une limite de « 30000 euros et de 30 % des recettes du montant des recettes taxes comprises provenant de ses activités agricoles» pour l'extension aux recettes accessoires du régime du forfait agricole.

La mission d'information a considéré qu'il serait excessif d'abroger ce paragraphe III bis, dans la mesure où il restreint un risque évident de distorsion de concurrence par rapport aux circuits de distribution classique. Cependant, elle a considéré que cette limite de 30 % pourrait utilement être relevée à 40 %.

En tout état de cause, l'agritourisme ne saurait permettre la récupération des flux de revenus dégagés par le tourisme et les loisirs de plein air que dans une mesure limitée, puisque le développement de la capacité d'accueil entre en contradiction avec l'objectif de préservation des sites naturels.

Cette capacité d'accueil local peut d'ailleurs être modulée à la marge en permettant un allongement de la saison touristique. A cette fin, la mission d'information préconise un rééquilibrage, en zone de montagne, entre les terrains de camping et les terrains destinés, dans les conditions prévues par l'article R. 444-3 du code de l'urbanisme, aux habitations légères de loisir.

L'essentiel des suppléments de revenus dégagés par le tourisme et les loisirs de plein air sont donc de facto recueillis par les communes urbanisées situées aux alentours plus ou moins lointains des communes qui supportent directement la charge de l'entretien de l'espace naturel.

2. Le besoin de coordination et de coopération

Le modèle emblématique de développement en montagne est fondé sur la « station », conçue pour récupérer directement le bénéfice économique d'un atout naturel local par le biais des dépenses effectuées sur place par les touristes.

Mais le succès des stations a pour effet pervers d'inciter chaque collectivité locale à tenter sa chance dans cette voie.

Cela tend inévitablement d'une part, à provoquer le lancement volontariste de certains projets d'aménagement qui touristique en montagne, à double titre :

- d'une part, s'agissant des « stations », afin de positionner d'emblée celles-ci au mieux dans l'espace montagnard, et d'éviter ainsi que la sélection entre « stations » viables et non viables ne s'opère spontanément par le jeu du marché, au terme d'un processus de faillites qui est toujours très coûteux pour l'emploi et les finances publiques ;

- d'autre part, pour répartir cette ressource rare et précieuse qu'est la capacité d'hébergement touristique. Car c'est l'hébergement touristique qui fixe les points de focalisation de la distribution des revenus supplémentaires que procure le tourisme. Or cette capacité d'hébergement est limitée par les restrictions auxquelles l'urbanisme se trouve soumis en zone de montagne.

Cette coordination est d'une certaine façon déjà assurée par la procédure spéciale des « unités touristiques nouvelles » (UTN), instaurée en 1977, qui prévoit un avis de la commission UTN du comité de massif, et qui, lorsque l' « unité nouvelle » n'est pas intégrée à un SCOT, confie au préfet de massif la décision d'autoriser l'UTN. L'intervention, dans la procédure, d'instances ayant une compétence très large, à l'échelle du massif, constitue une manière de garantir une certaine forme de coordination dans l'établissement des UTN.

C'est pourquoi il resterait important de maintenir ce passage par une instance de massif même dans les formes allégées de la procédure des UTN, celle relatives notamment aux « petits » projets.

Selon la même logique, il importe que la stratégie touristique constitue un guide essentiel à l'élaboration du « schéma interrégional de développement de massif » qui a pour rôle notamment d'établir de manière prospective, sur un horizon d'une dizaine d'années, des orientations en ce qui concerne l'utilisation des différentes parties du territoire du massif, notamment celles susceptibles d'évolution. Dans l'intérêt d'une organisation plus efficace de l'exploitation des ressources touristiques, il importerait de rendre obligatoire la mise au point de ce « schéma » dont l'élaboration n'est pour l'heure que facultative.

Cependant la coordination n'a de sens que si elle s'accompagne d'une coopération, au sens où les gains procurés par la configuration d'utilisation de l'espace en montagne doivent bien être perçus comme un revenu commun, dont une part revient légitimement aux collectivités dont la contribution au tourisme se cantonne dans l'offre d'un accès gratuit au patrimoine naturel.

En effet, ces collectivités doivent bénéficier d'une compensation pour la perte de revenus touristiques qu'elles subissent en restreignant leur parc immobilier pour préserver les paysages, tandis que les collectivités voisines qui possèdent des structures d'h l'instauration d'un « fonds de massif », assurant la circulation des flux financiers de solidarité.

Comme les recettes du tourisme sont intimement liées aux capacités d'hébergement, le reversement de solidarité pourrait prendre la forme d'une fraction du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Quant au retour financier assuré au profit des collectivités offrant l'accès gratuit à un paysage préservé, il viserait prioritairement à octroyer à leurs habitants, dont la présence, via le pastoralisme notamment, constitue un facteur d'entretien harmonieux du patrimoine naturel, le bénéfice d'un volant minimal de services à la population (cf chapitre IV).

A une échelle plus réduite, mais selon la même logique de solidarité locale, la mission d'information propose d'élargir aux structures intercommunales le droit de mettre en place une taxe de séjour, réservé jusqu'alors aux seules communes. Il suffit pour cela d'ajouter, après le premier alinéa de l'article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales, l'alinéa suivant :

« Dans les zones de montagne définies par les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la taxe de séjour peut être instituée dans les mêmes conditions par le conseil des établissements publics de coopération intercommunale. »

3. La qualité de l'accueil

Cependant, au-delà de la recherche du gain supplémentaire que peut procurer une utilisation optimisée des atouts naturels, il importe d'inscrire la stratégie touristique des massifs dans une logique de concurrence avec les destinations alternatives étrangères, d'autant que la plupart des massifs sont situés en zone frontalière.

Sur ce plan, il est fondamental que l'offre soit au niveau technique des stations européennes, et que les tarifs pratiqués soient comparables. Cependant, au-delà de ces préalables, il est aussi essentiel que l'accueil demeure lui aussi de qualité. Or cette question de la qualité de l'accueil renvoie à une autre dimension de la gestion des stations : la pluriactivité (Cf. Chapitre III).

La pluriactivité peut en effet conduire, si elle est mal prise en compte, à une précarisation de l'emploi local qui risque de rejaillir sous forme d'une moindre qualité des contacts avec la clientèle : l'employé qui n'a que peu de chance de retrouver son poste l'année suivante, et qui cumule instabilité professionnelle et difficulté à faire valoir ses droits sociaux, aura moins à cœur de donner satisfaction dans son travail que celui qui a développé une véritable relation de partenariat avec son employeur intermittent. L'amélioration du statut des travailleurs pluriactifs contribue de ce point de vue à la « compétitivité qualité » des prestations locales, concernerait tous les secteurs, y compris celui des nouvelles technologies.

Il convient cependant de considérer ces données avec précaution, car elles renvoient évidemment à des moyennes, qui ne rendent pas compte de la répartition géographique des implantations industrielles. Il est évident que Grenoble est une ville très industrialisée, qui accueille de surcroît de nombreuses entreprises de haute technologie ; mais à quelques kilomètres de là, en altitude, le plateau du Vercors est une vaste surface réservée à l'agriculture, à l'élevage, et surtout à la nature.

Or la montagne est surtout faite d'espaces agricoles et naturels, et compte tenu des progrès réalisés par la protection de l'environnement, va tendre plutôt à se conforter dans son rôle de conservatoire de la richesse de la faune et de la flore qu'à devenir le foyer d'une nouvelle révolution industrielle.

Les massifs des Vosges et du Jura connaissent certes une industrialisation mieux répartie, mais il s'agit là d'un héritage historique, remis progressivement en cause sous l'effet des restructurations industrielles.

Les règles d'urbanisme ont pour effet de conforter le clivage entre les zones industrielles et les zones d'environnement protégé, car la décision d'implantation d'une entreprise tient évidemment compte des possibilités d'accroître l'activité future par l'ajout d'ateliers, d'entrepôts, de laboratoires, c'est à dire de bâtiments. Or les zones industrielles, qui sont déjà urbanisées, profitent de ce point de vue non seulement d'un effet de « nénuphar », qui tient à ce que le principe de continuité est d'autant moins contraignant que la surface déjà urbanisée est vaste, mais aussi d'un avantage lié à la prospérité déjà acquise, qui permet de financer plus facilement les études et les démarches permettant d'utiliser les souplesses prévues par les règles d'urbanisme.

A contrario, une implantation industrielle en zone d'environnement protégé aura tendance, dès qu'elle commence à prospérer, à se délocaliser vers les zones industrialisées, non seulement d'ailleurs pour y trouver de la surface constructible, mais aussi pour bénéficier d'une plus grande proximité des axes de communication, et aussi d'un plus large bassin d'emploi susceptible de fournir plus facilement les compétences et qualifications nécessaires.

Il paraît donc difficile de faire abstraction de la réalité des concentrations géographiques lorsqu'on traite du développement industriel en montagne.

La mise en place d'une mesure de soutien général à l'industrie n'aurait pour résultat que de renforcer cette concentration, avec des effets de diffusion très faibles en direction des zones d'environnement protégé. En effet, le seul mécanisme par lequel ces zones peuvent bénéficier directement d'un regain d'activité des zones industrielles pa family: 'Arial'; font-size: 10pt">Pour autant, celles-ci bénéficient au premier chef des apports des zones d'environnement protégées. D'une part, en effet, les zones industrielles de montagne ont vocation à accueillir les industries de transformation des filières alimentées par les produits bruts d'altitude, qu'il s'agisse de la viande, du lait, du bois, voire des minerais ou de la force motrice de l'eau. D'autre part, ces zones industrielles profitent directement de l'attraction qu'exerce sur les jeunes travailleurs qualifiés le surcroît de qualité de vie que procure la proximité des zones d'environnement protégé.

De fait, la problématique de l'industrie montagnarde soulève le problème de sa reconnexion avec l'espace naturel sur lequel elle s'appuie, le but étant d'assurer aux zones d'environnement protégé un retour financier pour le service qu'elles fournissent aux zones industrielles.

2. La présence artisanale

A l'inverse de l'industrie, l'artisanat s'intègre beaucoup mieux aux zones d'environnement protégé et d'urbanisation contrainte, dans la mesure où il n'occupe qu'un espace de construction limité, et qu'il peut fonctionner avec des canaux de distribution réduits.

Sa grande force réside dans la diversité des 250 métiers qu'il recouvre, et dans sa remarquable capacité d'adaptation à la conjoncture.

Il permet de fixer la population, et contribue à l'animation de la vie locale. C'est une forme d'activité en symbiose avec l'environnement montagnard.

La loi du 9 janvier 1985 a affirmé, en son article 55, le caractère d'intérêt général de la présence en montagne d'un « artisanat de services ».

La création du FISAC (Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce) par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social a permis une avancée dans le sens du soutien de l'artisanat en zone de montagne.

Ce fonds est alimenté par un prélèvement sur l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Cette taxe est assise sur la superficie des établissements construits depuis le 1er janvier 1960, dont la surface de vente au détail est supérieure à 400 m². Les décisions d'attribution des aides sont prises par le ministre chargé du commerce et de l'artisanat au vu des avis émis par une commission nationale chargée d'examiner les demandes de subvention présentées par les différents maîtres d'ouvrage.

Mais la mission commune d'information du Sénat a souligné l'insuffisance des moyens mis en œuvre par le FISAC (seulement 939 opérations de soutien entre 1992 et 2001).

- le fond a été augmenté par la loi de finances pour 2003, de 67 millions à 71 millions d'euros ;

- le délai d'instruction a été accéléré par une circulaire du 17 février 2003 ;

- les investissements matériels correspondant aux projets éligibles sous maîtrise d'œuvre publique sont désormais aidés au taux de 30 % au lieu de 20 % dans les communes de moins de 2 000 habitants depuis le décret n° 2003-107 du 5 février 2003.

L'aménagement des conditions d'intervention du FISAC pourrait donner lieu à la rédaction suivante de l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 :

<< L'Etat confie à l'Organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce la gestion des aides qu'il apporte aux opérations visant à la sauvegarde et à la modernisation des entreprises artisanales, commerciales et de services affectées par des mutations économiques, techniques ou sociales consécutives à l'évolution de ces secteurs ainsi qu'aux opérations visant à la création ou la reprise de ces entreprises.

La décision d'attribution des aides pour les opérations réalisées en zone rurale par des collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, lorsqu'elle concerne un montant inférieur à un certain seuil, est déléguée au président du conseil régional.

Dans les zones de montagne telles que définies par les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, la part des investissements matériels bénéficiant d'une aide est majorée de dix points.

Un décret précise les modalités d'application du présent article. >>

Quant à la défiscalisation de l'essence, elle pourrait prendre la forme d'un amendement ainsi rédigé :

<< I. Après le deuxième alinéa de l'article 265 sexies du code des douanes, insérer l'alinéa suivant :

« A compter du 1er janvier 2004, la taxe intérieure de consommation sur les carburants utilisés par toute entreprise de moins de 10 salariés, ou par toute personne exerçant une activité professionnelle non salariée, dont le principal établissement est situé dans une commune de montagne de moins de 2.000 habitants, est remboursée dans la limite de 1.500 litres par an et par véhicule de l'entreprise, et de 4.500 litres au maximum par an et par entreprise. »

160;La problématique des « zones franches »

De nombreuses voix se sont élevées pour réclamer la mise en place de « zones franches » en montagne. La mission commune d'information du Sénat, la commission permanente du Conseil national de la montagne ont chacune soutenu cette idée. Diverses récentes propositions de loi sont allées également dans ce sens.

Une mission d'inspection conjointe des ministères du budget, de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, a par ailleurs été décidée pour évaluer l'expérience des « zones de revitalisation rurale », instituées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, afin d'en préparer des évolutions possibles. Ce dispositif des « zones de revitalisation rurale » a été en effet l'un des apports durables de cette grande loi sur l'aménagement du territoire, à l'initiative en particulier du rapporteur de la commission spéciale chargée de l'examiner à l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier.

La mission d'information a retenu à son tour cette piste des « zones franches », au profit de ce qui seraient appelées des « zones de revitalisation de la montagne », mais en l'encadrant de deux garde-fous :

- en premier lieu, l'établissement de ces « zones de revitalisation de la montagne » concernerait les territoires répondant aux critères des zones de revitalisation rurale organisés en communautés de communes, et les communautés de communes ayant perdu 5 % de leurs emplois ou de leurs habitants au cours des dix dernières années ;

- ensuite, le bénéfice en serait subordonné, pour les territoires concernés, à un effort de formation favorisant l'emploi de la population locale, afin de garantir un véritable avantage pour les habitants concernés.

Le dispositif des « zones de revitalisation de la montagne » concernerait aussi bien les petites entreprises de moins de 50 salariés que les professions indépendantes, notamment celles impliquées dans les services à la population. Il s'appuierait pour l'essentiel, comme c'est le cas pour les zones de revitalisation rurale, sur une quadruple exonération, d'impôt sur les sociétés ou sur le revenu, de cotisations sociales patronales, de taxe professionnelle, et de droits de mutation.

L'exonération de l'impôt sur les sociétés, qui prendrait la forme, pour les professions indépendantes, d'une exonération de l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, ou du bénéfice agricole, ne serait appliquée qu'à la part du résultat réinvesti en zone de montagne, sous réserve de surcroît que les opérations ainsi financées contribuent au développement des capacités de production et de l'emploi.

Afin de limiter l'effet d'aubaine, l'ensemble de ces avantages ne seraient accordés que sous forme d'un « crédit d'exonération », remboursable si l'établissement se délocalise avant la fin des dix années qui suivent la date à laquelle il a bénéficié d'un droit à exonération. L'obligation de remboursement serait dégressive dans le temps, à hauteur de 60 % de la somme concernée pour une délocalisation intervenant au cours des sixième et septième années suivant la date de l'obtention du droit à exonération, de 40 % pour une délocalisation au cours des huitième et neuvième années.

Par ailleurs, toujours afin de minimiser l'impact des comportements éventuels de pure exploitation de l'effet d'aubaine, la mission d'information souhaite la mise en œuvre d'un dispositif s'appliquant, d'une façon générale, lors de toute délocalisation d'entreprise implantée dans une commune de montagne : cette délocalisation devrait s'accompagner d'un lissage de la répartition de la taxe professionnelle entre la commune de départ et la commune d'arrivée, l'entreprise continuant pendant dix ans à acquitter la part de la taxe professionnelle liée à l'immobilier dans la commune de départ, tandis que la commune d'arrivée bénéficierait uniquement durant cette période de la part liée à l'équipement industriel.

On peut s'interroger sur la portée réelle d'une extension des « zones franches » de montagne en dehors des friches industrielles, puisque la neutralisation des règles d'urbanisme pénalise l'implantation de nouvelles activités économiques.

Un développement économique à parc urbain constant des zones d'environnement protégé est certes envisageable dans le cadre d'une version moderne du travail à domicile, sous la forme d'activités de nouvelles technologies. Le télétravail est en effet compatible avec l'activité de conception de logiciels, ou avec l'offre de services en ligne, comme ceux d'une agence « virtuelle » de voyages par exemple. Le raccordement à l'Internet à haut débit des zones de montagne pourrait alors se combiner avec l'agrément du cadre naturel pour attirer tout un ensemble de professionnels de haut niveau.

Mais, même dans ce scénario très optimiste, qui suppose levé le lourd préalable du désenclavement numérique, le développement en question se trouverait borné dans son extension, à un moment ou à un autre, par le parc existant de bâtiments. De surcroît, seulement une partie des habitants pourrait se transformer ainsi en « cyber-montagnards », puisque d'autres habitants devraient de toute façon continuer à se consacrer à des tâches d'entretien de l'espace naturel, ou de services à la population. Ces limites freineraient inévitablement l'engagement des investisseurs extér montagne, de « contrats d'objectifs », négociés entre l'Etat, l'« entente de massif », et chaque région et département concernés, en y associant les autres collectivités locales concernées. Le « contrat d'objectifs » ne pourrait entrer en vigueur qu'après sa ratification par le comité de massif, qui s'assurerait notamment de sa cohérence par rapport aux actions d'aménagement du territoire menées à l'échelle du massif.

Le bénéfice de ce nouveau dispositif serait réservé aux départements les plus touchés par la dépopulation, celle-ci s'appréciant au regard de certains critères objectifs, comme le niveau de PIB par habitant, l'évolution du nombre des habitants, la densité démographique, et l'intensité de la déprise agricole.

Ces contrats s'inscriraient, d'une certaine façon, dans l'esprit des contrats, conclus par l'Etat avec les collectivités territoriales concernées, que l'article 63 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a prévu en faveur des zones de revitalisation rurale.

Les contrats d'objectif auraient pour objet de réduire les handicaps majeurs dont souffrent ces départements particulièrement déshérités, afin de les replacer dans une dynamique de développement. Il s'agirait, en quelque sorte, de mettre directement en œuvre le principe dont la nécessité est souvent rappelée par M. Patrick Ollier en matière d'aménagement du territoire : « restaurer l'égalité des chances par une inégalité des traitements ».

Ces contrats rassembleraient les moyens d'un véritable effort de désenclavement, en prévoyant notamment, de manière concrète, les conditions de la couverture en téléphonie mobile, et de l'accès à l'Internet à haut débit. Ils définiraient des solutions pour le maintien des services à la population, et plus généralement, tenteraient de susciter un rebond de l'activité économique départementale au travers de certaines mesures de défiscalisation.

Les départements de montagne pourraient servir de territoires d'expérimentation pour ces nouveaux outils, qui auraient vocation, à terme, à être mis en œuvre en général dans les départements ruraux de l'ensemble du pays.

CHAPITRE III :
L'ORGANISATION DE LA PLURIACTIVITE

La pluriactivité, qui se définit comme l'exercice de plusieurs activités rémunérées différentes assurées de façon successive ou simultanée dans l'année par un seul individu, constitue une caractéristique ancestrale de l'activité montagnarde. Sa pratique s'est cependant complexifiée avec la mise en place progressive par l'Etat des systèmes fiscaux et sociaux.

Plusieurs solutions ont été envisagées pour alléger les formalités auxquelles se heurtent les pluriactifs, qui rencontrent également des difficultés pour faire valoir leurs droits à la formation.

I.- L'ETAT DES LIEUX

La pluriactivité constitue un phénomène traditionnel, qui, au cours des dernières années, a fait l'objet d'une avancée incomplète en ce qui concerne la couverture sociale.

A.- UN PHÉNOMÈNE TRADITIONNEL

La pluriactivité constitue un phénomène traditionnel dans les zones de montagne, puisque la rigueur de l'hiver y interdit la poursuite des activités agricoles. Durant cette saison, certains montagnards, laissant la garde des troupeaux aux femmes et aux enfants, émigraient temporairement pour exercer d'autres métiers : ils devenaient colporteurs dans l'Oisans, « bougnats » vendeurs de vins et charbons en Auvergne, ramoneurs en Maurienne, maçons dans la Creuse. D'autres exerçaient à domicile, pour le compte d'industriels de la région, des travaux d'artisanat, comme le tissage, la ganterie, la coutellerie, l'horlogerie.

La pluriactivité en montagne a pris aujourd'hui des formes plus modernes, puisque le secteur du tourisme et des loisirs offre une très grande diversité d'activités complémentaires possibles durant toute l'année, mais une véritable continuité existe avec le passé en ce qui concerne l'ampleur du phénomène : Hervé Gaymard, dans son rapport au Premier Ministre « Pour un droit à la pluriactivité » en 1994, indiquait que la pluriactivité pouvait concerner jusqu'à un tiers de la population active dans certains départements des Alpes, des Pyrénées ou du Massif central.

La pluriactivité constitue au départ un phénomène subi, puisqu'elle est liée à la succession des saisons, mais des effets de synergie sont de plus en plus recherchés entre les différentes activités exercées, par exemple lorsque l'activité agricole se double de prestations touristiques à la ferme. Cette recherche d'une synergie constitue à la fois une difficulté et une chance pour la pluriactivité : une difficulté, parce qu'en l'état du droit existant, elle amène à se poser le problème de la frontière entre la pluriactivité et la simple diversification de l'activité principale (3)  des solutions nationales.

B.- L'ADAPTATION DE LA COUVERTURE SOCIALE

La pluriactivité pose au premier chef des difficultés en ce qui concerne l'intégration des intéressés dans le système de protection sociale, l'organisation actuelle ayant tendance à les ballotter entre différentes caisses se renvoyant la responsabilité de la prise en charge de ces travailleurs atypiques.

La collecte des cotisations pose des problèmes d'ordre technique et réglementaire non encore totalement résolus bien que des avancées aient été enregistrées. Dans le domaine de la couverture sociale des pluriactifs, le débat se concentre surtout sur la détermination du régime prestataire.

1. Le nœud du problème

Le principe de la couverture sociale, issu de la loi du 28 décembre 1979 complétée par la loi du 9 juillet 1984 veut que les personnes qui exercent plusieurs activités professionnelles cotisent à chacun des régimes d'assurance maladie dont relèvent ces activités, mais qu'inversement, les droits à prestations maladie ne soient ouverts que dans le régime de l'activité principale, déterminée notamment selon les règles fixées par les articles R. 615-3 et suivants du code de la sécurité sociale.

Il existe donc un risque que les droits acquis auprès des régimes annexes soient mal répercutés au niveau du régime principal, et que le pluriactif verse au total un niveau de cotisations très supérieur au niveau des droits qui lui sont reconnus par ailleurs.

La mission d'information du Sénat a notamment dénoncé comme une entrave forte à la pluriactivité les mécanismes de cotisation minimum forfaitaire, indépendant des bénéfices, qui sont exigés dans le cadre de certains régimes des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

2. La détermination du régime prestataire

Le problème de la détermination du régime prestataire trouve une solution simple lorsque le travailleur pluriactif exerce au moins une activité salariée, car il peut alors être rattachée au régime général de la sécurité sociale, s'il justifie, à défaut de remplir les conditions générales d'ouverture des droits, d'avoir travaillé au moins 800 heures pendant l'année.

En revanche, le choix du régime de rattachement se pose dans toute sa complexité lorsque aucune des activités temporaires exercées ne relève du salariat.

Pour cette population, un dispositif de « caisse pivot » a été institué par la loi du rattachement au seul régime de l'activité principale. Le régime des cotisations est celui du régime de l'activité principale, quelle que soit la source du revenu.

L'activité principale est déterminée en fonction du temps de travail et en prenant en compte les revenus professionnels non-salariés servant de base à l'assiette de la CSG et non plus un revenu calculé forfaitairement par rapport à l'exploitation type pour les non-salariés agricoles. Le décret n° 2001-372 du 26 avril 2001 a fixé les modalités d'application de cette mesure.

La règle de rattachement au seul régime de l'activité principale est toutefois optionnelle pour les pluriactifs non-salariés lors de l'entrée en vigueur de la mesure, qui pourront choisir de continuer à relever de deux régimes. Ce caractère optionnel est considéré comme fondamental, car l'affiliation au régime de la mutualité sociale agricole facilite l'accès aux aides agricoles, et notamment à l'indemnité spéciale de montagne.

En pratique, le mécanisme de rattachement à un seul régime selon des règles strictes suscite donc des réticences de la part des professionnels concernés.

Un retour au dispositif de «caisse pivot », avec choix libre de cette « caisse pivot », serait même souhaité. Une expérience de « guichet unique » fonctionnerait toujours à titre expérimental à Briançon.

C'est pourquoi la mission du Sénat a émis le vœu, dans sa proposition n° 47, d'une prolongation des possibilités de multi-affiliation, dans l'attente d'une réforme plus substantielle.

3. Le choix de la mission d'information

La mission d'information souhaite clairement, pour les personnes pluriactives exerçant une activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole, la règle du rattachement à la caisse correspondant à l'activité principale déterminée selon le critère du temps de travail.

Les difficultés inhérentes à l'appréciation d'un critère complémentaire basé sur la contribution de l'activité principale au total du revenu, cette part pouvant varier très sensiblement avec les aléas conjoncturels, ou encore se trouver anormalement minorée en phase de lancement de l'activité ou à la suite d'investissements importants, ont conduit la mission d'information à donner un caractère exclusif au critère du temps de travail.

L'article L. 171-3 du code de la sécurité sociale pourrait dès lors être modifié, en insérant, après son deuxième alinéa, l'alinéa ainsi rédigé :

< pluriactifs de montagne exercent leurs différentes activités dans la même zone ; c'est typiquement le cas des agriculteurs ou des artisans qui exercent des métiers liés au tourisme et au sport durant la saison d'hiver.

Mais une autre partie des travailleurs pluriactifs migrent d'une saison à l'autre pour passer par exemple des bords de mer en été, aux stations de montagne en hiver ; leur hébergement pose alors un véritable problème dans les zones où les logements sont prioritairement affectés aux touristes.

Le rapport du Sénat rappelle que le secrétariat d'Etat au tourisme a mis en place en février 2000 un programme d'action en faveur des 420 000 travailleurs saisonniers du tourisme, qui a permis :

- une meilleure prise en compte des périodes de travail dans l'attribution des aides au logement ;

- une modification du code de la sécurité sociale pour prendre en compte les variations de ressources dans l'attribution de l'allocation logement.

En outre, la loi SRU du 13 décembre 2000 a prévu en son article 154 l'ajout au code de la construction et de l'habitation d'un article L. 442-8-1 qui indique :

« les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 [organismes d'habitations à loyer modéré] peuvent louer des logements à des centres communaux d'action sociale ou à des associations déclarées ayant pour objet de les sous-louer meublés pour une durée n'excédant pas six mois à des travailleurs dont l'emploi présente un caractère saisonnier tel que mentionné au 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail. »

Afin d'aller encore plus loin dans la prise en compte de ce problème pratique important pour l'économie de la montagne, la mission d'information reprend entièrement à son compte les propositions formulées par la commission permanente du Conseil national de la montagne en faveur du logement des pluriactifs.

Cela concerne principalement trois types de mesures :

- en premier lieu, autoriser les communes à imposer, dans tous les programmes immobiliers, une part minimale de logements réservée aux saisonniers ;

- ensuite, assimiler les constructions de logements pour les saisonniers aux constructions d'équipements d'intérêt public, de manière à ce qu'elles bénéficient des financements prévus par l'article L. 322-6-1 du code de l'urbanisme, ou par l'article L. 311-4 dans le cas des zones d'aménagement concerté ;

- enfin, autoriser, dans le calcul de la densité de construction, la déduction des surfaces de planchers « hors œuvre » affectées aux logements à destination des saisonniers, à l'image des autres d&eac principalement à trois difficultés :

- en premier lieu, celle liée à l'insertion dans la panoplie des différentes formes juridiques des situations de travail, puisqu'il peut être amené à se partager entre une activité d'entrepreneur indépendant, un emploi de salarié, et un poste dans un organisme public ;

- en second lieu, celle induite par le cadre prévu pour faire valoir son droit aux indemnités de chômage, qui privilégie les périodes ayant déjà donné lieu à travail effectif et cotisation dans l'année écoulée, alors que son emploi saisonnier de l'année peut dépendre totalement du niveau d'enneigement dans les stations ;

- enfin, celle créée par les règles d'accès à la formation, celles-ci n'étant pas conçues pour permettre la formation continue en dehors de la période couverte par le contrat de travail saisonnier.

Des solutions partielles ont été déjà mises en place, qui appellent des aménagements. La mission d'information propose la mise en place de « sociétés de gestion de la pluriactivité ».

1. Les solutions partielles déjà préconisées ou mises en œuvre

Le dispositif du « groupement d'employeurs » est prévu par l'article L. 127-1 du code du travail. Depuis la loi du 30 juillet 1987, il concerne les entreprises de moins de 100 salariés.

Les débats autour des « groupements d'employeurs » concernent surtout l'idée de lever l'obstacle de la participation des personnes morales publiques aux « groupements » : la loi d'orientation forestière a permis des expérimentations de ce type dans les communes de moins de 2000 habitants. L'annexe A du présent chapitre propose une adaptation législative généralisant ce dispositif.

Le rapport du Sénat indique que le secteur public peut représenter dans certains départements jusqu'à la moitié du potentiel d'emplois saisonniers. Il conviendrait de définir précisément les types d'emplois publics qui pourraient être concernés.

En 1999, avait été évoquée l'idée du "contrat de travail à temps partagé", qui avait fait l'objet d'une proposition de loi adoptée par le Sénat, mais qui avait été rejetée par l'Assemblée nationale au motif que la formule juridique du « groupement d'employeurs » répondait mieux au besoin.

L'idée du « chèque emploi service » est lancée sans plus d'argument par le rapport du Sénat (proposition n°49). Mais elle vise le cas d'employés salariés, qui sont donc dans une situatio consécutifs ou non, en qualité de salarié (quelle qu'ait été la nature des contrats successifs) au cours des 5 dernières années, dont 4 mois, consécutifs ou non, sous contrat de travail à durée déterminée, au cours des 12 derniers mois.

2. Les « sociétés de gestion de la pluriactivité »

Ces structures nouvelles auraient pour objet de prendre en compte un besoin de simplification, mais aussi de lutte contre la précarisation.

La simplification résulte de l'hétérogénéité du système de protection sociale, et du régime fiscal français.

La lutte contre la précarisation tient au fait qu'une personne en situation de pluriactivité peut difficilement accéder au logement, ou faire un emprunt pour acheter une automobile ou une maison.

L'idée de départ serait de créer une structure qui embauche tous les travailleurs pluriactifs, et leur assure ainsi la jouissance d'un contrat de travail unique, comme salarié.

On ne peut aller aussi loin, car il est difficile de concevoir un montage juridique par lequel un agriculteur pourrait se recruter lui-même, via une structure intermédiaire, comme salarié pour travailler sur sa propre exploitation, sans surcoût important. Il faudrait qu'il supporte intégralement le coût de sa mise à disposition auprès de son exploitation, car la somme qu'il aurait à verser, en tant qu'employeur, à une structure externe pour recruter un salarié, serait supérieur à la somme qu'il récupérerait en tant que salarié. En outre, il aurait à acquitter deux fois les charges fiscales : une fois comme employeur, une fois comme salarié.

Dès lors, on ne peut qu'en revenir à l'idée d'une structure qui aurait deux fonctions : d'une part, unifier la gestion des activités salariées du pluriactif, en prévoyant pour ces activités là un cadre commun ; d'autre part, aider à la gestion des complexités qui résultent de la combinaison d'activités salariées, et d'activités non salariées, sachant que ce cas est déjà partiellement couvert par le code de la sécurité sociale à l'article L. 615-4.

Cet article indique que : « Les personnes exerçant simultanément plusieurs activités dont l'une relève de l'assurance obligatoire des travailleurs non salariés des professions non agricoles sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités. Toutefois, le droit aux prestations n'est ouvert que dans le régime dont relève leur activité principale. » Les articles R. 615-3 et R. 615-4 précisent ce critère de l'activité principale : il s'agit de l'activité non salariée, sauf si « l'intéressée a accompli, au cours de l'année de référence, au moins 1 20 lucratif.

Il paraît donc difficile d'imaginer la construction d'un cadre juridique alternatif à celui du travail temporaire en se privant des perfectionnements successifs qui ont été apportés à ce cadre juridique depuis trente ans.

Cette contrainte écarte toutes les solutions confiant la mission de gérer les pluriactifs à des organismes qui ne sont pas déjà spécialisés dans l'activité de mise à disposition de la main d'œuvre.

Il convient donc soit de définir un cadre juridique pour une mission de service public, et d'en confier l'exécution, après appel d'offre, à une société de travail temporaire, avec le risque que la mission soit plus ou moins bien remplie, soit de créer une structure nouvelle qui s'autofinancerait grâce à une activité rémunérée d'offre de travail temporaire.

Il s'agit en tous cas d'instaurer un dispositif qui utiliserait le moule du travail temporaire, mais qui l'élargirait pour prendre en compte deux dimensions :

- d'abord une dimension complémentaire de conseil, mettant en application la disposition de l'article 59 de la loi sur la montagne, qui précise que : « Afin de préserver les intéressés des excès de complexité que peut engendrer la pluralité des régimes de protection sociale dans les zones de montagne au sens de la présente loi, les organismes de sécurité sociale mettent en place des guichets uniques d'information et de conseil destinés aux travailleurs pluriactifs. » ;

- ensuite une dimension sociale, avec le souci de pouvoir apporter une assistance financière temporaire aux travailleurs mis en situation difficile du fait même des complexités de la pluriactivité.

Pour assurer une véritable couverture de ces besoins tout en conservant à l'organisme chargé du soutien des pluriactifs un statut d'entreprise de travail temporaire, il convient de lui donner une dimension publique de société d'économie mixte. Le modèle proposée est celui des SAFER (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural), définies par les articles L.141-1 et suivants du code rural.

Les « sociétés de gestion de la pluriactivité » sont comme les SAFER à but non lucratif. Les excédents dégagés par l'activité économique d'offre de travail temporaire sont utilisés pour des interventions sociales au service de la correction des effets de la pluriactivité (Cf. Annexe B du chapitre).

Il convient de noter que la centralisation des informations recueillies sur la situation des pluriactifs au sein des « sociétés de gestion de la pluriactivité » permettra une gestion beaucoup plus fine de l'intervention sociale, car en meilleure connaissance de cause. Il est même possible d'envisager que cette structure bien informée puisse dev n'empêchera nullement le maintien d'une activité non salariée d'appoint.

Le champ de la clientèle des SGP sera cependant limité, puisque les SGP auront un champ géographique limité d'intervention, qu'on peut imaginer être celui du massif territorial pour les zones de montagne, afin de l'étendre à un bassin d'emploi cohérent d'un point de vue économique.

Quel intérêt poussera les entreprises à avoir recours aux SGP ?

D'abord, elles ne pourront guère faire autrement, puisque la main d'œuvre locale est de taille limitée. Ensuite, elles bénéficieront directement de l'effort de formation qu'effectueront les SGP, effort qu'elles pourront même piloter en entrant dans la structure de la société d'économie mixte. Enfin, elles se trouveront ainsi déchargées d'obligations relatives à la médecine du travail, comme notamment la visite d'embauche prévue par l'article R. 241-48 du code du travail, qu'il est souvent difficile d'organiser d'un point de vue pratique dans les conditions des activités saisonnières ; en effet, l'article L. 124-4-6 précise que « les obligations afférentes à la médecine du travail sont ... à la charge de l'entrepreneur de travail temporaire ».

La création des SGP aura un impact en termes de concurrence sur les autres sociétés de travail temporaire, notamment en ce qui concerne la formation des salariés proposés pour les missions. La concurrence jouera également, à qualification équivalente, sur les prix. Les SGP seront elles-mêmes stimulées par ce contexte concurrentiel.

Mais au départ, les SGP se constitueront en s'appuyant sur la participation au capital d'une société de travail temporaire, et éventuellement d'un cabinet de conseil juridique en droit du travail et en droit de la sécurité sociale. (4)

La mission d'information a souhaité que la mise en place des SGP s'effectue dans un cadre d'évaluation relativement rigoureux de manière à pouvoir supprimer ces structures si elles ne rendent pas le service souhaité. Le critère choisi d'efficacité consiste en la capacité à atteindre un taux de 50 % d'employés occupés à temps plein au terme de la troisième année de fonctionnement.

ANNEXES AU CHAPITRE III

A.- GROUPEMENTS D'EMPLOYEURS ET PERSONNES PUBLIQUES

Il est impossible d'inclure directement une personne morale de droit public au sein d'un groupement d'employeurs :

- d'abord, pour des problèmes d'application du droit du travail et de couverture sociale, puisque le groupement d'employeur est au départ prévu pour le cas d'entreprises entrant dans le champ d'application d'une m&ec «  sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont ... occupés soit par des fonctionnaires  » ;

- enfin la présence, au sein d'un groupement d'employeurs de plusieurs personnes morales de droit public, créerait des circuits nouveaux de passage de l'une à l'autre de celles-ci, qui peuvent être organisées par ailleurs (détachement, mise à disposition).

On ne peut donc envisager d'avancer que sur la situation :

- d'une seule personne morale de droit public face à un groupement d'employeurs privés ;

- pour une mise à disposition à sens unique, de la personne morale de droit public vers le groupement d'employeurs privés, les bénéficiaires de cette mise à disposition bénéficiant du maintien de leur statut au sein de la personne morale de droit public.

Cette situation est dérogatoire au droit de la « mise à disposition » qui normalement ne peut se faire qu'en direction d'une autre personne morale de droit public. L'article 21 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt, qui a créé le troisième alinéa de l'article 25 de la loi du 26 janvier 1984, adopté à l'initiative du rapporteur François Brottes, a déjà créé une exception à cette règle.

L'adaptation législative proposée élargit le champ de cette exception en reprenant son principe, tout en laissant inchangé le cas où la personne morale de droit public est une collectivité territoriale.

C'est surtout le dispositif de remboursement des personnes morales de droit public qui est étendu ici, car la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale a d'ores et déjà généralisé, pour les « agents publics », le droit d'exercer une activité privée lucrative, à côté de leur emploi s'ils occupent celui-ci à temps non complet.

Cette exception ne peut concerner que les agents chargés des tâches d'exécution (relevant de la catégorie C dans la fonction publique), afin de limiter le risque de collusion d'intérêt.

L'activité privée annexe doit être exercée sur le territoire d'une commune de moins de 2000 habitants.

Dispositif

Après l'article L. 127-7 du code du travail, il est inséré l'article L. 127-7-1 ainsi rédigé :

Cette disposition n'est pas applicable aux collectivités territoriales, sauf dans les cas et les conditions prévus au troisième alinéa de l'article 25 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. »

B.- CRÉATION DES SOCIÉTÉS DE GESTION DE LA PLURIACTIVITÉ

Il est inséré, au chapitre IV du titre II du livre Ier du code du travail, un article L.124-24 ainsi rédigé :

<< I. - Dans les zones de montagne définies par les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, des sociétés de gestion de la pluriactivité peuvent être constituées pour offrir aux personnes exerçant habituellement plusieurs activités professionnelles au cours d'une même année un cadre unique de rattachement pour l'ensemble de ces activités effectuées sous le régime du salariat.

Les collectivités publiques, les personnes morales représentatives des intérêts économiques, environnementaux et sociaux à caractère rural, ainsi que tous les établissements ou entreprises qui ont un intérêt à une meilleure gestion locale de la pluriactivité, peuvent participer à leur capital social, qui doit être de 37 000 euros au moins, conformément aux dispositions de l'article L. 224-2 du code du commerce.

Elles fonctionnent pour tout ce qui concerne leur gestion courante dans le cadre des dispositions du titre II du livre V du code général des collectivités territoriales relatives aux sociétés d'économie mixte locales.

II. - Les sociétés de gestion de la pluriactivité respectent les dispositions du livre Ier, titre II, chapitre IV du code du travail relatives au travail temporaire, en veillant particulièrement à assurer l'effort de formation mentionné à l'article L. 124-21.

Elles passent avec les salariés concernés des contrats de travail qui tiennent compte de la saisonnalité des autres activités qu'ils peuvent par ailleurs exercer à leur propre compte. Elles leur apportent en ce cas un conseil juridique et pratique pour l'accomplissement des formalités sociales et fiscales, ainsi que pour la reconnaissance de leurs droits à prestation sociale et au logement. Elles organisent à leur intention des plans de formation ciblés sur les spécificités des métiers qu'ils sont appelés à exercer.

Plus généralement, elles offrent aux personnes en situation de pluriactivité qui le souhaitent une prestation de conseil juridique et de suivi difficultés temporaires directement liées à leur situation de pluriactivité.

III. - Les sociétés de gestion de la pluriactivité doivent être agréées par le ministre chargé de l'aménagement du territoire, le ministre chargé du travail, le ministre chargé de la sécurité sociale, et le ministre chargé de l'économie et des finances. Elles ne peuvent employer que des salariés domiciliés dans une certaine zone d'action, définie par la décision d'agrément.

Leurs statuts doivent prévoir la présence dans leur conseil d'administration, pour un quart au moins de leurs membres, de représentants des conseils régionaux, généraux et municipaux de leur zone d'action.

IV. - Au terme de sa troisième année de fonctionnement, chaque société de gestion de la pluriactivité fait l'objet d'une évaluation par le ministre chargé de l'aménagement du territoire, le ministre chargé du travail, le ministre chargé de la sécurité sociale, et le ministre chargé de l'économie et des finances. Cette évaluation vise notamment à déterminer quelle est la part des personnes employées par la société de gestion de la pluriactivité bénéficiant d'une occupation à taux plein.

Si cette part est sensiblement inférieure à la moitié des personnes employées, la société de gestion de la pluriactivité est dissoute.

V. -  En cas de dissolution d'une société de gestion de la pluriactivité, l'excédent de l'actif, après extinction du passif, des charges et amortissement complet du capital, est dévolu à d'autres sociétés de gestion de la pluriactivité ou, à défaut, à des organismes ayant pour objet d'accorder un soutien aux travailleurs pluriactifs. Les propositions de l'assemblée générale relatives à cette dévolution sont présentées à l'agrément conjoint du ministre chargé de l'aménagement du territoire, du ministre chargé du travail, du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l'économie et des finances, ainsi que, le cas échéant, du ministre chargé des départements d'outre-mer.

VI -  Les conditions d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, qui prévoit notamment les contrôles auxquels les sociétés de gestion de la pluriactivité sont soumises. >>

CHAPITRE IV :
LES SERVICES À LA POPULATION

Le maintien des services à la population constitue un point clef de la politique de la montagne, s'il n'est sa question essentielle. Car la disparition progressive de ces services dans les campagnes d'altitude est source à la fois d'injustice sociale et d'appauvrissement national.

L'injustice sociale résulte de ce que ce processus détériore les conditions de vie d'une population qui fournit pourtant à sa manière une contribution précieuse à la collectivité, en participant à l'entretien des espaces naturels, et en assurant dans ces espaces un minimum de présence humaine qui a pour effet de rendre plus accessibles, pour les tiers en visite occasionnelle, les richesses environnementales préservées de la montagne.

L'appauvrissement national tient à ce que tout territoire retournant, au terme du processus de désertification, à l'état sauvage, même s'il était de toute façon intégré à une zone protégée, perd une partie de son potentiel touristique, car son accès plus difficile réduit le nombre des personnes pouvant profiter de son patrimoine naturel, un filtrage s'opérant alors automatiquement sur des critères de condition physique et de niveau de revenu.

Le cœur du processus de désertification est constitué par un cercle vicieux : la diminution de la population réduit la rentabilité des activités de service, car leurs coûts fixes ne peuvent plus être amortis sur un volume suffisant d'opérations ; il s'ensuit un ajustement à la baisse de l'offre de service, qui accroît l'inconfort de la vie locale, ce qui a pour effet d'accélérer le départ de la population.

Ce phénomène ne touche pas spécifiquement la montagne, mais plus largement les zones rurales, puisqu'il se manifeste dès lors que la densité de la population passe en deçà d'un certain seuil. Il ne concerne pas toutes les zones de montagne, car les zones touristiques, plus fréquentées, ont un peu moins de difficultés pour maintenir l'offre de services à la population.

L'expérience prouve qu'il ne faut guère compter sur la seule régulation institutionnelle pour l'enrayer, et c'est sans doute dans une approche plus économique, en jouant sur les rouages mêmes du processus de désertification, qu'il convient plutôt de rechercher des solutions.

I.- LES LIMITES DE LA RÉGULATION INSTITUTIONNELLE

La reprise de la tendance au retrait des services à la population après la fin du moratoire décidé de 1993 à 1998, l'échec des « commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics », montrent que le problème du maintien des services à la population ne se trouve pas dans des tentatives pour restaurer, par la seule concertation, la prééminence de l'objectif de solidarité territoriale sur l'objectif de rentabilité. Même les proc&e 1993, un « moratoire des services publics ».

Ce moratoire, organisé par les deux circulaires des 10 et 29 octobre 1993, concernait toutes les communes dont la population ne dépassait pas 2 000 habitants, et visait tous les services publics de proximité de l'Etat, comme par exemple l'éducation nationale et les entreprises publiques placées sous la tutelle de l'Etat et chargées d'une mission de service public de proximité, comme La Poste, Électricité de France ou France Télécom. Il n'empêchait cependant pas les réorganisations internes qui n'avaient pas d'effet sur les services ou bureaux en contact avec le public.

A la suite de ce moratoire, la Poste notamment s'est engagée à une politique de « zéro fermeture » pendant la durée du contrat de plan 1995-1997.

Le moratoire, qui était incompatible à la longue avec les contraintes de gestion des organismes concernés, a été levé en décembre 1998.

2. Les commissions départementales des services publics

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a préparé la sortie du « moratoire » en généralisant les « commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics », qui avaient jusque là fonctionné dans le cadre spécifique de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (article 15). Ces commissions départementales, où sont représentées les collectivités locales, les services publics, les associations d'usagers, ainsi que les organismes consulaires ou professionnels, doivent être consultées au cours de l'élaboration d'un « schéma départemental d'organisation et de modernisation des services publics » arrêté par le Préfet du département.

Par ailleurs, la loi a prévu une procédure pour le cas des fermetures envisagées par des établissements, organismes ou entreprises publics, lorsque ces fermetures ne sont pas conformes aux objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers fixés dans leur contrat de plan : elles doivent être impérativement précédées d'une étude d'impact, soumise à l'avis de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics ; le représentant de l'Etat dans le département peut formuler des demandes d'adaptation ; si ces demandes sont rejetées, le représentant de l'Etat peut saisir le ministre de tutelle concerné ; la saisine du ministre a un effet suspensif sur la fermeture.

Les détails de cette procédure ont été précisés par deux circulaires du Premier ministre du 12 juillet 2000.

3. Les commissions départementales de présence posta départementale de présence postale territoriale, et ceux de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics.

Les bilans adressés par les préfectures permettent de dresser un constat globalement positif de l'action des CDPPT, malgré certaines disparités tenant à des éléments locaux (personnalité du président ou du directeur départemental de La Poste, savoir-faire des partenaires pour trouver des solutions, rythme des convocations,...). Les situations les plus favorables, rencontrées dans quelques départements, se traduisent par la tenue de quatre ou cinq réunions dans l'année. Les CDPTT se sont ainsi réunies 149 fois en 2000, et 138 fois en 2001.

Le climat de fonctionnement des CDPPT est généralement bon. Ces contacts entre la Poste et les élus favorisent le maintien et l'amélioration de relations de qualité dans les départements, et concourent à la mise en œuvre de solutions négociées et adaptées aux besoins de la population.

Depuis la mise en place des CDPPT, les propositions de fermeture d'établissements ont été rares (une vingtaine environ), et n'ont pas soulevé de difficulté particulière, des accords de substitution ayant été trouvés. Aussi, les délibérations, au départ centrées sur l'évolution du réseau, ont été élargies à des questions d'organisation, comme le regroupement des tournées de distribution, ou la réduction de l'amplitude des heures d'ouverture de certains bureaux durant la période estivale.

Cette action de concertation est relayée désormais au plan national par une réunion annuelle des présidents de CDPPT ; les deux premières se sont tenues respectivement en juin 2000 et octobre 2001.

B.- LE BESOIN D'UNE APPROCHE NOUVELLE

Les solutions explorées jusqu'à présent ayant démontré leur faible efficacité, le traitement de la question des services à la population relève manifestement moins d'une amélioration des procédures actuelles que de leur refondation.

1. Une situation toujours insatisfaisante

Il faut bien constater l'échec de ces procédures actuelles de régulation institutionnelle puisque la question du maintien des services publics en zone de montagne, et plus largement, en zone rurale, reste d'actualité. Le flux ininterrompu des questions parlementaires sur ce thème en fait foi.

De fait, les instances de concertation, commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, commissions départementales de présence postale territoriale, semblent avoir fonctionné comme des relais de communication auprès des responsables locaux pour justifier l'effort de rentabilité mené par les services publics, plutôt que comme des vé son compte l'idée, soutenue également par la commission permanente du Conseil national de la montagne, d'un élargissement de la liste des « services » devant faire l'objet de procédures de sauvegarde particulières en zone de montagne.

Cet élargissement nécessite l'aménagement de la liste des activités déclarées « d'intérêt général » à l'article 55 de la loi sur la montagne, mais suppose aussi une modernisation de l'article 16 relatif aux services de télécommunications.

En effet, l'article 16 soulignait en 1985 que des aménagements spécifiques devaient être prévus pour permettre aux zones de montagne d'accéder dans des conditions correctes à la radio et à la télévision. Or, le même problème de handicap géographique se pose aujourd'hui dans des termes identiques avec la couverture en téléphonie mobile et en Internet haut-débit. Indépendamment des efforts menés par les gouvernements successifs pour réduire la « fracture numérique », qui ont visé pour l'essentiel à mobiliser les ressources nécessaires à la mise en place des infrastructures techniques (Cf infra), il paraît important de compléter la rédaction de l'article 16 par l'alinéa suivant, qui autorise une souplesse réglementaire ayant pour effet d'élargir le champ des solutions techniques possibles :

« Des aménagements techniques particuliers peuvent également être autorisés, en zone de montagne, pour assurer le fonctionnement des moyens de télécommunications dans les meilleures conditions économiques. »

S'agissant de l'article 55, il déclare d'ores et déjà, comme relevant de l'intérêt général, l' « équipement commercial » et l' « artisanat de services ». Or même si ces deux notions sont assez larges, elles ne couvrent pas toutes les formes d'activités contribuant à un confort de vie minimum des populations, et en particulier celles liées à l'assistance médicale.

La moyenne du délai d'une intervention médicale est de 10 minutes en zone urbaine, et de 20 minutes en zone rurale. Il paraît donc essentiel de préserver un maillage suffisant d'assistance de santé en montagne, s'appuyant au besoin sur un travail en collaboration des différents métiers concernés : médecins, émissaires du SAMU, pompiers, ambulanciers. En la matière, le statut public ou privé des participants compte moins que le besoin d'assurer une présence médicale minimale.

Il apparaît donc nécessaire d'inclure les services privés de santé au nombre des activités relevant de l'intérêt général en zone de montagne, puisqu'ils sont appelés à y fonctionner plus en coopération qu'en concurrence avec les structures publiques de santé. L'article 55 de la loi sur la montagne pourrait dès lors être ainsi rédigé :

Par ailleurs, la mission d'information suggère que la solution des cabinets multiples, récemment autorisés par le conseil de l'ordre, qui permet un exercice à temps partagé entre un cabinet en ville et un cabinet en zone rurale, soit encouragée.

S'agissant de l'« équipement commercial », la mission d'information a manifesté sa préoccupation vis à vis de l'installation des grandes surfaces, qui accélèrent la disparition des commerces de proximité en montagne. C'est pourquoi, elle préconise que toute autorisation d'installation de grandes surfaces accordée par la commission départementale d'équipement commercial soit confirmée par le comité de massif. La modification nécessaire du code de commerce pourrait prendre la forme de l'ajout d'un article L. 720-10-1 ainsi rédigé, de manière à couvrir aussi les implantations en « zones contiguës » :

« Lorsque le projet d'ensemble commercial concerné par l'autorisation prévue à l'article L. 720-5 doit s'implanter à l'intérieur de l'un des massifs visés à l'article 5 de la loi 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, cette autorisation n'est réputée acquise qu'après sa confirmation par une délibération du comité de massif compétent. Pour la préparation de cette délibération, la commission départementale d'équipement commercial transmet au comité de massif un rapport rassemblant les éléments sur lesquels elle a fondé son autorisation. »

Dans la proposition de nouvelle rédaction de l'article 55, la notion de « maintien de la vie locale », moins optimiste que celle d' « animation de la vie locale » utilisée dans la version en vigueur, souligne le fait que la déclaration d'intérêt général des activités en question s'inscrit dans une logique de résistance à la désertification. Cette précision fournit ainsi un fondement plus solide pour contester l'éventuelle absence de soutien des pouvoirs publics dans la lutte contre la disparition des services à la population, car l'enjeu devient dès lors clairement la survie des collectivités concernées, et non pas le plus ou moins haut degré d' « animation » de la vie locale.

3. La mise en jeu de la responsabilité de l'Etat

La mission d'information souhaite revoir en profondeur la procédure prévue en cas de carence des services à la population, en faisant jouer, à ce qui deviendrait la « commission départementale des services &ag d'Etat, sur la base de la violation de l'article 55 de la loi du 9 janvier 1985 relative à la montagne, et du principe constitutionnel de l'égalité des citoyens. La condamnation de l'Etat devrait en ce cas se traduire par le versement des ressources financières nécessaires à la réparation de la carence. (Cf annexe A du chapitre).

Cependant cette tentative pour réactiver et rendre enfin efficace la régulation institutionnelle ne doit pas empêcher d'essayer, par ailleurs, d'enrayer le phénomène dans ses mécanismes mêmes.

II.- LES CONDITIONS D'UNE RÉGULATION ÉCONOMIQUE

C'est en effet dans une approche plus économique, en jouant sur les rouages mêmes du processus de désertification, qu'il convient aussi de rechercher des solutions.

Les difficultés rencontrées pour le maintien des services à la population tiennent au niveau insuffisant d'efficacité de l'activité eu égard au volume des ressources mobilisées :

- pour les services fournis par des prestataires privés, cela se traduit par une diminution de la rentabilité qui conduit au risque de faillite ;

- pour les services pris en charge par des organismes publics, qui optimisent l'affectation des moyens disponibles sous l'effet de leurs contraintes budgétaires, cela se traduit par une réallocation des ressources vers les zones à densité de population plus forte.

Les solutions de nature économique consistent à modifier l'équilibre des charges et des recettes. Le maintien de la présence territoriale suppose alors nécessairement un apport de ressources complémentaires. Mais on peut aussi imaginer une approche plus prospective conduisant à réorganiser l'ensemble de l'administration publique sur le territoire national, de manière à promouvoir un mode de fonctionnement, adapté aussi bien aux zones peu denses qu'au reste du pays, qui serait alors fondé sur la dissociation entre la présence et l'efficacité des services à la population.

A.- LE MAINTIEN SOUTENU DE LA PRÉSENCE TERRITORIALE

Le rééquilibrage entre les charges et les recettes peut passer par un élargissement de la population visée, par une mutualisation des coûts de fonctionnement, ou plus radicalement par l'octroi d'une subvention.

1. L'élargissement de l'assiette géographique des activités

La mise en place de la fourniture de service à une échelle plus large s'appuie sur l'itinérance : soit le fournisseur de service est totalement mobile, comme les marchands ambulants ; soit il répartit son temps entre divers lieux d'activité comme les prêtres de campagne qui gèrent plusieurs paroisses. Il faut &eacut de fonctionnement

La voie de la mutualisation des coûts de fonctionnement a été ouverte par les articles 27 à 30 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui ont institué les « maisons de service public ». Celles-ci visent à réunir en un même lieu « des services publics relevant de l'Etat ou de ses établissements publics, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, des organismes de sécurité sociale ou d'autres organismes chargés d'une mission de service public ». Elles sont créées par une convention qui est approuvée par le représentant de l'Etat dans le département.

Les « maisons de service public » sont le résultat d'une expérimentation administrative de longue date, puisqu'elles prennent le relais des « points publics » apparus en 1992, et des « plates-formes de services publics » promues par circulaire en 1994.

Ce type de structure ne semble cependant pas encore connaître un développement suffisant pour deux raisons :

- d'une part, des difficultés de financement, qui pourraient, selon la commission permanente du Conseil national de la montagne, être résolues par une prise en charge dans le cadre de la convention interrégionale de massif. Les crédits du FNADT pourraient être mobilisés pour les frais de fonctionnement correspondant aux activités d'intérêt général, car ces « maisons » sont aussi susceptibles d'accueillir des activités privées. C'est une des difficultés endémiques de ces structures que de bénéficier plus facilement d'un financement pour leur création que pour leur fonctionnement courant ultérieur. La mise en place d'une prise en charge des maisons de service public au niveau des massifs pourrait être facilitée par l'organisation en « réseau » des maisons de service public à l'échelle du massif ;

- d'autre part, des difficultés de management, qui résulteraient de ce que la juxtaposition des structures relevant des divers services publics concernés se concilierait mal avec la formule très souple de désignation d'un « responsable » parmi les fonctionnaires travaillant sur place, bien que la convention organisant la maison de service public prévoie « les décisions que son responsable peut prendre dans le domaine de compétence de son administration ou signer sur délégation de l'autorité compétente ». Ce statut de « primus inter pares » du « responsable » ne serait donc peut-être pas assez fort.

On peut s'interroger sur la possibilité d'aller plus loin dans la mutualisation, en prévoyant le cas d'une polyvalence des agents de la maison de service public. En effet, se poserait alors un problème de compétence des agents appelés à intervenir dans des domaines très divers ayant chacun leur propre complexité, et aussi un problème de statut par rapport complémentaire des services privés : typiquement, le postier pourrait aussi fournir, à titre annexe, des services à la personne organisés par un groupe de commerçants sous le contrôle de la commune, pour du transport de vivres ou de médicaments. La procédure du contrat entre l'employeur privé et la personne morale de droit publique, évoquée dans le chapitre sur la pluriactivité, qui devient possible dès lors que l'agent n'occupe pas un poste à temps complet, pourrait fournir un cadre juridique approprié à ce type de solution pragmatique.

3. La subvention à l'échelon décentralisé approprié

La mise en place d'un mécanisme de subvention directe permet d'assurer la survie de tout type d'activités privées, comme par exemple les services de « transport à la demande » fournies par des entreprises de taxi, qui résolvent de manière efficace les problèmes de mobilité des populations les plus fragiles (personnes âgées, femmes seules, ou jeunes à la recherche d'emploi). Ils couvrent en effet bien le besoin de déplacements courts du village au bourg centre, pour faire les courses, se rendre à un rendez-vous médical, rendre visite à un membre de la famille à l'hôpital le plus proche, ou répondre à une convocation d'une administration.

Cependant cette formule de la subvention constitue aussi une piste pour le maintien de la fourniture de service public par des organismes autonomes comme la Poste, mais sous réserve de certaines précautions.

Pour mettre en évidence la manière dont le mécanisme de subvention directe doit fonctionner, il convient d'identifier les deux causes « économique » et « managériale », de la diminution de la présence territoriale de ce type d'organismes autonomes en zone peu dense :

- au niveau économique, l'organisme se trouve en situation de concurrence croissante sur les segments les plus rentables de son activité : concurrence directe en cas d'ouverture du marché, ou concurrence par substitution (la messagerie électronique remplace la lettre). La marge qui était dégagée sur ces segments rentables disparaît progressivement, ce qui tarie la source de péréquation interne qui s'effectuait au profit des segments non rentables. Par conséquent, il faut un complément financier pour assurer le surcoût du maintien du réseau dans les zones non rentables ;

- au niveau managérial : les missions d'intérêt général sont définies et partiellement dédommagées au niveau central ; par exemple, la Poste bénéficie, de par la loi du 2 juillet 1990, d'un abattement de 85 % sur les bases d'imposition de la fiscalité locale, « en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national, et de participation à l'aménagement du territoire ». Mais l'échelon local se trouve quant à lui géré selon des critères de performance classiques : il s'agit à ce niveau d'atteindre des object subventions croisées entre régions.

Il faut donc pour éviter cela déconcentrer la prise en charge des missions d'intérêt général, c'est-à-dire recréer des structures de gestion autonome de l'opérateur, à un niveau géographique correspondant à celui où les ressources complémentaires seraient apportées.

En fait, cela revient à effectuer l'effort de rationalisation à un niveau plus bas que le niveau national, donc d'aboutir à une structure certes moins performante du point de vue de la pure rentabilité, mais assurant en contrepartie une couverture de service plus large.

Tout le problème est de déterminer quel est le bon niveau pour cette déconcentration ; le massif semble constituer pour cela un bon candidat  : car il englobe une étendue du territoire assez vaste pour permettre des économies d'échelle, tout en assurant une proximité suffisante des autorités du massif vis à vis des besoins du terrain pour permettre une gestion adaptée de la part d'affectation des ressources liée au seul respect des missions d'intérêt général, en l'occurrence pour ce qui concerne la Poste, le « développement équilibré du territoire » visé à l'article 1er du code des postes et télécommunications. A l'échelle du massif, les excédents dégagés par les segments rentables seraient ainsi suffisamment conséquents pour réduire le besoin de financement externe nécessaire au maintien des segments non rentables.

A contrario, le niveau communal ou intercommunal, auquel se situe la mise en place des « agences postales », en vertu de l'article 29-1 de la loi n° 95-115-du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, paraît moins bien adapté pour opérer cette forme de déconcentration, puisque dans ce cas aucun effet d'échelle n'est possible, et la commune doit supporter intégralement le poids financier du maintien de l'activité postale sur son territoire.

Il semble donc possible d'imaginer que certains services publics fassent l'objet d'une fourniture dans le cadre d'une « convention de massif » passée avec les opérateurs publics nationaux, au travers de laquelle ceux-ci seraient subventionnés par les instances de massif pour maintenir, voire étendre, leur réseau dans le massif.

Un tel montage nécessiterait sans doute l'aval de la Commission européenne puisqu'il pourrait s'assimiler à une aide publique aux opérateurs concernés. Au besoin, sur un marché régulé comme celui des télécommunications, le choix de l'opérateur pourrait d'ailleurs se faire par appel d'offre, avec des enchères négatives sur la subvention demandée.

Le risque serait évidemment que ces conventions soient considérées par les opérateurs bénéficiaires moins comme une « incitation à agir » que comme une occasion de « capture la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, et de l'article L. 518-25 du code monétaire et financier.

B.- LA DISSOCIATION ENTRE PRÉSENCE ET EFFICACITÉ DU SERVICE

A l'inverse d'une approche qui viserait à préserver directement la présence territoriale des services publics, on peut imaginer une autre manière de traiter le handicap que subissent les zones de montagne dans ce domaine : celle consistant à généraliser sur l'ensemble du territoire national un mode de fonctionnement des services publics adapté aux zones peu denses. Cette voie peut paradoxalement conduire elle aussi à un renforcement de la présence physique des services publics en montagne.

1. La perspective de « l'administration électronique »

Cette approche consiste à dissocier les problèmes de la présence et de l'efficacité du service public en développant « l'administration électronique » dans l'ensemble du pays.

Le Gouvernement s'inscrit clairement dans cette perspective, comme l'a indiqué le Premier ministre en annonçant, le 12 novembre 2002, le plan RE/SO 2007 pour une « République numérique dans la société de l'information », ou en présentant le 13 décembre 2002, les orientations définies par le CIADT.

Il s'agit de substituer à une présence physique systématique des services publics un accès permanent en ligne qui garantisse au citoyen une très grande qualité des réponses à ses besoins d'information, tant en termes de réactivité qu'en termes de sécurité juridique. D'ores et déjà, il lui est possible d'effectuer sa déclaration d'impôt sur le revenu en ligne, par exemple.

Ce nouveau mode de prestation s'accompagne d'une réorganisation des administrations centrales et de leur localisation afin de concentrer les capacités opérationnelles en ligne (le « back office »), ce qui permet d'alléger la présence directe au contact des usagers (le « front office »).

Dans la mesure où cette démarche serait conduite à l'échelle de l'ensemble du pays, l'allègement général de la présence des services publics pourrait paradoxalement dégager les moyens, par réaffectation, d'un renforcement de cette même présence dans les zones où le maintien d'un contact humain très riche paraît le plus nécessaire, et au premier chef, dans les zones peu denses de montagne.

2. Le préalable de la résorption de la « fracture numérique »

Évidemment, pour participer à cette évolution, les zones de montagn style="text-align: justify">- d'abord, les avancées technologiques de la distribution via le réseau d'électricité, que ce soit sous la forme du portage de fibre optique ou du courant porteur en ligne ; à cet égard, il conviendra de lever le principe législatif de spécialité attaché à l'utilisation du « Réseau de transport d'électricité » ;

- ensuite, l'avancée concernant la fiscalité du recours à une distribution de l'Internet à haut débit par satellite ; l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 2002 a prévu une base forfaitaire « métropolitaine ou régionale » pour la redevance d'utilisation de la fréquence, au lieu des « 305 euros par site » ; le décret d'application n° 2003-392 du 18 avril 2003 est paru au Journal officiel le 26 avril 2003 ;

- enfin, la modification de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, qui est devenu l'article L. 1425-1 dans le projet de loi encore en discussion sur la confiance dans l'économie numérique. Il autorise les collectivités locales à intervenir en tant qu'opérateur de télécommunications en cas de carence de l'initiative privée. Cela ne constitue pas en soi une solution pleinement satisfaisante, même si des aides de la Caisse des dépôts et consignations sont prévues par ailleurs, puisqu'elle repose sur le principe que ce serait les communes qui subissent le handicap le plus important qui auraient à fournir l'effort de mise à niveau le plus lourd.

S'agissant de la couverture en téléphonie mobile, un programme de recensement des zones concernées et de choix de la solution appropriée à chaque cas, pylône commun ou itinérance locale, est en cours de réalisation sur la base de l'accord du 23 septembre 2002 entre l'Etat et les trois opérateurs concernés. Les modalités de ce programme font l'objet d'une disposition du projet de loi en discussion sur la confiance dans l'économie numérique.

3. Le rôle médiateur des « délégués à l'orientation du public »

En dépit de cette perspective incontournable d'une numérisation croissante de l'accès aux services publics, il est évident que le « cyber-montagnard » n'est, dans le meilleur des cas, qu'une figure du futur lointain. Même une fois raccordés, beaucoup d'habitants de la montagne n'auront pas une maîtrise telle de l'Internet qu'ils pourront se passer d'une médiation humaine dans leurs démarches administratives.

Cette médiation humaine est plus nécessaire en montagne qu'ailleurs, puisque, au-delà d'une assistance d'ordre technique, elle procure l'occasion d'un échange avec un interlocuteur de chair et d'os, dans un contexte où la tendance à la désertification rend plus rare, et donc plus précieux encore, le contact avec autrui.

Cela ju 160;délégués » aideraient les usagers dans leurs démarches, et utiliseraient toutes les ressources en ligne du « Back Office » pour répondre aux questions, et accomplir les formalités. Dans le cas où ils seraient sollicités sur des problèmes d'ordre économique relevant des chambres consulaires, ils sauraient identifier la nature de la demande, et « orienter » l'usager vers le bon interlocuteur.

Institutionnellement, leur polyvalence et leur rôle d'interlocuteur au niveau local en feraient plutôt des fonctionnaires de la préfecture ; de fait, leur statut serait assez proche de celui des « attachés de préfecture ». Leur statut particulier, qui devrait être défini par décret en Conseil d'Etat, conformément à l'article 8 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, pourrait être précisé en complétant simplement le décret n° 97-583 du 30 mai 1997 relatif au statut particulier des directeurs, attachés principaux et attachés de préfecture.

Le corps des « délégués à l'orientation du public » devrait être recruté parmi les membres déjà expérimentés des trois fonctions publiques, à l'issue d'un concours vérifiant leur polyvalence. Des cycles de formations internes seraient mis en place pour faciliter ce recrutement par redéploiement.

ANNEXES AU CHAPITRE IV

A.- PROCÉDURE DE RECOURS EN CAS DE CARENCE

Cette procédure s'appuie sur la nouvelle définition des activités d'intérêt général donnée à l'article 55 de la loi sur la montagne, définition qui fixe aussi l'objectif du « maintien de la vie locale ».

Dans la mesure où elle concernerait exclusivement les zones de montagne, elle est décrite à l'article 15 de la loi du 9 janvier 1985, le dispositif complexe et peu opérationnel créé par les articles 28 et 29 de la loi du 4 février 1995 étant laissé en l'état pour les zones du territoire ne relevant pas de la montagne.

Une simple coordination est prévue entre les deux dispositifs, pour signaler qu'en montagne, la commission des services à la population joue le rôle dévolu à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics.

La nouvelle procédure de recours s'inspire du dispositif prévu par les articles 226 à 228 du traité instituant la Communauté européenne, en cas de manquement d'un état membre à une des obligations qui lui incombent en vertu du dit traité.

La participation du délégué du Médiateur de la République à la procédure est inscrite dans la loi du 3 janvier 1973.En cas de carence d'une activité publique ou privée essentielle au maintien de la vie locale, cette commission est réunie par le représentant de l'Etat dans le département à l'initiative d'une communauté de communes, ou sur la demande conjointe d'au moins deux communes faisant partie du même canton.

Elle est présidée par le délégué du Médiateur de la République.

Elle transmet sa délibération au comité de massif, qui, s'il confirme la carence, émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis l'Etat, en la personne du préfet coordonnateur de massif, en mesure de présenter ses observations.

Si, au terme de l'année qui suit la transmission de son avis motivé, le comité de massif constate la persistance de la carence, il peut engager devant le Conseil d'Etat une action en responsabilité contre l'Etat, en indiquant le montant de la somme forfaitaire, ou de l'astreinte, à payer par l'Etat qu'il estime adapté aux circonstances. ».

II. L'article 28 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 est ainsi modifié :

Après les mots :

« la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics, »,

insérer les mots :

« ou en zone de montagne, la commission départementale des services à la population ».

III. Après le troisième alinéa de l'article 6-1 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, insérer l'alinéa suivant :

« Ils président les délibérations des commissions départementales des services à la population, lorsque celles-ci sont réunies en cas de carence des activités essentielles au maintien de la vie locale, dans les conditions prévues par l'article 15 de la loi 85-30 du 9 janvier 1985. »

B.- PROBLÈME DE L'INSTALLATION DES MÉDECINS EN MONTAGNE

Voici l'échange que le président de la mission d'information, M. François Brottes, a eu avec le docteur Jean-Dominique Laporte, vice-président de l'association « Médecins de montagne », lors d'une réunion de présentation des travaux de la mission d'information, le 5 juin 2003.

« Le docteur Jean-Dominique Laporte réagit à l'idée de la mise en place de mesures contraignantes pour assurer une présence minimale de personnel médical en zone de montagne, en expliquant qu'une négociation des syndicats professionnels de médecins avec la caisse n family: 'Arial'; font-size: 10pt">La réussite de ce dispositif est subordonnée à un soutien des collectivités locales dans la mesure où l'installation des cabinets médicaux se heurte au manque de disponibilités foncières et immobilières. Certaines communes comme Val d'Isère sont allées jusqu'à préempter des terrains pour résoudre ce problème.

M. François Brottes s'interroge sur les conditions dans lesquelles il est possible d'attirer des médecins une fois que les locaux nécessaires sont disponibles.

Le docteur Jean-Dominique Laporte indique que le contrat de pratique professionnelle comporte en contrepartie de l'aide accordée l'engagement de fournir un service à la population. Cet engagement porte sur la formation professionnelle, la participation à des tours de garde, une présence médicale.

M. François Brottes souligne le risque que ce type de contrat ne suscite aucune candidature, et demande comment on peut éviter des mesures de réquisition.

Le docteur Jean-Dominique Laporte signale le caractère délicat de ce type de mesures dans le contexte actuel, marqué par la concurrence des hôpitaux qui recrutent pour les services d'urgence, alors que le flux des nouveaux praticiens est réduit. Ceux-ci préfèrent évidemment le confort de vie que procure l'exercice en hôpital à la pratique dans des zones quasiment désertes de montagne.

Des aides financières pourraient être efficaces si elles facilitaient l'installation matérielle, et si par ailleurs, elles soutenaient la mise en place de réseaux de professionnels de l'urgence, afin que les nouveaux venus n'aient pas peur d'avoir à affronter seuls des situations d'urgence. Elles devraient également concerner l'organisation des remplacements. Elles devraient enfin favoriser la création de cabinets multiples, récemment autorisés par le conseil de l'ordre, qui permettent un exercice à temps partagé entre un cabinet en ville et un cabinet en zone rurale.

M. François Brottes constate la difficulté pour mettre en œuvre des solutions, alors même que le maintien d'une présence médicale constitue l'une des principales revendications des populations de montagne.

Le docteur Jean-Dominique Laporte signale que la carence ne concerne pas seulement le monde médical, mais aussi les services d'urgence des pompiers, du fait d'un dramatique tarissement du volontariat. Or des pompiers suffisamment formés, et qui pourraient d'ailleurs être alors des professionnels et non plus des bénévoles, seraient susceptibles d'apporter des premiers secours suffisants, et de transporter ensuite les patients vers les cabinets médicaux bien équipés des stations.

M. François Brottes observe que ces questions auront vocation à plutôt être abordées dans un projet de loi sur la sécurité civile, en cours d'élaboration.

La montagne constitue une zone assez particulière du point de vue de l'urbanisme et de la structure foncière, puisqu'elle forme un espace géographique soumis à de fortes contraintes en matière de construction, et que la propriété foncière s'y trouve encore assez fortement morcelée, notamment dans le secteur forestier.

Les contraintes en matière de construction tiennent en premier lieu aux surcoûts imposés par l'altitude : la rigueur du climat réduit la période de l'année pendant laquelle les travaux sont possibles, et oblige à concevoir des bâtiments plus résistants au froid et au poids de la neige ; la pente des terrains complique le creusement des fondations, et accroît les difficultés d'acheminement des matériaux et des équipes de chantier. Au total, on estime à environ 30 % les surcoûts induits par la construction en montagne.

Cependant, l'espace montagnard se trouve également contraint par des règles visant à protéger son patrimoine naturel très original. La protection de la faune et de la flore a en effet conduit à des procédures de classements divers, comme les parcs naturels nationaux ou régionaux, ou encore, plus récemment, les périmètres définis dans le cadre du programme communautaire Natura 2000.

La crainte du « mitage », c'est-à-dire de la destruction des paysages par l'implantation anarchique de constructions, a par ailleurs donné naissance, au travers de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, à la mise en place d'un régime particulier d'urbanisme en zone de montagne, dont le dispositif central repose sur le principe de continuité d'urbanisation défini à l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.

Les adaptations législatives souhaitées par la mission d'information en matière d'urbanisme visent donc à essayer de trouver un juste équilibre entre les besoins de développement de la population locale, qui passe souvent par des constructions nouvelles pour l'habitation ou l'exploitation d'une activité, et les légitimes précautions qu'il convient de prendre pour ne pas porter atteinte à l'espace agricole et aux paysages.

En matière foncière, elles visent surtout, à côté des mesures facilitant les regroupements forestiers, à donner aux maires les moyens d'une meilleure maîtrise de l'aménagement de l'espace communal.

I.- LA RECHERCHE DE COMPROMIS EN MATIÈRE D'URBANISME

Les difficultés rencontrées sur le terrain en matière d'urbanisme se focalisent pour l'essentiel autour de l'application de deux « principes » : le principe de « continuité », et le principe de « réciprocité ». Dans les deux cas, des aménagements directs des dispositions législatives concernées semblen principe constitue le cœur du dispositif rajouté au code de l'urbanisme par la loi du 9 janvier 1985, qui a inséré un chapitre V intitulé « dispositions particulières aux zones de montagne ». Il est formulé dans l'article L. 145-3 de ce code : « l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants ».

Ce texte autorise a priori par lui-même une certaine souplesse, puisqu'un « hameau » constitue une entité fréquemment rencontrée dans les zones de montagne faiblement peuplée. Cependant l'imprécision du terme « hameau » a conduit à une interprétation très restrictive de cette souplesse par les services de l'Etat chargés, en l'absence de documents locaux d'urbanisme, de délivrer les permis de construire ; et l'arrêt du Conseil d'Etat « Commune de Saint-Gervais », du 5 février 2001, a fourni une assise à cette prudence extrême, en indiquant que le « hameau » doit être composé de bâtiments suffisamment proches les uns des autres pour être considérés comme groupés, une distance de 30 mètres étant considérée comme trop importante. Or les municipalités de montagne se trouvent souvent désarmées, en raison de la faiblesse de leurs moyens techniques, face aux interprétations du code de l'urbanisme imposées par les services de l'Etat.

La mission d'information a donc souhaité un aménagement de la définition du principe de continuité, qui l'a amené à soutenir, lors de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, un amendement visant à ajouter les « constructions  » à côté des « hameaux » (voir l'annexe B de ce chapitre). Cet amendement, déposé par des membres de la mission d'information, MM. Jean Proriol, rapporteur du projet de loi, Francis Saint-Léger, Jean-Marie Binetruy, et adopté par l'Assemblée nationale, a été finalement introduit dans le texte définitif sous la forme de l'ajout des « groupes de constructions » à coté des « hameaux ».

La règle finalement adoptée est la suivante : « L'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. »

D'autres possibilités encadrées ont été introduites par la nouvelle rédaction de l'article L. 145-3 :

- l'autorisation de restaurer, par exemple pour reconstituer le toit effondré, des ruines isolées de chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive, sous réserve qu'il leur soit imposé en contrepartie une servitude administrative restreignant, voire interdisant, leur utilisation en hiver, pour tenir compte de l'absence de desserte en voies et réseaux, ou du caractère non opérationnel de ceux-ci en hiver ;

2. le principe de « réciprocité »

L'article L. 111-3 du code rural pose le principe selon lequel, lorsque des conditions de distance sont imposées à la construction de bâtiments agricoles par rapport à des bâtiments tiers, les mêmes conditions de distance s'appliquent à la construction de bâtiments tiers par rapport aux bâtiments agricoles.

Ce principe est fortement critiqué par le monde rural qui se trouverait souvent bloqué dans ses tentatives d'aménagement architectural par cet article. En particulier, les clauses d'exception prévues (extension des constructions existantes, spécificités locales validées par un avis de la chambre d'agriculture) ne semblent pas jouer à l'encontre du refus du permis de construire.

En fait, il apparaît, à l'examen des nombreuses questions au gouvernement posées à ce propos, que les motifs invoqués pour le refus du permis de construire sont toujours des motifs sanitaires (l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, notamment : « atteinte à la salubrité ou la sécurité publique »).

L'incompréhension vient de ce que l'on applique, au cas de l'aménagement interne des fermes, des règles conçues pour régler la distance entre les bâtiments de ferme et les bâtiments tiers.

Cela aboutit à la situation difficilement compréhensible où des aménagements internes à des bâtiments de ferme sont refusés, alors que les normes invoquées à l'appui du refus du permis de construire ne sont de fait pas appliquées dans les fermes traditionnelles qui ne procèdent pas, elles, à ces tentatives d'extension ou d'aménagement.

Tout en veillant à garantir la pérennité de l'activité agricole, il conviendrait donc d'introduire une définition juridique de la notion de « fermes », par le moyen, par exemple, d'une servitude attachée aux bâtiments d'habitation qui la composent. Les bâtiments inclus dans les « fermes » seraient alors exclus, sous condition, du champ d'application du principe de « réciprocité », qui ne jouerait qu'entre les « fermes » (et non, comme l'indique le texte actuel, les « bâtiments agricoles ») d'un coté, et les bâtiments tiers, de l'autre.

On pourrait par exemple créer un article L. 111-3-A du code rural ainsi rédigé : « Lorsqu'une construction à usage non agricole ne respecte pas les dispositions législatives ou réglementaires concernant les conditions de distance vis-à-vis des bâtiments agricoles, cette construction est réputée soumise à une servitude de proximité agricole, qui rend caduque vis-à-vis d'elle, pour toute nouvelle implantation de bâtiments agricoles, ces mêmes dispositions législatives ou réglementaires concernant forêts gagnent de la surface au fil des années, et leurs propriétaires ne savent pas toujours comment la valoriser économiquement. Ainsi la pression foncière ne s'exercerait pas au détriment des terrains consacrés aux activités agricoles et pastorales.

Cette procédure s'inspirerait du dispositif mis en place pour les « unités touristiques nouvelles », avec une gestion de la dérogation au principe de continuité décidée au niveau ministériel.

Le dossier devrait apporter la preuve que la zone visée était vierge de tout boisement voilà cinquante ans, et que la construction envisagée poursuivrait un but d'intérêt général.

L'utilisation dans un but d'intérêt général pourrait correspondre, par exemple, à des constructions de logements sociaux ou d'équipements collectifs.

Evidemment, cette procédure rencontrerait ses limites en cas de classement des forêts concernées.

Elle pourrait faire la matière d'un article L. 145-5-1 (nouveau) du code de l'urbanisme :

« L'implantation d'une opération d'urbanisation intégrée à l'environnement sur une parcelle de terrain en friche depuis au moins cinquante ans peut être autorisée, à titre exceptionnel, par les ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement, sous réserve que cette urbanisation poursuive un but d'intérêt général, et que les dispositions de l'article L.311-3 du code forestier ne fassent pas obstacle au défrichement. L'autorisation est donnée après avis de la commission départementale des sites, et, lorsque la parcelle concernée inclut une forêt privée, du centre régional de la propriété forestière. »

B.- LE RECOURS AUX PRESCRIPTIONS PARTICULIÈRES DE MASSIF

Cependant l'apport d'un peu plus de souplesse dans la législation existante, au niveau des décisions d'urbanisme de portée locale, nécessite d'être contrebalancé par un renforcement de la cohérence de l'aménagement et de la qualité architecturale à l'échelle de l'ensemble de la montagne, le bon niveau de définition de règles communes paraissant être celui du massif territorial. Il convient pour cela de restaurer le rôle dévolu aux « prescriptions particulières de massif ».

Dans la configuration juridique actuelle, les « prescriptions particulières de massif » n'ont qu'un rôle supplétif par rapport aux « directives territoriales d'aménagement », puisque le paragraphe III de l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme précise que « des décrets en Conseil d'Etat ... peuvent définir des prescriptions particulières pour tout ou partie d'un massif non couvert par une directive territoriale d'aménagement style="text-align: justify">- d'autre part, parce qu'elles supposent, pour leur mise au point, la consultation d'un très grand nombre d'acteurs, à savoir les régions, les départements, les communes chefs-lieux d'arrondissement , les communes de plus de 20 000 habitants, et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme. L'initiative de leur élaboration est laissée en pratique à l'Etat, qui en assure le support technique.

La lourdeur de cette procédure explique qu'aucune directive n'ait vu le jour à cette date, puisque tout au plus deux d'entre elles seraient à l'étude : celle des Alpes du Nord et celle des Alpes maritimes, la première étant actuellement en attente de son approbation par décret en Conseil d'Etat.

A contrario, il est possible d'imaginer une procédure simplifiée pour les « prescriptions particulières de massif », qui rendrait cette norme efficace :

- son élaboration pourrait dépendre exclusivement des comités de massif, qui, en eux-mêmes, sont censés avoir une fonction de représentation de l'ensemble des intérêts du massif territorial. La nature d'acte administratif des prescriptions de massif permettrait de toute façon des recours devant le juge administratif en cas de désaccord fondamental d'une partie de la population concernée ;

- son objet pourrait se limiter à des règles communes en matière d'urbanisme pour « tout ou partie du massif ». Par exemple, la fixation de l'intervalle entre bâtiments permettant d'identifier un « hameau », la description de ce qu'on entend par « chalet d'alpage » ou « bâtiment d'estive », ou la définition des caractéristiques architecturales préconisées pour les constructions dans le cadre d'une « charte paysagère », à l'image de celle produite par l'Union régionale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de Midi-Pyrénées (5).

Les « prescriptions particulières de massif » doivent alors être positionnées comme complémentaires aux « directives territoriales d'aménagement », car celles-ci sont visées à de nombreux endroits du code de l'urbanisme. En annexe A, figure une proposition de nouvelle rédaction de l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme qui répondrait à cet objectif.

II.- LA RATIONALISATION DE LA STRUCTURE FONCIÈRE

L'espace foncier en montagne est traditionnellement très morcelé, ce qui engendre une double difficulté d'exploitation économique et d'aménagement paysager. La mission d'information a donc été amenée à formuler des propositions visant à une utilisation plus efficace des ressources foncières.

le titre Ier du livre Ier du code rural [en fait, les articles L. 121-1 à L. 128-12 du code rural actuel] s'applique à l'aménagement foncier des bois, forêts et terrains à boiser compris dans les périmètres d'aménagement foncier forestier ».

Or, l'article L. 121-4 du code rural, précise que  « lorsque l'aménagement foncier concerne le territoire de plusieurs communes limitrophes, les terres peuvent être comprises dans un même périmètre d'aménagement foncier. Dans ce cas, et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 121-13, le préfet institue, dans les conditions prévues à l'article L. 121-2, une commission intercommunale qui a les mêmes pouvoirs que la commission communale. »

L'article L. 121-13 du code rural indique « les limites territoriales de l'aménagement englobant un ou plusieurs périmètres peuvent comprendre des parties de territoire de communes limitrophes, dans la limite du vingtième du territoire de chacune d'elles ou, avec l'accord du conseil municipal de la commune intéressée, du quart du territoire de chacune d'elles, lorsque la commission communale estime que l'aménagement comporte, au sens du présent titre, un intérêt pour les propriétaires ou les exploitants de ces parties de territoire. ».

Les dispositions actuelles du code rural permettent donc tout à fait d'englober la totalité d'un « massif forestier » dans le périmètre d'une opération de remembrement. Il s'agit simplement de le rappeler dans le code forestier, au niveau des articles L. 512-1 à L. 512-7, en substituant aux mots « commission communale », les mots « commission communale ou intercommunale ».

Le régime fiscal des opérations de remembrement prévu à l'article 708 du code général des impôts, qui précise, dans son premier alinéa, que « les échanges d'immeubles ruraux effectués conformément à l'article L. 124-1 du code rural sont exonérés de la taxe de publicité foncière ou, le cas échéant, du droit d'enregistrement », s'applique au cas des échanges de biens forestiers.

Afin de s'assurer qu'une interprétation restrictive de l'article L. 124-1 du code rural, qui fait notamment référence aux échanges « dans le même canton », ne retire pas le bénéfice de ces exonérations dans le cas d'un remembrement au sein d'un « massif forestier », le premier alinéa de l'article 708 du code général des impôts pourrait être complété par la phrase suivante : « Les exonérations de la taxe de publicité foncière et du droit d'enregistrement sont acquises pour tout échange de biens immeubles forestiers à l'intérieur d'un périmètre d'aménagement foncier étendu, dans les conditions prévues par l'article L. 121-4 du code rural, sur plusieurs communes ou dé d'information souhaiterait une modification, dans l'article 199 decies H du code général des impôts, de la disposition qui réserve une réduction d'impôt sur le revenu aux acquéreurs de terrains couverts de bois et forêts « d'au moins 10 hectares d'un seul tenant », qui prennent l'engagement de conserver ces terrains pendant 15 ans.

Il s'agirait de supprimer l'expression « d'un seul tenant ».

B.- LA CRÉATION D'INSTRUMENTS POUR L'AMÉNAGEMENT PAYSAGER

Les maires des communes de montagne rencontrent souvent des obstacles juridiques ou techniques dans leurs efforts pour organiser l'espace foncier d'une manière qui préserve l'unité et la qualité du paysage. La mission d'information a donc souhaité renforcer leurs moyens d'intervention dans ce domaine.

1. La faculté de s'appuyer sur les SAFER

Plutôt que de créer de nouvelles structures, il s'agit d'habiliter les SAFER, sur demande exclusive des communes (en pratique, surtout les petites communes), à effectuer des opérations de portage foncier en élargissant leur capacité d'intervention au cas de l'aménagement d'espaces naturels.

Deux évolutions législatives sont nécessaires pour cela :

- d'une part, créer un dispositif législatif équivalent des zones d'aménagement concerté pour l'aménagement des espaces naturels. A cet égard, on peut d'abord observer que l'article L. 311-1 qui définit les « zones d'aménagement concerté », s'appuie, depuis la loi SRU, sur une définition assez générale pour inclure le cas du seul aménagement d'espaces naturels. Par ailleurs, l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme inclut dans l'objet des actions ou opérations d'aménagement foncier, le fait de « sauvegarder ou de mettre en valeur ... les espaces naturels ». Cependant l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme exclut du champ du droit de préemption, parmi les actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, celles « visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels ». Il y aurait donc lieu de faire disparaître cette clause, et d'ajouter au premier alinéa de l'article L. 311-1 la phrase : « L'aménagement peut avoir pour objet unique de sauvegarder ou mettre en valeur un espace naturel. » ;

- ensuite ouvrir aux SAFER, la possibilité d'intervenir dans ce cadre. Une très large capacité d'intervention au service des communes leur est ouverte en vertu de l'article L. 141-5 du code rural : « Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent, dans les conditions fixées par voie réglementaire, apporter leur concours technique aux collectivités territoriales et aux établissements publics qui leur sont rattachés, pour la mise en oeuvre d'op&eacut sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peuvent aussi conduire des opérations destinées à faciliter la réorientation des terres, bâtiments ou exploitations vers des usages non agricoles en vue de favoriser le développement rural ainsi que la protection de la nature et de l'environnement ».

2. Les cas de carence du propriétaire privé

Il est des circonstances où les efforts d'aménagement paysager d'une commune sont remis en cause par l'absence de coopération des propriétaires privés installés dans la zone d'aménagement. Deux situations sont particulièrement gênantes de ce point de vue :

- lorsqu'une route communale passe sur un terrain privé, dont on ne trouve plus les propriétaires. Le tronçon en question n'est alors plus entretenu, alors que la commune peut par ailleurs avoir fait un effort d'entretien de la portion de route qui relève de son contrôle. Dans ce cas, il faut que le tronçon puisse tomber dans le domaine de la commune, par expropriation à la suite d'une procédure de déclaration de parcelle en état d'abandon manifeste, sur la base des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales. Pour consolider la possibilité d'utiliser la procédure dans cette situation, il suffit d'insérer « voies privées assorties d'une servitude de passage public » avant le mot « installations » au premier alinéa de l'article L. 2243-1 ;

- lorsque des ordures sont entreposées sur des terrains privés (par exemple, une vieille carcasse de voiture), il s'agirait d'accorder un pouvoir de police au maire pour obliger les particuliers à les enlever, à l'image des pouvoirs qui lui sont déjà conférés par la réglementation des édifices menaçant ruine, ou de celle des terrains tombant en friche. En fait, on pourrait ajouter au code général des collectivités territoriales, dans le chapitre III du titre Ier du livre II définissant les pouvoirs de police spéciaux du maire, un article L. 2213-32 ainsi rédigé : « Le maire prescrit, ou assure d'office aux frais du responsable, après mise en demeure, l'élimination des déchets abandonnés, déposés ou traités dans les conditions prévues à l'article L. 541-3 du code de l'environnement. »

C.- LA GESTION DES BIENS DES SECTIONS DE COMMUNE

Les sections de commune sont fréquentes en zone de montagne, et la loi de 1985 y avait d'ailleurs consacré son chapitre V, intitulé « De la gestion des sections de commune et des biens indivis entre communes ».

Leur fonctionnement est régi par les articles L. 2411-1 à L. 2412-1 du code général des collectivités territoriales.

La mission a mis en avant dans le fonctionnement de ces structures cadastral » (article D. 2411-1 du même code). Elle a souhaité que l'article L. 2411-1 soit ainsi complété : « prévoyant notamment une actualisation annuelle ».

1. Le financement des équipements collectifs des sections

S'agissant de ce financement, deux règles actuelles fixées par le code général des collectivités territoriales doivent être rappelées :

- d'abord, en vertu de l'article L. 2411-10, les « revenus en espèces » produits par les biens de la section « sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale » ;

- ensuite, en vertu de l'article L. 2411-11-17-1, «  Lorsque des travaux d'investissement ou des opérations d'entretien relevant de la compétence de la commune sont réalisés au bénéfice non exclusif des membres ou des biens d'une section de commune, la commission syndicale et le conseil municipal peuvent, par convention, fixer la répartition de la charge financière de ces travaux entre la section et la commune, par dérogation aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2411-10. »

La règle est donc clairement que la section doit financer les travaux d'équipement qui la concernent sur ses propres ressources « en espèces ».

Afin de la rendre plus opératoire, l'article L. 2411-17-1 pourrait être ainsi rédigé :

«  Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 2411-10, lorsque des travaux d'investissement ou des opérations d'entretien relevant de la compétence de la commune sont réalisés au bénéfice non exclusif des membres ou des biens d'une section de commune, une convention établie entre la commission syndicale et le conseil municipal fixe la répartition de la charge financière de ces travaux entre la section et la commune.

La répartition doit s'appuyer sur des critères objectifs, liés au bénéfice effectif retiré par la section de ces travaux ou opérations d'entretien. En cas de désaccord sur cette répartition, le maire peut saisir le représentant de l'Etat dans le département, qui statue. »

2. L'appropriation privée des revenus des biens des sections

Ce phénomène résulterait en particulier de la multiplication des baux de longue durée (dits « emphytéotiques ») au profit des membres de la section.

A cet égard, il convient de rappeler la règle pos&ea bénéficier de la totalité du produit des biens loués, comme s'ils en étaient usufruitiers (ils en ont l'usus en tant qu'exploitant agricole, et le fructus en tant que membre de la section).

La loi n° 95-2 du 2 janvier 1995 relative au prix des fermages a établi le principe selon lequel « le prix du bail est fixé en espèces ». Il conviendrait donc, pour limiter les cas abusifs d'usufruit des biens de la section :

- d'imposer ce principe du paiement en espèces pour tous les baux accordés par la section, quel que soit leur date de départ, alors que la loi n° 95-2 a autorisé la poursuite du paiement en nature pour les baux en cours ; ainsi le produit du fermage, uniquement « en espèces », serait affecté « prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section », conformément à la règle de l'article L. 2224-10 évoquée précédemment ;

- d'organiser tous les neuf ans un examen du respect des engagements de mise en valeur pris par les exploitants lors de l'octroi des baux accordés pour l'exploitation des biens de la section, le non respect pouvant être sanctionné par une résiliation ;

- de rendre obligatoire l'intervention du conseil municipal lors de toute décision de location des terres à vocation agricole ou pastorale.

Ainsi, à l'article L. 2411-10, il serait inséré, après les mots « de plein droit la résiliation des contrats. », les alinéas suivants :

« Les baux à ferme sont accordés par délibération concordante de la commission syndicale et du conseil municipal, sur présentation d'un projet de mise en valeur du bien concerné.

Le prix de tous les baux à ferme est fixé en espèces.

Les baux à ferme d'une durée supérieure à neuf ans font l'objet, tous les neufs ans, d'un examen du conseil municipal visant à vérifier le respect, par le titulaire du bail, des engagements de mise en valeur pris lors de l'attribution du bail. Lorsque le conseil municipal considère que les engagements ne sont pas tenus, il saisit la commission syndicale en vue d'une résiliation par délibération concordante.

Pour les baux en cours à la date d'entrée en vigueur du présent alinéa, les titulaires sont tenus, sous peine de résiliation dans les conditions définies à l'alinéa précédent, de transmettre, dans l'année, au conseil municipal, un projet de mise en valeur du bien qui fait l'objet du bail ; en ce cas, le premier examen de vérification du respect des engagements pris intervient neuf années après la transmission du projet. »

ANNEXES DU CHAPITRE V

   2º Désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard, notamment les gorges, grottes, glaciers, lacs, tourbières, marais, lieux de pratique de l'alpinisme, de l'escalade et du canoë-kayak, cours d'eau de première catégorie au sens du 10º de l'article 437 du code rural et leurs abords, et définir les modalités de leur préservation ;

   3º Préciser, en fonction des particularités de tout ou partie de chaque massif, les modalités d'application de l'article L. 145-3 du présent code.

   II. - Les comités de massif peuvent élaborer des recommandations particulières à certaines zones sensibles et, notamment aux secteurs de haute montagne.

   III. - Pour l'élaboration des propositions des prescriptions particulières de massif visées au I, et des recommandations visées au II, les comités de massif peuvent recourir gratuitement, en tant que de besoin, aux services techniques de l'Etat, ainsi qu'aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement institués par l'article 6 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977.

B.- EXTENSION DU CRITÈRE DE LA CONTINUITÉ D'URBANISATION

Voici le texte de l'article 33 du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, définitivement adopté par le Parlement le 5 juin 2003 :

<< Le premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.

« Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux.

« b) En l'absence d'une telle étude, le plan local d'urbanisme ou la carte communale peut délimiter des hameaux et des groupes d'habitations nouveaux intégrés à l'environnement ou, à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission des sites, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, si le respect des dispositions prévues aux I et II ou la protection contre les risques naturels imposent une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante ;

« c) Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II. » >>

CONCLUSION :
LE MASSIF COMME OUTIL DE DÉVELOPPEMENT

Au terme des travaux de cette mission d'information, se dégage une démarche stratégique consistant à aborder l'ensemble des problèmes qui se posent pour la montagne à l'échelle des massifs.

Cette démarche permettrait de mener à bien, sur la nécessité d'apporter une solution aux problèmes actuels de la montagne, une politique de communication beaucoup plus efficace, parce qu'articulée autour d'un axe stratégique principal.

L'idée générale en serait que le massif constitue un échelon beaucoup plus approprié que l'échelon national pour traiter les questions touchant à l'aménagement du territoire dans les zones de montagne. Une intervention au niveau du massif permettrait en effet de mieux prendre en compte les spécificités de ces zones par rapport aux autres entités géographiques du territoire, ainsi que les particularités de chacun des massifs, les uns par rapport aux autres. En outre, l'existence de structures actives de gestion au niveau interrégional assurerait, vis à vis des instances européennes, une plus grande visibilité de la politique conduite en France en faveur de la montagne, ce qui permettrait de déclencher plus facilement le soutien d'aides communautaires.

Cette démarche conduirait à doter le massif :

·  d'un organe exécutif, « l'entente de massif », qui assurerait la continuité de l'institution, et aurait une fonction de représentation nationale et internationale ; son intervention serait spécialisée dans les questions d'aménagement du territoire et d'environnement ;

·  d'un budget, « le fonds de massif », alimenté par l'ensemble des ressources mises à disposition à des fins de rééquilibrage des territoires ; les collectivités territoriales en particulier délégueraient une partie de leur tâche touchant à l'aménagement du territoire et à l'environnement en transférant les ressources correspondantes au comité de massif ;

·  d'un pouvoir de décision, ayant le statut d'acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, dans des domaines faisant appel à une bonne appréhension des éléments de terrain, qui concerneraient aussi bien des normes architecturales applicables à l'ensemble du massif, que le règlement des situations difficiles touchant au domaine des services à la population.

D'une façon générale, la mise en place institutionnelle d'une structure de massif forte aurait pour avantage de créer une masse critique permettant le déclenchement d'une dynamique de développement rendue impossible par l'insuffisance actuelle de coordination des efforts des collectivités qui composent le massif. Le découpage en régions ne permet pas en effet d'atteindre cette masse critique en zone de montagne, d'autant que la densité démo pluriactivité, en promouvant à l'échelle du massif l'expérimentation des sociétés de gestion de la pluriactivité ;

·  dans le domaine des services à la population, les instances de massif disposeraient, du fait de leurs ressources propres, d'un pouvoir de négociation avec l'Etat et les entreprises et établissements concernés, qui permettrait de régler des situations d'urgence, puis éventuellement de couvrir les besoins de manière pérenne dans le cadre des conventions interrégionales de massif ;

·  s'agissant de la collecte de ressources économiques, le comité de massif pourrait s'efforcer de coordonner la politique touristique des collectivités territoriales du massif, afin de réduire les phénomènes de concurrence entre les collectivités territoriales du massif ; il assurerait la promotion du label des productions de la montagne ;

·  d'un point de vue institutionnel, les comités de massif seraient les interlocuteurs du conseil national de la montagne pour l'adaptation des normes communes nationales ; ils développeraient une véritable diplomatie de la montagne, les amenant à des actions coordonnées avec les entités gérant les massifs dans les autres états membres, de manière à améliorer la prise en compte des questions de la montagne au niveau des instances européennes.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le rapport d'information présenté par MM. François Brottes et Yves Coussain sur la montagne.

M. François Brottes, président, a indiqué que la mission d'information avait pu réaliser ses travaux dans un laps de temps relativement court grâce à une implication remarquable de ses membres, et que son rapport représentait un travail conséquent et de qualité propre à répondre à toutes les attentes, notamment celles de M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, dont l'implication en faveur du développement de la montagne et de l'aménagement du territoire est connue de tous.

Il a précisé que les conclusions de la mission d'information venaient compléter les propositions du rapport relatif à l'avenir de la montagne des sénateurs MM. Jacques Blanc et Jean-Paul Amoudry, ainsi que celles formulées récemment par le Conseil national de la montagne, permettant de moderniser la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dans la perspective du projet de loi relatif aux affaires rurales dont la discussion devrait intervenir au mois d'octobre 2003.

Il a en outre indiqué que le travail des membres de la mission d'information avait été réalisé dans un esprit de pragmatisme, afin que soient élaborées des propositions concrètes pouvant être mises en œuvre rapidement. Tout en souhaitant rester fidèle à l'esprit de la loi relati préciser qu'il avait eu l'initiative de la création de cette mission d'information, ainsi que de celle relative à la loi du 3 janvier 1986 dite « loi littoral ». Estimant que la loi du 9 janvier 1985 ne suffisait plus à compenser le déséquilibre actuel, il a souhaité que ce rapport aboutisse à des mesures concrètes et rapides favorisant les zones de montagne, conformément au principe selon lequel l'égalité des chances suppose l'inégalité des traitements.

Il a en outre indiqué que le projet de loi relatif aux affaires rurales pouvait être le véhicule législatif approprié à l'introduction de ces mesures, même si une proposition de loi spécifique ou le projet de loi relatif à l'aménagement du territoire, prévu pour 2004, pourraient également être utilisés. Il a enfin tenu à saluer le fait que les travaux de la mission d'information aient été réalisés dans un esprit consensuel, impulsé par sa composition même puisque le président de la mission, en outre secrétaire général de l'association nationale des élus de la montagne (ANEM), appartient à l'opposition alors que le rapporteur est issu de la majorité.

M. Yves Coussain, rapporteur, a tenu à remercier l'ensemble des membres de la mission pour leur collaboration, saluant également l'initiative du président de la Commission des affaires économiques M. Patrick Ollier.

Il a indiqué que la mission d'information s'était fixé comme objectif l'élaboration de propositions, relatives successivement aux renforcement des institutions de la montagne, à la valorisation de ses ressources, à la gestion de la pluriactivité, aux services à la population et à l'urbanisme et la politique foncière, devant être mises en oeuvre dans le cadre du projet de loi relatif aux affaires rurales, par une intervention au stade final de sa préparation prenant en compte les travaux du Sénat, de l'ANEM et du Conseil national de la montagne.

Il a ensuite exposé le contenu de ces propositions et a conclu sa présentation en insistant sur l'importance du massif qui constitue l'échelon le plus adapté pour traiter des questions d'aménagement du territoire dans les zones de montagne, ce qui a conduit la mission parlementaire à proposer de doter les massifs d'une structure institutionnelle dotée d'un organe exécutif ayant pour mission de représenter le massif au plan national et européen et d'un budget afin de financer des actions touchant à l'aménagement du territoire.

M. Jean Proriol s'exprimant au nom du groupe UMP, a souligné la richesse de ce rapport qui reflète la diversité des contributions des membres de cette mission parlementaire.

Concernant les compétences du comité de massif, il s'est interrogé sur l'opportunité de lui conférer des pouvoirs pour l'implantation des grandes surfaces et il a insisté sur la nécessité de ne pas créer un échelon administratif supplémentaire alors que les citoyens sont très attachés au principe de proximité.

Il a estimé que la mission parlementaire avait abordé certaines questions essentielles comme le maintien d'une agriculture de montagne fondée sur la mise en place des filières courtes permettant de transformer sur place les productions agricoles et la définition d'un nouveau label « montagne ».

Il a émis le vœu que des mesures complémentaires soient envisagées pour favoriser l'agritourisme par le biais de dotations aux jeunes agriculteurs les aidant à s'installer.

Il a ensuite déploré que la loi d'orientation sur la forêt ne soit toujours pas opérationnelle, certains décrets d'application n'ayant toujours pas été publiés. Il a donc souligné que le futur projet de loi sur les affaires rurales devrait permettre de trouver des solutions concrètes à des problèmes laissés en suspens par la loi d'orientation sur la forêt.

Il a jugé également intéressantes les propositions émises par la mission relatives à la pluriactivité et aux services publics de proximité.

Il a conclu son intervention en soulignant l'urgence de traiter de la carence des services publics en zone de montagne.

Précisant que son groupe ne s'était pas formellement prononcé sur la teneur des propositions faites par la mission parlementaire, il a néanmoins indiqué qu'il jugeait ce rapport globalement positif en raison de la richesse de ses propositions.

Après avoir remercié M. André Chassaigne de son jugement sur le rapport, M. François Brottes a évoqué les questions soulevées par M. Jean Proriol dont il a souligné la qualité du travail en tant que rapporteur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat qui a profondément amélioré les règles de constructibilité en montagne.

Il a tout d'abord rappelé que si la mission d'information proposait l'intervention du comité de massif dans la procédure d'autorisation d'installations des grandes surfaces en montagne, cette réforme ne conduirait pas systématiquement à éloigner la décision du terrain puisque, aujourd'hui, il appartient à une instance nationale de réviser les décisions des commissions départementales d'équipement commercial. Il a indiqué qu'en conséquence, il s'agirait de prendre au niveau du massif, une décision aujourd'hui nationale.

En second lieu, M. François Brottes a déclaré comprendre les critiques formulées &agrav s'installer dans les zones de montagne et souligné que l'attribution de bourses était fondée sur des critères principalement sociaux.

Après que M. Yves Coussain eut précisé qu'il s'agirait de créer un nouveau critère d'attribution de bourses d'études, M. François Brottes a indiqué que cette proposition permettait d'apporter une réponse acceptable par les professionnels, qui sont très hostiles à un dispositif plus contraignant, à un problème très important dans les zones de montagne. Il a estimé qu'il conviendrait d'en garantir, par des dispositions adaptées, la mise en œuvre juridique.

Après s'être réjoui du bon climat dans lequel la mission d'information avait mené ses travaux, M. Jean-Marie Binetruy a souligné l'intérêt des propositions émises par Mme Arlette Franco concernant la pluriactivité ainsi que la nécessité de reconnaître la spécificité des productions de montagne. Indiquant que le futur projet de loi relatif aux affaires rurales reprendrait certains éléments évoqués dans le rapport de la mission d'information, il a insisté sur l'importance des services rendus au public par des entreprises privées, de transport et de commerce notamment. Il s'est enfin déclaré réservé sur le chapitre Ier du rapport, relatif aux institutions : soulignant que les comités de massif ne constituaient pas une panacée, il a estimé que ceux-ci rendaient mal compte de l'hétérogénéité des territoires au sein d'un même massif et a souhaité que des structures territoriales de plus petite taille, comme les pays ou les communautés de communes, se voient réserver une place significative, en application du principe de subsidiarité.

M. François Brottes a souligné que le rapport de la mission d'information visait à reconnaître la diversité et la spécificité des territoires montagnards au sein d'un même massif, en insistant néanmoins sur la nécessité pour ces derniers de se fédérer pour faire face aux pays, aux régions ou à l'Europe et renforcer leur poids.

M. Daniel Boisserie, soulignant le profond déséquilibre existant entre zones urbaines et zones rurales en matière de logement, a jugé que l'absence de dispositif spécifique pour favoriser l'investissement, par des offices départementaux, en zone rurale, expliquait la désertification de celles-ci et a souhaité que ce problème soit davantage traité. Rappelant le rôle fondamental des maisons de service public, il a souhaité savoir si cette question était abordée dans le rapport et s'est inquiété des déclarations des représentants de l'Etat indiquant que l'Etat ne verserait aucune aide de cette nature, contrairement à ce que prévoyait la loi n° 99-533 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

M. François Brottes a fait observer que le rapport de la mission d'information mettait justement l'accent sur le surcoût réel des logements en montagne et proposait une évolu délégués n'étaient pas rattachés aux maisons de service public.

Il a ajouté que le rapport préconisait par ailleurs l'institution d'une dotation forfaitaire de l'Etat aux massifs qui ne constituerait qu'une contrepartie légitime à tous les services rendus gratuitement par la montagne à la société, qu'il s'agisse de la pureté de l'air et de l'eau, de la contribution à la lutte contre l'effet de serre, de la fourniture de produits de qualité ou encore de l'entretien de chemins de randonnée. Il a indiqué qu'une telle dotation pourrait être utilisée pour financer le fonctionnement des maisons de service public ou encore pour réaliser des documents d'urbanisme, les propositions étant nombreuses en la matière.

M. André Chassaigne a observé que la défaillance des propriétaires privés pouvait conduire au développement des friches. Il a jugé absurde d'empêcher les constructions sur des terrains laissés à l'abandon par leurs propriétaires et dépourvus d'exploitation agricole. Il a souligné que ce problème était fréquent dans les zones montagneuses et notamment en Auvergne, les procédures de reprise des terrains pour la production agricole étant trop lourdes. Il a donc souhaité savoir si le rapport esquissait des solutions.

M. François Brottes a remarqué qu'il existait déjà des dispositions permettant de lutter contre l'enfrichement, conséquence de l'abandon des terrains. Il a ainsi rappelé que les collectivités locales pouvaient procéder à des injonctions de défricher les terrains afin d'entretenir les paysages. Il a admis que cela ne permettait pas la création d'exploitations agricoles et a donc estimé que les possibilités offertes aux collectivités devaient être accrues. Il a toutefois noté que les collectivités disposaient déjà de plusieurs outils en matière foncière, qu'il s'agisse du droit de préemption ou de la constitution de réserves foncières, l'ensemble permettant de prendre des mesures favorables au remodelage des exploitations agricoles.

M. André Chassaigne a jugé insuffisants les instruments de maîtrise foncière mis à la disposition des collectivités locales mais a indiqué que le rapport et la réponse fournie semblaient répondre à ce problème de manière satisfaisante.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du règlement et dans les conditions prévues à l'article premier de l'instruction générale du Bureau, la publication du rapport d'information.

ANNEXE :
AUDITION DE MME HÉLÈNE JACQUET-MONSARRAT

(chargée de mission à la DATAR, 1er avril 2003)

M. François Brottes, président de la mission d'information, rappelle que les travaux de la commission permanente du Conseil de la montagne se sont inscrits dans une démarche de contribution à l'élaboration du prochain projet de loi sur le développement rural, dans le prolongement des travaux de la mission d'information commune du Sénat. Les travaux de la commission permanente ont été prolifiques, et ont débouché sur un ensemble de propositions très concrètes, présentées le 12 mars dernier, venant compléter et préciser celles formulées précédemment par la mission d'information commune du Sénat. La mission d'information de l'Assemblée s'efforcera de poursuivre ce travail d'affinage, tout en apportant de manière complémentaire sa propre contribution sur certains aspects. Elle dispose d'un délai supplémentaire pour cela, car l'examen du projet de loi sur le développement rural est désormais prévu pour octobre 2003.

Mme Hélène Jacquet-Monsarrat souligne l'intérêt que le Premier ministre a exprimé pour la montagne lors de la mise en place du nouveau Conseil national de la montagne (CNM), le 13 novembre 2002, indiquant notamment qu'il veillerait à ce qu'une nouvelle réunion du CNM ait lieu prochainement. Il a institué le 18 décembre 2002, après avis du CNM, une commission permanente présidée par Michel Bouvard, député de la Savoie. Le CNM compte 59 membres.

Sa commission permanente a mis en place six groupes de travail, qui, du 9 janvier 2003 à fin février 2003, se sont réunis 23 fois, et ont auditionné 32 experts, avant d'élaborer des objectifs et des propositions. Ces groupes de travail portent respectivement sur l'évolution des institutions (présidence : Michel Bouvard), l'urbanisme (présidence : Pierre Jarlier, président de l'ANEM et sénateur-maire de Saint-Flour), les ressources (présidence : François Brottes, député de l'Isère), les infrastructures et les services à la population (présidence : Pierre Hérisson, sénateur de Haute-Savoie), le tourisme (présidence : Augustin Bonrepaux : député de l'Ariège), et l'emploi (présidence : Jean-Charles Faraudo, président du syndicat national des téléphériques de France).

La synthèse des travaux des groupes a été présentée le 12 mars dernier aux deux ministres de l'aménagement du territoire et des affaires rurales. Depuis cette date, la DATAR, qui assure le secrétariat général du CNM, a traduit en mesures concrètes les propositions des groupes de travail. Ces mesures ont été présentées le 31 mars 2003 lors d'une réunion « inter-services », au sein de laquelle une dizaine d'administrations centrales étaient représentées.

Quelques principes généraux guident cet ensemble de mesures. En premier lieu, un souci de simplification qui a présente ensuite chacune des mesures envisagées.

I.- LES INSTITUTIONS

1. Reconnaissance de la montagne au niveau communautaire

Cette reconnaissance doit s'effectuer notamment au niveau de la politique régionale de la Communauté. La commission a demandé à chacun des Etats membres de produire une contribution devant alimenter le « rapport sur la cohésion » que la commission européenne doit réaliser pour la fin de l'année 2003. Dans les éléments transmis jusqu`à présent par la France, la montagne ne figure pas en tant que telle au nombre des zones devant faire l'objet de mesures particulières, mais serait englobée dans la catégorie des zones « peu denses », qui figure en complément de la catégorie des zones « urbanisées en difficulté ». A ce stade, une interrogation existe quant à la fourniture d'une contribution complémentaire de la France qui déclinerait la catégorie des zones « peu denses » de afin de mettre en exergue le problème de la montagne. Une telle démarche serait conforme à l'intention exprimée par le Premier ministre lors de la mise en place du CNM le 13 novembre dernier.

M. François Brottes rapporte des propos de Michel Barnier, commissaire à la politique régionale, indiquant que son action en faveur de la montagne au niveau des instances de la Communauté avait besoin d'un soutien déterminé de la France.

Mme Hélène Jacquet-Monsarrat informe que la Direction générale de la politique régionale a passé commande d'une étude au cabinet suédois Norregio, avec la contribution du cabinet français Cegesa, visant à déterminer des critères discriminants des zones de montagne. Cela paraît aller dans le bon sens, puisque la détermination de critères constitue le préalable à la mise en place de toute politique spécifique. Le résultat de cette étude sera discuté à Bruxelles par des groupes d'experts vers la mi-avril. Eventuellement, cette démarche pourrait ouvrir la piste à une politique spécifique de la montagne plutôt que celle d'un traitement particulier de la montagne au sein du cadre plus général de la politique régionale.

2. Renforcement du rôle des comités de massif

Dans ce domaine, un décret en Conseil d'Etat est en cours de préparation qui doit entériner la mise en place, par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, d'un comité de massif unique pour le massif des Alpes, ainsi que la nouvelle structure de co-présidence par le président de la commission permanente et par le préfet coordonnateur de massif. Il s'agira d'un texte cadre, renvoyant en annexe au cas particulier de chaque massif, notamment pour ce qui concerne la liste des membres des comités de massif.

Le groupe de travail sur les instit

3. Mise en place obligatoire d'un schéma interrégional de développement de massif

Actuellement, ce document n'est que facultatif, et une modification de la loi sur la montagne est nécessaire pour permettre cette évolution.

4. Concentration des moyens au niveau des conventions interrégionales de massif

Ces conventions ont été instituées par le décret du 4 juillet 2002 relatif aux compétences des préfets coordonnateurs de massif. Les préfets coordonnateurs de massif les négocient et les concluent au nom de l'Etat ; ils ont un pouvoir d'ordonnancement secondaire unique des crédits concernés.

Le groupe de travail sur les institutions préconise un regroupement complet, au sein de ces conventions, de l'ensemble des moyens affectés à la montagne. Ce regroupement aurait pour conséquence que les conventions interrégionales de massif se substitueraient totalement au volet « montagne » des contrats de plan Etat-Région.

5. Reconnaissance du rôle des commissariats de massif

Actuellement, les commissaires de massif sont nommés par le Premier ministre, sur proposition du ministre de l'aménagement du territoire, mais sans support dans le droit positif.

Or, le groupe de travail sur les institutions considère que les commissaires de massif et leurs équipes sont non seulement les collaborateurs du préfet coordonnateur de massif, mais jouent également le rôle de secrétariat des comités de massif.

Un décret va définir le rôle des commissaires de massif au sein de l'administration de l'Etat. Ils seront par ailleurs désignés comme secrétaires des comités de massif dans le décret en Conseil d'Etat en préparation.

Ces textes devraient parachever une architecture institutionnelle de la politique de la montagne qui serait alors simplifiée, puisqu'elle ne s'appuierait que sur un seul instrument financier, à savoir la convention interrégionale de massif. Elle serait en outre clarifiée, puisque le comité de massif, consolidé dans son rôle, aurait comme unique interlocuteur, du côté de l'Etat, le préfet coordonnateur de massif, celui-ci bénéficiant de l'appui technique du commissaire de massif.

M. Yves Coussain s'interrogeant sur la coordination à organiser entre les comités de massif et les autres collectivités locales, et notamment les régions, Mme Hélène Jacquet-Montsarrat précise que les comités de massif seront majoritairement composés d'élus locaux, selon une logique de représentation des différentes collectivités qui sera déterminée par le préfet coordonnateur de massif, de manière spécifique pour chaque massif, pour tenir compte des par étendant leur rôle aux services à la population, ce qui conduirait à modifier l'article 15 de la loi sur la montagne, qui institue ces commissions. L'extension de leur rôle s'appuierait d'ailleurs sur le principe posé par l'article 55 de cette même loi qui affirme que « L'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services ... est d'intérêt général. », et qui rappelle la possibilité d'une intervention publique « en cas de carence ou de défaillance de l'initiative privée ». Les commissions rendraient des avis, sur la base desquels les préfets pourraient prendre des initiatives.

7. Obligation du schéma départemental d'organisation et d'implantation des services publics

Actuellement, ceux-ci ne sont que consultatifs.

Sur ce point, tout en soulignant la pertinence de l'élargissement de la réflexion au problème du « service au public », M. François Brottes indique le caractère beaucoup plus opérationnel d'une démarche dite du « contrat de territoire de service à la population », qui amènerait à négocier directement avec les opérateurs de services publics, en offrant une contrepartie financière au maintien de leur présence locale.

8. Extension des dispositions en faveur du commerce en montagne

Selon les experts, le problème du maintien en montagne d'une activité de commerce n'est pas lié à une difficulté pour le passage du relais aux jeunes, mais au surcoût induit par la plus grande complexité des approvisionnements. De là, l'idée d'une réduction des taxes sur l'essence pour les activités de commerce revêtant un caractère d'intérêt général.

Une telle mesure pourrait aussi être utilisée pour accroître la présence médicale et para médicale (infirmiers, ambulanciers) en montagne

De la même façon, il conviendrait de rendre la distribution de la presse plus profitable, en levant pour les zones de montagne, la limite à 23% du taux de commissionnement, qui est imposée de façon uniforme sur tout le territoire métropolitain en dehors de Paris.

La condition sur les seuils de population concernée pourrait enfin être assouplie en ce qui concerne l'implantation des distributeurs de billets.

9. Téléphonie mobile et Internet hauts débits

L'article 16 de la loi sur la montagne serait modifié pour étendre à la téléphonie mobile et l'Internet haut débit le principe, initialement prévu pour l'accès à la télévision, selon lequel « des aménagements techniques particuliers peuvent être autorisés » dans les zones de montagne.

Des experts ont mis en évidence qu'en zone de montagne, ce serait au niveau du massif territorial qu'il conviendrait le mieux, pour des raisons d'économies d'échelle, de gérer la distribution d'accès à haut débit. C'est en tous cas seulement au niveau du massif qu'il faudrait négocier avec des opérateurs la prise en charge de cette distribution. Cela signifie que la question de l'Internet à haut débit a vocation à être traitée au niveau du schéma de développement interrégional de massif.

10. Multiplication des maisons de la saisonnalité

Il s'agirait d'étendre l'expérience probante des « maisons des saisonniers » menée à Serre-Chevalier (Haute-Savoie) et à Ax-les-thermes (en Ariège), d'une part, en essaimant ce type de structure, qui a vocation à apporter une aide aux saisonniers dans les domaines de l'emploi et de la protection sociale, d'autre part, en en faisant, à terme, des véritables pôles de services à la population, en y regroupant notamment l'ensemble des services publics qui ne sont plus en situation de maintenir des locaux spécifiques. La première étape de ce renforcement de leur rôle passe par leur création dans le droit positif. Ils auraient ensuite vocation à être pris en compte dans les schémas d'organisation des services publics.

III.- LE TOURISME

11. Clarification de l'assise juridique et fiscale des pôles touristiques

La définition des « stations » n'est pas bien circonscrite : l'article L. 2231-1 du code général des collectivités territoriales définit les « stations classées » tandis que l'article L. 2333-54 du même code, relatif à la fiscalité locale sur les gains des casinos, fait référence aux « stations balnéaires, thermales et climatiques ». Il convient d'ouvrir un chantier de réflexion en vue de conférer une assise fiscale mieux définie pour les « stations », qui puissent servir de point d'appui pour une action spécifique en faveur de ces pôles touristiques.

12. Extension du champ de la taxe de séjour

Actuellement, celle-ci ne peut être levée que par la commune. Il s'agirait d'autoriser les structures intercommunales à lever cette taxe. Cette idée de modification législative semble avoir l'accord de l'administration du budget, et des autres administrations centrales concernées.

13. Recréation de la taxe touristique

Elle a été supprimée du code général des collectivités territoriales par la loi de finances pour 2002, car elle n'avait jamais été mise en œuvre. Il s'agirait de la rétablir en s'inspirant de l'exp&eacu reviendrait au comité de massif d'édicter la liste des critères identifiant ces « petits projets » dans chaque massif territorial. Une procédure d'urgence serait également prévue en cas de sinistre, pour permettre une reconstruction à capacité égale.

15. Modification du calendrier scolaire

Il s'agit de mieux répartir dans le temps les flux d'arrivée touristique, en prenant mieux en compte la proximité des zones d'académies par rapport aux massifs territoriaux.

16. Suppression de la durée maximale des conventions de concession

Il s'agirait de retourner en la matière au droit commun, en permettant que la durée de la concession soit alignée sur celle de l'amortissement de l'équipement, alors que l'article 42 de la loi sur la montagne impose une durée maximale de 30 ans. Cette situation a pour effet de dissuader les investisseurs de s'engager dans la mise en place des équipements les plus lourds comme les remontées mécaniques.

17. Développement du nombre des refuges

La politique de mise en place des refuges a concerné pour l'essentiel jusqu'à présent la haute montagne, alors qu'il existe aussi un besoin de « refuges » en moyenne montagne, en vue d'assurer la sécurité et l'accueil des personnes, ce qui contribuerait à la mise en valeur économique de ces zones. Or il existe justement, en moyenne montagne, un certain nombre de bâtiments isolés qui pourraient être utilisés à cette fin. Cela suppose une modification de l'article 145-3 du code de l'urbanisme, qui est déjà en cours dans le cadre du projet de loi DDUHC. Il s'agirait cependant d'étendre les possibilités de réhabilitation au-delà des « des chalets d'alpage ou des bâtiments d'estive » à tout bâtiment susceptible de servir de refuge. Le but est d'enrayer le processus en cours de privatisation des bâtiments isolés, qui va à l'encontre de la mise en place d'un réseau de refuges.

IV.- L'URBANISME

18. Renforcement du rôle des prescriptions particulières de massif

Dans la situation actuelle, les prescriptions particulières de massif (PPM) ne peuvent être prises qu'en l'absence de directives territoriales d'aménagement (DTA), les PPM pouvant résulter d'une initiative des collectivités locales alors que seul l'Etat peut lancer le processus d'élaboration des DTA. L'élaboration des DTA se révèle en pratique très problématique. Malgré cela, la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC) considère qu'elles conservent leur utilité.

Il semblerait néanmoins utile de conférer une autonomie aux PPM, de manière à obtenir, en zone de montagne, une organisation des textes d'encadremen contentieux. Dans ce schéma, il suffirait peut-être que les prescriptions particulières de massif fassent l'objet de décrets simples, au lieu de décrets en Conseil d'Etat.

M. François Brottes observe que ce schéma à trois niveaux créerait, à l'échelle du massif, l'équivalent de ce que le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) représente à l'échelle communale ou intercommunale dans le cadre des SCOT et des PLU.

19. Adaptation des normes nationales au profit des petites communes

Cela concernerait essentiellement l'allégement des procédures d'élaboration des documents d'urbanisme.

20. Classement des logements sociaux en montagne au niveau de ceux des grandes villes

Actuellement, l'aide personnalisée au logement est calculée en tenant compte du montant du loyer, mais sous la réserve d'un plafond qui est déterminé en fonction de la zone de logement : Paris (zone 1) ; villes de plus de 100 000 habitants (zone 2) ; reste de la France (zone 3). Il s'agirait de reclasser les territoires de montagne en zone 2, au lieu de la zone 3, pour tenir compte des coûts particulièrement élevés de construction, de 30 % supérieurs à la moyenne nationale, qui se répercutent au niveau des loyers.

Il convient de noter que la justification avancée est bien liée au surcoût de la construction en montagne, et non au phénomène de la spéculation foncière. De ce point de vue, les zones de montagne ne se trouvent donc pas du tout sur le même plan que les zones littorales.

V.- LA PLURIACTIVITÉ

21. Adaptation des règles de construction en faveur des logements pour les saisonniers

Les saisonniers sont indispensables au fonctionnement des stations. A Courchevel, par exemple, leur nombre atteint jusqu'à 4500 par saison. Lorsque rien n'est prévu pour les loger sur place, ils sont obligés de rechercher un logement dans la vallée ; l'obligation où ils sont alors de se déplacer entraîne des indisponibilités imprévisibles, lorsque le temps se détériore par exemple, et accroît les risques d'accidents sur les voies d'accès.

Trois types de mesures sont suggérés :

en premier lieu, autoriser les communes à imposer, dans tous les programmes immobiliers, une part minimale de logements réservée aux saisonniers ;

ensuite, assimiler les constructions de logements pour les saisonniers aux constructions d'équipements d'intérêt public, de manière à ce qu'elles bénéficient des financements prévus par l'article L. 322-6-1 du code de l'urbanisme, ou p Loca-Pass », aide à l'accès au logement locatif pour ce qui concerne le financement du dépôt de garantie et le cautionnement, pourrait être adapté au cas des saisonniers en autorisant l'octroi de l'aide, non plus seulement au cas de l'accès au logement pour sa résidence principal, mais pour sa résidence « de référence ».

23. Les aides de l'ANAH et l'articulation entre OPAH et ORIL

L'ANAH, Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, attribue des subventions pour améliorer le confort dans l'habitat privé. Les propriétaires se voient ainsi proposés des aides pour réhabiliter leur patrimoine soit au profit des locations saisonnières dans le cadre des « opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir » (ORIL), soit au profit de l'habitat permanent, locatif ou non, dans le cadre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH).

ORIL et OPAH peuvent être menées simultanément par la collectivité, maître d'ouvrage, notamment dans les stations touristiques situées à proximité d'une agglomération.

En OPAH, les subventions proposées par l'ANAH aux propriétaires bailleurs sont majorées pour les logements à loyers maîtrisés ; de plus en plus, les collectivités locales proposent également des subventions complémentaires à celles de l'ANAH.

Il s'agirait de faire en sorte que les ORIL soient ramenées juridiquement au statut de catégorie particulière d'OPAH, de manière qu'elles puissent être orientées vers le logement locatif social au profit des travailleurs saisonniers.

24. Ajustement des règles relatives à la visite médicale d'embauche

Aujourd'hui, cette formalité rendue obligatoire par l'article R. 241-48 du code du travail n'est guère respectée en cas d'embauche d'un saisonnier.

Il s'agirait d'une part d'autoriser que cette visite médicale ait lieu au domicile plutôt que sur le lieu de travail ; d'autre part d'instituer une seule visite médicale annuelle, plutôt qu'une visite à chaque nouvelle prise de poste, lorsque le salarié bénéficie de la reconduction automatique de ses contrats saisonniers.

25. Création de dispositifs de formation adaptés au cas des saisonniers

Il s'agirait d'une part d'instaurer un « contrat CDD formation » à la charge des employeurs, et effectué en dehors des périodes couvertes par les contrats CDD d'embauche ; d'autre part, d'abaisser la condition d'accès, en termes de temps de travail cumulé préalable, aux congés individuels de formation. Il convient de noter que, dans les conditions actuelles, les crédits affectés au CIF ne sont pas complètement utilisés ; l'administrati s'appuie sur la reconnaissance du fait que la montagne offre un grand nombre de services en termes de qualité de l'air, de l'eau, de l'espace naturel sans que ces services aient été jusqu'à présent valorisés économiquement.

28. Extension des périmètres d'échanges amiables des parcelles forestières

Les commissions d'aménagement foncier ont aujourd'hui, pour l'essentiel, une assise communale, qui correspond mal à l'échelle géographique de la parcellisation de la propriété forestière dans les zones de montagne. Il s'agirait de créer une commission spécialisée au niveau du Massif territorial, dont la fonction serait d'abord d'évaluer l'état de parcellisation des terrains forestiers, de mesurer les pertes économiques en termes de freins à l'exploitation qui en résultent, et de proposer enfin un cadre juridique pour l'échange des parcelles. Une expérimentation réussie de ce changement d'échelle pour les opérations d'échanges existe en Haute-Savoie.

29. Extension de la défiscalisation des parcelles de plus de 10 hectares

Une réduction d'impôt sur le revenu est aujourd'hui accordée aux propriétaires d'un bien foncier forestier détenant plus de 10 hectares « d'un seul tenant ». Il s'agit d'étendre le bénéfice aux propriétaires de 10 hectares détenus à l'intérieur d'un périmètre donné pendant une durée donnée, ces paramètres devant être fixés en liaison avec le ministère du budget.

30. Extension du droit de préemption des SAFER

Cette extension du droit de préemption concernerait les biens non agricoles, notamment des surfaces à vocation paysagère, mais uniquement à la demande d'une commune.

31. Mise en valeur des terres incultes

Il s'agirait de conférer aux SAFER la possibilité de passer des baux, y compris pour des objets autres qu'agricoles, comme la mise en valeur d'un paysage par exemple.

32. Création de ZAC d'espace naturel

La création d'une « zone d'aménagement concerté », prévue par l'article L.311-1 du code de l'urbanisme, permet de donner aux communes la maîtrise de l'aménagement foncier sur une zone, et de mobiliser des aides publiques. Elle peut s'accompagner d'une déclaration d'utilité publique. Il s'agit à l'origine d'un outil juridique d'aménagement urbain, mais il pourrait être utilisé en zone de montagne pour protéger des paysages, surtout en cas de pression foncière.

33. Extension de l'éligibilité aux aides du PMPOA

Le « programme de maîtr constituent justement le cœur de la cible du PMPOA.

34. Elargissement des compétences des agences de bassin

Cet élargissement concernerait d'abord la possibilité d'intervenir dans les questions d'assainissement ; ensuite, de pouvoir fournir des prestations d'ingénierie au service des communes ayant besoin d'un support technique dans le domaine de l'eau.

35. Utilisation des réseaux d'adduction d'eau potable pour la production hydroélectrique

En zone de montagne, les sources d'approvisionnement en eau potable forment souvent des cascades qui pourraient être utilisées pour la production d'énergie électrique. Il s'agirait, en l'encadrant bien évidemment, de lever l'interdit, inscrit à l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, sur cette utilisation intermédiaire de l'eau destinée à la consommation.

36. Assouplissement des règles relatives au traitement autonome des eaux usées

Les restrictions à la mise en place des dispositifs autonomes de traitement des eaux usés obligent à construire des raccordements au cours d'eau qui ont pour effet de concentrer les pollutions.

37. Aide aux communes dans le montage de projet de production d'énergie

De nombreux projets de production d'hydroélectricité soutenus par des petites communes sont bloqués, alors qu'ils contribueraient au développement de l'utilisation des ressources renouvelables en France. Il serait indispensable que les services déconcentrés de l'Etat puissent les aider à aboutir, et à défaut, que les communes lésées par la perte de revenu que ce blocage leur fait subir soient indemnisées, selon le principe « prescripteur - payeur ».

38. Réversibilité du classement

Le classement d'un espace en « réserve naturelle » bloquant son développement, il faut pouvoir utiliser le cas échéant les procédures de déclassement, telle celle prévue à l'article L.332-10 du code de l'environnement : « Le déclassement total ou partiel d'un territoire classé en réserve naturelle est prononcé après enquête publique, par décret en Conseil d'Etat lorsqu'il s'agit d'une réserve naturelle nationale, ou par délibération du conseil régional lorsqu'il s'agit d'une réserve naturelle régionale. ».

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En conclusion de sa présentation, Mme Jacquet-Montsarrat explique que le pastoralisme ne figure pas au nombre des sujets ayant fait l'objet de propositions, car il s'agit Hélène Jacquet-Montsarrat indique que les principales mesures proposées dans ce domaine sont la détaxation de l'essence, l'amélioration des conditions de la distribution de presse, l'assouplissement des conditions d'installation des distributeurs de billets de banques. Les questions de transmission et de reprise des petites entreprises, pour les activités de commerce, d'artisanat, et de prestations de services touristiques, qui ne sont pas spécifiques à la montagne mais concernent plus généralement le monde rural, ont été étudiées dans le cadre du CIADT de décembre 2002, qui a décidé la mise en place d'un groupe de travail, auquel Mme Hélène Jacquet-Montsarrat participe.

M. Jean Charroppin note que les mesures évoquées ne font pas référence à un renforcement du FISAC, qui a le mérite d'exister déjà, mais dont les moyens d'intervention sont limités. Ce fonds pourrait par exemple être mis en mesure d'accorder une aide plus élevée dans les zones de montagne.

En réponse à une question de M. Francis Saint-Léger sur la piste éventuelle de l'établissement de « zones franches » en montagne, Mme Hélène Jacquet-Montsarrat indique qu'une mission d'inspection conjointe des ministères du budget, de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, vient d'être décidée sur les ZRR (zones de revitalisation rurale), qui pourraient le cas échéant être amenées à évoluer pour être transformées en « zones franches rurales ». Mais là encore, il s'agit de la recherche d'une solution pour un problème qui dépasse le cadre stricte de la montagne.

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N° 1040 - Rapport d'information sur les améliorations pouvant être apportées au droit applicable dans les zones de montagne (M. Yves Coussain)

1 () Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne.

2 () Conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement.

3 () A cet égard, on peut rappeler la définition des activités agricoles retenue par l'article L.311-1 du code rural « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ».

4 () Pour les collectivités locales, la participation au capital constituera une immobilisation financière, et n'entrera donc pas dans le champ des opérations assujetties &ag