Version PDF
Retour vers le dossier législatif

graphique

N° 1045

___________

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement
au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée
au cours de la troisième partie de sa session ordinaire de 2003

par M. Jean-Claude MIGNON

Député

ET PRÉSENTÉ A LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

La Délégation de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est composée de : MM. René André, Georges Colombier, Francis Delattre, Claude Evin, Pierre Goldberg, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Marie Le Guen, Jean-Claude Mignon, Marc Reymann, François Rochebloine, André Schneider, Bernard Schreiner, en tant que membres titulaires, et MM. Alain Cousin, André Flajolet, Jean-Marie Geveaux, Michel Hunault, Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Loncle, Christian Ménard, Gilbert Meyer, Rudy Salles, en tant que membres suppléants.

S O M M A I R E

Pages

INTRODUCTION 5

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE 7

DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. Liste des avis, recommandations et résolutions 7

adoptés

B. Interventions des parlementaires français 9

II. LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION 13

A. L'avenir du Conseil de l'Europe dans la nouvelle 13

architecture européenne

B. Les droits des personnes détenues par les Etats-Unis 20

en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay

C.  Une application pratique de la « Grande Europe » : 25

l'agriculture et les trafics d'êtres humains liés à la

prostitution

1. L'agriculture européenne 25

2. Les trafics d'êtres humains liés à la prostitution 28

III.  LES ACTIVITÉS DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 34

A. La participation de parlementaires français à 34

l'observation des élections législatives arméniennes

B. L'initiative « Strasbourg capitale européenne » 36

C. Les relations internationales de la délégati l'Assemblée des conditions de détention des prisonniers en Afghanistan et sur la base américaine de Guantanamo Bay.

Comme lors des sessions précédentes, la délégation française a tenu à être présente tout au long des débats, jusqu'au dernier jour ; selon la pratique habituelle l'état des interventions de ses membres figure dans les pages suivantes du présent rapport.

Par ailleurs, la délégation a poursuivi ses contacts avec d'autres délégations nationales.

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DEROULEMENT DE LA SESSION

A. Liste des recommandations et résolutions adoptées

N° Titre Doc

-------------------------------------------------------------------------------------

Recommandation 1606 Zones où la Convention européenne des 9730

Droits de l'homme ne peut pas être

appliquée

Recommandation 1607 Activités de l'Organisation internationale 9814

pour les migrations

Recommandation 1608 Colonisation par des colons turcs de la partie 9799

occupée de Chypre

Recommandation 1609 Expériences positives des régions autonomes 9824

comme source d'inspiration dans la résolution

de conflits en Europe

Recommandation 1610 Migrations liées à la traite des femmes et à 9795

la prostitution

Recommandation 1611 Trafic d'organes en Europe 9822

Recommandation 1612 La situation des réfugiés palestiniens 9808

Recommandation1613 Le Conseil de l'Europe et la Convention sur 9846

(révisé) l'avenir de l'Europe

Recommandation 1614 Environnement et droits de l'homme 9791

Résolution 1330 Agriculture et élargissement de l'Union 9812

européenne

comme source d'inspiration dans la résolution

de conflits en Europe

Résolution 1335 Traitement préférentiel des minorités 9744

nationales par l'Etat-parent : le cas de la loi rév.

hngroise du 19 juin 2001 concernant les

Hongrois vivant dans les pays voisins

(« Magyars »)

Résolution 1336 Menaces qui pèsent sur la Cour pénale 9844

internationale

Résolution 1337 Migrations liées à la traite des femmes et à 9795

la prostitution

Résolution 1338 La situation des réfugiés palestiniens 9808

Résolution 1339 Le Conseil de l'Europe et la Convention sur 9846

l'avenir de l'Europe

Résolution 1340 Droits des personnes détenues par les Etats- 9817

Unis en Afghanistan et sur la base de

Guantanamo Bay

Résolution 1341 Les politiques européennes du transport 9823

aérien : des choix cruciaux à une période

critique

B. Interventions des parlementaires français

Séance du lundi 23 juin 2003, après-midi :

Observation des élections en Arménie

Rapport de M. Bernard Schreiner, au nom de la commission ad hoc du Bureau ;

Intervention de M. François Rochebloine, contre les critiques dont les élections ont fait l'objet.

Agriculture et élargissement

Les enjeux de l'agriculture méditerranéenne

Interventions de :

M. Daniel Goulet, sur les conditions d'une réforme équilibrée de la politique agricole commune ;

M. Michel Hunault, sur les conditions économiques et juridiques du maintien d'une agriculture européenne compétitive.

Zones de non-application de la Convention européenne des droits de l'homme

Invention de M. Jean-Pierre Kucheida, en faveur de la création d'un « défenseur européen » des droits de l'homme.

Séance du mardi 24 juin 2003, matin :

Contribution de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) au développement économique

Interventions de :

M. Jean-Pierre Masseret, sur le développement des action de la BERD dans le cadre d'une véritable coopération européenne ;

M. Jean-Pierre Kucheida, sur le recentrement des financements de projets par la BERD (politique des villes).

Discours de M. Rudolf Schuster, Président de la République slovaque

Questions de :

Mme Josette Durrieu, sur l'autonomie locale et la lutte contre la corruption ;

M. Jean-Claude Mignon, sur l'adapta-tion des structures judiciaires et de la procédure.

Séance du mardi 24 juin 2003, après-midi :

Activités de l'Organisation internationale pour les migrations

Interventions de :

M. Rudy Salles, pour l'intensification de la lutte contre les filières d'immigration clandestine ;

M. Jean-Guy Branger, sur les conditions d'une véritable politique de l'immigration.

Expériences positives des régions autonomes

Interventions de :

M. Jean-Claude Mignon, sur les distinctions nécessaires à établir entre l'Est et l'Ouest pour le traitement de la question des minorités ;

M. Bernard Schreiner, sur la nécessité de traiter la question des minorités selon une approche pragmatique.

Séance du mercredi 25 juin 2003, après-midi :

Les migrations liées à la traite des femmes et à la prostitution

Interventions de :

M. Marc Reymann, pour une action d'information préventive des femmes et une répression résolue des trafiquants ;

M. Jean-Claude Mignon, pour le développement de la coopération entre Etats européens, tant préventive que répressive ;

M. Rudy Salles, pour une politique d'éradication de l'immigration clandestine concertée entre Etats de départ et d'accueil ;

M. André Schneider, pour le renforcement de la répression des réseaux de proxénétisme dans les pays occidentaux.

Les trafics d'organes en Europe

Intervention de M. Jean-Marie Le Guen, pour la protection du vivant contre le risque de marchandisation.

Situation des réfugiés palestiniens

Intervention de M. François Rochebloine, sur la nécessité d'un règlement politique pour la solution du problème humanitaire.

Séance du jeudi 26 juin 2003, matin :

Le Conseil de l'Europe et la Convention sur l'avenir de l'Europe

Intervention de M. Jean-Claude Mignon, affirmant l'opportunité de l'action spécifique du Conseil dans l'Europe élargie.

Séance du jeudi 26 juin 2003, après-midi :

Prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Intervention de M. François Rochebloine, sur l'ambiguïté de l'attitude politique générale du gouvernement azerbaïdjanais.

Droits des personnes détenues par les Etats-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay

Intervention de M. Jean-Pierre Masseret, sur la nécessité d'appliquer à ces détenus les règles du procès équitable.

Séance du vendredi 27 juin 2003, matin :

Politiques européennes du transport aérien

Rapport de M. Jean-Pierre Masseret, concluant à la nécessité de développer les instruments de coordination du trafic aérien dans le ciel européen.

L'ensemble des documents et des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est consultable sur le site :

http://assembly.coe.int/

II.    LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION

La coïncidence entre la tenue de la troisième partie de session de l'Assemblée parlementaire et la phase finale des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe a rendu opportune l'organisation d'un débat d'urgence sur la place du Conseil de l'Europe dans les nouvelles structures institutionnelles européennes. L'examen de la situation des personnes détenues par les Etats-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay a permis une nouvelle affirmation de la conception des droits de l'homme propre au Conseil de l'Europe.

A. L'avenir du Conseil de l'Europe dans la nouvelle architecture européenne

Le 13 juin 2003, la Convention pour l'avenir de l'Europe a adopté un projet de Constitution pour l'Union européenne élargie, présenté par son président, M. Valéry Giscard d'Estaing, au Conseil européen de Thessalonique le 20 juin suivant.

La commission des questions politiques a chargé M. Theodoros Pangalos, qui avait déjà présenté un rapport très fouillé sur la contribution du Conseil de l'Europe au processus d'élaboration de la Constitution européenne, d'établir, en vue d'un débat d'urgence de l'Assemblée parlementaire, un nouveau rapport faisant le bilan des travaux de la Convention concernant le Conseil.

Ce rapport dresse un état descriptif des initiatives prises par les divers organes du Conseil de l'Europe en direction de la Convention, et fait principalement le point sur deux questions: l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme et les "relations spéciales" que l'Union sera appelée à établir avec le Conseil de l'Europe pour éviter, notamment, que l'élargissement ne se traduise, sur des frontières certes reculées, par l'établissement de nouvelles fractures.

Intervenant dans le débat sur le rapport et les propositions de résolution et de recommandation dont il est assorti, M. Jean-Claude Mignon s'est attaché, au nom de la délégation française, à mettre en valeur l'apport original du Conseil de l'Europe, qui doit conserver sa spécificité et son autonomie à l'égard du mécanisme d'intégration qu'est, par construction, l'Union européenne avant et après l'élargissement :

"En revanche, j'approuve pleinement la formule qui affirme que "le Conseil de l'Europe joue un rôle clé dans l'édification d'une Europe sans clivages, notamment par son travail normatif et ses divers mécanismes de suivi". Il peut d'autant plus jouer ce rôle que son activité n'est pas commandée par une logique d'intégration des systèmes politiques et juridiques, comme l'est, par construction, le système de l'Union européenne.

"Au nom de la délégation française, j'encourage les autorités responsables du Conseil de l'Europe à développer ses activités pour la conclusion de conventions-cadres et l'accompagnement des transitions démocratiques de manière autonome, quitte à ce que les relations institutionnelles nouvelles entre le Conseil et l'Union permettent une prise en compte plus rapide de ces deux types d'action dans les procédures communautaires.

"Nous soutiendrons, pour notre part, toutes les initiatives propres à renforcer le rôle unificateur du Conseil de l'Europe et sa capacité à engager entre Etats-membres les débats susceptibles d'améliorer la cohésion politique de l'ensemble européen.

"Le Conseil de l'Europe a cinquante-quatre ans. La Convention sur l'avenir de l'Europe constitue une chance pour la plus ancienne organisation paneuropéenne. Elle nous donne la possibilité d'un nouveau départ; elle nous offre une seconde chance ainsi que la reconnaissance de l'excellent travail accompli depuis 1949.

"Plus que jamais, nous devons être ici, à Strasbourg, dans cette enceinte, le moteur de la construction européenne et être ainsi fidèles à ce qui avait été souhaité par celles et ceux qui, en 1949, ont décidé la construction européenne."

La plupart des orateurs ont également affirmé que le Conseil de l'Europe conservait toute son utilité dans la nouvelle structure institutionnelle européenne et se sont réjouis de la clarification intervenue sur la place de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'édifice normatif européen.

A l'issue de ce débat général l'Assemblée a adopté la résolution et la recommandation dont le texte suit :

graphique

Résolution n°1339 Constitution. L'Assemblée espère que les chefs d'Etat et de gouvernement qui prendront la décision finale sur la Constitution se mettront d'accord pour assurer le plus grand respect du texte élaboré par la Convention.

graphique
3. Les travaux de la Convention ont été suivis avec la plus grande attention par le Conseil de l'Europe. Deux mémorandums du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe ont ainsi été distribués en tant que documents de la Convention (CONV 157/02 et CONV 427/02). L'Assemblée, pour sa part, a adopté deux Résolutions (1290 (2002) et 1314 (2003)), ainsi que deux Recommandations (1568 (2002) et 1578 (2002)) relatives à la Convention.

4. Ces contributions, ainsi que les efforts de nombreux membres de la Convention, ont œuvré en faveur de l'insertion dans le projet de Constitution, au sein de l'article I-7, d'une base légale autorisant l'Union européenne à adhérer à la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). L'Assemblée s'en félicite et considère que la formulation finalement retenue «l'Union s'emploie à adhérer à la CEDH» marque un engagement plus fort de l'Union européenne en faveur de cette adhésion mais qu'il convient cependant de demander à la CIG de soutenir cette formulation dans la version finale du texte.

5. L'Assemblée reste préoccupée par l'idée que l'incorporation sous une forme juridiquement contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans le projet de Constitution conduira à une dualité des normes en matière d'interprétation de la CEDH. Elle décide de soumettre ce motif d'inquiétude à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour analyse et réponse prochaine.

8. L'Assemblée regrette cependant que le projet de Constitution ne mentionne pas expressément le Conseil de l'Europe dans son article I-56 concernant «l'Union et son environnement proche», malgré les amendements présentés en ce sens par un certain nombre de membres de la Convention.

graphique
9. L'Assemblée rappelle en effet que le Conseil de l'Europe constitue une organisation paneuropéenne où les représentants de quarante-cinq Etats européens peuvent coopérer sur un pied d'égalité aux niveaux parlementaire, gouvernemental, local et régional, et qu'il joue un rôle clé dans l'édification d'une Europe sans clivages, notamment par son travail normatif (plus de 190 conventions) et ses divers mécanismes de suivi qui bénéficient au premier titre aux pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

10. L'Assemblée note avec inquiétude que l'acquis communautaire risque d'être compromis dans certains domaines essentiels des droits de l'homme, malgré l'insertion envisagée de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la partie II du projet de Constitution, comme proposé par la Convention. L'égalité entre les femmes et les hommes en particulier devrait demeurer un objectif prioritaire de l'Union européenne.

11. En conséquence, l'Assemblée demande aux Etats qui vont participer à la prochaine Conférence intergouvernementale :

i. d'apporter leur soutien à la formulation retenue par la Convention sur l'avenir de l'Europe dans le cadre de l'article I-7 de la Constitution: «l'Union européenne s'emploie à adhérer à la CEDH» ;

ii. de soumettre l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH à la même majorité qualifiée que la conclusion d'autres accords internationaux ;

iii. de s'engager, au sein du Conseil de l'Europe, dans la préparation des instruments juridiques nécessaires à l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH ;

iv. d'appuyer l'adhésion de l'Union européenne à la Convention culturelle européenne ;

v. de soutenir la proposition d'un paragraphe 3 à l'article I-56 formulé comme suit: «3. L'Union développe ces relations spéciales en recourant pleinement au Conseil de l'Europe et aux autres organisations internationales dont ces pays sont membres» ;

vi. d'inscrire dans la Constitution :

a. une référence à l'acqu l'homme et de prééminence du droit.

i. d'apporter leur soutien à la formulation retenue par la Convention sur l'avenir de l'Europe dans le cadre de l'article I-7 de la Constitution: «l'Union européenne s'emploie à adhérer à la CEDH» ;

ii. de soumettre l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH à la même majorité qualifiée que la conclusion d'autres accords internationaux ;

iii. de s'engager, au sein du Conseil de l'Europe, dans la préparation des instruments juridiques nécessaires à l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH ;

iv. d'appuyer l'adhésion de l'Union européenne à la Convention culturelle européenne ;

v. de soutenir la proposition d'un paragraphe 3 à l'article I-56 formulé comme suit : «3. L'Union développe ces relations spéciales en recourant pleinement au Conseil de l'Europe et aux autres organisations internationales dont ces pays sont membres» ;

vi. d'inscrire dans la Constitution :

a. une référence à l'acquis conventionnel du Conseil de l'Europe qui a contribué à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe, qui est un objectif commun avec l'Union européenne ;

b. une référence à l'action du Conseil de l'Europe en matière de prévention des conflits et de consolidation de la paix, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune ;

c. une référence à l'action du Conseil de l'Europe concernant le suivi des obligations et des engagements auxquels ont souscrit les Etats membres lors de leur adhésion, et qu'ils doivent remplir pour se conformer aux normes de l'Organisation en matière de démocratie, de droits de l'homme et de prééminence du droit.

graphique

12. L'Assemblée demande à son Président de transmettre la présente résolution aux gouvernements des Etats membres qui vont prendre part à la CIG, aux présidents du Conseil européen, de la Commission européenne et du Parlement européen, afin que les propositions de l'Assemblée puissent être prises en compte.

13. 'Assemblée enjoint aussi à son Président de transmettre la présente résolution aux présidents des parlements des Etats membres, en les invitant à soutenir les propositions de l'Assemblée visant à assurer une plus grande cohérence de la construction européenne sur tout le continent.

3. L'Assemblée considère qu'il serait souhaitable de renforcer la présence institutionnelle de l'Union européenne auprès du Conseil de l'Europe, ce qui assurerait une meilleure articulation entre les deux institutions.

4. En conséquence, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres :

i. de promouvoir fermement l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH et d'adresser clairement et dès que possible à l'Union européenne une invitation à adhérer à la CEDH et à ses protocoles, accompagnée d'une proposition pour entamer des négociations avec les instances compétentes de l'Union en vue d'élaborer les instruments juridiques permettant cette adhésion ;

ii. afin de préserver le principe d'une Europe sans clivages dans le domaine culturel, de faire le nécessaire pour que l'Union européenne devienne partie à la Convention culturelle européenne à une occasion appropriée, telle que le 50e anniversaire de la convention en 2004 ou le prochain sommet du Conseil de l'Europe ;

iii.

graphique
de préparer dans les meilleurs délais une résolution statutaire permettant à l'Union européenne de bénéficier d'un statut d'association auprès du Conseil de l'Europe ;

iv. d'adopter à sa prochaine réunion au niveau ministériel une déclaration sur la place du Conseil de l'Europe dans la construction européenne et de la transmettre à la Conférence intergouvernementale.

B. Les droits des personnes détenues par les Etats-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay

Au cours des opérations militaires de l'automne 2001 en Afghanistan, un certain nombre de personnes soupçonnées d'intelligence, soit avec les taliban, soit avec la mouvance terroriste d'Al Qaida, ont été interpellées par les forces américaines et placées en détention sous le contrôle de ces forces. Nombre de ces personnes ont été ensuite transférées sur le territoire de la base américaine de Guantanamo Bay, sur l'île de Cuba. Parmi elles se trouvent des ressortissants d'Etats membres du Conseil de l'Europe.

Le cadre juridique de l'incarcération de ces personnes, dont les modalités matérielles ont connu un retentissement médiatique certain, a suscité des critiques fondées sur la doctrine constante du Conseil de l'Europe pour la protection des droits de l'homme. M. Mac Namara, rapporteur de la commission des questions juri Masseret a prononcé, au nom de la délégation française, l'intervention suivante :

Notre débat ne doit pas être abordé uniquement sous l'angle juridique, je crois qu'il faut lui redonner toute sa dimension humaine sans laquelle il n'est pas de solution, fût-elle parfaitement fondée en droit.

Je veux donc souligner d'emblée qu'il n'est pas question d'excuser les actes accomplis par les Talibans et leurs alliés. Pas question non plus d'ignorer les crimes perpétrés par Saddam Hussein: si les armes de destruction massive restent introuvables, les charniers, eux, sont bien réels.

De même, il faut comprendre l'immense traumatisme qu'ont provoqué les attentats du 11 septembre 2001 pour les Américains. Nous devons absolument faire l'effort d'imaginer ce qu'aurait pu être pour chacune de nos nations une situation comme celle-là, avec la mort de milliers de personnes: employés des sociétés présentes dans les tours, sauveteurs et pompiers. Il convient donc d'abord de reconnaître le traumatisme subi et le caractère inacceptable, non seulement des actions terroristes, mais également de la complicité de quelques égarés venus de nos Etats européens.

Ces sentiments exprimés à nos amis Américains nous permettent de leur dire en toute franchise qu'ils doivent se montrer à la hauteur de leur tradition juridique et organiser, conformément aux garanties du procès équitable, le jugement des actions commises. Premier Etat à se doter d'une Constitution écrite et d'une Déclaration des droits de l'Homme, les Etats-Unis se grandiraient à respecter les définitions juridiques et les garanties du statut de prisonnier de guerre de la troisième Convention de Genève.

Déjà, les autorités américaines ont permis au Comité international de la Croix Rouge d'assister les prisonniers dans certaines de leurs démarches, notamment en ce qui concerne la correspondance avec leur famille. Toutefois ces mêmes autorités refusent toujours les visites des représentants consulaires des pays d'origine. Il y a également le cas des mineurs, que l'on vient d'évoquer.

Surtout, une totale incertitude plane sur des éléments essentiels du procès équitable: assistance d'un avocat, présentation à un juge, inculpation, assistance d'interprètes, garanties procédurales et constitution régulière du tribunal. Evidemment, pour nous Européens, la garantie essentielle tient à l'exclusion de réquisition de la peine de mort.

Comment ne pas évoquer les "dommages collatéraux" immenses auxquels s'exposent les Américains en s'exemptant de toutes les normes du droit international? Ce respect des normes multilatérales ne signifierait nullement le laxisme dans la poursuite de crimes avérés. En revanche, il priverait d'arguments les manipulateurs qui prêchent la "victimisation" des musulmans. La propagande islamiste exploite évidemment un sentiment de déni de justice qui fait à son tour adopté une Résolution en ce sens hier dans l'intérêt même de la paix. Les Etats sollicités par les Américains doivent soutenir cet instrument juridictionnel sans lequel il n'y aura pas de réconciliation possible.

C'est dans cet esprit que je m'associe à cet excellent rapport pour appeler les Américains au respect du droit international.

L'Assemblée parlementaire a adopté une résolution conforme aux orientations proposées par son rapporteur, ainsi conçue :

graphique

Résolution n° 1340

1. L'Assemblée parlementaire :

i. note que, plusieurs mois après la fin du conflit armé international en Afghanistan, plus de 600 combattants et non-combattants, y compris des citoyens d'Etats membres du Conseil de l'Europe, sont peut-être encore détenus dans des établissements militaires américains - certains dans la zone de conflit afghane, d'autres ayant été transférés sur la base américaine de Guantánamo Bay (Cuba) et ailleurs, et que d'autres individus ont été arrêtés dans d'autres territoires et transférés sur ces installations ;

ii. note en outre qu'un certain nombre d'enfants sont détenus à Guantánamo Bay, y compris une poignée d'enfants entre 13 et 15 ans transférés de la base aérienne de Bagram en 2003, et un enfant canadien de 16 ans transféré à la fin de 2002 ;

iii.

graphique
estime que les enfants ne devraient être détenus qu'en dernier recours et qu'ils doivent bénéficier d'une protection spécifique; que la détention continue de ces jeunes gens est une violation flagrante de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

2. L'Assemblée est vivement préoccupée par les conditions de détention en tant que telles de ces personnes, qu'elle considère inacceptables, et elle estime que leur détention, sans que leur statut soit défini, est illégale.

3. Les Etats-Unis refusent de qualifier ces personnes de prisonniers de guerre, les considérant comme des combattants illégaux, une définition qui n'existe pas en droit international.

4. Les Etats-Unis refusent également d'autoriser qu'un tribunal compétent prenne une décision sur le statut des différents détenus comme le prévoit la Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, ce qui rend leur détention prolongée arbitraire.

5. Les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de leur responsabilité au regard du droit international d'infor s'applique aux ressortissants américains, ce qui constitue une violation grave du droit à un procès équitable et un acte discriminatoire contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies.

9. Eu égard à ce qui précède, l'Assemblée prie instamment les Etats-Unis :

i. de mettre les conditions de détention en conformité avec les normes juridiques internationalement reconnues, par exemple en donnant accès au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et en suivant ses recommandations ;

ii.

graphique
de reconnaître que, en vertu de l'article 4 de la Troisième Convention de Genève, les membres des forces armées d'une partie à un conflit international, de même que les membres de milices et de corps de volontaires faisant partie de ces forces armées, ont le droit de bénéficier du statut de prisonniers de guerre ;

iii. d'autoriser que le statut de chaque détenu soit déterminé au cas par cas par un tribunal compétent dans le respect des garanties prévues par l'article 5 de la Troisième Convention de Genève et de libérer immédiatement les non-combattants qui ne sont pas inculpés de crimes de guerre.

10. L'Assemblée exhorte les Etats-Unis à permettre aux représentants des Etats qui ont des ressortissants détenus en Afghanistan et à Guantánamo Bay, accompagnés d'observateurs indépendants, d'avoir accès aux sites de détention et de pouvoir communiquer sans entrave avec les détenus.

11. En outre, l'Assemblée exhorte les Etats membres du Conseil de l'Europe dont les ressortissants sont détenus en Afghanistan et sur la base de Guantánamo Bay ou ailleurs :

i. de les aider énergiquement par tous les moyens légaux et diplomatiques possibles ;

ii. de demander l'extradition des personnes menacées de peine de mort ;

iii. de demander à ce que toutes les autorités judiciaires compétentes s'engagent à ne pas requérir la peine de mort.

12. Enfin, l'Assemblée exprime son profond regret que les Etats-Unis manquent aux obligations qui leur incombent au titre de la Résolution statutaire (93) 26 du Comité des Ministres relative au statut d'observateur en tant que pays jouissant du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe.

13. L'Assemblée regrette de plus que les Etats-Unis aient une position contradictoire en ce qui concerne Guantánamo Bay, considérée comme une enclave sous la pleine juridiction des Etats-Unis bien qu'elle ne soit pas couverte par la Constitution américaine. Elle se réserve le droit d'émettre des recommandations appropri sujets formant par ailleurs l'actualité des débats communautaires.

La troisième partie de session a illustré immédiatement ce rapprochement à travers deux débats, l'un sur l'agriculture européenne, l'autre sur les trafics d'êtres humains liés à la prostitution.

1.  L'agriculture européenne

Le débat sur l'agriculture européenne, tenu avec la participation de M. Franz Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture et de la pêche, portait sur deux thèmes distincts mais en discussion commune : l'agriculture et l'élargissement de l'Union européenne ; les enjeux de l'agriculture méditerranéenne. Il coïncidait avec les négociations sur la réforme de la politique agricole commune en cours à Bruxelles.

Deux membres de la délégation française, M. Daniel Goulet et M. Michel Hunault, sont intervenus. M. Goulet a rappelé que la politique agricole commune était un des fondements de la construction européenne et s'est interrogé sur la méthode choisie par la Commission européenne pour en préparer la réforme :

On ne le dit pas assez, la politique agricole demeure la seule politique commune de l'Union, l'un des piliers essentiels sur lesquels s'édifie peu à peu notre continent européen, car ni la politique de défense, ni la politique de l'euro, et encore moins la politique étrangère, n'ont encore atteint ce stade d'achèvement: elles n'en sont qu'à leurs balbutiements et n'engendrent guère à ce jour de cohérence et de certitude, ni donc d'espérance.

La politique agricole commune, telle que nous la pratiquons, est devenue pour nous tous un acquis sérieux, un bien si précieux que nous ne pouvons l'ignorer, et encore moins en dilapider tous les bienfaits. Pour sauvegarder encore ce qui peut l'être, et en m'adressant à vous, Monsieur Fischler, Commissaire européen, chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, je vous dis solennellement et très fortement : "prenez garde, monsieur le commissaire - prenons garde nous tous -, de ne pas prendre la responsabilité, sous prétexte de la réforme, de provoquer plus de désagréments et de déceptions qu'on ne pourrait le craindre. Les effets durables ne se mesurent pas toujours dans l'immédiat, mais ils sont le plus souvent dangereux et irréparables dans le long terme.

S'il est vrai que nous devons repenser les règles du jeu pour une famille élargie, passée à vingt-cinq membres, et que de nouveaux principes d'organisation et de fonctionnement doivent être élaborés, les problèmes que nous pourrions connaître en agriculture se posent tout d'abord en termes de méthode.

Alors, si l'heure de la réforme à sonné, adoptons, adoptons soit, mais pas à n'importe quel prix et pas n'importe comment. Mesurons bien tous les effets que pourrait avoir une déma Il est assurément le ferment de la fracture économique et sociale entre les hommes et entre les territoires, image des incertitudes et du découragement d'une agriculture à deux vitesses.

Le système proposé, monsieur le commissaire, risque de constituer les prémices d'une cascade de déceptions annoncées, non seulement pour l'agriculture française - bien sûr, car nous sommes tous des Européens - mais aussi pour l'agriculture d'un certain nombre de pays, pour leur ruralité et pour leur acheminement vers une Europe qui ne devrait pas être une Europe à deux vitesses, - voire davantage -, non seulement pour les agriculteurs d'aujourd'hui, qui jouent leur propre existence, mais surtout pour les générations futures.

Savez-vous, monsieur le commissaire, qu'en 1998 mon département comptait 13 740 unités de production ; en 2000, ce nombre est tombé à 8 400. Depuis lors, il en disparaît 450 annuellement, soit une par commune et par an. Cette situation ne peut plus continuer. Ce n'est pas la peine de vanter les mérites de l'agriculture pour la voir péricliter ! Offrir aux pays adhérents un système juste et fiable est la seule garantie d'un équilibre entre les pays d'un même continent et l'assurance de la stabilité des peuples.

Enfin, j'aimerais dire à notre commissaire, qu'avec ses experts, à Bruxelles, il a la chance d'avoir une agriculture diversifiée sur le territoire européen. Eh bien je l'invite à venir en Normandie pour voir ce qui s'y passe! Il serait peut-être à même de juger sur pièces ce que nous faisons et ce que nous attendons de lui.

M. Hunault a souhaité que la réforme à venir ne mette pas en péril l'avenir d'une agriculture confrontée à de multiples et nouveaux défis.

Les agriculteurs jouent un rôle essentiel en matière de sécurité alimentaire. Les productions ont atteint aujourd'hui un niveau de qualité sans précédent. Les efforts en matière de traçabilité de la filière agricole et donc alimentaire, les investissements très lourds en matière d'environnement en font aujourd'hui un secteur dynamique. Cependant, l'élargissement semble donner lieu à une révision inadmissible, dans ses orientations actuelles, de la politique agricole commune. En effet, il convient de replacer l'agriculture dans un contexte de concurrence mondiale. Il nous faut affirmer avec force la nécessité d'avoir une agriculture compétitive et durable, ce qui nécessite des soutiens financiers. La Pac doit avant tout avoir pour objectif de garantir le revenu des agriculteurs et d'assurer la pérennité d'une agriculture fondée sur un système d'exploitation familiale et responsable.

L'agriculture européenne est confrontée à de formidables défis : l'aménagement de l'espace rural, le respect de l'environnement, la concurrence des produits émanant de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, de traçabilité ou environnementales, placent souvent les agriculteurs européens dans une situation difficile.

La résolution finalement votée sur l'agriculture et l'élargissement de l'Union européenne définit les orientations que, pour l'Assemblée parlementaire, devrait suivre la réforme de la politique agricole commune (soutien au développement durable en agriculture, plus grande sensibilité aux "signaux du marché"). La résolution sur les enjeux de l'agriculture méditerranéenne insiste sur les moyens de sauvegarder cette agriculture, indispensable à la cohésion des sociétés méditerranéennes, et la responsabilité de l'Union européenne dans le développement de la coopération avec les pays méditerranéens dans cette perspective.

2.  Les trafics d'êtres humains liés à la prostitution

A nouveau la question de la circulation des personnes dans l'Europe d'après la chute de l'Union soviétique a nourri un débat, à partir du problème des trafics de prostitution en provenance de l'Est européen. Si le régime juridique de circulation et de transit des personnes a bien entendu été évoqué, c'est sur la disparité des situations économiques entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, exerçant une forte puissance d'attraction sur des personnes vulnérables du fait de leur pauvreté, que se sont articulées les discussions.

Comment concilier la prise en compte de cette vulnérabilité, par un traitement humanitaire, et les exigences de la sécurité publique et de la répression de trafics odieux ? Ce fut la question dominante d'une séance au cours de laquelle sont intervenus MM. Marc Reymann, Jean-Claude Mignon, Rudy Salles et André Schneider.

M. Marc Reymann a estimé que seules deux méthodes possibles permettaient d'« endiguer la vague » d'immigration liée à la prostitution : « informer pour éviter le pire et réprimer ceux qui exploitent la naïveté et la pauvreté des intéressés. Eviter que les jeunes femmes ne quittent leur pays sur la base d'une fausse promesse est sans conteste le moyen le plus efficace de lutter contre la traite (...)

Se prononçant pour le développement de la coopération policière internationale, M. Reymann a rappelé le rôle prépondérant qu'y jouent Interpol et Europol.

Instruments de coopération entre les services de police, Europol comme Interpol, sont amenés à développer des actions en collaboration avec leurs homologues des pays d'origine de la traite, ce qui peut s'avérer particulièrement délicat en l'absence d'une législation adaptée et d'organes de contrôle des données transmises.

Pour couronner le tout, la coopération judiciaire européenne est à la traîne. Les divergences entre les régimes judiciaires des Etats membres, au-delà des questions d'harmonisation et des incriminations sont légion. Pays de dro C'est ainsi que plusieurs pays européens parmi lesquels la Belgique, l'Italie et la France privilégient la protection des victimes sans négliger la nécessaire répression des filières de la traite des êtres humains.

Reprenant le descriptif de la situation faite par le rapport, qu'il « approuve sans réserves », M. Reymann conclut :

Si la traite des femmes ne semble pas, pour le moment, la priorité des gouvernements, il n'en demeure pas moins que toutes les campagnes d'information doivent se développer, que ce soit par les organisations non gouvernementales ou les Etats, à travers leurs ambassades ou consulats au moment de la délivrance des visas.

Il est à souhaiter que les résolutions votées aboutissent enfin à une meilleure prise de conscience des Etats. Il y va, non seulement de la dignité des femmes, mais surtout de la crédibilité du travail de notre Assemblée.

M. Jean-Claude Mignon rappelle que le renforcement de la répression est indispensable pour briser les filières d'une exploitation particulièrement scandaleuse.

La question de la traite des femmes et de la prostitution est particulièrement sensible dans l'opinion française. D'abord, en raison du sentiment de révolte que l'on éprouve communément face à une situation d'exploitation dont le point de départ est, comme l'on rappelé les deux rapporteurs, la volonté de mieux vivre.

Comme le disent à juste titre nos collègues, il ne s'agit pas de condamner ces femmes mais de mettre un terme aux situations qui ont engendré le développement de masse de la prostitution provenant d'Europe de l'Est.

Dans cette tâche, nous, représentants des pays d'arrivée, devons prendre nos responsabilités d'abord, en renforçant très sévèrement la répression des trafiquants qui exploitent les réseaux de prostitution - des criminels! C'est d'ailleurs ce qu'a fait récemment notre gouvernement. Nous devons bannir, condamner toute complaisance à l'égard des entreprises de proxénétisme mais aussi à l'égard de leurs "clients". Ce mot ne me convient guère, je parlerais plutôt de "malades".

Au sein de l'Union européenne, la traite des femmes relève des infractions de grande criminalité et sur ce plan, les Etats membres ont souhaité la coordination des procédures pénales à travers l'institution du mandat d'arrêt européen. Celui-ci fait partie de l'acquis communautaire: demain, il sera une réalité dans l'ordre juridique de plusieurs des pays d'où partent aujourd'hui les filières de prostitution.

C'est dire que l'efficacité de la répression de ces filières exigera davantage de coopération, de volonté politique, de réponses conjointes des services de police et des juridictions des Etats de départ, dispositions concrètes les quarante-cinq Etats membres du Conseil de l'Europe prendront à la suite de ce débat.

M. Rudy Salles appelle également à une mobilisation de tous les Etats membres contre le proxénétisme international.

Le développement en Europe des réseaux criminels de prostitution est un phénomène grave et inquiétant contre lequel les Etats européens se doivent de réagir avec fermeté.

L'exploitation sexuelle des femmes et la nouvelle forme d'esclavage qui en découle sont tout à fait révoltantes et indignes de nos civilisations modernes.

C'est pourquoi la lutte contre cette forme abjecte d'asservissement mérite une réelle implication de tous les Etats de ce Conseil et la mobilisation sans retenue de leurs administrations.

En premier lieu, la coopération des pays européens où sont recrutées les jeunes filles constitue une condition indispensable au démantèlement des réseaux de prostitution.

Ainsi qu'en atteste les conclusions du rapport de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, les principaux pays d'origine de la prostitution sont les ex républiques soviétiques où la crise économique sévit le plus durement (Ukraine, Moldavie, Bulgarie).

C'est dans ces pays, malheureusement, que les femmes, accablées par le chômage et de la misère, sont les proies les plus faciles pour ces gangs de la prostitution.

Elles sont recrutées par le biais d'annonces fallacieuses leur promettant un travail lucratif et une vie prospère dans les pays réputés riches d'Europe.

C'est pourquoi, il faudrait, dans un premier temps, que, dans ces pays, les autorités mettent en œuvre des campagnes de sensibilisation et d'information destinées à mettre en garde les jeunes filles contre ces pièges tendus par des proxénètes peu scrupuleux..

Il est nécessaire, en outre, que ces Etats se donnent les moyens juridiques et humains de s'opposer à ces mafias qui font du trafic des êtres humains un fond de commerce infâme.

Il est, en effet, indispensable, que dans les pays d'origine de la prostitution comme dans les pays de transit (Roumanie), les proxénètes puissent être pénalement sanctionnés et que, pour ce faire, la traite des êtres humains soit érigée en infraction pénale.

D'autre part, la mobilisation des services de polices des Etats concernés doit traduire une volonté politique forte de lutter contre ce phénomène et de rompre avec une attitude plus ou moins complaisante des autorités vis-à-vis des bandes mafieuses.

< leur part des informations nécessaires à l'appréhension des proxénètes.

Dans le même esprit, une carte de séjour peut aussi être accordée aux prostituées qui donneront des informations utiles au démantèlement des filières.

En outre, les peines encourues par les proxénètes ont été aggravées et le délit de traite des êtres humains institué.

Mais, ce n'est qu'un début, et il reste encore beaucoup à faire. C'est pourquoi il est aujourd'hui important que tous les Etats européens, sans exception, manifestent leur volonté de prendre le problème de la prostitution, et de la traite des femmes qu'elle implique, à bras le corps. Pour ce faire, la concertation, la coopération et l'harmonisation des moyens des Etats membres du Conseil de l'Europe doivent prévaloir.

A cet effet, le rôle d'une institution telle que le Conseil de l'Europe qui compte en son sein, à la fois les pays d'origine, de transit et de destination de la prostitution, doit être primordial.

Je souhaitais, en dernier lieu, revenir sur une des mesures du rapport de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, destinée à lutter contre la traite des femmes :

Cette mesure préconise de multiplier dans les pays de destination de la prostitution les opportunités de migration légale.

M. André Schneider insiste, pour sa part, sur la responsabilité propre aux pays qui « accueillent » les réseaux de prostitution.

En tant qu'élu strasbourgeois, je suis bien sûr particulièrement sensibilisé au grave sujet de notre débat. La prostitution d'origine est-européenne, dont se préoccupe le rapport présentement examiné, est un phénomène connu à Strasbourg. Le rassemblement des institutions européennes a attiré dans notre ville les trafiquants de main-d'œuvre féminine et leurs malheureuses victimes et appelle des autorités de police une vigilance constante.

En même temps, le choix que font ces trafiquants d'établir les bases de leur criminelle industrie à Strasbourg est éclairant pour le débat d'aujourd'hui. Il est symbolique d'une agression violente contre l'idée d'une Europe commune des libertés et des droits de l'homme. Il doit nous amener à une riposte commune fondée sur ces mêmes libertés et sur ces mêmes droits.

Je ne pense pas qu'il soit sain et juste, comme le font parfois certains commentateurs, de mettre le poids de la responsabilité du phénomène de la prostitution est-européenne du seul côté des pays d'origine ou de transit. La plus élémentaire logique oblige à reconnaître que ce phénomène n'aurait pas l'ampleur que nous lui connaissons s'il n'existait pas pourrait faire naître chez certaines femmes d'Europe orientale l'illusion d'une vie facile au bout de l'exil.

Je souhaite que le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire fassent tout leur possible pour se donner les moyens d'une réelle coopération contre des trafics d'autant plus répugnants qu'ils procurent, au prix de la souffrance de nombreuses femmes, des gains illicites à des criminels pour lesquels la notion d'humanitaire est vide de sens.

III.    LES ACTIVITÉS DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Parmi les activités de la délégation française au cours de la troisième partie de session, trois initiatives appellent une mention particulière :

- la participation de parlementaires français à la mission d'observation des élections législatives du 25 mai 2003 en Arménie ;

- l'initiative Strasbourg capitale européenne ;

- les rencontres internationales de la délégation.

A. La participation de parlementaires français à l'observation des élections législatives arméniennes

Le 25 mai 2003, des élections législatives générales étaient organisées en Arménie. Une mission d'observation conjointe du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a été constituée à cette occasion. La commission ad hoc du Bureau qui constituait la partie de délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comportait plusieurs membres de la délégation française : Mme Josette Durrieu et MM. Jean-Claude Lefort, François Rochebloine et Bernard Schreiner.

La tâche de présenter à la session plénière de l'Assemblée parlementaire le rapport de la commission ad hoc, le lundi 23 juin, a été confiée à M. Bernard Schreiner.

Celui-ci a présenté les principales observations de la commission ad hoc sur les opérations électorales dans les termes suivants :

Si, dans l'ensemble, la campagne électorale en Arménie et la procédure en tant que telle se sont améliorées depuis les élections présidentielles, des problèmes ont cependant surgi dès la clôture du scrutin, en dépit des promesses faites par les autorités arméniennes lors de la visite de la mission pré-électorale.

C'est ainsi qu'à compter de la clôture du scrutin nous avons constaté, de même que les observateurs de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et de l'ODIHR, que les mêmes problèmes que ceux rencontrés lors des élections présidentielles se sont pos&ea arménienne.

Pour sa part, M. François Rochebloine, s'est exprimé contre les propositions de la commission ad hoc, en déclarant notamment :

J'ai l'impression que l'on veut faire un exemple, mais un exemple de quoi et sur quels fondements? Pour prendre une telle décision, il faut d'abord que la méthode d'observation soit irréprochable. Or je la trouve sommaire à certains égards. Faire remplir des formulaires où il suffit de cocher une des cases préétablies peut conduire à des résultats statistiques impressionnants mais peu probants. En tirer ensuite, comme l'a fait l'émissaire de l'OSCE, l'ambassadeur américain Robert Barry, des conclusions définitives est inacceptable. En effet, dénoncer pêle-mêle et sans preuves la falsification des résultats, le bourrage des urnes, le vol de bulletins de vote et l'intimidation d'observateurs internationaux, relève de la pression politique pure et simple. Au demeurant, les Etats-Unis n'ont pas de leçons à donner en la matière. Chacun se souvient de leurs difficultés à déterminer le vainqueur des dernières élections présidentielles.

Il est permis de se demander si nous avons observé les mêmes élections.

Je redoute que la méthode expéditive de l'observation selon les usages de l'OSCE ne l'ait emporté sur la pratique habituelle de notre assemblée marquée, à juste titre, par une approche qualitative qui fait également droit aux évolutions positives comme elle dénonce les abus. De cette bonne pratique, au demeurant, les observations de Lord Russell-Johnston, auquel je veux rendre hommage, sont un nouveau témoignage.

Certes, il a pu se produire quelques irrégularités dans la conduite des opérations électorales, mais n'oublions pas que l'Arménie est une jeune république qui n'a pas encore douze ans d'existence. Par ailleurs, j'ai le sentiment que ces abus sont en nette régression - c'est d'ailleurs ce qu'écrit notre rapporteur. L'annulation par les autorités arméniennes compétentes des opérations électorales dans trois districts est d'ailleurs la preuve qu'un contrôle effectif a été opéré.

B. L'initiative "Strasbourg capitale européenne"

A l'heure d'un élargissement de l'Europe qui ne se réduit pas à son aspect institutionnel, le rôle de Strasbourg dans la circulation des hommes et des idées est tous les jours confirmé par les faits. Les retards pris dans l'amélioration de la desserte nationale et internationale de la ville n'en apparaissent que plus gênants. Soucieux d'apporter leur soutien aux efforts accomplis par tous les responsables intéressés pour permettre à la ville de Strasbourg de faire face aux obligations particulières que lui crée son statut de capitale européenne, M. Jean-Claude Mignon a déposé une proposition de résolution "Réaliser le potentiel de Strasbourg, capitale européenne" qui a reçu le soutien de cinquante-quatr Europe unie ».

La constitution, à l'initiative de Mme Noëlle Lenoir, d'un comité de pilotage chargé de consolider le rôle européen de Strasbourg (auquel participe M. François Loncle, vice-président de la délégation française), est une excellente initiative. La signature par le Premier ministre, le 1er juillet 2003, d'un contrat triennal de 47,53 millions d'euros pour le développement de la vocation européenne de la ville, marque la réalité de l'engagement de l'Etat.

C. Les relations internationales de la délégation

La délégation française a poursuivi, à l'occasion de la troisième partie de session, ses contacts avec plusieurs délégations nationales à l'Assemblée parlementaire.

Elle a tout d'abord été reçue, à la résidence de son représentant permanent, par la délégation parlementaire de la Turquie, pour un déjeuner marqué par un climat de convivialité et de coopération.

Elle a reçu, à la résidence du représentant permanent français, les quatre délégations de la côte Est de la mer Baltique, l'Estonie, la Finlande, la Lettonie et la Lituanie, pour une rencontre qui se voulait une première prise de contact.

Enfin elle a reçu dans ses locaux, au Palais de l'Europe, la délégation d'invités spéciaux monégasques conduite par le nouveau président du Conseil national, M. Stéphane Valéri. La délégation monégasque a informé la délégation française de l'état de ses pourparlers avec la commission des questions juridiques de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ; elle a indiqué que le rapporteur de cette commission subordonnait désormais le progrès de la procédure d'admission de Monaco au Conseil de l'Europe à une déclaration de la France manifestant la volonté de renégocier la convention bilatérale de 1930 d'où il résulte que l'emploi de ministre d'Etat de la Principauté et d'autres emplois publics de haute responsabilité sont occupés par des citoyens français. La délégation française a pris acte de ces informations, tout en rappelant que la responsabilité constitutionnelle de la conduite de négociations diplomatiques n'incombait pas au Parlement.

 

N° 1045 - Rapport d'information sur l'activité de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe  au cours de la troisième partie de sa session ordinaire de 2003 (M. Jean-Claude Mignon)