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N° 1169

(1ère partie)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 novembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE (1), SUR LA GESTION DES DÉCHETS MÉNAGERS SUR LE TERRITOIRE

PAR M. Emile BLESSIG

Député

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Equipement - Aménagement du territoire - Environnement

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire est composée de : M. Emile Blessig, président ; MM. Nicolas Forissier, Jean Launay, Serge Poignant, vice-présidents ; MM. André Chassaigne, Philippe Folliot, secrétaires ; MM. Joël Beaugendre, Jean Diébold, Jacques Le Nay, Alain Marleix, Mme Henriette Martinez, MM. Max Roustan, Jean-Pierre Dufau, Patrick Lemasle, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

INTRODUCTION 5

I - L'APPLICATION DE LA LOI DU 13 JUILLET 1992 7

A. LA VOLONTÉ D'UNE RÉPONSE GLOBALE À UN PROBLÈME DE SOCIÉTÉ 7

1. La situation en 1992 7

2. 2002-2010 ou la persistance du problème de société 9

B. UN BILAN MITIGÉ 10

1. L'accès généralisé à la collecte et au traitement 10

18

A. LES ENJEUX ACTUELS ET À VENIR 18

1. Des capacités de stockage et de traitement saturées 19

2. Les réticences psychologiques des citoyens 25

a) Le syndrome "not in my backyard" 25

b) Un enjeu de démocratie locale 26

3. Un conflit entre environnement et aménagement du territoire : l'exemple des boues d'épuration. 27

B. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DES DÉCHETS EN QUESTION 28

1. La prédominance de la TEOM 30

2. Un dispositif fiscal difficile à concilier avec l'intercommunalité 32

III - PROPOSITIONS POUR UNE NOUVELLE LÉGISLATION 34

A. RESTAURER LA CONFIANCE DES CITOYENS 34

1. Abolir le monopole de contrôle de l'administration 34

2. Transformer les nuisances en richesse grâce à des financements incitatifs 36

a) des critiques techniques 36

b) Favoriser financièrement l'implantation des installations de stockage ou de traitement 37

c) Clarifier les règles juridiques s'appliquant aux collectivités locales 39

B. LÉGIFÉRER AFIN DE VALORISER LES DÉCHETS 39

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION 43

[POUR EN FACILITER LA CONSULTATION A L'ECRAN, CE RAPPORT A ETE SCINDE EN DEUX PARTIES]

ACCES A LE DEUXIEME PARTIE DU RAPPORT

A N N E X E 1

ORIGINE ET TRAITEMENT DES DECHETS MENAGERS

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

AUDITIONS

MESDAMES, MESSIEURS,

Si la gestion des déchets ménagers est perçue comme un problème d'environnement, elle constitue aussi une question de développement durable et d'aménagement du territoire.

Le traitement des déchets consiste en effet à collecter les pollutions réparties sur l'ensemble du territoire pour ensuite les concentrer et les détruire en quelques points particuliers. Or l'application croissante du principe de précaution dans notre droit et dans nos pratiques de gestion, et l'hostilité croissante des populations à l'encontre des activités qui génèrent des nuisances rendent cet exercice très difficile. Ainsi, la plupart des déchets ménagers sont d'origine urbaine alors que les centres techniques d'enfouissement sont le plus souvent en zone rurale. Leur répartition territoriale devient un enjeu politique auquel la loi du 13 juillet 1992 n'a qu'imparfaitement répondu.

L'ensemble de cette question connaît une acuité nouvelle dans la mesure où nos sociétés produisent de plus en plus de déchets chaque année. Il y a une élasticité parfaite entre la croissance économique et la croissance des déchets ménagers. Or de nombreuses unités de traitement vont progressivement être fermées en raison des nouvelles normes exigées par la réglementation, et le nombre de décharges demeure insuffisant. Comme la politique de valorisation des déchets n'a pas encore produit tous ses effets, notre pays sera contraint d'ouvrir de nouvelles unités et décharges.

Le fondement initial de la politique des déchets repose sur la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux. Ce texte établissait l'obligation pour toute personne produisant ou détenant des déchets d'en assurer l'élimination dans des conditions propres à protéger la santé publique et l'environnement, ces deux préoccupations constituant le coeur de la politique des déchets. Dix-sept ans après, le législateur a constaté de nombreux errements liés aux modes de consommation de nos concitoyens et à l'inexistence d'une filière de traitement des déchets. Les décharges sauvages constituaient l'aspect le plus spectaculaire de la difficulté qu'avait la société française à traiter ses déchets.

La loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées s'est fondée sur une logique de filière, consistant à grouper l'ensemble des acteurs  -ménages, collectivités locales, industriels - autour de quatre objectifs : réduction à la source de la production de déchets, transport, valorisation des déchets par le recyclage des matériaux ou la transformati dépôt d'un projet de loi sur les déchets lors du premier semestre de 2004.

A court et moyen terme, l'ouverture de nouveaux centres d'enfouissement et d'incinération devient une question urgente dans près de cinquante départements. Cette nécessité emporte des enjeux de démocratie locale et de relations entre les départements qui produisent des déchets et ceux qui les traitent, de fiscalité et d'aménagement du territoire. Le recours à de nouvelles installations demeure indispensable tant qu'une politique de réduction à la source des déchets ne jouera pas ses effets et tant que notre pays n'aura pas pris la pleine mesure de la notion de développement durable en matière de production de déchets.

I - L'APPLICATION DE LA LOI DU 13 JUILLET 1992

La loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement modifiait une loi antérieure du 15 juillet 1975. En 1992, le législateur était placé devant un contexte quelque peu similaire à la situation actuelle, dans la mesure où il lui fallait agir sur la quantité de déchets produits et assurer un traitement qualitatif, alors que l'opinion publique, tout en s'affirmant soucieuse d'environnement, était réticente à l'égard des installations classées.

A. LA VOLONTÉ D'UNE RÉPONSE GLOBALE À UN PROBLÈME DE SOCIÉTÉ

1. La situation en 1992

En 1992, près de deux millions de tonnes de déchets industriels toxiques et dangereux étaient gérés dans des installations collectives autorisées, ce qui plaçait la France au premier rang des pays industrialisés dans ce domaine. Si les pouvoirs publics amorçaient un effort de recyclage pour certains types de matériaux, comme les papiers-cartons, de graves lacunes subsistaient et certains problèmes devenaient cruciaux, notamment l'augmentation des flux de déchets ménagers. La production nationale d'ordures ménagères était estimée à 20,5 millions de tonnes, soit 358 kilos par habitant et par an (chiffre 1990). Une part importante de ces déchets (33 %) provenait des emballages.

Les modes de traitement étaient peu axés sur la valorisation : l'incinération avec récupération d'énergie et le compostage ne représentaient ensemble que 37 % du tonnage traité (41 % en décharge). Enfin, on dénombrait 5000 à 6000 décharges brutes ainsi que 25 000 à 30 000 dépôts sauvages. Des quantités importantes de déchets industriels étaient entreposées à l'intérieur des usines dans des conditions souvent peu satisfaisantes. Mme Michèle Pappalardo, présidente de l'ADEME, a rappelé, lors de son audition par votre Délégation le 21 mai dernier, que la fermeture des décharges sauvages constituait la principale pr&ea une application directe du principe de précaution par les citoyens. Le législateur de 1992 souhaitait dégager le traitement des déchets des images négatives dans lesquelles il était enfermé et rétablir un climat de confiance, en assurant une meilleure protection de l'environnement et en mettant en place une véritable filière industrielle de recyclage des produits.

L'industrie française avait déjà en ce domaine de fortes positions techniques et financières, grâce à de grands groupes, créateurs d'emplois et dont le dynamisme à l'export n'a cessé de s'affirmer. Le renforcement de cette filière supposait le rétablissement d'un climat de confiance dans l'opinion, la suppression des décharges sauvages, la mise en place d'infrastructures aux normes et le développement de la recherche.

Le législateur de 1992 avait constaté à raison qu'il ne s'agissait pas uniquement d'un problème technique mais d'une question politique globale, dont l'aspect culturel et médiatique était primordial. La loi de juillet 1992 précitée s'est donc fondée sur les principes suivants :

- la poursuite de trois objectifs : la diminution du volume et de la toxicité des déchets, le développement maximum de la valorisation et la mise en stockage des déchets ultimes ;

- un partage des responsabilités entre les différents acteurs, notamment les acteurs publics : l'Union européenne et l'Etat devaient fixer le cadre juridique et financier général, les régions et départements constituant respectivement les cadres de cohérence de la gestion des déchets industriels et des déchets ménagers et les communes (essentiellement leurs groupements) restant l'échelon de base à la fois pour la collecte et le traitement ;

- le développement de l'information du public ;

- la suppression des décharges sauvages ;

- le partenariat avec le secteur privé ; la loi de 1992 a donné une impulsion au GIE Eco-emballage.

La loi de 1992 a principalement fait prévaloir une nouvelle logique. A une gestion "individuelle" des déchets, centrée sur la commune, s'est substituée une gestion entre partenaires, avec la mise en place de filières de valorisation afin de réduire les quantités placées en décharge. Elle a toutefois souffert, dès l'origine, d'une lacune qui a empêché sa bonne application, à savoir l'absence de dispositif précis sur le financement de ses objectifs.

2. 2002-2010 ou la persistance du problème de société

Les auditions conduites par votre Rapporteur indiquent que la loi du 13 juillet 1992 a rempli une part notable de ses objectifs, même si la mise en décharge ne se limite capacité physique à traiter les déchets.

On relèvera que le secteur industriel a pour sa part réussi à déconnecter son rythme de production des déchets du rythme de la croissance économique. Cette déconnexion s'est produite lorsque ce secteur a été contraint, sous l'effet des réglementations nationales et communautaires, à adopter des modes de production plus respectueux de l'environnement. Il est devenu plus rentable pour les entreprises d'intégrer dans leurs investissements les coûts environnementaux que de subir les taxations prévues par le législateur.

La loi du 13 juillet 1992 n'a pas répondu à toutes les attentes. A la décharge de ses rédacteurs, il n'était sans doute pas possible de résoudre par la seule loi un problème de comportement. Ce problème persiste alors que la politique de prévention quantitative ne pèse pas encore sur la production des déchets. Or, certaines collectivités locales n'ont pas respecté les délais prévus par la loi de 1992 précitée pour la mise aux normes des installations, d'où la persistance d'installations qui ne sont plus conformes à la réglementation. Par ailleurs, la prédominance de la mise en décharge (50 % des déchets collectés y sont envoyés) conduit à court ou moyen terme, dans une cinquantaine de départements, à une saturation desdites décharges.

Comme les communes sont de plus en plus réticentes à accueillir de nouvelles installations, ces départements vont se trouver face à une pénurie d'installations de traitement ou de stockage des déchets.

Sans doute est-il loisible de s'étonner, avec un recul de dix ans, de l'optimisme affiché par la loi de 1992. L'absence de dispositif précis sur son financement la rendait difficilement applicable. La question qui se pose désormais au législateur consiste, dans une situation analogue à celle de 1992, à savoir si l'Etat et les collectivités locales commettront la même erreur, en fixant des objectifs sans financement, où s'ils conduiront ensemble une réflexion sur la répartition des compétences et des financements en matière de déchets, en tenant compte des solidarités entre territoires.

B. UN BILAN MITIGÉ

Le bilan de la loi du 13 juillet 1992 est obligatoirement mitigé. Si la collecte et le traitement des déchets ménagers constituent un apport incontestable en étant désormais organisés en filière, nombre de départements n'ont pas encore de plan d'élimination et la question du recyclage reste entière.

1. L'accès généralisé à la collecte et au traitement

La loi du 13 juillet 1992 a accentué la généralisation de la collecte. Au 31 décembre 1999, le taux de desserte des ménages s'élevait à 99,8%. Il existe un service d'ordure m&eacut décharges, il ne subsiste que 3 % de décharges incontrôlées.

L'annexe 1 du présent rapport retrace les modalités de traitement des déchets. On constate la prédominance de la mise en décharge alors qu'il serait nécessaire d'accentuer la part de l'incinération avec récupération d'énergie ainsi que la valorisation de la matière. Mais comme votre Rapporteur l'a noté, il s'agit moins d'un problème technique que d'une question de réticence croissante des populations.

2. Les plans départementaux d'élimination des déchets : un échec technocratique

L'article 10-2 de la loi du 13 juillet 1992 (devenu l'article L. 541-14 du code de l'environnement) a prévu l'établissement d'un plan d'élimination des déchets dans chaque département. Cet article prévoit que le plan :

1° Dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer, y compris par valorisation, et des installations existantes appropriées ;

2° Recense les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;

3° Enonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles :

a) pour la création d'installations nouvelles,

et peut indiquer les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à cet effet ;

b) Pour la collecte, le tri et le traitement des déchets afin de garantir un niveau élevé de protection de l'environnement compte tenu des moyens économiques et financiers nécessaires à leur mise en oeuvre.

Le plan tient par ailleurs compte des besoins et des capacités des zones situées dans les départements limitrophes.

Les paragraphes V à VIII de l'article L. 541-14 précité prévoient la procédure d'élaboration du plan :

V.- Le projet de plan est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de l'Etat. Toutefois, cette compétence est transférée, à sa demande, au conseil général.

VI.- Il est établi en concertation avec une commission consultative composée de représentants des communes et de leurs groupements, du conseil général, de l'Etat, des organismes publics intéressés, des professionnels concernés et des associations agréées de protection 10pt">M. Michel Destot, rapporteur du projet de loi, écrivait à ce sujet : "Les plans départementaux ou interdépartementaux devront tenir compte des besoins et des capacités des zones voisines qu'ils ne couvrent pas, ainsi que des propositions de coopération intercommunale. Une
solution aux problèmes de l'élimination des déchets ménagers ne peut
en effet être trouvée, selon votre rapporteur, dans le cadre des
strictes limites des collectivités territoriales communales ou départementales.. L'intercommunalité et l'interdépartementalité sont une nécessité, aussi bien pour les zones sous équipées que pour les zones urbaines. Leur généralisation est très souhaitable".

Cette analyse infirme également une idée couramment avancée, selon laquelle chaque département devait traiter ses propres déchets. Telle n'était pas l'idée du législateur qui savait que certains départements n'avaient pas les moyens de financer des installations de traitement. La loi a donc reconnu implicitement aux départements le droit d'envoyer leurs déchets dans d'autres départements, mieux dotés en équipements, montrant ainsi son souci de rentabiliser les investissements existants.

Le paragraphe V prévoit que si le projet de plan est élaboré à l'initiative de l'Etat (par le Préfet), la compétence d'élaboration est transférée de droit au département, sur demande du Conseil général. Il s'agit d'une modification apportée par la loi n° 95-810 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (dite "loi Barnier"). Le plan devait tenir compte au mieux de la réalité locale, grâce à une procédure de consultation associant les collectivités publiques, les industriels et les associations de protection de l'environnement.

Les modalités d'élaboration et le contenu des plans étaient précisés par le décret n° 93-139 du 3 février 1993 relatif aux plans d'élimination des déchets ménagers et assimilés. La loi du 13 juillet 1992 prévoyait que tous les départements devaient être couverts par un tel plan dans un délai de trois ans à compter de la publication de ce décret, soit le 4 février 1996. Ce délai n'a pas été respecté. Il ne figurait plus dans la loi du 2 février 1995 précitée, ce qui constituait un aveu d'échec. En outre, le décret d'application du 3 février 1993 a été abrogé par le décret n° 96-1008 du 18 novembre 1996, avant même que son application soit effective.

Il est vrai que la loi du 2 février 1995 a modifié :

- le contenu des plans, en y ajoutant l'obligation de définir les priorités à retenir pour la création de centres de stockage de déchets ultimes ;

- leur procédure d'élaboration, puisque désormais ils peuvent être élaborés à l'initiative du conseil général et que les projets de plans sont, avant enquête publique, soumis pour avis au conseil général, au conseil départemental d'hygiène ainsi qu'aux conseils généraux des départements limitrophes.

En outre, il était nécessaire d'intégrer la prise en compte des objectifs de la directive du 20 décembre 1994 relative aux emballa 'Arial'; font-size: 10pt">- La procédure d'élaboration du plan : la loi a imposé à chaque département d'être couvert par un plan d'élimination des déchets. La procédure a été mise en oeuvre par les préfets, mais s'est traduite, en pratique, par l'élaboration de plans à l'initiative des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, des directions départementales de l'agriculture, des directions départementales de l'équipement ou des directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Aucune de ces instances administratives n'avait de vision globale sur les déchets. De nombreux plans ont été de ce fait impossibles à mettre en œuvre.

Par ailleurs, les informations recueillies par votre rapporteur montrent la faiblesse de la concertation entre les représentants de l'Etat et les collectivités locales. Les maires, les présidents de structures intercommunales n'ont pas été associés à l'élaboration des plans alors qu'ils étaient censés les mettre en œuvre. Certains élus locaux n'ont eu connaissance du contenu des plans qu'à l'occasion du démarrage de l'enquête publique.

Le désaccord entre l'Etat et certains départements : certains conseils généraux n'approuvent pas le plan d'élimination des déchets, tel que prôné par l'Etat. Ce cas est particulièrement sensible en Ile-de-France où quelques départements n'admettent pas la vision de l'Etat et de l'ADEME, qui considèrent cette région comme un continuum. Le Val d'Oise et la Seine et Marne ne souhaitent pas accueillir les déchets de Paris et des Hauts-de-Seine sans en définir les modalités et sans une solide contrepartie financière.

- L'absence de délai : La procédure d'élaboration n'est soumise à aucun délai ou sanction. Aucune incitation n'encourage en outre les structures intercommunales à mettre en œuvre le plan départemental d'élimination.

Si le plan départemental d'élimination des déchets constitue une idée judicieuse, il n'a pas été appliqué en raison d'un manque de dialogue (volontaire) entre l'Etat et les collectivités locales. La solution pourrait résider dans un transfert pur et simple de la compétence d'élimination des déchets aux départements, à la condition que les responsabilités des collectivités locales ainsi que les financements soient clairement déterminés.

3. L'impossible respect des échéances

La loi du 13 juillet 1992 précitée avait prévu un délai de trois ans à compter de la publication des décrets d'application pour respecter l'obligation de publier les plans départementaux d'élimination des déchets. L'échéance s'établissait au 4 février 1996. A cette date, 42 plans étaient publiés, soit un peu plus de la moitié des départements. Les auditions conduites par votre Délégat proportions de déchets qui devaient, à l'échéance de 2004, être recyclés, valorisés, détruits ou stockés.

Le retard d'élaboration des plans départementaux a eu pour conséquence le maintien de la mise en décharge, au détriment des capacités d'incinération et de recyclage. L'objectif de ne stocker que des résidus ultimes à l'horizon de 2002 n'a pu être atteint.

Le retard a été aggravé par le contenu abstrait de nombreux plans. S'ils ont fixé les objectifs à atteindre et les équipements à réaliser, ils ont été muets sur leur financement. Près de la moitié des départements n'ont avancé aucune estimation financière. Dans les autres départements, les estimations se sont avérées erronées à l'usage, par défaut d'outil statistique fiable sur le stock de déchets à traiter. Les déchets industriels en milieu urbain ont ainsi été minorés et la question des boues d'épuration a également été sous-estimée.

L'absence de financements réalistes a conduit à l'évidence les départements et les communes à un immobilisme certain. Les communes, notamment, ne pouvaient engager leurs finances sur des hypothèses irréalistes.

4. La valorisation insuffisante des déchets

L'un des grands objectifs de la loi du 13 juillet 1992 était la valorisation des déchets. Si quelques progrès ont été enregistrés, les statistiques de l'ADEME pour l'année 1999 montrent la faiblesse du volet de cette politique. Le recyclage de matériaux issus des collectes sélectives ne concerne que 8 % des ordures ménagères et la valorisation organique s'élève à 7 % de ces dernières. 50 % des ordures ménagères sont mises en décharge, sans subir de traitement particulier.

a) La faible récupération d'énergie

La récupération d'énergie, soit par combustion (chaleur) ou production d'électricité, et la production de biogaz, connaît une faiblesse particulièrement préoccupante, même si le nombre de mégawatts/heure (MWh) a doublé depuis 1993. Ainsi, en 1998, l'énergie vendue à la suite de l'incinération de déchets ménagers, sous forme de chaleur ou d'électricité, représentait 7 millions de MWh, soit l'équivalent de 725 000 tonnes équivalent pétrole (tep). Cette énergie correspond à l'équivalent des besoins énergétiques annuels (tous secteurs confondus, y compris les transports) d'une ville de 200 000 habitants. Les installations qui pratiquent la cogénération (production combinée d'énergie électrique et d'énergie thermique) produisent et commercialisent la plus forte proportion d'énergie, à savoir 5,3 millions de MWh.

b) Le recyclage des emballages : un effort sur le long terme

On rappellera que l'industrie française de l'emballage, par son dynamisme, connaît une progression supérieure à la moyenne de l'industrie manufacturière. En 1999, elle regroupait un millier d'entreprises de plus de 20 salariés, employant directement 115 000 personnes pour un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros, soit 30 % du secteur dans l'Union européenne.

Avec le renforcement des préoccupations environnementales, des programmes de prévention et de valorisation des déchets d'emballages, initiés par l'ADEME, ont été mis en place en France et en Europe. Le secteur des emballages fait ainsi office de précurseur, car les mesures mises en oeuvre, en particulier le principe d'internalisation des coûts liés à la fin de vie des produits, préfigurent des dispositions prises dans d'autres domaines : imprimés sans adresse, piles et accumulateurs, pneumatiques, véhicules, équipements électriques et électroniques...

La politique de recyclage est d'origine communautaire. La directive n° 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballages répond à un double objectif : inciter tous les Etats membres à progresser en matière de prévention et de valorisation des déchets d'emballages, et en même temps encadrer et harmoniser les initiatives afin d'éviter les entraves aux échanges et les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne.

En ce qui concerne la conception des emballages, elle définit les trois exigences que tout emballage doit respecter pour être mis sur le marché : la réduction à la source amenant le poids et le volume de l'emballage au minimum nécessaire, la diminution des teneurs en métaux lourds et autres substances dangereuses et enfin la possibilité d'être valorisé en fin de vie.

En France, les pouvoirs publics s'efforcent de fédérer les acteurs et les pratiques afin d'optimiser la gestion des déchets. Pour cela, ils s'appuient sur les équipements et les savoir-faire existants. L'Etat a, par ailleurs, incité l'ensemble des acteurs à accomplir des efforts de prévention et de maîtrise des coûts. Les dispositions de la directive sont aujourd'hui complètement transposées en droit français, par un dispositif réglementaire qui distingue entre les usages ménagers et industriels des emballages :

- décret du 1er avril 1992 : le producteur, l'importateur ou le responsable de la mise sur le marché d'emballages ménagers est tenu de contribuer ou de pourvoir à l'élimination de l'ensemble de ses déchets d'emballages. Trois possibilités lui sont offertes : la consigne, la collecte et l'&eacut juillet 1998 dispose que les entreprises doivent prendre en compte les exigences essentielles liées à l'environnement dans la conception et la fabrication des emballages mis sur le marché.

II - UN ENJEU D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La question des déchets connaît une acuité qui va de pair avec leur augmentation croissante. Originellement liée à la salubrité et à la santé publique, elle devient progressivement un problème de société, avec un enjeu d'aménagement du territoire. Il s'agit en effet de collecter des pollutions réparties dans l'ensemble des communes pour les détruire ou les recycler sur un nombre limité de communes.

A. LES ENJEUX ACTUELS ET À VENIR

La question des déchets est indéniablement un problème de société. En France, les taux de croissance de la consommation et de la production des déchets ménagers sont exactement parallèles. La politique des gouvernements successifs n'a pas rompu ce lieu, alors que cette possibilité existe. En Allemagne, la production de déchets ménagers est inférieure à la croissance de la consommation, et les industriels français, pour leur part, ont réussi à déconnecter la production des déchets industriels de la croissance de leur secteur.

Malgré de récents signaux d'alarme, comme des conflits opposant des citoyens à des entreprises de traitement dans l'Hérault ou les Bouches-du-Rhône, il ne semble pas que notre pays ait pris la mesure de la gravité de la situation. Un récent rapport du Commissariat général du plan, comme les chiffres transmis par le ministère de l'Ecologie à votre Rapporteur, montrent que nous allons vers une saturation inexorable de nos capacités de stockage et de traitement si nous ne modifions pas notre politique. Or cette modification devient cruciale, au regard de quatre enjeux :

- la protection de l'environnement ;

- la protection de la santé publique ;

- la production de matériaux recyclables ;

- des modes de consommation plus respectueux de
  l'environnement.

Ces quatre enjeux obligent l'ensemble des acteurs économiques à reconsidérer leurs modes de production et de consommation. Les industriels ont déjà accompli de substantiels efforts - souvent pour des raisons fiscales - en assurant eux-mêmes le traitement de leurs déchets et en mettant sur le marché des produits recyclables. Il reste à accomplir des progrès similaires au sein de la grande distribution. Le consommateur, qui est également contribuable et citoyen, n'a pas en revanche pris la pleine mesure du coût des emballages et de l'intérêt du tri sélectif, domaine dans lequel la France est en retard par rapport à des pays tels que l'Allemagne, la Suède ou la Suisse.

L'absence de débat laisse à penser que l'Etat et les collectivités locales n'osent donner à cette question l'importance qu'elle mérite, ignorant ainsi la contestation croissante des contribuables qui ne comprennent pas les raisons de l'augmentation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Plus gravement, la société française ignore le problème de la saturation des équipements.

1. Des capacités de stockage et de traitement saturées

L'annexe 2 du présent rapport retrace la liste des installations de stockage de capacité supérieure à 20000 tonnes par an. Le tableau ci-dessous indique les périodes aux termes desquels leur autorisation d'exploitation expirera.

Rythme de fin d'exploitation des centres techniques d'enfouissement

Date d'expiration

Nombre d'installations (2)

Cumul

En %

Cumul

en %

De 2002 à 2004

40

40

24,5

24,5

De 2005 à 2007

27

67

16,5

41 

De 2008 à 2010

30

97

18,5

59,5 

Après 2010

66

163

40,5

100 

Source: d'après les informations transmises par le ministère de l'Ecologie.

Le tableau et la carte sont explicites. A moins d'obtenir une augmentation de leurs capacités, 59,5 % des installations de stockage seront à saturation d'ici sept ans. Si l'on se projette à plus court terme - en l'occurrence 2007 - 41 % desdites installations seront à la limite de leurs capacités.

La répartition territoriale des dates d'expiration d'exploitation des principales installations de stockage s'établit ainsi (3) :

Entre 2002 et 2004 : Aisne (1), Allier (2), Aube (1), Bouches-du-Rhône (2), Charente (1), Côte d'Or (1), Drôme (1), Corse-du-Sud (1), Gard (2), Hérault (2), Haute-Loire (1), Loire-Atlantique (1), Loiret (1), Lot-et-Garonne (1), Maine-et-Loire (1), Meuse (1), Morbihan (1), Moselle (1), Nord (1), Orne (2), Pas-de-Calais (2), Puy-de-Dôme (1), Pyrénées-Atlantiques (2), Pyrénées-Orientales (1), Rhône (2), Seine-et-Marne (2), Somme (1), Vendée (2), Vosges (1) Essonne (1), Val d'Oise (1) .

De 2005 à 2007 : Aube (1), Aude (1), Bouches-du-Rhône (2), Drôme (1), Indre-et-Loire (1), Isère (2), Loire-Atlantique (1), Maine-et-Loire (1), Marne (1), Morbihan (1) Moselle (2), Nord (2), Oise (1), Bas-Rhin (2), Haute-Saône (1), Saône-et-Loire (2), Sarthe (3), Deux-Sèvres (1), Somme (1), Tarn (1), Var (1), Vendée (1), Vosges (1), Val d'Oise (1).

De 2008 à 2010 : Aisne (1), Alpes-Maritimes (1), Charente (1), Dordogne (1), Drôme (1), Eure (1), Indre (1), Loir-et-Cher (1), Loire (1), Mayenne (1), Nièvre (1), Hautes-Pyrénées (1), Bas-Rhin (1), Rhône (1) Saône-et-Loire (1), Seine-et-Marne (1), Tarn-et-Garonne (1), Var (1), Vienne (1), Yonne (1), Guadeloupe (1).

Après 2010 : Aisne (1), Allier (2), Alpes-Maritimes (1), Ardennes (1), Ariège (1), Aube (1), Bouches-du-Rhône (3), Cher (1), Côte d'Or (1), Creuse (2), Drôme (1), Eure-et-Loir (1), Gironde (1), Indre (2), Isère (2), Loir-et-Cher (1), Loire (1), Loire-Atlantique (1), Maine-et-Loire (2), Manche (2), Marne (1), Mayenne (1), Meurthe-et-Moselle (1), Morbihan (1) Moselle (1), Nord (1), Oise (2), Hautes-Pyrénées (1), Bas-Rhin (1), Haut-Rhin (1), Saône-et-Loire (1), Seine-Maritime (1), Yvelines (1), Somme (5), Tarn (2), Vaucluse (2), Vienne (2).

La situation est grave : la carte ci-après, élaborée par le Commissariat général du plan, illustre le phénomène :

- 24 départements connaîtront une pénurie de capacité de stockage à très court terme (moins de deux ans) ;

- 26 départements feront face à une situation similaire entre deux et quatre ans.

La réponse au manque de capacités de stockage et d'incinérateurs est, à court terme, l'ouverture de nouvelles installations. A moyen terme, il faut espérer que des changements de comportement permettront de casser le parallélisme entre croissance économique et croissance des déchets.

Le problème principal réside dans l'hostilité croissante des populations à l'égard des décharges. Ancrée dans la conscience collective de nos concitoyens en raison du retentissement de certaines affaires - décharge de Montchanin, importation de déchets toxiques d'Allemagne, révélation de 6000 décharges brutes mal contrôlées - cette attitude pose une sérieuse question aux élus quant à leurs rapports avec leurs concitoyens. Le syndrome NIMBY ne se cantonne d'ailleurs pas aux seuls déchets. Il se manifeste à l'encontre des tracés du TGV ou d'autoroutes, des implantations de certaines industries ou exploitations agricoles, bref à l'encontre de tout ce qui est assimilé à une nuisance. Dans les cas les plus extrêmes, ce syndrome déborde du domaine de l'environnement pour entrer dans la sphère sociale. Aux Etats-Unis, il permet à des habitants d'exclure de leur voisinage les personnes sans abri, pauvres, handicapées ou appartenant aux communautés noires et hispaniques.

L'attitude des populations à l'encontre des déchets est directement à l'origine de la loi du 13 juillet 1992 précitée, lorsqu'elle affirmait l'objectif d'éliminer les décharges sauvages et qu'elle dégageait la notion de déchets ultimes. Or, la loi de 1992 a au moins rempli ces objectifs. L'évolution des technologies rend les décharges et les incinérateurs plus sûrs. Pourtant, le syndrome NIMBY s'amplifie, obligeant les élus locaux à des efforts de pédagogie pour faire accepter par leur population l'implantation d'installations de traitement. Ces efforts sont parfois vains. Ainsi, plusieurs maires de communes situées dans le département de l'Aude ont perdu leur mandat municipal pour avoir annoncé l'implantation d'une installation. Actuellement, une association de 1 500 adhérents s'oppose à l'implantation d'une décharge à Tanarès, commune de l'Hérault au motif que cette commune n'a pas à accueillir la moitié des déchets du département.

A la décharge de nos concitoyens, force est de constater que l'Etat n'a pas agi de manière à les rassurer. Les plans départementaux d'élimination des déchets ont été élaborés par les services de l'Etat, sans faire grand cas des collectivités locales. A fortiori, les citoyens et leurs associations n'ont quasiment pas été consultés. Ils ne peuvent dès lors que nourrir un sentiment d'inquiétude.

Auditionné par votre Délégation, M. Thierry Sibieude, vice-président du conseil général du Val d'Oise a plaidé en faveur d'une intégration plus étroite des associations de citoyens aux procédures d'élaboration des plans d'élimination des déchets. "Si vous laissez dans l'ignorance des citoyens qui ont décid polluantes. Les élus hésitent à aborder ce type de débat, par crainte qu'il soit perçu par les électeurs comme le préalable à une implantation d'installation de traitement à laquelle ils seraient hostiles, par principe.

Cette incompréhension mutuelle ne peut perdurer, sauf à empêcher toute nouvelle implantation dont notre pays aura pourtant besoin à court terme. C'est dans ce contexte qu'il faut analyser la proposition de l'Assemblée des départements de France (ADF) de prendre en charge le traitement des déchets ou de fournir des terrains départementaux pour accueillir de nouvelles installations. Le département ne constitue pas en effet un échelon administratif aussi proche des citoyens que l'est la commune, et les conséquences politiques d'un refus ne sont pas aussi radicales. Néanmoins, les conseils généraux devront faire preuve de courage dans leur prise de décision.

La proposition de l'ADF n'est par ailleurs que la conséquence du développement de l'intercommunalité et de l'interdépartementalité dans le domaine des déchets. Elle est donc logique. Mais un problème de société ne peut être résolu par défaut, en recourant à une sorte de ruse politique. L'implantation d'installations de stockage et de traitement est un problème de démocratie locale et doit être résolu dans ce cadre.

Le renforcement de la démocratie locale constitue donc le préalable indispensable à une nouvelle politique en matière d'élimination des déchets. Il s'articule autour d'un double enjeu :

un enjeu de démocratie représentative avec le renforcement des moyens de contrôle des élus : dépositaires de la légitimité démocratique, les élus locaux délivrent les autorisations d'implantation et participent au contrôle de la bonne marche des installations, par le biais des comités locaux d'information et de suivi (CLIS).

Les CLIS sont constitués sur chaque site accueillant des déchets, ainsi que sur des sites de gestion des déchets nucléaires et auprès des centrales nucléaires. Leur rôle est de recueillir et de diffuser le plus largement, par le biais de colloques, réunions, parutions dans la presse, site internet les informations concernant la gestion des déchets. Ils sont composés de représentants de l'Etat, des directions de la recherche, de l'industrie et de l'environnement, d'élus locaux. Or le fonctionnement des CLIS est loin de satisfaire les élus locaux que votre Délégation a consultés. Ils dénoncent une certaine opacité qui va à l'encontre de leur souhait de disposer de toutes les informations sur les installations de stockage et de traitement.

un enjeu de démocratie participative, avec l'association plus étroite des citoyens : la procédure d'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets laisse peu de place à la consultation des citoyens et de leurs associations. Cela place les communes en première ligne en cas de conflit avec leurs administrés. Il apparaît &eacu présentent sous une forme liquide ou sèche, le deuxième cas étant du compost. Elles constituent en quelque sorte un déchet réutilisable. A titre d'exemple, l'Ile-de-France, très urbanisée, en produit 145 000 tonnes par an. Une partie est utilisée dans la région, mais 45 % des boues sont exportées dans les régions voisines (Centre, Normandie, Picardie, Champagne).

L'une des destinations traditionnelles des boues était la mise en décharge, mais elle se heurte à la fermeture progressive des installations de stockage. L'incinération présente l'inconvénient d'être coûteuse, d'avoir un rendement énergétique faible et d'accroître la pollution de l'air. Reste l'épandage agricole. Cette solution, acceptée jusqu'à présent par les agriculteurs, permet d'évacuer et de valoriser 65 % des boues. Mais elle suscite leur méfiance croissante. Des représentants de la FNSEA, reçus par M. Jean Launay, député, membre de votre Délégation, ont fait part de leur désaccord quant aux substances contenues dans les boues et réclament la mise en place d'un fonds de garantie si un scandale analogue à celui de l'encéphalite spongiforme bovine concernait les cultures céréalières ou vivrières.

Pour encourager la valorisation des boues, le gouvernement a encadré la pratique de l'épandage par le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998. A ce jour, les travaux scientifiques démontrent l'extrême faiblesse des risques sanitaires et environnementaux liés à l'épandage. Cependant, il ne peut être développé compte tenu des fortes réserves du monde agricole.

On relèvera que les partisans de l'épandage - entreprises d'assainissement, grande distribution, associations de consommateurs associations de protection de l'environnement - travaillent le plus souvent en milieu urbain. Leur intérêt est à l'évidence d'évacuer les boues d'épandage, mais le monde rural ne peut accepter d'être l'exutoire des villes sans de solides garanties. La question des boues démontre la portée globale de la question des déchets. Elle peut être résolue par une forme d'homologation des boues, dont la qualité dépend des substances qui entrent dans les eaux de collecte. En d'autres termes, les habitants des milieux urbains doivent se préoccuper de la qualité de leurs déchets.

B. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DES DÉCHETS EN QUESTION

Pour respecter les obligations prévues par la loi du 13 juillet 1992, les collectivités locales ont lancé des investissements massifs afin d'une part d'instaurer la collecte sélective des déchets, d'autre part de mettre aux normes leurs installations. Durant cette période, le volume des déchets ménagers a quasiment doublé, alourdissant le coût de leur élimination, ce qui a contraint les communes à se regrouper et à transférer à des structures intercommunales leurs compétences en matière de collecte et de traitement.

Modes de financement

Textes

Possibilités de cumul

1 - Budget général

Cumul possible avec la TEOM

- Introduction obligatoire de la redevance spéciale (1)

2 - Redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM)

Art. L.2333-76 du code général des collectivités locales

Pas de cumul possible :

- avec la TEOM

- avec la redevance spéciale

- avec un financement par le budget général

3 - Taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Art. 1520 (communes), 1521 à 1526 (dispositions générales), 1609 bis, quater, quinquies et quinquies C, nonies B et D (EPCI) du code général des impôts

Pas de cumul possible 

avec la REOM

Cumul possible avec le budget général

- Introduction obligatoire de la redevance spéciale  (1)

(1) redevance assise sur les déchets autres que ménagers, sous réserve que la collectivité assure le service au profit des producteurs des déchets visés à l'article L.2224-14 du code général des collectivités territoriales (entreprises et administrations)

Source : Direction générale des impôts et direction de la législation fiscale

Le financement par le budget général concerne environ 5000 communes, leur nombre étant en décroissance constante. Les collectivités locales préfèrent recourir à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ou à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM). Leur produit a largement augmenté en dix ans.

Produit de la taxe et de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères

(en millions d'euros)

Impôts

1990

2000

TEOM

1316

2915

REOM

127,4

332,4

Source : Direction générale des impôts

On relèvera que la TEOM, avec 2,915 milliards d'euros, est devenue le quatrième impôt local. Elle représente ainsi 21 % du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

1. La prédominance de la TEOM

Les tableaux ci-après montrent la prédominance de la TEOM au sein des collectivités locales.

Répartition de la TEOM et de la REOM par communes

Population des communes

TEOM

REOM

Proportion de communes de la strate (en %)

Part de la population de la strate (en %)

Produit par habitants (en euros)

Proportion de communes de la strate (en %)

Part de la population de la strate (en %)

Produit par habitants (en euros)

moins de 700 h

40,7

44,8

36

44,7

41,8

33

de 700 à 2000 h

57,7

58,9

41

32,8

31,9

32

de 2000 à 5000 h

70,6

71,7

47

21,3

20,3

31

de 5000 à 10000 h

77,9

77,9

52

9,4

8,8

34

de 10000 à 20000 h

82,8

83,2

56

8,1

7,9

18

de 20000 à 50000 h

89,0

88,7

59

4,4

3,9

20

de 50000 à 100000 h

92,7

92,6

66

0,0

0,0

-

de 100000 à 300000 h

87,5

87,5

70

6,3

5,2

6

plus de 300000 h

100,0

100,0

114

0,0

0,0

-

Total

48,5

76,6

59

38,7

14,7

34

Source : Observatoire des finances locales

Groupements à fiscalité propre prélevant la TEOM ou la REOM en 2000

Nature juridique

Nombre de groupements

TEOM

REOM

nombre de groupements

population

nombre de groupements

population

communautés urbaines

12

11

4 416 781

-

-

districts

307

85

2 385 128

38

490 230

communautés de communes

1348

320

4 954 875

215

1 885 678

SAN

9

-

-

-

-

communautés de villes

5

1

70 352

-

-

Ensemble

1681

417

11 827 136

253

2 375 908

Source : Observatoire des finances locales

Le produit de la TEOM a augmenté de 120 % entre 1990 et 2000. En comparaison, celui de la taxe foncière sur les propriétés bâties s'est accru de 91,7 %. Sur la même période, le taux moyen de la TEOM est passé de 4,9 % à 7,01 %, soit une majoration de près de 44 %, alors que le taux moyen de la taxe foncière sur les propriétés bâties a augmenté de 16,6 %.

Parallèlement, le produit de la REOM a fortement augmenté sur la même période, en valeur absolue, mais sa part est largement inférieure à celle de la TEOM. La REOM a surtout été instituée par des petites communes en milieu rural. D'après la direction générale des impôts, seule une dizaine de communes de plus de 20000 habitants y ont recours, et une seule de plus de 100000 habitants, à savoir Besançon.

Au total, 87,2 % des communes françaises ont prélevé en 2000 directement ou par l'intermédiaire d'un groupement une taxe ou une redevance sur les ménages.

Le recours croissant à la TEOM s'explique par la fiabilité de son recouvrement, assuré par le service des impôts. Les auditions conduites par votre Délégation indiquent qu'il s'agit du principal critère de choix par les élus locaux. Vient ensuite le second critère de choix, à savoir la nature redistributive d'une taxe. Toutefois, les conditions dans lesquelles est calculée la TEOM n'ont que peu de rapport avec le volume de déchets produit par chaque ménage et la fréquence d'utilisation du ramassage, d'où l'incompréhension croissante de nos concitoyens. Cette taxe dont l'assiette est fixée sur le foncier bâti, ne correspond guère avec son objet, en particulier dans le cas de logements assez importants, pour lesquelles l'impôt versé n'a pas de rapport avec le service rendu. Plusieurs élus souhaitent établir un nouveau mode d'imposition fixé sur des critères mieux adaptés à l'objet, par exemple le nombre de personnes vivant régulièrement dans le foyer concerné. Toutefois, adapter la TEOM au nombre de personnes vivant dans le même foyer conduirait soit à majorer la base imposable en fonction du nombre de personnes à charge et/ou d'occupants du logement, soit à créer un abattement en faveur des personnes seules, ou enfin à mettre en place les deux dispositifs. Cette personnalisation, qui se traduirait inévitablement par un transfert de charges au détriment des familles ayant des enfants, pourrait être perçue comme contraire à un dispositif de simplification. Mme la ministre de l'Ecologie et les élus locaux, entendus par votre Délégation, ont néanmoins pris conscience des difficultés soulevées par la poids que représente désormais la TEOM pour les contribuables. Le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait mettre à profit la prolongation de trois ans, prévue par l'article 87 de la loi de finances pour 2003, de la durée du régime transitoire relatif à la le recouvrement des produits fiscaux puisse s'opérer de manière individuelle par chaque commune au sein de la nouvelle communauté. Dans le cas des ordures ménagères, le produit de la taxe ou de la redevance est ainsi collecté conjointement avec le produit des taxes foncières. Il n'est cependant pas permis aux communes membres de se déterminer librement sur le choix d'appliquer la taxe ou la redevance, dès lors que la communauté s'est prononcée pour l'un ou l'autre des deux systèmes. Ainsi, lorsqu'une commune appliquait la redevance pour service rendu, elle est contrainte, en adhérant à une communauté de communes qui recourt au système de la taxe, d'adopter ce dernier quelle que soit l'évolution effective du service rendu à la population.

L'objectif de la loi du 12 juillet 1999 précitée était de rationaliser et clarifier l'organisation et le mode de financement du service d'élimination des déchets ménagers. Il revient à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), bénéficiant de la compétence d'élimination et de valorisation des déchets ménagers et qui assure au moins la collecte de choisir de percevoir les recettes nécessaires pour financer le coût du service rendu. Ce principe permet de garantir l'égalité des usagers devant un service public assuré dans des conditions identiques sur l'ensemble du périmètre communautaire. Cependant, conscient des difficultés rencontrées par les collectivités locales pour harmoniser le mode de financement à l'échelon intercommunal, le Gouvernement de M. Lionel Jospin a, dès l'année 2000, mis en place un dispositif transitoire permettant aux communes membres de l'EPCI de continuer à percevoir la taxe ou la redevance, et ce alors même que la compétence était transférée au groupement. L'actuel Gouvernement, avec l'article 87 de la loi de finances pour 2003, vient en outre de reporter l'échéance de ce régime transitoire au 1er janvier 2006. Par ailleurs, les conséquences financières liées au passage du financement par la redevance à un financement par la taxe à la suite de l'adhésion d'une commune à un groupement peuvent, d'ores et déjà, être atténuées. L'EPCI peut, en effet, définir des zones de perception de la taxe, avec des taux différenciés par commune. Cela étant, l'application de taux spécifiques par commune doit être justifiée par des différences dans le service rendu, qui peuvent être notamment consécutives à la substitution de l'EPCI dans les contrats de gestion des déchets antérieurement conclus par ses communes membres. Enfin, lors des débats parlementaires relatifs au projet de loi de finances pour 2003, le Gouvernement s'est engagé à mener une réflexion afin de réformer d'une manière plus générale le dispositif actuel de financement de la gestion des déchets. Celle-ci devrait notamment conduire à proposer des mécanismes facilitant en particulier le passage d'un mode de financement à un autre. L'audition de Mme la ministre de l'Ecologie par votre Délégation n'a pas permis à ce jour d'avoir de plus amples informations.

*

* *

De l'envi annonce - confirmée par Mme la ministre de l'Ecologie et du développement durable lors de son audition par votre Délégation le 4 juin dernier - prend place dans un contexte de décentralisation. Le projet de loi (n° 4 - 2003-2004) relatif aux responsabilités locales est actuellement en cours de discussion au Sénat, et les articles 36 à 38 prévoient la révision du régime juridique des plans départementaux d'élimination des déchets.

Il n'appartient pas à votre Délégation de donner son avis sur ces articles dont l'examen relève des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il est en revanche aisé de constater que ces articles n'apportent qu'une réponse partielle aux problèmes posés par les déchets et qu'il reviendra au futur projet de loi de les traiter. Sauf à renouveler les erreurs de la loi du 13 juillet 1992, ce dernier devra a minima s'orienter vers trois axes : restaurer la confiance des citoyens, prévoir des financements incitatifs et responsabiliser les collectivités locales auxquelles la totalité des compétences auront été transférées.

A. RESTAURER LA CONFIANCE DES CITOYENS

L'analyse de la situation actuelle a montré les difficultés considérables que rencontraient les communes qui acceptaient, le cas échéant, d'accueillir de nouvelles installations. Il s'agit d'un problème psychologique qui ne peut être résolu que par une réforme radicale des modalités de contrôle des installations de stockage et de traitement et par une fiscalité incitative.

1. Abolir le monopole de contrôle de l'administration

Nul ne conteste qu'il revient à l'Etat d'élaborer les normes d'implantation et de fonctionnement des installations classées. Ces normes, déjà rigoureuses, sont adaptées au fur et à mesure des progrès techniques et d'évolution des règles sanitaires.

Le problème principal provient de ce que les citoyens ont à juste titre une méfiance à l'égard de l'Etat pour ce qui concerne les installations classées. Plusieurs événements renforcent ce sentiment, et l'explosion de l'usine AZF à Toulouse n'en est pas le moindre. Il est de notoriété publique que les effectifs des contrôleurs des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) sont insuffisants, altérant ainsi la crédibilité du contrôle d'Etat. Les élus locaux souhaitent eux-mêmes disposer d'informations plus larges sur le fonctionnement des installations de stockage et de traitement.

Dans la mesure où l'administration d'Etat instruit les autorisations d'implantation d'installations classées et est en charge du contrôle, il est logique de considérer que tout débat contradictoire est impossible, l'administration se critiquant rarement de manière publique. L'une des pistes pour changer l'état d'esprit de nos concitoyens serait de séparer assurée par les DRIRE, sous l'autorité du préfet ;

- les DRIRE contrôleraient le respect par les départements des règles de fonctionnement des installations classées. Mais elles n'auraient pas le monopole du contrôle.

La situation budgétaire que traverse notre pays interdit une amélioration quantitative des contrôles d'autant que les DRIRE ont l'ensemble des installations classées sous leur compétence.

Cette faiblesse administrative peut paradoxalement devenir une force. Puisque l'Etat et les collectivités locales sont systématiquement contestés dans le domaine des déchets, pourquoi ne pas élargir les possibilités de contrôle à d'autres acteurs que les pouvoirs publics ?

L'action de citoyens regroupés en association a obligé en plusieurs domaines les pouvoirs publics à des efforts d'information. Il en est ainsi pour l'énergie nucléaire où EDF est forcée d'abandonner sa culture du secret ou dans l'agriculture, dans le cadre de la lutte contre les nitrates. Cette action présente souvent le caractère de conflits. Plus rare sont les cas où l'Etat et les collectivités locales considèrent les associations comme des partenaires. Quelques exemples ont été constatés, comme à Roissy, pour la lutte contre le bruit, mais ils sont trop rares.

Le partenariat présente pourtant l'intérêt majeur de supprimer les attitudes irrationnelles en permettant aux associations d'appréhender la complexité de certaines réalités. Dans le cas des déchets, il pourrait être envisageable d'agréer des associations et de les doter de moyens d'expertise. Le débat n'en serait que plus objectif et l'opposition systématique à de nouvelles implantations s'estomperait.

Les exemples des Pays-Bas et de l'Allemagne démontrent qu'un tel système est possible. La forte culture administrative de notre pays pose le principe que la compétence technique n'appartient qu'aux fonctionnaires issus des grandes écoles d'ingénieurs. Or, la compétence technique n'est plus le monopole des ingénieurs d'Etat et les exigences croissantes de démocratie plaident pour une plus grande participation des citoyens. A l'Etat de bien définir les rôles et les responsabilités de chaque niveau de compétence. Ainsi la décentralisation ne se limitera pas seulement à un transfert de compétences mais favorisera l'émergence d'une société de confiance.

2. Transformer les nuisances en richesse grâce à des financements incitatifs

L'ensemble des personnalités entendues par votre Délégation a considéré que la fiscalité sur les déchets était globalement satisfaisante, malgré des critiques d'ordre technique. Mais il est sans doute loisible de s'interroger sur des mécanismes de financements incitant les collectivités locales à accueillir sur leur territoire des installations de stockage ou de traitement des d produisant peu de déchets et disposant d'un faible revenu peut acquitter une taxe plus élevée qu'une famille qui génère beaucoup de déchets et qui dispose de revenus élevés.

Par ailleurs, on relèvera que certains locaux d'activités professionnelles sont exonérés de la taxe, reportant sur les ménages le poids de celle-ci. Il s'agit des propriétés publiques affectées à un service public et non productives de revenus (hôpitaux publics, usines, locaux n'ayant pas le caractère industriel et commercial pris en location par les collectivités publiques). De même, les collectivités locales peuvent exonérer sur délibération les locaux à usage commercial et les locaux utilisés par une entreprise industrielle, mais situés en dehors de l'enceinte de l'établissement industriel.

La TEOM semble plutôt favorable aux artisans et commerçants, ainsi qu'aux industriels. On relèvera toutefois que nombre d'entreprises assurent elles-mêmes l'élimination de leurs déchets, si bien que l'on constate une déconnexion entre le taux de croissance de l'industrie et celui de la quantité de déchets.

La réponse aux critiques à l'encontre de la TEOM pourrait résider dans un recours croissant à la REOM. En raison de sa nature, cette dernière prend en compte la réalité du service rendu. Mais de nombreuses difficultés dissuadent les communes de la mettre en place, notamment parce qu'il leur est impossible d'établir des tarifs. En application de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, les communes, les établissements publics ou les syndicats mixtes fixent par délibération les tarifs de la REOM en fonction du service rendu. Toutefois, la tarification du service rendu suppose une connaissance exacte du coût du service et sa juste répartition entre les usagers. La détermination du volume de déchets produits par chaque ménage est difficile à déterminer en milieu urbain, notamment pour les immeubles collectifs. Dans un souci de simplicité, les collectivités se limitent le plus souvent à calculer la redevance en fonction du nombre de personnes vivant dans le foyer, ce qui va à l'encontre du principe même d'une redevance.

b) Favoriser financièrement l'implantation des installations de stockage ou de traitement

L'implantation d'installations de stockage et de traitement est une nécessité au regard de l'urgence de la situation.

L'aide financière à de telles installations est une question d'aménagement du territoire dans la mesure où de nombreux départements voient leurs équipements arriver à saturation.

Favoriser financièrement l'implantation des installations constitue un élément de réponse. L'apport de ressources aux communes s'apparenterait en effet à la rémunération d'un service rendu.

Le syndrome "not in my backyard", combin&e l'environnement, mais il n'existe plus d'instrument spécifique compensant les nuisances auxquelles sont confrontées les communes.

Il en résulte un double problème : d'une part, les communes sont de plus en plus réticentes à accueillir et traiter leurs propres déchets et ceux des communes environnantes. Les difficultés traversées par le département des Bouches-du-Rhône n'en sont que l'exemple le plus criant, d'autres communes et départements étant à court terme confrontés à des problème similaires.

D'autre part, les entreprises industrielles de traitement et de stockage des déchets doivent faire face à l'impossibilité graduelle d'investir dans de nouvelles installations. Nécessité faisant loi, certains responsables de syndicats intercommunaux ont admis oralement que des collectivités locales comme des industriels s'adonnaient parfois à des pratiques condamnables par le code des marchés publics ou par les règles de la comptabilité publique. Une commune acceptera ainsi une installation sur son territoire à la condition que l'entreprise qui s'implante contribue de manière "volontaire" au financement d'ouvrages d'art (pont, route) ou d'équipements collectifs (piscine, médiathèque...).

De telles pratiques seraient évitables si la fiscalité favorisait l'acceptation par les élus et les citoyens d'installations de traitement ou de stockage des déchets. Dans l'attente d'une nouvelle loi sur les déchets, le ministère de l'environnement a autorisé récemment l'ADEME à percevoir 0,76 € par tonne de déchets réceptionnés par une commune, afin de remettre en vigueur le Fonds de modernisation des déchets. Mme la ministre de l'Ecologie a annoncé lors de son audition devant la Délégation qu'elle envisageait une taxe de 4 € par tonne de déchets au profit des départements et communes qui acceptent de traiter des déchets.

Votre Rapporteur estime qu'un tel taux est insuffisant pour inciter les départements et les communes à accueillir des déchets. Il est nécessaire d'aller vers plus de volontarisme, d'autant que la facilité d'implantation contribue à la création de richesses et d'emplois. Des exemples étrangers démontrent qu'avec la systématisation du tri et du recyclage, le traitement des déchets n'est pas une nuisance mais une véritable filière économique.

c) Clarifier les règles juridiques s'appliquant aux collectivités locales

La critique majeure à l'encontre de la loi du 13 juillet 1992 provenait de l'absence de financements, empêchant tout investissement, et de sanctions à l'encontre des collectivités locales qui n'élimineraient pas leurs déchets.

La fermeture récente d'une trentaine d'incinérateurs qui ne sont plus aux normes, combinée à l'accroissement continu de la production de déchets, rend plus aigu le problème de leur stockage et de leur traitement. La France dispose de moins d'une dizaine d'a de la responsabilité de l'Etat.

B. LÉGIFÉRER AFIN DE VALORISER LES DÉCHETS

L'objectif de la loi du 13 juillet 1992 était de stocker les seuls déchets ultimes. L'objectif n'a pas été atteint, malgré d'indéniables progrès. Pour l'atteindre, il est nécessaire de recycler le maximum de matériaux ou de transformer en chaleur, par incinération, ce qui n'est pas récupérable.

Un tel objectif nécessite que l'ensemble des acteurs (industriels, consommateurs, distributeurs, élus) soient conscients qu'ils constituent un maillon d'une filière. Il ne peut être rempli que si le recyclage et la valorisation énergétique présentent un intérêt économique et ne soient plus considérés comme une charge financière.

Actuellement le recyclage et la valorisation concernent les matériaux et produits suivants :

Matériaux

Produits en fin de vie

. métaux ferreux (acier),

. métaux non-ferreux (aluminium, plomb, cuivre et zinc),

. papiers-cartons (papier à usages graphiques, emballages et conditionnements)

. verre,

. plastiques

. véhicules hors d'usage (VHU)

. déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE),

. pneus,

. emballages,

. piles,

. accumulateurs,

. huiles,

. solvants

Source : BFA (réseau Ernst et Young) pour l'ADEME

Le taux de récupération des produits en fin de vie s'établit ainsi :

Produits en fin de vie

Taux de récupération en vue du recyclage

. véhicules hors d'usage (VHU).

. déchets d'équipements électriques et   électroniques (DEEE),

. pneus,

. emballages,

. piles,

. accumulateurs,

. huiles,

. solvants

80 %

33 %

12 %

41 %

8 %

82 %

26 %

10 %

Source : BFA (réseau Ernst et Young) pour l'ADEME

Le coût du recyclage n'est pas connu avec précision. Les industriels ont tenté d'établir un rapport entre le coût net du recyclage (coût complet déduction faite des recettes industrielles) et le coût du mode de valorisation ou d'élimination (enfouissement en CET ou valorisation énergétique). Sous toute réserve, trois cas se présentent :

- Le coût net du recyclage est supérieur au coût des autres modes de valorisation ou d'élimination. Les filières de recyclage des pneus, des emballages ménagers et des piles laissent apparaître un besoin de financement complémentaire. En particulier, le coût du recyclage des piles usées est très largement supérieur au coût des autres modes d'élimination.

- Le coût net du recyclage est inférieur au coût des autres modes de valorisation ou d'élimination. Il s'agit de filières de recyclage dont l'équilibre économique est fragile, dépendant en particulier des variations des prix de revente des matières premières secondaires (batteries au plomb, véhicules hors d'usage, emballages non ménager, papier, carton et verre).

- Le coût net du recyclage est négatif (les recettes industrielles sont supérieures au coût complet du recyclage). Dans ce cas, le recyclage présente un intérêt économique direct puisqu'il est globalement bénéficiaire. C'est le cas des emballages non ménagers en acier et en plastique, sur la base des coûts avancés par les industriels, dès lors que les lots de déchets sont en grande quantité et homogènes.

Le projet de loi que déposera le Gouvernement ne résoudra pas à lui seul l'ensemble du problème de la valorisation des déchets. Du moins pourra-t-il orienter les comportements individuels et collectifs vers cet objectif. La France est presque dans une situation de pénurie, mais elle risque d'entrer dans une situation de crise.

Le coût global de la tonne de déchets s'établit entre 140 et 200 euros, se répartissant à parité entre collecte et traitement. Avec les recettes industrielles et commerciales issues de la valorisation, le coût descend pour osciller entre 100 et 140 euros. Le Gouvernement, récupération d'une partie des déchets, en déterminant une liste de produits qui devront être ramenés sur le lieu d'achat, moyennant une contrepartie financière pour le consommateur.

Ce dispositif doit permettre de responsabiliser l'ensemble de la filière d'utilisation des produits. En faisant payer le coût de la production et du recyclage des produits, il créera peut-être des comportements plus respectueux de l'environnement, complétant ainsi le dispositif de collecte et de traitement par les collectivités locales et allégeant leur charge financière.

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Au cours de sa séance du mercredi 29 octobre 2003, la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport d'information de M. Emile Blessig, sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Serge Poignant a fait un parallèle entre le présent rapport et son récent rapport sur les énergies renouvelables qui montrent, dans les deux cas, la faiblesse des efforts d'investissements sur les techniques nouvelles. Même s'il existe des centres techniques d'enfouissement et des incinérateurs, il est dommage que les pouvoirs publics n'aient pas marqué plus d'intérêt pour la thermolyse.

M. Jean-Pierre Dufau a jugé que l'élimination des déchets était un problème urgent. Les citoyens ne font pas actuellement la relation entre la production des déchets et le coût de leur élimination. Leur déresponsabilisation est totale en la matière. Il faut donc sensibiliser les citoyens à cette question, en la dédramatisant et en jouant la transparence.

M. Emile Blessig, rapporteur, a indiqué que plusieurs pays comme la Suède jugeaient que la valorisation des déchets constituaient une filière économique d'avenir.

M. Philippe Folliot s'est interrogé sur l'obligation de valorisation énergétique applicable aux déchets. Il a également jugé que l'échec des plans départementaux était dû à la conception de grandes unités, ce qui conduisait à un mauvais bilan écologique en raison des myriades de camions qui transportent les déchets sur les routes. Il a appelé à des compensations financières en faveur des communes qui accueillent des installations de stockage et de traitement.

M. Emile Blessig, rapporteur, a considéré que les citoyens se sentaient moins coupables de produire des déchets en les triant. Mais notre pays est à la veille d'une saturation de ses équipements. Le recours à de nouveaux espaces exige de restaurer la confiance des citoyens et de faire comprendre que le traitement des déchets est une question de solidarité entre territoires.

M. André Chassaigne a jugé que le d'information sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire.

 

N° 1169 - Rapport d'information de M. Emile Blessig - gestion des déchets

1 () Ces chiffres sont à appréhender avec certaines réserves car ils ne prennent en compte que les déchets officiellement entrés en décharge ou en incinérateurs.

2 () Installations dont la capacité est supérieure à 20000 t/an

3 () Les chiffres entre parenthèses, inscrits après le nom du département indiquent le nombre d'installations de stockage concernées.