N° 1922 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 2004. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES sur les conditions d'exécution des grands programmes de défense ET PRÉSENTÉ PAR MM. Jean-Louis BERNARD et Antoine CARRÉ, Députés. -- S O M M A I R E _____ Pages INTRODUCTION 7 I. - LA CONDUITE D'UN PROGRAMME D'ARMEMENT, UN PROCESSUS TRÈS FORMALISÉ 9 A. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES 9 1. La préparation 10 2. Le déroulement 11 a) Le stade de conception 12 b) Le stade de réalisation 13 c) Le stade d'utilisation 14 3. Le démantèlement 15 B. DE MULTIPLES INTERVENANTS 16 1. Les structures du ministère de la défense plus particulièrement concernées 16 a) La délégation générale pour l'armement (DGA) 16 b) Les états-majors 18 2. Des établissements publics spécialisés 20 3. Les organismes multilatéraux européens 21 a) L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) 22 b) Les structures ad hoc 23 4. Les industriels 24 II. - LES CONDITIONS DE DÉROULEMENT DES PRINCIPAUX PROGRAMMES D'ARMEMENT FRANÇAIS EN COURS 27 A. UN PANORAMA CONTRASTÉ 28 1. Les programmes aéronautiques 28 a) L'avion de combat polyvalent Rafale 28 b) L'avion de transport tactique A 400 M 31 c) L'hélicoptère d'attaque Tigre 32 d) L'hélicoptère de transport NH 90 33 2. Les programmes navals 35 a) Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) 35 b) Les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda 36 c) Les frégates antiaériennes Horizon 37 d) Les frégates européennes multimissions (FREMM) 38 e) Les bâtiments de projection et de commandement (BPC) 39 f) Le second porte-avions 40 3. Les programmes d'armement terrestre 41 a) Le char Leclerc 41 b) Le dépanneur Leclerc 42 c) Le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) 43 d) Le camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR) 44 4. Les programmes nucléaires et de missiles 45 a) Les missiles armés de têtes nucléaires 45 b) Les autres programmes de missiles 47 5. Les programmes d'observation, de télécommunications et d'information 49 a) Hélios II 49 b) Syracuse III 51 c) Les postes radio de quatrième génération (PR4G) 52 6. Les drones 52 7. Le programme de simulation 54 B. LES CAUSES DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES 56 1. Les étalements budgétaires 56 2. Les défaillances de maîtrise d'ouvrage 58 3. La situation des industriels 60 4. Les aléas techniques 62 5. Les délais liés aux coopérations européennes 63 C. DES CONSÉQUENCES PAS UNIQUEMENT OPÉRATIONNELLES 65 III. - POUR UNE RÉALISATION PLUS EFFICACE DES PROGRAMMES D'ARMEMENT 67 A. LA NÉCESSAIRE STRUCTURATION DE L'EUROPE DE L'ARMEMENT 67 1. La création de l'agence européenne de défense, premier pas vers des coopérations plus intégrées 67 a) Les prémices d'une structuration de l'Europe de l'armement 68 b) La création d'une véritable agence européenne de l'armement 68 2. L'impératif d'une poursuite des restructurations industrielles à l'échelle européenne 70 3. Des coopérations qui doivent dorénavant se forger sur des projets industriels cohérents et non sur des besoins a priori 71 B. L'ADAPTATION DES STRUCTURES CHARGÉES DE SUPERVISER LES PROGRAMMES ET DE LEURS MÉTHODES 72 1. Les conclusions de la mission du ministère de la défense sur le déroulement des programmes d'armement 72 2. La création d'instances de concertation et d'arbitrage, assortie d'une meilleure évaluation 74 3. Une nouvelle réforme de la DGA 76 a) Les revers de la réforme de 1997 76 b) La réorganisation interne en cours 77 c) Faut-il envisager un statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) pour la DGA, à moyen terme ? 78 4. La nécessité de concevoir, dès le départ, les programmes sous un angle évolutif 80 C. LE BESOIN DE FINANCEMENTS PERMANENTS 81 1. Conforter le principe d'exécution sincère des lois de programmation militaire 81 2. Explorer les voies de financements innovants 83 a) Un levier financier utilisé par des ministères de la défense étrangers 83 b) Quels programmes d'armement français pourraient être concernés ? 84 CONCLUSION 89 TRAVAUX DE LA COMMISSION 91 ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 93 Le ministère de la défense dispose du premier budget d'investissement de l'Etat : pour mémoire, 15,2 milliards d'euros sont inscrits en crédits de paiement aux titres V et VI du projet de loi de finances initiale pour 2005. Ces dépenses servent essentiellement à l'entretien et au renouvellement des matériels des armées, outils indispensables au bon accomplissement des missions de ces dernières. Premier investisseur public français, le ministère de la défense contribue aussi à la prospérité industrielle de la France, ainsi qu'à l'emploi. Cet aspect est malheureusement trop souvent ignoré dans la présentation qui est faite des dépenses concernant la défense, et pourtant il est fondamental. De fait, quand un programme d'armement subit un retard ou ne se concrétise pas, les incidences ne sont pas seulement opérationnelles ; elles sont tout autant économiques, commerciales ou sociales. Depuis le début de la XIIème législature, la commission de la défense de l'Assemblée nationale a porté la plus grande attention à l'état des équipements des forces françaises. Un rapport d'information, présenté dès l'automne 2002 par M. Gilbert Meyer, a notamment souligné la dégradation inquiétante des conditions de maintenance des matériels et ses conséquences sur la disponibilité opérationnelle des troupes (1). De même, lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2003-2008, les membres de la commission ont insisté sur la nécessité de rompre avec la pratique antérieure des « coupes budgétaires », qui s'était traduite par la non-consommation de 17 % des crédits d'équipement votés en loi de programmation militaire 1997-2002, pour ne prendre que l'élément de comparaison le plus récent. Sous l'effet conjugué de la forte implication du Gouvernement à respecter les engagements financiers pris par le Président de la République puis votés par le Parlement, et de la vigilance de la commission dans le suivi de l'exécution du budget de la défense (2), les difficultés budgétaires obérant les programmes d'équipement des armées ont été singulièrement amoindries. Pour autant, le renouvellement et la modernisation des matériels militaires ne dépendent pas exclusivement du contexte des finances publiques et il serait hasardeux d'établir un lien trop étroit entre le bon déroulement des programmes d'armement et les enveloppes budgétaires disponibles. A titre d'illustration, les retards constatés pour remplacer les avions de transport stratégique Transall par des Airbus A 400 M ou le satellite de télécommunications Télécom II-C par Syracuse III-A ne sont pas liés à des contraintes financières, mais plutôt à des difficultés de coopération ou techniques. Soucieuse d'améliorer les conditions de réalisation des programmes, la ministre de la défense a engagé une réflexion qui a débouché, le 18 février 2004, sur une réforme présentée en Conseil des ministres. Anticipant les changements d'organisation induits par la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 (3), elle a clarifié les responsabilités au sein du ministère, tout en jetant les bases de relations internes contractualisées. Elle a aussi réorienté les objectifs et les moyens de la délégation générale pour l'armement (DGA), confortant ainsi sa vocation de maître d'ouvrage de l'Etat et son rôle auprès du secteur industriel national. Au-delà de leur apparence technique, ces décisions ont pour objet d'adapter les compétences et les procédures du ministère aux évolutions du contexte national et européen, à la complexité croissante des programmes et aux exigences de performance, qui sont le corollaire des augmentations significatives des crédits d'investissement de ces dernières années. Dans le prolongement de son contrôle accru sur les moyens d'équipement des armées, la commission ne pouvait se désintéresser d'un tel sujet. C'est pourquoi elle a confié aux deux rapporteurs, le 5 mai 2004, le soin de lui présenter un panorama aussi exhaustif que possible des principales réalisations en cours, c'est-à-dire des programmes les plus importants sur le plan opérationnel, technologique et budgétaire. Tel est donc l'objet du présent rapport d'information, qui précise en outre le cadre général de la conduite de tout programme d'armement et formule, au terme d'une vingtaine d'auditions de responsables, issus de la DGA, des états-majors et des industriels plus particulièrement concernés, quelques propositions de nature à en améliorer le déroulement. I. - LA CONDUITE D'UN PROGRAMME D'ARMEMENT, UN PROCESSUS TRÈS FORMALISÉ La notion de « programme d'armement » est le plus souvent entendue comme la réalisation d'un matériel neuf ou la remise à niveau d'un équipement à mi-vie. De fait, cette définition est restrictive au regard du concept tel qu'il est prévu et théorisé par le ministère de la défense. En effet, un programme d'armement s'entend davantage comme un processus que comme un produit. Il se subdivise en plusieurs séquences indispensables à la satisfaction des besoins des armées dans les meilleures conditions et fait intervenir de nombreux acteurs. En outre, la notion de « programme » a, en soi, une portée opérationnelle majeure, ce qui la distingue d'une simple « opération d'armement », qui n'a pas la même importance. Si des opérations d'armement concourent à la satisfaction d'un même besoin militaire complexe, elles forment un « programme d'ensemble ». C'est un document interne au ministère de la défense, l'instruction générale n° 1514 (4), qui décrit les principales étapes et les jalons décisionnels qui ponctuent le déroulement de tout programme d'armement national. Ce texte, récemment modifié dans un objectif de simplification, est précisé par l'instruction ministérielle 800. Le processus reste très formalisé, comme l'illustre le schéma ci-après, mais un tel découpage s'explique par le fait que le lancement d'un programme d'armement est toujours un engagement technologique et financier important pour l'Etat. LES ÉTAPES D'UN PROGRAMME D'ARMEMENT
En la matière, la France ne fait pas figure d'exception. Aux Etats-Unis, le département de la défense (DoD) a édicté un document similaire à l'instruction générale 1514, la directive 5000.1 (The Defense Acquisition System), complétée par l'instruction 5000.2 (Operations of the Defense Acquisition System). Au Royaume-Uni, le déroulement des acquisitions a été revu dans un sens assez proche de celui qui prévaut en France, à la suite du livre blanc de la défense qui a été publié en juillet 1998. L'encadré ci-après explique plus en détail ces éléments de comparaison.
Le stade préliminaire incontournable de tout programme d'armement est constitué par les études prospectives générales que réalisent la DGA, les états-majors et la délégation aux affaires stratégiques du ministère de la défense, en vue de préparer le futur. Ces analyses visent à détecter les principales menaces à venir, à imaginer les concepts techniques et opérationnels permettant d'y répondre et à identifier les technologies à maîtriser. Dans l'éventualité où un besoin prévisionnel apparaît et sous réserve que les capacités technologiques ou industrielles nécessaires soient à la portée des partenaires du ministère de la défense, la DGA et les états-majors peuvent décider conjointement de passer à un stade de préparation : la décision est prise par le comité d'architecture des systèmes de forces, qui est présidé par le major général de l'état-major des armées et le directeur des systèmes de forces et de la prospective de la DGA. L'état-major client est alors amené à préciser ses exigences opérationnelles dans un objectif d'état-major (OEM). Des travaux préalables approfondis sont ensuite engagés sous l'égide d'un architecte de système de forces, issu de la DGA, et d'un officier de cohérence opérationnelle (OCO), représentant un ou plusieurs états-majors. Ce stade de préparation est essentiel, car il permet de tracer les contours du besoin militaire, d'identifier les contraintes, notamment financières, et d'ébaucher différentes solutions techniquement possibles. L'objectif étant de s'assurer de la maîtrise des technologies nécessaires, les études menées par les industriels sont naturellement prises en considération. Cette étape ne dure en général pas moins d'un an. Les délais peuvent même aller nettement au-delà en cas de coopération internationale, car, dans cette éventualité, les organismes des différents Etats clients doivent se concerter et harmoniser leurs exigences techniques et financières. Le programme d'avion de transport stratégique A 400 M, qui a été victime des atermoiements de l'un des Etats parties pendant deux ans avant d'être lancé, ou celui de frégates européennes multimissions, dont le lancement a été différé de près d'un an en raison des négociations franco-italiennes sur ses caractéristiques, constituent des exemples révélateurs. La décision de lancement est prise, le cas échéant, sur la base d'un dossier formel reprenant les résultats obtenus, le dossier de lancement de la conception (DLC). En fonction de l'importance des enjeux, le choix peut être effectué par le ministre de la défense. Il peut arriver néanmoins que l'état-major, suivant plus particulièrement ces études, prenne la décision d'arrêter le projet, sur la base d'un dossier de clôture du stade de préparation. En 2003, six objectifs d'état-major ont été soumis à la DGA. Cette dernière a par ailleurs établi deux dossiers de faisabilité et un dossier de clôture de la phase préparatoire d'un nouveau programme (5). Le déroulement d'un programme d'armement, qu'il s'effectue dans un cadre national ou multilatéral, suit quatre stades successifs : la conception, la réalisation, l'utilisation et le démantèlement. Dès le lancement, une « équipe de programme intégrée » est constituée. Elle rassemble autour d'objectifs communs de coûts, de délais et de performances, des ingénieurs de la DGA avec des représentants des états-majors utilisateurs et des structures de soutien. Elle est dirigée conjointement par un directeur de programme, désigné par la DGA, et par un officier de programme, choisi par l'état-major utilisateur. De l'aveu de tous les responsables rencontrés par les rapporteurs, cette institutionnalisation du dialogue entre la DGA et les états-majors se montre le plus souvent féconde, dans la mesure où elle permet de confronter en permanence la réalité technique à l'impératif opérationnel. En cas de coopération, c'est une structure ad hoc (comité, division ou groupement de programme) rassemblant des représentants techniques et opérationnels de chaque partie qui est mise sur pied. Là aussi, le dialogue s'avère le plus souvent productif. La conception est une étape clé dans le déroulement d'un programme d'armement, car elle permet d'identifier les risques et, partant, de trouver des parades qui les minimiseront. L'instruction générale n° 1514 lui fixe comme objectifs de « finaliser le besoin militaire, et pour les différents scénarios considérés, d'examiner les solutions d'acquisition, de financement et de coopération possibles, d'établir une appréciation du coût d'acquisition, du coût global et des délais de réalisation de l'opération et d'acquérir une définition aussi complète et précise que possible du système ». Et la directive d'ajouter que les « perspectives à l'exportation et l'impact environnemental jusqu'au démantèlement doivent également être examinés », de même que « les différentes modalités de soutien ». La version précédente de l'instruction générale 1514 entrait davantage dans le détail en distinguant explicitement les travaux de faisabilité des études de définition. Quand bien même ces étapes n'apparaissent plus, elles n'en restent pas moins indispensables pour minimiser aussi efficacement que possible les aléas selon le procédé dit de « levée des risques ». Les travaux de faisabilité permettent d'approfondir les différentes solutions techniques et opérationnelles esquissées lors de la phase de préparation, puis de définir très précisément les équipements correspondants. Il s'agit en l'occurrence de tester de manière concrète les différentes options possibles, afin d'en déterminer l'opportunité et le réalisme. Dans un second temps, les études de définition orientent les caractéristiques technologiques et l'environnement du programme, sur la base d'une comparaison des résultats des différentes options analysées précédemment, en recherchant le meilleur compromis entre coûts et efficacité. A ce moment-là, les centres d'expertise et d'essais de la DGA contribuent à la définition de référence des équipements futurs. Le besoin des armées se trouve ainsi affiné sur le plan technique, ce qui permet d'ébaucher un calendrier prévisionnel et d'évaluer les coûts du programme. L'édition d'un dossier de lancement de la réalisation (DLR) clôt ce processus. Ce document peut être soumis, en fonction de l'importance du programme, à l'approbation du ministre de la défense. Jusqu'au stade de réalisation, le passage des phases précitées ne garantit aucunement que le programme débouchera sur la production de matériels pour le compte des armées. Un programme peut en effet être arrêté à l'issue des travaux de faisabilité ou de définition, voire ultérieurement, en raison notamment de son coût excessif ou de son inadaptation par rapport au besoin opérationnel. En 2003, dix-sept programmes d'armement étaient au stade de conception et sept dossiers de lancement de la réalisation ont été examinés (6). Cette étape recouvre les travaux de développement et la production. Les premiers permettent de concevoir les armements dans le détail, de les mettre au point, de les évaluer et les expérimenter. Pour ce faire, la DGA et les industriels négocient un contrat de développement et d'industrialisation, qui peut inclure une première tranche de production. Aux termes de l'instruction générale n° 1514 : « La décision de mise en service opérationnel (MSO) d'un système d'armes est prononcée par le chef d'état-major d'armée utilisateur à partir du constat que les conditions requises ont été remplies. ». Cette décision intervient après une première expérimentation. La fabrication en série des matériels est effectuée conformément à la définition « qualifiée » à l'issue du développement. La DGA réalise à cet effet des essais de vérification. Le recours de plus en plus fréquent aux démonstrateurs participe de cette démarche. Il en va surtout ainsi dans les domaines spatial et aéronautique, notamment au sujet des drones du futur. La production consiste aussi à mettre en place des moyens nécessaires à la formation des utilisateurs et au soutien des équipements réalisés. Les matériels produits font l'objet d'une décision de réception par la DGA préalablement à leur livraison aux forces armées. En 2003, soixante et un programmes étaient en cours de réalisation.
L'utilisation est l'aboutissement de tout programme d'armement. L'instruction générale n° 1514 l'énumère d'ailleurs parmi les étapes du déroulement des programmes. Elle débute formellement après la décision de mise en service opérationnel et peut chevaucher la réalisation, notamment dans le cas de matériels dont les livraisons s'échelonnent sur plusieurs années (munitions, chars ou avions de combat, par exemple). Une équipe de programme restreinte peut être maintenue pour coordonner la gestion technique et le soutien des matériels ou pour apporter des évolutions aux équipements livrés. La DGA s'évertue alors à mesurer et évaluer la qualité des matériels en service, afin de tirer les conséquences du retour d'expérience opérationnelle. Un suivi particulier des principaux défauts rencontrés en cours d'utilisation a été mis en place pour les programmes nationaux. Sur l'année 2003, quatre-vingt-trois défauts ont ainsi été décelés et soixante-quatorze ont été résolus dans un délai moyen de vingt-deux mois. Certains programmes peuvent être modifiés, voire transformés, en cours d'utilisation. A titre d'illustration, les aéronefs Super Etendard font actuellement l'objet d'une modernisation au standard 5, qui a pour effet de prolonger leur durée de vie. Bien qu'il n'en soit pas question dans l'instruction générale 1514, le bon déroulement de la phase d'utilisation est fortement conditionné par la qualité de l'entretien des équipements. Malheureusement, la perception de l'utilité de ce que les militaires appellent le « maintien en condition opérationnelle » n'a pas toujours été la même que celle d'une commande de matériels neufs, ce qui explique en partie la crise constatée par la commission de la défense, à l'automne 2002 (7). Le stade d'utilisation s'achève avec le retrait des matériels du service. La décision en incombe au chef d'état-major concerné. Débute alors le stade de démantèlement, phase ultime de la vie d'un programme. La dernière version de l'instruction générale 1514, à la différence de la précédente, y fait référence, sans pour autant longuement s'appesantir, ni même se révéler très explicite. Tout juste est-il mentionné que les états-majors et la DGA maintiennent ou recréent des équipes intégrées chargées d'assurer le suivi de cette étape qui ne doit pas être négligée. Les considérations environnementales et la nécessité d'éviter que des matériels usagés puissent être utilisés à l'encontre des intérêts de la France ou de ses forces armées justifient que leur démantèlement demeure une préoccupation du ministère de la défense. Néanmoins, cette opération se révèle souvent coûteuse et très contraignante. L'épisode de l'errance de l'ancien porte-avions Clemenceau, en attente de désamiantage, à l'automne 2003, a tristement illustré le problème pour les bâtiments de combat, mais il en va de même pour les munitions ou les chars de combat. Dans ce contexte, il convient de saluer la réalisation en France d'un site d'élimination et de chargement d'objets identifiés anciens (SECOIA). A la suite de l'arrêt des tirs de munitions de ce type qui étaient effectués en baie de Somme jusqu'en 1996, et compte tenu de l'interdiction par la réglementation française de tout démantèlement d'armes dangereuses impliquant une intervention humaine, il est apparu nécessaire de concevoir, construire et faire fonctionner une installation automatisée. Il revient au ministère de l'intérieur de se charger du ramassage et du stockage desdites munitions et au ministère de la défense de les détruire. Le contrat portant sur l'usine de destruction des armes en question a été signé en 2003 avec Thales et une filiale de Veolia Environnement. Les premières destructions devraient intervenir fin 2007 ou début 2008. Le projet a rencontré quelques difficultés au démarrage, mais il se poursuit aujourd'hui normalement et, compte tenu de son caractère innovant, il pourrait donner lieu à des applications à l'étranger. Les programmes d'armement font intervenir un nombre important d'acteurs, publics et privés. Si le ministère de la défense et les industriels de l'armement sont les principaux concernés, d'autres organismes de l'Etat peuvent aussi jouer un rôle clé dans des domaines particuliers, qu'il s'agisse par exemple du secteur spatial ou des applications nucléaires. De même, la multiplication des coopérations internationales a fait émerger de nouveaux intervenants sur la scène européenne. Leur compétence en matière de gestion des programmes d'armement est appelée à s'accroître. 1. Les structures du ministère de la défense plus particulièrement concernées Le ministère de la défense se trouve au cœur de la conduite et du déroulement des programmes d'armement, car il en est le principal bénéficiaire. S'il est client des industriels, il n'est pas pour autant un client comme les autres, car il fixe ses exigences et il oriente considérablement l'offre. Les armées sont naturellement très impliquées dans le processus, car elles sont les destinataires des programmes. Le ministère de la défense dispose également d'une expertise technique indispensable à travers la DGA : celle-ci doit notamment s'assurer de la conformité des réalisations industrielles aux besoins opérationnels des armées. a) La délégation générale pour l'armement (DGA) Le décret n° 2000-809 du 25 août 2000, fixant les attributions et l'organisation de la DGA, assigne à cette dernière deux missions principales : préparer le futur et conduire les programmes d'armement dans un cadre national, européen ou international. L'instruction générale n° 1514 précise par ailleurs que « la DGA est responsable : - de l'élaboration de la réponse technologique, technique et industrielle au besoin y compris au stade d'utilisation, en cohérence avec les structures de soutien et sans préjudice de leurs responsabilités, - du processus de conduite du projet, - du processus d'acquisition et de qualification du système complet, - de la recherche et de la concrétisation des coopérations, - de l'étude des possibilités d'exportation du système d'armes et de leurs éventuels impacts sur sa définition. » Pour superviser les programmes d'armement, la DGA dispose notamment de la direction des systèmes d'armes, qui constitue les équipes de programme et qui suit tout particulièrement les études, le développement et la réalisation des nouveaux équipements militaires grâce à cinq services spécialisés : le service des programmes nucléaires et de missiles (SPNuM), le service des programmes d'armement terrestre (SPART), le service des programmes aéronautiques (SPAé), le service des programmes navals (SPN) et enfin le service des programmes d'observation, de télécommunication et d'information (SPOTI). Sur l'année 2004, la direction des systèmes d'armes est dotée d'un effectif budgétaire autorisé de 2 126 personnes, auxquelles il faut ajouter 1 800 personnes relevant de la direction des centres d'expertise et d'essais (DCE), qui contribuent directement au soutien des expertises de programmes. Les effectifs autorisés de la direction des systèmes d'armes en 2004
Parmi les personnels de la direction des systèmes d'armes, 40 % sont des spécialistes techniques, 40 % des spécialistes fonctionnels (notamment dans les domaines des achats, de l'évaluation des coûts et de la qualité) et 20 % des cadres. Les effectifs réalisés sont proches des effectifs autorisés, à l'exception notable du SPN qui accuse un déficit de l'ordre de 7 %. A titre comparatif, les ordres de grandeur sont à peu près équivalents tant en Allemagne qu'au Royaume-Uni. Outre-Rhin, il existe une division « armement » de 300 personnes qui remplit un rôle très politique, mais la conduite des programmes est assurée par une agence indépendante, le Bundesamt für Wehtechnik und Beschaffung (BWB). Outre-Manche, la Defense Procurement Agency (DPA) emploie environ 4 000 personnes, mais elle n'exerce aucune activité d'expertise technique, cette dernière étant partagée entre une direction particulière du ministère de la défense britannique (DSTL) et une société à capitaux mixtes (Qinetiq). Aux Etats-Unis en revanche, il existe quatre structures équivalentes à la DGA : une pour chaque armée et une pour l'US Marines Corps. La traduction du rôle financier de la DGA figure dans le tableau ci-dessous. Il y apparaît clairement que la DGA est appelée à gérer, par délégation des états-majors, une grande partie des crédits inscrits au titre V du budget du ministère de la défense. Objectifs d'engagements et de paiements (en millions d'euros)
Le rôle des états-majors, représentants des forces utilisatrices des équipements, est primordial dans la conduite des programmes d'armement. Il est défini, d'une part, par le décret n° 82-138 du 8 février 1982 (8), qui détermine les attributions respectives du chef d'état-major des armées et des différents chefs d'état-major, et, d'autre part, par l'instruction générale n° 1514 susmentionnée. Le décret du 8 février 1982 reconnaît une responsabilité forte des chefs d'état-major de chaque armée pour la conduite des programmes d'armement qui concernent plus particulièrement ces dernières, puisque le deuxième alinéa de l'article 18 dispose : « Ils définissent les spécifications militaires souhaitées des matériels nouveaux, approuvent les caractéristiques techniques qui leur sont fournies par le délégué général pour l'armement, proposent au ministre, conjointement avec le délégué général pour l'armement, le lancement des programmes correspondants, dirigent l'évaluation opérationnelle des prototypes, sont responsables de la mise en place dans les forces des matériels fabriqués ». L'article 5 du même décret dispose que le chef d'état-major des armées « est tenu informé par le délégué général pour l'armement, par les chefs d'état-major de chaque armée et les directeurs de services interarmées du déroulement des programmes en cours ». Il lui octroie néanmoins des responsabilités similaires aux chefs d'état-major de chaque armée pour les programmes nucléaires et spatiaux, tout en lui conférant un rôle de garant de la cohérence des capacités opérationnelles dans la mise en œuvre de la programmation militaire, ce qui lui donne un droit de regard essentiel sur la conduite des programmes d'armement. La nouvelle version de l'instruction générale n° 1514 conforte ce rôle. Elle précise également la participation des différents états-majors à la conduite des programmes d'armement, en leur attribuant la responsabilité : - de l'élaboration et de la hiérarchisation de leurs besoins et de leur cohérence avec ceux des armées alliées. Ils énoncent à cet effet un objectif d'état-major ; - des concepts d'emploi, des expérimentations et du soutien. Ils expriment alors leurs souhaits en matière de performances, de coûts, de délais et, nouveauté de la nouvelle version de l'instruction générale, d'entretien ; - de l'emploi des matériels et du retour d'expérience. Ils peuvent apporter leur expertise opérationnelle à la DGA, afin de résoudre les problèmes de mise en service qui pourraient se poser, et contribuent aussi aux essais et aux expérimentations des matériels produits ; - plus accessoirement, des directives relatives à la classification de l'information de défense à appliquer à l'opération. La participation des états-majors à la conduite des programmes d'armement est dictée par le fait qu'ils sont les utilisateurs des équipements qui en découlent. Il semble que ce principe de bon sens n'ait pas toujours été respecté. L'institutionnalisation des équipes de programme associant des officiers des armées et des ingénieurs de la DGA a néanmoins permis d'y remédier et d'ancrer la culture de la mixité des appartenances, de l'interarmées, au sein du ministère de la défense. Il est question d'aller plus loin, notamment pour tenir compte des changements d'organisation que la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 va engendrer. La nouvelle nomenclature budgétaire, rendue publique par le Gouvernement le 16 juin dernier, prévoit la création d'un programme budgétaire dévolu aux crédits d'équipement. La responsabilité de sa gestion devrait être confiée conjointement au délégué général pour l'armement et au chef d'état-major des armées, afin de renforcer et d'élargir le rôle de coordination des forces de ce dernier. Les conséquences devraient logiquement en être tirées en ce qui concerne le décret du 8 février 1982, même s'il n'en résultera pas pour autant une remise en cause des missions des différents chefs d'état-major, qui demeureront vraisemblablement en charge de la définition des caractéristiques des matériels, en suivront l'évolution et continueront à prononcer leur mise en service. Il est vrai que l'état-major des armées n'a pas vocation à remplacer à lui seul les différents états-majors, car il n'en a ni les moyens, ni la volonté. 2. Des établissements publics spécialisés Certains établissements publics, sur lesquels le ministère de la défense exerce une tutelle, participent à la conduite de programmes d'armement qui requièrent une expertise technico-scientifique particulière. La DGA et l'état-major des armées conservent cependant un droit de regard sur l'ensemble de ces activités. · C'est le cas notamment du commissariat à l'énergie atomique (CEA), dont la direction des applications militaires (DAM) est impliquée dans la conception et la réalisation d'équipements stratégiques, car touchant à la dissuasion nucléaire. L'article 1er de l'ordonnance n° 45-2563, du 30 octobre 1945, qui l'a institué, dispose qu'il s'agit d'un « établissement de caractère scientifique, technique et industriel ». La création de cet organisme, au lendemain de la seconde guerre mondiale, a été motivée par l'ambition de donner naissance en France à une filière nucléaire destinée à des applications militaires et énergétiques. Jusqu'à présent, le CEA a parfaitement rempli ses missions. La DAM conçoit, fabrique, maintient en condition opérationnelle et démantèle les têtes nucléaires qui équipent les missiles stratégiques de la force océanique stratégique (FOST) et les missiles air-sol de la force aérienne stratégique (FAS), ce qui l'amène à mettre au point le programme de simulation, qui a été décidé à la suite de l'arrêt définitif des essais nucléaires. Elle est également responsable de l'approvisionnement en matières nucléaires pour les besoins de la défense, ainsi que de la conception et de l'entretien des réacteurs nucléaires qui assurent la propulsion des bâtiments de la marine nationale (les chaufferies K 15 du porte-avions Charles de Gaulle et des sous-marins nucléaires de nouvelle génération). Autrement dit, la DAM est associée à des programmes d'importance majeure pour la défense nationale. Pour avoir eu l'occasion de visiter une grande partie des installations concernées en sa qualité de rapporteur pour avis sur les crédits de la dissuasion (9), l'un des rapporteurs peut témoigner de la grande qualité des personnels qui y travaillent et des moyens mis en œuvre. C'est le résultat d'un investissement significatif et constant, en termes budgétaires et de ressources humaines. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la DAM recourt à un peu plus de 4 500 collaborateurs et gère un budget d'un peu plus d'1 milliard d'euros. Il serait très préjudiciable à la France, pour ne pas dire irrémédiable, de remettre en cause cet effort de quelque soixante ans. · Le centre national d'études spatiales (CNES) est un autre exemple d'établissement public intervenant pour le compte du ministère de la défense dans un secteur spécifique. Cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), créé en 1961, emploie environ 2 500 personnes, dont 70 % de cadres, et gère un budget annuel de quelque 1,8 milliard d'euros. Il supervise, par délégation, la maîtrise d'ouvrage des programmes spatiaux, militaires ou duaux, et de leurs composantes pour le compte de l'état-major des armées et de la DGA. La coordination d'ensemble est assurée par le groupe de coordination espace (GCE), présidé par le chef d'état-major des armées, mais il est apparu nécessaire aux dirigeants du CNES de renforcer la coordination par la mise en place d'une cellule de liaison avec le ministère de la défense. Cette dernière mobilise deux ingénieurs de l'armement et deux officiers à temps partiel, ce qui leur permet de conserver une bonne immersion dans leurs corps d'origine (la DGA et les états-majors). Le CNES joue un rôle essentiel à la bonne marche des programmes de satellites d'observation Hélios II et de satellites de télécommunications Syracuse III. Il prendra également une part importante au programme de satellites d'observation duale Pléiades, constellation de deux satellites aux applications civiles et militaires qui doit prendre la relève de la filière de satellites pour l'observation de la terre (SPOT). Il est par ailleurs fortement impliqué dans l'évolution de la fusée européenne Ariane V qui, si elle ne constitue pas à proprement parler un programme d'armement, n'en demeure pas moins fondamentale pour l'accès à l'espace de la France et de l'Europe. Devant la place grandissante que les programmes spatiaux prennent dans la conduite et l'efficacité des opérations militaires, les compétences du CNES sont d'un intérêt précieux pour le ministère de la défense. A telle enseigne que la coordination avec la DGA a enfin commencé à s'accentuer pour parvenir à une expertise technique plus approfondie et, partant, plus efficace. 3. Les organismes multilatéraux européens Les progrès de l'Europe de l'armement sont le corollaire de ceux de l'Europe de la défense. Les besoins capacitaires sont souvent proches, de telle sorte qu'il s'avère plus économique de développer en commun les équipements. En outre, l'harmonisation des matériels est une garantie d'interopérabilité des forces. Certains Etats européens l'ont bien compris, qui ont mis en place des structures communes, soit permanentes parce qu'elles sont destinées à gérer plusieurs projets, soit ad hoc parce qu'elles concernent un programme spécifique. a) L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) Depuis quelques années, plusieurs Etats membres de l'Union européenne ont amélioré leur coopération dans le domaine de l'armement. Celle-ci a dépassé le cadre strictement bilatéral pour prendre la forme d'une organisation commune, l'OCCAR. Il s'agit d'une organisation internationale dont la mission est de conduire des programmes d'armement pour le compte de ses Etats membres. Cet organisme, dont les fondements existaient déjà à titre transitoire depuis le 12 novembre 1996, a été effectivement mis en place par une convention spécifique signée le 9 septembre 1998 par l'Allemagne, la France (10), l'Italie et le Royaume-Uni. Il possède la personnalité juridique depuis le 28 janvier 2001, ce qui lui permet de signer des contrats directement avec les industriels, d'emprunter et d'affecter ses ressources financières ainsi que d'employer ses propres personnels, aux environs de 200 actuellement. Il reste que l'OCCAR intervient par délégation de ses Etats membres, qui conservent un pouvoir de décision. Ces derniers sont représentés à son conseil de surveillance par les ministres de la défense ou leurs représentants. Ils suivent également le déroulement des programmes auxquels ils sont parties prenantes par le biais de comités de programmes. Chaque Etat a donc la possibilité de vérifier l'emploi de ses financements. Première manifestation concrète de la volonté de plusieurs Etats européens d'organiser conjointement la demande, afin d'ouvrir la voie à un futur marché unique de l'armement sur le continent, l'OCCAR fonctionne selon des principes qui rompent avec les inconvénients des coopérations intergouvernementales traditionnelles : - une conduite des programmes qui privilégie le rapport coût-efficacité, sur la base des meilleures pratiques en vigueur ; - une mise en concurrence des maîtres d'œuvre aussi fréquente que possible ; - un engagement des Etats membres à donner la préférence aux matériels développés sous l'égide de l'OCCAR ; - une globalisation du « juste retour industriel » sur plusieurs programmes et plusieurs années, mettant ainsi un terme aux compensations industrielles systématiques à hauteur des participations financières de chaque Etat ; - un processus décisionnel flexible, prévoyant le recours dans certains cas à la majorité qualifiée. Tout programme mené en coopération entre des Etats membres peut être supervisé par l'OCCAR, si ces derniers le décident. C'est le cas de l'hélicoptère Tigre, du radar de contrebatterie Cobra, des missiles de la famille de systèmes sol-air futurs (FASF), des missiles Roland (extension de vie-FROLE), ainsi que du véhicule blindé de transport à roues MRAV-GTK, équivalent germano-néerlando-britannique du véhicule blindé de combat d'infanterie français. Tout programme est également susceptible d'être placé sous la responsabilité de l'OCCAR dès son lancement, à l'image de l'A 400 M, dont le contrat fut signé à Bruxelles le 18 décembre 2001. Si de nombreux programmes d'armement à dimension européenne ont vocation à être gérés par l'OCCAR, cette dernière n'a pas pour autant pour objet de se substituer aux administrations nationales chargées des acquisitions d'armement. Ainsi, du point de vue de la DGA française, l'OCCAR s'apparente à un service de programmes plus généraliste que les SPAé ou SPART, par exemple, et nullement à une instance donneuse d'ordres, ce qui sera plutôt le cas de l'agence européenne de défense, créée par l'action commune du 12 juillet 2004. En définitive, l'OCCAR constitue un premier pas notable sur la voie de l'Europe de l'armement, mais qui ne trouvera son plein aboutissement qu'avec la création de l'agence européenne de défense. Peu de programmes européens menés en coopération font l'objet d'une organisation administrative spécifique ; il en existe néanmoins, à l'instar de l'hélicoptère tactique NH 90. Si la coopération entre les Etats participants, à savoir l'Allemagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas et, depuis 2001, le Portugal, est organisée au niveau interétatique sous la forme d'un comité directeur qui statue à l'unanimité, la gestion courante du programme est assurée par une agence de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), créé spécialement à cet effet : la NATO helicopter management agency (NAHEMA). En contrepoint, les industriels ont uni leurs efforts dans le consortium New helicopter industry (NHI), qui regroupe Eurocopter (60 % des parts), Agusta Westland (30 %) et Fokker (10 %) ; c'est lui qui constitue l'intermédiaire contractuel entre la NAHEMA et les différents partenaires industriels. La NAHEMA est chargée de superviser le programme au jour le jour : elle mène les négociations, passe les contrats et se charge de leur suivi. Elle ne dispose pas pour autant d'un pouvoir décisionnel, lequel appartient au comité directeur. Les dispositions qui régissent les relations entre les Etats ont été arrêtées par la signature de cinq mémorandums d'entente, conclus pour définir les objectifs et organiser les responsabilités à chacune des phases essentielles du programme. Les sièges sociaux de NHI et de la NAHEMA sont tous deux situés à Aix-en-Provence, ce qui facilite le dialogue. Même si elle ne règle pas tous les problèmes, une telle organisation présente le mérite de simplifier la conduite d'un programme aux multiples parties prenantes. Il reste qu'un tel schéma ne peut se concevoir pour tous les projets d'équipements réalisés en coopération, ne serait-ce que parce qu'il intervient au sein de l'OTAN. Les industriels de l'armement participent activement au déroulement des programmes d'équipement des armées. Ils interviennent à plusieurs stades du processus. Ils peuvent mener des recherches et des développements exploratoires sur fonds propres. C'est ainsi que la société Dassault Aviation a intégralement financé la mise au point des démonstrateurs d'aéronefs sans pilote Petit Duc et Moyen Duc, lesquels pourraient trouver des applications pour les armées dans le programme de démonstrateur Neuron, à l'horizon 2008, et, à plus long terme, pour les avions de combat de la génération postérieure au Rafale. Les industriels de l'armement sont plus souvent associés à la conception, en participant soit aux travaux de faisabilité, soit aux études de définition. Pour ce qui concerne le programme du second porte-avions, le ministère de la défense a notifié, en 2003, trois contrats d'études préliminaires à trois consortiums différents (11) pour évaluer les trois options envisagées alors : l'une à propulsion nucléaire, l'autre à propulsion conventionnelle, mais dans un cadre strictement national, et la dernière à propulsion conventionnelle en coopération avec le Royaume-Uni. C'est sur la base de ces trois études que la DGA a pu établir un dossier comparatif, transmis au ministre de la défense à la fin de l'année 2003. Ce document a servi de référence au Président de la République pour arrêter son choix définitif en faveur d'un mode de propulsion conventionnel, qu'il a rendu public le 14 février 2004. Dans un autre domaine, le ministère de la défense s'apprête à notifier, en 2005, un contrat de faisabilité concernant la bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA). Il s'agira, pour les industriels retenus, de mettre au point, à l'horizon 2007, un laboratoire technico-opérationnel capable d'interconnecter en réseau, à titre expérimental, plusieurs véhicules du champ de bataille (Leclerc, AMX 10 RC, véhicule de l'avant blindé), puis d'orienter les évolutions des matériels en service (la modernisation à mi-vie du Tigre, notamment). C'est lors de la réalisation des programmes que la contribution des industriels de l'armement est le plus visible, car c'est lors de la mise au point, puis de la production des matériels, que l'implication des entreprises du secteur de l'armement trouve son plein aboutissement. Cette étape prend diverses formes, selon la nature et l'envergure du programme en cause. Dans le cas de la livraison d'armes de petit calibre, de munitions, ou de matériels radio portatifs, l'entrée en service des matériels dans les unités s'effectue assez rapidement. Les délais sont beaucoup plus longs : lorsqu'il s'agit, par exemple, de la construction d'un bâtiment de la marine nationale, ils peuvent atteindre plusieurs années. Le secteur de l'armement joue donc un rôle majeur dans la conduite des programmes. Au-delà de sa participation directe aux projets d'équipement, il est le détenteur des capacités technologiques nécessaires à la conception et à la réalisation de matériels complexes. C'est pour préserver cet apport essentiel que le ministère de la défense a décidé de lancer plusieurs programmes d'études-amont (PEA), qui portent en particulier sur l'écoute spatiale (Electronic Intelligence-ELINT), les liaisons optiques à haut débit entre un satellite et un aéronef (liaison optique laser aéroportée-LOLA), les drones de combat (Neuron) ou de reconnaissance (EuroMALE). Ces démarches sont bienvenues, car elles permettent à la fois de préserver les capacités technologiques et de favoriser le rôle fédérateur des industriels français en Europe. II. - LES CONDITIONS DE DÉROULEMENT DES PRINCIPAUX PROGRAMMES D'ARMEMENT FRANÇAIS EN COURS Dresser un état des lieux de tous les programmes d'armement en cours de réalisation n'est pas sérieusement envisageable, en raison de leur nombre trop important. Pour mémoire, en 2003, la DGA en recensait soixante et un. Les rapporteurs ont donc privilégié l'analyse des principaux sur les plans budgétaire, opérationnel et industriel. De fait, ce sont ces programmes-là qui soulèvent le plus de difficultés : parce qu'ils représentent souvent un investissement technologique et financier majeur, ils sont plus sensibles aux aléas de la conjoncture. Tous n'ont pas pour autant subi des retards ou des dérives financières, comme l'illustre le tableau ci-après. Quant aux problèmes constatés, ils ont des causes souvent diverses, parfois cumulatives.
La distinction retenue par la DGA pour la définition des compétences de ses services de programmes semblant assez pertinente et pédagogique, les rapporteurs ont retenu une présentation qui en reprend les contours. A deux réserves près cependant, puisque si le SPNuM supervise les programmes nucléaires et de missiles ainsi que ceux qui concernent les drones, il semble plus cohérent de réserver un sort particulier à ces derniers et au programme de simulation, lequel relève du ressort du CEA. Les aléas rencontrés sur la plupart des programmes d'équipement nationaux importants ne sont certes pas négligeables, mais il convient de souligner que la comparaison avec d'autres pays qui consacrent un gros effort à leur défense, à commencer par les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, n'est pas nécessairement au désavantage de la France. Le problème de la conduite des programmes d'armement semble en fait général, comme en atteste, par exemple, la dérive financière du F 22 américain, dont le coût unitaire est passé d'une prévision initiale de 52 millions de dollars à une facture effective de 121 millions de dollars. Le Royaume-Uni a lui aussi eu maille à partir avec les programmes d'avions de patrouille maritime Nimrod (dépassement des coûts initiaux de 538 millions de livres et des délais prévisionnels de soixante et onze mois) ou de sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération Astute (surcoûts de 886 millions de livres avec un retard de quarante-trois mois) (12). 1. Les programmes aéronautiques Les programmes aéronautiques sont au cœur de la mobilité stratégique et tactique des forces ; par ailleurs, ils ont une forte dimension technologique. Pour ces raisons, leur financement mobilise des moyens budgétaires importants. Le ministère de la défense a néanmoins fait le choix de la rationalité dans ce domaine, en privilégiant des matériels polyvalents (tel le Rafale ou le NH 90) ou développés en commun avec des partenaires européens (A 400 M, Tigre et aussi NH 90). a) L'avion de combat polyvalent Rafale La marine et l'armée de l'air doivent progressivement remplacer leurs flottes aériennes de combat (Super Etendard, Jaguar et Mirage F1 puis 2000) par un appareil unique et polyvalent, le Rafale. Celui-ci permettra de remplir les mêmes missions avec moins d'avions : ainsi s'explique que le modèle 2015 en prévoie soixante exemplaires pour la marine et 234 unités pour l'armée de l'air. Le développement et la réalisation du programme Rafale s'effectuent en trois versions : les standards F 1 (interception aérienne), F 2 (chasse et attaque au sol) et F 3 (chasse, air-sol, reconnaissance et bombardier nucléaire). Cependant, l'ensemble des appareils devra in fine être configuré au standard F 3. Le Rafale se caractérise par un nombre important d'innovations technologiques. Son autoprotection est assurée par sa furtivité et aussi par un système nouveau de contre-mesures, brouillage et leurrage, dénommé « Système de protection et d'évitement contre les conduites de tir du Rafale » (Spectra). Le système d'armes inclut également un capteur optronique, situé à l'avant de l'appareil, qui joue le rôle d'un radar sans pour autant émettre des ondes, ce qui assure une très grande discrétion. Equipé de deux moteurs M 88-2, il constitue un appareil plus puissant que les avions de combat actuels, avec une poussée de 9,5 tonnes à vide au lieu de 7,5 tonnes. Il pourra ainsi emporter plus d'armements, tout en disposant d'une allonge supérieure à ses prédécesseurs. Enfin, le nouveau radar RBE2, capable en mode air-air de détecter tous azimuts la menace et de guider les missiles tirés en défense et, en même temps, en mode air-sol d'offrir des capacités de suivi de terrain en vol très basse altitude, constitue une autre innovation essentielle. Le Rafale se présente donc comme le premier avion de combat polyvalent au monde, en avance sur son seul homologue, le F 22 américain, plus puissant, mais, à la différence du F 35, non destiné à l'exportation. Les calendriers de développement, puis de production, de l'appareil ont connu bien des vicissitudes : comme l'a souligné le vingt-sixième rapport du comité des prix de revient des fabrications d'armement, ce programme a été malmené par des reports de commandes et de livraisons, en raison de contingences budgétaires. Les dix appareils actuellement en service dans la marine, dont l'admission au service opérationnel a été prononcée le 25 juin 2004, sont au standard F 1. Les premières livraisons à l'armée de l'air, concernant des appareils au standard F 2, ont débuté en septembre dernier, avec cinq mois de retard. Un nouveau retard d'ordre technique, d'une durée d'environ six mois, devrait être inéluctable en 2005, de l'aveu même du maître d'œuvre. Finalement, le premier escadron de Rafale F 2 entrera en service fin 2006, soit dix ans après la date initialement prévue lors du lancement du programme. Le standard F 3 devrait être livré à partir de 2007 pour une mise en service opérationnel dans les unités à partir de 2008. C'est ce standard qui conférera au Rafale sa capacité de remplir indifféremment des missions de défense aérienne et tactiques, y compris nucléaires. Début 2004, vingt-cinq appareils avaient été commandés pour la marine et trente-six exemplaires pour l'armée de l'air. La commande globale de cinquante-neuf appareils au standard F 3, qui devait initialement être passée en 2003, ne l'a finalement été qu'au second semestre 2004, en raison de négociations entre le ministère de la défense et les industriels sur la prise en charge financière du traitement des obsolescences des premiers appareils. A cette occasion, il a également été décidé d'abandonner le développement d'une version biplace pour la marine et de revoir la proportion d'appareils de ce type pour l'armée de l'air, en la faisant passer à un tiers de son parc contre deux tiers auparavant ; l'économie estimée pour le ministère de la défense avoisine 400 millions d'euros.
Depuis le lancement de ce programme, les coûts totaux globaux (développement, part des industriels incluse, et production) n'ont excédé les prévisions de 1989 que de 4 %, ce qui est remarquable, compte tenu des aléas budgétaires rencontrés. A titre de comparaison, les coûts du programme Eurofighter excéderaient de 15 %, soit 1 milliard de livres, les estimations initiales, pour la partie britannique. Lors de son audition par la commission de la défense, le 23 juin 2004 (13), M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation, a indiqué que le développement, l'industrialisation et les rechanges des 294 Rafale commandés coûteront, sur trente ans, 26 milliards d'euros. Le coût unitaire des appareils prêts au vol s'échelonne, selon les versions, entre 46,8 millions d'euros (Rafale air monoplace) et 54,95 millions d'euros (Rafale marine). Et Charles Edelstenne de souligner qu'à parité parfaite entre l'euro et le dollar, le coût unitaire du F 35 américain (2 443 appareils pour 240 milliards de dollars) sera de 98 millions d'euros, pour une série dix fois plus importante. Autre comparaison, l'Eurofighter, dans sa version multirôles, devrait afficher un coût de développement de 21,6 milliards d'euros, soit trois fois celui du Rafale. Ainsi, le coût budgétaire s'élèvera à 26,2 milliards d'euros pour les 180 appareils commandés par l'Allemagne, soit un coût unitaire de 146 millions d'euros ; il sera de 33,6 milliards d'euros pour les 232 avions commandés par le Royaume-Uni, soit un coût unitaire de 145 millions d'euros. Contrairement à une idée trop souvent répandue, le programme Rafale revient donc moins cher à la France que ne lui aurait coûté une participation à l'Eurofighter. Les rapporteurs, dont l'un a été chargé de l'avis au nom de la commission de la défense sur les crédits de l'armée de l'air ces trois dernières années (14), peuvent en toute connaissance de cause affirmer que le Rafale est un excellent appareil, compétitif et qui vivra longtemps. C'est donc un bon choix pour la marine et l'armée de l'air. Il reste à lui souhaiter que son entrée en service dans la marine, puis dans l'armée de l'air aux standards F 2 et F 3 lui ouvre les débouchés qu'il mérite, à l'exemple des Mirage 2000. L'expérience actuelle le montre, ce ne sont pas des raisons techniques qui limitent son expansion à l'exportation. b) L'avion de transport tactique A 400 M La flotte aérienne française de transport tactique, composée de soixante-six C 160 Transall (15), quatorze C 130 Hercules et vingt Casa CN 235-100, est actuellement marquée par trois caractéristiques : inadaptation, obsolescence et insuffisance capacitaire. Désormais, le besoin porte sur la projection de forces outre-mer, le plus souvent pour des opérations de sécurisation, d'évacuation des ressortissants ainsi que pour des opérations humanitaires, mais aussi, comme l'engagement en Afghanistan l'illustre, pour des opérations de combat proprement dites. Dès lors, les spécifications des appareils de transport militaire actuels ne sont plus adaptées. Comme le vieillissement et l'inadaptation de l'aviation de transport française valent, selon des calendriers plus ou moins serrés, pour l'ensemble des flottes européennes, huit Etats européens, la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et la Turquie, se sont accordés en 1997 sur un programme conjoint d'avion de transport futur (ATF) répondant au besoin opérationnel commun. L'appareil doit être capable de transporter une charge de 32 tonnes ; sans ravitaillement en vol, il doit pouvoir transporter 25 tonnes sur 3 700 km, ou 17 tonnes sur 5 500 km ; pour autant, il doit être ravitaillable en vol. Les dimensions, notamment celles de la soute, ont été calculées en fonction des matériels des armées de terre européennes susceptibles d'être projetés en opération extérieure, qu'ils soient en dotation ou commandés (VBCI, NH 90 et Tigre, systèmes de missiles sol-air moyenne portée tels que le SAMP/T). La vitesse maximum (mach 0,72) et le plafond de croisière (37 000 pieds) ont été fixés de façon à donner à l'appareil une capacité de ravitaillement en vol des avions de chasse sur les théâtres d'opérations. Enfin, un turbopropulseur à hélices rapides a été préféré aux réacteurs, pour préserver la capacité de l'avion à utiliser des terrains d'atterrissage aménagés de façon sommaire. Ce projet a connu diverses vicissitudes. Un appel d'offres fut organisé et remporté par l'A 400 M d'Airbus Military, filiale militaire d'Airbus Industries. Cependant, l'industriel fixait un seuil minimum de 180 commandes pour produire son appareil. Des Etats membres du programme, comme l'Italie, s'en sont retirés. L'Allemagne, qui était le premier partenaire du projet, a longuement tergiversé sur le nombre d'unités dont elle souhaitait se doter. Le contrat a finalement été signé le 27 mai 2003. L'OCCAR a commandé à Airbus Military 180 exemplaires de l'appareil. Les prix et les délais ont été fixés et la commande passée de façon ferme. Le premier vol aura lieu en janvier 2008 et le premier avion sera livré en 2009. La répartition des commandes et les premières échéances figurent au tableau ci-après. Les commandes de l'A 400 M
Pour l'armée de l'air française, le calendrier complet de livraison s'échelonnera de 2009 à 2019, comme le montre le tableau suivant.
Le financement par la France des cinquante appareils est désormais une affaire de crédits de paiement annuels, la totalité des autorisations de programme nécessaires, soit 6,662 milliards d'euros, ayant déjà été débloquée en 2000 et 2001. Désormais, le programme se déroule de manière satisfaisante. Les délais sont tendus, en raison notamment de certains défis technologiques, liés entre autres au développement du moteur. C'est en effet un consortium associant Rolls-Royce, Snecma, MTU et ITP, qui est chargé de développer le moteur qui équipera les appareils. Il s'agit de la première grande coopération de Snecma avec Rolls Royce dans le domaine militaire. Néanmoins, aucune difficulté n'a jusqu'à présent été rencontrée. En outre, les industriels se sont engagés sur la totalité du programme (développement et production), de telle manière qu'ils assument entièrement les risques. c) L'hélicoptère d'attaque Tigre Issu d'un besoin commun franco-allemand et développé par Eurocopter, le Tigre est un hélicoptère d'attaque bimoteur, d'une masse maximale au décollage de 6,1 tonnes, possédant une cellule en matériau composite, un rotor quadripales, un cockpit en tandem et une avionique très moderne. Il doit être en mesure de remplir la plupart des missions de combat terrestre : reconnaissance, escorte de transport tactique, appui feu air-sol, appui air-air. Décidé en 1984, sur la base d'un memorandum of understanding (MoU) entre la France et l'Allemagne, le programme est conduit depuis 1998 par l'OCCAR. A partir d'une structure commune (80 % des composants), cet équipement connaît plusieurs variantes : une version d'appui protection (HAP), qui met en œuvre une tourelle de 30 millimètres, des roquettes de 68 millimètres et des missiles air-air Mistral ; une version antichar (HAC), équipée de missiles antichars de longue portée et air-air Mistral. Cette dernière a été retenue par la Bundeswehr sous une forme plus polyvalente mais avec des capacités d'appui plus limitées (UHT), même si elle intègre des missiles antichars, des roquettes de 70 millimètres et des missiles air-air Stinger. L'Espagne s'étant déclarée intéressée par une version multirôles d'appui-destruction (HAD), sous réserve d'un développement conjoint avec la France, un MoU a été signé en ce sens en mars 2004 par ces deux pays et l'Allemagne. Les dotations initialement prévues pour l'armée de terre aux termes du contrat de production signé le 18 juin 1999, à savoir dix HAC et soixante-dix HAP, ont été reconfigurées en quarante HAP et quarante HAD. L'Espagne a choisi d'acquérir vingt-quatre exemplaires : six HAP modifiés ultérieurement en HAD et dix-huit HAD. Les travaux de qualification de la version HAP se sont poursuivis ces deux dernières années. Ils se sont achevés au mois d'avril 2004 et le premier appareil a été livré à l'armée de terre, avec un retard de près d'un an, dû à des difficultés de mise au point technique sur le viseur principal et les logiciels. Initialement, la mise en service du Tigre dans les forces était prévue pour le deuxième semestre 2003. Lors de son audition par la commission de la défense, le 29 septembre dernier, M. Fabrice Brégier, président-directeur général d'Eurocopter, a reconnu que l'armée de terre française ne devrait pas disposer de plus de trois appareils à la fin de cette année alors qu'elle aurait dû en réceptionner deux en 2003 et sept autres en 2004 (16). Les appareils HAD seront livrés à partir de 2010, et non plus en 2009, en raison de la disponibilité tardive du moteur à puissance augmentée. Les contrats seront prochainement signés et l'accord tripartite de mars 2004 pourra ainsi entrer en vigueur. Depuis 1988, le devis est resté inchangé, essentiellement en raison de la nature forfaitaire du contrat passé avec les industriels. Pour mémoire, le coût total du programme est estimé à 7,574 milliards d'euros. A terme, l'armée de terre pourrait être équipée de 120 hélicoptères Tigre. d) L'hélicoptère de transport NH 90 L'hélicoptère de transport bimoteur NH 90 est un programme européen qui a été lancé en 1992. Il a été développé par Eurocopter, Agusta et Fokker, regroupés au sein de l'organisation NHI. De leur côté, les quatre Etats partenaires (la France, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas), rejoints par le Portugal en 2001, se sont regroupés au sein d'une agence relevant de l'OTAN. Ce programme achève actuellement ses phases de développement et d'industrialisation. L'hélicoptère à proprement parler existera en deux versions : une terrestre (tactical transport helicopter - TTH) et une navale (NATO frigate helicopter - NFH). La version TTH doit permettre de transporter, dans un rayon de 700 kilomètres, quatorze à vingt commandos équipés ou deux tonnes de matériels, voire un petit véhicule. Elle peut également servir à des évacuations sanitaires, des parachutages ou à des missions de recherche et de sauvetage. La version NHF disposera de capacités de lutte anti-sous-marine et anti-navires ; elle pourra également mener des opérations de soutien antiaérien, d'alerte avancée ou de recherche et de sauvetage de pilotes (search and rescue - SAR). Le 30 juin 2000, la France a signé le contrat d'industrialisation des versions terrestre et navale, pour 380 millions d'euros, ainsi qu'une commande de vingt-sept exemplaires pour la marine, pour 840 millions d'euros : quatorze pour le combat et treize pour le soutien. Initialement, les livraisons devaient s'échelonner entre 2004 et 2011, mais, pour des raisons budgétaires, leur rythme a été ralenti, comme l'illustre le tableau ci-après. Livraisons prévues au profit de la marine nationale
Le déroulement du programme est satisfaisant. Le troisième prototype a effectué son vol en mode « commande tout électrique » en décembre 2003, ce qui a constitué une première mondiale pour un hélicoptère de série. Des retards de développement affectent certains systèmes (l'intégration sonar et les torpilles notamment), mais ce sont l'Allemagne et l'Italie qui en subiront le plus les effets puisque les premières livraisons leur sont destinées. L'armée de terre, quant à elle, devrait passer commande de trente-quatre appareils en 2007 et de trente-quatre autres en 2010, afin de réceptionner ses premiers exemplaires en 2011. Livraisons prévues au profit de l'armée de terre
Bien que le chef d'état-major des armées, le général Henri Bentégeat ait affirmé devant la commission, lors de son audition du 12 octobre 2004 (17), qu'il n'est pas certain que l'industriel aurait pu avancer cet échéancier à 2008, compte tenu de son plan de charge, il semble que cette éventualité était tout à fait envisageable. Ce faisant, l'ampleur des opérations de rénovation du parc de Cougar et de Puma en service aurait pu être réduite, afin de garantir la continuité des capacités aéroportées de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT). Le ministère de la défense aurait ainsi économisé quelque 50 millions d'euros entre 2006 et 2017. Un choix différent a néanmoins été fait, puisque l'armée de terre financera une rénovation de ses appareils actuels afin d'attendre 2011, en dépit d'un sérieux risque de rupture capacitaire dès 2008. Les rapporteurs le regrettent, tout comme plusieurs membres de la commission de la défense, à commencer par son président, M. Guy Teissier, qui avait souligné la pertinence de l'alternative suggérée par Eurocopter, lors du débat sur le projet de loi de programmation militaire 2003-2008. Le coût du programme n'a pas évolué depuis 1992. Il faut reconnaître qu'il a bénéficié d'une bonne rentabilisation, due à d'importants débouchés à l'exportation. Outre les 254 exemplaires livrés aux cinq partenaires initiaux, le consortium NHI a conclu une commande de cinquante-deux appareils pour la Suède, la Norvège et la Finlande en 2002, puis une autre de vingt hélicoptères supplémentaires pour la Grèce en 2003. Hors d'Europe, le Sultanat d'Oman et l'Australie ont décidé cette année d'acquérir respectivement vingt et douze exemplaires, ce qui constitue un excellent résultat à l'exportation pour ce programme. Les programmes d'armement navals portent le plus souvent sur de faibles quantités, mais ils mobilisent des enveloppes budgétaires importantes. Le SPN procède à des engagements financiers annuels légèrement supérieurs à 1 milliard d'euros. Dans l'ensemble, les objectifs sont tenus. a) Les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG) C'est au début des années soixante qu'a été décidée la constitution d'une composante océanique de la force de dissuasion, avec la création, en 1962, de l'organisation Cœlacanthe, qui reçut mandat de bâtir ce qui deviendra la FOST aux débuts des années soixante-dix. Le premier bâtiment de la FOST, le SNLE Le Redoutable, a appareillé pour sa première patrouille opérationnelle en 1972. Alors que, pendant la guerre froide, trois sous-marins patrouillaient simultanément, l'adaptation au nouveau contexte stratégique a conduit le Président de la République à réduire la FOST à quatre sous-marins, dont trois dans le cycle opérationnel, armés à deux équipages. Tandis qu'un premier assure une patrouille permanente, un deuxième est disponible à quai ou à la mer, en essais ou en entraînement, afin de pallier le risque d'une éventuelle avarie sur le premier. Quant aux deux derniers, ils sont en entretien, l'un de courte durée, l'autre de longue durée. Sur les quatre SNLE opérationnels de la FOST, deux sont de nouvelle génération (SNLE-NG) : Le Triomphant, prototype de la série, a été admis au service actif en 1997, alors que Le Téméraire a rejoint la FOST en 1999. Ces bâtiments sont plus longs et beaucoup plus lourds que leurs prédécesseurs ; leur vitesse de déplacement est sensiblement supérieure. Ils seront rejoints, à la fin de l'année, par Le Vigilant, qui termine ses essais ; il remplacera L'Indomptable qui sera retiré après vingt-huit ans de service opérationnel. Ensuite, en 2010, Le Terrible achèvera la relève entre les deux générations de sous-marins. Les quatre SNLE-NG auront coûté au total 13,9 milliards d'euros. Le calendrier du programme snle-ng
Pour le dernier SNLE-NG, le retour à l'échéance initiale de 2010, que la revue des programmes de 1998 avait ramenée à 2008, s'explique par des raisons financières. Il n'existe donc plus de marge de manœuvre, même si la prolongation de deux ans du service de L'Inflexible ne pose pas de problème. Ce quatrième bâtiment de nouvelle génération embarquera des missiles M 51 et disposera d'un système global de navigation, d'un sonar et d'un système de commandement améliorés par rapport aux trois premiers bâtiments de la série ; certaines obsolescences seront également traitées. Le coût de développement du nouveau système de navigation avoisinera 50 millions d'euros. Des économies seront réalisées en maintenance grâce à l'emploi de matériels identiques à ceux du Rafale. Le coût de développement des modifications du sonar et du système de combat s'élèvera à environ 100 millions d'euros. Cet investissement sera lui aussi rentabilisé, car il sera en grande partie commun avec celui du Barracuda. b) Les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda Conformément au modèle d'armée 2015, la marine ne dispose plus que de six sous-marins d'attaque, à propulsion nucléaire. Le dernier sous-marin diesel, l'Ouessant, a été désarmé en 2001. Le programme de sous-marins nucléaires d'attaque du futur Barracuda, dont la phase de définition a été lancée en octobre 1998, vise à remplacer les six SNA de la classe du Rubis, modernisés au standard Améthyste (amélioration tactique, hydrodynamique, silence, transmissions, écoute), admis en service entre 1983 et 1993. Ces bâtiments ont une durée de vie de trente ans et leur retrait du service devrait s'échelonner entre 2013 et 2032. Le contrat de réalisation des six Barracuda devrait être conclu fin 2005 et les premiers exemplaires commandés en 2006 et 2008. Ces bâtiments, comme leurs prédécesseurs, rempliront des missions de sûreté au profit du déploiement de la FOST et du groupe aéronaval. Ils pourront également mener des opérations de renseignement grâce à des capacités d'écoute et à la possibilité de mettre en œuvre des commandos de nageurs de combat. En 2015, ils seront dotés de moyens de frappe dans la profondeur, leurs tubes lance-torpilles pouvant lancer des missiles de croisière navals, et devraient être équipés d'une nouvelle torpille lourde. D'un tonnage de 4 000 tonnes, ils pourront naviguer à une vitesse supérieure à 22 nœuds. Leur propulsion nucléaire leur conférera une autonomie de soixante-dix jours. Le premier Barracuda devait initialement être opérationnel en 2010, mais cette date a déjà été repoussée de trois ans. A partir de 2013, le rythme des livraisons devrait être de l'ordre d'un sous-marin tous les deux ans. c) Les frégates antiaériennes Horizon Dans le domaine de la lutte antiaérienne, le programme de frégates Horizon doit assurer la relève des bâtiments les plus anciens. Les conflits récents (guerre des Malouines, guerre du Golfe, conflits du Kosovo et engagement en Océan indien) ont montré que toute action extérieure sur un théâtre maritime nécessite la maîtrise de l'espace aérien. Depuis le retrait du service de la frégate lance missiles Suffren, le 1er avril 2001, la marine ne dispose plus que de trois frégates antiaériennes au lieu des quatre prévues par le modèle d'armée 2015. Or, ce format de quatre bâtiments antiaériens est minimal pour assurer la permanence de la protection du groupe aéronaval ou d'un groupe amphibie. Évolution du parc de frégates antiaériennes
Le programme de frégates Horizon, réalisé au sein d'une coopération européenne, dont le Royaume-Uni s'est retiré en 1999, comporte deux volets : - la réalisation à proprement parler des coques des bâtiments, effectuée en commun par DCN et les chantiers italiens Fincantieri, à raison de deux unités chacun ; - le développement et la réalisation du système de combat Principal anti-air missile system (PAAMS), auxquels le Royaume-Uni reste associé. La construction de la première frégate destinée à la marine (Forbin) a débuté au printemps 2002 ; la livraison est prévue pour décembre 2006. La seconde (Chevalier Paul) sera opérationnelle en mars 2008. Le coût total du programme de ces deux frégates pour la marine est estimé à 1,9 milliard d'euros. Tenant compte des impératifs de renouvellement des frégates de la classe Cassard, le projet de loi de programmation militaire a prévu la commande d'un troisième bâtiment en 2007, pour une livraison en 2012. Le coût de cette frégate supplémentaire devrait avoisiner 610 millions d'euros (hors développement et sans système d'armes). Le programme se déroule convenablement, mais il présente une spécificité liée à l'intégration des différents composants (PAAMS et plate-forme, entre autres), sur laquelle il conviendra de garder une vigilance particulière. d) Les frégates européennes multimissions (FREMM) La flotte anti-sous-marine et les avisos accusent un âge plutôt avancé, ce qui implique leur renouvellement. Le tableau ci-après en offre un aperçu. Évolution du parc des frégates anti-sous-marines et des avisos
Le concept de FREMM répond à ce besoin, tout en jetant les bases d'une coopération européenne (franco-italienne) majeure pour la construction de vingt-sept unités : dix-sept bâtiments devraient être réalisés au profit de la marine nationale, pour un coût total de 5,3 milliards d'euros. La production de ces bâtiments s'effectuera sur la base d'une plate-forme unique, dont les fonctions seront dissociées entre la lutte anti-sous-marine (ASM) et l'action vers la terre (AVT). L'objectif est de développer le maximum de composants communs entre les bâtiments français et italiens, même si des différences existeront au sujet des radars (Empar, sur les frégates italiennes, et Heraclès, plus performant et moins cher, pour les bâtiments français) et des systèmes de combat (hélicoptères et liaisons tactiques, notamment). Ces frégates devraient être servies par des équipages réduits, d'environ quatre-vingt-quinze membres. La cadence de construction avoisinera trois bâtiments tous les deux ans. La première livraison devrait intervenir mi-2009. Commandés début 2005, soit deux ans et demi après la première offre de DCN, huit exemplaires pourraient entrer en service d'ici à 2013. Début avril 2004, un accord a été trouvé sur la définition de la plate-forme propulsée (5 500 tonnes, 128 mètres de déplacement, propulsion par turbines à gaz). Un accord-cadre sur le développement et la réalisation a été signé en octobre 2004, à l'occasion du salon Euronaval. Il semblerait que les concessions obtenues par le partenaire italien aient conduit à renchérir le coût unitaire des bâtiments, qui devrait s'établir aux alentours de 280 millions d'euros. e) Les bâtiments de projection et de commandement (BPC) Les opérations navales se sont déplacées à proximité des côtes, ce qui confère un rôle de plus en plus important aux forces amphibies. La conquête des sites de débarquement dépend autant d'une forte capacité aéromobile que des moyens de débarquement à proprement parler ; c'est la raison pour laquelle la conception des navires amphibies a profondément évolué, au point que les successeurs des transports de chalands de débarquement (TCD) Ouragan et Orage, respectivement entrés en service en 1965 et 1968, sont qualifiés de bâtiments de projection et de commandement (BPC). L'intérêt croissant porté à l'aéromobilité dans les opérations et la recherche d'une complémentarité avec les TCD les plus récents, Foudre et Siroco, ont conduit à privilégier l'option de porte-hélicoptères polyvalents, similaires aux navires américains de la catégorie des LHD (landing helicopter dock). Les BPC Mistral et Tonnerre, qui entreront en service en 2005 et 2006, correspondront donc aux conditions requises par le nouveau concept national des opérations amphibies, adopté en 1997 : ils pourront embarquer un premier échelon de force interarmées, soit un état-major de commandement, 450 à 700 hommes, selon la durée d'engagement, et soixante véhicules ainsi que seize hélicoptères (Tigre et NH 90). Avec un déplacement proche de 20 000 tonnes, une vitesse maximale de 19 nœuds, les BPC se caractérisent par un pont d'envol continu de six « spots » (zones d'atterrissage dites « zones de poser »), permettant la mise en œuvre simultanée de six hélicoptères, et par un radier immergeable capable d'accueillir quatre chalands de transport de matériels ou deux engins sur coussin d'air. Pour des raisons d'économies budgétaires, ces bâtiments sont construits selon des normes civiles, en coopération industrielle entre DCN, maître d'œuvre de l'ensemble et des systèmes de combat, et les chantiers de l'Atlantique, responsables de la partie avant des bâtiments. Leurs moyens d'autodéfense seront, par conséquent, assez réduits : artillerie de petit calibre et missiles antiaériens Mistral, essentiellement. Ils comporteront également un hôpital embarqué. Le coût prévisionnel du programme, en voie d'achèvement, est de 667 millions d'euros. Les objectifs initiaux de coûts devraient être légèrement dépassés, mais on rappellera que le projet s'alignait sur le coût des TCD, d'un tonnage plus petit et donc moins chers. En revanche, les délais sont en passe d'être tenus puisque le Mistral a été mis à l'eau le 6 octobre 2004. Le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle ne peut à lui seul assurer la permanence du groupe aéronaval à la mer, son niveau de disponibilité étant de l'ordre de 60 % seulement. A titre d'illustration des contraintes qui en résultent, on se bornera à évoquer le retrait du bâtiment de la mer d'Arabie, fin juin 2002, qui s'est révélé nécessaire pour permettre des opérations d'entretien prévues de longue date et auxquelles il n'était pas possible de surseoir. Par ailleurs, le bâtiment a subi d'autres opérations d'entretien d'une durée de six mois en 2003 et il devra de nouveau être mis sur cale pendant dix-huit mois en 2006, pour cause de révision des chaudières nucléaires. A ces périodes d'indisponibilité pour entretien s'ajoutent les périodes d'exercices, indispensables à la requalification de l'équipage et des pilotes. Autrement dit, entre 2006 et 2008, la marine ne sera pas en mesure de déployer le groupe aéronaval et d'affirmer, comme ce fut le cas au Kosovo ou en mer d'Arabie, la présence et l'implication françaises dans le monde. Pour éviter qu'une telle situation se renouvelle à l'horizon 2015, le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 consacre 50 millions d'euros, en crédits de paiement, au financement des études de faisabilité d'un second porte-avions et 550 millions d'euros au début de sa réalisation, à partir de 2005. Le 13 février 2004, le Président de la République a rendu public son choix en faveur d'un mode de propulsion conventionnel. Cette décision offre des perspectives de coopération avec le Royaume-Uni, qui a lancé un programme de deux porte-avions dont l'entrée en service doit intervenir concomitamment avec le bâtiment français. Le 9 juin 2004, les ministres français et britannique de la défense ont signé un accord fixant le calendrier pour la recherche de coopérations sur les deux programmes. Cette éventualité doit être privilégiée pour deux raisons : - en premier lieu, elle renforcera le noyau franco-britannique de l'Europe de la défense et relancera ainsi la dynamique engagée lors des sommets bilatéraux de Saint-Malo, en 1998, et du Touquet, en 2003 ; - en second lieu, la marine pourra réaliser des économies sur la conception, si une coopération importante voit le jour, et plus sûrement sur la maintenance. Quels que soient les résultats de ces analyses préliminaires, la commande du bâtiment français devrait intervenir en 2006, pour une admission au service actif lors de la seconde période d'indisponibilité périodique pour entretien et réparations (IPER) du Charles de Gaulle, en 2015. 3. Les programmes d'armement terrestre Les programmes d'armement terrestre sont parmi ceux qui ont connu le plus de déboires. Les retards accumulés sont, dans certains cas, assez inquiétants. La spécificité de ce secteur tient principalement à la nature de l'offre industrielle. A l'exclusion de la participation de Sagem au programme de fantassin à équipements et liaisons intégrées (FELIN) et des industriels électroniciens dans les programmes de systèmes d'information et de renseignement, la société nationale Giat Industries est toujours partie prenante aux projets d'équipement de l'armée de terre. Les difficultés du maître d'œuvre ont inéluctablement des incidences sur le déroulement des programmes, même si les problèmes ou retards constatés ne sauraient lui être exclusivement imputés. Le char Leclerc, dont la phase des études a commencé en 1982, le développement en 1986 et la production en 1990, afin de remplacer l'AMX 30 B2, est un produit de la guerre froide, ce qui explique que la cible de livraisons ait été réduite de quelque 1 500 exemplaires à 406. Le contrat opérationnel impose de conserver, compte tenu des relèves, quatre régiments dotés de quatre-vingts chars chacun, soit 320 Leclerc. Par ailleurs, vingt à trente Leclerc supplémentaires sont destinés à l'instruction ou l'entraînement. Les spécifications techniques de ce char de nouvelle génération étaient avant tout destinées à assurer une suprématie tactique sur les blindés soviétiques, sur un champ de bataille situé en centre Europe : d'un poids de 55 tonnes, il est équipé d'un canon de 120 millimètres qui peut être chargé et tirer lorsqu'il se déplace, de jour comme de nuit. Il ne saurait être question de remettre en cause les indéniables performances techniques de ce matériel, actuellement parmi les meilleurs de sa catégorie. Pour autant, ce programme a subi de sérieux aléas au cours de son déroulement. Alors que le premier char a été livré à l'armée de terre en 1991, le premier groupement de quarante Leclerc n'a été opérationnel qu'en novembre 1998. Ce retard résultait alors d'une fiabilité insuffisante des équipements livrés par Giat Industries. On rappellera également que les dix-sept premiers chars livrés entre 1991 et 1993 se sont montrés inaptes à une quelconque activité militaire, alors que les suivants ont dû subir des ajustements complémentaires. Depuis lors, le rythme des livraisons a rarement correspondu aux prévisions, ce qui a obligé à revoir leur calendrier à plusieurs reprises. Mi-octobre 2004, dix livraisons de chars avaient été effectuées sur la cinquantaine prévue, le total des livraisons pour l'année devant s'établir à vingt exemplaires. Des difficultés de production étant de nouveau apparues depuis lors, l'objectif d'avoir terminé les livraisons fin 2005 n'est plus réaliste. Évolution de l'échéancier prévisionnel des commandes
Compte tenu du fait que les derniers exemplaires devraient être livrés en 2006, la production de chars Leclerc aura été étalée sur quinze ans, soit une moyenne annuelle de livraisons inférieure à trente chars par an au lieu d'un rythme prévisionnel initial de soixante-six livraisons par an. L'enjeu financier de ces retards n'est pas négligeable : 20 % du montant de chaque char étant versés à la livraison, tout décalage provoque des reports de crédits pour le ministère de la défense. Le coût du programme a, en outre, connu une inflation assez sensible. Il est actuellement évalué à 5,98 milliards d'euros ; le prix unitaire des chars atteint 8,33 millions d'euros, soit un dépassement de 20 % par rapport aux devis initiaux dû aux surcoûts du maître d'œuvre et à la réduction des livraisons. Dans son rapport public particulier d'octobre 2001, consacré aux industries d'armement de l'Etat (18), la Cour des comptes a mis en évidence un doublement du coût de revient unitaire du Leclerc pour l'armée de terre, en y incluant toutefois les frais de développement. Cette méthode donne aux frais fixes un poids déterminant, compte tenu de la diminution de la cible des livraisons de plus de mille exemplaires (de 1 500 à 406), et obère ainsi les coûts unitaires. En revanche, si l'analyse porte exclusivement sur les coûts de production, il apparaît que le prix a certes augmenté, mais dans des proportions moindres, en passant de 7,68 millions d'euros à 8,41 millions d'euros par char. Quoi qu'il en soit, le coût de maintenance de ce système d'armes sera plus élevé que celui de son prédécesseur. A titre d'illustration des coûts liés aux obsolescences de certains composants (tels les moteurs), on soulignera que le marché initial passé par les Emirats Arabes Unis prévoyait l'acquisition préventive de rechanges pour un montant avoisinant 15 % du prix global du contrat. Autrement dit, même s'il approche de son aboutissement, le programme de chars Leclerc suscite encore des inquiétudes. Les chars Leclerc, en raison de leur poids, nécessitent l'assistance de dépanneurs différents de ceux des AMX 30 B2, pour les récupérer et les évacuer, le cas échéant. L'armée de terre avait initialement envisagé d'acquérir sur étagère des dépanneurs sur châssis Leopard ou Challenger, pour des raisons financières, mais en 1994 elle a retenu la solution que Giat Industries avait développée sur la base du châssis Leclerc, pour répondre à la demande des Emirats Arabes Unis. Le problème pour la société nationale était que le contrat n'incluait aucune marge pour les coûts de développement, alors même que le contrat à l'exportation ne pouvait les financer intégralement. Pesant 59 tonnes et possédant une capacité de levage de 30 tonnes, les dépanneurs Leclerc doivent être en mesure d'intervenir aussi en opérations, au profit des autres engins blindés dont la masse impliquerait de puissants moyens de levage, de halage et de traction, ou soutenir des opérations de maîtrise de la violence par des capacités de dégagement d'épaves et d'intervention sur des obstacles éventuels (barricades, notamment). Initialement prévue à trente dépanneurs, la cible a été ramenée à vingt exemplaires, le 12 mars 2002, pour un coût total de réalisation de 171,2 millions d'euros. Échéancier des commandes et livraisons du dépanneur leclerc
Tous les dépanneurs prévus ont été commandés. Malheureusement, alors que Giat Industries a fourni aux Emirats Arabes Unis un produit qui donne entière satisfaction, des problèmes techniques sont apparus au niveau des suspensions arrière et des moteurs, tandis que la grue fournie par le sous-traitant suisse de Rheinmetall a rompu, en raison d'une qualité défectueuse de l'acier. La chaîne de production a été interrompue et seize exemplaires restaient à livrer à la fin du mois de mai 2004. Cette situation pose des problèmes sur le plan opérationnel, car, si des palliatifs ont été instaurés par le recours aux anciens dépanneurs des AMX 30 B2 et à des camions dépanneurs, les chars Leclerc ont véritablement besoin de dépanneurs spécifiques. La chaîne de production a redémarré, mais le retard par rapport aux objectifs initiaux ne sera probablement pas rattrapé. c) Le véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) Ce programme est destiné à assurer la succession des AMX 10 P et PC sur la période 2006-2013. Ce type de véhicules à huit roues motrices doit être en mesure d'assumer des missions de transport blindé pour le combat débarqué et des missions de véhicule armé. Il est prévu d'en acquérir 700 exemplaires : 150 dans une version de véhicules de poste de commandement (VPC), dotés du système d'information régimentaire (SIR), et 550 dans un mode de véhicules de combat d'infanterie (VCI), équipés d'une tourelle de 25 millimètres. La première livraison était initialement prévue pour 2006, mais le démarrage du développement de ce programme a été difficile pour deux raisons : - la sous-estimation par Giat Industries et Renault Trucks Defense du format de l'équipe de maîtrise d'œuvre à mettre en place, ce qui a créé des problèmes qualitatifs et quantitatifs pour la définition du produit ; - la trop grande rapidité avec laquelle la DGA et l'état-major de l'armée de terre ont lancé le développement, au lendemain de l'échec des négociations en vue d'une coopération européenne, ce qui a conduit à un dialogue insuffisant entre eux pour s'assurer d'une bonne compréhension du besoin opérationnel. Les premières maquettes du VBCI ont montré la nécessité de retravailler la définition du produit (sur le volume de caisse du véhicule et sa tourelle, notamment), puis une renégociation a eu lieu avec le maître d'œuvre. Le premier prototype se trouve en essais depuis mai 2004. Finalement, le programme a pris deux ans de retard. L'augmentation du coût total, qui est passé à 2,55 milliards d'euros, résulte quasi-exclusivement de l'adjonction de nouveaux équipements pour mieux satisfaire les besoins de l'armée de terre. Echéancier prévisionnel des commandes et livraisons du vbci
d) Le camion équipé d'un système d'artillerie (CAESAR) Jusqu'à présent, l'armée de terre était équipée de canons sur des châssis chenillés (155 millimètres AUF1), plus adaptés au contexte de la guerre froide qu'à un impératif de projection. De ce fait, leur rénovation a été revue à la baisse au profit de l'acquisition de canons portés sur camion CAESAR, pour un coût prévisionnel de 325 millions d'euros. Cet équipement est innovant et en avance sur la concurrence, grâce notamment à sa rapidité de mise en batterie et à une cadence de tirs de six coups à la minute. De plus, il offre une bonne mobilité tactique, car il est transportable par avion militaire (C 130 Transall ou A 400 M). L'armée de terre a acquis cinq exemplaires qui ont été livrés aux forces fin 2003. Apparemment, les premiers résultats au tir et en mobilité seraient très bons. La notification du contrat de réalisation de soixante-douze exemplaires complémentaires est intervenue en octobre 2004 ; soixante-quatre équiperont des régiments initialement prévus pour être dotés de canons AUF2. Échéancier des commandes et livraisons du caesar
La DGA a choisi une solution nouvelle pour la maintenance, en contractualisant avec Giat Industries la garantie d'un taux de disponibilité de 80 % sur cinq ans, au lieu de laisser le soin à la direction centrale des matériels de l'armée de terre (DCMAT) d'acheter au fil des ans des rechanges et d'assurer les réparations. A l'issue des cinq premières années d'exploitation, il sera possible de poursuivre ce type de maintien en condition opérationnelle ou de revenir à une gestion usuelle des stocks de rechanges par un organisme militaire. Il s'agit d'un pari sur le devenir de Giat Industries, dont on peut espérer que le dernier plan social permettra d'adapter définitivement le format à l'activité. 4. Les programmes nucléaires et de missiles Les équipements des armées n'ont de raison d'être qu'avec leurs armements. Outre les munitions de petit calibre, qui ne font pas l'objet de programmes majeurs, ce sont les missiles qui constituent les moyens d'action des systèmes d'armes, qu'ils soient terrestres, aériens ou maritimes. Néanmoins, selon les industriels concernés par ce secteur, les systèmes de missiles apparaissent aujourd'hui comme la variable d'ajustement du budget d'équipement des armées : avec l'annulation du programme de missile antinavire du futur (ANF), l'arrêt de la revalorisation du Roland, l'absence de production des projets Trigat et Milas, pourtant développés, il est vrai que ce secteur a subi des choix qui lui ont été très défavorables. Cette tendance, si elle perdure, aura nécessairement des conséquences sur l'industrie de missiles en France et en Europe, et également sur la maîtrise nationale des systèmes d'armes. a) Les missiles armés de têtes nucléaires La dissuasion nucléaire est la garantie ultime des intérêts vitaux de la France. Elle fonde son autonomie stratégique, ce qui en justifie l'existence. Le Président de la République et le Gouvernement ont réaffirmé à de nombreuses reprises la nécessité de maintenir la dissuasion, tout en reconnaissant l'utilité de son évolution pour faire face aux nouvelles menaces. Les deux rapporteurs, dont l'un est chargé depuis trois ans de l'avis de la commission de la défense sur les crédits de la dissuasion, tiennent d'ailleurs à souligner que, contrairement à une idée trop répandue, la dissuasion nucléaire est sans doute l'une des composantes de la défense nationale qui s'est adaptée le plus rapidement au contexte géostratégique de l'après-guerre froide. De manière plus générale, si les programmes nucléaires étaient un jour arrêtés pour des raisons financières, une telle décision serait irrémédiable, car le développement de la simulation, des armes et des missiles ne pourrait pas reprendre après une pause, ne serait-ce qu'en raison de l'évolution des technologies et de la perte des capacités industrielles françaises. Aujourd'hui, la dissuasion repose sur deux catégories de missiles (des missiles balistiques et des missiles air-sol), mis en œuvre par deux types de vecteurs (des SNLE, des Mirage 2000 N et des Super-Etendard du groupe aéronaval). Les missiles balistiques actuellement en dotation dans les forces sont le M 4 pour le reliquat de la flotte de SNLE de type Le Redoutable, et le M 45 pour les SNLE-NG. Leurs différences tiennent à leurs têtes nucléaires (respectivement TN 71 et TN 75), dont les plus récentes ont été améliorées en matière de furtivité et de pénétration. Afin de garantir la crédibilité de la dissuasion à l'horizon 2030, notamment dans l'hypothèse d'un renforcement des défenses antimissiles balistiques, il a été décidé de lancer un nouveau programme de missile balistique en 1992. Le concept initial, le M 5, très ambitieux et non moins coûteux, a été revu en février 1996, sur décision du Président de la République, pour donner naissance au projet M 51. Il s'agit d'un missile de masse totale de 53 tonnes, guidé par inertie et propulsé par propergol solide, dont la portée pourra largement atteindre 6 000 kilomètres, soit significativement plus que le M 45. La phase de développement du M 51 se déroule bien. Deux tirs de maquettes inertes ont eu lieu en 2004 et le premier essai en vol est prévu pour fin 2005. Des difficultés se font néanmoins jour au sujet de la phase de lancement de la production, les industriels attendant la notification du contrat prévu à cet effet pour assurer la continuité entre les fabrications nécessaires au développement en cours et les fabrications de série. Les négociations se poursuivent entre la DGA et les industriels. La composante aéroportée de la dissuasion est armée par des missiles air-sol à moyenne portée (ASMP). Une version améliorée de cet armement (ASMP-A), dont le programme a été lancé en 1997, entrera en service à partir de 2007 sous les Mirage 2000 N, puis en 2008 sous Rafale. L'ASMP-A est un missile d'une masse avoisinant 900 kilogrammes, dont la propulsion est assurée par un accélérateur à poudre et, une fois une vitesse hautement supersonique atteinte, un statoréacteur. Il mettra en œuvre une tête nucléaire aéroportée. Le développement de ce missile se poursuit de façon satisfaisante ; les premiers essais en vols à partir du sol sont intervenus au cours de l'année 2004. La phase d'intégration du missile sous avion a été contractualisée avec les industriels concernés (MBDA et Dassault Aviation) et, malgré un léger retard pris à l'occasion des négociations, le calendrier reste compatible avec la mise en service sous Rafale. b) Les autres programmes de missiles Les programmes de missiles dans lesquels le ministère de la défense est engagé sont nombreux. Ils portent en particulier sur des missiles de croisière, dont l'un des projets majeurs est le programme de missiles « famille sol-air futur » (FSAF), mené conjointement par la France et l'Italie pour équiper leurs forces armées de systèmes de défense aérienne modernes. Il comprend un système d'autodéfense missile (SAAM) pour les marines française et italienne et un système de défense de zone sol-air moyenne portée/terre (SAMP/T) pour les armées de terre et de l'air françaises et l'armée de terre italienne. La France et l'Italie ont respectivement décidé, en novembre 2003, d'acquérir douze et six exemplaires de SAMP/T, équipés de missiles Aster 30. En France, ils ont été commandés en 2003 et 2004 pour l'armée de terre et le seront en 2007 pour l'armée de l'air. Les livraisons interviendront à partir de 2007 pour l'armée de terre et à compter de 2010 pour l'armée de l'air. Ces systèmes seront couplés à un radar mobile modulaire multifonctions (M3R), afin d'intercepter des missiles balistiques d'une portée excédant 1 000 kilomètres, et non plus 600 kilomètres. Le SAAM, quant à lui, emploie des missiles Aster 15 à capacités multicibles et doit être embarqué sur des bâtiments de surface de tonnage supérieur à 2 000 tonnes, notamment le Charles de Gaulle ou les futures FREMM. Les frégates antiaériennes ne seront pas dotées du SAAM, mais du « principal anti-air missile system » (PAAMS), mené en coopération franco-italo-britannique. Ce système, qui comprend un radar multifonctions, six lanceurs verticaux et quarante-huit missiles Aster 15 et 30, peut contrer simultanément une attaque d'aéronefs et de missiles supersoniques dans un rayon de 70 kilomètres. En 2000, soixante missiles Aster ont été commandés pour un objectif total de quatre-vingts Aster 15 et 160 Aster 30. Les livraisons s'échelonneront jusqu'en 2005 pour les systèmes et jusqu'en 2009 pour les missiles. Sur le plan tactique, les missiles de croisière Apache et Scalp « emploi général » (Scalp-EG) ainsi que le missile de croisière naval, qui en sera dérivé, intéressent particulièrement les armées françaises. Comme l'Apache, le Scalp-EG est un missile de croisière de tir sur coordonnées géographiques. Tous deux sont propulsés par turboréacteurs et possèdent un système de navigation par inertie et de suivi de terrain automatique qui permet une approche autonome et à très basse altitude. Un système de guidage terminal assure la détection et l'identification finale de l'objectif, ainsi que la précision requise. Alors que l'Apache est un missile antipiste emportant dix sous-munitions de 50 kilogrammes chacune et pouvant être tiré à 140 kilomètres de son objectif, le missile Scalp EG est destiné à la destruction des infrastructures. Il emporte une charge unique d'environ 400 kilogrammes et peut être tiré à 400 kilomètres de sa cible. Les livraisons des cent Apache commandés se sont achevées cette année. Celles des 500 exemplaires du Scalp-EG (450 pour l'armée de l'air et cinquante pour la marine) ont commencé en 2003. Elles devaient initialement s'échelonner jusqu'en 2006, mais le calendrier a été décalé de deux ans (fin des livraisons en 2008), d'autant plus que le rythme des livraisons a été perturbé au cours de l'année par des problèmes de production. Le coût total prévu du missile Apache est de 689,3 millions d'euros, pour un coût unitaire de 1,62 million d'euros. Le coût du programme Scalp EG est de 800 millions d'euros, pour un coût unitaire plus faible, de 770 000 euros, du fait du partage du développement avec les Britanniques et d'un nombre de commandes beaucoup plus élevé. Pour ce qui concerne le programme de missile de croisière naval, son lancement vise à pallier la carence des SNA et des frégates de premier rang de la marine nationale qui, à la différence de leurs homologues américains ou britanniques, ne peuvent pas tirer ce type de munitions. La mise en service de tels armements ne devrait pas intervenir sur les frégates multimissions avant 2011 et sur les SNA avant 2013. Les échéances seront respectées à la condition qu'une première commande d'au moins 250 missiles intervienne d'ici 2006, conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire 2003-2008. Dans le même registre, l'armement air-sol modulaire (AASM) est un armement tiré sur coordonnées, mais beaucoup moins ambitieux et coûteux qu'un missile de croisière. Il consiste à adjoindre à des armements classiques, tels que des bombes de 250 kilogrammes, un kit d'accroissement de portée (propulseur) et un kit de guidage. La portée demandée est de 15 kilomètres en très basse altitude et de 50 kilomètres pour un tir depuis la haute altitude. Sa précision sera décamétrique sans guidage terminal (livraison à partir de 2006) ou métrique avec guidage terminal (livraison à partir de 2008). Il doit aussi avoir une capacité multicibles et évoluera jusqu'à comporter un corps de bombe de 1 000 kilogrammes ou un cargo à sous-munitions et un autodirecteur infrarouge. Le nombre de munitions envisagé montre le caractère usuel qu'il est prévu de donner à cet armement. Il est prévu une fabrication de 3 000 exemplaires, dont 2 000 pour l'armée de l'air, les 1 000 autres étant destinés à la marine. Le premier tir guidé a été effectué le 6 septembre 2004. Le coût total du programme est aujourd'hui de 421,8 millions d'euros. Au titre d'un premier marché, 496 exemplaires ont été commandés en 2000 pour l'armée de l'air, 240 à précision décamétrique et 256 à précision métrique. En 2005, 728 nouvelles commandes de la version décamétrique sont prévues. Les autres programmes de missiles en cours concernent essentiellement des missiles d'interception, de combat et d'autodéfense. Le missile air-air d'interception, de combat et d'autodéfense (MICA) est le missile air-air équipant les Mirage 2000-5 et les Rafale de l'aéronavale. Il s'agit d'un missile multicibles, d'une portée de 60 kilomètres, doté d'une capacité « tire et oublie ». Il peut recevoir deux types d'autodirecteurs interchangeables, infrarouges et électromagnétiques. Son coût total est aujourd'hui estimé à 1,76 milliard d'euros. Le retard accusé par ce programme est de l'ordre de six mois, en raison de problèmes techniques intrinsèques, mais il a aussi subi les conséquences du décalage de la mise en service de Rafale, que MBDA évalue à cinq ans de retard. Actuellement, les livraisons se poursuivent. Le projet Meteor est un missile d'interception air-air encore plus performant que le MICA, c'est-à-dire capable d'intercepter et de détruire des cibles aériennes à des distances encore plus lointaines. Sa portée sera de 150 kilomètres pour certains de ses tirs. Plus rapide, il sera propulsé par un statoréacteur, technologie jusqu'à ce jour réservée aux missiles nucléaires. Comme le MICA, il sera doté d'un autodirecteur électromagnétique actif. Il s'agit d'un programme d'armement européen. Un mémorandum d'entente couvrant le développement et l'intégration du missile sur son porteur a été signé en 2001 par le Royaume-Uni, la France, la Suède, l'Italie, l'Espagne, rejoints en 2002 par l'Allemagne. Le missile fait l'objet de 2 100 intentions d'achat, ainsi que de 565 commandes fermes, passées par les Britanniques pour l'équipement de l'Eurofighter. La France a signifié une intention d'achat de 396 missiles, dont 296 pour l'armée de l'air, mais aucune commande n'est attendue avant 2007. Le premier tir guidé est prévu pour janvier 2008, la fin du développement en 2010 et le premier missile de série pour 2011. Les premières livraisons à la France devraient intervenir en 2012. Il convient enfin de mentionner la modernisation, pour un coût de 220 millions d'euros, de l'avionique et de la propulsion des missiles anti-surface de la famille des Exocet (version MM 40 block 3), dont la durée de service a été prolongée jusqu'à l'horizon 2020 à la suite de la décision, en 1999, de suspendre le développement de l'ANF. Trente et un MM 40 block 3 seront commandés pour une livraison en 2007 ; les autres missiles en stock bénéficieront d'une mise à niveau. 5. Les programmes d'observation, de télécommunications et d'information Le secteur des télécommunications et des systèmes d'information connaît des développements technologiques constants et, à ce titre, il fait l'objet de nombreux programmes destinés à maintenir les moyens des armées au meilleur niveau. Il ne saurait être question de passer en revue l'ensemble de ces programmes ; les rapporteurs se contenteront d'évoquer le cas d'Hélios II, de Syracuse III et des postes radio PR 4 G, qui mobilisent des flux de paiement annuels de l'ordre de 450 millions d'euros en crédits de paiement, soit près de la moitié des engagements du SPOTI. Les moyens d'observation optique par satellites participent à des missions variées mais essentielles : la prévention des conflits bien sûr ; la surveillance, qui prend une importance considérable avec la participation active à la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive ; l'évaluation des dégâts causés à l'ennemi (le battle damage assessment) ; le guidage des munitions de haute précision ; l'identification des auteurs d'éventuelles agressions, élément indispensable de toute politique de dissuasion. Réalisés sur la base des succès de l'imagerie optique française au cours des années quatre-vingts, le satellite militaire d'observation Hélios I-A, actuellement en activité, permet à la France et à ses partenaires d'affirmer leur autonomie de décision et de crédibiliser leur participation aux opérations de prévention des crises. Mis en orbite le 7 juillet 1995, il avait été secondé, à partir du 3 décembre 1999, par Hélios I-B, qui comportait des améliorations substantielles par rapport au premier exemplaire. Ce deuxième satellite a néanmoins récemment été désorbité, en raison d'une panne. Le programme associait la France, l'Italie et l'Espagne. Fort de son expertise en la matière, le ministère de la défense continue de marquer son intérêt pour ce type d'équipements à travers la réalisation des satellites Hélios II. Ce programme de satellites d'observation optique de nouvelle génération a été lancé en 1994. Depuis 2001, la France le conduit avec la Belgique et l'Espagne, qui participent financièrement à hauteur de 2,5 % chacune. Le coût total a été estimé à 1,54 milliard d'euros. Concrètement, les satellites Hélios II auront une capacité d'observation infrarouge pour la nuit. Dans la lignée des enseignements du conflit du Kosovo, il a été décidé de les doter d'une résolution plus précise, ce qui s'est traduit par un surcoût de quelque 121,95 millions d'euros. Outre un raccourcissement significatif des délais de circulation des données, l'accent a particulièrement été porté sur la décentralisation de la programmation et de la diffusion des renseignements, grâce à la mise en place de vingt-quatre stations déportées. Le premier satellite, Hélios II-A, sera disponible au lancement en décembre 2004 ; Hélios II-B devrait être mis sur orbite fin 2008. Hélios II se trouvant actuellement au cœur des coopérations européennes, des stations au sol permettront de garantir à chaque partie prenante la confidentialité de la programmation. Pour recouper les images d'Hélios II avec les constellations de satellites radars allemandes (SAR-Lupe) et italienne (Cosmo-Skymed), un programme de segment sol d'observation spatiale (SSO) a été engagé, afin de centraliser la programmation française, dont les données relèveront d'un système d'exploitation et de valorisation des images ; sa mise en service est prévue pour 2008, mais une version intermédiaire sera opérationnelle dès 2005. Les coûts prévisionnels du programme ont été respectés jusqu'à présent, notamment en raison de sa dimension internationale. Il n'en va pas de même, néanmoins, du calendrier, qui a subi plusieurs retards : six mois, en raison des contingences budgétaires ; neuf mois, à cause de l'adjonction d'une capacité très haute résolution, sur décision du ministre de la défense en 2000 ; un an, du fait de problèmes techniques et de disponibilité du lanceur Ariane V. Le problème du remplacement des satellites Hélios II ne se posera pas avant quelques années, mais, même si elle ne tranche pas entre les options techniques possibles, la loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit le lancement d'études-amont et la recherche d'une coopération européenne pour assurer la pérennisation d'une capacité globale tout temps. Un tel système devant entrer en service à l'horizon 2012-2013, il aurait été souhaitable que les premiers crédits y soient consacrés à partir de 2006. Cependant, il y a tout lieu de croire que, compte tenu des redondances technologiques des équipements, la durée de vie d'Hélios II sera supérieure à ce qui était initialement envisagé. Les communications spatiales militaires reposent depuis le milieu des années quatre-vingts sur des charges utiles intégrées aux satellites civils Télécom. L'actuelle génération Syracuse II a assuré une bonne qualité de service, grâce à quatre satellites lancés successivement en décembre 1991 (Télécom II-A), avril 1992 (Télécom II-B), décembre 1995 (Télécom II-C) et août 1996 (Télécom II-D). Initialement, leur durée de vie limitait à 2001 la continuité du service, mais des actions de complément ont permis de prolonger les derniers éléments du système jusqu'en 2005. La génération de satellites Syracuse III doit favoriser une meilleure interopérabilité avec les autres pays membres de l'OTAN. Les crises du Kosovo, de l'Afghanistan et les enseignements de l'expérience de la coalition en Irak ont montré les limites du système actuel pour ce qui est des hauts débits, insuffisants pour transmettre des images numériques, et de la couverture. Depuis l'abandon par le Royaume-Uni du projet Trimilsatcom en 1998, la France a fait le choix d'une solution nationale. Le fait que l'OTAN ait retenu l'offre européenne de fourniture de bande passante, basée sur Syracuse III, les satellites britanniques Skynet V et italiens Sicral, démontre la qualité technologique de la solution développée pour les armées françaises. Cette décision permettra en outre de rembourser 15 à 20 % du coût du segment spatial, puisque l'OTAN paiera au ministère de la défense 150 millions d'euros sur quinze ans. A plus long terme, le programme français pourrait servir de support au développement d'une première capacité nationale de relais géostationnaire pour la transmission de données, dans le prolongement de l'expérience de liaison optique laser aéroportée (LOLA). Avec le recul, il apparaît que ce programme a été notifié tardivement. Normalement, un programme de cette envergure ne peut être lancé qu'une fois que les technologies nécessaires sont acquises ; cela n'a pas été le cas, car le ministère de la défense souhaitait un lancement fin 2003 pour préserver une position orbitale acquise. Alcatel Space a donc eu un délai de trois ans pour mener à bien un programme dont l'équivalent américain Wide Band Gapfiler a été conduit en cinq ans. En fin de compte, la première étape du projet a été achevée en quatre ans, ce qui constitue une réelle performance industrielle et technologique. En outre, la totalité des surcoûts sera supportée par le maître d'œuvre. Désormais, la pression résulte des impératifs opérationnels liés au renouvellement de Syracuse II et à la satisfaction des besoins de l'OTAN. Syracuse III-A doit être lancé en janvier 2005 ; Syracuse III-B viendra le compléter en 2006. Syracuse III-A représente un saut technologique important par rapport aux satellites du programme antérieur. Alors que les charges utiles Syracuse II disposaient de cinq canaux de fréquences d'ondes centimétriques, ou super high frequencies (SHF), le satellite qui leur succédera contiendra neuf canaux SHF et six canaux extremely high frequencies (EHF), conférant ainsi à ses équipements une rapidité plus importante des débits et une possibilité de connexion accrue. Syracuse III-A possédera en outre une antenne active antibrouillage SHF de nouvelle génération. Le nombre de stations de réception au sol devrait également être significativement accru : 460 stations navales, terrestres et aéroportées sont prévues. Le coût total prévisionnel du programme, dont la réalisation est supervisée par Alcatel Space, est estimé à 2,33 milliards d'euros. c) Les postes radio de quatrième génération (PR4G) Le programme PR4G vise à apporter de nouveaux services de transmission de données aux systèmes d'armes, d'information et de communication des armées ; à titre d'illustration, les débits moyens des radios en service se trouveront multipliés par quatre grâce à ce programme. Une connexion Internet (Internet protocol - IP) permettra également la transmission de données numériques, dont l'intérêt sur le champ de bataille s'est considérablement accru. La réalisation a débuté en décembre 2000. Fin 2003, cinquante stations de présérie ont été livrées. Les premières stations de série entreront en service en mars 2005 ; les livraisons s'échelonneront alors jusqu'en 2009. Échéancier des commandes et livraisons de PR4G-IP
Le coût du programme est évalué à 235 millions d'euros sur la période 2000-2009. Le nombre des livraisons à l'armée de terre a été réduit à la suite de la professionnalisation des forces. Pour l'heure, le programme se déroule normalement, mais, du fait de ses implications technologiques, notamment avec le développement de la radio logicielle, il ne saurait être complètement exclu que l'échéancier subisse des retards. Les drones sont des systèmes réutilisables, pilotés ou programmés à partir du sol, d'une plate-forme aérienne ou navale. Ils regroupent des composants articulés (un vecteur, une charge utile, un système de liaison des données, un segment-sol d'exploitation et de conduite, un ou plusieurs opérateurs), qui peuvent voler, pour des missions d'ordre stratégique, à haute altitude avec une longue endurance (HALE) et à moyenne altitude avec une longue endurance (MALE) ou, à des fins purement tactiques, à basse altitude. L'intervention en Afghanistan leur a conféré une nouvelle vocation, puisque c'est à cette occasion que le système Predator a été équipé de missiles Hellfire, afin de raccourcir le délai entre la collecte d'informations et la frappe sur une cible d'opportunité. Initialement fondées sur un concept d'emploi limité au recueil du renseignement, les applications militaires des drones vont se diversifier. Le ministère de la défense ainsi que les industriels nationaux, tel Sagem, se sont intéressés de longue date à ces équipements. Certains programmes ont été conçus et développés en France, que ce soit dans un cadre strictement national, comme les Crécerelle et Sperwer (Sagem), ou en coopération, à l'image des CL 289 (EADS avec Canadair et Dornier) et Eagle (EADS avec Israel Aircraft Industry). Les douze Crécerelle du 61ème régiment d'artillerie de l'armée de terre et les quatre Hunter de l'escadron d'expérimentation des drones 56/330 de l'armée de l'air sont arrivés au terme de leur vie opérationnelle. A l'exception des CL 289, sorte de missiles programmés de portée moyenne (150 kilomètres) et évoluant à grande vitesse (720 kilomètres par heure) et faible altitude (de 125 à 1 000 mètres), opérationnels jusqu'en 2008, les drones en service seront renouvelés par deux programmes : - le système de drone lent et tactique intérimaire (SDTI), qui correspond à un petit avion lent (165 km/h), mais endurant (cinq heures extensibles à huit) et évoluant à moyenne altitude (300 à 5 000 mètres), destiné à l'acquisition de jour comme de nuit des objectifs dans la zone de responsabilité d'une division. L'armée de terre a retenu, dans ce cadre, dix-huit drones Sperwer ; ce modèle a été mis en œuvre par les armées canadiennes en Afghanistan, à la satisfaction des responsables opérationnels. Outre la France, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la Grèce se sont portés acquéreurs ; - le système intérimaire de drone MALE (SIDM), qui a conduit l'armée de l'air à acquérir trois MALE Eagle avec une station sol, afin d'en expérimenter les applications. Ces matériels ont été fournis par EADS sur la base d'éléments acquis sur étagère en Israël. La DGA déplore actuellement un retard de vingt-sept mois par rapport aux dates initiales de livraison, celle-ci ne devant pas intervenir avant mai 2005. A plus long terme, la loi de programmation militaire prévoyait que les armées posséderaient des drones tactiques multicapteurs-multimissions (MCMM), à partir de 2008, et de nouveaux drones MALE, en 2009. Quarante drones MCMM et dix stations sol devaient être commandés, avec une livraison de dix exemplaires et deux stations sol en 2008. Pour des raisons budgétaires, il a été décidé de renoncer à ce projet. Le ministère de la défense s'oriente plutôt vers une adaptation des drones tactiques intérimaires, pour pouvoir y installer plusieurs capteurs. La France poursuit, en revanche, l'objectif d'acquérir un drone MALE utilisant des technologies et des capteurs (radars, optiques, de renseignement électronique, en particulier) entièrement disponibles en Europe. Cette ambition se heurte aux développements possibles du programme Air ground surveillance (AGS) de l'OTAN. Ce projet comportera une composante aéroportée, dont les Américains, en association avec les Européens, fourniront le radar. Dans ce cadre, les Allemands envisagent d'acquérir un drone Global Hawk porteur d'un radar américain, mais cette hypothèse suppose des coûts de développement supplémentaires, liés à de nouvelles spécifications sur le radar. Dans ce contexte, l'annonce, lors du salon de l'armement terrestre Eurosatory, qui s'est déroulé en juin 2004, du développement conjoint par EADS et Dassault Aviation du démonstrateur EuroMALE est plus que bienvenue. Ce projet, susceptible de déboucher sur des retombées commerciales de 3 milliards d'euros en Europe, a clairement été présenté comme ouvert à tous les partenaires européens qui le souhaiteraient. Sur un montant global de 300 millions d'euros, la participation financière du ministère de la défense sera limitée à 75 millions d'euros, le reste étant à la charge des industriels concernés. Les rapporteurs soutiennent cette solution européenne, qui serait plus judicieuse sur le plan économique. Loin de s'en tenir aux seules applications de renseignement pour les drones futurs, le ministère de la défense a également choisi d'engager un programme complémentaire de démonstrateur d'unmanned combat aerial vehicle (UCAV), dénommé Neuron. Ce projet de 300 millions d'euros sera financé par les crédits de recherche-développement du budget de la défense. Sa maîtrise d'œuvre sera confiée à Dassault Aviation, qui a déjà développé sur fonds propres les systèmes Petit et Moyen Duc ; d'autres industriels, parmi lesquels EADS, SAAB et Alenia, y participeront également. Cette initiative mérite d'être saluée à un double titre. En premier lieu, elle forge une alliance entre les industriels aéronautiques européens sur le créneau stratégique des aéronefs de combat du futur. En second lieu, elle permettra d'éviter que la France et l'Europe ne se laissent distancer dans la maîtrise de ces technologies par l'industrie américaine. Tant EuroMALE que Neuron n'en sont qu'aux stades préliminaires ; leur conduite ne soulève donc pas de difficulté particulière pour le moment. Parallèlement, plusieurs programmes d'études et de développement sont en cours concernant les drones à très courte portée, les minidrones susceptibles d'être mis en œuvre dans un contexte de combat urbain (appel d'offres sur le drone de reconnaissance et de contact - DRAC -) et les drones marine (drone maritime tactique - DMT - et drone embarqué longue endurance - DELE). A la suite de la décision de moratoire sur les essais nucléaires prise en 1991 par le Président de la République, la direction des applications militaires du CEA (DAM) a élaboré le programme PALEN, visant à préparer l'arrêt des essais au travers de la mise au point d'armes robustes et du passage à la simulation. De ce point de vue, la cohérence et la crédibilité de la posture ont pu être assurées par la reprise des essais, en 1995 et 1996, qui a permis de disposer de l'ensemble des données nécessaires. Il s'agit d'un programme d'armement à part entière, même s'il revêt un caractère particulier de par sa nature fortement technologique et ses applications dérivées. Le principe de la simulation consiste à reproduire, à l'aide d'expériences ou par le calcul, les phénomènes rencontrés au cours du fonctionnement d'une charge nucléaire. L'objectif visé est de disposer d'un ensemble de logiciels décrivant les différentes phases du fonctionnement d'une arme nucléaire et reposant sur une représentation des lois physiques mises en jeu. La validation globale en sera obtenue par recalage sur les résultats des essais nucléaires passés. Les deux principaux supports techniques sont la machine radiographique Airix, pour la visualisation détaillée du comportement dynamique de l'arme, et le laser mégajoule (LMJ), pour l'étude de nombreux processus physiques élémentaires dont celle des phénomènes thermonucléaires. Le programme de simulation suppose également de réunir une très grande capacité de calcul. Les puissances de calcul nécessaires à l'horizon 2010 sont en effet estimées à deux mille fois celles dont disposait la DAM en 1996. La première phase du projet Tera a été respectée, avec la livraison d'une machine capable de soutenir un téraflop (soit 1 000 milliards d'opérations) par seconde. La livraison des deux autres machines (10 et 100 téraflops/seconde soutenus) s'effectuera en 2006 et 2009. La DAM dispose ainsi de l'outil de calcul le plus puissant d'Europe et le quatrième au monde. Tout en respectant les impératifs de sécurité, elle l'a déjà mis à la disposition de la recherche civile et fait preuve d'une profonde volonté de partage de ces capacités de calcul. Par son importance, le programme simulation joue un rôle majeur pour la recherche française. Il permettra de rester à la pointe des technologies d'avenir que constituent les lasers et de former et d'employer un nombre significatif de chercheurs de très haut niveau. Le coût d'ensemble du programme de simulation sur la période 1996-2010 a été évalué à 5 milliards d'euros sur quinze ans. A ce jour, 2,8 milliards d'euros ont été consommés. La croissance plus rapide que prévu de la charge financière de la construction des bâtiments a pu être compensée par la diminution du coût des équipements informatiques. On notera qu'après 2010, lorsque le programme de simulation fonctionnera à plein régime, le coût moyen annuel sera inférieur de moitié à ce qu'aurait représenté celui des essais nucléaires. Le coût total du LMJ, quant à lui, est estimé à 2 172 millions d'euros. Le programme de simulation a déjà donné un premier résultat remarquable, avec la validation de la définition d'un nouveau type de tête, la tête nucléaire aréoportée (TNA), sept ans après son lancement. Pour les TNA, dont les premières livraisons sont prévues pour 2007, la phase de développement a commencé au début de 2003. A mi-chemin de ses échéances, l'écart par rapport à l'estimation de coût effectuée en 1995 est de 1 %. Désormais, les surcoûts ne peuvent concerner que le laser mégajoule, mais, en l'état actuel des choses, toute évolution entre le coût objectif et le coût plafond pourrait être absorbée sans préjudice notable dans l'enveloppe budgétaire prévue. Les problèmes qui affectent ce projet sont moins d'ordre quantitatif que qualitatif, la continuité des financements se révélant être la question essentielle. Un gonflement progressif des enveloppes à prévoir, notamment sur les années 2010 à 2012, semble inéluctable, ce qui impliquera peut-être de revoir la séquence des opérations actuellement prévues pour les dernières étapes. Le travail réalisé et la qualité des recherches effectuées permettent à la France de disposer d'une véritable crédibilité en la matière et d'aborder les coopérations avec ses partenaires sur un pied d'égalité. Les Etats-Unis ont lancé la construction d'un laser de caractéristiques voisines de celles du laser mégajoule, le National ignition facility (NIF), qui devait initialement être opérationnel fin 2003, mais qui a connu des difficultés de diverses natures. Le coût d'acquisition du NIF réactualisé s'élèverait, selon un rapport d'audit du General accounting office d'août 2000 à 3,9 milliards de dollars. B. LES CAUSES DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES Les retards et aléas financiers des programmes d'armement sont presque toujours la conséquence d'une conjonction de facteurs. Certains sont imputables à l'Etat client, qui ne respecte pas nécessairement ses engagements financiers ; d'autres sont le fait des industriels, qui ne maîtrisent pas toujours les conditions, techniques et parfois économiques, de développement ou de production des équipements ; les derniers sont dus aux pesanteurs des processus de coopération multilatéraux. L'absence de financements budgétaires adéquats figure en bonne place des causes de retards et, in fine, de surcoûts (19) des principaux programmes d'armement, même s'il ne serait pas objectif d'en faire la cause exclusive, voire prédominante, des déboires les plus retentissants. Nombreux sont en effet les projets d'équipement dont le déroulement a été affecté par des restrictions budgétaires, quand il n'a pas tout simplement été interrompu.
Sans remonter trop loin en arrière, on rappellera que la revue des programmes, décidée en 1998, a donné lieu à l'abandon des projets de satellite radar Horus, de missile porte-torpille Milas, ou encore à la suspension du développement du missile ANF. Elle a également conduit à retarder l'admission au service actif du SNLE-NG n° 4, en contrepartie d'un équipement concomitant par le missile M 51, à prolonger Syracuse II et ainsi repousser de six mois l'échéancier de Syracuse III, à étaler les livraisons de NH 90 à la marine de la période 2004-2011 à 2005-2018 et à décaler de dix mois les livraisons des Rafale à l'armée de l'air et de deux mois celles des appareils destinés à la deuxième tranche de la marine. La mauvaise exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'enveloppe des crédits d'équipement a été amputée de 17 % sur la totalité de la période, a elle aussi engendré des abandons, concernant notamment les contre-mesures de nouvelle génération sur Mirage 2000 D, les radars du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), les engins de débarquement amphibie (EDA) censés accompagner l'entrée en service des BPC, et le missile antichar de troisième génération à moyenne portée (AC3G-MP). Elle a aussi repoussé de 2010 à 2012 la date prévisionnelle d'admission au service actif des SNA Barracuda. Deux catégories de programmes ont plus particulièrement été concernées : d'une part, les équipements dont le besoin de financement en flux annuels était très important, à l'instar du Rafale ; d'autre part, les missiles et munitions, dont la production pouvait paraître moins emblématique que, par exemple, des bâtiments de la marine ou des chars de combat. Les conséquences sur le modèle d'armée 2015 n'ont pas toujours été visibles, mais son plein aboutissement interviendra plutôt, désormais, à l'horizon 2017. Il ne saurait être question de remettre en cause la pertinence du principe de l'annualité budgétaire ; néanmoins, il faut bien reconnaître que toute entorse aux engagements des lois de programmation militaire peut perturber fortement les équilibres économiques sur lesquels les industriels et la DGA ont bâti les prévisions financières initiales des projets d'équipement. Dans certains cas, même les annuités votées par le Parlement font l'objet d'une gestion restrictive, qui nuit au bon déroulement des programmes. On rappellera que, outre la revue des programmes, qui a réduit les annuités du titre V pour les années 1999 à 2002 de 3,09 %, l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002 a été affectée par des encoches successives en lois de finances entre 1998 et 2002 pour un montant total avoisinant 4,52 % des ressources programmées et des annulations en gestion à hauteur de 6,22 %. Les annulations et les gels ou mises en réserves de crédits, selon le vocable employé, qui ne sont levées qu'en fin d'année, empêchent souvent le ministère de la défense de consommer l'intégralité de ses crédits. Pour ne prendre qu'une référence récente, à la fin de 2003, les reports de crédits ont atteint 1,51 milliard d'euros et les factures impayées avoisinaient 2,12 milliards d'euros. Il va sans dire que de tels phénomènes de stop and go ne facilitent pas l'activité des industriels et des bureaux d'études. En affectant les études-amont, les restrictions budgétaires peuvent nuire à la maîtrise des technologies nécessaires et, partant, provoquer des problèmes lors du développement ; quand elles conduisent à un étalement des livraisons, elles créent un risque accru d'obsolescence des composants, livrés bien après le calendrier initial, ce qui oblige à de nouvelles dépenses pour remettre les matériels à niveau (rétrofit). Pour toutes ces raisons, il apparaît indispensable de réduire autant que possible les aléas budgétaires sur les crédits d'équipement des armées. 2. Les défaillances de maîtrise d'ouvrage La maîtrise d'ouvrage consiste à superviser le déroulement technique et financier des programmes d'armement, de la conception jusqu'à l'entrée en service. Elle incombe à la DGA et aux états-majors ; elle relève du CNES pour certains programmes spatiaux et du CEA pour les programmes nucléaires. S'il est indéniable que ces organismes remplissent cette mission avec professionnalisme, il n'en demeure pas moins que des problèmes se font jour à plusieurs égards. Ils ne sont pas niés par les responsables concernés, qui ont réfléchi à la question, à la demande de la ministre de la défense, en 2003. Parmi les difficultés rencontrées, il apparaît que le dialogue entre les états-majors, qui expriment leur besoin opérationnel, et la DGA, qui le retranscrit techniquement, n'est pas toujours suffisant. Ce problème de dialogue insuffisant était également ressenti du côté du CNES, mais il y a été remédié par la mise en place d'une cellule de liaison avec le ministère de la défense, chargée de maintenir un lien constant et une information réciproque la plus complète possible. Le programme qui illustre le mieux cette réalité est sans conteste le VBCI. Un an après la notification, en novembre 2000, du contrat à Giat Industries et Renault Trucks Defense, l'état-major de l'armée de terre a émis des doutes sur l'ergonomie générale du projet et plus particulièrement sur le volume de la caisse, qui semblait insuffisant pour permettre le transport de fantassins aux normes FELIN, la faible habitabilité de la tourelle, prévue pour un homme seulement, et l'insuffisant champ de vision du chef d'engin. Il en a résulté une interruption des travaux de développement et une reprise d'études de concept par les industriels concernés, qui ont soumis une douzaine d'offres nouvelles de septembre 2002 à juillet 2003. Au total, deux ans ont été perdus, mais les conséquences financières des problèmes techniques rencontrés ont heureusement été assez faibles. Hélas, il est à craindre, en l'espèce, que l'histoire se répète. Les rapporteurs ont eu la surprise de constater, à travers leurs auditions, que le cloisonnement entre maître d'ouvrage (DGA), états-majors et maîtres d'œuvre (industriels) persiste trop souvent, y compris au sujet de programmes aussi emblématiques qu'EuroMALE. Il est regrettable que le simple fait de vouloir rassembler tous les intervenants d'un programme autour d'une table afin de bien cerner les enjeux économiques, financiers et stratégiques se heurte à autant de difficultés. Cependant, il semble que ce cloisonnement soit moins ressenti au sein de l'armée de terre. De même, les procédures opposables aux maîtres d'œuvre sont, semble-t-il, parfois trop tatillonnes. A titre d'exemple, la société Giat Industries fait l'objet de dispositifs de contrôles très poussés pour le char Leclerc, dont elle n'est maître d'œuvre à part entière que depuis 1998 : le volume des divers documents techniques exigés par la DGA représente 20 centimètres d'épaisseur chaque trimestre, ce qui nécessite une mobilisation des personnels pour des tâches qui ne correspondent pas à leur vocation. De fait, cette souplesse est réclamée par l'ensemble des partenaires industriels du ministère de la défense, notamment lors de l'exécution des contrats. Il est dommage qu'à la différence des clients privés, la DGA ne cherche pas à adopter une attitude qui lui permette d'obtenir des contreparties à tout dérapage constaté, dans une démarche « gagnant-gagnant ». Il est vraisemblable que cette posture tient à la judiciarisation croissante des procédures de marchés, c'est-à-dire la crainte de l'acheteur public face aux aspects de plus en plus formels et juridiques des programmes. La compétence technico-financière de la DGA n'est pas non plus exempte de tout reproche, car des problèmes d'appréciation ont parfois pu altérer le déroulement de certains programmes. C'est notamment la raison des difficultés de trésorerie en paiements courants pour le Rafale, lors de l'exercice 2003, qui ont résulté d'une mauvaise évaluation de la répartition des besoins dans le temps. Le début de la production des quarante-huit exemplaires au standard F 2 a accéléré les flux de paiement et s'est conjugué à un report de factures de 2002 sur 2003. Il est apparu a posteriori à la DGA que le programme Rafale consomme plus rapidement les crédits qui lui sont dévolus que d'autres programmes plus classiques : plus de 100 millions d'euros sont nécessaires chaque mois et tout dérapage a des répercussions immédiates. Ces difficultés de trésorerie sont heureusement résolues, mais elles ont mis à jour une défaillance pour le moins surprenante. Toutefois, les problèmes les plus aigus semblent concerner la gestion des « interfaces » de programmes liés les uns aux autres, c'est-à-dire la cohérence d'ensemble de programmes aussi interdépendants que le Rafale et ses missiles, par exemple. Il est vrai que l'organisation interne de la direction des systèmes d'armes, qui dissociait jusqu'à présent les milieux (SPAé, SPART, SPN) des munitions (SPNuM) et des systèmes d'observation, de télécommunication et d'information (SPOTI), n'a pas toujours facilité une approche en « systèmes de systèmes », plus conforme à la physionomie des programmes d'armement contemporains. La solution passe par la mise en place d'une structure transversale, qui joue un rôle d'arbitre ; c'est dans cette optique que la ministre de la défense a décidé la création d'un conseil des systèmes de forces, présidé par le chef d'état-major des armées. 3. La situation des industriels La situation des industriels maîtres d'œuvre des programmes d'armement n'est pas sans incidence sur le déroulement de ceux-ci. Elle est importante à un double titre : d'une part, l'état des comptes et des relations sociales dans les entreprises concernées conditionne leur aptitude à honorer les contrats ; d'autre part, le statut même des industriels détermine la nature de leurs relations, contractuelles ou de dépendance, vis-à-vis de l'Etat. Le cas de Giat Industries illustre assez bien les problèmes inhérents aux difficultés internes des maîtres d'œuvre de programmes d'armement. Depuis 1991, tous ses exercices comptables ont été déficitaires, comme l'illustre le tableau ci-après. Si le déficit record enregistré en 1995 s'explique par les provisions réalisées pour les pertes financières du contrat avec les Emirats Arabes Unis, le groupe enregistre des pertes de façon structurelle depuis sa création. Ces pertes avoisinent un total cumulé de 4,6 milliards d'euros. Évolution du montant des pertes
Giat Industries étant une société anonyme, son actionnaire est juridiquement tenu de la recapitaliser dès lors que les fonds propres sont inférieurs à la moitié du capital social. L'entreprise a été dotée à sa création d'un capital de 283 millions d'euros, complété en 1991 par une dotation en capital de 163 millions d'euros. Par la suite, elle a bénéficié de recapitalisations successives, retracées dans le tableau suivant, pour un total d'environ 4,3 milliards d'euros.
* Prévisions. Conscient des dangers inhérents à la disparition programmée de la société nationale si rien n'était fait, le Gouvernement a décidé, en 2003, d'appuyer un important plan social qui a vocation à redresser définitivement l'entreprise. Il prévoit la suppression, d'ici 2006, de 3 750 des 6 250 postes occupés ; en contrepartie, l'Etat garantit un volume de travail par l'intermédiaire d'un contrat d'entreprise. Personnels et syndicats ont vivement contesté ces mesures, de sorte que la productivité de Giat Industries s'en est fortement ressentie, notamment en ce qui concerne les livraisons de chars Leclerc : vingt-trois des cinquante chars prévus ont été livrés en 2003 et, fin mai 2004, six nouveaux exemplaires seulement étaient entrés en service. Les tensions sociales restent encore vives. Pourtant, l'Etat avait pris des engagements exemplaires pour les personnels concernés par les déflations d'effectifs, avec 40 % de mesures d'âge, ce qui va à contre-courant des mesures prises pour les salariés des autres secteurs, ainsi que 60 % de reclassements, soit 2 000 sur deux ans. Les ouvriers sous décret se sont même vus faire cinq propositions de reclassement alternatives, dont quatre à proximité de leur lieu de travail. En dépit de ces efforts, il est à craindre que Giat Industries ne puisse rattraper ses retards en matière de livraisons. Pour ce qui concerne les conséquences que peut revêtir le statut des maîtres d'œuvre, les rapporteurs se borneront à évoquer le cas des anciens arsenaux navals, qui n'ont acquis leur autonomie juridique qu'en 2003. Ayant obtenu le statut de société nationale, l'ancienne direction des constructions navales (DCN) réalise désormais ses programmes dans un cadre contractuel plus contraignant qu'auparavant. Les projets d'équipement naval seront ainsi moins sujets aux ajustements qui en ont émaillé l'existence par le passé, comme dans le cas des frégates de type La Fayette, dont le nombre a diminué de six à cinq, ou dans celui du porte-avions Charles de Gaulle, qui a fait l'objet d'étalements très conséquents. De fait, la partie étatique aura plus de mal à décaler la réalisation des matériels pour des raisons financières, car une telle décision sera assortie de pénalités. Il est vrai, a contrario, que le changement de statut de DCN représente un coût financier important pour le budget de la marine : pour mémoire, les volets fiscal, industriel et social de la réforme de DCN ont renchéri le coût du programme SNLE-NG de plus de 180 millions d'euros. Les programmes d'armement actuels font la part belle aux innovations technologiques. L'électronique et l'informatique de pointe représentent une forte proportion de leurs composants. A titre d'illustration, le char Leclerc utilise quelque 30 000 composants ; sa sophistication avoisine donc davantage celle de l'hélicoptère Tigre que celle de son prédécesseur AMX 30 B2. De même, l'aviation de combat recourt à dix-sept des vingt-sept technologies de pointe actuellement recensées par l'Office of Science and Technology américain. C'est dire l'importance de la maîtrise des risques technologiques qui pèsent sur le déroulement des programmes d'armement aujourd'hui. En soi, les aléas technologiques ne sont pas anormaux, surtout lorsqu'ils portent sur des projets très complexes et ambitieux. Qu'il s'agisse du Rafale (électronique), du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle (hélices), du char Leclerc (blindage et chenilles), tous les programmes d'armement de génération récente ont, peu ou prou, rencontré des problèmes « de jeunesse ». De la même manière, même si le lanceur Ariane V ne peut être assimilé à un programme d'armement à part entière, on observera que la mise au point de la dernière née des Ariane a subi des aléas technologiques liés aux innovations importantes qui la caractérisent : à bien des égards, les défaillances du moteur Vulcain II sont responsables des échecs et des retards pris pour la qualification de la version pouvant mettre des charges de dix tonnes en orbite géostationnaire. Les programmes d'armement contemporains, tels les Rafale et Leclerc, ont en commun que leur développement s'effectue par étapes, c'est-à-dire qu'ils sont produits en tranches successives avec des remises à niveau au fur et à mesure. Il reste que, dans ce type de processus, plus le programme connaît un étalement important de son échéancier, plus la question des remises à niveau (rétrofit) devient aiguë, avec des conséquences financières qui peuvent être très substantielles quand les industriels n'acceptent pas d'en prendre une partie à leur charge, comme cela a été le cas lors de la notification de la seconde commande globale de Rafale. De manière générale, la responsabilité des aléas technique ne saurait être imputée exclusivement aux industriels, même si ces derniers sont souvent tentés de faire des paris technologiques audacieux. Il incombe aussi au maître d'ouvrage (DGA et éventuellement CNES et CEA) de déjouer les risques technologiques. Pour s'assurer de la maturité technique des projets, la DGA a de plus en plus recours à la réalisation de démonstrateurs de recherche et technologie (R & T) proches des applications militaires. Les industriels y trouvent de nombreux intérêts : ils peuvent éprouver des solutions technologiques avant de les appliquer à un investissement plus lourd ; ils ont ainsi la possibilité de préserver les compétences de leurs bureaux d'études. En outre, l'expérience de programmes engagés sans être passés par ce préalable, à l'instar du satellite de télécommunications Syracuse III, montre que des retards et des surcoûts s'ensuivent. Cet enjeu technologique est appelé à prendre une importance grandissante dans la conduite des programmes d'armement. Il est à l'origine de retards de plus en plus fréquents dans la mise au point des matériels, comme en atteste le report au 25 juin 2004 de l'admission au service opérationnel du Rafale marine, et il appartient tant aux industriels qu'au maître d'ouvrage d'en prendre toute la mesure le plus en amont possible. 5. Les délais liés aux coopérations européennes La construction de programmes en coopération se heurte à d'importantes difficultés, quant à la formalisation de la coopération et aussi à la circulation des composants. L'absence d'harmonisation est facteur à la fois de retards et d'insécurité pour les programmes et les industriels. Le préalable au lancement d'un programme en coopération est une négociation entre les pays susceptibles d'y être parties prenantes, sur les caractéristiques techniques et financières. Ce dialogue est par essence assez long, car il touche à des intérêts, et parfois des susceptibilités, multiples. L'histoire de la construction européenne dans le domaine de la défense est d'ailleurs jalonnée d'échecs en la matière : on se bornera à mentionner le refus britannique, puis allemand, de définir des satellites de télécommunications communs (Trimilsatcom), en 1998, le départ de la France, la même année, du projet de véhicule blindé de combat MRAV-GTK, ou encore l'abandon du programme de frégates antiaériennes Horizon par le Royaume-Uni, en 1999. Ce dialogue aboutit parfois de manière positive, mais il est alors générateur de délais supplémentaires. Le programme A 400 M, dont le contrat liant les Etats parties aux industriels n'a été signé que fin mai 2003, soit six ans après l'expression d'un besoin commun, en raison des difficultés budgétaires et des atermoiements de l'Allemagne, en apporte une illustration. Compte tenu de la diminution de la flotte de Transall à partir de 2005, l'idéal eût été, pour la France, que ce contrat intervînt en 2001. De même, plus récemment, le programme de frégates multimissions FREMM a dû être décalé de six mois au moins, en raison de difficultés de conciliation des spécifications françaises et italiennes : il s'est écoulé deux ans et demi entre la formulation d'une première offre par DCN, dans un cadre national, en avril 2002, et la conclusion d'un accord cadre franco-italien sur le programme, lors du salon Euronaval en octobre 2004. C'est dire que les processus de coopération nécessitent une préparation minutieuse en amont. D'ailleurs, les aléas éventuels ne disparaissent pas une fois le contrat de production notifié. L'exemple du programme de frégates antiaériennes Horizon est particulièrement éclairant : la mise en place d'une structure mixte de conduite des programmes n'a pas empêché le recours à des mécanismes contractuels nationaux et à des modalités de paiement nationales, de sorte que le système des intérêts moratoires, applicable à la partie française, a bénéficié indirectement à la partie italienne qui fabriquait certains composants des bâtiments français. De manière plus générale, les coopérations débouchent sur la mise sur pied de structures de maîtrise d'œuvre lourdes et complexes. La règle du juste retour industriel s'applique souvent au détriment de la rationalité économique : pour les frégates Horizon, par exemple, les Italiens ont réclamé une charge de travail équivalant à 50 % de chaque aspect des bâtiments, ce qui a engendré une dérive des délais et des coûts. Certes, l'OCCAR a simplifié les procédures, mais elle n'a pas pour autant mis un terme aux exigences de retour industriel. Par ailleurs, elle a n'a pas non plus harmonisé l'ensemble des clauses contractuelles issues des Etats membres : ainsi, pour ce qui concerne la qualification du Tigre, quelque 300 rapports de synthèse, étayés par 3 000 documents élémentaires, ont dû être soumis à l'approbation des parties française et allemande. En outre, toujours dans le cas du Tigre, certains équipements, tel le moteur, ont fait l'objet d'un contrat direct entre l'OCCAR et les fournisseurs (Rolls-Royce et MTU, notamment), tandis que la conception d'autres composants, à l'image du viseur, a été supervisée par la DGA. Il convient de mettre un terme, à l'avenir, à ce genre de situations trop compliquées. Les principales puissances militaires de l'Union européenne ont conscience du problème. Pour ce qui concerne les obstacles à la libre circulation des composants de programmes d'armement menés en coopération, les ministres de la défense de six Etats membres représentant 90 % de l'industrie de défense européenne (la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Suède) ont signé, le 6 juillet 1998, à Londres, une « lettre d'intention sur l'accompagnement des restructurations industrielles dans le domaine de la défense ». Ce document (letter of intent ou LOI) a fixé pour objectif de faciliter la circulation des produits entre les pays participants et de déterminer des règles pour l'exportation des produits fabriqués en coopération. L'accord-cadre du 27 juillet 2002, qui en découle, est entré en vigueur le 2 octobre 2003 et les premières demandes de licences globales de projet, permettant de simplifier le transfert des équipements militaires entre pays membres de la LOI, ont été accordées. Fin septembre 2004, tous les accords d'applications de la LOI étaient signés. Il devrait en résulter une amélioration sensible des conditions de réalisation de programmes en coopération. C. DES CONSÉQUENCES PAS UNIQUEMENT OPÉRATIONNELLES L'effort consenti par la Nation en faveur de la modernisation de sa défense est important ; c'est la raison pour laquelle les résultats doivent être à la hauteur de l'investissement financier réalisé. De fait, les aléas qui affectent le déroulement des programmes d'armement ne pénalisent pas seulement les armées. Leurs incidences pèsent tout autant sur le développement de certaines entreprises, sur le commerce de la France, et donc sur l'emploi. En effet, quelque 12 000 entreprises et 2,5 millions de salariés sont concernés, de près ou de loin, par les dépenses de la défense. Le livre blanc du conseil des industries de défense françaises (CIDEF) chiffre à 5 000 le nombre d'entreprises qui bénéficient directement des crédits d'équipement. Et ce document de souligner : « Ces entreprises sont en très grande majorité des PME au sens européen du terme (moins de 250 salariés). Les petites entreprises (moins de 50 salariés) et les très petites entreprises (moins de 10 salariés) en représentent une forte proportion, respectivement 56 % et 14 % du total. Ces entreprises se répartissent pour près de 66 % dans l'industrie et 33 % dans les services. » (20). Le secteur des industries de défense, qui a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 15,9 milliards d'euros en 2003, affiche entre 3 et 4 milliards d'euros de commandes annuelles à l'exportation et il emploie directement près de 170 000 personnes dans de nombreuses régions françaises (Aquitaine et Midi-Pyrénées pour l'aéronautique ; Bretagne, Basse-Normandie et Provence-Alpes-Côte-d'azur pour le naval ; Centre pour l'armement terrestre ; Ile-de-France pour l'électronique de défense). Il joue donc un rôle important d'aménagement du territoire. C'est dire que toute remise en cause « à la hussarde » des projets d'équipement prévus par l'Etat dans la programmation militaire peut avoir des incidences très néfastes pour l'économie et les Français. Il ne faut pas oublier, en outre, que les programmes d'armement contribuent pour beaucoup d'entre eux au progrès de la recherche et qu'ils sont, dans certains cas, susceptibles de déboucher sur des applications civiles bienvenues. Si les exemples les plus connus viennent des Etats-Unis, où le Pentagone a financé le développement d'Internet et du GPS, aujourd'hui largement répandus dans les foyers ou les moyens de transport, les programmes européens ne sont pas en reste, comme en atteste le cas des missiles balistiques français, sans qui Ariane n'aurait jamais vu le jour. Au seuil de la prochaine décennie, sans doute, le laser mégajoule permettra lui aussi des avancées technologiques civiles considérables. Cette dimension d'avenir ne doit pas être sous-estimée. Le ministère de la défense représentant à lui seul 8 % de l'effort national (Etat et entreprises) en faveur de la recherche-développement, une fluctuation négative, même infime, a un retentissement important. Contrairement à la recherche publique civile, issue des laboratoires publics ou des universités, la recherche militaire bénéficie essentiellement aux entreprises ; elle permet donc de conforter les compétences, mais aussi de maintenir l'attractivité de la France pour les ingénieurs formés par les centres d'excellence français. Tous ces paramètres méritent aussi d'être considérés lorsqu'il est question des programmes d'armement. Il ne s'agit pas uniquement d'investissements dans des moyens de défense, mais également d'investissements en capital humain et pour demain. III. - POUR UNE RÉALISATION PLUS EFFICACE DES PROGRAMMES D'ARMEMENT Sans être mauvaises, de l'aveu même de l'ensemble des responsables concernés, les conditions d'exécution des grands programmes d'armement pourraient être meilleures. C'est la raison pour laquelle la ministre de la défense a engagé une importante réflexion interne sur la question, suivie de mesures annoncées en Conseil des ministres le 18 février 2004, consistant à recentrer la DGA sur ses priorités de base, à savoir la préparation de l'avenir et la maîtrise d'ouvrage technique des programmes, et à clarifier les responsabilités respectives des états-majors (expression des besoins), de l'état-major des armées (cohérence d'ensemble) et du secrétariat général pour l'administration (contrôle de gestion). Ces initiatives vont assurément dans le bon sens. Elles ne peuvent pour autant s'abstraire de l'environnement européen ni de la contrainte financière. De surcroît, elles nécessiteront peut-être certains prolongements. A. LA NÉCESSAIRE STRUCTURATION DE L'EUROPE DE L'ARMEMENT Le contexte européen revêt une importance grandissante pour la conduite des programmes d'armement. D'ores et déjà, de nombreux projets d'équipement majeurs, tels l'A 400 M, les frégates européennes multimissions ou le missile Scalp-Storm Shadow, sont réalisés en coopération. Il y a fort à parier que cette tendance s'accentuera et qu'à terme, à l'exception notable des programmes nucléaires, l'essentiel des acquisitions d'armements s'effectuera conjointement avec d'autres pays européens. Compte tenu de la relative inefficacité actuelle des coopérations européennes, il apparaît nécessaire de se préoccuper de leur adaptation, en prévision de l'avenir qui leur semble promis. Des progrès ont récemment été accomplis, notamment avec la création de l'agence européenne de défense. Il semble néanmoins indispensable d'aller plus avant, en facilitant les restructurations des secteurs industriels les plus morcelés et en adoptant une attitude plus pragmatique dans la manière de concevoir les coopérations. 1. La création de l'agence européenne de défense, premier pas vers des coopérations plus intégrées Face aux avancées dans la réalisation d'une Europe de la défense que constituent, d'une part, l'établissement d'une industrie de défense européenne et, d'autre part, l'affirmation d'une politique européenne de défense au travers d'institutions, il restait à créer un véritable marché européen de l'armement, qui procède lui aussi par étapes. a) Les prémices d'une structuration de l'Europe de l'armement La coopération des Etats européens dans le domaine de l'armement a principalement trouvé sa traduction institutionnelle au sein de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), jusqu'à ce que cette dernière soit intégrée à l'Union européenne par le traité d'Amsterdam. On rappellera pour mémoire la création du groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO), en mai 1993. Il s'agissait d'un forum de discussion entre Etats, sans personnalité juridique, qui rassemblait les pays européens de l'OTAN à l'exception de l'Islande, soit alors treize Etats. La Suède, la Finlande et l'Autriche étaient observateurs, mais pouvaient participer aux activités des commissions et sous-groupes de cet organisme. Ses ambitions n'étaient pas très éloignées de celles de l'agence européenne de défense, puisqu'il avait pour objectifs de : - favoriser une utilisation plus efficace des ressources par une meilleure harmonisation des besoins opérationnels, la standardisation et l'interopérabilité des équipements ; - rechercher l'ouverture des marchés nationaux de défense à la concurrence européenne ; - préserver et renforcer la base technologique et industrielle européenne dans le secteur de la défense. Par la suite, le 19 novembre 1996, une organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) a vu le jour. Organe subsidiaire de l'UEO, elle était dotée de la personnalité juridique qui devait lui permettre de passer des contrats. Ses activités se sont essentiellement limitées au domaine de la recherche, en soutien du travail du GAEO. Aucune de ces deux instances n'ayant véritablement atteint ses objectifs, il était devenu nécessaire de relancer le processus de construction de l'Europe de l'armement, en créant une institution chargée de ce secteur au sein de l'Union européenne. Le GAEO et l'OAEO doivent être absorbés par l'agence européenne de défense. b) La création d'une véritable agence européenne de l'armement Le 14 juin 2004, les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ont approuvé le cadre de fonctionnement de l'agence européenne de défense, dont la création avait été décidée le 17 novembre 2003. Cette structure, dont la base juridique figure à l'article I-40 § 3 du projet de traité constitutionnel, entrera effectivement en activité en 2005, avant même l'achèvement de la procédure de ratification du traité. Placée sous l'autorité d'un comité directeur réunissant les ministres de la défense et présidé par le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), elle devrait disposer d'un budget global d'environ 15 millions d'euros à partir de 2005. Elle emploiera alors quelque 80 personnes. S'il ne s'agit pas encore d'un acteur à part entière dans la conduite des programmes d'armement français, elle est appelée à jouer, à moyen terme, un rôle aussi important que la DGA sur les projets, de plus en plus nombreux, réalisés en coopération. Aux termes de l'article III-212 du projet de traité constitutionnel, cette agence aura cinq grandes missions : « a) contribuer à identifier les objectifs de capacités militaires des Etats membres et à évaluer le respect des engagements de capacités souscrits par les Etats membres ; b) promouvoir une harmonisation des besoins opérationnels et l'adoption de méthodes d'acquisition performantes et compatibles ; c) proposer des projets multilatéraux pour remplir les objectifs en termes de capacités militaires, et assurer la coordination des programmes exécutés par les Etats membres et la gestion de programmes de coopération spécifiques ; d) soutenir la recherche en matière de technologie de défense, coordonner et planifier des activités de recherche conjointes et des études de solutions techniques répondant aux besoins opérationnels futurs ; e) contribuer à identifier, et le cas échéant mettre en œuvre, toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense et pour améliorer l'efficacité des dépenses militaires. » Il lui faudra néanmoins veiller aussi à responsabiliser les industriels et à les sensibiliser sur la préservation de compétences stratégiques pour l'Europe. En clair, il conviendra de s'assurer que les maîtres d'œuvre ne poursuivent pas leur propre politique industrielle au détriment d'autres industriels, partenaires et concurrents à la fois. Aux termes de l'accord trouvé par les ministres des affaires étrangères, un projet de programme d'armement pourra être rejeté si une majorité qualifiée s'y oppose, sans toutefois empêcher un ou plusieurs pays de s'engager sur cette voie. Il s'agit de permettre à certains pays de mener à bien des projets qui n'intéresseront pas l'ensemble des Etats membres. Dans un premier temps, l'agence européenne de défense recourra à l'OCCAR comme partenaire privilégié, mais non systématique ni exclusif. A terme, cependant, il y a fort à parier qu'elle intégrera les moyens de cette dernière, afin de bénéficier de ses compétences techniques pour le suivi des programmes, l'essentiel des effectifs nouveaux servant surtout à la stratégie commune en matière d'innovation et d'acquisition. La mise en place de cette agence constitue une avancée par rapport aux structures existantes, car elle sera ouverte à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne. De fait, elle facilitera davantage les coopérations, sur une base aussi pragmatique que possible. 2. L'impératif d'une poursuite des restructurations industrielles à l'échelle européenne La rationalité du déroulement des programmes dépend étroitement de l'efficacité et des performances des maîtres d'œuvre. L'européanisation de tout projet d'équipement s'accompagne le plus souvent d'un montage industriel qui est lui aussi européen. De ce fait, plus l'offre est morcelée, plus la coopération s'annonce complexe dans ses procédures et moins elle se conforme aux objectifs de coûts et de délais initiaux. Les secteurs de l'aéronautique et des missiles se trouvent ainsi moins pénalisés que ceux de l'armement terrestre ou de la construction navale. Les premiers ont bénéficié d'une importante restructuration, avec les créations d'Eurocopter en 1992, de BAe Systems en 1999, d'EADS en 2000 et de MBDA, en 2001. A contrario, les seconds n'ont pas encore procédé à des regroupements pourtant nécessaires pour assurer la rationalisation de leurs compétences. Dans le cas des chantiers navals, le rapprochement de Blohm und Voss et de Howaldtswerke Deutsche Werfte (HDW), annoncé le 17 mai 2004, a entamé le processus ; il reste aux entreprises françaises (DCN, Thales mais aussi les Chantiers de l'Atlantique et EADS) à s'organiser avant d'engager une étape proprement européenne, comme l'a souligné M. Jean Lemière, dans son rapport d'information sur l'avenir de l'industrie navale européenne (21). Pour ce qui concerne l'armement terrestre, les acquisitions réalisées par les groupes américains ces dernières années (rachats de Steyr, Bofors, Santa Barbara, notamment, par United Defense et General Dynamics), conjuguées aux difficultés persistantes de Giat Industries, rendent difficile toute restructuration de dimension européenne pour le moment ; gageons néanmoins qu'une fois le redressement de Giat Industries achevé, en 2006, l'entreprise pourra s'adosser à un ou plusieurs partenaires, ce pour quoi MM. Yves Fromion et Jean Diébold ont milité dans un rapport d'information consacré au sujet (22). Deux exemples de programmes illustrent concrètement les conséquences de ce morcellement préjudiciable de l'industrie européenne de l'armement. Le premier est la frégate antiaérienne Horizon, dont la conception et la réalisation ont été réparties à parts égales entre les industriels français (DCN et Thales) et italiens (Fincantieri et Finmeccanica) : il en est résulté d'incontestables difficultés, qui se sont traduites, en particulier, par des retards au stade de définition. Le second est l'hélicoptère de combat Tigre. Malgré la complexité des procédures, qui varient selon les Etats, l'entreprise franco-allemande Eurocopter a pu apporter une réponse industrielle intégrée, ce qui a permis d'arbitrer plus efficacement les problèmes de juste retour industriel et de réduire ainsi les dérapages. Par voie de conséquence, il apparaît plus que jamais nécessaire d'encourager les pans de l'industrie européenne de l'armement qui sont les plus dispersés à se regrouper. Cela ne signifie pas pour autant que la constitution de véritables monopoles soit souhaitable ni même inéluctable, la concurrence demeurant une garantie d'efficacité pour la conduite des programmes ; pour s'en convaincre, on soulignera que la naissance d'EADS n'a pas annihilé la compétition commerciale avec des groupes comme BAe Systems, Thales ou même Dassault Aviation. Il reste qu'un minimum de concentration dans les domaines terrestre et naval semble inéluctable, faute de quoi les projets d'équipements du futur ne pourront répondre aux besoins opérationnels à des conditions de coûts, de performances et de délais satisfaisantes. 3. Des coopérations qui doivent dorénavant se forger sur des projets industriels cohérents et non sur des besoins a priori Jusqu'à présent, les coopérations européennes se sont nouées sur la base de la concomitance de besoins opérationnels similaires à plusieurs pays. Il en est résulté des partages parfois difficiles des financements et de la charge de travail, selon les intérêts de chacun. Avec le recul, ce modèle de coopération ne s'est pas montré le plus performant, loin s'en faut. Depuis peu, une nouvelle approche semble privilégiée, qui mêle pragmatisme politique et réalisme industriel. Elle consiste à établir des coopérations non plus uniquement à partir d'un besoin, mais plutôt sur le fondement de compétences. C'est notamment ce qui s'est produit dans le cas des démonstrateurs EuroMALE et Neuron. Le projet Neuron a pour vocation de fédérer les compétences européennes pour les prochains programmes d'avions de combat, dès lors que les gouvernements intéressés s'engagent à financer leur part. Afin d'éviter de regrouper des incompétences, il a été décidé de lancer un programme fiable à partir des capacités existantes, en l'occurrence celles du groupe Dassault Aviation. La même logique sous-tend le projet EuroMALE. L'organisation industrielle des deux projets a été décidée de manière pragmatique : Dassault Aviation a souhaité qu'EADS participe au démonstrateur Neuron, car sa filiale espagnole possède de bonnes compétences sur les matériaux composites ; EADS a voulu, en contrepartie, que Dassault Aviation soit responsable de la définition de la cellule du démonstrateur de drone de reconnaissance EuroMALE. Ce schéma, qui convient parfaitement aux deux groupes parce qu'il reconnaît à Dassault Aviation la maîtrise d'œuvre dans la réalisation des avions de combat et à EADS celle dans le domaine des appareils non pilotés de reconnaissance, préfigure le futur de l'industrie aéronautique européenne. La dimension européenne des deux projets n'est aucunement occultée, puisque de nombreux pays ont fait part de leur intérêt : d'ores et déjà, la Suède, l'Espagne, la Grèce, la Suisse et l'Italie se sont ralliées au Neuron ; pour ce qui concerne l'EuroMALE, la Suède, les Pays-Bas et l'Espagne ont manifesté leur volonté de participation. C'est bien là la preuve que des projets mûris et constitués à partir d'un noyau dur industriel peuvent prendre, dans un second temps, une dimension européenne. Le secteur aéronautique n'est pas le seul concerné par ce type de coopérations d'un genre nouveau. Cette méthode commence à essaimer dans le secteur de l'armement terrestre, marqué par de fortes spécificités culturelles qui rendent difficiles les coopérations classiques. Tel est en tout cas ce qui ressort du projet de canon de 40 millimètres du futur, dont Giat Industries et un partenaire britannique ont décidé de cofinancer le développement, sur fonds propres, via une filiale commune basée à Bourges, avec l'espoir de rallier d'autres partenaires dans un second temps. Ce type d'approches pragmatiques aura de l'avenir tant que les restructurations industrielles en Europe n'auront pas abouti et tant que les structures d'harmonisation des acquisitions ne seront pas pleinement à l'œuvre. Il convient donc d'inciter les industriels et les ministères de la défense des Etats membres de l'Union européenne à privilégier de plus en plus cette voie de coopération. C'est à cette condition que la multiplication des intervenants industriels dans le déroulement des programmes ne sera pas contradictoire avec la recherche d'économies et de performances en matière de délais. B. L'ADAPTATION DES STRUCTURES CHARGÉES DE SUPERVISER LES PROGRAMMES ET DE LEURS MÉTHODES La modernisation de la conduite des programmes d'armement est également un chantier national, dont la ministre de la défense s'est saisie dès sa prise de fonction. Compte tenu des constats dressés plus haut, et sur les bases d'une réflexion interne au ministère, elle a engagé une réforme portant tout à la fois sur les responsabilités et sur l'organisation de la conduite des programmes d'armement. La place de l'état-major des armées s'en trouve renforcée, sans que la légitimité et les moyens de la DGA soient pour autant remis en cause, au contraire. De même, le dialogue avec les industriels sera accru. Les rapporteurs souscrivent aux solutions adoptées par le ministère de la défense, même si nombre d'entre elles ne pourront être évaluées qu'à l'usage. Tout au plus se contenteront-ils de suggérer quelques voies d'améliorations. 1. Les conclusions de la mission du ministère de la défense sur le déroulement des programmes d'armement Peu de temps après sa prise de fonction, la ministre de la défense a perçu, à l'occasion de ses déplacements auprès des forces, un fort sentiment d'insatisfaction au sujet des dotations en matériels. Devant ce constat d'inadéquation entre expression et satisfaction du besoin opérationnel, elle a demandé à ses grands subordonnés (chefs d'états-majors, délégué général pour l'armement, secrétaire général pour l'administration) de se concerter et, avec l'aide d'un cabinet de consultants spécialisés, d'analyser les éventuels dysfonctionnements et de formuler des propositions pour remédier à cette situation. Après mise en concurrence, c'est la compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS), présidée par M. Olivier Darrason, qui a été retenue par le ministère de la défense. Les travaux ont associé, de manière régulière, des représentants de haut rang de l'état-major des armées et de chaque état-major (majors généraux), de la DGA (adjoint au délégué général) et du secrétariat général pour l'administration. Même s'ils n'étaient pas concernés par la lettre de mission de la ministre, les industriels ont été entendus et leurs remarques synthétisées sous une forme anonyme. Cette réflexion s'est appuyée sur le cas concret d'une trentaine de programmes (vingt et un programmes et neuf opérations d'armement) choisis en raison soit de leur réussite, soit des problèmes rencontrés, soit parce qu'ils étaient en cours d'évaluation. Le groupe de travail a défini cinq critères d'analyse : le besoin opérationnel de départ ; l'attitude de la maîtrise d'ouvrage ; l'influence des décisions politiques dans leur dimension budgétaire et industrielle ; les conséquences des régulations budgétaires ; la nature de la maîtrise d'œuvre. La mission a formulé ses constats en juin 2003. Le 24 juillet suivant, la ministre de la défense a souhaité que lui soient soumises des propositions à l'automne de la même année. L'ensemble des travaux qui lui ont été remis a été signé au mot près par les différents chefs d'état-major, le nouveau délégué général pour l'armement n'ayant plus qu'à appliquer la feuille de route ainsi établie. Les conclusions de cette mission sur le déroulement des programmes d'armement ont débouché sur trois grands changements : - une orientation capacitaire pour le ministère ; - une maîtrise d'ouvrage capable d'assumer les risques des programmes ; - un nouveau positionnement pour la fonction armement. L'orientation capacitaire du ministère de la défense se justifie par le fait que les programmes d'armement ne peuvent plus être menés indépendamment des systèmes connexes qui en permettent la mise en service opérationnel effective. Un conseil des systèmes de forces, présidé par le chef d'état-major des armées, doit constituer l'instance dans laquelle se prépareront les grands arbitrages concernant les programmes d'équipement des forces. Cette orientation s'accompagne de la mise en place de mécanismes nécessaires à un pilotage efficace, qu'il s'agisse du contrôle de gestion ou des systèmes d'information (23). Au-delà, elle doit s'accompagner d'un plus grand formalisme dans les relations entre la DGA et les états-majors, qui pourrait se traduire par la mise en œuvre d'une quasi-contractualisation. La maîtrise des risques des programmes suppose une maîtrise d'ouvrage techniquement forte. L'expertise de la DGA est donc une condition déterminante. Pour ce faire, un schéma directeur de renforcement des compétences techniques de la DGA a été approuvé et est devenu la référence. De même, la dimension financière doit être mieux prise en compte dès les phases amont, avec une connaissance plus approfondie du coût global pour éclairer les décisions majeures tout au long du déroulement des programmes. Enfin, l'évolution du contexte économique et industriel de la défense induit une évolution des relations du ministère avec les entreprises partenaires. Le maintien d'une base industrielle et technologique de défense, nationale et européenne, constitue désormais une priorité et les relations avec les maîtres d'œuvre doivent s'inscrire à un niveau véritablement politique. Le conseil défense - industrie, dont la création a été proposée et acceptée, placé sous la présidence de la ministre de la défense, doit constituer la clef de voûte du dispositif déjà mis en place par la DGA, à travers les partenariats ou les carrefours DGA - industrie. Au-delà, la prise en compte très en amont des contraintes d'exportation ainsi que la conduite pragmatique des programmes en coopération, fondée sur une évaluation permanente et comparée des avantages et inconvénients entre des solutions nationales ou en coopération, doivent constituer des lignes de conduite pour l'avenir. 2. La création d'instances de concertation et d'arbitrage, assortie d'une meilleure évaluation Les travaux de la mission du ministère de la défense sur le déroulement des programmes d'armement ont débouché, 18 février 2004, sur la modernisation des procédures qui en régissent la conduite. L'accent a particulièrement été mis sur les choix, la concertation avec l'industrie et les contrôles internes. Afin de répondre au problème de la clarification du rôle des états-majors, il a été décidé d'accroître la capacité d'arbitrage du chef d'état-major des armées, à travers la mise en place d'un conseil des systèmes de forces qu'il préside. Cette instance, dont il a déjà été fait état, favorisera un pilotage plus transversal, c'est-à-dire interarmées, des programmes d'armement alors qu'auparavant chacun était conduit indépendamment des autres, sans que la valeur ajoutée de l'ensemble ne soit réellement évaluée en permanence. Les rapporteurs se félicitent de cette réforme importante, qui améliorera la cohérence globale des équipements des armées. Ils espèrent néanmoins que certains pans d'armement des forces qui ne relèvent d'aucun état-major en particulier seront eux aussi représentés au conseil des systèmes de forces. C'est le cas notamment des applications spatiales, considérées à tort comme un sous-ensemble alors même qu'elles prennent une importance grandissante dans les opérations militaires. Sans qu'il soit question de créer un état-major exclusivement compétent pour l'espace, comme aux Etats-Unis, il semble indispensable de permettre à des responsables de la division « espace et systèmes d'information et de commandement » de l'état-major des armées d'assister aux réunions du conseil des systèmes de forces, de manière à donner un poids plus représentatif à ce domaine si essentiel pour les armées. Pour améliorer la concertation sur les programmes, un conseil défense-industrie a été créé afin d'institutionnaliser un dialogue entre le ministère et ses partenaires maîtres d'œuvre. Il s'agit de faciliter la réflexion commune sur les grands enjeux, économiques, budgétaires, stratégiques. La première réunion a eu lieu le 30 juin 2004, au sujet de l'agence européenne de la défense et de la politique d'acquisition. Cette structure est bien perçue par les industriels, car elle leur permettra d'avoir une meilleure appréciation du déroulement des programmes sur le moyen terme. Par voie de conséquence, la conduite de ces derniers devrait subir moins d'à-coups, y compris en cas de restrictions budgétaires. Il est néanmoins dommage que les parlementaires ne soient pas représentés dans cette instance, car ils jouent également un rôle clé au moment du vote des lois de finances. Les rapporteurs considèrent qu'il aurait été pour le moins utile que les présidents des commissions en charge des finances et de la défense de chaque assemblée puissent y siéger ou déléguer un représentant. Pour ce qui concerne l'évaluation, un contrôle de gestion appliqué à la conduite des programmes devrait désormais faciliter un suivi instantané et non a posteriori, tandis que le contrôle général des armées s'est vu confier un rôle d'audit et de conseil sur le déroulement des projets d'équipement. Jusqu'à présent, l'arrêté du ministre de la défense du 10 mars 1999, relatif à l'organisation et au fonctionnement du contrôle général des armées ne lui attribuait aucun rôle direct sur la conception et le déroulement des programmes d'armement, pas plus que sur les contrats d'acquisition. Il va sans dire que l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001, conférera également au Parlement un rôle important en la matière, d'autant plus que la future nomenclature du budget de la défense comporte un programme budgétaire relatif à l'équipement des forces. Il appartiendra donc aux parlementaires, notamment aux rapporteurs concernés par ce programme budgétaire, de veiller aux performances du ministère et, le cas échéant, de formuler des propositions d'amendement des enveloppes financières prévues à cet effet. A bien des égards, la mission d'information sur l'exécution des crédits de la défense, mise en place par le président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, M. Guy Teissier, préfigure la nature et l'ampleur du contrôle qui pourra être réalisé sous l'empire de la loi organique. Dans l'ensemble, la mise en place de tous ces instruments est bienvenue. Elle répond aux défaillances relevées, qu'il s'agisse du défaut de cohérence d'ensemble, de l'insuffisante prise en considération du point de vue des industriels, ou de la rigueur des contrôles à effectuer. Il ne peut donc qu'y être souscrit, même si certains ajustements méritent d'y être apportés, notamment dans la perspective d'une plus grande association du Parlement. 3. Une nouvelle réforme de la DGA Créée en 1961, afin de superviser la conduite des grands projets d'équipements militaires, la DGA a permis de grandes réussites techniques. Le contexte a néanmoins changé et des ajustements internes s'imposent, soit pour adapter les structures à la complexification des processus, soit pour atténuer certains effets des réformes antérieures. a) Les revers de la réforme de 1997 La DGA a engagé en 1997 une profonde réforme de son organisation et de ses méthodes, afin de satisfaire à l'objectif de réduction de 30 % du coût des programmes d'armement, qui lui avait été assigné par le Gouvernement en 1996. Cette réforme, aujourd'hui menée à son terme, allait au-delà du seul objectif de diminution des coûts : elle visait avant tout à recentrer l'activité de la DGA sur sa fonction essentielle de fournisseur en matériels d'armement pour les forces armées françaises. Face à la nécessité de passer d'une culture de moyens, centrée sur l'obtention de performances techniques et opérationnelles, à une culture de résultats, répondant à des impératifs économiques, la DGA a adopté un mode de fonctionnement « matriciel », c'est-à-dire associant des activités de management aux activités d'expertise technique. Parallèlement, les effectifs ont diminué de plus de 25 % entre 1997 et 2002, de 24 189 personnes à 18 195. Cette réduction a été supérieure à ce qui avait été initialement prévu. A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2003, le rapporteur pour avis de la commission de la défense sur les crédits des services communs, M. Jean-Yves Le Drian, soulignait ainsi : « La DGA a subi une diminution sensible de son encadrement de niveau I, une perte significative de compétences ouvrières et une forte baisse du soutien dans le domaine administratif, alors même que ses missions n'ont pas évolué dans les mêmes proportions. On peut se demander si cette déflation n'a pas atteint ses limites, voire si elle n'a pas été excessive. Il serait désormais souhaitable d'augmenter les effectifs de façon ciblée sur certains métiers stratégiques, pour renforcer des secteurs particuliers. » (24). Finalement, un an après, la mission du ministère de la défense sur le déroulement des programmes d'armement a abouti à des conclusions similaires, en insistant sur la perte de compétences techniques constatée à la DGA ces dernières années : « Sous l'effet conjugué d'une forte réduction de ses effectifs (30 % en cinq ans) et d'un vieillissement de sa population (conjonction de départs vers le privé et d'une diminution des recrutements dans les statuts techniques ou contractuels), la DGA semble en effet en passe de perdre son niveau d'expertise technique. Cette situation est d'autant plus inquiétante que l'évolution du paysage industriel au cours de ces dernières années laisse augurer des négociations de plus en plus difficiles avec des fournisseurs en position de quasi-monopole. » (25). L'apparition de nouveaux métiers (qualité, planification, achats, en particulier), nécessaires à la bonne conduite des programmes, s'est faite à effectifs décroissants et a remis en question la culture technique « historique » de la DGA. Sur la base d'une réflexion prospective identifiant une trentaine de compétences clés, des besoins humains à des horizons de cinq, dix et quinze ans, et des technologies essentielles, un schéma directeur des compétences de la DGA a été élaboré en examinant les capacités existantes au sein d'autres organismes de l'Etat, en Europe et chez les industriels, afin de réaliser des économies d'échelle intelligentes. Des recrutements semblent néanmoins nécessaires, ce qui explique qu'un effort significatif va être engagé en la matière par l'embauche de cinquante ingénieurs sur des technologies porteuses, dans un contexte de non-remplacement de tous les départs à la retraite de personnels civils. Au regard des besoins prévisibles d'après la loi de programmation militaire 2003-2008 et le modèle d'armée 2015, il est admis que la DGA aura besoin de recruter, à terme, environ 300 spécialistes. b) La réorganisation interne en cours Le cadre administratif actuel ne doit pas constituer un frein à l'efficacité et à la compétitivité ; c'est pourquoi la ministre de la défense a souhaité que la DGA entreprenne une nouvelle modernisation interne. Le délégué général pour l'armement, M. François Lureau, a exposé les orientations de cette réorganisation à la commission de la défense, lors de son audition le 30 juin 2004 (26). Outre un rééquilibrage entre les missions de conduite des programmes et de préparation de l'avenir, la DGA va désormais fonctionner selon une logique plus interarmées, en se réorganisant autour de deux pôles : - le premier, intitulé « stratégie, sécurité, international », aura pour objectifs de préparer l'avenir et de suivre les développements internationaux de la politique industrielle. Il sera constitué d'une direction des systèmes de forces et des stratégies technologique, industrielle et de coopération, ainsi que d'une direction du développement international ; - le second portera sur les « opérations » et conduira les programmes. Une direction de l'expertise technique sera créée, regroupant plusieurs milliers de personnes auparavant disséminées dans la direction des centres d'expertise et d'essais, devenue direction des centres d'essais, afin de définir et de maintenir les compétences qui seront nécessaires dans le futur. La direction des systèmes d'armes regroupera toujours les équipes de programmes intégrées, mais ces dernières ne comporteront plus des spécialistes de la gestion, des achats ou des finances. Les aspects matériels ou logistiques seront en l'apanage de trois directions fonctionnelles transverses : une direction financière, une direction de la qualité et des processus et une direction des ressources humaines. Toutes ces structures sont cohérentes avec les programmes et les actions budgétaires, issues de la nouvelle nomenclature de la loi organique relative aux lois de finances. Cette réforme des structures, dont les textes d'application seront vraisemblablement adoptés d'ici la fin de l'année, s'accompagnera de contreparties : des recrutements d'ingénieurs dans des spécialités critiques, où ils font particulièrement défaut, et également une meilleure formalisation des rapports avec les états-majors, par l'intermédiaire de contrats dits « internes », car la DGA ne dispose pas de la personnalité juridique. La méthode apparaît pertinente, car elle offre des garanties en matière de moyens. c) Faut-il envisager un statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) pour la DGA, à moyen terme ? Des réflexions existent sur l'évolution du statut de la DGA. Même si l'éventualité d'une transformation en EPIC a été écartée à court terme, l'analyse continue sur cette question, en raison des pesanteurs actuelles sur les recrutements et la gestion des ressources humaines (27), des problèmes de contractualisation entre les états-majors et les services chargés de superviser les programmes (28) et de certains obstacles juridiques empêchant la mise sur pied de véritables équipes pluridisciplinaires et technico-opérationnelles sur l'ensemble du processus d'un programme d'armement (29). Lors de son audition précitée par la commission de la défense, en juin 2004, M. François Lureau a d'ailleurs reconnu l'existence de contraintes relatives aux ressources humaines et aux finances, avant d'ajouter que le bon sens recommande d'examiner toutes les pistes qui permettront à la DGA d'améliorer ses performances. D'un point de vue strictement juridique, un EPIC est une personne morale relevant du droit public, car elle est créée par une collectivité publique, et gérant, dans des conditions se rapprochant de celles des entreprises privées, une activité spécifique et de nature industrielle et commerciale. Il offre ainsi l'avantage de posséder une personnalité juridique propre, une autonomie financière et un patrimoine distinct de celui de l'Etat. Il ne peut pas s'écarter de l'objet pour lequel il a été créé et n'est pas soumis aux voies d'exécution du droit commun. S'il procure davantage de souplesse de gestion, le statut d'établissement public n'implique pas, pour autant, moins de contrôles : dans le cas du CNES, par exemple, les marchés sont examinés par une commission consultative des marchés, puis soumis à l'approbation du conseil d'administration ; de même, les différentes étapes d'un programme doivent parfois être approuvées par le conseil d'administration, sans oublier le rôle exercé par le contrôleur d'Etat et les tutelles. Le statut d'EPIC avait déjà été envisagé pour la DGA, en 1991. Il n'est pas illégitime de soulever la question de nouveau, car un tel régime juridique présenterait l'avantage de faciliter les recrutements de personnels par la voie contractuelle, sans pour autant remettre en cause le statut des personnels embauchés sous le régime antérieur (fonctionnaires, ouvriers d'Etat, en particulier). Ce statut favoriserait également les investissements conjoints avec des industriels, à l'instar de ce que le CNES a pu mettre en œuvre au sein de l'entité Intespace, désormais propriété d'Astrium. Cette évolution se heurte néanmoins à des préventions sociales qu'il convient de prendre en compte, comme cela a été le cas pour l'ancienne direction des constructions navales (DCN). En outre, l'expérience britannique de la Defense Procurement Agency n'apparaît pas véritablement concluante, comme l'illustrent les tiraillements constatés outre-Manche entre les parties prenantes au programme des futurs porte-avions de la Royal Navy. Enfin, les états-majors ne semblent pas partisans d'une plus grande autonomie de la DGA, qui se traduirait par un coût d'intervention peut-être un peu plus élevé. Il n'en demeure pas moins que, dans l'éventualité où, à l'occasion de l'examen du premier projet de loi de finances initiale répondant aux dispositions de la loi organique du 1er août 2001, le Parlement remettrait en cause le principe d'un copilotage du programme budgétaire sur les équipements des forces par le chef d'état-major des armées et le délégué général pour l'armement, il n'y aurait peut-être pas d'autre solution. La responsabilité du chef d'état-major des armées sur ce programme budgétaire ne saurait être remise en cause, car elle conditionne la cohérence opérationnelle des armées, et le statut d'EPIC clarifierait alors la position de la DGA. Quoi qu'il en soit, il faudra envisager d'externaliser ce qui n'est pas nécessaire à l'expertise de l'Etat dans le domaine de l'armement. Une réflexion est d'ailleurs en cours avec les Allemands pour redéfinir le périmètre d'activité des centres d'essais et leur donner, à long terme, une dimension européenne. Se pose aussi le problème du devenir du service de la maintenance aéronautique (SMA). 4. La nécessité de concevoir, dès le départ, les programmes sous un angle évolutif Les programmes d'armement sont envisagés par le ministère de la défense comme un processus, ce qui constitue une analyse plus que pertinente. Néanmoins, le déroulement des différentes étapes, tel qu'il est formalisé par l'instruction générale n° 1514, fait la part trop belle à la préparation et à la mise au point initiales, au détriment des ajustements inéluctables en cours d'utilisation. Et ce, malgré les aménagements intéressants qui ont été apportés dans la nouvelle édition de ce document, notamment sur la prise en considération du maintien en condition opérationnelle des matériels dès les études préliminaires. Faute de tenir compte des progrès technologiques au cours de la vie des systèmes d'armes, les forces armées sont menacées de se trouver rapidement dotées de matériels dépassés. C'est là tout le problème du traitement des obsolescences, mis en lumière à l'occasion de la négociation de la commande de la troisième tranche de Rafale, en 2004. Si le remplacement d'un matériel par un équipement de génération ultérieure est souvent coûteux, notamment en raison du saut technologique qu'il induit, il est toutefois possible de retarder l'échéance, à tout le moins d'en atténuer les contraintes dans de bonnes conditions, dès lors que des remises à niveaux progressives et régulières sont effectuées. A titre d'illustration, le département de la défense américain met à profit les phases d'entretien majeur de certains matériels pour procéder à une modernisation de leurs composants ; c'est ainsi que l'US Air Force consacre le quart de son budget au renouvellement d'un large éventail d'éléments de ses appareils, qu'il s'agisse des cellules, des moteurs, de l'électronique embarquée ou des armements. En France, dans le domaine de l'armement terrestre, l'exemple du programme Hawk illustre aussi ce mode opératoire puisque quatre modernisations ont permis d'améliorer tour à tour l'ensemble des composants de ce programme, auquel le SAMP/T succédera. Il s'agit néanmoins d'un cas relativement isolé, à l'exception peut-être du carénage des bâtiments majeurs de la marine nationale (sous-marins nucléaires notamment). Cette démarche d'amélioration en continu est recommandée par le CIDEF, comme l'a souligné M. Luc Vigneron, son président, à l'occasion de son audition par la commission de la défense, le 19 octobre 2004 (30). Elle doit néanmoins se situer dans un processus plus vaste de prise en compte, dès les phases de définition et de lancement des programmes, des adaptations, mais aussi de la maintenance des matériels au cours de leur durée de vie, c'est-à-dire de leur coût de possession et non d'acquisition. Cela implique une gestion plus prévisionnelle des rechanges, au besoin par l'adoption de contrats comportant des garanties sur les pièces et la main-d'œuvre, et la planification d'étapes régulières de modernisation, qui pourraient également être contractualisées dès la réalisation des équipements en question. A bien des égards, la complexification des programmes d'armement implique de revoir la manière d'envisager les méthodes d'emploi et d'entretien des matériels. A la suite de l'entrée en service du Rafale, du char Leclerc, des hélicoptères Tigre et NH 90 et des SNLE-NG, le ministère de la défense ne peut plus échapper à cette réflexion. Il est à souhaiter que la nouvelle rédaction de l'instruction ministérielle 800, d'application de l'instruction générale 1514, se préoccupe de cette question et y apporte des réponses. C. LE BESOIN DE FINANCEMENTS PERMANENTS Le respect des engagements financiers pris par l'Etat au sujet des programmes d'armement est une des principales conditions de leur bon déroulement. Toute restriction engendre des étalements qui se traduisent par des obsolescences et des surcoûts. Il est donc indispensable de mettre à disposition les enveloppes budgétaires prévues aux échéances fixées, sous peine de déboucher sur une gestion non rationnelle des projets d'équipement. C'est tout l'enjeu d'une bonne exécution des lois de programmation militaire, qui donnent à l'Etat et aux industriels des perspectives dont l'équilibre peut être sérieusement remis en cause au moindre écart. Cependant, si le principe des dépenses en faveur de la défense ne saurait être contesté, les modalités financières peuvent tout à fait légitimement être adaptées selon le contexte. En l'espèce, les financements dits « innovants » méritent de retenir l'attention, même s'il ne peut être question de les appliquer à tous les programmes. 1. Conforter le principe d'exécution sincère des lois de programmation militaire Les lois de programmation militaire fixent pour plusieurs années le cadre budgétaire de l'évolution des dépenses consacrées à la défense nationale. Depuis 1996, elles constituent les étapes vers la réalisation du modèle d'armée 2015, défini à l'occasion de la décision de professionnaliser les forces françaises. Juridiquement, toute loi de programmation militaire n'a qu'une valeur indicative, puisque ce sont les lois de finances votées chaque année par le Parlement qui allouent ses ressources au ministère de la défense. L'expérience de la précédente programmation militaire en offre une parfaite illustration, puisque sur la période 1997-2002, c'est l'équivalent d'une annuité budgétaire destinée à l'équipement des troupes qui n'a pas été débloquée. Il n'y a pas lieu de revenir en détail sur les conséquences néfastes de cette politique budgétaire, qui ont été évoquées précédemment (report ou annulation de projets d'équipement, revue des programmes en 1998, notamment). Depuis 2002, le redressement du niveau opérationnel des armées françaises et le rattrapage des retards pris dans les projets d'équipement sont devenus prioritaires. A cet effet, la loi de programmation militaire 2003-2008 (31) a prévu une revalorisation très sensible des crédits d'équipement, comme l'illustre le tableau ci-après. Évolution prévue des crédits de paiement du budget de la défense, consacrés aux dépenses en capital, de 2003 à 2008 (en milliards d'euros 2003)
Cet effort a été effectivement concrétisé par les lois de finances initiales pour 2003 et 2004 (avec respectivement 13,64 milliards d'euros et 14,89 milliards d'euros prévus, en crédits de paiement, pour les dépenses en capital - titres V et VI - du budget de la défense), conformément aux directives données en ce sens au Gouvernement par le Président de la République, chef des armées. Pour l'heure, seule l'exécution de l'exercice 2003 est close. La commission de la défense de l'Assemblée nationale, qui a décidé de créer une mission d'information chargée de suivre l'utilisation des crédits de la défense, a eu l'occasion de constater que la première annuité de la programmation militaire en cours n'avait été affectée par quasiment aucune mesure d'annulation, contrairement aux exercices antérieurs à 2002 (32). Crédits d'équipement disponibles (en milliards d'euros)
L'engagement, pris en 2002 par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire, de rompre avec la pratique antérieure, qui consistait à considérer le budget de la défense comme une variable d'ajustement, ne sera pas remis en cause. Le chef de l'Etat, lors de sa visite au 6-12ème régiment de cuirassiers de la 2ème brigade blindée, à Olivet, le 24 juin 2004, l'a confirmé en soulignant que les « engagements de la loi de programmation militaire 2003-2008 [...] seront respectés, naturellement ». Il s'agit là d'un choix politique majeur, qui prend acte du fait que la programmation militaire doit être respectée, sous peine de donner lieu à des dépassements de coûts et à des dérapages des programmes. Le Parlement, et notamment la commission de la défense de l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire de sa mission d'information sur l'exécution des crédits de la défense dont les deux rapporteurs sont membres, prendra toute sa part à la vérification de l'application de cette orientation fondamentale. 2. Explorer les voies de financements innovants La contrainte pesant sur les budgets de la défense et la durée des cycles classiques d'acquisition ont conduit certains pays européens à rechercher des modes de financement permettant de différer ou d'étaler dans le temps leur charge financière. Ces formules, qui associent des tiers publics ou privés aux risques inhérents aux programmes d'infrastructures et de matériels, suscitent de multiples attentes, parce qu'elles sont supposées atténuer les cycles budgétaires et « sanctuariser » des crédits affectés aux programmes d'équipement. La France n'est plus à l'écart de ce mouvement de fond, même si le procédé n'en est qu'à ses prémices dans l'hexagone. a) Un levier financier utilisé par des ministères de la défense étrangers Le Royaume-Uni a fait œuvre de pionnier en mettant en place, à partir de 1992, une politique de financement privé d'investissements publics : la Private finance initiative (PFI). Dans ce mode de financement, les investissements dans certains types de matériels et les risques qui y sont associés sont financés par un opérateur privé, le plus souvent le constructeur de l'équipement, en contrepartie d'une redevance fixe, versée sur une durée assez longue par l'Etat. Ces dépenses ne peuvent faire l'objet de mesures de régulation budgétaire. Intervenu dans un contexte budgétaire favorable, le recours à ce mécanisme s'inscrit dans une logique d'amélioration des capacités opérationnelles. Cette procédure a été largement utilisée pour des acquisitions de capacités. Elle a conduit le gouvernement de M. Tony Blair à retenir, en 2003, l'offre de Paradigm, filiale d'EADS, pour le projet Skynet V de renouvellement de satellites de télécommunications. Au lieu d'acheter les satellites, le ministère britannique de la défense (MoD) paiera une redevance annuelle pendant quinze ans, couvrant ses besoins. Comme il n'a pas l'utilité de la totalité des capacités des satellites à chaque instant, le consortium Paradigm, propriétaire des satellites, pourra ainsi offrir des solutions à des Etats alliés intéressés ; en outre, c'est Paradigm qui assumera les risques financiers et technologiques du programme. Au total, la gestion de ce projet devrait être réalisée à moindre coût, la solution retenue conduisant à une économie prévisionnelle de 100 millions de livres. De même, le renouvellement de la flotte d'avions ravitailleurs de la Royal Air Force s'effectuera aussi en PFI. En janvier 2004, le MoD a choisi le consortium Air Tanker, regroupant EADS (40 % des parts), Cobhan (25 %), Rolls-Royce (25 %) et Thales (10 %), pour lui louer des A 330 ravitailleurs multirôles à partir de 2007-2008, sur une durée globale de vingt-sept ans. Air Tanker sera propriétaire des appareils, qu'il louera à d'autres clients que le MoD lorsqu'ils ne seront pas en opérations, tandis que la Royal Air Force en sera l'utilisateur prioritaire sur demande. La PFI n'est pas l'unique moyen de desserrer la contrainte budgétaire pour réaliser des investissements. Il existe également des modes de financement reposant soit sur des emprunts bancaires ou des avances publiques, soit sur le crédit-bail. Ces deux méthodes reviennent à recourir à l'endettement pour échelonner la dépense dans le temps et permettre de faire face à de nouvelles dépenses d'équipement à budget constant. En Italie comme en Espagne, les emprunts ont pris la forme d'avances budgétaires consenties par les ministères de l'industrie ou de la technologie, en raison des implications économiques des programmes d'armement en cause. En France, on peut considérer que c'est l'inverse qui se produit, puisque le ministère de la défense finance une partie du budget civil de recherche et de développement, rattaché au ministère de la recherche. De toute manière, la solution de l'emprunt n'est pas vraiment satisfaisante : les avances consenties par un autre ministère ne font que déplacer le problème des remboursements et, si la créance est annulée, le déficit budgétaire s'en trouve accru d'autant. Le crédit-bail, c'est-à-dire la location de matériels avec parfois une option d'achat, est une autre possibilité, expérimentée avec plus ou moins de succès par l'Italie, en 1994 lors de l'acquisition de vingt-quatre Tornado pour une durée de dix ans, l'Espagne et le Portugal, où deux lois organiques de 1999 et 2001 encadrent cette pratique en la limitant à 30 % des dépenses annuelles d'équipement. En fait, il semble que seule la location d'un nombre d'heures d'utilisation opérationnelle de certains équipements (aéronefs de transport, voire de combat, véhicules de transport de troupes ou navires rouliers civils destinés à la projection d'unités, par exemple) puisse se révéler intéressante, du point de vue de ses coûts. Il est donc tout à fait justifié que l'armée de l'air française ait choisi de recourir à cette formule pour disposer d'une capacité de transport à très long rayon d'action (TLRA), dès 2005. Néanmoins, dans tous les cas, il ne peut s'agir que de commodités d'achat, lorsque le contexte budgétaire n'est pas favorable. b) Quels programmes d'armement français pourraient être concernés ? La France s'est dotée des instruments juridiques nécessaires à la mise en œuvre de partenariats publics-privés (PPP) depuis peu. Ainsi, l'article 6 de la loi de programmation militaire 2003-2008 a élargi à l'ensemble du ministère de la défense les dispositions de la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure (LOPSI), du 29 août 2002 (33), qui ne portaient initialement que sur la réalisation d'immeubles de la gendarmerie nationale. Plus récemment, l'ordonnance du 17 juin 2004 a également prévu la possibilité pour l'Etat ou ses établissements publics de recourir à des contrats de partenariat relatifs « au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée » (34). Ces dispositions n'excluent pas les applications de défense. Sur cette base juridique, il est désormais envisageable de procéder à des investissements financiers qui n'obèrent pas pour autant les capacités d'investissement de l'Etat. En d'autres termes, l'éventualité d'un recours à ces nouveaux types de financements doit s'apprécier au regard de l'« emploi innovant » qui peut être fait des équipements concernés, pour reprendre une expression employée par le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, lors de son audition par la commission de la défense, le 20 octobre 2004 (35). D'ores et déjà, quelques programmes d'équipement considérés comme majeurs pourraient constituer des opportunités pour recourir à ce type de mécanismes financiers. C'est le cas notamment du remplacement de la flotte d'avions ravitailleurs de l'armée de l'air, qui commence à être ancienne même si elle conserve un fort potentiel grâce à un taux d'utilisation inférieur aux avions civils. Des modifications au niveau de l'avionique s'imposent pour rendre ces appareils conformes aux normes de l'aviation civile. Par ailleurs, le besoin peut paraître supérieur au format actuel de la flotte de ravitailleurs. Dans ce contexte, une réflexion a été engagée au sujet d'une nouvelle capacité multirôles d'avions ravitailleurs et de transport. Le seul appareil susceptible de correspondre aujourd'hui à ce profil est l'A 330, en raison de sa taille et de sa voilure identique à l'A 340 sans pour autant nécessiter quatre réacteurs, ce qui permettrait de lui adapter des pods. La DGA examine donc s'il est possible de rénover a minima les C 135 dans l'attente de l'entrée en service progressive d'un nouvel avion ravitailleur multirôles, en liaison avec le Royaume-Uni. Un tel partenariat pourrait avoir une incidence non négligeable sur les coûts. En tout cas, le ministère de la défense devrait prendre une décision début 2005, pour un contrat signé début 2006. Dans ce cas, la solution financière pourrait soit être similaire à celle retenue par le Royaume-Uni, soit prendre la forme de la location (leasing) auprès d'EADS. A plus long terme, il pourrait également être question d'envisager une acquisition d'avions école en commun avec des aéroclubs, ce qui permettrait d'en diminuer le coût à l'achat et à l'entretien. Cette solution semble relativement aisée à mettre en œuvre, ne serait-ce qu'en raison de son faible coût (deux à trois millions d'euros pour une dizaine d'appareils), ce qui justifierait qu'elle retienne l'attention du ministère de la défense. Enfin, même s'il ne se trouve pas vraiment au cœur du sujet aujourd'hui, dans la mesure où le ministère de la défense a privilégié un achat ferme de satellites (Syracuse-III A et B) plutôt que de louer des bandes de fréquences à l'instar du MoD britannique, le secteur des télécommunications spatiales pourrait, à terme, se prêter assez bien à des modalités de financement innovant. L'éventualité ne pourrait porter que sur les équipements postérieurs à Syracuse III, encore qu'il ne semble pas exclu par les industriels concernés d'envisager un rachat des satellites existants, afin de les exploiter en commun avec ceux du MoD. Une telle opération, que l'on peut estimer à environ 2,25 milliards d'euros (2,2 milliards d'euros au coût des facteurs de 2000, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros dus à l'inflation), constituerait un complément de trésorerie non négligeable pour le ministère de la défense, et celui-ci pourrait être réinvesti dans d'autres projets spatiaux (un programme de satellites d'écoute, notamment). La mise en commun des satellites Syracuse III et Skynet V permettrait en outre d'offrir des conditions de disponibilité avantageuses aux forces armées françaises et britanniques. Il n'est pas sûr, néanmoins, que cette éventualité se concrétise, faute de moyens d'expertise suffisants du côté de la DGA pour en analyser tous les tenants et aboutissants. Les possibilités ne manquent donc pas. Encore faut-il au préalable s'assurer de la compatibilité d'un PPP avec les impératifs liés à la spécificité des missions des armées et les obligations européennes de la France. Le programme de frégates FREMM offre, en l'occurrence, une illustration intéressante du pragmatisme qu'il convient d'observer en la matière. Le 15 novembre 2003, un appel d'offres avait été lancé auprès de plusieurs banques afin de financer ce projet selon un modèle de location opérationnelle. Cependant, la Commission européenne a opposé son veto à ce montage financier, arguant du fait que les FREMM sont des « biens spécifiques », dont l'Etat sera le seul exploitant et qu'il ne peut s'agir, par conséquent, de les financer par location. L'article 15 du décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 (36) a remédié à cette situation en disposant que, sur décision conjointe du ministre chargé de la défense et du ministre chargé du budget, une commande publique d'armement peut faire l'objet d'un paiement différé. De fait, ce sont bien des banques qui financeront la construction des dix-sept bâtiments prévus pour la marine nationale, le ministère de la défense ne leur remboursant l'investissement assorti d'intérêts qu'à la livraison des frégates. Cette décision est justifiée, car le coût du programme, de l'ordre de 5,3 milliards d'euros, s'il était imputé au budget de la marine à compter de 2005, risquerait d'obérer le renouvellement de la flotte sous-marine et la construction du second porte-avions, qui sont tout aussi essentiels. Les financements liés à l'entrée en service des premières frégates seront réellement imputés au budget de la marine, au mieux, à partir de 2009, ce qui reporte d'au moins quatre ans une charge financière non négligeable. En outre, l'Etat n'assumera pas les risques industriels et technologiques associés au projet. Le cas des équipements assimilables à des « biens spécifiques » (frégates, chars, avions de combats) suppose donc des modalités de financement innovant qui soient adaptées et flexibles. Il reste que l'étendue des possibilités en la matière n'a pas encore été complètement explorée, comme en atteste le fait que la société MBDA n'a pas pu équiper à ses frais les deux BPC de systèmes de lancement vertical qui auraient pu accueillir, ultérieurement, les missiles correspondants, au motif que le code des marchés publics ne prévoit pas qu'un industriel puisse assurer gratuitement ses prestations. Il serait sans doute opportun de revoir cette règle. Dans l'ensemble, malgré tout, des progrès notables ont été accomplis, mais, dans tous les cas, la priorité doit rester la satisfaction du besoin des forces, ce qui explique que les financements innovants ne soient pas nécessairement la panacée à des aléas budgétaires.
Si les retards et les dépassements de coûts affectent certains programmes d'armement majeurs, ils ne sont pas pour autant systématiques. Dans certains cas, des économies sont même réalisées. De manière générale, la DGA, le CNES et le CEA accomplissent avec efficacité leur difficile mission de maîtrise d'ouvrage, d'autant plus que l'Etat n'est pas toujours un client financièrement très fiable. Les conditions d'exécution des principaux programmes d'armement français ne sont peut-être pas idéales, mais le ministère de la défense n'est certainement pas le seul à déplorer des allongements de délais ou des surcoûts. D'autres pays qui consacrent des budgets significatifs à l'équipement de leurs forces armées, à commencer par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, rencontrent eux aussi des problèmes. La raison tient au fait que les programmes d'armement sont bien plus complexes aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier. La course aux technologies nouvelles, l'exigence d'interopérabilité, les coopérations internationales constituent désormais des paramètres incontournables. Il est donc nécessaire d'en tenir compte plus qu'avant. Sous l'impulsion de Mme Michèle Alliot-Marie, le ministère de la défense s'y emploie. Les mesures décidées en 2004 (réorganisation de la DGA, mise en place du conseil des systèmes de forces et du conseil défense-industrie, en particulier) vont incontestablement dans le bon sens. Elles appelleront néanmoins des compléments, ne serait-ce que pour tenir compte des développements de l'Europe de l'armement. Le Parlement, quant à lui, doit veiller au respect des engagements budgétaires pris lors du vote des lois de programmation militaire. La continuité des orientations décidées en matière d'acquisitions militaires est indispensable à une gestion efficace des programmes d'armement. Sacrifier les crédits d'équipement sur l'autel des économies de court terme ne saurait être considéré comme un choix de raison ; l'expérience de l'exécution des précédentes lois de programmation militaire l'a démontré. Néanmoins, si le principe des financements inscrits sur la période 2003-2008 ne doit pas être remis en cause, ses modalités peuvent prendre des formes diverses. Le présent rapport ouvre, à cet égard, des pistes dont il appartient au Gouvernement de tenir compte. Les modalités d'exécution des grands programmes d'armement français se trouvent actuellement en pleine évolution. Il y a tout lieu de penser que les réformes récemment engagées déboucheront sur des résultats positifs et des améliorations. Il ne faut pas pour autant en attendre la résolution de tous les problèmes rencontrés, car le déroulement des programmes restera toujours soumis à une part non négligeable de risques et d'aléas, éléments consubstantiels à la réalisation de matériels futurs. La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d'information de MM. Jean-Louis Bernard et Antoine Carré sur les conditions d'exécution des grands programmes de défense, au cours de sa réunion du mercredi 17 novembre 2004. Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs. Rappelant les réformes de gestion mises en oeuvre par la délégation générale pour l'armement (DGA) entre 1997 et 2003, le président Guy Teissier a observé que la plupart des cadres supérieurs de cette administration sont issus de grandes écoles scientifiques et ont essentiellement une formation d'ingénieur, et non de management. M. Jean-Louis Bernard, rapporteur, a indiqué que le gouvernement précédent avait assigné à la DGA l'objectif de réduire le coût des programmes d'armement de l'ordre de 25 %. De fait, la DGA a mis l'accent sur les compétences financières au détriment de son expertise technique. Dans le même temps, la diminution de ses personnels n'a pas été sans incidence sur son fonctionnement. Sans doute, la DGA a-t-elle perdu une partie de ses compétences techniques au cours des dernières années, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu le délégué général pour l'armement devant la commission. Dans la réorganisation actuellement engagée, des recrutements d'ingénieurs sont prévus afin d'infléchir cette évolution. Parallèlement, la transformation du statut de la DGA est envisagée. Elle pourrait ainsi devenir un établissement public industriel et commercial (EPIC), ce qui lui apporterait davantage de souplesse de fonctionnement. M. Antoine Carré, rapporteur, a souligné que le recrutement de jeunes ingénieurs ne pose pas de difficultés, la DGA demeurant à cet égard attractive. M. François Huwart a souhaité savoir en quoi le conseil défense-industrie, mentionné par les rapporteurs, se distingue du conseil économique de défense. M. Jean-Louis Bernard, rapporteur, a indiqué que le conseil défense-industrie institutionnalise le dialogue entre les responsables du ministère de la défense et les industriels de l'armement, afin de définir des solutions aux dysfonctionnements constatés dans le déroulement des programmes d'équipement. La création de cette instance doit permettre de remédier aux difficultés actuelles d'organisation, qui peuvent être illustrés par l'annulation récente d'une réunion tripartite entre l'armée de l'air, la DGA et les industriels sur le programme EuroMALE, en raison d'un désistement tardif de la DGA. Le président Guy Teissier a relevé la pertinence de la proposition des rapporteurs tendant à instaurer une présence parlementaire au sein du conseil défense-industrie, laquelle s'inscrirait dans la mission de contrôle incombant au Parlement. Soulignant l'importance de la présence de parlementaires au sein du comité des prix de revient des fabrications d'armement (CPRA), lequel fonctionne bien, M. Jean-Michel Boucheron a estimé que cette instance est complémentaire du conseil défense-industrie. La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. ANNEXE : 1. Délégation générale pour l'armement : - M. Laurent Collet-Billon, adjoint au délégué général pour l'armement, directeur des systèmes d'armes ; - M. Jean-Michel Labrande, directeur du service des programmes navals (SPN) ; - M. Gilles Bessero, directeur du service des programmes nucléaires et de missiles (SPNuM) ; - M. Patrick Bellouard, directeur du service des programmes aéronautiques (SPAé) ; - M. François Fayard, directeur du service des programmes d'observation, de télécommunication et d'information (SPOTI) ; - M. Jean-Bernard Pène, directeur du service des programmes d'armement terrestre (SPART) ; 2. Industriels : - M. Jean-Marie Poimboeuf, président-directeur général de DCN-SN, avec M. Philippe Magnien, secrétaire général, ; - M. Marwan Lahoud, président-directeur général de MBDA, avec le général (ER) Gérard Resnier, conseiller militaire ; - Mme Pascale Sourisse, président-directeur général d'Alcatel Space, avec M. Jérôme Bendell, vice-président ; - M. François Auque, président-directeur général d'EADS Space, avec MM. Hervé Guillou, président-directeur général d'EADS Space Transportation, Alain Charmeau, Defense Programme Directorate et l'amiral (ER) Patrice du Puy-Montbrun, conseiller militaire ; - M. Antoine Bouvier, président-directeur général d'Astrium ; - M. François Gayet, directeur général adjoint chargé du marketing du groupe Thales, avec M. Didier Brugère, directeur de Thales defense France ; - M. Luc Vigneron, président-directeur général de Giat Industries, avec M. Jean-Louis Thaumiaux, secrétaire général ; - M. Charles Edelstenne, président-directeur général de Dassault Aviation, avec M. Bruno Giorgianni, conseiller pour les affaires politiques et institutionnelles ; - M. Dominique Maudet, directeur des ventes et de la politique commerciale globale d'Eurocopter, avec M. Michel Fouquet, directeur des relations extérieures. 3. Etats-majors : - M. le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, avec le vice-amiral Alain Coldefy, major général de l'état-major des armées, et le général Jean-Paul Palomeros, chef de la division « Plans, programmes, évaluation » ; - M. le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, avec le général Patrick Thouverez, major général de l'état-major de l'armée de l'air, le général Jean-Pierre Rayssac, sous chef d'état-major « programmes-matériels », le général Joël Martel, sous-chef d'état-major « plans-finances », le général Bernard Ducateau, chef de cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air, et le colonel Hubert Foucault, chef du bureau des finances et du budget ; - Amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, avec M. l'ingénieur général Jean- Le Goff, sous-chef d'état-major « programmes », et les capitaines de vaisseau Jean-Michel L'Hénaff, chef du bureau « finances », et Olivier Saint Martin, officier rédacteur auprès du chef d'état-major de la marine et chargé de communication interne ; - M. le général Alain Richard, major général de l'état-major de l'armée de terre, avec le général Jean-Tristan Verna, sous-chef d'état-major « études, planification, finances », le colonel Bernard de Courrèges, chef du bureau planification-finances, et le colonel Jean-Pierre Nivet, chef du bureau des systèmes d'armes. 4. Personnalités qualifiées : - M. Olivier Darrason, président de la compagnie européenne d'intelligence stratégique (CEIS) ; - M. Alain Delpuech, directeur des applications militaires du commissariat à l'énergie atomique (CEA) ; - M. Yannick d'Escatha, président-directeur général du centre national d'études spatiales (CNES), avec MM. Guy Laslandes, expert senior, chargé de l'équipe thématique lanceurs, infrastructure orbitale, utilisation de la station internationale et science en micro-pesanteur, Stéphane Janichewski, directeur de la prospective, de la stratégie, des programmes et de la valorisation et des relations internationales, Bernard Nutten, directeur adjoint chargé des finances, Michel Dorrer, sous-directeur applications, recherche et programmation, et Michel Eymard, directeur des lanceurs. --____-- N° 1922 - Rapport d'information de la commission de la défense sur les conditions d'exécution des grands programmes de défense (rapporteurs : MM. Jean-Louis Bernard et Antoine Carré) 1 () Voir le rapport d'information n° 328 de M. Gilbert Meyer : « L'entretien des matériels : un sursaut nécessaire », enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 23 octobre 2002. 2 () Le 12 février 2003, la commission de la défense a créé une mission d'information sur le suivi de l'exécution des crédits de la défense. Ses travaux sur l'exercice 2003, ont donné lieu à la publication du rapport d'information n° 1411, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 4 février 2004. Une nouvelle mission d'information a été créée le 13 avril 2004, afin de contrôler l'exécution des crédits en 2004. 3 () Loi organique n° 2001-692, du 1er août 2001, relative aux lois de finances (LOLF). 4 () Instruction générale n° 1514 du 7 mai 1988, sur le déroulement des programmes d'armement ; édition 4 du 17 septembre 2004. 5 () Rapport d'activité de la DGA pour 2003, p. 19. 6 () Ibidem, p. 23. 7 () Voir le rapport d'information n° 328 précité. 8 () Décret n° 82-138 du 8 février 1982, fixant les attributions des chefs d'état-major. 9 () Voir à ce sujet les avis n° 260 (tome II), 1114 (tome II) et 1867 (tome II) de M. Antoine Carré, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur les crédits de la dissuasion dans les projets de loi de finances pour 2003, 2004 et 2005. 10 () En France, la convention a été publiée par le décret n° 2001-238 du 14 mars 2001, paru au Journal officiel du 22 mars 2001. 11 () DCN et Technicatome, DCN-Thales-EADS et Alstom, Thales et BAe Systems. 12 () Chiffres issus du rapport pour 2003 du contrôleur et auditeur général du National audit office sur les programmes majeurs, publié le 19 janvier 2004, p. 27 et 30. 13 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mercredi 23 juin 2004, compte rendu n° 27. 14 () Voir à ce sujet les avis n° 260 (tome VI), 1114 (tome VI) et 1867 (tome VI) de M. Jean-Louis Bernard, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur les crédits de l'armée de l'air, dans les projets de loi de finances pour 2003, 2004 et 2005. 15 () Ceux de la première génération, au nombre de 46, sont entrés en service en 1967. Même s'ils sont entretenus et ménagés autant que possible, leur retrait progressif du service va inéluctablement commencer à partir de 2005. 16 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mercredi 29 septembre 2004, compte rendu n° 32. 17 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mardi 12 octobre 2004, compte rendu n° 3. 18 () Rapport particulier de la Cour des comptes sur les industries d'armement de l'Etat, octobre 2001, p. 44. 19 () Dans le cas du programme Rafale, une comparaison des rapports devis initial / cible originelle (336 appareils) et devis actuel / cible désormais prévue (294 appareils), montre que les aléas budgétaires ont engendré un surcoût de 18 %. 20 () Livre blanc du CIDEF : « L'industrie de défense française. Une dynamique à soutenir, des enjeux européens », p. 4, 2004. 21 () Rapport d'information n° 1701 de M. Jean Lemière « Quel avenir pour l'industrie navale européenne ? », enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 23 juin 2004. 22 () Rapport d'information n° 474 de MM. Yves Fromion et Jean Diébold : « Giat : un opérateur incontournable dans l'industrie de défense », enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 17 décembre 2002. 23 () La DGA déploie actuellement le système d'information des programmes SIPROG. Toutes les fonctions clés sont concernées : gestion de projet, achats, gestion des ressources financières, gestion des ressources humaines, ingénierie systèmes. L'investissement réalisé s'élève à 45 millions d'euros. SIPROG devrait être utilisable par les services avec toutes ses applications fin 2005. Dès 2006, il devrait pouvoir être interconnecté avec l'application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat ACCORD 2, ainsi qu'avec le système de suivi des états-majors SCAPIN 2. 24 () Avis n° 260 de M. Jean-Yves Le Drian, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur les crédits des services communs (tome IX), enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2002, p. 15. 25 () Rapport de la mission de proposition sur le déroulement des programmes d'armement, point 4.1. 26 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mercredi 30 juin 2004, compte rendu n° 29. 27 () Sur la cinquantaine de statuts différents qui co-existent au sein du ministère de la défense, la DGA n'a de prise que sur trois corps ; pour le reste, elle doit en référer à la direction de la fonction militaire et du personnel civil. 28 () Les méthodes d'aujourd'hui reposant sur les fiches programme ne semblent pas véritablement appropriées. 29 () En l'état actuel du droit, la mise à disposition de très longue durée de certains personnels s'apparente à des délits d'apport illicite de personnels ou de marchandage. 30 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mardi 19 octobre 2004, compte rendu n° 6. 31 () Loi n° 2003-73 du 27 janvier 2003, relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008. 32 () Voir à ce sujet le rapport d'information n° 1411 de M. Guy Teissier : « Contrôle de l'exécution des crédits de défense pour 2003 », enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 4 février 2004. 33 () Article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002. 34 () Article premier de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat. 35 () Réunion de la commission de la défense nationale et des forces armées du mercredi 20 octobre 2004, compte rendu n° 7. 36 () Décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004, pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense. |