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N° 1924

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 novembre 2004.

RAPPORT D'ACTIVITÉ

DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

Octobre 2003 - Juillet 2004

FAIT

en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958

relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marie-Jo Zimmermann,

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mmes Danielle Bousquet, Anne-Marie Comparini, M. Edouard Courtial, Mme Geneviève Levy, vice-présidents ; Mmes Brigitte Barèges, Muguette Jacquaint, secrétaires ; Mme Patricia Adam, M. Pierre-Christophe Baguet, Mmes Chantal Bourragué, Chantal Brunel, Martine Carrillon-Couvreur, M. Richard Cazenave, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Patrick Delnatte, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, Claude Greff, Arlette Grosskost, M. Mansour Kamardine, Mmes Conchita Lacuey, Marguerite Lamour, Corinne Marchal-Tarnus, Hélène Mignon, Françoise de Panafieu, Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, Bérengère Poletti, Josette Pons, Marcelle Ramonet, MM. Jacques Remiller, Bernard Roman, Jean-Marc Roubaud, Martial Saddier, Mmes Michèle Tabarot, Béatrice Vernaudon.

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE :LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL 7

I. EN FORTE PROGRESSION DANS LES ANNÉES 90, LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL S'EST STABILISÉ DEPUIS 2001 12

A. UNE FORTE PROGRESSION DANS LES ANNÉES 90 12

1. Une hausse rapide 12

2. Une forme de travail essentiellement féminin 13

3. La conjonction d'une politique incitative et des besoins des entreprises 13

B. STABILISATION DEPUIS 2001 15

1. Un nouvel encadrement du temps partiel 15

2. La suppression des incitations financières 18

3. Les effets des 35 heures sur le temps partiel 18

II. DES PRATIQUES DE TEMPS PARTIEL TRÈS HÉTÉROGÈNES SELON LES SECTEURS D'ACTIVITÉ ET LE STATUT PROFESSIONNEL 20

A. LE TEMPS PARTIEL PAR ACTIVITÉ DANS LE SECTEUR PRIVÉ 20

1. La grande distribution : la recherche d'une meilleure organisation du temps partiel 21

2. Le secteur de la propreté : une forte expansion ; des contraintes spécifiques 25

3. Un secteur atypique : les hôtels et restaurants 28

B. LE TEMPS PARTIEL DANS LA FONCTION PUBLIQUE 29

1. Les effectifs à temps partiel 30

2. Les modalités du travail à temps partiel 31

3. Les avantages et inconvénients du temps partiel 32

C. LES FREINS AU DÉVELOPPEMENT DU TEMPS PARTIEL DES CADRES 34

III. VALORISER LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL 36

A. LE TEMPS PARTIEL ENTRE CHOIX, CONTRAINTE ET PRÉCARITÉ 36

1. L'opposition temps choisi/temps contraint 36

2. La précarité dans les conditions de travail 39

3. Une protection sociale insuffisante : le problème des retraites 42

B. VALORISER LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL 44

1. Le recours au temps partiel en Europe : une situation irréversible 44

2. Valoriser le travail à temps partiel : des mesures pour lutter contre la précarité 45

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 51

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 55

ANNEXES - LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL : TABLEAUX - PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION 59

DEUXIÈME PARTIE :L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION AU COURS DE LA SESSION 2003-2004 273

I. ACTIVITÉ DE SUIVI ET D'INFORMATION 274

II. ACTIVITÉ INTERNATIONALE 315

Mesdames, Messieurs,

Conformément à sa mission d'information sur la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et à sa mission de suivi de l'application des lois, la Délégation présente aujourd'hui son rapport d'activité annuel pour la session 2003-2004 (octobre 2003-juillet 2004).

La Délégation a choisi un thème d'étude précis - le travail à temps partiel - qu'elle a approfondi au cours de l'année 2004 en auditionnant des représentants syndicaux et patronaux des branches particulièrement concernées, des économistes, des sociologues et des responsables administratifs.

Lors de l'examen des projets de loi portant réforme des retraites et du divorce, la Délégation s'est inquiétée des difficultés qui risquaient de frapper les travailleurs à temps partiel - parmi lesquels on compte 80 % de femmes - aux moments d'une rupture familiale ou d'un départ à la retraite et de l'émergence de nouvelles poches de pauvreté et d'exclusion.

Elle s'est attachée à analyser la forte progression et les caractéristiques de cette forme de travail qui revêt des formes diverses suivant les secteurs d'activité. Elle propose un certain nombre de recommandations en vue de valoriser un travail à temps partiel encore trop souvent contraint et précaire. Elle considère que le plan gouvernemental de cohésion sociale devrait prendre en considération le problème spécifique des travailleurs à temps partiel.

Cette étude constitue la première partie de ce rapport.

Elle est suivie d'un rapide bilan d'activité de la Délégation au cours de la session 2003-2004. Cette deuxième partie présente les comptes rendus d'auditions sur la formation professionnelle et sur le délit d'interruption volontaire de grossesse qui n'ont pas fait l'objet d'une publication spécifique dans un rapport. Elle comporte également les diverses déclarations adoptées au cours des conférences européennes et internationales auxquelles ont participé plusieurs membres de la Délégation.

Les autres rapports publiés par la Délégation au cours de cette session et qui ne sont pas repris dans le présent rapport ont porté sur les thèmes suivants :

- rapport d'activité (juillet 2002-juillet 2003) et suivi de la loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle dans les entreprises (n° 1118) de Mme Marie-Jo Zimmermann du 14 octobre 2003,

- actes du colloque (DIAN 04/2004) sur l'égalité professionnelle de janvier 2004,

- rapport (n° 1486) sur le projet de loi portant réforme du divorce de Mme Geneviève Levy du 3 mars 2004.

Au cours de cette session parlementaire, la Délégation aux droits des femmes a maintenu sa vigilance dans les domaines essentiels pour les femmes que sont l'égalité professionnelle, le travail à temps partiel, leurs droits propres.

PREMIÈRE PARTIE :LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL

______________

Le travail à temps partiel en France, est devenu, comme dans la plupart des pays d'Europe, un phénomène massif - aujourd'hui 16,5  % de la population active - et un fait économique difficilement réversible, qui correspond, même en l'absence de politiques incitatives, à une tendance longue dans l'évolution de certains secteurs d'activité en forte expansion.

C'est un travail fortement féminisé : 80 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes et 30  % des femmes actives sont à temps partiel, soit 3 250 000 femmes, alors que le temps partiel des hommes, 5 % des hommes actifs, demeure encore marginal. Les femmes ont été aspirées par le temps partiel, mais les motivations et les réalités sociales sont très différentes entre deux extrêmes : la femme qui a choisi de passer à un temps partiel réversible, pour des raisons familiales ou personnelles et la femme recrutée sur un temps partiel d'embauche, symbolisée par la caissière des grandes surfaces ou la femme de ménage des ministères.

La frontière cependant demeure floue entre choix et non-choix des femmes dans ces emplois. Aux pressions économiques - s'insérer sur le marché du travail, sortir du chômage, prendre un emploi faute de mieux - s'ajoutent aussi des contraintes indirectes liées à l'organisation de la vie familiale, aux problèmes de garde des enfants, aux problèmes de transports.

De fait, le travail à temps partiel a un genre : le genre féminin. Il a longtemps été considéré comme un travail « bien pour les femmes », ne correspondant pas au modèle traditionnel du travail masculin à temps plein. Les femmes se sont trouvées reléguées dans un nombre restreint d'activités, peu qualifiées et peu rémunérées. Les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes en ont été renforcées au regard du choix des métiers, des différences de rémunérations, du parcours professionnel et aussi de la protection sociale.

Le travail à temps partiel, en partie responsable de l'écart moyen de 25 % entre les rémunérations des hommes et des femmes, cantonne de nombreuses femmes dans les bas et très bas salaires, venant grossir les rangs des travailleurs pauvres. Le travail à temps partiel intervient aussi dans l'écart de 40 % entre les niveaux de retraite des hommes et des femmes.

C'est par le biais de la protection sociale que la Délégation aux droits des femmes a été conduite à s'intéresser au travail des femmes à temps partiel. Saisie de la réforme des retraites, puis de la réforme du divorce, la Délégation s'est préoccupée de la situation des femmes qui, ayant peu travaillé, en raison de périodes d'inactivité, de chômage et de travail à temps partiel, et ayant subi des ruptures familiales (séparation, divorce, décès du conjoint), se trouveront particulièrement démunies à l'heure de la retraite, ne pouvant prétendre qu'à de très faibles pensions ou au minimum vieillesse.

Aussi, la Délégation s'est-elle inquiétée avec l'augmentation considérable du temps partiel dans la dernière décennie, du développement de ces formes d'emplois précaires et de l'apparition de nouvelles poches de pauvreté, aujourd'hui et pour demain, où s'engouffrent les femmes et dont on parle peu, car sur ces situations, a souligné Mme Rachel Silvera, économiste, « il existe un silence et finalement une tolérance sociale, comme si, dans ces cas-là, c'était peut-être moins grave ». Il importe de ramener dans le débat social la problématique du temps partiel des femmes et de le considérer comme un des enjeux clés de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

La Délégation a mené une étude sur ce thème, à partir d'auditions d'organisations syndicales, d'organisations professionnelles de secteurs d'activité où sont employés de nombreux travailleurs à temps partiel, d'économistes, de sociologues et de hauts responsables de l'administration. Elle s'est rendue dans deux hypermarchés de la région parisienne pour y rencontrer les responsables et les personnels des magasins, en particulier les hôtesses de caisse.

Cette recherche sur le travail à temps partiel, toutefois, ne s'est pas voulue exhaustive. Elle a porté plus précisément sur certains aspects du travail à temps partiel répondant aux préoccupations de la Délégation : conditions de travail, précarité, protection sociale des femmes en matière de retraite.

Au-delà du constat et de la dénonciation d'un certain type de travail à temps partiel, discriminatoire et générateur de sous-emploi, des réflexions approfondies sont menées par les partenaires sociaux, pour donner une meilleure image du temps partiel, le réhabiliter et le valoriser par la recherche de conditions de travail innovantes tenant davantage compte des besoins qualitatifs plus que quantitatifs de ces travailleurs, et de leurs aspirations individuelles.

Un changement semble s'opérer depuis la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, qui a apporté au salarié à temps partiel une meilleure protection juridique, et depuis la conclusion des accords collectifs sur la réduction du temps de travail, qui traitent aussi du temps partiel. Globalement, dans les entreprises ayant réduit la durée du travail, on enregistre une légère baisse de la part du temps partiel et un allongement des durées hebdomadaires conduisant à des mini-temps plein.

Dans le cadre règlementaire posé, il reviendra de plus en plus aux partenaires sociaux, dans le cadre d'accords collectifs, d'organiser des conditions de travail, qui ne soient pas imposées de façon unilatérale, qui respectent la personne et qui prennent en compte le travailleur à temps partiel - homme ou femme - dans une dimension globale, élargie au temps de formation, au temps de transport, au temps personnel et au temps familial.

I. EN FORTE PROGRESSION DANS LES ANNÉES 90, LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL S'EST STABILISÉ DEPUIS 2001

A. UNE FORTE PROGRESSION DANS LES ANNÉES 90

1. Une hausse rapide

La féminisation du salariat est une donnée essentielle de la fin du XXe siècle, selon les termes de Mme Margaret Maruani, sociologue, directrice de recherches au CNRS. Les femmes représentent aujourd'hui près de la moitié de la population active, cette proportion passant en l'espace de 40 ans, de 34 % au début des années 60 à 48 % début 2003.

Cette arrivée massive des femmes sur le marché du travail en France s'est faite principalement par l'accès au travail à temps plein. Le travail à temps partiel, qui ne correspondait pas aux critères de l'emploi masculin à temps plein, est resté longtemps marginal.

Les enquêtes Emploi de l'INSEE « Marché du travail séries longues » donnent une évolution significative de la part des travailleurs à temps partiel depuis les années 70. En 1970, cette part représentait 5,8 % de l'ensemble de la population active et 4,8 % des salariés. En 1980, elle représentait 8,3 % des actifs et 7,1 % des salariés. En 1990, elle est passée à 12 % des actifs comme des salariés.

En 1999, la part des travailleurs à temps partiel était de 17,3 % des actifs et en 2002, selon l'enquête Emploi de l'INSEE, de 16,2 % des actifs, enregistrant ainsi depuis 2000 une stagnation de cette forme de travail.

Le travail à temps partiel a doublé en vingt ans. Néanmoins, après une forte progression à partir de 1992, on constate un net ralentissement depuis 2001, sous l'effet successif des politiques de l'emploi, puis des lois sur la réduction du temps de travail, conjuguées avec les besoins accrus de flexibilité des entreprises.

2. Une forme de travail essentiellement féminin

Comme l'a indiqué Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), entendue par la Délégation, « le temps partiel a un genre, le genre féminin ».

Cette caractéristique s'est accentuée au fil des années. Les femmes représentaient 17 % des actifs à temps partiel en 1980, plus de 23 % en 1990, près de 32 % en 1999 et avec la légère décrue du temps partiel, un peu moins de 30 % en 2002, alors que pour les hommes, les proportions sont de 2,5 % des actifs en 1980, 3,4 % en 1990, 5,6 % en 1999 et 5,4 % en 2003.

Près d'une femme sur trois, aujourd'hui, travaille à temps partiel et 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes. Ce phénomène massif touche aujourd'hui plus de 3 250 000 femmes sur près de 11 millions de femmes actives.

Recouvrant des situations sociales très hétérogènes selon l'âge des femmes, les modes d'accès au temps partiel, les métiers exercés, le travail à temps partiel creuse les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, en cantonnant ces dernières dans un nombre restreint d'activités et dans des emplois souvent peu rémunérés.

Une première différence correspond au mode d'accès à ce type d'emploi. Le temps partiel d'embauche est le fait de femmes plutôt jeunes et peu diplômées, occupant des emplois peu qualifiés, mais qui représentent pour elles une première entrée sur le marché du travail. Elles cherchent rapidement un autre emploi et le turn-over est élevé. 40 % d'entre elles ont moins de 35 ans et 51 % ont entre 35 et 55 ans.

S'agissant des femmes à temps partiel choisi pour s'occuper des enfants, 70 % ont de 35 à 55 ans. Dans cette même tranche d'âge, 59 % sont à temps partiel choisi pour d'autres raisons, selon l'enquête de la DARES sur « Le temps partiel des femmes : entre choix et contraintes » de février 2002.

3. La conjonction d'une politique incitative et des besoins des entreprises

- Les politiques de l'emploi

Depuis l'ordonnance de 1982 qui a élaboré un statut juridique du travail à temps partiel dans le souci d'encourager et de protéger cette forme individuelle d'emploi, de nombreuses modifications législatives et réglementaires sont intervenues, pour répondre aux préoccupations de lutte contre le chômage apparu au début des années 90. Il s'agissait d'offrir, en allégeant le coût du travail, de nouvelles possibilités d'emplois à des travailleurs au chômage, ou des possibilités d'insertion ou de réinsertion sur le marché du travail.

Afin d'inciter les employeurs à la création d'emplois à temps partiel, la loi du 31 décembre 1992, puis la loi du 20 décembre 1993 et le décret du 5 avril 1994 ont mis en place un abattement porté à 30 % des cotisations patronales de sécurité sociale, sur la base d'une certaine durée hebdomadaire du travail comprise entre 16 et 32 heures (relevée à 18 heures en 1998, afin de ne pas inciter aux temps partiels courts).

Ces dispositions se sont appliquées aux embauches à temps partiels, aux transformations d'emplois à temps plein en emplois à temps partiel et sous condition de contrats à durée indéterminée.

S'y sont ajoutés l'incitation à embaucher des salariés à bas salaires par une « ristourne » sur les cotisations d'allocations familiales, instituée par la loi du 27 juillet 1993, les dispositifs d'aide à la préretraite progressive et la possibilité d'annualisation du temps partiel.

D'après une étude récente de la DARES, entre 1992 et 2002, 500 000 entreprises ont signé près de deux millions de contrats, pour un coût total de 3,5 milliards d'euros. 300 000 emplois auraient été créés entre 1992 et 1999.

- Les besoins des entreprises

Cette politique incitative a rencontré une demande des entreprises dont le développement des activités exigeait de nouvelles modalités de gestion de la main-d'œuvre et plus de flexibilité. C'est le cas dans certains secteurs comme le commerce et la grande distribution, l'hôtellerie, les services, où le temps partiel existait déjà.

Il s'est agi souvent, pour les entreprises, d'un « effet d'aubaine », comme l'a évoqué Mme Rachel Silvera, économiste, entendue par la Délégation. Dans un souci de rentabilité, les employeurs ont saisi cette opportunité pour adapter les horaires des salariés aux demandes de la clientèle ou de la production.

Le temps partiel s'est avéré financièrement intéressant pour les entreprises en raison notamment, des gains de productivité horaire, avec une meilleure organisation du travail, et de la concentration d'une forte activité sur de courtes périodes pour des emplois qui, en tout état de cause, ne peuvent correspondre à un temps plein en raison de leur pénibilité, comme c'est le cas dans la distribution.

Par ailleurs, l'absence de majoration des heures complémentaires jusqu'à la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, a rendu les fluctuations d'horaires moins coûteuses qu'avec des temps pleins.

D'où le recrutement par les entreprises, dès l'embauche, de travailleurs à temps partiel de plus en plus nombreux.

B. STABILISATION DEPUIS 2001

1. Un nouvel encadrement du temps partiel

L'encadrement du temps partiel a été sensiblement modifié par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, qui modifie la définition du temps partiel et assure une plus grande sécurité juridique aux salariés à temps partiel.

- Une nouvelle définition du temps partiel

La définition du temps partiel a été modifiée afin de mettre en conformité la législation française avec la directive européenne de 1997.

La nouvelle définition ne retient plus le seuil précédemment imposé : un cinquième de moins que la durée légale ou conventionnelle. Désormais, selon l'article L. 212-4-2 du code du travail, est considéré comme travailleur à temps partiel tout travailleur dont la durée légale est inférieure à celle d'un salarié à temps complet, soit 35 heures hebdomadaires (ou 152 heures mensuelles, ou 1 600 heures annuelles). Cette définition permet de clarifier la situation des travailleurs dont les horaires étaient compris entre 80 et 100 % des horaires temps plein de l'entreprise.

- Des droits et des garanties individuels renforcés pour les travailleurs

Les salariés à temps partiel bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps complet par la loi, les conventions et accords collectifs, et de la proportionnalité des rémunérations. En matière de droits liés à l'ancienneté, la durée de celle-ci est décomptée comme s'ils avaient été occupés à temps complet.

Le contrat de travail, écrit, doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires relatives à la rémunération, la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle, les modalités de répartition des horaires et les conditions de modification éventuelle de cette répartition.

Comme l'a résumé M. Jérôme Bédier, président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), entendu par la Délégation, « le temps partiel est un système qui, dans notre secteur d'activité, est très encadré par toute une série de règles que l'on retrouve dans la convention collective, à la fois sur le temps minimum, l'organisation du temps de travail et les coupures. Tout ce dispositif est soumis au contrôle de l'inspection du travail ».

Un certain nombre de droits des salariés sont précisés et renforcés concernant :

· le délai de prévenance : « toute modification de la répartition de la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu » ;

· le régime des heures complémentaires : elles ne peuvent excéder d'un dixième la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue dans le contrat. Elles ne peuvent pas non plus porter la durée du travail au niveau de la durée légale ou fixée conventionnellement. Au-delà du dixième admis, les heures complémentaires donnent droit à une majoration de salaire de 25 %, comme les heures supplémentaires des temps complets ;

· le refus par le salarié d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, si le salarié est informé moins de trois jours au préalable et s'il refuse d'accepter un changement dans la répartition de la durée de travail non prévu au contrat, mais aussi si une modification dans la répartition de la durée du travail prévue dans le contrat n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'enseignement scolaire ou supérieur ou avec une autre activité professionnelle ;

· le régime des coupures : l'interruption d'activité dans la journée est limitée à une coupure d'une durée de deux heures, sauf si une convention ou un accord collectif étendu le prévoit expressément ;

· le droit au temps partiel familial : le passage à temps partiel est de droit pour le salarié s'il le demande dans certains cas : congé parental d'éducation, congés en cas de maladie, accident ou handicap grave d'un enfant, ou accompagnement d'un proche en fin de vie.

Par ailleurs, les salariés qui en font la demande peuvent bénéficier d'une réduction de la durée du travail sur une ou plusieurs périodes en raison des besoins de leur vie familiale, par exemple, à l'occasion des congés scolaires. Dans ce cas la durée de travail est fixée dans la limite annuelle du travail à temps partiel ;

· le passage du temps plein au temps partiel et du temps partiel au temps plein : les salariés à temps partiel, qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps complet, ont priorité pour l'attribution de l'emploi. L'employeur doit porter à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.

Ces modifications encadrent désormais le temps partiel et s'inscrivent dans le nouveau contexte des 35 heures. Elles répondent au double souci de protéger le salarié d'une flexibilité excessive des horaires et de répondre à ses aspirations de temps partiel choisi, notamment pour raison familiale.

- Des dérogations dans le cadre d'accords collectifs

Les dérogations ou aménagements de ces dispositions, que les employeurs peuvent être amenés à mettre en œuvre pour plus de flexibilité, doivent l'être dans le cadre de convention ou accord collectif de branche étendu, ou dans certains cas d'accords d'entreprise, moyennant des contreparties.

Il en est ainsi :

· du délai de prévenance, qui de 7 jours peut-être réduit à 3 jours ;

· du nombre d'heures complémentaires, dont le volume peut être augmenté jusqu'à un tiers de la durée du contrat, avec cependant majoration de 25 % des heures effectuées au-delà du dizième de la durée prévue au contrat ;

· du régime des coupures dans la journée (plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures au cours de la même journée) ;

· de la mise en place du temps partiel modulé sur tout ou partie de l'année.

Les contreparties mises en œuvre sont diverses. Il peut s'agir d'une majoration forfaitaire du salaire, de la garantie d'un nombre minimal d'heures de travail pour chaque séquence de travail ou de la garantie d'un horaire contractuel minimal.

- Des dérogations dans le cadre d'accords d'entreprise

La loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social prévoit que des accords d'entreprise ou d'établissement pourront déroger, comme les conventions et accords collectifs de branche étendus, à ces mêmes dispositions de la réglementation du temps du travail à temps partiel.

2. La suppression des incitations financières

A cet encadrement rigoureux, s'ajoute la suppression des incitations financières. La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a supprimé l'abattement de 30 % des cotisations patronales pour les nouveaux contrats à temps partiel, à partir du 1er janvier 2001 dans les entreprises de plus de 20 salariés et à partir du 1er janvier 2003 pour les entreprises de vingt salariés et moins, cette date ayant été repoussée au 1er juillet 2005.

Les contrats en cours continuent à bénéficier de ces abattements.

L'ensemble de ces dispositions a entraîné pour les employeurs la perte d'avantages importants : avantages financiers et marges de flexibilité. Comme il est souligné dans l'étude « Le temps partiel à l'épreuve des 35 heures » (DARES, 2004), les évolutions récentes montrent bien un « changement de cap », c'est-à-dire le passage à un système qui n'est plus incitatif pour les employeurs, et qui souhaite privilégier l'aspect « choix » des salariés sur celui des employeurs, dissociant ainsi nettement le temps partiel de la réduction collective du temps de travail.

3. Les effets des 35 heures sur le temps partiel

Le cadre de la négociation collective est obligatoire pour fixer les modalités de la réduction du temps du travail et obtenir les aides financières de l'État. Le traitement du travail à temps partiel n'est pas obligatoirement inclus dans les négociations. Ce sont donc les partenaires sociaux qui ont déterminé les conséquences de la réduction du temps de travail sur le travail à temps partiel des salariés.

Pour la période la plus récente, la progression du temps partiel s'est globalement ralentie. Après avoir baissé de 1999 à 2002, la part du temps partiel a légèrement augmenté de 2003 à 2004, diminuant dans certains secteurs (commerce, services aux entreprises), mais augmentant dans d'autres (services aux particuliers, éducation, santé, action sociale).

La part du travail à temps partiel dans les entreprises ayant réduit la durée du travail diminue principalement en raison du statut des nouveaux salariés embauchés, qui sont plus fréquemment à temps complet, et du passage au temps plein de salariés à temps partiel.

Dans ces entreprises passées à 35 heures, le sort des salariés à temps partiel a été très variable, selon Mme Jennifer Bué, chargée d'études à la DARES, entendue par la Délégation, qui a différencié trois situations, selon les modalités d'intégration - ou non - des temps partiels dans la réduction collective du temps de travail.

Dans un premier cas, les travailleurs à temps partiel ont eu le choix entre plusieurs possibilités :

- passer à temps complet : les travailleurs quittent alors leur statut de salariés à temps partiel et adoptent le statut du temps complet.

D'après l'enquête Emploi de l'INSEE de mars 2000 et 2001, calculs DARES, couvrant le champ des salariés concernés par la loi du 19 janvier 2000, 18 % des salariés à temps partiel en mars 2000 sont passés à temps complet en mars 2001, 68 % restant à temps partiel (5 % devenant chômeurs et 9 % inactifs).

Il s'est agi principalement de salariés à temps partiels « longs », dont la durée hebdomadaire était supérieure à 29 heures.

- garder leur temps de travail antérieur ou augmenter leur temps de travail antérieur, mais sans passer à temps complet ;

- enfin, réduire leur temps de travail de la même manière que les temps complets.

Dans un deuxième type de situation, les employeurs n'ont pas laissé le choix aux temps partiels qui ont été traités comme les temps complets, « ce qui en général ne les arrange pas, car s'ils sont intégrés dans la RTT, leur temps de travail est réduit, alors que souvent ils voudraient l'augmenter », a précisé Mme Jennifer Bué.

Dans un troisième cas, les salariés à temps partiel qui n'ont pas eu le choix, ont été exclus du processus de réduction du temps de travail. Ces travailleurs, n'ayant pas eu de réduction du temps de travail avec maintien du salaire, ont continué à travailler le même nombre d'heures, avec le même salaire, ce qui a entraîné une inégalité de traitement, avec les temps pleins et avec les autres temps partiels. Cette situation a surtout concerné les salariés à temps partiel d'embauche.

II. DES PRATIQUES DE TEMPS PARTIEL TRÈS HÉTÉROGÈNES SELON LES SECTEURS D'ACTIVITÉ ET LE STATUT PROFESSIONNEL

A. LE TEMPS PARTIEL PAR ACTIVITÉ DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Sur près de 11 millions de femmes actives, on compte près de 30 % de femmes à temps partiel, soit plus de 3,2 millions. Elles sont très nombreuses dans certains secteurs d'activité.

Les plus fortes proportions de femmes travaillant à temps partiel concernent les secteurs suivants :

- santé et action sociale : près de 40 % sur près de deux millions de salariées, soit environ 640 000 femmes ;

- services personnels et domestiques : près de 56 % sur 725 000 salariées, soit environ 405 000 femmes ;

- commerce de détail et réparations : 36,7 % sur près d'un million de salariées, soit environ 360 000 femmes ;

- éducation : plus de 26,2 % sur 1,2 million de femmes, soit environ 310 000 femmes ;

- administration publique : 27,7 % sur plus d'un million de femmes, soit environ 303 000 femmes ;

- services opérationnels : 32,3 % sur 529 000 salariées, soit environ 170 000 femmes ;

- hôtels et restaurants : 37,7 % sur 378 000 salariées, soit environ 140 000 femmes.

Les gros bataillons de femmes travaillant à temps partiel sont fournis notamment par la santé et l'action sociale, les services personnels et domestiques, le commerce, l'éducation et l'administration publique.

Deux secteurs d'activité ont été particulièrement sur le devant de la scène ces dernières années, la distribution et la propreté. Leur développement économique rapide s'est accompagné parallèlement d'un fort accroissement des emplois à temps partiel féminins.

Le recours massif à ces emplois par les entreprises, comme ceux d'hôtesses de caisse (les caissières) ou de femmes de ménage, auxquels s'attache une image souvent négative, a été stigmatisé par les organisations syndicales comme responsable de précarité économique et sociale.

La Délégation a souhaité s'informer de la situation des femmes travaillant à temps partiel dans certains de ces secteurs, la grande distribution, le secteur de la propreté, l'hôtellerie-restauration et la fonction publique.

Concernant la grande distribution, la Délégation, qui a entendu M. Jérôme Bédier, président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), s'est rendu dans deux hypermarchés de la région parisienne, Carrefour-Bercy et Auchan-Val d'Europe, pour rencontrer les responsables et les personnels des magasins, en particulier les hôtesses de caisse.

1. La grande distribution : la recherche d'une meilleure organisation du temps partiel

- La féminisation du secteur

Le secteur de la grande distribution, de la supérette à l'hypermarché en passant par les supermarchés, les magasins discount et les cash and carry, est très féminisé. Les femmes représentent 61 % des effectifs, soit 383 700 personnes sur un effectif global de 625 000 personnes.

L'ensemble des salariés à temps partiel représente 36 % des effectifs, soit 223 100 personnes, chiffre en baisse d'un point par rapport à 2001. Si les hôtesses de caisse constituent la grande majorité de ces temps partiels, les femmes accèdent progressivement à des postes traditionnellement masculins et représentent aujourd'hui 37 % des agents de maîtrise et 26 % des cadres.

- Une nouvelle conception du travail à temps partiel : vers un mini temps plein

La convention collective de la grande distribution, qui a inspiré les dispositions sur le temps partiel de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, est innovante, tant en matière d'horaires hebdomadaires que d'organisation du travail.

Initialement, le minimum d'heures des contrats a été fixé à 22 heures par semaine, de telle sorte que les salariés qui le souhaitaient puissent exercer une autre activité professionnelle. Cependant, a souligné M. Jérôme Bédier, compte tenu du souhait des salariés et des pressions des syndicats, le temps partiel est devenu aujourd'hui plutôt un mini temps plein. Les grandes enseignes du secteur, soucieuses de leur image et de la qualité du dialogue social, ont accepté d'aller jusqu'à 30 heures par semaine.

Certaines enseignes plus petites étant encore aux 22 heures avec des systèmes d'heures complémentaires, pour l'ensemble des salariés du secteur l'horaire moyen en 2002 s'établissait à 26,5 heures, en augmentation de quatre points par rapport à 1998 (22,5 heures).

Pour les salariés qui sont en modulation afin de pouvoir tenir compte des périodes de forte chalandise, l'horaire de 26 heures hebdomadaires est complété par une modulation de plus ou moins quatre heures.

L'organisation de la journée a été étudiée de façon qu'il ne puisse y avoir de durée de travail inférieure à trois heures. La coupure est au maximum de quatre heures, lorsqu'il y a fermeture du magasin à la mi-journée, et, si l'établissement reste ouvert toute la journée, de trois heures, dans la limite de deux fois par semaine et de deux heures les autres jours. Des accords d'entreprise peuvent, par dérogation, fixer des durées plus courtes.

M. Jérôme Bédier a reconnu que le problème des coupures est le plus difficile à gérer, particulièrement en région parisienne, les salariés étant dans l'impossibilité de rentrer chez eux à la coupure du déjeuner. Se pose avec acuité le problème des transports pour ces salariés, en l'absence d'un réseau de transport établi en liaison avec les commerces.

Dans des magasins de moindre taille, supermarchés et supérettes, de bonnes conditions sociales sont plus difficiles à organiser. Toutefois, face à la revendication des supermarchés de ne pas être soumis à la même convention collective que les hypermarchés, il a été décidé, au plus haut niveau, de garder la même convention collective pour les deux, de manière à ne pas créer un système à deux vitesses.

Les salariés à temps partiel ont le plus souvent des contrats à durée indéterminée avec la protection sociale qui s'y attache. Les contrats à durée déterminée ne sont pas autorisés, sauf si des raisons spécifiques le justifient (remplacements par des étudiants, principalement en périodes de vacances ou de fêtes).

- L'évolution du métier d'hôtesse de caisse

La Délégation a visité deux hypermarchés, l'un en zone fortement urbanisée (Carrefour-Bercy) l'autre en zone « rurbaine » (Auchan à Val d'Europe), afin de s'informer sur les conditions de travail des personnels, en particulier les hôtesses de caisse, métier certainement le plus symbolique de la distribution comme du travail à temps partiel.

Le passage de la dénomination de « caissière » à celle d'« hôte et hôtesse de caisse », à partir de 2001, traduit une évolution valorisante du métier, du simple encaissement au rôle d'accueil et d'aide au client.

Si les effectifs sont très majoritairement féminins, on voit apparaître des hommes : les hôtes de caisse, souvent des étudiants, qui acceptent plus facilement des horaires atypiques, assurent les fermetures du soir, les fins de semaine et les remplacements.

L'enjeu du secteur « caisse » pour le magasin est primordial, car il se situe au point névralgique de l'accueil du client, dont il faut répondre à l'attente de rapidité et de fluidité. Le management doit prévoir les flux de clientèle pour la semaine, la journée (flux importants le matin, le soir jusqu'à 22 heures et le samedi) et y répondre en décidant du nombre de caisses à ouvrir, du planning à établir et du nombre d'hôtesses nécessaires, en tenant compte des horaires pour chacune et de la modulation possible.

L'organisation du travail en « îlot de caisse » apporte une solution particulièrement intéressante.

L'îlot de caisse, au Carrefour Bercy, est composé sur la base du volontariat, d'environ 25 hôtes et hôtesses, aux profils différents (célibataires, mères de famille, étudiants). Il reçoit du chef de caisse le planning et les contraintes prioritaires. Au-delà des horaires fixes, chacun positionne ses horaires modulables et le choix du jour de repos en fonction de ses préférences personnelles communiquées à l'avance. Un animateur négocie les aménagements nécessaires pour respecter le planning.

Les îlots de caisse ont le grand avantage de motiver les hôtesses, plus autonomes dans l'organisation de leur travail, de créer un climat de solidarité et, en diminuant l'absentéisme, de fidéliser le personnel. Ils permettent aussi de mieux lutter contre le turn-over, élevé dans les trois premières années ; mais ils ne sont envisageables que dans les très grandes surfaces. Les hôtesses rencontrées par la Délégation se sont déclarées satisfaites de cette nouvelle organisation du travail.

Le temps partiel imposé à l'embauche permet ainsi de faire intervenir une certaine dose de temps choisi, dans les limites du planning collectif.

- La polyvalence

Il n'en reste pas moins que le travail en caisse demeure fatiguant et stressant. Il faut prendre sur soi, affronter l'agressivité des clients, demeurer vigilante sur les prix, les produits périmés, les négligences, le contrôle des billets, etc. Même si l'ergonomie a permis d'améliorer les postes de travail, demeurent des risques de maladies professionnelles (troubles musculo-squelettiques), le niveau du bruit, les courants d'air, la monotonie des gestes répétitifs...

La pénibilité du métier a diminué, mais elle ne permet pas toutefois de l'exercer à temps plein. Aussi, pour répondre aux souhaits des personnels de travailler à temps plein et lui proposer d'autres perspectives, les enseignes mettent-elles en oeuvre la polyvalence, qui offre aux hôtesses un complément d'heures, suivant leurs compétences, comme employées en rayon, employées chargées de l'accueil, d'un point « services », ou encore de l'encaissement de certains produits (multimédia). Les 25 heures en caisse sont alors complétées par 10 heures en polyvalence.

La formation et la promotion professionnelle peuvent permettre également aux hôtesses de progresser à l'intérieur de l'entreprise. Les hôtesses de caisse sont recrutées sur un contrat de qualification qui requiert certaines compétences et implique une formation de la part de l'entreprise. On ne fait pas cependant carrière à la caisse, considérée comme un emploi de passage. C'est par la polyvalence que le personnel va pouvoir accéder à d'autres métiers du magasin et à la promotion interne. Environ 10 à 15 % des personnels dans les grandes surfaces passeraient chaque année de la caisse vers un autre poste dans le magasin. C'est une tendance de fond souhaitée dans l'ensemble par le personnel.

Pour répondre toujours plus aux besoins des clients, qui veulent passer rapidement à la caisse et aux horaires qui leur conviennent - de plus en plus tardivement en soirée -, des expériences d'automatisation des caisses ont vu le jour ces dernières années. Ces nouvelles technologies « self scanner » ou « self check-out » confient au client détenteur d'une carte de fidélité le soin de scanner lui-même ses produits, le paiement s'effectuant ensuite soit avec un scanner portable, soit automatiquement à une caisse libre-service. Une hôtesse contrôle et assiste le client. Développées en Belgique et en Grande-Bretagne (en France, Super U à Lingoscheim), ces procédés qui assurent la fluidité et la fidélisation de la clientèle, suscitent cependant des réserves quant à leur coût élevé et aux conséquences sociales sur le maintien des emplois d'hôtesses de caisse.

Il semble cependant que ce nouveau type d'encaissement, là où il est déjà implanté, n'est qu'un mode d'appoint et n'a pas eu véritablement d'impact sur l'emploi, les postes libérés permettant aux hôtesses d'être affectées à d'autres tâches d'accueil, de service et de contrôle. L'avenir de ces technologies en France est encore incertain, et il n'est pas sûr que le client, qui devra accomplir un effort supplémentaire, apprécie toute absence de contact humain dans le magasin.

2. Le secteur de la propreté : une forte expansion ; des contraintes spécifiques

Le secteur de la propreté, très hétérogène, emploie environ 350 000 salariés dans une majorité de petites entreprises (plus de 12 000). Les entreprises de plus de 250 salariés emploient cependant plus de la moitié des salariés de la profession.

Dynamique, la profession enregistre une croissance soutenue de 5 % par an, qui s'explique par la tendance des clients à externaliser de plus en plus les services de propreté. Les effectifs ont crû de 100 000 salariés en sept ans.

Les activités de propreté s'exercent principalement dans le secteur tertiaire (bureaux, administrations, gares, aéroports, transports) et dans des milieux sensibles (agro-alimentaires, hôpitaux, laboratoires pharmaceutiques, industries électroniques, milieu nucléaire...). La branche s'ouvre depuis quelques années aux « services associés » de plus en plus divers (maintenance, accueil du public, déménagement, gestion du bâtiment...), offrant aux salariés de nouvelles tâches plus qualifiées, des possibilités de formation, de promotion et d'augmentation du temps de travail.

La Délégation a entendu M. Yann Gaudronneau, président de la commission sociale de la Fédération des Entreprises de Propreté (FEP), représentative de la profession, puis M. Bernard Chave, directeur des ressources humaines du groupe ISS, leader français de la propreté, spécialisé dans l'offre multiservices aux collectivités et aux entreprises.

- Une activité de main-d'œuvre qui emploie de très nombreuses femmes, agents de service à temps partiel

Pour l'ensemble de la branche, d'après les chiffres de la FEP, les agents de service représentent plus de 90 % du personnel, aux deux tiers féminin. 70 % de ces agents travaillent à temps partiel. En 1999, 77,4 % des femmes étaient à temps partiel et 43,6 % des hommes, ce qui représente une forte proportion par rapport à d'autres secteurs.

Chez ISS, le temps partiel, entre 1999 et 2003, a augmenté de 50 % dans l'ensemble du groupe, notamment en raison du rachat d'entreprises comportant déjà un nombre important de travailleurs à temps partiel. Il est aussi principalement féminin, aux deux tiers (21 366 femmes sur près de 30 000 salariés).

- De faibles durées hebdomadaires de travail et des horaires décalés : les « travailleurs de l'ombre »

Une des caractéristiques du temps partiel dans cette branche est la faible durée hebdomadaire du travail. En 2002 :

- 31,6 % des salariées travaillaient de 20 heures à 25 heures ;

- 4,5 % des salariées travaillaient de 26 heures à 29 heures ;

- 15 % des salariées travaillaient de 30 heures à 32 heures.

Ces faibles prestations s'expliquent par l'intervention du travail dans des plages horaires « décalées » et de courte durée en raison des exigences des clients : le travail doit être effectué en dehors des heures de bureau. C'est le cas par exemple de l'Assemblée nationale ou du Parlement européen, dont ISS assure la propreté.

Il n'est pas de tradition que les agents de service interviennent dans la journée, comme c'est souvent le cas dans les pays du Nord ou les pays anglo-saxons.

Le travail est donc effectué par les « travailleurs de l'ombre » évoqués par M. Yann Gaudronneau, sur un très court laps de temps, entre 6 heures et 9 heures du matin, 18 heures et 21 heures le soir, pour tenir compte des impératifs de transport (ouverture du métro à 5 h 30) et de sécurité (mise sous alarme des bâtiments à 21 heures).

Selon M. Yann Gaudronneau, les entreprises seraient prêtes à intervenir sur des créneaux horaires différents (des vacations de six heures, par exemple, au lieu de trois) si les clients acceptaient des interventions dans la journée. Cela serait bénéfique pour les travailleurs à un double titre : création d'un lien social avec les autres travailleurs et contacts avec les clients, horaires mieux adaptés à une vie personnelle.

En province, le travail s'effectue souvent sur de micro-sites (agences bancaires, bureaux de poste) qui exigent peu d'heures, mais posent de difficiles problèmes de transport, comme l'a expliqué Mme Christine Constantin, responsable de l'agence de Bourgogne-Franche-Comté du groupe ISS. Il en résulte une grande insatisfaction des salariés à temps partiel, qui pour plus de 50 % d'entre eux souhaitent travailler davantage et principalement à temps complet.

- Travailler davantage : le phénomène « multi-employeurs » et le problème des heures complémentaires

Dans le souci d'améliorer la situation des salariés à temps partiel dans la branche, les partenaires sociaux ont instauré une obligation du respect d'une durée minimale d'emploi de 10 heures par semaine, du paiement d'une vacation minimale d'une heure et d'une priorité d'accès pour les salariés à temps partiel qui souhaitent obtenir un complément d'horaire ou un emploi à temps plein.

Pour compenser le déficit d'heures, de nombreux salariés à temps partiel cumulent plusieurs contrats à temps partiel avec des employeurs différents. C'est le phénomène des « multi-employeurs ».

Certaines femmes n'assurent que trois heures par jour, ce qui leur permet d'avoir un bulletin de salaire et une couverture sociale. Ces personnes font ensuite des travaux ménagers chez des particuliers, avec une grande flexibilité d'horaires et parviennent pratiquement à un temps complet.

De nombreux salariés à temps partiel travaillent pour plusieurs sociétés, le matin et le soir, voire dans la journée pour des particuliers, allant parfois jusqu'à dépasser la durée légale du temps de travail.

D'autres salariés sont par ailleurs demandeurs d'heures complémentaires, mais répondre à leur demande se heurte à deux types de difficultés.

Aux termes de la convention collective, lorsque l'entreprise prend un nouveau chantier, il y a continuité du contrat de travail chez le nouveau titulaire du marché, le personnel reste donc sur place et il n'y a pas forcément de nouvelles heures à distribuer. Pour grossir le nombre d'heures de travail, certaines entreprises redistribuent les heures dégagées par les arrêts maladie ou différents congés.

Les entreprises, cependant, demeurent réticentes à accorder des heures complémentaires, en raison de la majoration de 25 % de ces heures au-delà du dixième de la durée initiale des contrats, alors que les heures effectuées par un salarié en contrat à durée déterminée ne sont majorées que de 10 %. Economiquement, a estimé M. Yann Gaudronneau, l'employeur aura intérêt, en cas de vacance d'un emploi, à prendre un contrat à durée déterminée plutôt que de donner des heures supplémentaires à un agent de service qui l'aurait souhaité. A son avis, la majoration de 25 % a un effet pervers parce que, n'étant pas négociable par convention ou accord de branche, elle contraint l'entreprise à recourir aux contrats à durée déterminée, au détriment des temps partiels, même si le coût des heures complémentaires est censé compenser celui de la précarité.

- Une formation innovante

La FEP mène une action de formation innovante dans le but d'alphabétiser un certain nombre de salariés du secteur propreté, qui ne maîtrisent pas les acquis de la lecture et de l'écriture.

L'organisme collecteur agréé (le « FAF propreté ») coordonne à cet effet une action de « formation aux écrits professionnels », dispensée sur 150 à 200 heures, dont le but est de permettre aux salariés de déchiffrer sur les chantiers les écrits professionnels (plannings, modes d'emploi, etc.), démarche indispensable dans la recherche de l'efficacité exigée par le client. Des ateliers pédagogiques individualisés ont été mis au point, pour tenir compte de la très grande diversité de niveau, d'origine et de culture des salariés. Jusqu'à présent vingt-huit groupes d'une dizaine de salariés ont été constitués leur permettant d'acquérir des connaissances linguistiques de base.

3. Un secteur atypique : les hôtels et restaurants

Le secteur des cafés-hôtels-restaurants-discothèques (CHRD) compte 850 000 actifs dont 660 000 salariés. Selon M. André Daguin, président confédéral de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), entendu par la Délégation, le temps partiel est « perturbé » dans cette branche : « Pour nous, les temps partiels, ce sont des « extras », c'est-à-dire des personnes qui viennent pour une occasion. Le temps partiel institutionnalisé existe assez peu dans notre secteur, puisque nous sommes plutôt en pénurie d'emplois. Nous ne refusons jamais de passer un salarié au plein emploi, nous cherchons des salariés supplémentaires ». Le secteur des CHRD est en effet en croissance rapide avec la création de 110 000 emplois au cours des dix dernières années.

Les femmes représentent 50 % des salariés et 50 % des temps partiels, car ce sont des métiers où hommes et femmes sont également sollicités.

Pour M. André Daguin, le temps partiel dans ces entreprises est vraiment un temps choisi et souvent le temps partiel est préféré par le personnel, particulièrement en province, où les femmes préfèrent travailler deux heures le midi et deux le soir, avoir du temps libre dans la journée et une longue coupure, le transport n'étant pas pour elles un inconvénient.

La durée hebdomadaire du travail a fortement diminué, passant de 42,4 heures en 1982, à 36,4 heures en 2000 et 32,2 heures pour les femmes. Les extras et les saisonniers cependant, sur de courtes périodes, dépassent les horaires légaux et gagnent plus que des temps complets. Afin de combler les périodes d'inactivité hors saison, la profession négocie avec les syndicats la possibilité de procurer aux salariés saisonniers une seconde saison et des périodes de formation.

B. LE TEMPS PARTIEL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Le travail à temps partiel dans la fonction publique recouvre deux réalités différentes, suivant qu'il s'agit de titulaires ou de non titulaires.

S'agissant des titulaires de la fonction publique d'État, qui sont recrutés par concours sur des emplois à temps complet (le recrutement direct de fonctionnaires à temps partiel étant interdit, sauf dans la fonction publique territoriale), le recours au travail à temps partiel a lieu sur demande de l'intéressé. Même si différentes contraintes (temps de transport, difficultés de gardes d'enfants,...) entrent en jeu, le travail à temps partiel des fonctionnaires titulaires est d'abord un temps choisi, voire même un temps partiel de droit.

Pour les non titulaires, il existe des recrutements d'agents contractuels à temps partiel, par exemple pour assurer un complément de service, ou pour remplacer une personne partie en congé de maternité. Ce temps partiel peut même être juridiquement annualisé. Ces personnels non titulaires sont dans une situation assez proche de celle des salariés du secteur privé.

Le développement qui suit sera centré sur les fonctionnaires et essaiera de faire ressortir les éléments particuliers de leur situation par rapport à celle des salariés du secteur privé.

1. Les effectifs à temps partiel

Une politique d'incitation au temps partiel a été entreprise dans la fonction publique depuis 1982 et a permis un accroissement sensible de cette modalité de travail, notamment pour les femmes.

Alors que dans la fonction publique d'État, seulement 2 % des agents titulaires travaillaient à temps partiel en 1982, leur proportion est passée à 5 % en 1985, 8 % en 1995, 9,5 %  aujourd'hui.

Dans la fonction publique d'État, 165 000 fonctionnaires sur 2 millions (9,5 % du total) travaillent à temps partiel. 152 000 d'entre eux (92 %) sont des femmes.

Le travail à temps partiel concerne donc 15,2 % des femmes de la fonction publique d'État et 1,7 % des hommes.

S'agissant des non titulaires, 88 000 d'entre eux ont un temps partiel ou incomplet, soit 33 % de l'ensemble des agents non titulaires de la fonction publique d'État. 55 000 d'entre eux (44 %) dont des femmes.

Dans la fonction publique d'État, les fonctionnaires sont donc proportionnellement moins nombreux que dans le privé à travailler à temps partiel (9,5 %) ; recrutés à temps complet, ils font une démarche spécifique de travail à temps partiel qui est parfois de droit (pour raisons familiales) ou parfois sur autorisation. Mais dans la pratique, le temps partiel demandé est rarement refusé.

Les non titulaires de la fonction publique d'État travaillent à temps partiel (33 %) dans des proportions analogues à celles des salariés du privé, mais il y a une plus grande proportion d'hommes parmi ces travailleurs à temps partiel par rapport au privé.

Une analyse plus fine de la situation montre pour les fonctionnaires des différences sensibles entre ministères.

Au ministère de l'Éducation nationale, il y a peu de travail à temps partiel : 80 000 femmes (soit 11,3 %). Cette situation s'explique par le fait que seul le mi-temps est possible pour les enseignants du premier degré. Il est cependant envisagé d'ouvrir les quotités autres que le mi-temps à ces personnels.

Dans les autres ministères, le travail à temps partiel est plus important : 72 000 femmes (25 %) des effectifs.

Ces données de fin 2002 sont en légère baisse par rapport à l'année 2000 (il y avait alors 27,5 % de femmes à temps partiel). La possibilité de bénéficier de jours de RTT, la souplesse de positionnement de ces jours expliquent pour une grande part cette diminution du recours au temps partiel : de nombreux fonctionnaires ayant des quotités de travail de 80 ou 90 % sont passés à temps plein.

Au total, la quotité de travail la plus demandée est celle de 80 % (un jour par semaine). Elle concerne 54 % des femmes et des hommes. Le mi-temps, seconde quotité la plus choisie, concerne 25 % des hommes et des femmes. Moins demandées sont les quotités de 90 % (11 %), 70 % (5 %) et 60 % (5 %).

Dans la fonction publique territoriale, qui compte beaucoup plus d'agents non titulaires, il y a plus d'agents à temps incomplet. Parmi les fonctionnaires territoriaux, 9,5 % sont à temps partiel (16 % de femmes et 1 % d'hommes), chiffres analogues à ceux des fonctionnaires d'État.

2. Les modalités du travail à temps partiel

Institué par la loi du 19 juin 1970, le temps partiel ne concernait à l'époque que le mi-temps.

Un cadre général permanent du travail à temps partiel a été institué par l'ordonnance du 31 mars 1982 qui a établit un droit au temps partiel. Les modalités de mise en œuvre du temps partiel ont été modifiées en dernier lieu par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et son décret d'application du 30 décembre 2003.

Deux situations de travail à temps partiel coexistent :

- Le temps partiel sur autorisation

Il s'agit d'une modalité de temps choisi, négociée entre l'agent et le chef de service, dont l'accord préalable est requis. Les nécessités du service peuvent justifier le refus d'une demande à temps partiel. Néanmoins, dans la pratique, rares sont les refus de temps partiel. Des discussions peuvent cependant avoir lieu sur la fixation de la quotité de travail retenu. Celle-ci est de 50 %, 60 %, 70 %, 80 % ou 90 % de la durée de service des agents à temps plein exerçant les mêmes fonctions. Quelques modalités particulières concernent :

. les instituteurs et professeurs des écoles dans le premier degré : seul le mi-temps est possible ;

. les comptables : seules les quotités de 80 % et 90 % sont possibles ;

. les personnels d'enseignement du second degré, dont la durée de service est aménagée de façon à obtenir un nombre entier d'heures hebdomadaires (entre 50 et 90 %).

- Le temps partiel pour raisons familiales

Il est de droit et automatiquement accordé à l'agent qui en fait la demande en raison de la survenance de certains évènements familiaux (naissance ou adoption d'un enfant - soins à donner à un conjoint, un enfant à charge ou un ascendant atteint d'un handicap, ou victime d'un accident ou d'une maladie grave). Les quotités de travail autorisées sont de 50 %, 60 %, 70 % ou 80 % (mais pas 90 %), alors que lors de sa création en 1994, seul le mi-temps était de droit pour raisons familiales.

Le bénéfice de ce temps partiel pour raisons familiales est subordonné à une affectation dans d'autres fonctions pour les personnels dont les fonctions comportent l'exercice de responsabilités qui ne peuvent être par nature partagées et de ce fait incompatibles avec un temps partiel.

3. Les avantages et inconvénients du temps partiel

Pour l'avancement et la promotion, les périodes de travail à temps partiel sont considérées comme des périodes de travail à temps plein.

En matière de formation les agents à temps partiel disposent des mêmes droits que les agents à temps plein. Le congé de formation leur est ouvert dans les mêmes conditions.

En matière de rémunération, le principe est celui d'une rémunération proportionnelle à la quotité de travail effectuée. Cela est vrai pour les quotités de 50 %, 60 % et 70 %. Ainsi, un fonctionnaire travaillant à mi-temps percevra 50 % de la rémunération d'un fonctionnaire à temps plein.

En revanche, depuis 1982, les quotités de 80 % et 90 % sont rémunérées respectivement 6/7e (85,7 %) et 32/35e (91,4 %).

Ces quotités d'une demi-journée ou d'une journée ont été favorisées pour éviter l'absentéisme lié aux enfants. On a constaté que les agents à temps partiel « rattrapent » leur journée perdue, ce qui est aussi une raison pour les payer davantage.

En ce qui concerne la retraite, le temps partiel est considéré comme du temps plein pour la constitution du droit à pension (c'est-à-dire pour l'acquisition de la condition de quinze années de service nécessaires pour obtenir une pension).

En revanche, le temps partiel est compté pour la quotité de service réellement effectué lors de la liquidation de la pension. (la retraite est donc proratisée en fonction du temps effectivement travaillé).

Enfin, pour le calcul de la décote qui peut affecter le fonctionnaire si sa durée d'assurance est inférieure au nombre de trimestres requis, le travail à temps partiel est compté comme un temps plein. Cette dernière mesure, mise en place par la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, est extrêmement favorable aux agents à temps partiel, qui auront plus de mal que les agents à temps plein à remplir les conditions d'assurance, notamment les femmes, qui sont les seules à interrompre leur carrière pour élever leurs enfants.

Deux mesures supplémentaires ont été introduites par la loi du 21 août 2003 qui favorise les travailleurs à temps partiel en leur permettant de constituer des droits à pension comme s'ils avaient travaillé à temps plein.

En cas de temps partiel sur autorisation et pour améliorer leur durée de liquidation les fonctionnaires peuvent demander à surcotiser pour la retraite sur la base du traitement d'un fonctionnaire à temps plein. Seule limitation : cette surcotisation ne peut avoir pour effet d'augmenter la durée de liquidation de plus de quatre trimestres.

En cas de temps partiel pour raisons familiales pris à la suite d'une naissance ou d'une adoption d'un enfant né ou adopté après le 1er janvier 2004, la période de travail à temps partiel sera prise en compte gratuitement (sans versement de cotisation sur la quotité non travaillée) pour les droits à pension. Cette prise en compte est limitée à trois ans. Cette mesure est extrêmement favorable aux femmes travaillant à temps partiel.

Le retour au temps plein peut s'effectuer sous deux formes :

- une réintégration anticipée est possible sous réserve d'un préavis de deux mois. Elle peut intervenir sans délai en cas de diminution substantielle des revenus du ménage ou de changement dans la situation familiale. Elle est toutefois subordonnée à la bonne organisation du service ;

- au terme de sa période à temps partiel, l'agent est réintégré dans son emploi d'origine ou, à défaut, dans un emploi conforme à son statut.

Même si les travailleurs à temps partiel, comme dans le secteur privé, mais certainement dans une moindre mesure, sont amenés à connaître des difficultés d'avancement et de promotion - notamment pour les
cadres -, ou de réintégration dans un emploi à temps plein, leur situation est très favorable en matière de rémunération (pour les quotités de 80 et 90 %) et a été considérablement améliorée en matière de retraite par la loi du 21 août 2003.

C. LES FREINS AU DÉVELOPPEMENT DU TEMPS PARTIEL DES CADRES

Le travail à temps partiel s'est principalement développé parmi les catégories non qualifiées : employés, ouvriers, personnels des services aux particuliers.

Il demeure relativement peu développé parmi la catégorie socioprofessionnelle des cadres et professions intellectuelles (professions libérales, cadres de la fonction publique, professeurs, professions de l'information et des arts, cadres d'entreprises), soit à peine 10 % en 2002.

Les cadres et ingénieurs d'entreprises à temps partiel, représentent environ 76 000 actifs, dont 75 % sont des femmes ; les cadres de la fonction publique à temps partiel représentent près de 24 000 actifs, dont près de 70 % de femmes.

D'après Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale du pôle protection sociale de la Confédération générale des cadres, entendue par la Délégation, « le temps partiel des cadres est souvent un temps choisi : 38 % des cadres à temps partiel l'ont choisi par rapport à un parcours de vie et à leur équilibre familial ».

Le choix cependant demeure difficile : le passage à temps partiel rencontre plusieurs types d'obstacles. En premier lieu, les réticences masculines au niveau du management : les femmes subissent un environnement masculin dans leur démarche de travail à temps partiel qui véhicule l'idée que pour être un cadre performant, il faut être très présent dans l'entreprise, cette présence sur de longues journées étant un symbole d'implication forte.

Une femme cadre à temps partiel ou à temps plein, préférera commencer une journée tôt le matin et finir tôt le soir, souvent pour s'occuper des enfants (la sortie de l'école, les devoirs, etc.). L'organisation du travail, au niveau de l'encadrement, ne prend pas en compte son organisation personnelle. D'où des dysfonctionnements dans le travail (réunions non prévues souvent tard le soir, impondérables...) et dans le système mis au point par la femme cadre pour concilier au mieux sa vie professionnelle et sa vie familiale, notamment pour faire garder les enfants.

Le passage à temps partiel entraîne presque automatiquement un ralentissement dans le déroulement de la carrière et un accès aléatoire aux postes de responsabilités. En effet, la période de temps partiel des femmes cadres se situe, en général, entre 30 et 40 ans, période critique où se joue généralement la carrière. Après 40 ans, le plan de carrière est pratiquement déterminé.

Quant à obtenir un poste de management, il semble que ce soit quasiment impossible pour une femme cadre dont le temps partiel est inférieur aux 4/5e, à moins d'accepter de revenir à temps plein.

Le problème de la charge de travail les pénalise également. Fréquemment le passage au temps partiel se fait, sans que ne soit revue la charge de travail et contraint la femme cadre, pendant ses jours de travail, à travailler plus alors qu'elle a un salaire moindre.

Afin d'éviter ces dérives du travail à temps partiel des cadres, l'organisation du travail dans l'entreprise doit être repensée, afin de réviser les critères d'efficacité des cadres, encore trop axés sur le temps de présence, et de mieux prendre en compte la vie de cadre dans sa globalité, dans le travail et hors travail.

Il faudrait obtenir que toute la carrière ne soit pas pénalisée par une parenthèse de travail à temps partiel (parfois d'une durée assez courte) et que les femmes cadres puissent retrouver ensuite un déroulement de carrière normal.

C'est toute une promotion et une valorisation du temps partiel qui devra être faite dans l'entreprise, en s'appuyant notamment sur le rapport annuel de situation comparée qui permet à partir des indicateurs pertinents un suivi du temps partiel. Une analyse des carrières, des rémunérations, de l'accès à la formation devrait permettre de faire ressortir les inégalités et engager des actions correctives.

III. VALORISER LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL

A. LE TEMPS PARTIEL ENTRE CHOIX, CONTRAINTE ET PRÉCARITÉ

1. L'opposition temps choisi/temps contraint

Les interlocuteurs de la Délégation ont tous souligné l'opposition entre temps partiel choisi et temps partiel contraint ou subi, correspondant à un choix ou non-choix du salarié et la précarité qui s'attache davantage au temps partiel subi.

Ces notions, cependant, doivent être utilisées avec précaution. La frontière est souvent floue entre l'une et l'autre catégorie de temps partiel et ces qualificatifs ne rendent pas toujours compte de la complexité des situations, de leur évolution dans le temps, des compromis acceptés et de l'intervention dans la décision du salarié de facteurs extérieurs à l'emploi. Par exemple, un travail à temps partiel, même d'embauche, acceptable à un moment donné, ne l'est plus forcément lorsque la situation personnelle du salarié s'est modifiée.

Pour identifier ces notions, deux sortes de critères sont généralement retenus.

S'agissant des catégories de temps partiel, il est souvent fait référence aux réponses des salariés à la question de l'enquête Emploi du temps de la DARES ainsi libellée :

Ce temps partiel :

vous a été imposé par l'employeur à l'embauche ;

- vous a été imposé par votre employeur alors que vous étiez à temps complet ;

- vous l'avez choisi vous-même pour vous occuper de vos enfants ;

- vous l'avez choisi vous-même pour d'autres raisons.

Les résultats de l'enquête Emploi du temps DARES-INSEE donnent des chiffres, assez anciens puisqu'ils datent de 1998, mais qui permettent néanmoins d'avoir une estimation de ces catégories :

Catégories de temps partiel

Temps partiel

% hommes

% femmes

% ensemble

« d'embauche »*

70

49

52

« choix enfants »

6

34

30

« choix autre »

24

17

18

* Cette catégorie comprend à la fois le temps partiel imposé à l'embauche et le temps partiel imposé après une embauche à temps complet, souvent lié à un plan social.

D'autres critères sont également retenus. L'enquête Emploi considère comme travailleurs à temps partiel contraint, les salariés qui déclarent vouloir soit passer à temps complet, soit travailler davantage. On estime à plus d'un tiers les salariés à temps partiel contraint, qui sont principalement les plus jeunes, employés sur des temps partiels courts et dans le secteur tertiaire (services aux entreprises, services aux particuliers, commerce).

Selon Mme Valérie Ulrich, chargée d'études à la DARES, « on observe aujourd'hui qu'environ un tiers des salariés à temps partiel aimeraient travailler davantage ; la plupart, soit 75 % d'entre-eux disent qu'ils aimeraient un temps complet ». Parmi ces salariés qui ne sont pas satisfaits de leur durée de travail, les trois-quarts visent donc le temps complet plutôt que simplement travailler davantage.

Mme Jennifer Bué, pour sa part, a estimé nécessaire de différencier le temps partiel d'abord selon le mode d'accès à cette forme d'emploi et ensuite selon les marges de manœuvre dans le choix de la durée du travail et de la répartition des heures travaillées.

- Le temps partiel par décision du salarié correspond à une modification du contrat de travail initial avec passage d'un temps complet à un temps partiel. Mais au sein même de cette catégorie, il convient de différencier l'initiative du salarié qui répond à des motifs divers (raisons familiales, activités personnelles, vie associative...) et le temps partiel incité par l'entreprise, pour des raisons économiques (difficultés économiques, restructuration et baisse des effectifs, alternative à un plan social, recherche d'une réduction de la masse salariale...). Le salarié qui demande une modification de son contrat de travail dans ce contexte peut difficilement s'y soustraire.

Le temps partiel sur décision du salarié, qui peut être choisi pour les enfants, ou choisi pour d'autres raisons, concernerait environ 50 % de salariés à temps partiel. Cependant, des facteurs socio-économiques liés à des contraintes extérieures à l'entreprise peuvent peser sur son choix, qui sera rarement un choix totalement libre. Interfèrent des éléments comme les insuffisances des modes de garde collectifs des enfants et le coût des systèmes de garde individuels, le poids du travail domestique, l'éducation des enfants.

Ces temps choisis pour enfants sont principalement le fait de femmes d'âge moyen (entre 35 et 55 ans), dont une sur quatre a au moins trois enfants et une sur six un enfant de moins de trois ans, avec une part importante de femmes-cadres et d'employées de la fonction publique.

Ils offrent généralement la possibilité d'un retour au temps complet. En effet, dans les accords sur le temps partiel, dans les entreprises ou dans l'administration, les salariés qui demandent un temps partiel ont, en effet, pratiquement toujours la possibilité de revenir à temps complet.

- Le temps partiel d'embauche concerne les salariés directement recrutés sur un temps partiel. Cette forme d'emploi est proposée par l'employeur lors du recrutement et ne relève donc pas de l'initiative du salarié. « Ce sont en majorité des salariés qui prennent un emploi faute de mieux», a souligné Mme Jennifer Bué. Selon l'enquête « Emploi du temps » de 1998, 52 % des salariés à temps partiel, soit plus de la moitié, sont embauchés directement à temps partiel.

Cette forme d'emploi peut correspondre parfois à une aspiration des salariés. C'est le cas des étudiants qui ne recherchent que des emplois à temps partiels afin de poursuivre leurs études. Ce peut être aussi le cas de femmes dans une démarche de réinsertion sur le marché du travail.

Cependant, les salariées à temps partiel d'embauche cumulent en général les difficultés : elles sont plus jeunes, moins diplômées, occupent des emplois peu qualifiés. Un tiers d'entre elles sont à la recherche d'un autre emploi. Elles appartiennent souvent à des ménages qui ont de faibles revenus.

- Un autre critère de différenciation des temps partiels tient à la marge de manœuvre dont disposent les salariés pour choisir la durée et les modalités de répartition du temps de travail dans la journée et la semaine. Pour Mme Jennifer Bué, cette distribution est d'importance : de nombreuses études qualitatives montrent que, lorsque les salariés ont des marges de manœuvre pour choisir l'organisation de leur temps de travail, cela a une grande incidence sur le vécu du travail et des horaires. Les horaires atypiques sont mieux acceptés, lorsque le salarié a des possibilités d'organiser ses horaires en fonction de sa vie personnelle.

- Le temps partiel subi diminue depuis 1998, d'après une enquête de la DARES (octobre 2001), après avoir fortement augmenté durant les années 90. De 1998 à 2001, la part des salariés à temps partiel souhaitant passer à temps complet est passée de 33,4 % à 28,5 % et dans le même temps, le nombre des salariés ne souhaitant pas travailler davantage a augmenté de 58,5 % à 63,1 %.

Cette amélioration est une conséquence de la réduction du temps de travail qui a permis un passage plus fréquent vers le temps complet : en 2001, un salarié à temps partiel sur cinq est à temps complet l'année suivante. Elle s'explique aussi par le fait que des salariés qui souhaitaient passer à temps complet ont pu néanmoins obtenir de travailler davantage. Les entreprises de la grande distribution favorisent le temps partiel long et des accords collectifs prévoient un seuil minimum d'horaires hebdomadaires.

2. La précarité dans les conditions de travail

Selon Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la Confédération française des travailleurs chrétiens, entendue par la Délégation, les salariées à temps partiel ont coutume de dire qu'elles payent leur temps partiel plusieurs fois : une fois par une rémunération moindre ; une deuxième fois par une retraite qui sera moindre ; une troisième fois, parce qu'elles font quasiment le même travail que si elles étaient à temps plein ; une quatrième fois, parce qu'elles n'ont pas le même déroulement de carrière que les employés à temps plein. L'accumulation de ces désavantages engendre une grande insatisfaction, évoquée par M. Gilbert Cette, professeur d'économie, entendu par la Délégation.

- Les rémunérations

La première cause d'insatisfaction tient aux rémunérations a souligné M. Gilbert Cette. « Les femmes à temps partiel qui veulent passer à temps plein sont peu rémunérées. Elles vivent une contrainte économique forte qu'elles subissent faute de mieux. C'est de la pauvreté difficilement vécue. »

Le salaire brut horaire, très majoritairement égal au Smic ou situé entre le Smic et 1,3 Smic, est fixé selon les règles des conventions collectives qui n'ouvrent pas la possibilité de différenciations sur des bases individuelles pouvant faire appel à la compétence ou à la qualification.

En 2001, d'après une étude de la DARES « Onze ans d'exonération de cotisations sociales pour l'embauche à temps partiel », plus de 80 % des salariés embauchés selon ce dispositif percevaient un salaire brut horaire inférieur à 1,3 Smic, dont la moitié un salaire brut horaire égal au Smic ; plus de 90 % des salariés percevaient un salaire brut mensuel inférieur à 1,3 Smic dont une grande majorité un salaire mensuel brut inférieur au Smic.

Les données sociales 2002 de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution font état pour les hôtes et hôtesses de caisse d'une fourchette de salaires annuels d'embauche de 13 700  € à 14 900  €.

Auchan, à titre d'exemple, décompte ainsi le salaire d'une hôtesse de caisse (niveau 2) travaillant 30 heures par semaine et ayant dix ans d'ancienneté au 1er janvier 2003 :

- 15 739 euros en forfait annuel brut,

- 749 euros en indemnité d'ancienneté,

- 490 euros en rémunération individuelle,

- 1 794 euros de prime de progrès,

- 1 642 euros au titre de la participation,

soit au total 20 414 euros de salaire annuel brut.

Lors de son audition devant la Délégation, Mme Annie Barbé, secrétaire fédérale de la Fédération générale de l'alimentation et du tabac de la CGT-FO, a tenu à présenter le bulletin de salaire d'une employée d'un hypermarché de Charente, d'un montant de 688  € net, pour un temps partiel de 24 heures hebdomadaires.

Les organisations syndicales entendues par la Délégation, ont dénoncé la situation précaire, liée aux bas salaires, des travailleurs embauchés sur des temps courts ou très courts et rémunérés sur la base du Smic horaire.

Comme l'a souligné Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, « les personnes cumulent... la difficulté d'être dans des emplois peu payés, au Smic, avec des salaires encore réduits du fait qu'elles sont à temps partiel ».

Les faibles rémunérations se conjuguent souvent avec d'autres difficultés tenant à la situation familiale, aux transports, aux problèmes de logement, particulièrement en banlieue parisienne.

La question de ce que l'on appelle le « deuxième salaire » est posée. Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la CGT-FO a souligné que : « Cela fait partie de notre inconscient collectif, de notre culture, de considérer que ce sont les femmes qui assument la charge de la maison. On parle d'un deuxième salaire, d'un salaire d'appoint. On ne le dit plus, parce que c'est politiquement incorrect. » Cependant cette notion demeure sous-jacente dans l'attitude des employeurs et des responsables ; l'idée persiste que ces femmes travaillent parce qu'elles ont un conjoint, qu'elles travaillent presque par choix, pour leur argent de poche.

Un certain nombre d'interlocuteurs ont soulevé les difficultés des familles monoparentales, de femmes ayant fait le choix d'un temps partiel durable et qui se retrouvent seules, chargées de famille, après une séparation ou un divorce.

Selon Mme Rachel Silvera, dans la majorité des cas, les femmes qui n'ont même pas 500 euros par mois, appartiennent à des ménages pour lesquels le salaire est vital, soit parce qu'elles sont à la tête d'une famille monoparentale, soit parce que leur conjoint est lui-même chômeur ou également en situation de pauvreté.

On peut essayer de cerner partiellement les situations familiales. Une étude réalisée en 2001 à la demande de la Fédération de la grande distribution (Evolution des postes d'encaissement dans la grande distribution alimentaire) dresse un profil des 15 000 hôtes et hôtesses de caisse (9 sur 10 sont des femmes). Chez Auchan, 52 % vivent en couple, 56 % ont des enfants à charge dont 22 % en foyer monoparental, soit un peu moins de 10 % de la population totale. Nous ne disposons pas d'informations sur le niveau de revenu des couples.

- L'organisation du travail

Autant que les rémunérations, ce sont les conditions de travail qui sont stigmatisées par les organisations syndicales, particulièrement dans certains secteurs comme la grande distribution.

La flexibilité qui conduit l'entreprise à s'adapter au plus près aux flux de la clientèle, variables selon les mois, les semaines, les jours de la semaine et les heures de la journée, impose au salarié à temps partiel des horaires atypiques : horaires tardifs, horaires irréguliers d'une semaine à l'autre, travail du samedi et du dimanche.

Les revendications portent principalement sur l'amplitude du travail dans la journée en relation avec les coupures, la mise au point du calendrier prévisionnel, les délais de prévenance insuffisants et la gestion des heures complémentaires.

Des règles précises concernant l'organisation des horaires de travail des salariés à temps partiel s'imposent à l'employeur qui dispose d'une marge de manœuvre limitée pour les fixer ou les modifier. Interrogé sur ce point lors de son audition par la Délégation, M. Jean-Marie Combrexelle, directeur des relations du travail, a répondu : « Concernant la problématique de la notification des horaires de travail et des délais de prévenance, il n'existe pas de remontées particulières des services et pas de contentieux significatifs. Toutefois, force est de constater qu'il existe sur ce point un arsenal juridique de protection forte, qui, à l'évidence, doit entrer en contradiction avec les exigences de flexibilité de l'entreprise. Il est probable qu'en réalité les salariés assument ces contraintes. »

Ceci renvoie à la situation des salariés dans certaines entreprises de la distribution ou du nettoyage, qui faiblement syndiqués, se voient contraints d'accepter des mobilités excessives. Mme Rachel Silvera a évoqué « des situations de chantage aux bons horaires », qui sont les horaires du matin ou du début d'après-midi : « pour passer à ces conditions, il faut d'abord avoir travaillé la fin de journée, les soirées, voire les week-ends. »

Avec la réduction du temps de travail comme outil d'amélioration de la situation de l'emploi, souligne la Direction des relations du travail, le temps partiel retrouve son rôle d'outil d'aménagement du temps de travail.

La loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social assouplit les conditions de dérogation au volume des heures complémentaires, au délai de prévenance et aux interruptions d'activité. Désormais, l'accès à ces dérogations sera autorisé par accord d'entreprise, alors que la loi du 19 janvier 2000 l'avait réservé à l'accord de branche.

Dans ces conditions, la présence syndicale dans les entreprises employant des salariés à temps partiel, en général peu syndiqués, prend toute son importance pour mener les négociations.

3. Une protection sociale insuffisante : le problème des retraites

Le faible niveau des retraites auxquelles peuvent prétendre les femmes qui ont travaillé à temps partiel a été unanimement dénoncé par les interlocuteurs de la Délégation. Il convient de rappeler que les femmes disposent d'un montant global brut de pension inférieur de 40 % environ à celui des hommes. Mais s'agissant des droits directs, l'écart est de 47 % ; s'il s'agit de carrières complètes, ce chiffre se monte encore à 33 %. Le temps partiel, souvent cumulé avec des périodes de chômage ou d'inactivité, influe directement sur ce différentiel de retraite.

Les règles actuelles de validation des droits à pension concernant les salariés du régime général tendent à pénaliser les temps partiels d'activité réduite et très réduite.

La durée d'activité à mi-temps, au-delà de 800 heures par an (16 heures hebdomadaires) permet de valider quatre trimestres par an, soit autant qu'une activité à temps plein. Les durées d'activité inférieures ne permettent de valider qu'un, deux ou trois trimestres, et en-dessous de 200 heures par an (4 heures par semaine), aucune validation n'est possible, alors que ces travailleurs versent des cotisations. Nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre de travailleurs effectuant moins de 200 heures par an. Ce que l'on sait, c'est que 4,4 % de la population active féminine travaille moins de 15 heures par semaine, soit près de 150 000 femmes.

Les femmes, arrivées sur le marché du travail à temps partiel dans les années 90, cumulant de faibles temps partiels et des périodes d'inactivité ou de chômage, parviendront à l'âge de la retraite dans vingt ou trente ans. Contraintes de travailler au-delà de soixante-ans et plus longtemps que les hommes, pour améliorer le niveau de leur retraite faute de carrières complètes, elles ne bénéficieront que de très faibles retraites, du minimum contributif ou de l'allocation de solidarité pour personnes âgées à partir de 2006.

Une deuxième disposition tend à désavantager les salariés à temps partiel du secteur privé, celle des modalités de calcul de la retraite sur la base du salaire annuel moyen des vingt-cinq meilleures années. Pour les salariés ayant travaillé de longues années à temps partiel et pour ceux qui ont eu une carrière incomplète, les périodes de temps partiel entreront dans le calcul du salaire annuel moyen et diminueront d'autant le niveau de la pension.

Le Conseil d'Orientation des Retraites avait souligné en 2002 ces difficultés : « Pour les salariés du secteur privé, la condition de durée pour avoir droit au taux plein avant 60 ans ne tient pas compte du temps partiel sauf pour des activités de très courte durée ou des niveaux de rémunération faibles (un mi-temps au SMIC pendant un trimestre civil suffit pour valider ce trimestre). Le salaire porté au compte pour le régime général est tributaire du temps partiel et peut influer sur le niveau de la pension s'il rentre dans les années servant au calcul du salaire annuel moyen, ce qui devient plus fréquent, le nombre des meilleures années prises en compte passant de 10 (générations 1933 et précédentes) à 25 (générations 1948 et suivantes). »

Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la C.F.T.C., a estimé que la possibilité pour les femmes travaillant à temps partiel de pouvoir cotiser pour bénéficier d'une retraite à taux plein, serait un « atout considérable » pour le temps partiel. Elle a ainsi évoqué l'accord sur le temps partiel négocié avec la Banque de France dans le cadre de plans sociaux. Sur cinq ans, le temps partiel était rémunéré 60  % et 70  % sur dix ans et l'entreprise acceptait de financer les trois-quarts de la retraite à taux plein, un quart restant à la charge du salarié, permettant ainsi à des personnes d'un certain âge de prendre un temps partiel et de toucher une retraite correcte.

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites (articles L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-24 du code rural), a apporté une possibilité d'amélioration, en permettant aux salariés déjà employés à temps partiel ou embauchés à temps partiel de compléter leurs droits en cotisant sur un équivalent temps plein, avec l'accord de l'employeur.

Sur ce point, Mme Annie Barbé a relevé le caractère illusoire de la mesure : étant donné leur faible salaire, les travailleurs à temps partiel ne pourront pas faire l'effort d'une cotisation supplémentaire.

B. VALORISER LE TRAVAIL À TEMPS PARTIEL

1. Le recours au temps partiel en Europe : une situation irréversible

Le travail à temps partiel en Europe, principalement féminin, est très répandu. La France, avec un taux de temps partiel de 16  %, se situe un peu en dessous de la moyenne européenne qui est de 18  %. La proportion de femmes à temps partiel (30 %) est également inférieure à la moyenne européenne (33,5 %). Il en est de même pour la part des hommes actifs à temps partiel (5 % et 6,5 % en moyenne européenne).

La situation du temps partiel est très contrastée suivant les groupes de pays :

- les pays de l'Europe du Sud sont caractérisés par un taux d'activité féminine inférieure à la moyenne européenne et un taux de temps partiel assez faible. Ainsi, en Italie et en Espagne, les taux d'activité des femmes à temps partiel sont de 16,9  % et 16,7  % ;

- les pays d'Europe du Nord, où les taux d'activité féminine sont supérieurs à la moyenne européenne et les taux de temps partiel élevés. Deux pays connaissent un développement particulièrement important du temps partiel : la Grande-Bretagne, où près d'une femme active sur deux est à temps partiel et les Pays-Bas où c'est le cas de deux femmes sur trois et d'un homme sur six.

Mme Rachel Silvera a rappelé, devant la Délégation, que les femmes aux Pays-Bas sont entrées beaucoup plus tardivement qu'en France sur le marché du travail, en raison d'un attachement fort de la société aux valeurs de la famille. Pour des raisons économiques, les femmes ont été incitées à travailler dans les années 80 afin de compléter les ressources du ménage. Les syndicats, très puissants, et les courants féministes ont relayé les revendications des femmes en faveur du temps partiel, dans le but de maintenir un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale.

De nombreux accords collectifs ont été conclus permettant aux femmes d'accéder au temps partiel choisi. D'après M. Gilbert Cette, professeur d'économie, à la question : « Voulez-vous travailler davantage ? », seulement 5  % des salariées à temps partiel néerlandaises répondent « oui ».

Deux lois récentes aux Pays-Bas, la loi sur le travail atypique et le temps partiel de février 2000 et la loi sur l'ajustement du temps de travail de juillet 2000, permettent aux travailleurs de réduire ou d'augmenter leur temps de travail sur une base individuelle, à partir d'une demande présentée à l'employeur avec un certain préavis. L'employeur ne peut pas refuser une demande de modification du temps de travail, sauf conséquences graves sur le fonctionnement de l'entreprise. Ces lois ont, semble-t-il, rencontré un vif succès auprès des travailleurs néerlandais et tendent à modifier la structure des revenus des ménages néerlandais, les hommes demandant une diminution du nombre d'heures de travail et les femmes une augmentation de leur durée de travail.

2. Valoriser le travail à temps partiel : des mesures pour lutter contre la précarité

Favoriser les temps partiels longs, le passage du temps partiel au temps plein et la réintégration dans le temps plein :

· Une des principales aspirations des salariées à temps partiels « d'embauche » est de pouvoir travailler davantage ou à temps complet, afin d'augmenter proportionnellement leur rémunération.

Pour répondre à ces revendications, les entreprises où le temps partiel est développé, en particulier dans la distribution, s'efforcent d'accroître la durée des temps partiels proposés, qui deviennent souvent des mini temps pleins. Certains accords, comme dans la propreté, proposent un nombre d'heures minimum dans les contrats.

· Par ailleurs, les dispositions du code du travail prévoient une priorité de passage du temps partiel au temps complet à la demande du salarié ou de réintégration dans un temps plein, lorsque se libère dans le même établissement ou la même entreprise un emploi équivalent, l'employeur devant porter à la connaissance de ces salariés la liste d'emplois disponibles correspondants.

Il importe de veiller au respect par l'employeur de cette priorité, valable aussi bien pour une création que pour une libération d'emploi à temps plein, afin de satisfaire des demandes, particulièrement dans des secteurs où le recrutement, en croissance rapide, devrait offrir des opportunités. Ces dispositions devraient être réaffirmées dans les accords de branche ou d'entreprise.

· Les femmes occupent rarement un travail à temps partiel durant toute leur vie professionnelle, ou sur de longues périodes. Généralement, le temps partiel, choisi ou non, est une étape, une période transitoire dans une vie professionnelle, correspondant au début de la vie professionnelle à une période d'insertion ou, dans le cours de la carrière, à un choix de vie lié à des raisons personnelles ou familiales. Etant donné les lourdes incidences du temps partiel sur la constitution des droits à retraite, une offre d'intégration ou de réintégration dans un emploi à temps complet devrait être systématiquement proposée par l'entreprise, après une période maximum (à déterminer) de travail à temps partiel.

Pour de meilleures retraites

· La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu pour les salariés à temps partiel du régime général et pour les salariés agricoles la possibilité de cotiser au titre de l'assurance vieillesse sur la base d'un salaire correspondant au temps plein, cette possibilité étant jusqu'alors réservée aux salariés embauchés à temps plein et passant à temps partiel. L'employeur qui doit donner son accord, prend en charge la cotisation d'assurance vieillesse supplémentaire.

Cet avantage risque de rester lettre morte, la faible rémunération du salarié à temps partiel ne lui permettant pas d'envisager un effort contributif supplémentaire et l'accord de l'employeur n'étant pas automatiquement acquis. Il conviendrait d'envisager :

- d'une part, la possibilité d'une prise en charge par l'employeur des cotisations patronales sur la base du temps plein, lorsque le salarié à temps partiel en fait la demande ;

- d'autre part, un soutien de l'Etat, sous forme d'un allègement des cotisations sur le supplément de cotisations qui en résulte.

· L'absence de prise en compte des activités à temps partiel de très faible durée par le régime général de sécurité sociale pénalise ces travailleurs, qui, bien qu'ayant cotisé, ne pourront prétendre à l'âge de la retraite qu'au minimum vieillesse ou à partir de 2006 à l'allocation de solidarité pour personnes âgées.

Il serait souhaitable de permettre aux salariés dont l'activité aura été inférieure au seuil de validation des droits à pension (200 heures par an), de capitaliser les cotisations versées sur les salaires perçus de façon à pouvoir bénéficier d'une validation des droits correspondants.

La validation des faibles durées d'activité leur permettrait, d'une part, de majorer d'autant leur durée d'assurance, donc d'atteindre plus facilement les 160 trimestres nécessaires, et, d'autre part, dans certains cas, de bénéficier d'une retraite propre, et non pas d'être contraints à demander à bénéficier du minimum vieillesse ou de l'allocation de solidarité.

La réforme des retraites, par l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, a consacré le droit des assurés à l'information sur leurs droits. Les salariés à temps partiel n'en sont pas exclus. Ces salariés, lors d'une embauche à temps partiel ou lors du passage d'un travail à temps plein à un travail à temps partiel, devraient être informés des conséquences du travail à temps partiel en matière de retraite.

Améliorer les rémunérations

Le niveau des rémunérations demeure le point noir du travail à temps partiel, particulièrement le travail à temps partiel imposé à l'embauche qui n'offre que des emplois rémunérés sur la base du Smic horaire.

Dans certains secteurs d'activité qui font appel de façon massive à ce type d'emploi, des accords collectifs devraient envisager des contreparties sous forme de compensations salariales. Ces contreparties sont d'autant plus justifiées que le salarié à temps partiel travaille avec plus d'intensité. D'après une étude américaine, citée dans le rapport du Conseil économique et social de 1997 sur le travail à temps partiel, un salarié travaillant à 6/10 n'aurait pas une productivité de 60  %, mais de 77 % et un salarié travaillant à 7/10 génèrerait une productivité de 87 %.

Modèle pourrait être pris sur le système du temps partiel bonifié de la fonction publique, ou sur des accords collectifs de certains grands groupes, qui ont accordé des bonifications aux temps partiels. Les améliorations salariales permettraient de rendre le temps partiel plus attractif, de fidéliser les salariés et d'atténuer la précarité.

Mieux connaître toutes les données du temps partiel et mieux informer sur le temps partiel

· On constate un manque de connaissances statistiques concernant le nombre d'années travaillées à temps partiel dans le parcours professionnel des salariés.

Afin de mieux évaluer leurs droits à la retraite et l'incidence de leurs années de travail à temps partiel, cette connaissance est indispensable. Elle devrait faire l'objet d'enquêtes spécifiques de la part de la DARES et de l'INSEE.

· Bien en amont, c'est à l'école, que les filles devront être mieux informées sur les carrières et l'organisation du travail dans certaines professions, l'orientation des filles se faisant encore aujourd'hui principalement vers un nombre réduit de carrière, très féminisées, filières de service ou filières médico-sociales, qui offrent une part importante des emplois à temps partiel.

- Réhabiliter le travail à temps partiel : le rôle capital de la négociation collective

Si les dispositions du code du travail relatives au travail à temps partiel qui protègent le salarié dans ses conditions de travail doivent être respectées sans faille, il est urgent aujourd'hui de conduire une réflexion sur de nouvelles organisations et améliorations du travail à temps partiel. Le rôle des partenaires sociaux dans la négociation collective est capital à cet égard.

Pour l'application de la loi du 19 janvier 2000, de nombreux accords collectifs, de branche ou d'entreprise ont pris en compte la dimension du travail à temps partiel et de grands groupes (Peugeot, Renault, Axa, Bred, Casino) ont signé des accords intéressants concernant le temps partiel, en particulier en matière de temps partiel choisi.

Mais aujourd'hui, c'est davantage du temps partiel imposé, dont il convient de se préoccuper afin de le valoriser et de lutter contre la forte insatisfaction qui l'accompagne.

Une approche plus qualitative du travail à temps partiel dans l'organisation du travail à l'intérieur de l'entreprise, devrait être mieux prise en compte. Pour de nombreuses salariées à temps partiel, ce qui importe n'est pas seulement d'ordre quantitatif, le nombre d'heures hebdomadaires, mais aussi qualitatif : une organisation des horaires dans la semaine qui soit compatible avec la vie familiale. Intégrer une part de choix dans des schémas collectifs permettrait de mieux répondre aux aspirations individuelles des salariées.

Le temps partiel n'étant souvent qu'une étape dans un parcours professionnel correspondant à un moment de la vie personnelle du salarié, il conviendrait de réfléchir à une meilleure organisation des carrières dans le temps, afin de ne pas laisser un salarié cantonné trop longtemps dans un travail à temps partiel précaire. La formation, à laquelle a droit tout travailleur à temps partiel, devrait notamment y contribuer.

Rendre le travail à temps partiel plus attractif, valoriser son image dans l'opinion est un enjeu considérable à long terme. A cet égard, l'amélioration des conditions de travail est essentielle, d'autant que le travail à temps partiel est irréversible et qu'il répondra de plus en plus aux aspirations individuelles de salariés appelés à travailler plus longtemps. Une forte sensibilisation des partenaires sociaux responsables de la négociation collective paraît indispensable pour donner aux travailleurs à temps partiel
- hommes et femmes - toute leur place dans le monde du travail.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes s'est réunie, le mardi 16 novembre 2004, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, pour examiner le présent rapport d'activité annuel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a d'abord évoqué les travaux de la Délégation durant l'année 2003 2004 : publications de rapports (suivi de la loi du 9 mai 2001 sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; actes du colloque sur l'égalité professionnelle ; réforme du divorce) ainsi que les activités européennes et internationales auxquelles ont participé des membres de la Délégation. Elle a ensuite présenté le thème d'étude annuel retenu par la Délégation pour l'année 2004, celui du travail à temps partiel.

Elle a souligné l'importance qu'elle attachait à ce thème, rappelant que la Délégation lors de l'examen des projets de loi portant réforme des retraites et du divorce, s'était inquiétée des difficultés qui risquaient de frapper les salariés travaillant à temps partiel au moment d'une rupture familiale ou d'un départ à la retraite. Craignant l'émergence de nouvelles poches de pauvreté et d'exclusion, la Délégation a souhaité s'informer davantage sur la situation des femmes travaillant à temps partiel au regard de leurs conditions de travail, souvent précaires, et de leur protection sociale en matière de retraite.

Elle a ensuite présenté l'ensemble des recommandations.

En ce qui concerne la première recommandation, elle a souligné la nécessité d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur les dangers de la précarité de cette forme de travail.

Une large discussion s'est engagée sur la deuxième recommandation, notamment sur la possibilité ouverte par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, de cotiser sur la base d'un temps plein, avec l'accord de l'employeur.

Mme Marie Jo Zimmermann, présidente, a souligné la difficulté de mise en œuvre de cette disposition, qui demande à la fois un effort du salarié et un effort de l'employeur. Afin que cette mesure ne reste pas illusoire, la recommandation envisageait, par accords collectifs, la prise en charge par l'employeur des cotisations patronales sur la base du temps plein, lorsque le salarié à temps partiel en fait la demande pour des raisons liées à sa vie familiale.

Mme Danielle Bousquet s'est interrogée sur la signification de cette référence à la vie familiale du salarié à temps partiel.

Mme Marie Jo Zimmermann, présidente, a évoqué les contraintes familiales particulières qui pèsent sur de nombreux salariés à temps partiel, principalement les femmes : contraintes liées aux enfants, mais aussi aux parents âgés. Dans ces cas, le travail à temps partiel est plus une obligation qu'un temps partiel de confort choisi pour des raisons personnelles.

Mme Danielle Bousquet a estimé ce critère trop restrictif parce qu'il cantonne les femmes dans des rôles familiaux. Elle a considéré que la possibilité de cotiser sur un temps plein devrait être ouverte à tous les salariés à temps partiel.

Par ailleurs, rappelant que les femmes, dans leur grande majorité, ne choisissent pas le travail à temps partiel, et évoquant l'inégalité de traitement existant entre le travail à temps partiel contraint et le travail à temps partiel choisi, elle s'est demandé s'il ne convenait pas de retenir un autre critère, celui du travail à temps partiel contraint.

Mme Nathalie Gautier a observé que les femmes à temps partiel, en général peu qualifiées, disposent de faibles salaires qui ne leur permettent pas d'assumer les frais de garde des enfants et qu'elles les considèrent davantage comme un complément de revenu. Elles se retrouvent dans des situations de précarité dont elles n'ont souvent pas conscience, en particulier au moment de la retraite.

Elle a également exprimé des réserves quant à la référence à la vie familiale, qui va automatiquement concerner les femmes. Tout en soulignant l'utilité sociale du travail à temps partiel, le rôle d'entraide qu'il permet de jouer entre les générations, elle s'est demandé si le critère des niveaux de rémunérations ou celui du critère du travail imposé ne pourraient pas plutôt être retenus.

Pour Mme Claude Greff, le travail à temps partiel peut, dans certains cas, être conçu comme un devoir ou un choix délibéré, permettant de venir en aide à la famille ou d'accompagner des proches. Il est légitime, à son avis, qu'en contrepartie soit envisagé une protection sociale spécifique. La disposition proposée permettrait ainsi de valoriser la référence à la vie familiale.

Mme Geneviève Levy, d'un point de vue pragmatique, a considéré suffisante la restriction proposée liée à la vie familiale

M. Patrick Delnatte a suggéré de laisser ouverte la possibilité d'allègement par l'Etat du supplément des cotisations sur la base du temps plein.

Mme Nathalie Gautier a fait remarquer que l'effort demandé aux travailleurs à temps partiel, étant donné leurs faibles salaires, sera très difficile, sauf si l'Etat accepte de le soutenir à 100 %.

Quant aux entreprises - professionnels du tourisme, grande distribution -, si elles trouvent un intérêt dans la flexibilité apportée par le travail à temps partiel, elles mènent aujourd'hui une réflexion sur les moyens de fidéliser les salariés à temps partiel par des efforts en matière de logements, de protection sociale, de formation.

Il est important également que l'on donne la parole aux femmes salariées à temps partiel, précarisées et peu syndiquées.

Selon Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, les travailleurs à temps partiel, en général, n'envisagent pas la possibilité de cotiser pour leur retraite sur la base du temps plein, car ils ne réalisent pas la précarité qui les attend, lorsqu'ils arriveront à l'âge de la retraite.

Au terme de la discussion sur la deuxième recommandation, elle a proposé - ce qui a été accepté - de supprimer la référence à la vie familiale et d'étendre à l'ensemble des travailleurs à temps partiel la possibilité offerte de cotiser sur la base d'un temps plein.

S'agissant de la sixième recommandation visant à limiter la durée excessive du travail à temps partiel dans le parcours professionnel des salarié(e)s, Mme Danielle Bousquet, tout en approuvant cette suggestion, a néanmoins souligné les difficultés qu'elle risquait de soulever dans les petites entreprises qui ont peu de postes à offrir. Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, lui a précisé que la formulation retenue n'avait pas de caractère contraignant.

Présentant la septième recommandation, Mme Marie-Jo Zimmermann a fait observer que les statistiques concernant le travail à temps partiel avaient besoin d'être affinées et actualisées.

A la dixième recommandation sur l'information des filles à l'école, Mme Danielle Bousquet a souhaité, s'agissant des filières féminines, que l'on précise les filières de service « aux personnes » et à la onzième recommandation que l'on ajoute, parmi les sujets de réflexion autour du travail à temps partiel, la prise en charge des personnes âgées.

La Délégation a ensuite adopté l'ensemble des recommandations, compte tenu des observations formulées et des modifications suggérées :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1. Le travail à temps partiel, après une forte progression depuis le début des années 90, s'est stabilisé depuis 2001. Fait économique difficilement réversible, il conduit souvent, malgré l'amélioration des conditions de travail apportées par la loi du 19 janvier 2000, de nombreux salariés à temps partiel - essentiellement des femmes - à des situations de précarité. Les pouvoirs publics devraient, d'une part, veiller à la bonne application des dispositions existantes du droit du travail et, d'autre part, dans un souci de meilleure cohésion sociale, apporter aux travailleurs à temps partiel une aide financière en matière de protection sociale.

2. La faiblesse des retraites perçues par les femmes
- inférieures de plus de 40 % à celle des hommes - s'explique par des carrières souvent incomplètes et moins bien rémunérées. Dans le secteur privé, les années travaillées à temps partiel pénalisent les femmes, dès lors qu'elles entrent dans les 25 meilleures années prises en compte pour le calcul de la pension.

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu, pour les salariés du secteur privé à temps partiel, la possibilité de cotiser sur un temps plein, avec l'accord de l'employeur. Afin que cette disposition ne reste pas illusoire, il conviendrait que les accords collectifs prévoient la prise en charge par l'employeur des cotisations patronales sur la base du temps plein, lorsque le salarié à temps partiel en fait la demande. Une contribution financière pourrait être apportée par l'Etat sous forme d'un allégement du supplément des cotisations qui en résulte.

3. L'absence de prise en compte des activités à temps partiel de faible durée par le régime général de sécurité sociale pénalise ces travailleurs, qui, bien qu'ayant cotisé, ne pourront prétendre à l'âge de la retraite qu'au minimum vieillesse. Il serait souhaitable de permettre aux salariés dont l'activité aura été inférieure au seuil de validation des droits à pension, de capitaliser les cotisations versées sur les salaires perçus de façon à pouvoir bénéficier d'une validation des droits correspondants.

4. Dans le secteur privé, les accords de branche pourraient préconiser en faveur des travailleurs à temps partiel, rémunérés au SMIC horaire, une contrepartie sous forme de compensation salariale qui permettrait de valoriser le temps partiel, de fidéliser les salariés et de lutter contre la précarité.

5. De nombreux salariés à temps partiel souhaitent pouvoir travailler à temps plein. La reconnaissance dans l'entreprise ou l'établissement d'une priorité pour l'attribution d'un emploi équivalent à temps plein est une revendication majeure. Cette priorité inscrite dans le code du travail doit être respectée par l'employeur. Elle doit être valable pour une création d'emploi à temps plein, comme pour une libération d'emploi, et réaffirmée dans les accords collectifs de branche ou d'entreprise.

6. Les femmes travaillent de plus en plus longtemps et l'activité à temps partiel n'est souvent qu'une étape dans leur carrière. Pour éviter que les salariés ne restent trop longtemps à temps partiel, ce qui les pénalise fortement dans la constitution de leurs droits à retraite, une offre de réintégration dans un emploi à temps plein devrait leur être proposée, après une période maximum de travail à temps partiel à déterminer.

7. Dans ce but, une meilleure connaissance statistique de la part du temps partiel dans le parcours professionnel des salariés est indispensable et devrait faire l'objet d'enquêtes spécifiques de la part de la DARES et de l'INSEE.

8. Les salariés lors d'une embauche à temps partiel ou lors du passage d'un travail à temps plein à un travail à temps partiel doivent être informés des conséquences de ce mode de travail en matière de retraite.

9. Dans certaines activités, comme la grande distribution, les amplitudes d'horaires hebdomadaires devraient être mieux organisées et encadrées, dans le souci du respect de la personne. L'organisation du travail en îlots de caisse, qui donne aux hôtesses de caisse une certaine autonomie dans l'aménagement de leur travail, devrait être favorisée.

10. Dès l'école, une meilleure information des filles sur les carrières et l'organisation du travail dans certaines professions devrait être donnée, l'orientation des filles se faisant encore aujourd'hui principalement vers des carrières très féminisées, filières de service aux personnes ou filières médico-sociales, qui offrent une part importante d'emplois à temps partiel.

11. Au niveau des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, une réflexion en profondeur doit être conduite, sur l'articulation des temps sociaux, l'amélioration du système de garde des enfants, la prise en charge des personnes âgées, la prise en compte du temps global des salariés à temps partiel leur permettant une meilleure organisation du temps de travail et du temps familial.