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Chapitre 2 :
La nécessité d'identifier les leviers essentiels d'un développement des biotechnologies en France et en Europe

Même si des interrogations ou des inquiétudes subsistent, il apparaît clairement que les biotechnologies poursuivront leur développement et que ce développement apportera des avancées majeures dans les domaines précédemment étudiés, l'alimentation, la santé, l'environnement et la sécurité.

Cela ne veut pas dire que cette évolution conduira à une domination arrogante, une sorte de « tout biotechnologique », destinant les autres disciplines scientifiques et les autres techniques à être délaissées. Cela ne veut pas dire non plus que les produits issus des biotechnologies soient susceptibles d'« inonder » rapidement, ni même à plus ou moins long terme, les marchés, en se substituant systématiquement aux autres produits utilisés dans chacun des domaines où les biotechnologies peuvent être appliquées. Cela ne veut pas dire enfin que ce développement ne sera soumis à aucune forme de régulation ; l'histoire des biotechnologies modernes nous montre au contraire que la mise en place d'instruments de régulation a constamment accompagné leur développement, voire l'a précédé, du moins en Europe.

Au cours des auditions organisées, de nombreux freins ont été évoqués. Mais il faut faire la part des choses entre ce qu'il est envisageable d'aménager, voire de construire, pour soutenir ce développement et ce que l'on ne peut aisément changer.

Mieux vaut en effet tenir compte des contraintes pesant sur les biotechnologies pour explorer les voies permettant d'assurer leur développement qu'adopter une position purement critique ou défaitiste face aux caractéristiques du contexte actuel ou qu'inversement proposer des changements qui, même s'ils apparaissent nécessaires, exigeront pour leur réalisation une durée telle que le « pari » d'un développement des biotechnologies en France, comme en Europe, sera définitivement perdu.

Il y a par ailleurs des changements qui ne sauraient être opérés sur la seule pression d'un nécessaire développement des biotechnologies. Celui-ci ne saurait justifier la modification des règles de droit reflétant les valeurs de notre société, dès lors que ces règles sont efficaces et adéquates au regard de l'ensemble des objectifs poursuivis, ni conduire à l'abandon de certains principes d'organisation ou d'intervention auxquels nous sommes légitimement attachés.

A cet égard, il est utile de s'interroger sur la pertinence du modèle de développement des biotechnologies né aux Etats-Unis et qui s'est progressivement imposé, alors que beaucoup de questions restent posées139.

Grossièrement, en tirant les principaux enseignements des politiques mises en œuvre pour imiter ce modèle, on constate que différents pays se sont inspirés, avec retard, des principes de fluidité régissant les relations entre la recherche académique et le secteur privé, sans véritablement y parvenir, qu'ils ont essayé, avec des résultats mitigés, de favoriser les investissements privés dans les sociétés de biotechnologie, mais qu'en revanche, le modèle américain de financement de la recherche publique a été généralement écarté.

Ce constat suggère dès lors une autre question : à quelles conditions la reproduction partielle d'un modèle peut-elle donner les résultats attendus ?

La compétence et la confiance constituent en fait les deux piliers essentiels sur lesquels doivent s'appuyer les biotechnologies pour assurer leur développement140.

La compétence scientifique est présente en France et en Europe. Cela n'a pas été démenti. Il est normal qu'il en soit ainsi pour la France en tout cas, compte tenu d'une part, de la place qu'a tenu et que tient encore notre pays dans les domaines de la santé, de l'alimentation, de l'environnement et de la sécurité, pour ne prendre que les domaines dans lesquels les biotechnologies sont déjà appliquées et, d'autre part, eu égard au rang qu'occupe la France dans des disciplines « utiles » pour le développement des biotechnologies, comme les mathématiques, la physique, mais aussi la chimie. Au niveau européen, la conjonction des compétences scientifiques permet ainsi d'atteindre une « excellence » multidisciplinaire à partir de laquelle les biotechnologies peuvent prendre tout leur essor.

Mais la compétence scientifique n'est pas la seule en jeu lorsqu'il s'agit de passer à l'application.

La confiance, elle, est plus difficile à établir. Elle ne se résume pas à ce que l'on a appelé « l'acceptation sociale », laquelle a été largement prise en compte dans les différentes réglementations précédemment exposées. Dans un domaine aussi ouvert que celui où les biotechnologies trouvent à s'appliquer, la confiance s'exprime aussi dans la mobilisation des chercheurs, dans l'appui donné par la puissance publique et l'attribution de moyens à la mesure des enjeux, dans l'investissement consenti par les actionnaires des groupes industriels, dans les initiatives prises par les créateurs d'entreprises, dans les placements financiers, et dans les choix qu'opèrent les prescripteurs et les consommateurs.

En France et dans les autres pays européens cette confiance a-t-elle fait défaut ? Apparemment pas. Mais elle a manqué cruellement de continuité et elle a été parfois consentie avec tellement de réserves qu'elle n'a pu être vraiment partagée par les différentes parties prenantes.

A - La question cruciale du financement

Le retard le plus accusé par rapport aux Etats-Unis touche au financement des biotechnologies.

Ce retard s'exprime moins dans le décalage dans le temps des initiatives prises aux Etats-Unis et de celles engagées par les autres pays, que dans la continuité du soutien accordé aux biotechnologies et l'importance des moyens mobilisés. Le décalage dans le temps a en partie été comblé notamment sur le plan scientifique, en dépit du différentiel existant entre les moyens alloués ; il a toutefois eu des effets négatifs pour les pays qui ont tardé à réagir dans la mesure où le contexte économique a lui-même évolué et où les investissements consentis ont entretenu un phénomène d'accumulation en termes de disponibilités financières, d'équipements et de formations.

Certains pays comme la France, qui ont réussi à « décoller », n'ont pas su faire preuve d'une suffisante continuité et, alors que leurs efforts s'amoindrissaient, les Etats-Unis maintenaient le leur, si bien que l'écart entre les moyens attribués a eu tendance à se creuser141.

Cela ne veut pas dire que ce retard ne puisse pas être rattrapé. Plusieurs exemples nous montrent bien au contraire que la situation n'est pas figée. L'Asie, notamment la Chine et l'Inde, offre de ce point de vue des perspectives. En ce qui concerne les résultats obtenus, quel que soit le critère retenu (brevets, développement industriel, nombre de chercheurs mobilisés...), la Chine peut constituer une référence à cet égard dans le domaine de la génomique. Si l'on prend en compte la volonté politique affichée et les moyens déployés pour la concrétiser, le Japon s'inscrit aussi dans ce cadre dans le domaine de la protéomique en particulier.

L'une des caractéristiques du contexte dans lequel les biotechnologies se développent repose sur l'implication du secteur privé et la mobilisation de la recherche publique, dans des domaines très ouverts et fortement concurrentiels.

Il convient donc tour à tour d'examiner ces deux composantes. Mais préalablement, il n'est pas inutile d'évoquer quelques débats qui expliquent, sans les justifier, les hésitations qui ont jalonné le développement des biotechnologies en France et en Europe.

1 - Interventionnisme ou libéralisme ?

Le développement des biotechnologies modernes n'alimente pas seulement d'inépuisables discussions sur les bénéfices et les risques. Les auditions organisées ont révélé que des débats non moins controversés, sur le rôle de l'Etat dans ce développement, ont cours.

Les limites fixées en France et en Europe à l'action publique, lorsque celle-ci s'extrait du strict champ de la réglementation, ne constituent-elles pas un frein important au développement des biotechnologies ?

Sur ce point, diverses observations méritent d'être formulées.

a) Les premiers domaines d'application des biotechnologies sont ceux où traditionnellement l'Etat s'implique

Lorsque la faiblesse des moyens dégagés par l'Etat pour soutenir le développement des biotechnologies a été déplorée, de sévères critiques ont, parfois, par la même occasion, été exprimées à l'encontre des politiques conduites dans les domaines agricole et sanitaire.

Dans le domaine agricole, si la libéralisation progressive des marchés et le désengagement de l'Etat dans le domaine de la recherche, en ce qui concerne particulièrement les biotechnologies, trouvent une certaine cohérence libérale, il semble bien que les conséquences socio-économiques de la conjonction de ces deux phénomènes n'aient pas été sérieusement mesurées.

Les difficultés de financement des biotechnologies dans le domaine de la santé posent la question de la place de la recherche et de l'innovation dans notre système de santé et soulèvent des interrogations sur le mode de gestion actuel des dépenses de santé.

Qu'apporterait une comparaison avec les Etats-Unis sur ce point ?

Rien en tout cas qui puisse justifier une abstention de l'Etat dans ces domaines de recherche. Dans le domaine agricole, le marché y reste protégé et les entreprises industrielles y sont assez fortes désormais pour financer l'innovation ; dans le domaine de la santé, les crédits publics destinés à la recherche atteignent des montants inégalés. On parle de stratégie de « débordement financier » pour qualifier l'implication des NIH. Si l'accès aux soins est, lui, très inégalitaire, on ne peut se « positionner » uniquement en inversant les priorités142 ; et puis les fonds issus du ministère de la Défense, aides publiques ou contrats, déversent sur les entreprises américaines une manne providentielle, qui évite notamment aux sociétés de biotechnologie fragilisées de se vendre à bas prix aux sociétés étrangères, y compris européennes.

Si l'agriculture, la santé et la sécurité constituent des domaines essentiels de l'action publique, la recherche dans ces domaines doit être soutenue et si la recherche fait partie intégrante de l'action publique dans ces domaines, toutes ses composantes doivent être prises en considération, et particulièrement celles les plus innovantes.

Si, de surcroît, la protection de l'environnement et l'amélioration de la situation des pays pauvres figurent parmi les objectifs des politiques de la France et de l'Europe, ces préoccupations doivent trouver une traduction dans les axes de recherche, sans délaisser arbitrairement les potentialités offertes par telle ou telle technique.

Si la France et l'Europe veulent faire prévaloir leurs valeurs et leurs intérêts dans les négociations internationales éthiques ou commerciales, il faut qu'elles parviennent à faire la démonstration que les options qu'elles tentent d'imposer reposent sur un véritable choix qu'elles-mêmes étaient en mesure d'opérer et ne constituent pas la seule issue qu'elles sont contraintes d'emprunter pour sauvegarder leur propre avantage.

b) L'effort de recherche consenti dans les biotechnologies repose sur une imbrication des sphères publique et privée

Lors de la préparation de ce rapport, a surgi un débat sur les parts respectives, dans le système de recherche français, du secteur privé et du secteur public. Là aussi, la comparaison avec les Etats-Unis sous-tend les prises de position des uns et des autres.

Si l'objectif d'atteindre 3% du PIB n'a pas été contesté, les voies pour y parvenir ont alimenté bien des controverses, tant de la part du secteur industriel, que de la part du monde académique.

Cette question sera abordée plus amplement par la suite. Mais, à ce stade, ce sont les limites d'un tel exercice qu'il est utile de souligner.

D'une part, il apparaît que le discours adopté ne sert en fait qu'à justifier une autolimitation de l'intervention publique, ce qui, du côté de la recherche publique conduit à organiser la gestion de la pénurie, dans des domaines où l'effort public était déjà notoirement insuffisant.

D'autre part, les critères d'ajustement de l'effort public par rapport à l'effort privé ne sont certainement pas figés. Le principe d'un « équilibre » entre les deux, prôné pendant deux ans par Madame Claudie Haigneré, n'a pas de sens dans le domaine des biotechnologies.

Une très large implication du secteur privé dans les activités de recherche peut ainsi légitimer un renforcement des moyens de recherche publique afin non seulement de maintenir un haut niveau d'expertise pour l'évaluation des produits qui seront testés mais aussi pour orienter les recherches vers des axes qui, bien que n'offrant pas de perspectives de forte rentabilité ou de rentabilité à court terme, permettront de répondre à des besoins que la collectivité, elle, n'entend pas délaisser. Inversement, un faible engagement de la recherche privée ne saurait en soi justifier une remise à niveau par le bas de la recherche publique, bien au contraire dans certains cas.

Dans le domaine des biotechnologies, la recherche est un tout. Ce qui importe, c'est que des moyens suffisants soient globalement dégagés pour parvenir aux progrès attendus.

En troisième lieu, la recherche est une nébuleuse qui recouvre des activités très diverses. Elle peut tout aussi bien se limiter à l'amélioration de la valeur marchande d'un bien existant qu'explorer des voies jusque là inconnues ; elle peut couvrir des activités centrées sur la mise au point d'un produit isolé ou se situer très en « amont » du même processus.

Or, l'exemple des Etats-Unis qui dispose d'une industrie florissante, capable de financer sa R&D, et qui peut ainsi concentrer son effort public sur la recherche finalisée à risques et à long terme est difficilement transposable en Europe. Il faut donc en tirer les conséquences, notamment dans le domaine des sciences de la vie où les recherches sont au demeurant risquées et longues.

Enfin, les frontières entre la recherche privée et la recherche publique sont particulièrement poreuses dans le domaine des biotechnologies, ce qui explique les controverses à ce propos. La recherche de cibles relève-t-elle de la recherche privée ou de la recherche publique ? L'organisation des essais comme l'analyse de leurs résultats n'exigent-elles pas une certaine coopération ? La « mise sur le marché » ne constitue-t-elle pas l'objectif final ? Bien sûr, la connotation mercantile du terme a de quoi entretenir la suspicion, mais celui-ci suggère aussi une concrétisation nécessaire (le mot « matérialisation » pourrait lui-même prêter à confusion). Dans un rapport émanant de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle suisse, on peut ainsi lire ces lignes qui concernaient le problème de la brevetabilité mais qui peuvent également être appliquées au processus de production : « L'insuline est la seule hormone permettant de stabiliser le taux de sucre sanguin à une valeur normale. La couverture des besoins annuels en insuline d'un diabétique nécessiterait le traitement d'environ 50 pancréas de cochons. Il serait impossible de couvrir les besoins mondiaux en insuline de cette manière. Ce problème a été résolu grâce à l'insuline humaine fabriquée génétiquement, pour laquelle un brevet a été délivré en 1984. Le simple fait de savoir qu'il existe un gène codant pour l'insuline ne fait - dans un premier temps - qu'accroître les connaissances humaines et pas les possibilités techniques : elle n'est d'aucun secours pour les diabétiques. L'application pratique de ce savoir, l'utilisation de ce gène pour la fabrication d'insuline fait de cette découverte une invention ».

c) La visibilité d'une politique publique permet d'attirer (et de retenir) les capitaux privés

Dans le domaine des biotechnologies, la communication occupe une place importante. Tous les acteurs privés, tous secteurs industriels confondus, ont depuis longtemps su soigner leur politique de communication ; ils savent que ce qu'ils font ou ce qu'ils annoncent draineront des capitaux. Or, il en va de même des politiques publiques, notamment dans les secteurs comme les biotechnologies, où la recherche publique est présente.

Certains pays ont compris que les politiques de communication mises en place par leurs organismes publics de recherche ne sont pas suffisantes, surtout lorsque leur recherche publique est dispersée. Ils ont compris aussi que si l'Etat ne s'engage pas, les autres « partenaires » resteront sur la défensive, surtout si l'investissement est risqué.

Le Japon, par exemple, dont l'industrie pharmaceutique est menacée, non seulement par les Big Pharma occidentales, mais aussi par l'essor des biotechnologies dans certains pays asiatiques, comme la Chine et la Corée du Sud, a mis en place une stratégie très volontariste en faveur des biotechnologies, en allouant des moyens importants, notamment en matière d'équipements, à la génomique et à la protéomique.

L'exemple de l'Allemagne est lui aussi révélateur, en dépit des difficultés qu'elle traverse actuellement et qui ne sauraient occulter la réussite qu'elle a connue, laquelle lui a permis de rattraper son retard.

Ces politiques nationales peuvent se décliner à l'échelon régional, mais celui-ci ne peut à lui seul constituer le support du développement des biotechnologies, même si ce développement est limité à une échelle régionale.

Le canton de Bâle, le land de Bade, la préfecture d'Osaka ou la région Rhône-Alpes ne sont pas au niveau de Boston ou de la Californie.

On peut douter que les agences d'investissement ou que les grands groupes puissent consacrer leur temps à visiter l'ensemble des sites internet de toutes les collectivités locales, de tous les organismes de recherche, de tous les incubateurs ou biopoles du monde.

Pour diriger leur prospection, ils doivent être guidés par un « drapeau » et le drapeau national reste, même dans le cadre européen, le plus évocateur, en tout cas au stade actuel.

Ces considérations nous amènent à en ajouter deux autres.

En premier lieu, les capitaux privés sont volatils ; c'est une caractéristique des capitaux internationaux, comme des capitaux « nationaux » que les Etats, comme les sociétés, cherchent à retenir. La continuité d'une politique publique est donc un élément essentiel, non seulement pour fructifier les fonds engagés, mais aussi pour éviter que le « retour sur investissement » ne profite aux contribuables des autres nations.

En second lieu, les pays européens doivent aussi se préoccuper de l'avenir qu'ils réservent à leurs chercheurs et les conséquences d'une fuite des cerveaux sont certainement encore plus graves qu'une fuite des capitaux.

d) Le statut de l'aide publique à la recherche privée reste ambigu

Comme le soulignait le Rapport du Conseil des impôts de 2003, l'intervention publique est très largement reconnue dans les domaines de la recherche et de l'innovation par diverses théories économiques et, de fait, elle est très généralisée et son poids est important même dans les économies libérales.

Pour la recherche, elle repose sur le principe des externalités positives, dans la mesure où le rendement social (pour l'ensemble de la société) de la recherche est supérieur à son rendement privé (pour l'opérateur économique), le mécanisme de marché conduisant, en l'absence d'aide publique, à un investissement en recherche inférieur à son niveau socialement optimal. Pour l'innovation, et plus généralement la création de nouvelles entreprises, l'intervention publique est justifiée par l'existence d'asymétries d'information qui constituent une imperfection du marché du crédit, les entreprises disposant d'une meilleure information pour évaluer leur capacité de remboursement future que les prêteurs potentiels et les difficultés qu'elles rencontrent en conséquence pour obtenir des financements extérieurs, les poussant à prendre plus de risques qu'il ne serait optimal.

Mais l'aide publique, directe ou indirecte, ne doit néanmoins pas fausser la concurrence et plusieurs règles ont été établies à cet effet au niveau international, comme au niveau communautaire.

Cependant, comme le relève aussi le Conseil des impôts, il existe « une concurrence fiscale en matière de recherche », la localisation des activités de recherche des entreprises étant affectée par l'attractivité relative des crédits d'impôt des différents pays. L'incitation fiscale à la recherche ne constitue qu'un élément pris en compte ; les financements publics directs sont aussi déterminants.

Mais de quoi parle-t-on exactement, notamment lorsqu'il s'agit d'aides publiques à la recherche ?

Les règles édictées au niveau communautaire n'ont pas dissipé le flou juridique143 actuel.

Ainsi, lors de la visite en Allemagne, un responsable du ministère bavarois de l'économie en charge des biotechnologies a souligné les difficultés de créer une « industrie » du capital risque capable de soutenir le développement des biotechnologies. En 1995, la Bavière ne comptait en effet que deux investisseurs privés, soit un nombre insuffisant pour financer les biotechnologies. Le Land est donc intervenu. Alors que les autres pays européens préfèrent le modèle consistant à donner des moyens aux investisseurs privés, la Bavière a privilégié un autre modèle, celui consistant à créer un fonds d'investissement. Pour des raisons historiques, la Bavière disposait d'une société de participation en matière technologique, la Bayern Capital, filiale à 100% de la banque du Land et d'un montant important de participations dans des entreprises industrielles et financières. Les participations industrielles ont été vendues par le land et la Bayern Capital a investi 100 millions d'euros, dont 60 millions dans les biotechnologies, le Land jouant le rôle de « convertisseur », chaque investissement privé donnant lieu, pour le même montant, à un investissement public provenant à la fois du land et de l'Etat fédéral, ce qui a suscité une incitation très forte pour les investisseurs privés. Le système a toutefois été critiqué par le Royaume-Uni, comme contraire à la concurrence, alors que dans tous le pays européens et aux Etats-Unis des aides importantes ont été accordées par les Etats et que dans le cas de la Bavière, les aides publiques ont été très minoritaires puisque, sur 740 millions d'euros investis jusqu'à présent dans les biotechnologies, 60 millions proviennent de la Bavière et 80 de l'Etat fédéral.

Au Royaume-Uni, le Département de l'Industrie et du Commerce (DTI) a évoqué de façon très allusive la nécessité d'examiner, dans le cadre du Conseil de la concurrence, la situation particulière des biotechnologies et une personne responsable de la gestion d'un fonds d'amorçage a énoncé un certain nombre de difficultés liées aux modes d'intervention et aux réglementations de l'Union européenne : les fonds européens privilégient les zones « sous-développées », alors que les grands firmes pharmaceutiques s'installent à proximité des pôles d'excellence ; les seuils limitent l'action des pouvoirs publics ; les dispositions communautaires sur les services financiers imposent un « carcan » et rendent plus difficile la promotion des investissements financiers.

En tout état de cause, l'imperfection des agrégats retenus, comme les difficultés que pose l'institution d'un contrôle rigoureux à l'échelon international, montrent que ces règles visent avant tout à réguler la concurrence au sein de l'Union européenne.

Or, dans le domaine de la recherche en biotechnologies, la concurrence est internationale. Aussi, peut-on se demander si l'application stricte de ces règles en Europe n'affaiblit pas les industries implantées sur son territoire (ou les entreprises innovantes qui y sont créées) et si le régime défini est suffisamment « attractif » vis-à-vis des industries localisées à l'extérieur (ou des créateurs d'entreprises innovantes envisageant de s'installer en Europe).

Cette question semble d'autant plus pertinente qu'il est pratiquement impossible de déterminer le montant de l'aide publique, directe ou indirecte, accordée à la recherche privée dans le domaine des biotechnologies par les Etats-Unis, comme par les autres Etats.

e) Dans le domaine des biotechnologies, les Etats européens ont initié les politiques les plus diverses en tenant compte de leurs spécificités nationales

Globalement, les modèles et les performances des systèmes d'innovation sont très variables d'un pays européen à l'autre.

Une étude récente144a souligné la diversité des politiques publiques qui ont été mises en œuvre en Europe dans le domaine des biotechnologies ; les développements suivants sont extraits de cette étude.

Trois aspects spécifiques de ces politiques sont pris en considération : la durée et l'intensité des politiques mises en œuvre, le choix entre le soutien de la connaissance fondamentale ou la stimulation de la commercialisation des résultats de la recherche et le choix entre une politique horizontale dans le domaine des sciences et des technologies ou les politiques spécifiques ciblées sur les biotechnologies.

S'agissant de la durée et de l'intensité, les politiques nationales sont très variées au niveau européen et tous les gouvernements n'ont pas considéré ce secteur comme un domaine stratégique :

_ En France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, des rapports sur les biotechnologies ont été demandés dans les années 1970, après quoi des politiques spécifiques en faveur des biotechnologies axées sur la recherche ont été introduites à la fin des années 70 et au début des années 80.

_ En Belgique, en Espagne, en Italie, en Irlande et dans une certaine mesure en Allemagne, de telles politiques n'ont été introduites qu'à partir de la seconde moitié des années 80.

Les pays du premier lot ont pris un avantage et se sont placés en position pour devenir des leaders en Europe durant les années 1980 et au début des années 1990. Ce n'est que maintenant que les pays « suiveurs » rattrapent leur retard en termes de publications et de citations.

En ce qui concerne les relations entre la science et la commercialisation des biotechnologies, les politiques nationales sont également diverses au niveau européen :

_ L'Allemagne et le Royaume-Uni en particulier ont depuis longtemps axé leurs politiques sur une stimulation conjointe du savoir et de la commercialisation des biotechnologies, en soutenant notamment le développement de sociétés de biotechnologie et les transferts technologiques.

_ En France, aux Pays-Bas, en Grèce, en Autriche et en Espagne, de telles politiques n'ont été initiées que récemment, essentiellement comme une conséquence de l'insuffisante commercialisation des résultats de la recherche.

Il n'existe pas de données permettant d'établir une relation entre les performances d'un système d'innovation et les efforts respectifs de stimulation de la science et de stimulation de la commercialisation. Cependant, on peut penser que les pays qui ont conjointement encourager la recherche biotechnologique et l'innovation auront de meilleures performances à long terme que ceux ayant délaissé l'un de ces éléments.

Le choix entre politiques générales et politiques spécifiques a de grandes conséquences.

_ L'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et la Belgique ont développé des politiques spécifiques pour les biotechnologies, se combinant avec des politiques horizontales de R&D.

_ Les Pays-Bas ont radicalement changé de politique, passant d'une politique spécifique à une politique générale au cours des années 90. La recherche biotechnologique et la commercialisation n'ont plus été stimulées dans le cadre de programmes spécifiques jusqu'en 2000 et ce pays en a subi les conséquences : il appartient aujourd'hui à la catégorie des pays les moins performants de l'Union européenne en termes de taux de croissance pour la recherche biotechnologique et la commercialisation.

D'autres facteurs nationaux interviennent.

Des différences nationales existent dans le domaine des brevets issus du monde académique (institutionnal arrangements for handling academic IPR), première étape vers l'esprit d'entreprise et la commercialisation :

_ Aux Pays-Bas, chaque université est relativement autonome pour déterminer sa politique et ses procédures de protection et d'exploitation de la propriété intellectuelle. La plupart des organismes de recherche et des universités deviennent propriétaires des brevets, ce qui neutralise les initiatives de stimulation de l'esprit d'entreprise des chercheurs individuels ;

_ Jusqu'à une date récente, les brevets universitaires en Allemagne étaient réglementé par une loi incluant le système « professor privilege » selon lequel l'inventeur devenait automatiquement le propriétaire du brevet, ce qui a conduit à une discussion en Allemagne, les institutions de recherche n'étant pas incitées à favoriser la brevetabilité des activités de leurs chercheurs, ce qui constitue un frein au développement de l'esprit d'entreprise dans le monde académique.

_ Au Royaume-Uni, le système de propriété intellectuelle est négocié avec les organismes de financement. Le Medical research Council (MRC), le Biotechnology and Biological Science Research Council (BBSRC) et le Welcome Trust ont leur propre système.

Les mécanismes de régulation et les législations qui affectent la recherche biotechnologique et la commercialisation diffèrent aussi. Si les directives communautaires ont des effets positifs en matière d'harmonisation, les gouvernements nationaux conservent leur liberté en matière d'interprétation et d'application. Ces différences ont accru les coûts de transaction des firmes ayant une activité internationale.

Tel est le cas des divers systèmes de santé, et particulièrement le mode d'approvisionnement et de fixation des prix des produits biopharmaceutiques. De grandes variations de prix existent selon les pays.

De même, le moratoire décidé par le gouvernement hollandais au cours de la seconde moitié des années 90 sur l'utilisation en R&D d'animaux transgéniques obtenus par des techniques de clonage a été une exception en Europe. Alors que plusieurs sociétés installées aux Pays-Bas étaient engagées pour un certain nombre d'années dans les projets de R&D impliquant des animaux transgéniques obtenus par des techniques de clonage, elles ont dû choisir entre l'arrêt de ces projets ou l'expatriation de ces activités de recherche.

Les systèmes nationaux de recherche publique comportent de multiples spécificités. Trois modèles ont été identifiés :

_ Le modèle des instituts nationaux de recherche (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas) : dans ces pays ces instituts, souvent liés au gouvernement, sont les acteurs principaux dans le domaine de la recherche biotechnologique, les universités ayant une position moindre (fonds consacrés aux biotechnologies, niveaux de recherche, accès aux programmes). Ce modèle semble favoriser de fortes orientations sectorielles, les instituts étant généralement liés à des secteurs ou des industries déterminés.

_ Le modèle des conseils de recherche (Pays scandinaves, Islande, Royaume-Uni) : il est caractérisé par la définition d'un programme solide (orientations stratégiques) et une certaine flexibilité (autonomie vis-à-vis du gouvernement).

_ Le modèle reposant sur une séparation entre le financement de la recherche fondamentale et les activités de recherche appliquée en interaction avec l'industrie (Autriche, Finlande, Suisse, Grèce, Irlande, Portugal).

2 - La situation du secteur privé et les limites rencontrées

Dans quelle mesure le secteur privé pourra-t-il prendre en charge le développement des biotechnologies ?

En dépit des perspectives prometteuses d'un développement des biotechnologies, l'investissement privé rencontre certaines limites, liées notamment à la durée et à l'incertitude des recherches menées dans ce domaine ; il s'agit en effet de recherches finalisées à risques et de recherches à long terme qui, de surcroît mobilisent plusieurs disciplines.

a) Les dépenses de R&D des groupes industriels sont généralement comptées.

Apparemment, les sociétés déjà constituées, excepté peut-être celles qui ont « misé » sur un développement des biotechnologies en s'orientant résolument dans cette voie, ne sont pas prêtes à augmenter leur effort de recherche.

Dans le secteur agro-alimentaire, les entreprises ne sont guère incitées à entreprendre de telles recherches. La mise sur le marché de leurs produits ne repose pas sur le principe d'une amélioration du « bienfait rendu » au consommateur ou à la collectivité. On ne demande pas, dans ce domaine, que le nouveau produit soit « meilleur » qu'un autre, mais seulement que la sécurité du produit soit garantie. Seuls les risques sont pris en compte, les bénéfices relevant de la libre détermination de celui qui l'achète. Les contraintes d'ailleurs varient à l'intérieur de ce secteur selon le type d'application (produits alimentaires, reproduction végétale, santé animale, produits agricoles). La R&D est donc peu intensive. Dans l'industrie alimentaire par exemple, alors que le nombre de nouveaux produits mis sur le marché annuellement est considérable, le taux des dépenses de R&D rapportées aux ventes est généralement limité (de l'ordre de 0,5%).

Or, parallèlement, les coûts d'homologation ont augmenté et particulièrement ceux liés aux procédures de mise sur le marché de produits issus des biotechnologies modernes qui, selon certaines estimations, atteignent 4 à 5 millions d'euros145.

Dans le secteur de la pharmacie, en revanche, le nouveau produit doit améliorer le service rendu, ce qui constitue une forte incitation à la R&D qui, de fait, mobilise généralement des ressources importantes.

Cependant, dans le contexte très concurrentiel actuel, les sociétés entendent réduire ces coûts et rentabiliser au plus vite les investissements effectués, d'autant plus que les frais de marketing croissent avec la concurrence. En Europe, les dépenses de R&D pharmaceutiques ont pratiquement doublé depuis quinze ans, alors que depuis 1997 les dépenses de R&D aux Etats-Unis surpassent celles constatées en Europe. Le processus de création d'un nouveau médicament, de la phase de recherche à la mise sur le marché dure désormais 7 à 15 ans, 4 années pour la recherche et le développement pré-cliniques, près de 8 années pour le développement clinique et 1 à 3 ans de procédures administratives. Le taux d'échec est en outre important (9 molécules sur 10). Au total, en prenant en compte les molécules arrêtées, le coût est estimé à 1 ou 1,5 milliard de dollars146, ou entre 350 et 500 millions de dollars, selon les sources. Les coûts de développement représenteraient désormais les deux tiers des coûts de R&D. Pour les vaccins, le coût de développement aurait été multiplié par trois en 15 ans, atteignant environ 100 millions d'euros.

Outre l'augmentation des coûts, le secteur pharmaceutique se préoccupe des baisses prévisibles des recettes, liées à l'arrivée des génériques, au retrait éventuel d'un « médicament phare », à l'assèchement des pipelines et à la pression exercée sur les prix par les autorités publiques, dans un contexte marqué par une baisse de productivité du secteur147.

Lors de la mission effectuée aux Etats-Unis, ces thèmes ont été constamment évoqués. L'industrie pharmaceutique risque de connaître une véritable crise. Alors qu'un nombre croissant de médicaments de synthèse « tombent » dans le domaine public, de moins en moins de nouveaux produits « arrivent » sur le marché ; les concentrations successives et les délocalisations conduisent à l'abandon pur et simple ou à la disparition dans certains pays d'activités de recherche-développement. Dès lors, si de nouvelles sociétés ne se développent pas et si elles ne parviennent pas à financer leurs travaux de recherche et développement, le mouvement ne pourra pas s'inverser.

L'arrivée à échéance des brevets protégeant les médicaments constitue un véritable défi pour cette industrie. Sur la base des ventes constatées en 2001, les génériques représentent une perte potentielle de 18 milliards de dollars en 2002, 10 milliards en 2003, 8 milliards en 2004, 16 milliards en 2005, 14 milliards en 2006 et 5 milliards en 2007.

Dans ce contexte, la question des biogénériques alimente une vive controverse, avec notamment le dépôt par Novartis d'une demande d'homologation portant sur une hormone de croissance mise au point par Genentech et dont le brevet est arrivé à échéance. Une réflexion est actuellement menée au sein de la FDA, prenant en compte les orientations définies au niveau européen. Les éléments pris en considération sont à la fois commerciaux, scientifiques et juridiques. Sur le plan commercial, le débat porte sur la possibilité pour la FDA d'utiliser les données fournies lors des précédents essais cliniques et sur les conditions de divulgation des secrets de fabrication des produits antérieurement homologués. D'un point de vue scientifique, des études sont en cours pour apprécier la « bioéquivalence » de produits hautement variables. L'imbroglio juridique repose sur la dualité des textes applicables qui définissent des régimes différents pour les produits dits « biologiques » d'une part et, d'autre part, pour certains produits issus des biotechnologies, comme les protéines recombinantes ou les anticorps monoclonaux qui sont assimilés à des médicaments. D'un côté, le principe de l'assimilation conduit à appliquer les règles en cours pour les autres génériques avec, le cas échéant, l'introduction de conditions plus strictes ; de l'autre, le principe de non assimilation revient à exiger une nouvelle homologation, les règles relatives aux génériques ne s'appliquant pas, avec éventuellement un assouplissement de la procédure « normale » d'homologation. Bien que les règles d'homologation et celles de brevetabilité soient distinctes, les débats en cours sur les conditions d'homologation ne peuvent manquer de faire surgir de nouvelles interrogations sur les conditions de brevetabilité, tant en ce qui concerne l'étendue de l'obligation de divulgation permettant de reproduire l'invention, que la distinction entre les notions d'invention sur un produit et d'invention de procédé.

Le retrait du Vioxx produit par Merck et qui représente un chiffre d'affaires de 2,4 milliards de dollars a aussi révélé la fragilité des Big Pharma et mis en lumière l'importance de la pharmacovigilance148. Avant ce retrait, la valeur du marché de Pfizer et Merck réunis était supérieure au marché de toutes les sociétés de biotechnologie confondues.

S'agissant de l'état des pipelines, l'examen des produits soumis à la FDA et pour lesquels des essais cliniques sont en cours montre une nette supériorité des sociétés de biotechnologies (350), par rapport aux grands groupes pharmaceutiques (78), avec pour celles-là une tendance à la hausse et pour ceux-ci une régression149.

L'évolution du régime des prix des médicaments constitue un autre sujet de préoccupation. La réforme du Medicare aux Etats-Unis, qui vise à faire prendre en charge par les autorités publiques les dépenses de médicaments des personnes âgées de plus de 65 ans a ébranlé un certain nombre de certitudes. Le marché des Etats-Unis s'est révélé au cours des dernières années particulièrement attractif, tant en ce qui concerne le nombre de personnes soignées et solvables, que s'agissant des prix pratiqués ; il a constitué un critère déterminant de délocalisation vers les Etats-Unis. L'intégration des dépenses de médicaments dans le système public de prise en charge, comme les demandes formulées par les associations de patients en faveur de la réimportation des médicaments, vendus moins chers dans d'autres pays, ou le développement de l'usage de l'achat direct de médicaments par internet, suscitent de nouvelles pressions sur les prix des médicaments pratiqués aux Etats-Unis et font émerger l'idée d'un contrôle des dépenses de santé financées par l'Etat fédéral.

Pour s'adapter à ce nouveau contexte, quelles seront les stratégies développées par les grands groupes ?

Les auditions organisées ont permis de mettre en évidence deux préoccupations majeures, sans pour autant dégager d'appréciations unanimes sur les solutions qui seront retenues pour y répondre.

En règle générale plutôt que dépenser plus, les grands groupes chercheront à dépenser mieux. Cela ne veut pas dire que les dépenses de recherche et développement vont forcément stagner ; des redéploiements sont possibles, en fonction des économies réalisées sur les autres postes de dépenses, comme la production, la commercialisation et la gestion150.

Les deux thèmes abordés s'inscrivent dans une évolution déjà constatée tendant à une certaine dispersion au sein des structures pharmaceutiques des pôles de production, de marketing, de recherche et de développement (essais cliniques).

Le premier concerne les lieux d'implantation. De manière synthétique, des discours se dégagent l'idée que la recherche doit avoir lieu aux Etats-Unis et le principe que l'Asie et peut-être aussi l'Europe centrale offrent de nouvelles opportunités pour la production et les essais cliniques.

Mais, en examinant les arguments présentés, tout au moins en ce qui concerne les biotechnologies, on reste circonspect quant aux fondements de telles orientations.

Parmi les justifications d'une localisation des centres de recherche aux Etats-Unis, il est difficile de faire la part des choses entre ce qui appartient au passé, ce qui existe aujourd'hui et les perspectives d'avenir.

En fait, le discours reste figé sur ce qui a fait émerger les biotechnologies  aux Etats-Unis, sur la base d'un modèle à ce jour inégalé : les NIH, le capital risque, la propriété intellectuelle, les universités, le marché des médicaments. Mais, en approfondissant, les certitudes arrogantes font place parfois à des positions plus pondérées.

La qualité de la recherche fondamentale européenne et française en particulier n'a jamais été mise en doute aux Etats-Unis. Ce qui fait la « différence » avec les Etats-Unis porte surtout sur la masse des financements publics, ainsi que sur la mobilisation des universités et du secteur privé dans le domaine de la recherche appliquée et la souplesse du transfert technologique.

S'agissant de la propriété intellectuelle, du capital risque ou du marché des médicaments, les références sont plus « historiques », qu'actuelles ou prospectives. Les débats sur les biogénériques, les cellules souches, l'exemption de recherche qui, aux Etats-Unis, constitue une situation de fait et non de droit, ce qui a amené récemment une société à attaquer devant la justice une université, montrent que les certitudes passées peuvent être remises en question. L'avantage du marché américain qui reposait sur la liberté des prix risque, comme nous l'avons vu, d'être dans les années à venir réduit, surtout si l'Europe s'oriente vers un système de santé reposant sur le principe de l'accès de tous à des soins de qualité, étant par ailleurs observé que dans le domaine des biotechnologies, la médecine hospitalière est essentielle, tant pour les structures de soins que pour les produits utilisés. Le capital risque est essoufflé ; les phases d'amorçage sont de plus en plus difficiles et les autorités publiques réfléchissent actuellement à la façon de combler « la vallée de la mort » (funding gap) entre les fonds providentiels (angels) et les investisseurs institutionnels. La « bulle » technologique a rendu les investisseurs plus frileux et beaucoup de sociétés de biotechnologies (un millier) ne sont pas encore rentables.

Ceci dit, des sociétés ont été créées et se sont consolidées, des bâtiments ont été construits, des équipements achetés, des chercheurs embauchés, beaucoup venant d'ailleurs du « reste du monde » et de l'Europe en particulier, et des clusters se sont constitués, avec lesquels il est aujourd'hui difficile de rivaliser. Mais ce type de retard peut être comblé.

En ce qui concerne les localisations des centres de production et des essais cliniques en Asie, il faut bien reconnaître que, pour les biotechnologies, les discours manquent totalement de cohérence. Alors que la sécurité se trouve au cœur des préoccupations lorsqu'il s'agit de débattre des biogénériques, de comparer les procédures d'homologation151, de lutter contre les réimportations, ou de justifier un juste retour sur investissement par les prix, alors que les industries pharmaceutiques se réjouissent que les débats éthiques ne fassent qu'effleurer le domaine des biotechnologies de santé, alors qu'elles se plaignent des contrefaçons, la Chine et l'Inde152 sont présentées comme des lieux d'implantation à privilégier pour la production de produits biotechnologiques ou pour les essais cliniques153 !

Le deuxième thème abordé concerne la recherche interne et/ou l'externalisation (outsourcing) de la recherche.

Il est très difficile de se faire une idée des tendances dans ce domaine. Dans les grands groupes pharmaceutiques, la recherche et le développement recouvrent plusieurs volets, allant de « l'innovation » pour des me too à la découverte de nouveaux médicaments, en passant par les recherches pour améliorer leurs caractéristiques ou pour étendre les indications. L'EPO était ainsi à l'origine destiné à soigner « une maladie orpheline » et est devenu un blockbuster.

Pour les uns, les groupes pharmaceutiques renforcent leurs propres structures de recherche et se détournent des partenariats, ce qui laisse à penser que les sociétés de biotechnologie feront de plus en plus de la recherche appliquée « sous gouverne » des grandes entreprises.

Pour d'autres, aucune entreprise pharmaceutique ne peut subsister en exploitant seulement les résultats de sa recherche interne. 50% du pipeline de Novartis vient ainsi de l'extérieur.

Et inversement, les grandes entreprises pharmaceutiques assurent le développement des sociétés de biotechnologies. Selon un observateur américain, John Holaday, les big pharmas sont des « dinosaures » et les sociétés de biotechnologies des « petits mammifères » qui se déplacent vite mais dont l'approvisionnement en nourriture est assuré par plus grands qu'eux.

En 2003, le nombre d'alliances aux Etats-Unis s'est élevé à 483, contre 569 en 2002. On assiste par ailleurs à une diminution du nombre d'alliances pour des produits en phase de découverte. Ces alliances ont concerné principalement des anticorps (152), des produits issus de la génomique/protéomique (112), des produits issus de la thérapie génique (36).

Transactions réalisées en 2003154

Stade

Nombre

Montant (M$)

Coût unitaire moyen $

Découverte

169

37,7

223 000

Pré-clinique

119

30

252 000

Phase I

38

57

1 500 000

Phase II

37

66

1 784 000

Phase III

29

83

2 862 000

NDA Deals

15

76

5 067 000

Market Product

76

57

750 000

Total

483

406,7

842 000

Cependant, les relations entre les groupes industriels et les sociétés de biotechnologies sont complexes. Le développement de celles-ci peut concurrencer ceux-là ou présenter pour eux des risques de redondance. SYNGENTA s'est ainsi désengagé du bioincubateur de Norwich car, selon les gestionnaires de celui-ci, les jeunes pousses intervenaient dans le même domaine que le groupe. La mise au point de tel produit par une société de biotechnologies peut aussi compromettre la vente de produits concurrents déjà mis sur le marché par certains groupes pharmaceutiques.

b) Le financement privé des sociétés de biotechnologies reste problématique

Le modèle américain de financement privé des sociétés de biotechnologies a évolué155.

Le secteur présente une certaine maturité, avec l'existence désormais de grandes sociétés de biotechnologies intégrées, comme AMGEN, GENENTECH ou BIOGEN/IDEC, dont les capitalisations boursières atteignent respectivement près de 80, 48 et 12 milliards de dollars, soit au total près de 70% de la capitalisation boursière des 300 sociétés de biotechnologies les plus importantes aux Etats-Unis156. De nombreuses fusions/acquisitions ont eu lieu au cours de ces dernières années, entre sociétés de biotechnologies, mais aussi entre celles-ci et de grands groupes pharmaceutiques.

Néanmoins, les tendances du secteur révèlent un certain essoufflement, même si l'année 2004 a semblé marquer une certaine reprise.

La capitalisation boursière des 300 sociétés les plus importantes s'est ainsi progressivement réduite, passant de 353,5 milliards de dollars en 2000 à 206 milliards en mars 2003 (247,9 milliards de dollars en février 2004). La surévaluation dont la plupart des sociétés de biotechnologies ont fait l'objet a rendu les investisseurs plus frileux et, selon certains investisseurs américains, cette surévaluation persiste. Elle a été cependant bénéfique aux capital risqueurs.

Le montant des introductions en bourse (IPO- Initial Public Offering) a, en conséquence, diminué, pour atteindre 453 millions de dollars en 2003, comme le nombre de ces introductions (7 en 2003, 4 en 2002, 58 en 2001, 11 en 2000 et 11 en 1999).

Les augmentations de capital157 et les investissements privés dans les sociétés cotées158, qui s'étaient effondrés en 2001 et 2002, marquent une reprise en 2003 qui ne permet pas d'atteindre le niveau constaté en 2000.

En revanche les dettes obligataires, qui rémunèrent l'attente des investisseurs, se sont élevées à plus de 7 milliards de dollars en 2003, contre 5,2 en 2002, 4,8 en 2001 et 5,7 milliards de dollars en 2000.

Pour les sociétés non cotées, si les montants investis par le capital risque continuent d'avoisiner 2,5 milliards de dollars (2,872 en 2000, 2,37 en 2001, 2,68 en 2002 et 2,84 en 2003), les capital risqueurs se montrent plus sélectifs et recherchent des investissements de moins en moins risqués.

Au total, le secteur a bénéficié d'un montant de financements privés de l'ordre de 16 milliards de dollars en 2003, contre 10,5 milliards en 2002 et 32 milliards en 2000.

Les créations semblent se stabiliser (+0,6% de 2002 à 2003).

Mais de nombreuses sociétés ont disparu (20 sociétés dans le Maryland en 2003) et de nombreux licenciements ont eu lieu (800 personnes licenciées chez Millennium). Néanmoins, les suppressions d'emplois ne résultent pas seulement des difficultés économiques du secteur ; une partie d'entre elles s'explique par l'évolution rapide des techniques utilisées dans le domaine des biotechnologies. Ainsi, la restructuration opérée par Millennium a été expliquée par la transformation des activités de séquençage. En outre, la politique d'implantation aux Etats-Unis des groupes pharmaceutiques, tels que Merck et Novartis à Boston, ont permis d'amortir les effets de ces licenciements.

Le chiffre d'affaires du secteur, constitué de quelque 1 500 sociétés de biotechnologies et s'élevant à 34 milliards de dollars en 2003, masque souvent la situation déficitaire de la plupart des sociétés de biotechnologies, notamment des PME engagées dans des activités de recherche et développement. Les grosses compagnies du secteur (Amgen, Genzyme, Genentech, Chiron, et Biogen/Idec), qui ont déjà mis des produits sur le marché, totalisent à elles cinq le tiers (11,6 milliards de dollars en 2003).

Au sein du BIO, sur les 1 150 sociétés membres, 750 ont une activité de R&D, dont 10 à 12% dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture, 5 à 10% dans les domaines de l'environnement et de l'industrie, le reste exerçant son activité dans le domaine de la santé, et 400 réalisent des prestations de services (activités juridiques, comptables, immobilières notamment).

Les difficultés de trésorerie rencontrées par beaucoup d'entre elles les poussent à évoluer vers un modèle mixte de services et de produits.

Cependant, le niveau des dépenses de R&D intérieures dans le domaine pharmaceutique est tel aux Etats-Unis, qu'on ne peut avoir qu'une vision partielle du mode de financement des biotechnologies, en l'absence de données suffisamment fiables et exhaustives sur les contrats conclus et les investissements réalisés par les entreprises du secteur.

Dépenses de R&D aux Etats-Unis

des plus importantes sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques américaines (2003)

 

Dépenses 2003
(Milliards de $)

Taux d'évolution par rapport à 2002 (%)

Nombre de sociétés

Sociétés pharmaceutiques

31,85

+ 31,58

9

Sociétés de biotechnologies

5,6

- 47,48

(+ 160% l'année précédente)

8

Inside R&D's - Annual report on the 100 biggest R&D spenders in US industry -
6 Août 2004

A titre de comparaison, seules quelques entreprises intervenant dans le domaine des semences, à titre exclusif ou secondaire, étaient classées dans le « top 100 » sur la base du montant de leurs dépenses intérieures de R&D aux Etats-Unis en 2003:

Société

Dépenses 2003
(Milliards de $)

Part dans les ventes
%

Taux d'évolution par rapport à 2002 (%)

Du Pont De Nemours

1,35

4,97

+6,7

Dow Chemical

0,98

3

-7,9

Monsanto

0,51

10,33

-3,2

Lors de la mission effectuée aux Etats-Unis, l'un des responsables de l'association BIO a été interrogé sur les raisons de la sous-représentation, dans son organisme, des socitétés de biotechnologies « agricoles ». Deux raisons ont alors été avancées, l'une tenant à la politique des grandes firmes, l'autre à l'attitude des investisseurs privés. Le système de santé apparaît ainsi plus porteur car, d'une part, les grandes sociétés pharmaceutiques n'investissent pas dans les secteurs de « niches », ce qui laisse la place aux petites sociétés qui peuvent « vivre » avec un chiffre d'affaires d'une centaine de millions de dollars et, d'autre part, parce que le cancer intéresse plus les investisseurs privés ou institutionnels que la tomate (sic).

L'Europe, par rapport aux Etats-Unis souffre des insuffisances de son marché boursier notamment159 ; c'est probablement l'une de ses grandes faiblesses. Mais les européens ont aussi probablement financé pour une part non négligeable le développement des biotechnologies aux Etats-Unis.

Le financement des biotechnologies en Europe - Comparaison
avec les Etats-Unis

Type

Total

USA

Europe

% Europe/Total

Venture

3 712

2 740

790

21

IPO

506

483

19

4

Follow-on

3 812

2 949

407

11

Autres

11 261

9 257

1 278

11

Total

19 290

15 429

2 493

13

En millions de dollars US

Source : Biocentury (30/12/03), citée in « Le secteur français des biotechnologies »160 - France-Biotech, sous la direction de Pierre Kopp, Professeur à l'université de Panthéon-Sorbonne - Décembre 2003.

Alors que l'Europe compte désormais plus de sociétés de biotechnologies (1 879) que les Etats-Unis (1 455), le chiffre d'affaires du secteur est 4 fois plus faible161 et la capitalisation boursière 8 fois moins importante.

Sur un chiffre d'affaires total en Europe estimé à 7,87 milliards d'euros, à peine 900 millions sont réalisés par les sociétés de biotechnologies françaises, 1 milliard d'euros par les sociétés allemandes et plus de 4 milliards d'euros par les sociétés britanniques.

La capitalisation boursière des sociétés de biotechnologies en Europe s'établirait à 30 milliards d'euros, dont 1,6 milliard pour la France, près de 8,9 milliards pour l'Allemagne et plus de 22,5 milliards pour le Royaume-Uni.

Entre 2000 et 2002, 47 introductions en bourse ont eu lieu en Europe (78 aux Etats-Unis), dont 12 au Royaume-Uni, 8 en Allemagne et aucune en France.

Principales sociétés européennes de biotechnologie (hors France)
(par pays et par capitalisation boursière à fin mars 200)

Données fournies par ALCIMED162

Royaume-Uni

 

Shire Pharma

3815 M EUR

 

Galen

2322 M EUR

 

Celltech

1896 M EUR

 

Skyepharma

581 M EUR

 

Acambis

530 M EUR

 

Alizyme

420 M EUR

 

C.A.T.

291 M EUR

 

Gyrus

252 M EUR

 

Antisoma

162 M EUR

 

Vernalis

129 M EUR

Allemagne

 

Carthago Biotech

1002 M EUR

 

GPC Biotech

322 M EUR

 

Evotec OAl

181 M EUR

 

Morphosys

95 M EUR

 

Medigene

88 M EUR

 

MWG Biotech

68 M EUR

 

November

45 M EUR

 

Lion Bioscience

37 M EUR

 

Girindus

39 M EUR

 

Curasan

21 M EUR

Suisse

 

Serono

6037 M EUR

 

Actelion

1935 M EUR

 

BB Biotech

1379 M EUR

 

Berna Biotech

259 M EUR

 

Cytos Biotech.

123 M EUR

Irlande

 

Elan

5795 M EUR

Pays-Bas

 

Qiagen

1821 M EUR

 

Crucelll

292 M EUR

Suède

 

Active Biotech

238 M EUR

 

Biacore

224 M EUR

Islande

 

DeCode

509 M EUR

Panorama des sociétés de biotechnologies cotées

Pays

Nombre de sociétés en 2002

Sociétés cotées

Nombre

Marché des capitaux industriels
(Mions €)

Revenus
(Mions d'euros)

Nombre de salariés

Nombre de produits mis sur le marché

Nombre de produits dans le pipeline

Etats-Unis

1 457

307

205 000

26 985

191 000

74

872

Royaume-Uni

331

46

9 377

2 933

22 104

10

194

Suisse

129

5

7 285

1 748

8 158

8

79

France

239

6

536

250

9 655

6

31

Allemagne

369

13

488

513

13 386

1

16

Source : Bioscience 2015 - Rapport 2003.

Selon l'étude réalisée par France-Biotech, le capital risque européen aurait mobilisé, pour les entreprises de biotechnologies, un montant égal en 2002 au tiers des fonds investis aux Etats-Unis par le capital risque, soit près d'un milliard d'euros, la France (240 millions d'euros), l'Allemagne (210) et le Royaume-Uni (290) se situant sensiblement à le même position.

En 2002, 32 sociétés de biotechnologies ont levé en France quelque 230 millions d'euros, dont 1% pour l'amorçage.

Tours de financement et fonds levés en France en 2002

 

Montant total (millions d'euros)

Nombre de sociétés

1er tour de moins de 0,5 million d'euros

0,6

10

1er tour, entre 0,5 et 1 million d'euros

1,8

2

1er tour, supérieur à 1 million d'euros

84,2

8

2ème tour

84,1

9

3ème tour

39,78

2

4ème tour

20

1

Total

230,4

32

« Le Financement des biotechnologies en France »
France-Biotech - Décembre 2003

Un responsable de BIO aux Etats-Unis a ainsi observé que la France était mentionnée lorsqu'on évoquait trois ou quatre pays présentant des atouts pour le développement des biotechnologies, mais que jamais elle n'était citée en premier.

Aperçu de quelques sociétés de biotechnologies en France - 2002

Sociétés

CA
(Mions €)

Effectif

Dépenses R&D

(Mions €)

Capitaux levés depuis création

(Mions €)

Ethypharm groupe

100

750

15

39

Cerep

34

330

10

29

Flamel Technologies

19

126

12

63

Rhobio

9

 

9

 

Genfit

8

77

7

 

Meristem Therapeutics

5

85

 

50

Nicox

5

62

19

116

IDM SA

3

123

11

86

Exonhit Therapeutics

3

75

9

47

PROTEUS

3

47

   

Transgene

 

160

23

242

Proskelia

 

100

 

70

Hybrigenics

 

71

 

47

SYNT:EM

 

55

5

33

Neurotech

   

7

50

Virsol

   

3

30

Données extraites de l'étude réalisée par France-Biotech163
Les sociétés cotées apparaissent en gras

En France, 4% des entreprises de biotechnologies (soit moins de 10 sociétés) réalisent 80% du chiffre d'affaires du secteur164. Néanmoins, selon les déclarations des entreprises effectuées lors de l'enquête réalisée par France-Biotech, 163 nouveaux médicaments seraient en cours de développement, dont une soixantaine en phase de développement clinique (34 produits en phase I, 31 en phase II et 6 en phase III en 2002).

c) Les aides publiques sont nécessaires mais doivent être plus ciblées

En France, comme dans la plupart des pays, le développement des biotechnologies s'appuie notamment sur les politiques mises en œuvre, à l'échelon national et au niveau local, pour soutenir le développement industriel et l'innovation. Les aides fiscales et directes instituées en faveur des groupes industriels ou des petites entreprises ont été ainsi utilisées. Dans peu de cas, des instruments spécifiquement dévolus aux biotechnologies ont été mis en place. En France, cette orientation s'est limitée165, au plan national, à l'institution du fonds BioAm, dont les caractères laissent à penser qu'il vise plus à favoriser les transferts technologiques qu'à soutenir la création ex nihilo de nouvelles entreprises et accompagner leur développement ; ce dispositif sera donc examiné ultérieurement lorsque seront étudiées les relations entre le secteur public et le secteur privé.

Ces aides ne constituent cependant qu'un élément des politiques sectorielles pouvant exister dans les domaines d'application des biotechnologies. Ainsi, dans le domaine de la pharmacie, sont également jugés déterminants les mécanismes de fixation de prix qui, dans certains pays européens, sont conçus comme des instruments à la fois de régulation des dépenses de santé (celle-ci pouvant toutefois aussi jouer sur les volumes) et d'incitation à l'investissement sur le territoire considéré, pour la production, comme pour la R&D. De même, bien évidemment, les conditions réglementaires des essais et des mises sur le marché, sont prises en compte par les investisseurs, dans le domaine alimentaire, comme dans le secteur de la santé. Or, les régimes de prix administrés et de financement des essais, cliniques notamment, restent excessivement opaques, ce qui donne libre cours à des discours sur les « avantages compétitifs » ou les « faiblesses » de tel ou tel pays qui ne peuvent être vérifiés, surtout pour les produits issus des biotechnologies (ou certains d'entre eux) qui peuvent présenter certaines spécificités au regard des règles générales applicables à l'ensemble du secteur. On peut ainsi citer le cas des produits de santé utilisés par la médecine hospitalière ou les essais effectués en cancérologie. A bien des égards, la transparence constitue donc, de ce point de vue, un préalable nécessaire à des réformes de fond. Ceci dit, les politiques industrielles sectorielles visant à favoriser l'innovation dans les secteurs déterminés peuvent constituer un levier non négligeable du développement des biotechnologies166.

Si on se limite aux aides fiscales et directes précédemment évoquées, la question essentielle revient à se demander si les mécanismes institués permettent de prendre en compte les caractéristiques des biotechnologies ou si l'absence de dispositifs spécifiques joue finalement au détriment des biotechnologies, eu égard à leurs caractéristiques.

La question n'est pas anodine. Quelle a été en effet la part des aides publiques consacrées au développement économique ou à l'innovation ayant profité aux biotechnologies ces dernières années ?

Selon la Commission européenne, les « aides de l'Etat » au développement économique se sont élevées en 2001 à 16 milliards d'euros en France. De 1984 à 2000, les aides locales aux entreprises sont passées de 0,6 à 2,3 milliards d'euros en France. Le crédit d'impôt recherche a représenté en 2004 près d'un milliard d'euros. En 2000, les financements publics de l'innovation se sont élevés à 2,8 milliards d'euros167. Quelle est la part de ces sommes ayant bénéficié au développement des biotechnologies en France ?

Pour essayer de le savoir, il faut se livrer à un « comptage » laborieux qui n'est jamais exhaustif, ni ne donne une vision précise des sommes allouées spécifiquement aux biotechnologies.

Le système français d'aide à la recherche et à l'innovation repose en effet sur un grand nombre de mécanismes fiscaux et d'aides publiques, directes ou indirectes, dont la complexité résulte à la fois de la variété des dispositifs mis en œuvre, de la diversité des organismes centraux, déconcentrés et décentralisés impliqués et de l'instabilité des règles d'octroi et des montants alloués.

Il s'inscrit par ailleurs dans un cadre européen, lui-même dispensateur d'aides et contraignant, le montant des aides consenties « par les Etats » étant plafonné.

Sur le plan fiscal, au crédit d'impôt recherche, s'ajoutent divers régimes dérogatoires de la fiscalité de l'épargne168, ainsi que, le cas échéant des exonérations d'impôts locaux.

Des exonérations de cotisations sociales ont par ailleurs été instituées.

Les aides publiques, directes ou indirectes, sont également les plus diverses, tant à l'échelon central qu'à l'échelon décentralisé, régional en particulier.

Parmi les différents dispositifs les plus largement cités lors des auditions, il convient de mentionner le concours aux jeunes entreprises et les incubateurs créés par la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, les « fonds de fonds » destinés à soutenir les activités de capital risque, les aides de l'ANVAR169, les contrats dits « DSK »170 visant à orienter vers l'innovation une partie des fonds collectés dans le cadre de l'assurance vie et les nouvelles dispositions récemment introduites sur les investisseurs providentiels171 et le statut de la jeune entreprise innovante172.

Ce rapide « tour d'horizon » conduit à formuler une série d'observations.

En premier lieu, les orientations générales définies à l'échelon national ne permettent pas de prendre en compte la situation particulière de certains secteurs, comme celui des biotechnologies. Ainsi par exemple, les observations émises par le Conseil national des Impôts notamment qui considère qu'en France l'aide publique est trop privilégiée par rapport à l'avantage fiscal trouvent difficilement à s'appliquer aux biotechnologies, pour lesquelles les aides publiques directes restent modérées.

En deuxième lieu, complexité des dispositifs et attribution d'avantages fiscaux nuisent à la « visibilité », notamment internationale, des soutiens accordés, tout en alourdissant les frais de gestion173, lesquels sont pris en compte par les « investisseurs » et pèsent sur les coûts de création des jeunes sociétés.

Enfin, les critères d'éligibilité des aides sont essentiels, comme les procédures d'examen des dossiers.

Or les critères d'éligibilité sont plus ou moins sélectifs. Ainsi, pour les FCPR, le portefeuille doit être composé au moins à 50% des parts, actions ou obligations convertibles de sociétés dont les actions ne sont pas admises à la négociation sur un marché réglementé, tandis que pour les FCPI, l'actif doit être constitué au moins de 60% de valeurs mobilières émises par des sociétés « innovantes »- à savoir celles ayant reçu le « label » donné par l'ANVAR ou dont les dépenses cumulées de recherche, au vu des trois exercices précédents, sont au moins égales au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices - non cotées sur un marché réglementé (hormis l'un des marchés réglementés de valeurs de croissance européens)174. Le statut de « jeune entreprise innovante » bénéficie aux entreprises de moins de 8 ans175, dont les dépenses de R&D représentent au moins 15% des charges.

Bien sûr, comme l'a souligné M. Philippe POULETTY, Président de France-Biotech et du Conseil stratégique de l'innovation, ce qui est bon pour l'innovation, est bon pour les biotechnologies. Mais il est nécessaire aussi de s'interroger sur l'adéquation des mesures arrêtées en faveur de l'innovation aux caractéristiques des secteurs très « innovants » comme celui des biotechnologies et se demander si une définition très large des « cibles » n'est pas susceptible de détourner les investisseurs des innovations les plus « risquées »176 tout en pesant sur les moyens finalement accordés par la collectivité à ces secteurs, alors même que la légitimité du soutien public n'y est nullement contestée.

D'un autre côté, les perspectives de profit, dont le revers est le risque, ne constituent pas l'unique élément à prendre en compte. M. Thierry JEAN, Président de la CEREP et Président du conseil d'orientation du réseau GenHomme, a ainsi estimé que le processus actuel d'évaluation des dossiers n'était pas optimum, les paramètres exclusivement scientifiques n'étant pas suffisants et l'objectif d'une création d'emplois à long terme restant généralement oublié. Selon lui, il faudrait définir des paramètres économiques et industriels, en recourant à des business plans axés sur la création non seulement de valeur mais aussi d'emplois. La propriété intellectuelle à cet égard ne constitue qu'un moyen, alors que le but recherché doit être orienté vers la création et la pérennité des emplois.

Enfin, les sociétés de services n'intéressent guère les capital-risqueurs qui jugent en général trop faible le retour sur investissement, tandis que le système bancaire semble hésiter à s'engager dans ce domaine et que les fonds régionaux d'innovation les ignoreraient, en dépit des niveaux de financement relativement plus faibles qu'elles requièrent pour leur développement (au maximum 1 million d'euros sur deux ou trois ans, contre 15 à 20 millions d'euros pour un tour de table moyen, selon les chiffres donnés lors des auditions) et de leur rentabilité plus précoce.

La relative pénurie des moyens disponibles a fait naître ainsi une sorte de controverse. Faut-il aider les sociétés existantes à se développer ou plutôt favoriser la création de nouvelles sociétés, notamment pour exploiter les prochaines générations de produits et de services issus des biotechnologies ? Faut-il soutenir la création de valeur à court terme ou privilégier la création d'emplois à long terme? Faut-il soutenir la mise au point de produits ou s'orienter vers la production de services susceptibles de créer un environnement favorable à l'innovation ?

Ces questions ne sont pas propres au système français. Au Royaume-Uni, des interrogations du même ordre ont été formulées : pour beaucoup de sociétés de biotechnologie, les avantages fiscaux ne présentent aucun intérêt car elles ne dégagent pas de bénéfices ; l'accent mis sur le nombre de sociétés créées se révèle peu pertinent, les liquidations intervenues depuis deux ans devant conduire à une réorientation qui privilégie davantage la « qualité » des projets ; entre les capitaux de démarrage d'environ 250 000£ et les apports de quelque 10 millions de £ assurés par les grandes sociétés de capital risque, les sociétés éprouvent de plus en plus de difficultés à obtenir des financements.

Elles ne se posaient guère lorsque les biotechnologies ont commencé à émerger ; il fallait alors mettre en place des dispositifs rapidement opérationnels. Le recul dont nous disposons aujourd'hui en France, ainsi que les enseignements que nous pouvons désormais tirer des exemples étrangers, permettent de les aborder, dès lors qu'existe une réelle volonté de promouvoir ce domaine et, à travers lui, les secteurs industriels concernés.

Dans l'immédiat, les plus grosses difficultés semblent concerner l'amorçage et le financement du développement de produits mettant en œuvre les techniques issues des biotechnologies, en particulier dans le domaine de la santé. C'est ce qu'ont révélé les auditions organisées dans le cadre du présent rapport.

d) Le financement de l'amorçage et le soutien au développement des produits issus des biotechnologies doivent trouver prioritairement des solutions rapides

Beaucoup des problèmes rencontrés par le financement du développement des biotechnologies relèvent du contexte général, économique, industriel et financier ; les solutions envisageables s'inscrivent par conséquent dans le cadre des politiques industrielles et d'innovation mises en œuvre.

En revanche, les auditions organisées ont permis de mettre en évidence deux difficultés majeures qui méritent une attention particulière, eu égard aux caractéristiques des biotechnologies.

L'amorçage des sociétés de biotechnologies s'essouffle. Cette situation est particulièrement préoccupante en France, où d'une part le nombre de sociétés de biotechnologies est plus limité qu'au Royaume-Uni et qu'en Allemagne et où, d'autre part, la plupart des sociétés créées n'ont pas atteint la taille des plus importantes nées ailleurs. Elle ne se justifie ni par le contexte propre à la France, ni par les caractères du domaine qui connaît des mutations importantes, liées à l'évolution des connaissances et des techniques mises en œuvre, comme à l'émergence de nouveaux besoins, ni enfin par la dynamique propre d'un système d'innovation qui s'accompagne de consolidations, de disparitions et de créations et ainsi se renouvelle sans cesse.

Cette dernière assertion a été constamment rappelée aux Etats-Unis, où les personnes entendues ont souligné la nécessité de maintenir une certaine fluidité au secteur, en acceptant les échecs éventuels qui ne doivent pas être vécus, tant au plan individuel que collectif, comme une infamie ou une faute.

Pourtant, aux Etats-Unis, la création de nouvelles sociétés de biotechnologies a bénéficié de moyens importants apportés par la collectivité publique, Etat fédéral et états fédérés réunis.

Tel est le cas en particulier du programme SBIR (Small Business Innovation Research Program) qui mobilise 2 milliards de dollars177 et permet d'allouer 4 à 5 000 subventions par an, sur la base de 100 000 dollars sur un an et 750 000 dollars sur 2ans, les partenariats étant par ailleurs encouragés (1/3 pour la première phase et 1/2 pour la deuxième phase). Dans le cadre de ce programme, chaque agence fédérale gère directement le budget qui lui est alloué à cette fin et 11 agences y participent, dont 800 millions de dollars pour la défense, 500 millions de dollars pour les NIH, 17 millions de dollars pour l'agriculture et 6 millions de dollars pour l'environnement. Les projets sont évalués par des experts, scientifiques et commerciaux. Il s'agit de subventions, mais les agences ont le droit d'utiliser gratuitement les licences pour la recherche gouvernementale. Au niveau des régions et des états, les fonds mobilisés représentent par ailleurs 50% des fonds fédéraux. En 2004, les NIH ont, sur la base de ce programme, attribué directement aux sociétés de biotechnologies, 155 millions de dollars. La sélection est assurée par les agences gouvernementales, sur la base des avis individuels des experts. Elle vise à trouver un équilibre entre les projets « à haut risque » et les projets moins risqués mais à fort potentiel commercial. Pour la première phase, cette sélection aboutit à ne retenir que 16% des projets et en phase II, la moitié de ceux issus de la phase précédente. 50% des lauréats sont par ailleurs concentrés dans cinq états, l'objectif du programme n'étant pas de répartir l'effort sur l'ensemble du territoire.

A titre de comparaison, les aides de l'ANVAR, qui se concrétisent à 82% par des prêts remboursables en cas de succès, 8% en subventions au lancement de projets et 10% en garanties, se sont élevées à 300 millions d'euros en 2003, dont environ le quart en faveur des biotechnologies. Le concours national de création d'entreprises de technologies innovantes géré par l'ANVAR, qui a été institué en 1999 et s'inspire du programme SBIR était doté de 30 millions d'euros en 2002 ; les projets «  en émergence » bénéficient d'une subvention plafonnée à 45 000 euros et les projets « création-développement », d'une subvention plafonnée à 450 000 euros.

L'appui au développement des produits constitue un deuxième sujet de préoccupation.

Au problème fondamental du financement des sociétés de biotechnologies, s'est ajouté celui des débouchés. Comme l'a souligné un interlocuteur allemand, si dans le monde on compte 4 000 entreprises offrant des produits et des services biotechnologiques, seulement 200 entreprises sont susceptibles d'acquérir ces produits ou services, ce qui crée une forte concurrence, d'autant plus que la plupart des sociétés ont ciblé leurs activités sur les mêmes créneaux (maladies cardiovasculaires, cancers, ...). Avant 2001, on assistait à une participation précoce de grands groupes pharmaceutiques, dès la phase de recherche clinique, le capital risque finançant le démarrage, mais aujourd'hui, les groupes interviennent plus tard et le capital risque s'est raréfié.

Aux Etats-Unis, une réflexion est en cours pour tenter de combler le « trou » entre les NIH et les sociétés de biotechnologies, dû notamment au désengagement du capital risque. Cette réflexion devrait aboutir à un plus grand engagement de la FDA et des NIH, en particulier pour les essais de phase I et la mise au point d'outils, comme les biomarqueurs, permettant de faire le lien entre la science de base et les essais cliniques. Le programme des NIH représentant 27 milliards de dollars aurait été remanié à hauteur de 10% pour faire face à cette initiative. La FDA, pour sa part, a pris pour objectif de réduire les délais d'autorisation.

Au Royaume-Uni, le rapport « Bioscience 2015 » remis en janvier 2003 au gouvernement propose la création d'une agence nationale des essais cliniques (National Clinical Trial Agency - NCTA). Cette agence serait financée par le ministère de la santé et travaillerait en collaboration avec les organismes de recherche, avec une « mise initiale » de 50 millions de £, provenant pour 45 millions des organismes existants (NTRAC, NCRN, MRC et HTA178), auxquels cinq millions seraient ajoutés par le gouvernement et, au bout de cinq ans, ses ressources annuelles devraient atteindre 200 millions de £ (dont 150 hors redéploiement). Cette agence serait chargée principalement de développer une infrastructure apte à porter les essais cliniques (création d'un réseau national multidisciplinaire d'évaluation et de régulation) et de constituer un « portefeuille » de programmes et de projets de recherche clinique associant le NHS, la recherche académique et l'industrie.

Lors de la visite effectuée à Londres, le Département du Commerce et de l'Industrie (DTI) a annoncé que le principe de la constitution d'un réseau national de recherche clinique avait d'ores et déjà retenu par le Ministre de la Santé. Le NHS va financer 100 millions de £ pour la recherche et le développement dans ce cadre. Par ailleurs, un centre de fabrication de produits biotechnologiques est en cours de construction à Liverpool ; le financement de sa mise en place, dont le coût est estimé à environ 30 millions de £, est assuré par le DTI, à hauteur de 3 millions, et par les agences de développement régional, les fonds structurels européens et le secteur privé. Il fonctionnera sur la base de contrats conclus notamment avec de petites entreprises, son rôle consistant à fabriquer à petite échelle des matériaux biologiques et biotechnologiques pour les essais cliniques.

En France, des propositions ont également été formulées pour soutenir le développement des produits dans le domaine de la santé et valoriser les résultats de la recherche publique, sur une base interdisciplinaire. Tel est le cas notamment du projet « Institut d'Innovation Thérapeutique - I2T » que M. Bernard PAU, alors Directeur du Département des Sciences de la Vie du CNRS et membre du comité de pilotage, a présenté. Partant du constat que le modèle de la petite entreprise ne peut constituer la réponse exclusive au gigantesque défi pharmaceutique, le projet vise à mutualiser les risques dans une structure détenant la taille critique nécessaire et assurant un lien en continu entre la recherche publique et la recherche pharmaceutique. L'entité considérée fonctionnerait en réseau et serait constituée comme une filiale des instituts de recherche existants. Elle serait destinée à détecter les innovations issues de la recherche publique, de les trier et de les faire « mûrir », à raison de 10 à 15 projets traités en parallèle. Une part importante (75%) de son budget, estimé à 150 millions d'euros, serait destinée à financer des activités externalisées, notamment en partenariat avec les organismes publics de recherche.

La difficulté principale si l'on veut traiter correctement les conditions d'amorçage des sociétés de biotechnologies, comme le soutien au développement des produits issus des biotechnologies, réside dans la forte interdépendance qui existe avec la recherche publique, la valorisation des résultats issus de celle-ci se trouvant en fait au centre des débats.

3 - La place déterminante de la recherche publique

Les préoccupations portant sur le financement des sociétés de biotechnologies ont parfois occulté la place déterminante qui revient à la recherche publique dans ce domaine.

Analyser cette place reste pourtant malaisée et les comparaisons internationales demeurent fragiles. Ces difficultés résultent d'une multitude de facteurs, comme notamment la diversité des statuts des établissements impliqués et de leur mode de financement, les moyens d'intervention des organismes « publics », dont une partie parfois importante des fonds sert à financer des activités de recherche exercées à l'extérieur, par d'autres entités, publiques ou privées, la confusion existant généralement entre les sources de financement et les structures bénéficiaires, et enfin l'impossibilité d'identifier précisément les « biotechnologies » dans les axes de recherche.

C'est pourquoi, plutôt que d'essayer de dresser un tableau de données disparates, il est apparu plus utile de dégager un certain nombre de constats plaidant pour un soutien massif et pérenne en faveur des sciences de la vie.

a) Les biotechnologies dépendent de la recherche académique

« La recherche fondamentale donne le fioul nécessaire au fonctionnement de la machine appliquée ». C'est ce qu'a souligné un Professeur de médecine français installé à Boston et qui travaille sur la transplantation d'organes.

Ce point a été largement évoqué lors des auditions, notamment aux Etats-Unis où le poids des NIH est très important et où les « clusters » de biotechnologies sont implantés à proximité de pôles de recherche d'excellence.

Mais l'industrie n'est pas forcément « en phase » avec la recherche publique sur ce thème. Ainsi, tel responsable de la recherche d'un grand groupe industriel a pu affirmer par exemple, que pour la découverte de médicaments, les nouveaux procédés permettaient de tester sur l'animal entier et que l'étude des seuls effets offrait de nouvelles voies de compréhension, sans que l'on ait besoin de connaître préalablement le mécanisme lui-même. A l'opposé tel responsable de la recherche publique a considéré que ne pas comprendre le vivant, empêchait de l'apprivoiser, qu'aussi les découvertes récentes ont révélé la complexité du vivant et conduisent à privilégier une conception globale et dynamique, basée notamment sur les interactions.

Face à cette complexité et à la masse des informations délivrées par les nouvelles techniques d'exploration, la pertinence de la question posée orientant la recherche devient essentielle. Cette recherche repose désormais sur l'interdisciplinarité (végétal/humain notamment), l'extraction des informations à haut débit, l'informatique, la physique et les mathématiques.

Et dans ce domaine, la recherche publique a son rôle à jouer.

En Allemagne, les budgets publics alloués au niveau fédéral aux biotechnologies ont été croissants et en progression régulière depuis 1989, passant de 130 millions d'euros en 1989, à 200 millions en 1995, pour dépasser 300 millions en 2001 et 2002. Deux programmes se sont succédé, le programme « Biotechnologie 2000 » (1989-2000), puis le programme « Biotechnologie : Chance nutzen und gestalten » (2001-2005), prévoyant un saut dans les crédits engagés et dont les domaines prioritaires portent sur la génomique, la protéomique et la bioinformatique, mais dont l'exécution se heurte au ralentissement économique et aux problèmes internes à la biotechnologie allemande. Ces programmes mobilisent la participation financière du BMBF, mais aussi des autres ministères tels ceux de la santé, de l'environnement, de l'alimentation et de l'agriculture, ainsi que celui de l'économie. S'ajoutent par ailleurs les programmes de soutien à la recherche qui ne concernent pas exclusivement les biotechnologies, tel que le programme « recherche pour la santé » qui a mobilisé sur la période 2000-2005, 800 millions d'euros. Les programmes dédiés aux biotechnologies ont pour objectif de structurer l'espace de recherche allemand et d'assurer la formation d'une relève qualifiée, mais aussi de soutenir les jeunes entreprises biotechnologiques de R&D. Néanmoins, si l'on fait abstraction des mesures destinées à la création d'entreprises179, on peut estimer qu'une partie non négligeable de ces programmes a bénéficié à la recherche académique.

Au Japon, l'accent est mis sur la protéomique. Au sein d'un groupe de travail international, les Etats-Unis se chargent de 5 000 protéines et le Japon de 3 000, dont 2 500 seront étudiées par les instituts Riken. L'institut de Yokohama dispose ainsi de 40 appareils RMN (résonance magnétique nucléaire) permettant d'analyser la structure tridimensionnelle des protéines, dont un appareil de 900 Mégahertz.

Le projet national d'analyse structurelle et fonctionnelle des protéines mobilisera un budget de 9,9 milliards de yens en 2004. Depuis deux ans 700 structures ont été mises en évidence, alors que 250 structures ont été identifiées dans les neuf centres travaillant dans ce domaine aux Etats-Unis, l'objectif étant d'atteindre 3 000 structures d'ici trois ou quatre ans. Les incidences économiques de ce projet se déploieront dans le secteur du développement de médicaments. On estime en effet que 500 protéines sont susceptibles d'être utilisées à cette fin. Les groupes pharmaceutiques américains ont déjà engagé des travaux importants sur ces 500 protéines, mais on estime aussi que 2 000 à 3 000 protéines pourraient être exploitées.

Ce travail d'analyse est rendu possible grâce aux très importants investissements réalisés afin de se doter des équipements nécessaires pour analyser les petites structures. La cristallisation et l'analyse au rayon X, en utilisant les rayons les plus puissants, à l'aide notamment du synchrotron, révèlent l'importance des procédures d'automatisation, des efforts conséquents ayant été entrepris pour développer ces procédés et les laboratoires de recherche en biologie fonctionnant désormais comme de « petites usines ». La résonance magnétique nucléaire (RMN) constitue un autre procédé essentiel d'analyse, le Japon bénéficiant désormais à Yokohama d'une concentration d'équipements la plus importante au monde.

En Suisse, la bio-informatique tient une place importante. L'institut suisse de bioinformatique (ISB), qui est une fondation à but non lucratif dirigée par le Professeur Ernest FEYTMANS, regroupe tous les acteurs de la bioinformatique en Suisse et constitue l'institution scientifique auxiliaire la plus largement subventionnée dans ce pays. Les professeurs de bioinformatiques des différentes universités sont affiliés à l'Institut qui finance les collaborations et les équipements.

Dans le domaine de la protéomique, une base de données, Swiss Prot, a été constituée. Il s'agit d'une base totalement annotée (pour chaque protéine sont déterminées sa fonction, ses caractéristiques, sa structure tridimensionnelle avec une description à partir de tout ce qui a été publié sur la dite protéine) comportant au 11 juin 2004 153 017 séquences de protéines, 56 301 572 acides aminés et 8 543 espèces. Le projet « Uniprot » porte sur la constitution d'une base de données des protéines, avec d'une part Swiss Prot, et d'autre part la base Tr EMBL qui compte 1 062 416 séquences, 332 514 237 acides aminés et 62 123 espèces mais aucune annotation. Il rassemble ces deux équipes et un troisième partenaire américain qui a constitué une base de données annotée. Uniprot sera également une banque de données annotée. Les trois partenaires bénéficient d'un financement des NIH, pour une subvention de 5 millions de dollars sur trois ans, puis 10 millions sur six années.

La masse d'informations collectées - en 2003, le génome d'une nouvelle bactérie a été publié chaque semaine - ne peut désormais être traitée sans les technologies de pointe ; les logiciels sont indispensables pour trier cette information et la traiter, afin d'étudier la fonction d'une protéine et les relations entre la protéine et la fonction biologique. Comme l'a souligné le Professeur FEYTMANS, on a assité à une évolution vers la biologie des systèmes, basée sur l'identification des réseaux de fonctions et de régulations et si cette évolution est moins fondamentale en Europe qu'aux Etats-Unis, où le moyens sont plus importants, la qualité des publications européennes constitue un atout.

Aux Etats-Unis, le rôle des NIH est essentiel. C'est, pour reprendre les termes employés par un responsable industriel aux Etats-Unis, « une marée qui soulève tous les bateaux ».

b) A travers la recherche publique, les Etats définissent des orientations stratégiques

Aux Etats-Unis, la part fédérale des dépenses de R&D dans les sciences de la vie représente environ 0,26% du PIB. Les différents départements et les différentes agences y participent.

Principaux organismes contribuant à la R&D dans le secteur des biotechnologies aux Etats-Unis
(en % des budgets dédiés à la R&D)
180

 

NSF

NASA

DoD

DOE

HHS

USDA

Total

17,6%

7,6%

15,7%

13,2%

88,9%

81,6%

Agronomie

 

0,1%

     

42,0%

Biologie

12,9%

3,2%

6,3%

9,1%

47,8%

19,7%

Biologie environnementale

4,7%

0,2%

0,8%

   

18,3%

Sciences médicales

 

0,7%

7,0%

4,1%

38,3%

1,7%

Autre

 

3,5%

1,5%

 

2,8%

 

Dans le domaine de la santé, les NIH disposent d'un budget de 28,6 milliards de dollars, dont 10% financent la recherche interne. La pérennité des moyens accordés au secteur de la santé, ainsi que le doublement du budget alloué aux NIH sur cinq ans à partir de 1999 montrent que la santé constitue un objectif stratégique pour ce pays. Le principe d'un doublement (en 1998 le budget s'élevait à 13,67 milliards de dollars) a été décidé notamment pour prendre en compte l'augmentation de la taille des équipes et du coût des équipements, liée à la découverte du génome humain, mais aussi de l'accroissement des coûts de la recherche clinique.

Dans le domaine de la lutte contre le bioterrorisme, le budget 2005 des NIH inclut 890 millions de dollars et le programme Bioshield prévoit une enveloppe de 5,6 milliards de dollars sur 10 ans.

Dans le domaine végétal, un budget de 1,5 milliard de dollars a été accordé à la recherche biotechnologique de l'USDA, laquelle travaille avec de nombreuses universités et laboratoires fédéraux.

Le Département de l'Energie a par ailleurs obtenu en 2003 pour la recherche en sciences de la vie une enveloppe de 50 millions de dollars, notamment pour la biomasse.

Ces données ne tiennent pas compte des universités qui reçoivent des fonds de l'Etat fédéral mais disposent aussi d'autres ressources provenant des Etats fédérés et de collectivités locales, de l'industrie et des fondations ainsi que de fonds propres. Selon le pôle Sciences de la vie des Etats-Unis, pour les biotechnologies, les universités auraient bénéficié en 2003 d'un montant de près de 4 milliards de dollars en provenance des collectivités, des entreprises et des fondations (hors Etat fédéral et hors fonds propres).

En France, il est difficile de disposer de données exhaustives dans ce domaine. Si l'on se limite au BCRD, les crédits alloués aux Sciences du vivant dans ce cadre s'élèvent à 1 946 millions d'euros selon le projet de loi de finances pour 2005. Ils se répartissent comme suit :

 

Organismes de recherche

Actions d'incitation et fonds d'intervention

Santé

Dont :

EPST

EPIC dont CEA et CNES

GIP et Fondations

718

613

35

70

57

Sciences de la vie

Dont :

EPST

EPIC dont CEA et CNES

GIP et Fondations

762

745

7

10

101

Agriculture

Dont :

EPST

EPIC dont CEA et CNES

GIP et Fondations

306

279

27

0

2

En millions d'euros

Pour le seul agrégat concernant les organismes de recherche, les sciences du vivant ont mobilisé 1 674 millions d'euros en 2002, 1 707 en 2003 et 1 693 millions en 2004 (prévisions).

Ce n'est qu'en doublant les crédits alloués aux sciences du vivant au sein du BCRD que l'on parvient à une part du PIB équivalente à celle constatée aux Etats-Unis. Le montant total de ces crédits n'atteint même pas celui consacré par les NIH aux recherches intra muros (10%).

Si l'on tente de décliner l'effort public de recherche selon les objectifs stratégiques qu'un développement des biotechnologies peut contribuer à atteindre - la santé, l'alimentation, l'environnement et la sécurité -, le même constat alarmant s'impose.

Dans le domaine de la santé, selon certaines estimations, les financements publics des dépenses de R&D en santé réalisées en France seraient de l'ordre de 2,7 milliards d'euros181. Encore une fois on atteint environ 0,18% du PIB, alors qu'aux Etats-Unis, le seul budget des NIH représente 0,27% du PIB.

Dans le domaine agricole, le troisième rapport européen sur les indicateurs de la science et de la technologie montre que si la production et la technologie agricoles représente en France 3,2% des dépenses civiles gouvernementales de R&D, la part de ce poste atteint 4,5% aux Etats-Unis.

Dans le domaine de l'environnement, la position de la France par rapport aux Etats-Unis est en revanche meilleure (1,82%, contre 1,38%), mais l'effort consenti en faveur des « biotechnologies blanches » reste à apprécier.

Dans le domaine de la sécurité, les auditions ont montré que la lutte contre le bioterrorisme ne constituait pas en France182 une priorité, en raison notamment de la difficulté de déterminer les responsabilités respectives des différents ministères dans ce domaine. Si la protection des personnels militaires relève de la compétence du ministère de la Défense, une lourde interrogation porte sur les conditions de prise en charge des populations civiles face au bioterrorisme. Quelques initiatives ont été prises, telles que la constitution récente au sein du CNRS d'un groupement de recherche en biodéfense, ou dans le cadre de l'appel à projets biotox, la sélection par Inserm-Transfert de 22 programmes de recherche, bénéficiant d'une dotation globale de 4,6 millions d'euros, alimentée par Aventis-Pharma et Bayer et dont les domaines concernent la recherche fondamentale, la recherche diagnostique, la recherche thérapeutique, ainsi que la conception de systèmes de réponse.

Les indicateurs de la science et de la technologie établis par la Commission européenne en 2003 sont tout à fait révélateurs de la faiblesse des politiques stratégiques mises en œuvre dans les pays européens. Les difficultés rencontrées en Europe pour développer les biotechnologies en sont ainsi le résultat, au moins en partie.

Répartition (en %) des dépenses civiles gouvernementales de R&D

selon les objectifs socio-économiques

 

Montant

(millions euros)

Agriculture Production and Technology

Human and social objectives183

Technological objectives184

Research financed from General University funds

Non oriented research

Other civil research

Total

B

1 418

3,0

10,8

38,3

19,3

24

4,7

100

DK

1 182

12,5

17,9

12,5

39,2

17,9

 

100

D

15 000

2,7

13,2

24

41,8

18,1

0,1

100

EL

388

7

18,4

20,2

46,1

8

0,3

100

E

2 933

6

12,5

38,6

30,6

10,5

1,8

100

F

10 132

3,2

11,5

29,8

12,1

29

3,4

100

IRL

329

14,4

13,3

21,5

19,2

31,5

 

100

I

6 697

2,1

13,2

30,5

42,9

11,3

 

100

NL

2 875

3,1

13,5

20,5

47,2

11

4,7

100

A

1 197

3,3

8,8

9,3

63,7

14,8

0,03

100

P

705

13,2

22,2

16,3

36,6

8,2

3,4

100

FIN

1 274

5,5

16,9

37,8

27,2

12,5

 

100

S

1 740

2

13,4

17,5

54,8

 

12,4

100

UK

6 854

6,1

34,5

7,5

31,3

20

0,6

100

EU

52 712

3,9

15,8

24,2

36,4

18

1,7

100

US

42 180

4,5

54,8

28,2

 

12,6

 

100

J

31 649

3,6

9,7

33,5

37

14,6

1,6

100

Pourtant, si l'on retient les principaux domaines d'application des biotechnologies, on constate que les trois pays européens qui sont les mieux placés dans le domaine des biotechnologies, sont aussi ceux dont l'effort public de R&D a été, en montant, le plus important au sein de l'Union européenne.

Budget gouvernemental pour la R&D par objectifs socio-économiques

 

Allemagne

France

Royaume-Uni

Europe

Etats-Unis

Japon

Santé

558

735

1 545

3 877

19 977

1 282

Agriculture

410

321

420

2 060

1 893

1 144

Environnement

560

239

260

1 666

582

264

Défense

16 308

13 092

10 194

61 893

87 569

33 017

En millions d'euros (2000)

c) L'Union européenne a tenté de créer une dynamique sans véritablement y parvenir

L'Union européenne a tenté de créer une dynamique favorable au développement des biotechnologies en Europe. Cette initiative s'inscrivait dans le cadre des orientations définies au sommet de Lisbonne, en mars 2000, et plaçait les sciences du vivant et la biotechnologie au « premier rang des technologies d'avant-garde ».

En 2001, la Commision a élaboré une « stratégie » en faveur du développement des sciences du vivant et des biotechnologies en Europe185. Cette stratégie se fondait sur des considérations politiques :

« L'Europe se trouve devant un choix politique majeur : accepter un rôle passif et réactif et subir les conséquences du développement de ces technologies dans d'autres régions, ou élaborer des politiques proactives visant à les exploiter de façon responsable, dans le respect des valeurs et des principes européens... La Commission pense que le choix politique de l'Europe consiste à savoir non pas s'il convient de répondre aux défis posés par les nouvelles connaissances et leurs applications, mais comment y répondre ».

A cette fin, un plan d'action a été élaboré, comportant diverses mesures financières, réglementaires, de communication, éducatives, ainsi que des orientations concernant plus spécifiquement les institutions de recherche, notamment :

_ attirer et retenir les scientifiques et éviter la fuite des cerveaux,

_ accroître le soutien aux actions de recherche, dans le cadre du programme-cadre 2002/2006.

Le sixième PCRD a pris en considération le plan d'action en accordant, au sein des crédits dégagés (17,5 milliards d'euros - soit 5% du total des dépenses publiques de recherche en Europe -, qui ont été portés à 19,6 milliards depuis l'élargissement), une enveloppe d'environ 3 milliards d'euros, dont 2,2 milliards pour les sciences du vivant et 0,7 milliard d'euros pour la qualité et la sécurité de l'alimentation, l'intégralité de ces crédits n'étant néanmoins pas dédiée aux biotechnologies186. Mais la recherche en biotechnologie est présente dans la plupart des 7 priorités thématiques.

Cette stratégie a donné des résultats mitigés, des critiques étant formulées à la fois par les institutions de recherche et par la commission elle-même.

Les principales critiques formulées par les chercheurs portent sur le montant des crédits alloués, notamment en ce qui concerne les « biotechnologies vertes », la lourdeur des procédures de gestion de ces crédits, mais aussi, parfois, l'essaimage des moyens consentis, dans un domaine tel que les biotechnologies, soumis à une forte concurrence et qui exigerait, selon certains, que l'excellence soit nettement privilégiée par rapport à des objectifs moins scientifiques d'aménagement du territoire ou de remise à niveau, dans le cadre européen, d'équipes peu performantes.

La Commission a pour sa part dressé un bilan peu encourageant des résultats obtenus187. La stratégie mise en œuvre devait à la fois susciter une augmentation des investissements publics et privés et favoriser une meilleure structuration de l'espace européen de recherche dans le domaine considéré.

Ces deux objectifs n'ont pu véritablement être atteints.

Dès 2003, la Commission a rappelé qu'il était essentiel que « le Etats membres disposent d'une politique claire et cohérente en matière de biotechnologie ». Elle constatait que si certains Etats membres avaient pris certaines mesures s'inscrivant dans le cadre de la stratégie, le bilan restait mitigé, voire constituait « un motif d'inquiétude » dans différents domaines (nécessité d'intensifier la recherche, de disposer de ressources financières accrues, de mettre en place un régime de protection de la propriété intellectuelle, de progresser davantage dans le domaine des OGM). Elle observait que la recherche européenne en général, mais aussi celle qui porte sur les sciences du vivant et la biotechnologie, souffrait toujours d'un manque de ressources et de fragmentation. Elle soulignait à ce propos que « l'industrie des sciences du vivant et de la biotechnologie trouve, et continuera de trouver, ses racines dans la recherche publique », les actions convenues à l'échelle européenne devant s'accompagner d'un vigoureux effort de recherche à financement national qui donne des résultats sur les plans national et local et qui permette une coopération transfrontalière sans entrave entre les meilleurs chercheurs dans des domaines spécialisés. Elle notait enfin qu'aucun des groupements biotechnologiques existant en Europe n'était aussi dynamique que les principaux groupements biotechnologiques américains de Nouvelle Angleterre et de Californie.

En 2004, la Commission considère qu'il est urgent d'accroître les investissements publics et privés dans la recherche et invite les Etats membres à élaborer une politique plus claire et plus homogène en matière de biotechnologie afin d'éviter le risque de réduire l'impact, l'efficacité et la cohérence de la stratégie de l'Union européenne dans ce domaine.

Sont particulièrement encouragées la recherche en génomique, avec le réseau d'excellence BioSapiens qui réunit 24 centres informatiques de 14 pays européens et la biotechnologie pour la santé, afin notamment de trouver des synergies entres les activités de recherche nationale dans le domaine de la recherche génomique (COGENE). La Commission a aussi proposé de lancer une plate-forme technologique européenne sur la génomique des végétaux et la biotechnologie et d'étudier les perspectives de la biotechnologie industrielle européenne.

Le futur programme-cadre devrait en principe soutenir davantage la recherche fondamentale et favoriser la constitution de plates-formes technologiques. La Commission a proposé de doubler les moyens accordés à la recherche. Mais les effets de l'élargissement doivent aussi pris en compte et les réflexions en cours sur le plafonnement des dépenses européennes risque de compromettre l'aboutissement de cette initiative.

d) En France, les principales interrogations portent sur la mobilisation de fonds complémentaires et l'étendue du champ d'intervention de la recherche publique

Si le principe d'un renforcement de la recherche publique dans le domaine des sciences de la vie a été largement reconnu au cours des auditions organisées, les voies permettant d'assurer ce renforcement ont fait l'objet de diverses propositions, reflétant parfois des divergences profondes.

En tout cas, un consensus s'est dégagé sur le caractère « massif », et non symbolique, des sommes à investir publiquement dans les sciences de la vie, comme sur la nécessité d'inscrire cette action dans la continuité.

Les premières propositions se sont fondées sur le poids grandissant des programmes initiés dans les années 70 dans les domaines de l'espace, de l'aéronautique et de l'énergie, qui ne laissent aucune marge de manœuvre pour les autres domaines, en particulier les sciences de la vie, lesquelles sont pourtant au cœur de l'innovation, créatrices d'emplois et génératrices de diverses activités économiques.

Mais aussi la première divergence est apparue lorsqu'il a fallu en tirer les conséquences. Faut-il amputer ces programmes pour dégager une marge suffisante en faveur des sciences de la vie, ou mettre en oeuvre un « nouveau » programme ? Si pour le uns, la France ne peut pas se « payer le luxe » de supporter les programmes actuels et d'en définir un nouveau, pour d'autres, ce n'est qu'une question de volonté politique, l'effort public de recherche dans le domaine civil étant actuellement insuffisant.

En fait, ce débat reflète de lourdes interrogations sur la place de la recherche dans notre pays et le peu de confiance dont jouissent les sciences de la vie au sein de la recherche française. L'Etat n'est-il pas devenu encore plus frileux que les capital-risqueurs ?

Pour ceux qui estiment, fort justement, que les redéploiements ne permettent pas de fonder une stratégie, les moyens complémentaires doivent provenir soit du budget de l'Etat, soit de la sécurité sociale. La proposition a été ainsi émise de consacrer 1% de ces dépenses aux sciences de la vie, notamment dans le domaine de la santé.

Cette dernière proposition a paru à la fois séduisante, tant il est vrai que la gestion actuelle des dépenses de santé semble manquer de visibilité prospective, et irréaliste, dès lors qu'on ne disposait pas d'indicateurs permettant de sensibiliser l'opinion publique sur l'impact des sciences de la vie sur la durée et la qualité de la vie ou de mesurer les effets des nouvelles technologies sur les dépenses de santé.

La question de la place des fondations a été aussi, bien entendu, évoquée. Les auditions sur ce point ont tout d'abord révélé une grande confusion, tant en ce qui concerne l'objectif poursuivi, la proposition de M. POULETTY visant à créer des fondations par domaine de recherche qui seraient des agences de moyens se substituant aux organismes existants, s'étant « télescopée » avec celle émanant du ministère de la Recherche, visant à créer plusieurs fondations non pérennes, axées sur une recherche finalisée, que les conditions de financement. Pour la deuxième catégorie, la mobilisation des fonds provenant des privatisations a paru aléatoire, lors du déroulement des auditions, mais surtout, l'implication des entreprises a semblé très « utopique ». Même si ces fondations sont susceptibles de drainer les fonds provenant des banques et des assurances ou d'attirer les dons des particuliers, la création de telles fondations ne réglera pas le problème du financement de la recherche en France, et des sciences de la vie en particulier. Elles peuvent certes offrir une opportunité dans un domaine très précis de recherche, elles ne peuvent constituer une réponse suffisante à la mesure des enjeux et des besoins liés au développement des biotechnologies. Tel segment de la recherche publique y trouvera peut-être son compte, mais l'ensemble du domaine des sciences de la vie n'en bénéficiera pas188.

Au Royaume-Uni, selon l'AMRC (Association of Medical Research Charities), 78% des fonds collectés sont destinés à la recherche médicale et il y aurait 3 500 œuvres caritatives qui financent la recherche biomédicale, dont certaines sont très petites (moins de 10 000£ de dépenses) ou très locales (au sein d'une université par exemple). Environ 800 d'entrent elles apportent un financement régulier à la recherche. Au sein de l'AMRC, 111 œuvres caritatives sont membres et dépensent pour la recherche 600 millions de £ (dont la moitié incombe au Welcome Trust), dont 80% dans les universités et 20% dans les instituts des œuvres ou indépendants, sur un total de 2 milliards de £ de dépenses (le montant total des fonds collectés par ces œuvres n'ayant pas été indiqué). Comme le notaient les responsables entendus, les programmes de recherche sont très divers, voire éclatés.

Les auditions organisées ont aussi permis de mettre en évidence une autre problématique : jusqu'où la recherche publique doit-elle aller ?

A bien des égards, cette dernière problématique renvoie à celle des relations entre le secteur public et le secteur privé qui seront examinées ci-dessous.

Mais elle révèle aussi la difficulté qu'il y a, dans le domaine des biotechnologies, à définir des frontières précises entre les activités de recherche soumises à des procédures de financement différentes et relevant de la compétence de structures distinctes. On peut ainsi se demander si les règles établies par exemple au niveau communautaire encadrant les aides d'Etat à la recherche et au développement, qui reposent sur la distinction entre recherche fondamentale, définie comme « une activité visant l'élargissement des connaissances scientifiques et techniques qui ne sont pas liées à des objectifs industriels ou commerciaux », recherche industrielle, destinée à « mettre au point des produits, procédés ou services, nouveaux ou déjà existants » et activité de développement préconcurrentielle, consistant à permettre « la concrétisation des résultats de la recherche industrielle dans un plan/schéma/dessin pour des produits, procédés ou services (par exemple : création d'un prototype, projets démonstratifs, projets pilotes...) » sont réellement adaptées au processus de développement des biotechnologies. On peut aussi se demander si ces règles189 n'ont pas largement déterminé les voies choisies par les différents pays européens pour favoriser ce développement, tout en limitant leurs capacités d'initiative dans ce domaine. Il convient en effet de rappeler que les règles d'encadrement communautaire, tout en fixant des limites différentes selon les types d'activités de recherche, modulent ces limites, lorsque le financement est destiné aux petites et moyennes entreprises, à certaines régions économiquement démunies, à un projet de dimension transfrontalière qui s'insère dans le programme cadre de R&D, à « un projet qui, dans le cadre de la coordination des politiques nationales en matière de recherche et développement, prévoit une collaboration transfrontalière, s'accompagnant d'un effort pour la diffusion des résultats et l'octroi de licences et de brevets ».

Au cours des auditions organisées en France, deux projets audacieux impliquant les organismes de recherche publique dans le processus de découverte de nouveaux médicaments ont été présentés. Outre celui envisageant la création d'une nouvelle structure dénommée I2T, déjà évoquée, un autre visait à utiliser la plate-forme de Romainville, au sein d'une structure mixte associant l'industrie et la recherche publique. Ce projet, aujourd'hui abandonné, posait la question des conditions d'exploitation des chimiothèques et des cibles « publiques ». Le criblage doit-il entrer dans les compétences du secteur public ? Les chercheurs qui trouvent de nouvelles cibles doivent-ils pousser les recherches « le plus loin possible », pour assurer un retour sur investissement, au bénéfice de l'Etat et des organismes publics ? Mais aussi quelle limite fixer et quelles conditions exiger ?

B - Que signifie un partenariat public/privé ?

Les relations entre la recherche publique et le secteur industriel constituent encore un « problème » pour la plupart des européens.

Les mêmes questions se sont posées aux Etats-Unis, lors de l'émergence des biotechnologies à la fin des années soixante-dix et de la constitution des premières sociétés de biotechnologies par des chercheurs issus du monde académique. Le témoignage de James WATSON est sur ce point éclairant. « Inévitablement cet état de fait fit surgir certaines questions. Devait-on autoriser les professeurs à s'enrichir à partir des travaux réalisés avec des équipements appartenant à leurs universités ? La commercialisation des produits de la recherche universitaire ferait-elle naître des conflits d'intérêts irréconciliables ? L'entrée de la biologie moléculaire dans une nouvelle ère industrielle allait-elle rallumer le feu mal éteint du débat sécuritaire ? Compte tenu de l'importance des sommes en jeu, quelle partie de leur budget les capitaines de la nouvelle industrie étaient-ils prêts à sacrifier aux mesures de sécurité ? ». Rapidement, alors que la première société de biotechnologies avait été créée en 1976 par Herbert Boyer (il s'agit de Genentech), l'Etat fédéral a pris une série de dispositions : le Stevenson Wydler Act en 1980 qui donne mission aux laboratoires fédéraux de favoriser le transfert technologique, le Bayh Dole Act, la même année, qui définit les conditions de valorisation des innovations par les centres de recherche, le Federal Technology Transfert Act de 1986. « Au cours des vingt dernières années190, la méfiance et l'esprit moralisateur qui imprégnaient les rapports entre recherche et commerce en biologie moléculaire a progressivement fait place à une relation que l'on pourrait presque qualifier de symbiose productive. Les universités encouragent désormais activement leurs chercheurs à cultiver des intérêts commerciaux. Ayant tiré les leçons de l'erreur commise par Harvard avec Genetics Institute191, elles ont mis en place des dispositifs leur permettant de bénéficier financièrement des applications commerciales de technologies nées dans leurs laboratoires. De nouveaux codes déontologiques préviennent les conflits d'intérêts auxquels peuvent être confrontés les scientifiques à cheval sur deux univers. Aux premiers temps de la biotechnologie, ces derniers étaient souvent accusés de se « brader » lorsqu'ils décidaient de s'associer à une entreprise. Aujourd'hui, un passage par la biotechnologie commerciale est une étape incontournable dans une carrière de spécialiste de l'ADN réussie. Non seulement l'argent qui se trouve à la clé est-il bienvenu, mais il en ressort également des satisfactions intellectuelles car, pour des raisons de compétitivité, la biotechnologie se trouve en permanence à la pointe de la recherche scientifique ».

La situation réelle aux Etats-Unis n'est pas aussi idéale que celle décrite dans ces quelques lignes. Néanmoins, un « cercle vertueux » s'y est créé, mobilisant chercheurs, industriels et investisseurs. Un responsable d'une société industrielle européenne qui vient d'implanter un grand centre de recherche aux Etats-Unis, constatait ainsi que « les scientifiques n'y sont pas meilleurs qu'ailleurs, mais ils savent exploiter leur potentiel ».

L'essor des biotechnologies en Europe et en France dépend en grande partie de cette capacité de valorisation.

En France, les premières mesures visant à susciter une évolution dans ce domaine ont été prises en 1999, dans le cadre de la loi sur la recherche et l'innovation. Intervenue quelque vingt années après celles introduites aux Etats-Unis, elles n'ont pas pu permettre de rattraper le retard dans ce domaine en cinq années d'application. Elles ont néanmoins produit des changements qu'il convient de ne pas négliger. Des efforts ont été aussi consentis dans les autres pays européens.

Ces efforts ont donné des résultats réels mais inégaux.

Au cours des auditions organisées et des missions effectuées, trois thèmes se sont dégagés. En premier lieu celui de l'organisation de l'espace. En second lieu, celui des moyens humains investis et des structures. Enfin, celui des instruments juridiques et financiers utilisés.

1 - Le problème de l'organisation de l'espace : clusters et biopoles

La question de la localisation des activités liées à la biotechnologie a été souvent évoquée lors des auditions et des missions effectuées. Beaucoup d'éléments propres à favoriser le développement des biotechnologies sont liés à cette question : le regroupement des activités de recherche, industrielles et financières crée des « synergies » propices, il assure une meilleure « visibilité » à l'échelle internationale, il permet de mieux utiliser les équipements...

Cependant, elle a été aussi parfois relativisée et il reste très difficile de tirer des conclusions définitives à ce sujet.

Au Royaume-Uni, la politique industrielle du gouvernement s'appuie sur les agences de développement régional, qui sont au nombre de 11, dont 8 en Angleterre, majoritairement financées par le Département de l'Industrie et du Commerce (DTI), et trois, autonomes, en Ecosse, en Irlande et au Pays de Galles. La mise en œuvre de la politique nationale en faveur des biotechnologies (750 millions de £ par an, selon les informations données par le DTI) fait l'objet de réunions régulières (tous les six mois) avec ces agences, les projets concertés permettant de définir des orientations communes. Ces orientations visent à « défendre l'image du Royaume-Uni à l'étranger ». En effet, dans ce pays, l'ouverture sur « l'international » reste une préoccupation dominante et partagée par le DTI, les instituts de recherche relevant du Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC), ainsi que par les universités. Ceci dit, l'allocation des ressources pour soutenir le développement des biotechnologies doit tenir compte de plusieurs contraintes : le parc biotechnologique de Norwick, dont la constitution a largement reposé sur l'implication financière de la Fondation John Innes, subit la proximité de Cambridge qui attire plus facilement les investisseurs, mais Cambridge est moins bien placée que l'Imperial College192 ou Oxford qui bénéficient de la présence de grosses sociétés industrielles, tandis que les fonds européens profitent aux zones « sous-développées ».

a) Le phénomène cumulatif des pôles d'excellence : l'exemple de Boston

Aux Etats-Unis, six pôles d'excellence en biotechnologies sont généralement identifiés (Boston, le New Jersey, la Pennsylvanie, San Francisco, San Diego et le Maryland) et à l'intérieur du pays, chaque pôle concurrence les autres pour attirer les sociétés, les capitaux et les étudiants. La Californie constitue le pôle le plus important et constitue un modèle de développement pour les autres Etats qui tentent de s'en inspirer. Parce que la puissance économique et le potentiel de recherche de la Californie sont comparables à ceux de la France, il est parfois tentant d'appliquer à celle-ci les principes de concentration retenus par celle-là193, laquelle compte deux clusters, à San Diego et à San Francisco.

Cependant, une autre démarche, prenant en compte plus la dynamique des clusters que leurs caractéristiques à un moment donné, semble plus intéressante. Elle permet d'identifier les leviers essentiels d'un développement des biotechnologies. A cet égard, la situation de Boston mérite un examen approfondi.

Boston, bien sûr, n'est pas parti de rien. C'est d'ailleurs peut-être un premier enseignement : on ne crée pas des clusters dans le domaine des biotechnologies, comme on a créé des villes nouvelles en France, il y a une trentaine d'années. Les auditions organisées en France ont permis de souligner ce point, même si les critiques à l'encontre de créations ex nihilo ont été plus ou moins virulentes. Les missions effectuées à l'étranger ont aussi révélé la difficulté rencontrée par les autorités locales pour « faire vivre » et animer les pôles qui avaient été implantés sur leur territoire. Beaucoup de bâtiments restent vides et les équipements sont sous-utilisés.

Dans un certain nombre d'Etats européens et au Japon, la création de clusters de biotechnologies a répondu à un objectif d'aménagement du territoire. Les exemples sont nombreux. Il s'agissait de saisir les opportunités offertes par un développement des biotechnologies pour aménager des territoires et créer des emplois, sans forcément tenir compte des ressources existantes.

Boston194 bénéficie d'une concentration exceptionnelle de compétences universitaires et d'infrastructures hospitalières : le Massachusetts General Hospital (868 lits), la Harvard Medical School (200 millions de dollars de crédits de recherche, 200 doctorats par an), les laboratoires de recherche de l'Université de Harvard et ceux du MIT, dont le plus important dans le domaine des biotechnologies est le Whitehead Institute for Biomedical Research. Boston compte environ 1 200 étudiants diplômés en sciences de la vie (2001) et 5 000 scientifiques spécialisés dans les sciences de la vie.

L'agglomération de Boston est la principale bénéficiaire des financements des NIH, avec 1,6 milliard de dollars en 2001, dont 66,4 millions destinés aux PME et les financements publics sont prééminents dans les budgets des centres de recherche, y compris ceux des universités privées.

La région de Boston est également l'un des sites privilégiés du capital-risque, les plus importants fonds de pension y ont d'ailleurs leur siège. Entre 1995 et 2001, Boston a constitué la deuxième ville des Etats-Unis bénéficiaire des investissements en capital-risque réalisés, après San Francisco. 10 sociétés de capital-risque y sont localement très actives.

La Nouvelle Angleterre accueille environ 200 sociétés de biotechnologies, dont trois des 10 plus grandes aux Etats-Unis.

Alors que depuis 1980, les laboratoires pharmaceutiques ont financé les sociétés de biotechnologies à hauteur de 5,1 milliards de dollars dans la région de Boston, plusieurs firmes pharmaceutiques y ont implanté leurs centres de recherche. Les laboratoires Abbott y exploitent depuis 1989 un centre de recherches comptant 550 scientifiques et techniciens, AstraZeneca a inauguré en 2000 un centre de recherches spécialisé en oncologie où travaillent 300 chercheurs, Novartis implante actuellement à Cambridge son principal de centre de R&D (900 emplois) et le siège de sa filiale Novartis Institute for BioMedical Research.

Dans le Massachusetts, les universités, les centres de recherche scientifique et les établissements hospitaliers déposent plus de brevets que les sociétés commerciales, qui génèrent près de 90 millions de dollars de revenus. 858 brevets ont été déposés en Nouvelle Angleterre dans les sciences de la vie en 2000, soit un brevet sur cinq déposés aux Etats-Unis dans ce domaine.

Le secteur des biotechnologies y compte près de 36 000 emplois en 2001, soit 12,6 % de plus qu'en 1997.

Le campus du MIT comprend notamment un complexe immobilier de 100 000 m² de bureaux et de laboratoires, le Trechnology Square, accueillant diverses sociétés de biotechnologies, comme Amgen, Biogen ou Millennium et l'université de Boston exploite un parc industriel de 250 000 m², Biosquare, consacré aux biotechnologies.

A la différence de la plupart des autres Etats des Etats-Unis, l'Etat du Massachusetts intervient peu financièrement dans le développement des biotechnologies.

b) L'impact de politiques locales adossées à une stratégie nationale : l'exemple de la Bavière

En Allemagne, la politique définie à l'échelon national en faveur des biotechnologies a privilégié l'objectif de structuration de l'espace, dans le cadre du concours BioRegio qui a permis de sélectionner trois régions bénéficiaires des aides publiques de 1995 à 2000, puis au sein du dispositif BioProfile (2000/2005) axé sur quelques programmes plus ciblés et plus localisés.

La Bavière, qui représente 20% du territoire national, a été retenue dans le cadre du concours BioRegio et a développé une politique visant à soutenir la recherche fondamentale et les activités économiques.

Si actuellement les biotechnologies bavaroises connaissent des difficultés, liées notamment au manque de capitaux (les besoins sont estimés à 200 millions d'euros, tandis que les moyens mis à disposition se limitent à une trentaine de millions), la politique mise en œuvre a permis de soutenir efficacement le développement des biotechnologies. La première société de biotechnologie a été créée dans la région de Munich en 1992 et en 1996, on y comptait à peine 34 sociétés employant 300 salariés. En 2002, 115 sociétés y étaient implantées et employaient 3 020 salariés. Toutefois, il convient de remarquer que si environ le tiers des sociétés de biotechnologies implantées en Allemagne sont localisées à Munich, l'emploi salarié munichois dans les biotechnologies représente moins du quart de l'emploi allemand dans ce secteur. Les PME biotech de Munich auraient généré 138 millions d'euros en 2001 et 196 millions d'euros en 2002. Cinq sociétés de biotechnologies sont cotées en bourse et 50 produits sont en phase pré-clinique ou clinique.

Le soutien à la recherche fondamentale dans le domaine des biotechnologies a constitué un premier objectif. Dans ce domaine, le land est impliqué en raison du principe d'autonomie des universités bavaroises et des conditions de financement des instituts de recherche dont les ressources proviennent à 50% de l'Etat fédéral et à 50% de la Bavière. Grâce aux privatisations, la Bavière a reçu 4 milliards d'euros de la vente de ses participations financières, dont 2 milliards seront consacrés sur 10 ans à la recherche et au développement, dans différentes disciplines, comme les TIC, l'électronique et les biotechnologies, soit 200 millions d'euros par an investis dans le foncier et l'immobilier.

Au titre du soutien économique, 75 millions d'euros ont été dégagés et ont permis de financer les biotechnologies.

La politique de soutien économique repose sur quatre piliers : les infrastructures et les incubateurs, le soutien à des projets, le capital risque et les clusters (réseaux).

Pour les infrastructures, les incubateurs et pépinières, des incubateurs spécialisés ont été créés. Martinsried en constitue le premier modèle, avec 14 000 m² et 40 millions d'euros investis essentiellement dans la construction de bâtiments. Les locaux sont actuellement occupés à 75 % et l'efficacité du dispositif n'est pas démontrée. Le premier bénéfice retiré a été politique en offrant une visibilité et un point de rencontre pour les entreprises. Mais en ce qui concerne les coûts, ce moyen n'est pas considéré comme le plus efficace. Chaque région veut par ailleurs avoir ses incubateurs et le gouvernement de Bavière entend éviter l'essaimage en concentrant ses efforts sur 3 ou 4 sites.

Plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre des incubateurs :

_ la crise actuelle dans différentes branches industrielles conduit à accorder des aides permanentes,

_ pour les infrastructures de laboratoire, aujourd'hui des investisseurs privés sont présents sur le marché, ce qui n'était pas le cas lors de la création des incubateurs ; l'utilité d'une intervention publique dans ce domaine n'est donc plus évidente,

_ les avantages sont concentrés sur l'amorçage, mais cette première phase passée, la formule ne présente plus d'intérêt tout en générant des coûts.

Des aides sont par ailleurs distribuées pour aider à la création d'entreprises et pour de grands projets. Un instrument spécifique est utilisé dans ce domaine, la fondation bavaroise de la recherche, créée il y a une douzaine d'années avec 350 millions d'euros de capital, et dont le budget s'élève à 20 millions d'euros par an, dont 50% sont consacrés à des projets d'entreprises et dont un tiers bénéficie aux sciences de la vie (soit 2 à 3 millions d'euros par an pour les entreprises biotechnologiques et pas seulement les start up). L'autre moitié est mise à la disposition des universités pour la recherche fondamentale.

S'agissant du capital risque, le Land de Bavière a créé un instrument de financement public pour subventionner le capital risque présent à l'époque et réduire le risque des investisseurs privés.

La création de réseaux a constitué un autre moyen qui s'est révélé peut-être le plus efficace. BioM exerce par exemple deux fonctions : l'administration du réseau et la mise à disposition des capitaux d'amorçage. 600 000 euros ont été accordés à BioM pour l'administration du réseau et l'organisation de rencontres avec les managers et les relations publiques.

Constitué désormais sous la forme d'une société anonyme195, et doté d'un budget de 2,6 millions d'euros, BioM exerce des activités de financement des entreprises. 7 millions d'euros ont été investis dans 33 sociétés dont 25 sont encore en activité. Un fonds de capital risque a été créé par BioM qui a levé 5,5 millions d'euros, investis dans des entreprises ayant déjà développé leurs propres produits.

c) Les difficultés rencontrées par certaines stratégies locales indépendantes : l'exemple de Chiba, par opposition à Osaka ou Kobe

La commune de Chiba a, il y a une quinzaine d'années, créé une technopole, le Kazusa Akademia Park, qui se situe à moins d'une heure de Tokyo et qui est aujourd'hui devenue un complexe immobilier, avec l'institut, l'auditorium, un hôtel et des salles de réunion.

Actuellement une dizaine de « jeunes pousses » y sont implantées, toutes axées sur la recherche dans le domaine des biotechnologies. Ces entreprises sont reliées à l'institut par un réseau en ligne et, à côté de l'institut, ont déjà été construits deux bâtiments dédiés aux microorganismes.

Le site actuel comprend ainsi l'Institut, deux bâtiments dédiés à la recherche sur les microorganismes, deux grandes entreprises, Mitsubishi Pharma et Sato Pharmaceuticals, étant observé que les difficultés économiques du Japon ont marqué un coup d'arrêt au processus de développement du site. Une entreprise d'informatique a par ailleurs acheté des terrains mais n'a pas encore entrepris les travaux de construction.

De nombreux espaces restent donc disponibles.

La Préfecture de Chiba a engagé des moyens importants, de l'ordre de 50 milliards de yens. La construction et l'équipement en matériels de l'Institut ont représenté une dépense de 12 milliards de yens et 120 personnes travaillent actuellement dans cet Institut. En revanche, l'Etat japonais n'a apporté aucune contribution. Les terrains sur lesquels l'Institut est implanté représentent pour leur part une dépense de 15 milliards de yens. Mais aujourd'hui, la population de Chiba exprime des critiques à l'égard des sommes ainsi dépensées.

L'Institut a été créé en 1991 et inauguré en 1994. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif. Son budget annuel s'élève à 20 millions de dollars US, la principale source de financement (90%) étant assurée par la Préfecture de Chiba, le reste étant financé par l'Institut lui-même, avec la vente des résultats de recherche et des ressources biologiques.

Initialement, la Préfecture de Chiba souhaitait attirer des organismes de recherche et des entreprises sur un grand site et a choisi l'ADN comme thème de recherche, qui semblait plus prometteur que les autres, tels que l'électronique par exemple. En 1991, l'ADN n'était pas encore très en vogue et le choix du thème de recherche a été difficile.

Aujourd'hui, au Japon, toutes les préfectures rencontrent des difficultés financières. La Préfecture de Chiba qui souhaitait marquer son indépendance vis-à-vis de l'Etat sur ce projet, s'est adressée depuis l'année dernière à lui pour obtenir des ressources financières et en 2002, une subvention de 2 millions de dollars lui a été accordée.

La Préfecture de Chiba finance l'Institut sans consigne d'utilisation. Par contre, l'Etat a défini de nombreuses conditions à sa participation financière.

La Préfecture de Chiba, qui compte 5 millions d'habitants et dont le budget s'élève à 1 500 milliards de yens, consacre 1/1000 de son budget à l'Institut et finance d'autres organismes de recherche.

L'activité de l'Institut repose sur deux axes principaux, la recherche sur les gènes humains et l'étude des génomes végétaux.

Dans le premier domaine, des gènes, plutôt de grande taille, ont été découverts. Les recherches portent sur l'ADN complémentaire de très grande longueur (plus de 4000 paires de bases).

Parmi les gènes découverts, certains sont déjà brevetés, d'autres non, les chercheurs de l'Institut n'étant pas, à l'origine, très favorables au dépôt de brevets.

L'Institut reçoit chaque année de l'ordre de 5 000 demandes pour cloner l'ADNc. Ce service est gratuit pour la recherche académique et payant (3 000 euros par clone) pour la recherche pharmaceutique.

Des recherches conjointes avec divers organismes, y compris au niveau international, sont effectuées.

Le génome des plantes constitue le deuxième axe de recherche. Des travaux ont été engagés sur l'arabidopsis thaliana. Un groupe international a identifié la séquence complète, il y a deux ans. Sur 5 chromosomes, deux ont été identifiés par les Etats-Unis (chromosomes 1 et 2), un par les Etats-Unis, le Japon (Chiba) et la France (chromosome 3), un par le Royaume-Uni et les Etats-Unis (chromosome 4) et le dernier par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon (Chiba).

Le projet en cours porte sur le lotus japonicus et sur la fixation de nitrogène par une bactérie dont le génome entier, y compris les fonctions, est analysé.

Il s'agit notamment d'analyser les mécanismes de fixation de l'azote pour doter toutes les plantes de cette fonction et ainsi éviter de donner des engrais, ce qui représente un avantage économique et environnemental. Cette recherche devrait durer une vingtaine d'années et la concurrence des Etats-Unis est forte. La National Science Foundation a en effet décidé d'accorder 100 millions de dollars à des projets analogues, alors que l'Institut consacre 50% de son budget, soit 10 millions de dollars, à ce projet.

Cette politique « solitaire » mise en œuvre par la Préfecture de Chiba se démarque de celle développée dans le Kansai et qui dispose de moyens importants accordés notamment par l'Etat japonais. Le METI a en effet retenu trois pôles de développement dans le domaine des biotechnologies, dont celui du Kansai. Cette stratégie vise à tirer profit du tissu industriel et universitaire d'Osaka, de la proximité de l'université de Kyoto et des opportunités offertes par la reconstruction de la ville de Kobé. Deux pôles d'excellence sont ainsi en voie de constitution dans le Kansai, l'un à Osaka, orienté vers la création de nouveaux médicaments, l'autre à Kobé, axé sur la médecine régénératrice.

Osaka a beaucoup d'atouts, tant en ce qui concerne la concentration d'industries pharmaceutiques que la concentration de chercheurs de bonne qualité.

Le projet relatif à l'aménagement d'un pôle biomédical dans le parc de Saito, décidé par le MEXT, mobilise un budget de 500 millions de yens et repose sur une coopération entre l'université et les industries. Le projet prévoit l'implantation d'une cité des sciences de la vie, qui est un projet relevant du ministère de la Santé, avec un bio incubateur créé par le METI. Dans le cadre de ce projet, a été créé un concours196 pour sélectionner les entreprises innovantes. Une école, « Bio Business School », a par ailleurs été créée pour enseigner les techniques de gestion et les sciences « biotech ».

Parallèlement, en 2001, a été créé un syndicat mixte pour la promotion des biotechnologies dans le Kansai, « Kansai bio promotion Conference ». C'était à l'origine une initiative régionale qui a été ensuite reconnue par le gouvernement, dans le cadre du projet du renouveau urbain.

L'aménagement du site biomédical de Saito a été conduit par un établissement public d'Etat spécialisé dans le développement urbain. Pour la construction des routes et la viabilisation du site, la Préfecture participe « un peu » sur le plan financier. La création d'un centre de recherche fondamentale constitue un projet d'Etat, dont le budget de 8 milliards de yens est intégralement financé par l'Etat. Il en est de même du bio incubateur, qui représente une dépense de 1,8 milliard de yens.

Axé sur la recherche publique relevant de la compétence de l'Etat et sur la participation des entreprises implantées dans la région, le projet est peu soutenu financièrement par la préfecture qui a néanmoins investi 3 milliards de yens pour la constitution d'un fonds de capital risque.

A Kobe, la réalisation du pôle biomédical s'est insérée dans le projet de reconstruction de la ville, après le tremblement de terre survenu en 1995.

Des études avaient été menées pour attirer des activités économiques à fort potentiel et le choix s'est porté sur la constitution d'un pôle biomédical, le secteur de la santé présentant des perspectives prometteuses et le Japon ne disposant pas encore de cluster spécialisé dans le domaine de la santé.

Un groupe de travail, rassemblant des universitaires, des chercheurs des organismes publics et des dirigeants de centres de recherche et d'hôpitaux fut constitué en octobre 1998 ; il rendit son premier rapport six mois après sa constitution.

Plusieurs éléments militaient pour la constitution d'un pôle biomédical : les perspectives de croissance des industries de santé, l'infrastructure solide dans le domaine des biotechnologies dont jouissait la région du Kansai autour de la baie d'Osaka, et la situation géographique de la ville de Kobe, à proximité de l'université de Kyoto, avec un cadre de vie assez agréable et des activités portuaires qui l'unissent notamment aux autres pays asiatiques, ainsi qu'un réseau de PME PMI important.

Le projet reposant sur le principe d'une valorisation des résultats de la recherche fondamentale, trois dispositifs ont été retenus : un centre de recherches biomédicales, un centre d'appui aux entreprises dans ce domaine, et un centre de formation.

Trois thèmes de recherche ont été arrêtés : la R&D sur les équipements médicaux, la recherche clinique et l'application clinique dans le domaine de la médecine régénératrice.

Trois objectifs ont été assignés au projet : la création d'emplois, le redressement économique de la ville de Kobe et le resserrement des liens internationaux, en particulier avec les autres pays asiatiques.

Six mois après la remise du rapport, a été mis en place un groupe d'étude, réunissant des universitaires, des chercheurs, des représentants de la Chambre du commerce et de l'industrie, des représentants de la ville de Kobe, ceux de la fondation créée pour le projet et de nombreuses entreprises (380).

Dès le commencement de la phase opérationnelle, le gouvernement japonais a multiplié les efforts pour développer une industrie biomédicale, avec notamment la création de l'Institut de Recherches Biomédicales et Innovation (IBRI) et l'implantation d'un institut Riken. Le projet a été reconnu par le gouvernement japonais, dans le cadre du plan de renouveau urbain, ce qui a permis d'obtenir un soutien très important des différents ministères.

L'IBRI, qui regroupe trois bâtiments, a été inauguré en avril 2003. Il comporte un hôpital de 60 lits, un bâtiment dédié aux plateaux techniques et aux équipements médicaux et un laboratoire de recherche clinique, cinq thèmes de recherche ayant été définis cette année (traitement de la leucémie, notamment en utilisant le sang du cordon ombilical, régénération des vaisseaux sanguins, des os et des dents). Les recherches sur les équipements médicaux ont été menées avant l'ouverture de l'IBRI ; différents équipements ont déjà été mis au point ou sont en cours de développement. Dans le domaine de la recherche clinique, un réseau reliera les praticiens de la ville de Kobe et des alentours pour les impliquer davantage dans la recherche clinique des médicaments pour traiter les maladies liées aux habitudes de la vie (diabètes, hypertension...).

En ce qui concerne la médecine régénératrice, l'IBRI travaille en étroite collaboration avec d'autres organismes, tels que Riken et kTI qui dépend du METI. Au sein de l'IBRI, est implanté un laboratoire spécialisé dans la culture des cellules nécessaires pour réaliser des recherches dans ce domaine, le centre de culture des cellules (CPC). Plusieurs entreprises s'y sont installées, qui travaillent avec l'Institut, comme Rikin ou Olympus.

Le Centre pour la Biologie du Développement (CDB) de Riken dépend du MEXT. Il dispose d'environ 20 équipes de recherche et de 240 chercheurs.

Pour la valorisation industrielle des résultats de la recherche, un fonds de capital risque a été créé, totalement à l'initiative de banques. C'est un fonds spécialisé dans les biotechnologies. En outre, différentes mesures ont été prises pour faciliter la création d'entreprises (exonération de loyers pendant 10 ans, construction de locaux loués aux jeunes entreprises à des prix avantageux).

Plusieurs entreprises se sont implantées sur le site.

Le centre de données informatiques dans le domaine biomédical a été inauguré en juillet 2003 et un centre de soutien aux jeunes pousses (incubateur), en cours de construction, devait être inauguré en mars 2004. Le centre de formation à la biotechnologie était également en cours de construction.

d) L'avenir incertain des pôles transnationaux : l'exemple de BioValley

BioValley couvre « une aire tri-nationale » associant la Suisse, la France et l'Allemagne. Sa constitution visait à favoriser la création et le développement de nouvelles entreprises et améliorer l'image des biotechnologies. Il s'agit d'un « biocluster » européen se fondant sur les relations anciennes entretenues entre Bâle, la France et l'Allemagne.

La fusion de Ciba et Sandoz, ayant donné naissance à Novartis, en 1996, avait abouti au licenciement de près de 3 000 personnes hautement qualifiées et la région de Bâle avait aussi subi les effets de la restructuration de Syngenta. En 1997 une enveloppe de 2,1 millions d'euros a été dégagée (programme européen BioValley INTERREG II) et en 1998, trois associations ont été créées en Allemagne, en France et en Suisse, avec une association centrale dont le siège est situé à Bâle. Pour la période 2002-2005 une enveloppe de 2,4 millions d'euros (programme européen BioValley INTERREG III) a été attribuée et le principe d'un refinancement par les acteurs, universités et entreprises, à partir de 2005 a été posé.

Plus de 300 entreprises sont en activité dans le domaine des sciences de la vie. Quatre universités sont impliquées dans la région considérée (Bâle, Strasbourg, Colmar/Mulhouse et Fribourg), avec 70 000 étudiants.

Le réseau couvre 3 000 personnes (entreprises, instituts de recherche, sociétés de capital risque, banques, organismes de développement économique). Dans la région, on compte plus de 15 000 scientifiques dans le domaine des sciences de la vie, de la recherche fondamentale à la production de médicaments, et plus de 160 organismes de recherche publics et privés.

La région bénéficie aussi d'une grande concentration de grosses entreprises pharmaceutiques (Sanofi, Aventis, Syngenta, Lilly, Pfizer, Novartis, Roche...).

Les principaux services offerts portent sur la communication (journal, guide, site internet), le soutien (appels à projet, labels) et les relations publiques (foires, conférence annuelle).

S'agissant de la création de jeunes pousses, on a assisté à une augmentation depuis 1997, avec un ralentissement depuis 2001.

Un bilan a été établi afin d'identifier les pôles d'excellence de Biovalley car, après 2005, Biovalley devra s'autofinancer et les entreprises ne semblent pas prêtes à payer la facture.

e) La difficile évaluation des pôles constitués : l'exemple des bilans des génopoles

En 2003, trois études ont été publiées sur le dispositif des sept génopoles labellisées par le ministère de la recherche en 1999 (Alsace, Ile de France, Languedoc-Roussillon, Marseille, Midi-Pyrénées, Nord-Pas de Calais, Rhône-Alpes).

Les développements suivants en reprennent les principales conclusions :

1) L'étude d'Ernst & Young :

La labellisation reposait sur cinq critères dans le domaine du génome et du post-génome : un projet scientifique à grande échelle, un pôle de bio-informatique, un campus de formation et de recherche, des structures de valorisation et des relations avec un incubateur, l'objectif étant clairement de développer des pôles d'excellence de la recherche française et de dynamiser la création d'entreprises autour des thématiques de la génomique, afin de rattraper le retard français dans le domaine des biotechnologies, tant dans le secteur académique qu'économique.

Du point de vue méthodologique, plusieurs indicateurs ont été retenus, regroupés en six familles (« scientifiques », bio-informatique, économiques et de création de valeur, notoriété et communication, intégration et diffusion locale, formation). Le travail d'évaluation a reposé sur des entretiens « externes » et « internes » aux génopoles et sur un questionnaire soumis aux directeurs des différentes génopoles.

L'analyse des indicateurs de gestion, qui se sont ajoutés aux six familles précédemment citées, visaient à comparer les moyens des génopoles, la mise en place du réseau ayant donné lieu à l'affectation d'un budget de 75 millions d'euros pour trois ans, sur une ligne du Fonds national pour la science, devant être complété par des financements complémentaires régionaux, européens ou autres. En cumulé, près de 150 millions d'euros (y compris les financements complémentaires) ont été alloués aux génopoles depuis leur création.

L'étude conclut que la réussite dans cette recherche de fonds complémentaires a été variable d'une génopole à l'autre197. Elle souligne les effets néfastes des retards dans le versement des crédits d'Etat (AP et CP).

 

FNS

Région

Département

Ville

Autres*

Alsace

78 %

4 %

4 %

2 %

12 %

Evry

14 %

55 %

27 %

1 %

3 %

Languedoc-Roussillon

20 %

0

0

0

80 %

Marseille

68 %

9 %

18 %

5 %

0

Nord-Pas-de-Calais

71 %

20 %

0

0

9 %

Rhone-Alpes

95 %

0

0

0

5 %

Pasteur

38 %

0

0

0

62 %

* Il s'agit de l'Institut Pasteur pour le génopôle Pasteur, des fonds FEDER européens pour le Nord, des organismes constituant le GIS Languedoc-Roussillon.

Sur le plan scientifique, l'évaluation a reposé sur l'examen des thématiques effectivement développées, le nombre de brevets déposés, le nombre de collaborations scientifiques et l'implication dans des programmes nationaux, européens et internationaux.

L'étude souligne l'émergence des pôles suivants : outre Evry, Pasteur (micro-organismes), Strasbourg (clinique de la souris), Nancy (bioinformatique), Lyon (imagerie du petit animal), Marseille (génomique fonctionnelle et puces), Lille (génomique des pathologies). Elle considère que les thématiques mériteraient d'être redéfinies et réparties dans les pôles les plus actifs pour ne pas disperser les moyens futurs. S'agissant des brevets, l'étude reconnaît qu'une évaluation dans ce domaine (à peine une quinzaine de brevets directement issus des plates-formes mises en place dans les génopoles a pu être identifiée) est encore prématurée mais insiste sur la nécessité de dépasser l'éternel débat entre « brevet » versus « besoin de publier pour les chercheurs » afin de valoriser les travaux réalisés. En revanche, l'étude note que ces plates-formes ont reçu un excellent accueil de la part de la communauté scientifique (au moins 300 collaborations recensées). Pour ce qui concerne l'implication dans les programmes européens, l'étude reconnaît également le caractère prématuré de l'évaluation sur ce point, le cinquième PCRD s'étant terminé lors de la mise en place de la majorité des génopoles et le sixième n'ayant pas encore fait l'objet de décisions favorables sur les programmes déposés. Quant à l'implication dans les autres programmes internationaux et nationaux, l'étude observe qu'elle est essentiellement liée à la notoriété et à l'activité des laboratoires eux-mêmes, plus qu'aux génopoles.

L'impact des génopoles sur la mise en place, l'utilisation et la diffusion d'outils bio-informatiques, domaine dans lequel la position française accusait un retard important, a été examiné à partir du nombre de logiciels développés au sein des laboratoires des génopoles, du nombre de bases de données et des serveurs/plates-formes. L'étude considère que cet aspect a été particulièrement bien développé dans l'ensemble du réseau des génopoles, tout en s'interrogeant sur les risques de redondance et la qualité des travaux engagés. Il apparaît important que l'INRIA et le CNRS s'impliquent plus activement dans le développement de quelques pôles de bioinformatique afin qu'ils atteignent une taille critique suffisante.

La mesure des effets sur l'économie régionale et nationale repose sur le nombre de projets d'entreprises, le nombre d'entreprises créées, le nombre de défaillances et la mise en place de contrats de collaboration. L'étude estime que la dynamique de création d'entreprises en France en 1999-2000 a touché les génopoles, grâce aux différentes mesures gouvernementales et à l'évolution des mentalités des scientifiques, mais que les évolutions ont été par la suite très contrastées. Le constat global est cependant encourageant : 31 sociétés de biotechnologies sont directement issues de la mise en place des génopoles, avec 275 emplois industriels créés. La pérennité des financements régionaux dépend du maintien du tissu industriel ainsi constitué. De manière générale, les plates-formes restent largement sous-utilisées, en raison des conditions d'utilisation, en particulier financières, par des tiers, et de la dispersion des équipements.

En matière d'intégration et de diffusion locale, trois aspects ont été pris en compte : nombre d'emplois créés directement, liens avec les partenaires locaux, et liens avec les incubateurs. Evry aurait ainsi permis la création de près de 1 400 postes sur le campus et les autres génopoles, qui se sont basées sur un tissu scientifique existant, auraient créé près de 250 emplois directs. Les relations avec les institutions locales ou les incubateurs sont très variables.

Dans le domaine de la communication, les moyens restent limités et le réseau n'est pas reconnu en tant que tel, en raison de l'absence de toute politique globale de communication. L'étude prône ainsi une « centralisation » (sur Evry) des actions de communication des différents pôles d'excellence, afin d'assurer une visibilité nationale et internationale.

Pour la formation, le constat est « positif ».

L'étude comporte par ailleurs une partie consacrée à l'analyse stratégique globale des génopoles. Sur la base des indicateurs précédemment décrits, l'étude a identifié quatre types :

_ les génopoles en phase de maturité : Alsace-Lorarine et Nord-Pas de Calais, avec nécessité de développer la bioinformatique en Lorraine.

_ les génopoles en phase d'émergence : Rhône-Alpes et Marseille,

_ les génopoles « dilemme » : Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées,

_ les deux cas particuliers : Evry et Pasteur, la particularité de l'Ile-de-France.

La synthèse tient en 7 points :

_ une organisation des génopoles en décalage avec les objectifs initiaux : un nécessaire renforcement des moyens humains dédiés à la gestion de chaque plate-forme,

_ malgré une genèse hétérogène des différentes génopoles, la construction de pôles d'excellence spécifiques constitue un objectif majeur applicable à chaque génopole : l'élaboration de pôles d'excellence impose des (ré)arbitrages régionaux mais également nationaux198,

_ la création de valeur constitue un impératif pour les génopoles de niveau équivalent à l'excellence scientifique : cet objectif est variablement interprété d'une génopole à l'autre,

_ Les plates-formes sont sous-utilisées,

_ la visibilité globale du dispositif souffre d'un déficit de communication et d'une dispersion des présentations d'une génopole à l'autre,

_ le pilotage des génopoles à travers la méthode des indicateurs reste à développer,

_ les incitations à la mise en place de formations mixtes apparaissent insuffisantes pour atteindre les objectifs de développement des plates-formes et au-delà, des sociétés de biotechnologies.

2) Analyse bibliométrique de la recherche de la génomique au cours de la décennie 90 par l'Observtoire des Sciences et des Techniques199 :

L'étude montre que la génomique est un domaine de recherches en expansion rapide, actif et bien internationalisé, dans lequel de nombreuses équipes travaillent en compétition et/ou synergie. 53% des articles de génomique sont des articles de biologie fondamentale, et 33% sont des articles de recherche médicale.

Les Etats-Unis, qui représentaient en 1999 30% de la production scientifique mondiale, toutes disciplines confondues (34% pour l'UE15), totalisent 40% des publications mondiales en génomique (33% pour l'UE15), avec un indice d'impact largement supérieur à la moyenne mondiale (1,31)200, pour l'ensemble de la période.

Tous les autres pays ont un impact inférieur à la moyenne mondiale, à l'exception notable du Royaume-Uni, qui se situe au 3ème rang (après les Etats-Unis et le Japon) pour le nombre de publications en génomique, avec 7,6% de la production mondiale, et un impact de 1,05, ainsi que de la Suisse, qui occupe le 12ème rang pour le nombre de publications (1,6%) et dont l'impact s'établit à 1,15.

La France, en 5ème position, avec 5,9% de la production mondiale, et un impact relatif de 0,87 (9ème rang), a le même rang en génomique qu'en sciences de la vie. Cependant, sa part de production génomique est supérieure à sa part en biologie fondamentale (5,5%) et en recherche médicale (4,8%).

L'Allemagne se place au 4ème rang, avec 6,8% de la production mondiale et avec un impact relatif de 0,93.

Parmi les 25 premiers producteurs, 10 pays seulement semblent privilégier la génomique à l'intérieur des sciences de la vie : la Chine et la Corée du Sud, puis la France et le Japon, enfin la Suisse, les Etats-Unis, l'Allemagne, la Finlande, l'Australie et Taïwan. Ce n'est pas le cas du Royaume-Uni : si ce pays représente 7,6% des publications mondiales en génomique, sa part atteint 8% en biologie fondamentale et 11,3% en recherche médicale.

Sur la période 1993-2000, l'UE15 représentait 33,3% de la recherche mondiale en génomique, 33,8% de la production mondiale en biologie fondamentale et 38,3% de la production mondiale en recherche médicale.

Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France pèsent chacun pour environ 1/5 de la production totale de l'UE. Entre 5 et 10% du total, on trouve l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne et la Suède. Les huit autres pays sont à moins de 3%.

Les impacts européens du Royaume-Uni, de l'Allemagne et des Pays-Bas sont sensiblement supérieurs à la moyenne européenne, alors que l'Autriche, la Belgique et la France se situent autour de cette moyenne, et les autres pays membres au dessous.

Pour un certain nombre de pays, le différentiel entre rang de production et rang d'impact est sensible : ainsi l'Italie et l'Espagne, 4e et 6e en production, sont 11e et 12e en indices d'impact, alors que l'Autriche, qui est comme le Royaume-Uni, tournée vers la recherche médicale, est 11e en production mais 4e en impact.

La France est 3e en production, mais 6e seulement en indice d'impact, assez loin donc du Royaume-Uni et de l'Allemagne.

Les collaborations intra-européennes ont vigoureusement augmenté au cours de la période. Le Royaume-Uni joue « un rôle pivot » dans ce domaine.

Un découpage de l'Europe en 226 régions, montre que l'Ile-de-France se situe au premier rang pour les publications (8,5% de la production européenne), avec un impact de 1,08. Les 20 premières régions européennes de production en génomique incluent deux régions françaises (Ile de France et Rhône-Alpes), 4 régions britanniques (dont Inner London, au 2e rang, avec un impact de 1,27 et East Anglia (Cambridge), au 3e rang, avec un impact de 1,60), 4 régions allemandes (dont Oberbayern, au 6e rang, avec un impact de 1,16, Karlsruhe au 9e rang, avec un impact de 1,61 et Berlin, au 13e rang, avec un impact de 1,06), 3 régions hollandaises, 2 régions espagnoles et 2 régions italiennes.

S'agissant spécifiquement du cadre français, les indicateurs sont les suivants :

Rang de publication

Rang d'impact

Région

Part des publications

Part de citations

Impact relatif

1

2

Ile-de-France

48,1

52,7

1,10

2

6

Rhône-Alpes

8,9

8,0

0,90

3

4

Provence-Alpes-Côte d'Azur

6,5

6,9

1,05

4

1

Alsace

6,1

9,4

1,54

5

7

Languedoc-Roussillon

6,1

4,9

0,80

6

5

Midi-Pyrénées

4,2

4,4

1,04

7

10

Aquitaine

3,3

2,2

0,65

8

3

Nord-Pas-de-Calais

3,1

3,3

1,06

9

8

Bretagne

2,9

2,0

0,69

10

9

Pays-de-la-Loire

1,7

1,1

0,66

11

11

Auvergne

1,4

0,8

0,57

12

12

Lorraine

1,2

0,7

0,57

Sources ISI, Traitements INSERM-OST

On peut considérer qu'au moins cinq des génopoles labellisées avaient, au moment du lancement du programme, une stature européenne.

3) Bilan établi par l'EMBO (The European Molecular Biology Organization):

L'évaluation conduite par l'EMBO était de nature scientifique et portait à la fois sur la qualité des plates-formes et sur leur impact sur la communauté scientifique.

Dans le cadre de cette étude, chaque génopole a fait l'objet d'un examen qui identifie les forces et les faiblesses, en donnant lieu à un certain nombre de recommandations. A la lecture de cette partie du document, aucune ne semble véritablement «  en difficultés » et, l'étude, reposant sur un examen séparé, par des groupes d'experts distincts, de chaque génopole, ne procède à aucun « classement » sur le plan scientifique.

Les plates-formes ont fait l'objet par ailleurs d'une évaluation plus synthétique.

S'agissant des plates-formes bioinformatiques, toutes les génopoles ont reconnu l'intérêt d'un développement dans ce domaine, une part, de l'ordre de 10%, du budget y étant généralement affectée. Certains travaux ont atteint une dimension internationale. Néanmoins certaines faiblesses ont été relevées. Des redondances existent et un certain « esprit de clocher » freine les évolutions vers un travail plus communautaire dans ce domaine, alors que de plus en plus les projets reposent sur des collaborations internationales, dans lesquelles les génopoles doivent désormais s'impliquer davantage.

En ce qui concerne les plates-formes de séquençage de l'ADN à grande échelle (large scale DNA sequencing platforms) qui sont implantées dans cinq génopoles (Evry, Institut Pasteur, Lille, Montpellier et Toulouse), les conclusions de l'étude restent très mitigées. Apparemment une évaluation dans ce domaine reste à faire, qui prendrait en compte les capacités nécessaires pour répondre, d'une part, aux besoins « locaux » des génopoles concernées et, d'autre part, pour supporter des projets d'envergure nationale, mais aussi qui analyserait les coûts induits. Cette évaluation devrait être coordonnée au niveau national.

Les plates-formes de génotypage, mises en place à Lille, Marseille, Montpellier et Toulouse, sont de tailles variables et relativement hétérogènes. Elles restent sous-utilisées, ce qui devrait conduire à envisager leur utilisation par d'autres groupes, à l'intérieur et à l'extérieur des génopoles.

Les biopuces (microarrays) sont utilisées par toutes les génopoles mais à des degrés différents et sur la base de diverses technologies. Les plates-formes Affimetrix sont implantées à l'Institut Pasteur, Strasbourg et Evry ; une gestion plus centralisée et plus uniforme des données devrait être envisagée et il faudrait en autoriser l'accès aux autres génopoles. Les plates-formes de « spottage » (spotted array platform) sont extrêmement diverses aussi et il serait, dans certains cas, préférable de recourir à des technologies commercialisées plutôt que de mettre au point des technologies non standardisées.

Les plates-formes utilisant les souris sont réparties sur Strasbourg, Lyon et Marseille essentiellement. L'Institut clinique de la Souris de Strasbourg devrait renforcer sa dimension européenne.

Les activités de protéomique et de génomique structurale sont dispersées (Lille, Toulouse, Strasbourg, Pasteur, Montpellier-Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et Marseille). Dans le domaine de la génomique structurale, Strasbourg et Marseille constituent des centres d'excellence au niveau mondial.

En conclusion, les difficultés de financement de la recherche scientifique française ont été évoquées. Dans un contexte où les mécanismes financiers permettent de rémunérer assez facilement des personnes qualifiées mais rendent difficile le financement d'équipements et de matériels nécessaires à la concrétisation des potentialités des scientifiques, le programme des génopoles a permis de corriger de tels déséquilibres. Dix-sept recommandations ont été formulées. Les efforts pour maintenir et mettre à niveau les équipements doivent impérativement se poursuivre. Une extension du programme à d'autres centres en France serait contre-productive.

f) La diversité des « profils » en biotechnologies : le cas des régions françaises

En 2001, sur la base d'une convention201 conclue avec le ministère de l'Education nationale, une étude a été engagée sur les profils scientifiques et techniques régionaux en biotechnologies, qui a été publiée en avril 2003.

En ce qui concerne le degré de spécialisation en biotechnologie202 des régions françaises entre 1993 et 1999, l'étude fait apparaître que :

_ la part de R&D en biotechnologies dans le total des dépenses de recherche place l'Alsace au premier rang, avec un taux de 21%, suivie par Rhône-Alpes, puis Midi-Pyrénées et Ile-de-France au même niveau,

_ la région Ile-de-France concentre une large part de la base scientifique et technologique française (42% des publications203, 37,4% des doctorants en sciences de la vie, 56% des brevets).

Les régions Ile de France, Alsace et Languedoc Roussillon ont une spécialisation prononcée dans les biotechnologies.

L'étude des publications reposant sur des collaborations inter-régionales montre qu'en règle générale, hors Ile-de-France, 75% des collaborations sont réalisées à l'intérieur de la même région et 10 à 15% sont nouées avec l'Ile-de-France. Excepté pour l'Ile-de-France, les collaborations entre régions restent donc marginales. Par ailleurs, le niveau de collaborations entre institutions publiques et privées est très variable, ces collaborations semblant être localisées dans les régions où la présence d'industries en sciences de la vie est forte. En revanche, les profils de collaborations avec l'étranger présentent de grandes similarités (collaborations avec les Etats-Unis et le Canada).

Pour les brevets, l'Ile-de-France enregistre en 1999 56% du total des dépôts de brevets (localisés par l'adresse des inventeurs) ; elle est suivie par Rhône-Alpes (14,8%), puis Midi-Pyrénées (6,8%) qui doit sa troisième place essentiellement à la recherche privée.

Dans l'ensemble, la création de PME de biotechnologies a pris son essor à la fin des années 80. Même si les premières PME de biotechnologies sont apparues dès le milieu des années 50, le phénomène est resté longtemps marginal puisque jusqu'en 1980, seules 14 PME avaient vu le jour. Depuis 1989, ce sont environ 20 PME qui ont été créées chaque année en France, avec une accélération très nette depuis 1998 (près de 40 créations chaque année). Ces créations n'ont cependant pas lieu de manière uniforme sur le territoire.

Jusqu'en 2001, 402 PME ont été créées, dont 117 en Ile-de-France, 29 en Rhône-Alpes et 26 en Alsace. Les PME localisées en Ile-de-France et en Alsace ont en général une taille supérieure à la moyenne. Mais l'Alsace et Rhône-Alpes doivent leur position actuelle à un très fort dynamisme en début de période (avant 1989).

En 1993, le montant des dépenses de recherche et développement (DIRD) effectuées par le secteur privé dans le domaine des biotechnologies s'est élevé à 1,27 million d'euros, pour atteindre 1,9 million d'euros en 1999 (+ 49,6%). Les régions les plus bénéficiaires en 1999 ont été l'Ile de France (58,63%), Rhône Alpes (15,68%), Midi-Pyrénées (5,33%), PACA (3,05%) et l'Alsace (3,03%).

L'examen du poids relatif de la recherche en biotechnologies dans le total des dépenses de R&D du secteur privé au sein des régions traduit une spécialisation qui place l'Alsace au premier degré de spécialisation (21%), suivie par Rhône-Alpes puis Midi-Pyrénées et Ile de France au même niveau.

Le rôle de l'environnement régional dans la création et la croissance des PME de biotechnologies : une étude économétrique sur données françaises :

Les déterminants de la création et du développement des start-ups de biotechnologie sont tout d'abord examinés.

La proximité des sources de connaissances constitue une première approche. Diverses études retiennent des indicateurs tels que le nombre de brevets ou le niveau des dépenses de R&D pour expliquer les choix de localisation. En dépit des incertitudes entourant ce type de travaux, il est possible d'identifier un certain nombre de conclusions issues de ces travaux.

Ainsi, l'innovation dans une région donnée est intimement liée aux dépenses de recherche effectuées par le secteur public et privé dans cette région. Mais elle ne résulte pas exclusivement de cette donnée. Les infrastructures de transfert technologique (pôles technologiques, organismes de transfert) jouent aussi un rôle important. L'origine, publique ou privée, des dépenses de R&D, importe peu. Si la recherche académique constitue souvent la source principale de connaissances, en particulier aux Etats-Unis, ces externalités peuvent être générées aussi bien par des universités qu'au sein des industries.

L'implantation de PME de biotechnologies est ainsi guidée soit par l'existence de centres d'excellence académiques, soit par le potentiel local de recherche industrielle.

L'exploitation par les sociétés des ressources issues de l'environnement local fait l'objet d'une seconde approche. Certaines études sur les secteurs de haute technologie ont relativisé l'importance des liens établis sur une base géographique et 70% des relations entre les sociétés de biotechnologie et les universités ne reposent pas sur une proximité géographique. La proximité est moins importante que les liens établis avec les chercheurs ou que la qualité des collaborations. Toutefois, la concentration sur une aire géographique de compétences diversifiées et complémentaires peut créer des externalités positives. Si, à court terme (lors de l'implantation d'une société), la spécialisation scientifique locale constitue un atout, à moyen terme, la performance d'une société dans le domaine de l'innovation est favorisée par l'accès à des compétences plus variées. La proximité peut alors corriger les difficultés de coordination ou d'échanges entre les différentes spécialités.

Ainsi, les interactions locales et un certain degré de spécialisation scientifique peuvent être profitables.

L'environnement industriel local et la dynamique locale font partie d'une troisième approche. Plusieurs études ont mis en évidence le poids du marché local, c'est-à-dire des utilisateurs des biotechnologies, en particulier les industries, mais aussi les hôpitaux et les laboratoires universitaires impliqués dans les sciences de la vie (agroalimentaire, pharmacie, soins). La taille de ce marché, mais aussi sa structure (notamment présence d'industries liées au secteur des biotechnologies) sont déterminantes. Néanmoins, une trop grande concentration qui renforce la concurrence, notamment sur les débouchés et le marché du travail, peut aussi décourager les jeunes sociétés et créer un effet de dispersion.

Ainsi, plus le marché est large, plus grand est le nombre de start-ups. La spécialisation dans un secteur lié aux sciences de la vie (biomédical, agroalimentaire...) favorise la création d'entreprises de biotechnologie. Mais la concurrence exercée dans ce secteur réduit aussi la propension à la création de nouvelles entreprises. Par ailleurs, les caractéristiques locales influencent aussi le développement des entreprises de biotechnologie et ces caractéristiques peuvent être différentes de celles favorisant une simple implantation.

L'examen de la situation française révèle qu'en dépit des politiques publiques mises en place, les résultats en termes de création d'emplois sont décevants. De 1993 à 1999, 165 entreprises ont été créées, dont 22 en 1993 et 34 en 1999. L'effectif moyen était de 58 en 1996 et s'est accru de 7% de 1996 à 1999.

Les études économétriques conduites ont mis en évidence les déterminants fondamentaux de la création et du développement des sociétés de biotechnologies en France.

S'agissant de la création, le montant total des dépenses de R&D dans la région, toutes disciplines confondues, semble plus déterminant que les seules dépenses de R&D dans le domaine des biotechnologies. Les interactions locales public/privé ont un effet positif. Il en va de même de la diversité des compétences scientifiques, la spécialisation semblant finalement avoir un impact négatif sur la création d'entreprises. Le marché local (utilisateurs potentiels locaux des biotechnologies) est également déterminant.

En ce qui concerne la croissance des sociétés de biotechnologie, plusieurs variables ont été prises en considération, tant en ce qui concerne les caractéristiques des entreprises elles-mêmes (forme juridique, nombre d'employés, date de création, bénéfice net), que les caractères de leur environnement régional. Aucune de ces dernières variables (celles liées à l'environnement local) ne semble déterminante.

Alors que le choix du lieu d'implantation est influencé par des facteurs régionaux, la dynamique de développement paraît entièrement dépendante des caractéristiques internes.

Plusieurs observations sont formulées sur ce point. En premier lieu, le niveau régional n'est pas forcément pertinent ; d'ailleurs, la plupart des théories sur l'innovation prennent en compte des zones moins étendues (« clusters », « districts », voire métropoles). Dès lors, il est possible que l'organisation infrarégionale des ressources ait un impact important. En second lieu, si l'environnement local joue un rôle clé lors de la création, il n'est pas suffisant pour expliquer le développement de l'entreprise dont la dynamique s'élargit aux niveaux national et international (clients, capitaux, partenaires...). Enfin, les effets des caractéristiques internes et régionales s'interpénètrent et il revient à la firme de s'approprier les éléments externes propres à favoriser son développement, en fonction de la stratégie qu'elle a définie. En aucun cas, les caractéristiques structurelles régionales ne peuvent à elles seules induire la « capacité d'absorption » des entreprises innovantes. Dans le domaine des biotechnologies d'ailleurs, les objectifs de ces entreprises sont variables, comme leurs besoins, certaines visant un marché mondial pour industrialiser leur innovation alors que d'autres ne sont pas destinées à une croissance exponentielle et choisissent de se constituer un marché local.

Les analyses présentées sur la situation française ne permettent pas de rendre compte des efforts conduits en France, au niveau local, pour exploiter le potentiel scientifique présent dans le domaine des sciences de la vie et favoriser le développement économique local, régional ou à une plus grande échelle. L'audition des représentants de l'Agence aquitaine de développement industriel ou la visite des centres de recherche de Midi-Pyrénées montrent pourtant que des projets prometteurs ont été élaborés. C'est probablement le cas de plusieurs autres régions ou secteurs géographiques en France. En revanche l'implication stratégique de l'Etat semble faire défaut, alors que les principaux leviers restent entre ses mains.

2 - Le problème du choix des structures, des personnes et des partenaires

Au cours des auditions organisées, les difficultés rencontrées par les industriels d'une part et les chercheurs d'autre part pour valoriser les résultats des travaux issus de la recherche publique dans le domaine des biotechnologies ont été évoquées.

Mais les propos recueillis sont restés très allusifs. Les critiques adressées par les industriels ont été formulées en termes très généraux (les projets présentés ne sont pas assez avancés, les organismes font preuve d'ostracisme à l'égard de certains industriels, les conditions financières de collaborations sont « irréalistes », les entreprises n'ont pas facilement accès aux « échantillons » détenus par certains organismes qui les gardent trop jalousement...). Du côté des chercheurs et de certains gestionnaires du transfert technologique, des critiques du même ordre ont été exprimées (les exigences des industriels sont ainsi jugées exagérées), mais aussi ont été développés des arguments plus « stratégiques », liés au contexte économique des transferts, en particulier le nombre très réduit de firmes susceptibles de négocier avec les organismes publics, notamment lorsqu'il s'agit de firmes « françaises » (celles-ci sont ainsi en situation de « monopole », ce qui limite les capacités de négociation) et le désengagement financier des industries notamment pharmaceutiques dans le financement de la recherche publique française (pourquoi les chercheurs feraient-ils « un geste » en direction d'entreprises qui se détournent de la recherche publique française ?).

Les auditions n'ont pas toujours permis d'identifier le type de structures en cause, la généralité des propos tenus prenant pour cible soit « la recherche publique » dans son ensemble, soit tel ou tel organisme de recherche intervenant dans le domaine des biotechnologies, soit l'Etat.

Elles n'ont donc pas pu déboucher sur une évaluation de l'efficacité des structures, au demeurant très diverses, mises en place pour favoriser la valorisation.

En revanche, elles ont révélé que la question des moyens humains consacrés à cette valorisation était jugée importante. Elles ont aussi montré que le choix des partenaires industriels reposait parfois sur des principes considérés dans certains cas comme trop étriqués.

a) Des structures de valorisation peu mentionnées

La « littérature » consacrée aux biotechnologies fait largement référence au rôle joué par les Transfert Licensing Offices mis en place notamment dans les universités américaines pour expliquer, au moins en partie, le dynamisme des biotechnologies aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Un certain nombre de pays, notamment le Japon, ont tenté de s'inspirer de ce modèle pour favoriser la valorisation des résultats de la recherche universitaire.

Les structures de valorisation n'ont pourtant pas constitué un sujet d'intérêt pour les personnes entendues en France. Il est difficile d'interpréter ce silence. Le dispositif actuel est-il suffisamment performant ? Quelle est la place exacte de ces structures, vis-à-vis des chercheurs, comme des instances décisionnelles des établissements ?

Peut-être aussi que le dispositif français, qui repose sur une grande diversité de structures, ne se prête-t-il pas à une appréciation de portée générale.

Sur ce point, on ne peut donc que se contenter de rappeler que la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche a introduit un certain nombre de dispositions pour favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique et faciliter la création d'entreprises par les chercheurs.

Elle a ainsi allégé la procédure de création de structures de coopération privées, défini les conditions dans lesquelles les EPST et le EPCSCP peuvent créer des incubateurs et exercer des activités industrielles et commerciales, telles que les prestations de services, la gestion de contrats, l'exploitation de brevets et de licences de commercialisation, permis aux EPST de créer des services d'activités industrielles et commerciales, déterminé les conditions dans lesquelles les chercheurs peuvent créer une société, apporter leur concours à une entreprise, appartenir au conseil d'administration ou au conseil de surveillance d'une société anonyme, prévu des incitations fiscales à cet effet, comme les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, assoupli les possibilités offertes aux universités pour valoriser les résultats de leurs recherches.

La loi de 1999 a ainsi à la fois permis aux établissements de créer de nouvelles structures et assoupli les règles définies par les lois du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France et du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, lesquelles avaient mis en place une palette d'outils internes ou externes que la Cour de Comptes avait analysés dans deux rapports en 1997 et 1999.

Les auditions n'ont pas permis de vérifier si les critiques formulées par la Cour des Comptes avant l'intervention de la loi de 1999 n'ont plus lieu d'être, notamment celles concernant le « pilotage » du dispositif, le recensement et le suivi des différentes pratiques, l'harmonisation des tarifications. Néanmoins, au moins une des observations alors formulées par la Cour des Comptes semble encore d'actualité dans le cadre du présent rapport : elle concerne les opérations de prédéveloppement ou de pré-industrialisation.

Dans son rapport de 1997, la Cour notait que « la valorisation d'un résultat de recherche requiert de procéder à des opérations qui ne sont pas du ressort habituel du fonctionnement des laboratoires. La réalisation de ces opérations en amont du développement se heurte souvent à la double réticence des laboratoires et des industriels : les laboratoires, parce qu'ils n'ont a priori pas les moyens de les prendre en charge et parce que les chercheurs ne sont pas toujours désireux de travailler sur des applications de recherche ; les entreprises, parce que le débouché de ces travaux est aléatoire et qu'elles hésitent à financer des opérations dont elles ne sont pas sûres de pouvoir tirer profit. Différentes solutions ont donc été élaborées au sein des EPST pour tenter de surmonter cette difficulté. Ont été ainsi mis en place des « fonds de valorisation », dotations à la disposition des services de valorisation, qui permettent de financer certaines opérations de prédéveloppement (...) ». Elle concluait sur ce point que « le désengagement relatif des EPST du financement des opérations de prédeveloppement - malgré les rôles que sont censés jouer l'ANVAR, le FRT, et les structures qui se juxtaposent depuis des années sans convaincre204 - montre que la France n'a toujours pas réussi à résoudre efficacement le problème posé par l'aide au prédéveloppement ». Dans son rapport de 1999, la Cour observait que la constitution de filiales de pré-industrialisation présentait certains risques en raison des capitaux importants et difficiles à évaluer avec exactitude au début de l'opération qu'elles nécessitaient.

La loi de 1999, en favorisant la création de sociétés pour valoriser les résultats de la recherche publique, a, à cet égard, constitué une avancée dans ce domaine. Mais les difficultés rencontrées par les sociétés de biotechnologies pour financer le développement de leurs produits montrent que cette avancée a été insuffisante et qu'elle doit être prolongée par une réflexion sur la maturité souhaitable du projet à partir de laquelle la création peut être envisagée, ce qui pose la question de la prise en charge de l'approfondissement des recherches, et/ou sur les moyens à mettre en place pour permettre à la société créée à un stade précoce d'assurer la valorisation de son propre produit.

Accessoirement, lors des auditions, la question d'une « externalisation » d'une partie des activités relevant des instituts de recherche et des universités a été évoquée. En Allemagne, le dirigeant d'une société de biotechnologie a ainsi plaidé pour le développement de services techniques aux instituts afin que ceux-ci se concentrent sur « leur cœur de métier ». En Angleterre, le responsable d'une société de services de valorisation des brevets académiques a décrit le paysage des structures universitaires de transfert technologique, en distinguant les structures de certains pays, qui n'ont pas d'argent, pas de personnel, ni de compétences, et qui sont donc à ses yeux « à l'âge de pierre », les structures, comme les britanniques, qui ne veulent pas d'aide du gouvernement, ni ne désirent que des organismes extérieurs se mêlent de leurs affaires205, et enfin les structures qui ont atteint « l'âge de raison », comme celles des universités américaines, qui « savent faire » mais qui, face aux difficultés préfèrent de plus en plus recourir à des organismes extérieurs.

b) L'importance accordée aux moyens humains

Les auditions organisées tant en France qu'à l'étranger ont montré que la question des moyens humains consacrés à la valorisation était déterminante.

Il ressort de ces auditions que la valorisation est un véritable métier et que, si la formation initiale des personnes chargées de l'assurer, qu'elle soit « scientifique », juridique financière ou commerciale, importait peu, il était impératif de disposer des compétences requises pour exercer les activités concernées.

La valorisation repose sur des compétences scientifiques solides, mais elle réclame aussi d'autres compétences, « managériales » par exemple, qui font parfois défaut. Cet état de fait a été notamment relevé à propos des sociétés de biotechnologies, en France, comme dans les pays visités. Un certain nombre de propositions ont à cet égard été formulées. Pour les uns, il faut privilégier le « recrutement » de personnes ayant exercé des responsabilités dans les sociétés industrielles, telles que les firmes pharmaceutiques. Pour d'autres, si une carrière effectuée dans des laboratoires publics n'est pas un handicap en soi, une expérience permettant d'acquérir une compétence « managériale » est nécessaire et, à ce propos, la gestion d'une équipe de recherche aux Etats-Unis est jugée très profitable, en raison des moyens alloués et des responsabilités exercées dans ce cadre. « Un labo aux Etats-Unis fonctionne déjà comme une entreprise, il n'y a qu'un seul maître à bord sur le budget alloué et ce qu'on lui demande, c'est que ça marche ».

Au Royaume-Uni, si l'encouragement à la mobilité entre la recherche universitaire ou académique et le secteur privé constitue un objectif pour le Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC), la faible mobilisation des « grands chercheurs », dès lors qu'ils ne sont pas les fondateurs de sociétés de biotechnologie, constitue apparemment une préoccupation. La pérennité de ces sociétés semble ainsi fragilisée, alors que l'absence de sécurité d'emploi dans ces sociétés paraît expliquer la situation actuelle, caractérisée par un engagement très majoritaire de post doctorants. Des soutiens financiers ont été mis en place pour favoriser cette mobilité, mais les universités restent apparemment réticentes.

Pour les structures de valorisation mises en place par les établissements publics français, si des critiques ont été émises sur la compétence des personnels concernés, les progrès enregistrés dans ce domaine ont aussi été soulignés, comme ont été évoquées les possibilités offertes par le recours à des prestataires de services externes.

Mais surtout l'insuffisance des moyens réellement consacrés à la valorisation a été mise en évidence. Cette faiblesse résulte d'une part du rôle dévolu aux structures de valorisation qui ne prennent en charge qu'une partie des activités de valorisation, parfois les plus ingrates, comme le « simple » dépôt de brevets. D'autre part, les moyens initialement dégagés pour couvrir les frais de valorisation ont été dans certains cas utilisés pour financer les recherches entreprises et qui étaient justement destinées à être valorisées. Enfin, la « masse critique » n'est généralement pas atteinte, tandis que le principe d'un « autofinancement » des dites structures, par les ressources tirées de leurs activités de valorisation, n'a jamais été évoqué.

Inserm Transfert, qui est une filiale privée de l'INSERM, dispose ainsi d'un département de valorisation comptant actuellement une vingtaine de personnes, pour 2 500 chercheurs.

A titre de comparaison, l'Institut Pasteur de Paris emploie une cinquantaine de personnes pour la valorisation, pour 2 600 collaborateurs dont 1 600 « Pasteuriens ». Sur un budget de 185 millions d'euros en 2004, les ressources provenant de la valorisation représentent plus de 40% des ressources (25% pour les seules redevances, soit 42 millions d'euros). Comme le notait la Cour des Comptes dans son rapport public de 2000, « c'est un organisme qui valorise bien ».

Au MIT206, le Transfert Licensing Office perçoit pour son fonctionnement 15% du montant des royalties provenant de la gestion du portefeuille de brevets issus des travaux de recherche du MIT et du Whitehead Institute. Les ressources provenant de l'exploitation des brevets atteignent 30 millions de dollars par an, contre 4 millions de dollars il y a une quinzaine d'années. L'Office emploie 30 personnes, dont 9 chefs de projets répartis selon les spécialités et un avocat. Le personnel vient généralement de l'entreprise ; il a une expérience dans la gestion des brevets industriels et connaît donc les standards appliqués dans le milieu industriel. 40% des brevets gérés par l'Office relèvent du domaine des biotechnologies.

L'Imperial College Innovations de Londres207 est une structure dédiée à la valorisation, constituée sous la forme d'une filiale indépendante qui gère le portefeuille des accords de licence et celui des actions détenues dans les sociétés créées. Ses fonctions comprennent l'identification des technologies de pointe dans les différentes disciplines, la gestion des brevets (dépôt, enregistrement, suivi) et l'utilisation des nouvelles technologies, par la création de sociétés (spin off) ou la concession de licences à des sociétés existantes, grandes ou petites. Trente-quatre personnes y travaillent208, dont deux directeurs scientifiques (sciences de la vie et sciences médicales d'une part, sciences physiques et sciences de l'ingénieur d'autre part), quatre personnes chargées de la gestion du portefeuille d'actions et les autres se consacrant au business development pour trouver des financements industriels, domaine dans lequel les offices de transfert technologique, constitués au sein des universités britanniques, n'interviennent généralement pas. Le tiers du budget est absorbé par les frais de personnel, les frais de personnel et de dépôts s'élevant à 1,3 million de £.

c) Des partenaires industriels introuvables ?

Les auditions organisées en France, mais aussi à l'étranger, n'ont pas permis de d'identifier des pratiques solidement établies en matière de partenariats entre les industries et les organismes de recherche dans le domaine des biotechnologies.

Cela ne veut cependant pas dire que ces partenariats sont inexistants, mais seulement qu'il est difficile de suivre les voies empruntées et de mesurer le degré d'implication de chaque partenaire.

Si on se limite aux informations collectées en France, avant la constitution de la société Sanofi-Aventis, on peut observer que dans le domaine de la santé, le système pratiqué manquait totalement de « visibilité », à l'échelon national tout au moins.

Le programme BioAvenir et ses résultats sont restés largement confidentiels. Ce programme, qui s'est déroulé de 1991 à 1996, reposait sur la participation d'une grande entreprise, Rhône Poulenc, qui était le premier groupe chimique français et le septième mondial. Sur un investissement global de 1,6 milliard de francs (244 millions d'euros), l'engagement financier du groupe industriel en a assuré les deux tiers. Les grands organismes de recherche français (CNRS, CEA, INRA, INSERM, Institut Pasteur...) se sont associés au groupe chimique. Le soutien public à ce programme a atteint 610 millions de francs, dont 410 millions émanant du ministère de la Recherche et 200 millions gérés par le ministère de l'Economie et des Finances, auxquels se sont ajoutés 210 millions correspondant à la recherche commune financée par les organismes de recherche. Pour les uns le bilan a été jugé « encourageant ». Selon certaines sources209, plus de 500 chercheurs ont ainsi produit 250 publications et communications scientifiques, 200 brevets ont été déposés et la commercialisation de 10 produits était à l'étude au terme de cinq années de fonctionnement. Selon les représentants d'AVENTIS entendus en novembre 2003, dans le cadre de ce programme, 150 collaborations avaient été identifiées et grâce à lui beaucoup de laboratoires avaient engagé des travaux sur la génétique. Pour d'autres, ce programme a été un « échec flagrant » de la collaboration entre les secteurs public et privé.

Au cours de cette audition, plusieurs informations avaient été données à propos d'AVENTIS : 25% de son budget de recherche était externalisé, en particulier dans le domaine de la recherche fondamentale, confiée essentiellement à des institutions françaises et des universités. Au cours des cinq dernières années, AVENTIS a ainsi fait appel à 190 collaborateurs du CNRS, de l'INSERM et de Pasteur et à 65 collaborateurs universitaires, étant rappelé que, dans le cadre du programme BioAvenir, 150 collaborations avaient été nouées.

Par ailleurs, comme l'a souligné M. Lionel SEGARD, Président d'Inserm Transfert et membre du comité de pilotage, dès le dépôt d'un brevet, ou peu avant, plusieurs industriels de la pharmacie se manifestaient, un même brevet attirant plusieurs « clients ». Mais, à la suite notamment des fusions, le nombre de « clients » potentiels s'est considérablement raréfié et AVENTIS a annoncé une concentration de son activité sur certains champs thérapeutiques, ce qui a resserré le « marché » des débouchés de l'INSERM.

Après le dépôt de brevet les sociétés de biotechnologie se heurtent aussi à des difficultés de financement liées à l'absence d'acteurs tels que les sociétés de capital risque ou les Big Pharma, lesquelles ont disparu de nombreux pays européens.

Cette situation milite pour une approche résolument européenne - avec une Europe entendue au sens large, intégrant notamment la Suisse - des stratégies de partenariat.

Dans le domaine agricole, en France, des partenariats se sont noués entre les industriels, au sein de BIOGEMMA210, et entre les secteurs public et privé, notamment dans le cadre de GENOPLANTE, constitué sur la base d'une démarche commune publique et privée et en relation avec un programme allemand, GABI211.

GENOPLANTE, pour son programme 1999/2003, reposait sur une implication d'organismes publics et d'industriels212.

Lors de la mission effectuée en Auvergne, cette structure a été jugée « très compétitive au niveau international » mais les perspectives semblaient incertaines, avec le risque d'un retrait de BAYER et le désengagement de l'Etat.

Ceci dit, M. Vincent PETIARD, Directeur du centre de recherche NESTLE de Tours, a estimé que les possibilités de collaboration du groupe NESTLE avec la recherche publique française étaient limitées, du fait des règles que s'impose celle-ci. A titre d'exemple, dans le cadre d'un programme lourd sur la génomique du café, cette société avait envisagé d'entrer dans GENOPLANTE mais s'est vu opposer un refus, au motif que ce n'était pas une firme française. Le programme de génomique a donc été conclu avec une société de New York, pour 3 millions de dollars sur plusieurs années, la moitié de cette somme étant consacrée au financement de recherches sur le café et le cacao.

Il faut avouer que le critère de nationalité d'une société industrielle est de plus en plus difficile à définir. Quel est en effet le paramètre le plus pertinent ? La nationalité du premier actionnaire, l'adresse du siège social, le lieu de détention du capital, l'activité économique dans le pays, la localisation des droits de propriété intellectuelle ?

En outre, les sociétés commerciales « changent fréquemment de mains ». A travers AVENTIS, l'Allemagne et les Etats-Unis n'ont-ils pas bénéficié des retombées du programme BioAvenir, auquel RHONE POULENC avait pratiquement seul accès ?

Les sociétés de biotechnologies présentent la même fragilité. Il existe de nombreux exemples de sociétés « françaises » qui ont été rachetées par des firmes étrangères.

Cette évolution doit désormais être prise en considération, en recherchant notamment de meilleures garanties lors de la conclusion de partenariats, et en définissant une politique plus ouverte, en particulier à l'égard de nos voisins européens.

Au Royaume-Uni, l'ouverture sur l'international est un objectif stratégique commun du gouvernement et des instituts de recherche. L'Imperial College de Londres se considère ainsi comme une « institution internationale scientifique », au même titre, selon les termes employés par le responsable entendu, que l'Institut Pasteur, Stanford ou Harvard. Parce qu'il a « son rang à tenir », le principe a été retenu de ne pas réserver les licences issues des travaux effectués en son sein aux seules sociétés britanniques et de ne pas en limiter l'application au NHS.

3 - Le problème de la consolidation des vecteurs de valorisation

La loi de 1982 sur la recherche avait inscrit la valorisation parmi les missions des organismes de recherche, celle de 1999 a fourni de nouveaux instruments mis à la disposition des établissements de recherche, des établissements d'enseignement supérieur et des chercheurs pour atteindre cet objectif.

Il convient de dresser le bilan de l'utilisation de ces différents instruments dans le domaine des biotechnologies.

a) La valorisation des brevets, le Bayh Dole Act et les difficultés rencontrées

La valorisation de la propriété intellectuelle est au cœur de la problématique sur les biotechnologies. En France et dans d'autres pays européens, dans ce domaine particulier, les débats ont surtout porté sur l'étendue du champ de la brevetabilité, comme le montrent les discussions récentes sur la transposition de la directive européenne relative aux inventions biotechnologiques. Mais aussi, en France et ailleurs, des réflexions ont été engagées sur la valorisation des résultats issus des travaux de recherche, sans concerner spécifiquement les biotechnologies. Ces réflexions portent à la fois sur les conditions permettant d'inciter les chercheurs et les établissements dont ils relèvent à déposer des brevets et sur celles visant à faciliter l'exploitation de ces brevets, afin de générer des ressources supplémentaires et de favoriser le développement de nouveaux produits.

Aux Etats-Unis, une série de dispositions ont été prises dans les années 80 pour répondre à ce double objectif, en particulier « the Patent and Trademark Law Amendment », intervenu en 1980 et plus connu sous le nom de « Bayh Dole Act ».

Ce texte a été adopté pour favoriser l'exploitation des brevets issus des recherches financées par des fonds fédéraux. En 1980, le gouvernement fédéral détenait un portefeuille d'environ 28 000 brevets, dont moins de 5% avaient fait l'objet d'une licence d'exploitation concédée à l'industrie pour développer des produits. Seules quelques agences fédérales autorisaient par ailleurs les universités à breveter les résultats de la recherche financée par des fonds publics.

Afin de corriger cette situation, le Bayh Dole Act a introduit deux modifications. Il a autorisé le dépôt de brevets par les universités et les laboratoires de recherche académique, même lorsque le financement des travaux est assuré par des fonds fédéraux, les agences fédérales ne pouvant s'y opposer qu'en cas de « circonstances exceptionnelles ». Il a par ailleurs autorisé les déposants visés à céder sous licences exclusives ces brevets à des firmes privées, en particulier à des entreprises de moins de 500 salariés, ou à constituer avec elles des « joint ventures ». Il convient de rappeler que, dans le système américain de propriété intellectuelle, le principe du « premier inventeur », et non celui du « premier déposant », est retenu, ce qui règle en partie les problèmes liés aux publications. Par ailleurs, The University and Small Business Patent Act a autorisé les petites entreprises (moins de 500 salariés) à déposer des brevets sur les résultats de recherches financées par des fonds publics.

Ce nouveau dispositif a conduit à la constitution de structures dédiées à la valorisation dans les universités américaines, les « Technological Transfer Offices », et à une multiplication des brevets déposés par les universités, notamment dans le domaine biomédical (2 436 en 1997, contre 264 en 1979), avec un recours accru aux licences exclusives. Selon certaines estimations, 70% des licences actives des universités relèvent du domaine des sciences de la vie. Ce dispositif ne semble pas avoir incité les industries à financer davantage les universités dans le domaine des sciences de la vie. Il a en revanche stimulé les agences fédérales, comme les NIH et la FDA, qui ont concédé plus de licences sur des brevets issus de la recherche interne de ces organismes qu'auparavant213, les NIH procurant dès lors 70% des royalties fédérales.

La multiplication des brevets exploités sous licences exclusives a soulevé des difficultés, notamment en ce qui concerne les brevets déposés sur les outils de recherche et les cellules souches embryonnaires, en limitant la capacité des agences fédérales, comme les NIH, de préserver les domaines de la « science ouverte », mais aussi en entravant les recherches universitaires, en raison des droits élevés réclamés pour l'utilisation de produits couverts par des licences exclusives. Ce phénomène a été aggravé par le fait que les universités ont privilégié les liens avec de petites sociétés et n'ont donc pas bénéficié des possibilités offertes par des relations nouées sur la base de licences exclusives avec de grosses entreprises, qui sont a priori susceptibles d'être plus variées et prometteuses.

Une réflexion est donc en cours aux Etats-Unis pour aménager ce dispositif, sans dévaluer les investissements privés réalisés. Des propositions ont été formulées pour confier aux NIH de plus larges pouvoirs de régulation dans ce domaine. A partir du milieu des années 1990, plusieurs actions ont été initiées pour limiter les effets les plus néfastes du recours aux licences exclusives. En 1995, une centaine d'universités ont conclu un accord pour s'autoriser mutuellement à utiliser les brevets qu'elles détenaient. Les NIH ont pris diverses initiatives pour, par le biais des bourses, définir certaines conditions de brevetabilité, en faisant valoir que les financements privés imposent des contraintes autrement plus fortes aux chercheurs.

Mais les dispositions arrêtées par les NIH ont une base juridique fragile, le rôle de régulation dans le domaine de la propriété intellectuelle étant par ailleurs confié au Département du Commerce.

Le régime établi par le Bayh Dole Act est toutefois encadré, laissant à penser que les difficultés constatées résultent plus de la pratique que des textes eux-mêmes. Les universités sont ainsi obligées de définir, dans le domaine du transfert technologique, des règles écrites. Elles sont tenues de transmettre des informations relatives aux brevets déposés et concédés aux agences fédérales de financement. Celles-ci doivent tenir un registre, soumis régulièrement au contrôle du General Accounting Office, l'équivalent de la Cour de comptes française, qui a produit dans ce domaine plusieurs rapports, et peuvent exercer, selon une procédure codifiée, leur droit de propriété dans le cas où une université n'a pas poursuivi la valorisation de l'invention. Une circulaire émanant de l'Office of Management and Budget définit des normes sur les droits de propriété applicables dans le cadre des accords de financement conclus par les agences fédérales. Le transfert technologique doit privilégier les entreprises localisées aux Etats-Unis. Les universités peuvent - c'est une option - privilégier les entreprises de moins de 500 salariés. Les universités doivent fixer un taux de rémunération du ou des inventeurs ; ce taux est librement fixé par elles et le reste doit être affecté aux activités de recherche et d'éducation qu'elles exercent214. Les agences fédérales peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, opter pour un brevet fédéral, afin de préserver les droits des tiers. Elles peuvent, ainsi que le gouvernement, prendre des licences (« match-in rights ») lorsque les circonstances l'exigent pour sauvegarder la santé publique et la sécurité.

Dans un certain nombre d'autres pays, les visites effectuées ont révélé des approches différentes215. En Allemagne, par exemple, il a été mis fin au « privilège des professeurs » pour confier les droits de propriété aux institutions de recherche.

Au Royaume-Uni, un rapport récent, « le rapport Lambert », propose de privilégier l'exploitation des brevets à la constitution de sociétés de biotechnologies dont le financement semble rencontrer certaines limites, notamment lors de la phase d'amorçage. La question de l'équilibre à trouver entre d'une part la création d'entreprises216 et, d'autre part, la concession de licences à des sociétés existantes, est d'ailleurs actuellement posée aux responsables du transfert technologique de l'Imperial College de Londres qui considèrent que la gestion d'un portefeuille de licences constitue un « investissement plus sûr », les perspectives de bénéfices liés à la création d'entreprises leur paraissant plus élevées mais aussi plus aléatoires, et qui ont aujourd'hui à faire face aux difficultés de financement des sociétés de biotechnologies créées dont une partie des actions sont détenues par l'Imperial Innovations.

La propriété intellectuelle est détenue dans ce pays par les instituts de recherche, les universités et les centres de recherche, et non les chercheurs. L'exploitation de cette propriété incombe donc à ces organismes. En 2000, un rapport officiel a préconisé la constitution d'une société privée unique, la Plant Bioscience Limited, pour exploiter les résultats de la recherche sur les aliments et les plantes, dont la majorité des parts appartiennent au BBSRC et dont les bénéfices sont redistribués aux instituts de recherche. Au Royaume-Uni, la gestion de la propriété intellectuelle s'inscrit dans un cadre juridique clair, elle fait l'objet de suivis réguliers et elle est assurée par les instituts de recherche, ainsi que par le DTI, des liens étant par exemple établis entre le BBSRC et le DTI.

La principale difficulté évoquée au Royaume-Uni concerne les structures de coopération avec les sociétés industrielles. Le BBSRC n'est pas actuellement impliqué dans de telles collaborations et il considère que les universités qui recourent à ces pratiques risquent de rencontrer des difficultés pour gérer les droits de propriété intellectuelle, aucune règle n'ayant été établie dans ce domaine. Le « rapport Lambert » propose quant à lui que les universités détiennent la propriété intellectuelle, mais ce problème n'était pas encore tranché en mai 2004. Au sein du BBSRC, un projet était alors à l'étude pour favoriser le développement d'actions de coopération avec l'industrie, consistant à créer une agence de moyens financée à 50% par le Département du Commerce et de l'Industrie (DTI) et à 50% par le budget de la recherche, à hauteur de 300 millions de £ et permettant de « récompenser » les partenariats.

Au Japon, la Japan Health Sciences Foundation qui a été créée en 1986, avec comme objectif initial la réalisation de recherches conjointes par l'Etat et l'industrie pharmaceutique, auquel s'est ajouté la gestion d'une biobanque, a reçu pour mission en 2003 de gérer les résultats des recherches effectuées par les organismes dépendant du ministère de la santé, dans le but d'assurer le transfert technologique, au sein d'un centre de transfert technologique.

Cette nouvelle fonction repose sur un système rénové de propriété intellectuelle. Auparavant, les chercheurs devaient prendre les brevets à titre personnel, ce qui représentait pour eux des coûts élevés; le taux d'obtention des brevets était donc faible, les chercheurs préférant publier. La réforme confie la propriété aux organismes (et donc à l'Etat). La procédure de dépôt est assurée par la fondation qui perçoit du ministère de la santé 65 millions de yens de frais de procédure.

La fondation compte 146 entreprises membres, dont 50 apportent une contribution financière pour la gestion de l'office de transfert de technologies, à raison de 500 000 yens par entreprise, quelle que soit sa taille. Les transferts représentent donc un budget de 90 millions de yens.

Les résultats brevetés des chercheurs génèrent des ressources financières qui sont réparties comme suit : 50% pour l'office et 50% pour l'organisme de recherche, dont un quart est attribué au(x) chercheur(s) dans la limite d'une certaine somme.

En France, une politique incitative, reposant notamment sur l'intéressement des chercheurs, a été développée. Les débats ayant eu lieu sur le domaine de la brevetabilité du vivant, ne doivent pas occulter le dynamisme dont a fait preuve la France en matière de dépôt de brevets dans le domaine des biotechnologies. Un rapport récent du Commissariat Général au Plan217 a ainsi souligné que la pharmacie et les biotechnologies constituaient « un des points forts de la spécialisation française » au plan mondial et au vu des brevets déposés en Europe et aux Etats-Unis, alors que globalement, tous secteurs confondus, sa position n'est guère enviable depuis 1995, tant en ce qui concerne le nombre de brevets déposés que le rythme de progression, tous secteurs confondus.

Le régime des droits de propriété intellectuelle est fixé par le code de la propriété intellectuelle218. L'article R611-12 dispose que « les inventions faites par le fonctionnaire ou l'agent public dans l'exécution soit des tâches comportant une mission inventive correspondant à ses attributions, soit d'études ou de recherches qui lui sont explicitement confiées appartiennent à la personne publique pour le compte de laquelle il effectue lesdites tâches, études ou recherches. Toutefois, si la personne publique décide de ne pas procéder à la valorisation de l'invention, le fonctionnaire ou agent public qui en est l'auteur peut disposer des droits patrimoniaux attachés à celle-ci, dans les conditions prévues par une convention conclue avec la personne publique219. Toutes les autres inventions appartiennent au fonctionnaire ou à l'agent220 ». Le fonctionnaire ou agent public auteur d'une invention doit immédiatement en faire déclaration à la personne publique dont il relève.

Alors que l'article L611-7 du CPI applicable aux inventeurs salariés prévoit le versement d'une rémunération supplémentaire dans les conditions définies par les conventions collectives, accords d'entreprises ou contrats de travail, lorsque l'invention appartient à l'employeur, le décret n° 96-857 du 2 octobre 1996 a institué, au bénéfice de certains chercheurs d'organismes publics, une « prime d'intéressement » aux produits tirés de l'invention par la personne publique qui en est bénéficiaire. Initialement fixé à 25% du produit hors taxes des redevances perçues au titre de l'invention après déduction de la totalité des frais directs supportés par la personne publique bénéficiaire, sans limitation, le complément de rémunération a été fixé à 50%, dans la limite du traitement brut annuel correspondant au deuxième chevron du groupe hors échelle D, et au-delà de ce montant à 25% de cette base par le décret n° 2001-140 du 13 février 2001221.

Les auditions n'ont pas permis d'apprécier l'efficacité du dispositif actuel. La progression du nombre de brevets déposés dans le domaine des biotechnologies tend à démontrer que les mécanismes mis en place sont incitatifs. Néanmoins cette donnée n'est pas suffisante. La valorisation commence par le dépôt de brevets mais doit se poursuivre. La création de sociétés peut constituer une solution, mais elle-même n'est qu'une étape. Il faut bien trouver des investisseurs ou des industriels intéressés pour faire aboutir les recherches.

Au cours des auditions, les allusions faites au sujet des exigences excessives des titulaires des brevets d'une part, des industriels d'autre part, des difficultés rencontrées pour « gérer » la propriété intellectuelle dans des groupements mixtes, où interviennent plusieurs organismes de recherche, ou bien des organismes de recherche et des industriels222, comme de l'existence de « trésors cachés » jalousement gardés au sein de certains établissements, laissent à penser qu'une réflexion sur la valorisation de la propriété intellectuelle doit être engagée, associant les chercheurs, les gestionnaires des organismes, les industriels, les investisseurs et l'Etat. Le sujet est suffisamment important pour justifier un débat public associant le Parlement. Si on peut comprendre que le Bayh Dole Act ne constitue nullement un modèle en soi, par les seuls mécanismes qu'il a introduits, au moins a-t-il eu le mérite de donner l'occasion au Congrès américain de se saisir du problème.

b) La viabilité des supports utilisés

Plusieurs bilans ont été établis récemment sur les dispositifs de valorisation mis en place notamment à partir de 1999223. Ils permettent de tirer un certain nombre de conclusions concernant plus particulièrement le domaine des biotechnologies, même si la plupart des supports n'ont pas été spécifiquement dédiés aux biotechnologies.

Les nouveaux instruments introduits en 1999 ont été largement utilisés pour valoriser les recherches entreprises dans le domaine des sciences de la vie.

Le régime ouvert par la loi de 1999 pour faciliter la participation des chercheurs des organismes publics à des sociétés224 a été ainsi investi à 50% par des chercheurs intervenant dans le domaine des sciences de la vie. Au cours de l'année 2002, sur 123 dossiers agréés, 60 relevaient du domaine des sciences de la vie. Sur la période 2000/2002, on a assisté à une augmentation dans les domaines des sciences de la vie et de la biologie, dont la part représente pour cette période 41% (95 dossiers pour les sciences de la vie et 25 en biologie), tandis que le nombre de dossiers présentés par les personnels spécialisés en informatique a nettement régressé (93 dossiers sur la période, soit 32%).

Pour les incubateurs d'entreprises innovantes liés à la recherche publique, on observe aussi une participation supérieure des sciences de la vie par rapport aux autres disciplines, sachant que deux incubateurs ont été exclusivement dédiés aux biotechnologies (Paris-Biotech en Ile de France et Eurasanté dans le Nord-Pas-de-Calais)225. En août 2002, le nombre des projets incubés dans le domaine des Sciences de la vie/Biotechnologies représentait 36% du nombre total de projets incubés, contre 30% pour les TIC/Télécommunications et 27% pour les Sciences et technologies de l'ingénieur. S'agissant des entreprises créées, pour la même période, les Sciences de la vie-Santé-Biotechnologies dominaient également, avec 35%, contre respectivement 31% et 27% pour les deux autres disciplines précédemment citées, sur un total de 277 entreprises.

S'agissant de l'activité des fonds d'amorçage liés à la recherche publique, les statistiques ne permettent pas d'identifier les entreprises relevant du domaine des biotechnologies. Il convient cependant de noter que sur les trois fonds nationaux créés, l'un, le fonds BIOAM226, est dédié aux biotechnologies ; au 31 décembre 2002, les fonds souscrits à ce titre s'élevaient à 44 millions d'euros et les participations étaient au nombre de sept.

La place des biotechnologies est également importante dans le concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes. Mais on note un léger « décrochage » entre la part des lauréats intervenant dans cette discipline et celle des entreprises créées. Le domaine « biotechnologies/santé/pharmacie » a représenté environ le quart des dossiers retenus par le jury national227, légèrement derrière l'informatique. Pour les entreprises créées, la part du secteur de la biopharmacie ne représente que 19,7%, contre 36,1% pour l'informatique, mais à la différence de ce dernier secteur dont la part a régressé, sa position est restée stable entre 2001 et 2002. Il convient par ailleurs de noter que le secteur de l'environnement est très peu présent (3% des dossiers en 1999).

Ainsi, dans le domaine de la création d'entreprises innovantes, le secteur des biotechnologies a démontré son dynamisme, en dépit des difficultés financières rencontrées. Dans cette discipline, les nouveaux dispositifs créés ont donc répondu à un besoin.

S'agissant des instruments mis en place pour favoriser les partenariats entre la recherche publique et les entreprises, ceux dédiés aux biotechnologies ont bien entendu été utilisés mais il est plus difficile d'évaluer l'intérêt qu'ont pu représenter pour les biotechnologies, les autres cadres de partenariat ouverts à des champs disciplinaires plus diversifiés, tels que les équipes de recherche technologique, les services d'activités industrielles et commerciales ou les centres d'appui technologique aux PME-PMI (centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie, centres de ressources technologiques, plates-formes technologiques, réseaux de développement technologique). Il faut reconnaître qu'il est presque impossible d'identifier une stratégie nationale dans cette « nébuleuse » de programmes dont les objectifs, les financements et les ressorts territoriaux sont multiples et se recoupent parfois.

Parmi les dix-huit centres nationaux de recherche technologique labellisés228 en activité à la fin de l'année 2002, il convient de mentionner le centre d'Evry consacré à la génomique, la bio-informatique, la vectorologie et la thérapie génique notamment, mais aussi le centre de Grenoble qui intervient dans les domaines des micro et nanotechnologies et des technologies du numérique. Ces centres ont pour vocation de créer les conditions d'une collaboration entre les laboratoires de recherche publique et les centres de recherche des grands groupes industriels et des PME de haute technologie pour développer conjointement des activités de recherche et de développement technologique de qualité internationale.

Sur les seize réseaux de recherche et d'innovation technologique (RRIT) en activité en 2002 et qui ont pour but de favoriser sur des thèmes prioritaires, la collaboration entre la recherche publique et la recherche industrielle, quatre interviennent dans le domaine des sciences de la vie, le réseau Génoplante créé en 1999, le réseau GenHomme créé en 2000, le réseau des technologies de la santé (RNTS) créé en 2000 et le réseau Alimentation Références Europe (RARE) créé en 2001. S'est ajouté en 2003 le réseau GenAnimal, dédié à la génomique des animaux d'élevage.

Sur la période 1999/2002, Génoplante a reçu du ministère de la Recherche 22,3 millions d'euros, pour 281 projets. De 2000 à 2002, GenHomme a bénéficié d'un financement public représentant 59% de son financement total et provenant du ministère de la Recherche (27,19 millions d'euros pour 57 projets) et du MINEFI (29,4 millions d'euros). Le financement public du RNTS s'est élevé en 2002 à 12,2 millions d'euros, dont 6,1 millions au titre du ministère de la Recherche ; de 1999 à 2002, celui-ci a accordé 23 millions d'euros pour 92 projets. Le financement de RARE a été assuré par le ministère de la Recherche à hauteur de 5,48 millions d'euros de 2001 à 2002, pour 14 projets.

Si l'on tente d'identifier les spécificités des réseaux Génoplante et GenHomme, deux particularités se dégagent.

D'une part, le financement privé représente une part moindre que dans les autres réseaux en règle générale et il présente une certaine instabilité.

Sources de financement de Génoplante (millions d'euros)

 

1999-2000

2001

2002

Financement public

16,60

10,95

10,71

Financement privé

18,64

20,58

10,4

Total

38,24

31,53

21,11

Part du financement privé

47,7  %

65,3  %

49,3  %

Nombre de projets labellisés

166

30

85

Sources de financement de GenHomme (millions d'euros)

 

2000

2001

2002

Financement public

22,68

32,38

8,49

Financement privé

10,09

12

4,18

Total

32,77

44,38

12,67

Part du financement privé

30,8  %

27,5  %

33,0  %

Nombre de projets labellisés

32

43

12

D'autre part, la répartition des financements octroyés par le FRT montre que, dans les sciences de la vie, la part des PME et des organismes de recherche est plus importante que pour l'ensemble des RRIT, avec respectivement 43% pour les PME, contre 29% pour l'ensemble des RRIT et 42% pour les organismes de recherche, contre 36%, aboutissant ainsi à réduire la part des grands groupes (1%, contre 10% pour l'ensemble de RRIT) et des établissements d'enseignement supérieur (5%, contre 14%) notamment.

Encore aujourd'hui, le secteur des biotechnologies subit les effets des hésitations des pouvoirs publics sur le choix des moyens à mettre en œuvre pour assurer son développement.

Dans le domaine de la génomique, les actions publiques ont été tardives229 en France et on a assisté à la création répétée de structures nouvelles au sein du paysage institutionnel déjà morcelé de la recherche. Alors que dans les années quatre-vingt, des initiatives privées ont vu le jour, grâce notamment au Centre d'Etudes du Polymorphisme Humain (CEPH) et au Généthon230, laboratoire privé créé par l'AFM, en association avec le CEPH, ce n'est qu'en 1988 que la première action concertée a été mise en place par le ministère de la Recherche, avec des moyens sans commune mesure avec ceux consentis aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Le GIP « Groupement de recherches et d'études sur les génomes » (GREG) ne fut créé juridiquement qu'en janvier 1993, puis dissous en 1996. Le groupement d'intérêt scientifique Infobiogen fut créé en 1995. Puis, en 1997, le GIP Génoscope (Centre National de Séquençage) et, en 1998, un autre GIP, le Centre National de Génotypage, ont vu le jour. En 2002, un nouveau GIP a été créé, le Consortium National de Recherche en Génomique (CNRG)231, regroupant le Génoscope, le Centre national de Génotypage et le réseau national des génopoles.

Le défaut majeur des structures et des dispositifs mis en place réside dans l'absence de garanties concernant leur pérennité, soit que leur existence soit subordonnée à la participation d'autres acteurs (RRIT), soit que leur durée soit limitée par les statuts adoptés (GIP), soit que leur maintien dépende d'évaluations reposant sur des critères eux-mêmes aléatoires (incubateurs, génopoles).

On ne peut pourtant assurer le développement des biotechnologies, sans une stratégie construite sur le long terme et engageant l'ensemble des acteurs.

c) La valorisation du métier de chercheur

Lors des déplacements effectués dans le cadre de la préparation du présent rapport, de nombreux laboratoires ont été visités tant en France qu'à l'étranger ; ils étaient installés dans des structures les plus diverses, grandes entreprises, jeunes pousses, universités, instituts publics ou privés de recherche. Si des différences existent, en ce qui concerne notamment les locaux, plus ou moins spacieux, modernes ou « confortables » et les équipements mis à la disposition des chercheurs, tant en quantité qu'en qualité, elles ne sont pas aussi tranchées que l'on pourrait a priori le supposer. Tous les laboratoires industriels ne sont pas nécessairement mieux ou moins bien lotis que les laboratoires publics, certains laboratoires de pays économiquement plus déshérités ne sont pas forcément moins bien pourvus qu'ailleurs. Finalement, les situations sont extrêmement diverses et ne doivent pas être stigmatisées.

L'élément le plus marquant réside dans la grande unité de la communauté des chercheurs impliqués, quels que soient leur âge, leur nationalité, leur champ d'investigation, la structure dans laquelle la recherche est effectuée.

Les chercheurs du MIT à Boston, du Biozentrum de l'université de Bâle, de l'Institut Riken à Yokohama, du laboratoire de Sanofi à Labège, du Centre de recherche de Biotechnologie de Szeged en Hongrie, de GeneProt en Suisse, de l'Institut Max Planck à Postdam, de l'Institut des Sciences de la vie de Mitsubishi, de l'Institut Pasteur ou des laboratoires publics français ne sont pas foncièrement différents.

Cette unité favorise les échanges.

Un certain nombre de chercheurs français, jeunes post-docs, responsables d'unités de recherche, professeurs ou « managers » de sociétés de biotechnologies, grandes ou petites, exercent à l'étranger, notamment en Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis. Inversement, des chercheurs étrangers travaillent dans des laboratoires français.

Par ailleurs, comme nous l'avons souligné précédemment, des chercheurs « publics » n'hésitent pas à créer leur société ou à exercer des responsabilités dans le domaine industriel, voire dans des sociétés de capital risque. Parallèlement, on trouve quelques exemples de mouvements inverses, du secteur industriel vers le secteur public, même si ils restent rares en France.

Cette mobilité géographique et professionnelle est propice au développement des biotechnologies, dès lors qu'elle est équilibrée et maîtrisée par les gouvernants et qu'elle n'est pas subie par les chercheurs.

Or les auditions ont montré qu'il existe aujourd'hui en France une véritable crise de l'emploi scientifique dans le domaine des biotechnologies, dont il convient d'analyser les causes.

Cette crise se manifeste par le départ des chercheurs vers les Etats-Unis en particulier, alors que d'une part, les études scientifiques attirent de moins en moins d'étudiants et que d'autre part, les biotechnologies sont appelées à se développer et sont donc susceptibles de susciter des créations d'emplois qualifiés.

Aux Etats-Unis, les actions entreprises pour renforcer le domaine académique des sciences de la vie, le développement des sociétés de biotechnologies et l'implantation de nouveaux centres de recherche par les grandes firmes industrielles ont accru les besoins en main d'œuvre qualifiée et les universités américaines ne parviennent pas à former en nombre suffisant des chercheurs dans ces disciplines. Ainsi, selon une étude de la NSF datant de novembre 2003, le nombre d'américains diplômés de l'enseignement supérieur dans les sciences de la vie ne cesse de diminuer. En outre, lors de l'audition des représentants de cet organisme, a été évoqué le phénomène aggravant résultant de l'implication de plus en plus forte de chercheurs dans la gestion des sociétés de biotechnologies et conduisant à détourner un nombre croissant de chercheurs des activités de recherche en sciences de la vie. Les besoins sont dès lors couverts par le recours à des chercheurs étrangers. En 2000, selon BIO 10% des emplois qualifiés des sociétés de biotechnologies, soit 15 000 postes, étaient occupés par des titulaires d'un visa H1B, qui est un visa temporaire accordé aux professionnels hautement qualifiés. Les instituts de recherche tels que les NIH font appel à des chercheurs étrangers. Les titulaires d'un doctorat d'une université française, dont le dossier est suffisamment probant, n'éprouvent semble-t-il pas de difficultés pour y faire reconnaître leur valeur. Les universités ont mis au point des stratégies de « recrutement » des étudiants disposant déjà d'un bon niveau de formation. Ainsi, par exemple, le MIT limite à 8% le « quota » d'étudiants « under graduate » mais porte ce taux à 38% pour les étudiants « graduate », la sélection s'opérant sur la base d'un dossier comportant des tests, des relevés de notes et des informations sur les types de recherches entreprises. Toutes disciplines confondues, si les étudiants étrangers représentent 4% de la population étudiante américaine, 51% des post docs sont étrangers et le nombre de post docs français aux Etats-Unis est estimé à 2 000, dont la moitié appartiendrait au domaine des sciences de la vie. A Boston, les Français représenteraient entre 15 et 20% des professeurs de médecine.

En Suisse, le nombre de chercheurs français est également assez important, tant dans les organismes académiques que dans le secteur privé. La Suisse cherche aussi à attirer les chercheurs étrangers, notamment dans les sciences de la vie, pour maintenir son potentiel scientifique et industriel. Mais la localisation à Boston d'un grand centre de recherche de Novartis tend à montrer que les conditions ne sont pas forcément réunies, en dépit des rémunérations plus élevées offertes, du très bon niveau d'équipement dont bénéficient les laboratoires et de la qualité de l'encadrement administratif destiné à faciliter le travail des chercheurs.

Les auditions ont permis d'identifier les principales raisons de cet exode des cerveaux, la situation actuelle semblant à cet égard se distinguer des périodes précédentes. Si la mobilité des chercheurs a en effet toujours caractérisé la communauté scientifique dans le domaine biomoléculaire notamment, le système actuel est marqué par un très fort déséquilibre des « échanges » - il s'agit plus d'une fuite à sens unique des cerveaux que d'un « brain exchange » - et par des perspectives de retour de plus en plus étroites.

Il y a en premier lieu un problème de débouchés dans la recherche industrielle et dans la recherche académique. La multiplication des stages de post docs à l'étranger, aux Etats-Unis en particulier, reflète en soi d'ailleurs une crise de l'emploi scientifique en France. Dans beaucoup de cas, l'expatriation est plus subie que voulue.

Il s'agit en second lieu d'une question de conditions de travail. Les rémunérations offertes, les moyens mis à disposition pour effectuer et/ou piloter les recherches, les mécanismes d'intéressement ont ainsi été évoqués au cours des auditions de Français installés aux Etats-Unis notamment.

Il s'agit aussi pour certains d'une question de mentalité. Mais c'est une simple préférence qui trouve alors à s'exprimer : tel système paraît à certains meilleur que tel autre et ils optent pour celui-là. Plus préoccupante est la difficulté ressentie par certains à se réinsérer dans un système national quitté pour des raisons variées et ne présentant plus aucun attrait parce qu'il ne semble pas avoir évolué. C'est ainsi que des chercheurs, partis aux Etats-Unis pour trouver un poste ou pour travailler dans de meilleures conditions (expérimentation sur les gros animaux par exemple), jugent le système français figé, par opposition à la fluidité disciplinaire et professionnelle du système américain, ou considèrent que leur parcours sera plus facilement valorisé aux Etats-Unis qu'en France.

Il s'agit enfin d'un problème de reconnaissance sociale. Cette reconnaissance s'exprime essentiellement au travers des politiques publiques mises en œuvre. Or, l'Europe montre certaines faiblesses par rapport à ses concurrents.

Comme cela a été souligné précédemment, les moyens accordés par les pays européens à la recherche dans le domaine des sciences de la vie et à la valorisation des résultats issus de celle-ci ont été beaucoup moins importants qu'aux Etats-Unis et les efforts consentis ont été moins constants. Des espoirs ont pu naître mais ils ont été vite déçus.

En outre, le poids de la réglementation s'y est considérablement alourdi, sans véritablement convaincre l'ensemble des parties prenantes. L'acceptation sociale est encore loin d'être acquise, notamment dans le domaine agricole. Les résultats des évaluations sont parfois contradictoires, renforçant l'incompréhension du public. Les positions des différents Etats européens restent divergentes et ne permettent de dégager un consensus. La multiplication de textes européens et nationaux nuisent à la visibilité du processus engagé. Le travail des chercheurs s'en trouve dévalorisé. Aux Etats-Unis, des débats aussi ont lieu, mais ils sont plus circonscrits et concernent essentiellement aujourd'hui la question du financement public des recherches sur les cellules souches embryonnaires et, dans un nombre très réduit d'Etats, celle de la coexistence des cultures.

Enfin, alors qu'aux Etats-Unis, les politiques industrielles, dans les domaines d'application des biotechnologies, sont clairement identifiables et offensives, beaucoup d'Etats européens restent sur la défensive ou adoptent des politiques très sectorisées en fonction de leurs intérêts nationaux. Une stratégie industrielle cohérente des biotechnologies fait encore défaut en Europe, aggravant le problème des débouchés des jeunes chercheurs.

Pour contrecarrer cette évolution, plusieurs Etats, comme l'Allemagne, ont mis en place des politiques de « réimportation des cerveaux », pour favoriser le retour de leurs chercheurs, en leur offrant notamment de meilleures perspectives de carrière ou pour attirer sur leur sol des chercheurs étrangers, ces politiques n'étant d'ailleurs pas cantonnées au domaine des sciences de la vie.

Au niveau européen, diverses actions ont aussi été engagées pour soutenir l'effort de recherche et favoriser les transferts technologiques.

Les politiques globales en faveur de la recherche et de l'innovation sont déterminantes, mais il faut aussi que, dans le domaine des sciences de la vie et des biotechnologies, l'Etat français se montre exemplaire au sein de l'Europe, tant en ce qui concerne les moyens accordés à sa recherche publique pour poursuivre ses travaux et les valoriser, que dans ses activités de régulation et au cours des négociations futures.

Conclusion

Au terme de cette étude, une première conclusion peut être formulée : dans le domaine des biotechnologies, l'Europe, et plus particulièrement la France, ont plus édicté de règles contraignantes, plus créé de structures de contrôle, plus publié de rapports, qu'elles n'ont mis sur le marché de produits ; elles ont plus consacré d'efforts à évaluer les risques, qu'elles n'ont accordé de moyens pour faciliter la preuve du concept qui constitue une étape essentielle vers la démonstration d'un bénéfice tangible.

En second lieu, les enjeux des biotechnologies n'ont pas été correctement analysés.

Jusqu'à maintenant, dans le domaine concerné, le dynamisme de l'Europe et des pays européens a été apprécié sur la base de quelques indices : nombre de sociétés de biotechnologies, nombre de salariés de ces sociétés, montant des fonds investis, notamment par le capital risque, mais aussi, économie fondée sur la connaissance oblige, nombre de brevets, nombre et taux d'impact des publications, toutes ces données faisant ensuite l'objet de comparaisons.

Cette démarche a démontré son intérêt ; elle a permis de prendre conscience du retard de l'Europe et de la France et de s'apercevoir que ce retard, par rapport aux Etats-Unis notamment, pouvait être comblé. Mais elle s'est avérée très insuffisante.

La situation de l'Europe et de la France est en effet plus préoccupante encore. Leurs industries intervenant dans les domaines d'application des biotechnologies, « anciennes » ou « modernes », ont probablement perdu plus de parts de marché qu'elles n'en ont gagnées ; leurs balances commerciales, pour les produits issus des biotechnologies, est vraisemblablement déficitaire (elles consomment plus de produits importés qu'elles n'en exportent) ; les flux migratoires des chercheurs en sciences de la vie sont aussi sans doute tout autant déséquilibrés (moins d'entrées, plus de sorties). On peut craindre également que les investissements européens dans les biotechnologies étrangères, notamment celles des Etats-Unis, soient élevés et que leur montant surpasse celui des investissements étrangers dans les biotechnologies européennes et françaises en particulier.

On manque cruellement de données chiffrées pour apprécier non seulement le poids des biotechnologies dans l'économie, mais aussi l'évolution des secteurs industriels utilisant les technologies du vivant, comme les mouvements de capitaux dans ces domaines.

Le cheminement vers une « économie de la connaissance » ne s'est pas accompagné d'un progrès dans les connaissances de « l'économie du vivant », la « bioéconomie », pour reprendre le concept créé par la Commission européenne.

Alors que 70 millions d'hectares d'OGM sont cultivés dans le monde, alors que les produits biotechnologiques représentent d'ores et déjà 10% du marché pharmaceutique mondial, qu'on estime qu'ils en représenteront le quart dans dix ans, alors que les procédés biotechnologiques sont devenus des outils de recherche pratiquement incontournables dans la bioindustrie, alors qu'elles offrent des solutions crédibles et constituent à bien des égards l'ultime recours pour répondre aux préoccupations environnementales, comme l'a souligné M. Patermann, lors de l'audition publique, alors que Craig Venter prospecte les fonds marins du globe à la recherche de microorganismes encore inconnus, alors que les Etats-Unis accordent plusieurs dizaines de milliards de dollars à la recherche publique dans les sciences de la vie, que l'Asie se montre de plus en plus entreprenante, alors que l'intérêt des biotechnologies pour la sécurité alimentaire a été reconnu par la FAO et les Nations Unies, en Europe, certains gouvernements et groupes industriels se montrent hésitants, préfèrent ne pas trop en parler ou espèrent qu'une barrière de papiers et un labyrinthe de couloirs procéduraux les protégeront du déclin.

Pour un pays comme la France, ce n'est pas parier sur les biotechnologies qui est risqué, c'est parier contre elles.

On peut toujours douter des résultats d'un  pari gagnant sur les biotechnologies, sans trop s'inquiéter ; dans le cas où il est perdu, il n'engage pas vraiment l'avenir d'un pays ; au pire risque-t-on de « dilapider » l'argent investi - après tout, les erreurs de ce type se sont déjà produites dans le passé -, mais en tout état de cause on gardera la satisfaction d'une amélioration des connaissances. On aura donc progressé. En revanche, perdre un pari fondé contre les biotechnologies produira des conséquences autrement plus graves, non seulement sur le plan industriel, mais aussi scientifique, politique et social.

A bien des égards la démarche prudente de l'Europe et de la France se justifiait. Les enjeux des biotechnologies ne sont pas uniquement économiques et scientifiques, ils sont aussi politiques, sociaux, éthiques. Mais un affaiblissement économique dans les secteurs d'application des biotechnologies et scientifique dans le domaine des sciences de la vie amoindrirait irrémédiablement la force des principes qu'elles entendent défendre et qui leur sont largement communs.

Les éléments d'information dont nous disposons aujourd'hui plaident pour l'élaboration d'une stratégie cohérente en faveur des sciences de la vie et des biotechnologies et montrent qu'il n'est pas encore trop tard pour réagir. Mais il faut faire vite et se donner les moyens de relever ce véritable défi.

Dans le cadre de cette étude, votre Rapporteur s'est intéressé particulièrement à la situation de l'industrie pharmaceutique qui risque de connaître une crise sans précédent dans les prochaines années si elle ne réagit pas aux évolutions inquiétantes que nous constatons.

Un nombre croissant de médicaments de synthèse, et même aujourd'hui de protéines recombinantes fabriquées par des procédés biotechnologiques, tombent dans le domaine public. Parallèlement, un autre constat a pu être vérifié : il y a moins de candidats médicaments dans le pipeline des « big pharmas » que de produits fabriqués par les génériqueurs à l'expiration du brevet. Une double concurrence s'exerce donc sur les entreprises pharmaceutiques : d'une part celle des sociétés spécialisées dans les biotechnologies, principalement américaines, qui les concurrencent sur des produits spécifiques, dont certains, comme l'insuline et l'hormone de croissance, sont devenus de véritables « blockbusters », et d'autre part celle, en bout de course, des génériqueurs.

Le contexte très concurrentiel actuel et le souci de ne pas déplaire aux investisseurs gestionnaires de fonds de pension ont conduit les sociétés à réduire leurs coûts et à rentabiliser au plus vite leurs investissements. L'augmentation des coûts de R&D, la baisse de la productivité du secteur avec l'arrivée des génériques, l'assèchement des pipelines de médicaments, la concurrence des sociétés de biotechnologies et la pression exercée par les organismes de sécurité sociale sur les prix ont favorisé l'éclatement des activités de production, de commercialisation et de R&D. Les « big pharmas » ont seulement conservé la propriété des brevets et se sont focalisées sur les activités de ventes. Si les grands groupes pharmaceutiques continuent à faire de la recherche principalement aux Etats-Unis, - SERENO à Genève est une exception - « ils font leur marché » dans les sociétés de biotechnologies en Europe, quand le candidat médicament est devenu suffisamment attractif et qu'il est prêt à entrer en phase clinique. En outre, les grands groupes ne produisent plus eux-mêmes directement les molécules qu'ils vendent, même quand les étapes de fabrication deviennent de plus en plus techniques. La purification de molécules à haute valeur ajoutée devient un goulet d'étranglement. Quand on observe que les concentrations successives n'ont laissé qu'un seul grand groupe en France, que des erreurs stratégiques ont conduit à la disparition de centres de recherche, que des pans entiers de la recherche pharmaceutique ont disparu, que des chercheurs quittent notre pays, on ne peut que conclure qu'il est temps de réagir.

Le seul moyen de reconquérir le terrain perdu est de soutenir la consolidation du réseau européen des biotechnologies, de l'adosser aux grands groupes qui ont subsisté et d'avoir une politique ambitieuse d'innovation. Si l'on veut rattraper notre retard, il est impératif d'agir vite.

139 A quel contexte spécifique ledit modèle a-t-il été appliqué ? A-t-il couvert l'ensemble des domaines d'application des biotechnologies ou s'est-il limité au domaine de la santé ? Un autre modèle ne s'est-il pas substitué au premier, compte tenu du stade de développement actuel des biotechnologies ? Ledit modèle peut-il directement être transposé dans tous les pays, en particulier certains pays européens, sachant que les règles communautaires d'harmonisation ne suffisent pas à créer un véritable modèle commun à tous les pays membres?

140 Pour le responsable d'une société de biotechnologie britannique, la recette du succès comprend trois ingrédients : « de la science, de l'argent et de la gestion ».

141 Selon le Troisième rapport sur les indicateurs en Science et en Technologies, entre 1984 et 1998, les Etats membres ont dépensé un total de 9 670 millions d'euros dans l'investissement biotechnologique, mais les efforts récents consentis par certains Etats membres ne permettent pas de combler le retard vis-à-vis des Etats-Unis.

142 D'autant plus qu'une autre dimension, souvent occultée dans les discours tout au moins portant sur les systèmes de santé, doit impérativement être prise en compte. Il s'agit de l'inégalité devant la santé elle-même, et notamment la persistance de maladies graves ou terriblement invalidantes pour lesquelles aucun traitement efficace n'a été encore mis au point.

143 Ainsi, le rapport précité du Conseil des impôts, après avoir tenté d'expliciter les règles communautaires en vigueur en matière de dépenses fiscales, observe que « même si les contrôles de la Commission restent partiels, une vigilance doit entourer l'adoption de dépenses fiscales en faveur des entreprises, sous peine de conduire à des situations juridiques incertaines ».

144 « L'interaction entre les déterminants nationaux, sectoriels et technologiques des systèmes d'innovation en Europe : le cas des biotechnologies » - Sander Kern et Christien Enzing - mai 2003 - Intervention lors de la Conférence internationale « Innovation in Europe : dynamics, institutions and values » Roskilde University, Denmark.

145 Le chiffre d'un million de dollars a été avancé aux Etats-Unis.

146 Selon John SPEAR, Senior Director of Public Policy d'AMGEN, la découverte d'un médicament est devenue une partie de poker dont les enjeux sont très élevés car il faut compter désormais 3 ou 4 milliards de dollars pour s'asseoir à la table. Selon certaines statistiques, les coûts de R&D d'un nouveau médicament, qui s'établissaient à 54 millions de dollars en 1976 aux Etats-Unis, ont atteint 125 millions en 1986, 359 en 1990 et 802 millions de dollars en 2001.

147 Selon le rapport « Biosciences 2015 », le nombre des nouvelles entités chimiques autorisées a doublé au cours des trente dernières années aux Etats-Unis, alors que les dépenses annuelles de R&D ont été multipliées par 12 au cours de la même période.

148 Au cours des auditions organisées aux Etats-Unis, a été souligné le caractère aléatoire de la phase post-marketing suivie aux Etats-Unis, la France présentant de ce point de vue un « avantage compétitif », grâce à son système centralisé de pharmacovigilance.

149 Ces chiffres ont été donnés par l'une des personnes entendues aux Etats-Unis.

150 Ainsi, Novartis a rationalisé sa production et a renforcé son centre de recherche à Boston qui rassemblera ainsi 900 personnes, sans fermer de centres en Europe.

151 Au cours de la mission effectuée aux Etats-Unis, un responsable pharmaceutique a observé que la FDA reconnaissait plus facilement la valeur des essais cliniques réalisés aux Etats-Unis que celle des essais européens.

152 Ce pays a notamment été cité à propos des essais dans le domaine cardio-vasculaire qui exigent le recrutement de 3 à 4 000 patients.

153 Il faut reconnaître que lors de la mission effectuée aux Etats-Unis, a été annoncée une loi (dans deux ans) sur les essais cliniques tendant à renforcer le principe du consentement formel, certains dysfonctionnements ayant été constatés dans le système actuel, qui est très décentralisé.

154 MINEFI-DREE/TRESOR « Le financement privé des entreprises de biotechnologies » - mars 2004 - (selon une étude effectuée en janvier 2004, le nombre d'accords de collaboration conclus aux Etats-Unis entre les firmes pharmaceutiques et les sociétés de biotechnologies a été le suivant : 69 en 19993, 117 en 1994, 165 en 1995, 180 en 1996, 228 en 1997, 224 en 1998, 229 en 1999, 373 en 2000, 425 en 2001, 411 en 2002 et 238 en 2003).

155 Les chiffres produits sont issus d'une étude sur « le financement privé des entreprises de biotechnologies » émanant du pôle Sciences de la vie de la mission économique des Etats-Unis - Mars 2004.

156 Selon BIO, organisme représentant les sociétés de biotechnologies, 350 sociétés sont cotées en bourse aux Etats-Unis.

157 12,6 milliards de dollars en 2000, 2,5 milliards en 2001, 979 millions de dollars en 2002 et 3,5 milliards en 2003.

158 4 milliards de dollars en 2000, 1,7 milliard en 2001, 900 millions en 2002 et 2 milliards en 2003.

159 Le groupe consultatif pour la compétitivité dans le domaine de la biotechnologie (CBAG), désigné par la Commission européenne, a insisté sur le fait que l'absence de capitaux et la fragmentation des marchés européens des valeurs mobilières freinait le développement du secteur et a recommandé une harmonisation rapide des réglementations boursières pour permettre les cotations multiples et les fusions de marchés, ainsi que l'établissement de fonds destinés à combler l'écart entre le financement par le capital risque traditionnel et la phase de l'IPO.

Dans le domaine de la santé, une autre faiblesse est liée au poids de l'industrie pharmaceutique. Les dépenses intérieures de R&D des entreprises pharmaceutiques (travaux effectués par ces entreprises sur le territoire national) cumulées du Royaume-Uni, de l'Allemagne et de la France avoisinent 10 milliards d'euros, dont 2,5 pour la France et à peu près le double pour le Royaume-Uni. De 1995 à 2001, elles ont augmenté de 20% en France, de 60% au Royaume-Uni et de 40% en Allemagne (environ 50% pour la Suisse), la croissance enregistrée en France (0,5 milliard d'euros) provenant essentiellement des groupes industriels « français ». Les dépenses de R&D des entreprises pharmaceutiques américaines en France ont atteint en 2002 379 millions d'euros, contre 1 325 millions d'euros au Royaume-Uni.

160 La plupart des chiffres cités par la suite sont issus de cette étude.

161 Estimation donnée aux Etats-Unis ; selon l'étude de France6Biotech, le chiffre d'affaires européen du secteur serait plus de 6 fois plus faible que celui des Etats-Unis.

162 Alcimed a dénombré 40 sociétés de biotechnologies cotées au Royaume-Uni, 10 en Allemagne et 6 en France.

163 Les tableaux présentés ne faisaient pas apparaître les entreprises ayant moins de 2 millions d'euros de CA, moins de 47 salariés, moins de 3 millions d'euros de R&D et moins de 27 millions d'euros de capitaux levés. N'ont été retenues ici que les sociétés mentionnées au moins deux fois.

164 Selon l'étude précitée, les domaines d'activités sont les suivants : activités de recherche : 48,1%, services : 22,1%, partenariats industriels : 15,6% et produits pour le marché : 14,2%. Selon une autre classification, la répartition est la suivante (comptabilisation reposant sur l'exercice d'au moins une activité répertoriée) : santé humaine : 47%, cosmétiques : 10%, santé animale : 7%, alimentation humaine : 5%, alimentation animale : 4% et matériel de recherche : 9%.

165 En outre, le dispositif Biotech Garantie, filiale de la SOFARIS, mis en place à l'occasion du vote de la loi de finances pour 2002, est dédié aux investisseurs en capital possédant une expertise ou une spécialisation dans le secteur des biotechnologies ; selon France-Biotech, il aurait accordé 163 millions d'euros aux organismes de capital-risque ayant une équipe dédiée aux sciences du vivant.

166 Ainsi, par exemple, pourrait constituer une opportunité l'engagement d'une négociation avec l'industrie pharmaceutique « en vue d'intégrer dans sa convention avec l'Etat, sur les achats de médicaments par la sécurité sociale, des dispositions, voire des engagements, relatifs à l'accroissement de son activité de R&D sur le territoire national (augmentation du niveau global des dépenses de R&D des entreprises, de la part de ces dépenses sous-traitée ou affectée à des projets partenariaux avec le secteur public...) », proposition émise par Antoine Masson (PharmaFrance 2004 - S'inspirer des politiques publiques étrangères d'attractivité pour l'industrie pharmaceutique innovante - Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie - Conseil Général des Mines).

167 SESSI - LES 4 pages - septembre 2002.

168 En particulier, avantages fiscaux attachés aux fonds communs de placement à risque (FCPR), aux sociétés de capital risque (SCR) et aux fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI).

169 Les sciences de la vie, dans les domaines agricole, environnemental et de santé représentent 28,2% des aides de l'ANVAR (hors matériel biomédical).

170 Ces contrats exonèrent de l'impôt le produit financier des contrats d'assurance-vie de plus de huit ans investis à 50% au moins en actions, dont 5% dans des actifs risqués ; selon le « Tableau de bord de l'innovation » (mai 2003), pour les contrats d'assurance-vie principalement investis en actions, les encours des fonds ont atteint 10,5 milliards d'euros en 2002. Le projet de loi de finances pour 2005 crée un nouveau contrat d'assurance-vie, plus faiblement investi en actions (30%) mais plus orienté vers les sociétés non cotées (10%).

171 La nouvelle « société unipersonnelle d'investissement à risque » (SUIR) permet aux investisseurs providentiels de placer leur participation dans une structure exonérée d'impôts pendant 10 ans sur les dividendes distribués et sur les plus-values réalisées. Son coût a été estimé à 100 millions d'euros.

172 Exonération totale de charges sociales pendant plusieurs années sur les personnels qui participent aux projets de R&D et exonération de taxes fiscales, dans la limite des plafonds européens (100 000 euros sur 3 ans pour chaque entreprise). Son coût était estimé à 25 millions d'euros.

173 Lors des auditions, les problèmes d'accès des PME aux programmes européens ont été évoqués, en particulier en ce qui concerne le sixième PCRD. Le niveau de 15% n'a pas été atteint, en raison notamment de la lourdeur des formalités. Dans le domaine des sciences de la vie, le taux de PME ne représenterait ainsi que 8%, 40 ou 50 millions d'euros restant ainsi inutilisés et, dans le domaine de « l'agro-food » le taux constaté serait de 4%. « Les petites sociétés qui recherchent 15 à 20 millions d'euros ne s'engagent pas dans une procédure fastidieuse au terme de laquelle elles ont une chance sur quinze d'être retenues et qui leur permettra, si elles sont retenues, de recevoir 200 000 euros ».

174 Le projet de loi de finances pour 2005 porte de 500 à 2 000 salariés la condition d'effectif initialement exigée. Leurs souscripteurs, personnes physiques, bénéficient d'une réduction d'impôt égale à 25% de leur souscription dans la limite annuelle de 12 000 ou 24 000 euros en fonction de leur situation de famille, et, sous conditions, d'une exonération des gains réalisés.

175 Les 2/3 des sociétés de biotechnologies ont moins de 5 ans et 10% plus de 10 ans.

176 Ainsi, par exemple, aux Etats-Unis a été non seulement soulignée la nécessité d'attirer les placements vers les biotechnologies plutôt que vers Mac Donalds, mais aussi constatée la désaffection progressive à l'égard des projets les plus risqués.

177 Le programme SBIR est financé par la réservation de 2,5% du montant des dépenses externalisées de R&D des agences fédérales, un autre programme, le programme STTR (Small Business Technolgy Transfer Program) portant, quant à lui sur 0,5% de ces mêmes dépenses. Dans le cadre du programme STTR, la subvention d'élève à 100 000 dollars maximum pour un an et 500 000 dollars pour au plus deux ans.

178 National Translational Cancer Research Network, National Cancer Research Network, Medical Research Council, Health Technology Assessment.

179 Le concours BioRegio, reposant sur une mobilisation des régions, a représenté sur les années 1995-2000 un budget de 100 millions d'euros et a permis d'initier une dynamique en se fondant sur le principe d'une parité des fonds publics et des fonds privés mis en œuvre. Trois « biorégions » ont été sélectionnées (la Rhénanie, le triangle Rhin-Neckar et Munich), auxquelles s'est ajouté Iéna pour 15 millions d'euros.

BioChance (1999-2004) a pour cible la création de jeunes entreprises de R&D, avec 50 millions d'euros.

180 « Le Financement public des entreprises de biotechnologies » - Pôle Sciences de la vie Etats-Unis - avril 2004.

181 Dont 1 994 millions d'euros pour le BCRD 2002, 1 053 millions d'euros à la charge de l'Etat et de l'assurance maladie et à travers les universités, les CHU et les centres de lutte contre le cancer (2000), 17 millions d'euros à la charge de l'assurance maladie, dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique (2000) et 29 millions d'euros pour les « autres ressources publiques de l'INSERM » (assurance maladie, Etat, collectivités locales) en 2002. PHARMAFRANCE 2004 précité.

En 2001, un montant de 2 674 millions d'euros était mobilisé, dont 1 330 par les organismes de recherche, 1 022 par les universités, 300 par les associations et 22 au titre des crédits incitatifs d'Etat - Note Recherche 04.04 - « Les dépenses de R&D en santé en France en 2001 ».

182 Au niveau communautaire, la Commission avait en 2001 constitué un groupe d'experts scientifiques en matière de lutte contre le terrorisme biologique et chimique afin de dresser un inventaire des activités de recherche en cours et d'identifier les lacunes existantes et les besoins de recherche supplémentaires à court et à long terme, en tenant compte des opportunités offertes par le PCRD notamment. Cette initiative avait été soutenue par le Conseil de Ministres de la Recherche. Les thématiques de recherche concernaient notamment le développement d'outils permettant un dépistage et diagnostic précoces, le développement de nouveaux vaccins pour des maladies émergentes, ou encore des études prospectives sur les menaces potentielles dans le domaine agro-alimentaire.

183 Infrastructures, contrôle et protection de l'environnement, protection et amélioration de la santé, structures et relations sociales.

184 Espace, énergie, production et technologies industrielles, sciences de la terre

185 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Conseil économique et social et au Comité des régions - « Sciences du vivant et biotechnologie : une stratégie pour l'Europe » - 23/01/2001 - COM(2002) 27 final.

186 A la suite du premier appel à propositions, plus de 810 millions d'euros ont été affectés aux actions des deux priorités thématiques « Sciences du vivant, génomique et biotechnologie pour la santé » et « Qualité et sûreté de l'alimentation », mobilisant plus de 2 700 laboratoires, dont près de 400 PME.

187 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen « Sciences du vivant et biotechnologies : une stratégie pour l'Europe » - Rapport d'avancement et orientations pour l'avenir » - 05/03/2003 - COM(2003) 96 Final.

Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen « Sciences du vivant et biotechnologie : une stratégie pour l'Europe - Deuxième rapport d'avancement et orientations pour l'avenir » - 07/04/2004 - COM(2004) 250 Final.

188 Le rôle des fondations dans les pays anglo-saxons repose sur une série de dispositions, notamment fiscales, très particulières par rapport au système français. Le « modèle américain » est donc très difficilement transposable. Le secteur à but non lucratif finance aux Etats-Unis environ 3% de l'effort national de R&D, alors même que la recherche scientifique ne perçoit qu'une petite partie des fonds alloués par les fondations, loin derrière l'éducation ou la culture. Il est cependant intéressant de noter que la R&D réalisée par le secteur à but non lucratif se concentre essentiellement sur les sciences de la vie (72%), ce qui ne semble pas être la tendance observée en France au vu des quelques fondations nouvellement créées. La place du secteur non lucratif dans les sciences de la vie en France est néanmoins actuellement importante. L'association française des myopathies a ainsi dépensé plus que l'Etat dans le programme du génome humain. Mais cette place ne doit pas constituer un argument en faveur d'un « Etat modeste » dans le domaine des sciences de la vie.

Dans son rapport public de 2000 consacré au rôle du ministère de la Recherche et des organismes de recherche dans le domaine biomédical, la Cour des Comptes indiquait qu'en 1999, les fonds consacrés aux recherches biomédicales s'élevaient à 10 milliards de francs, dont 1,3 milliards provenant de l'Union européenne et des associations caritatives.

189 Ces règles sont applicables jusqu'au 31 décembre 2005. La Commission européenne a proposé en 2003 un règlement relatif aux aides d'Etat à la recherche et au développement en faveur des PME dérogeant au principe de notification et d'autorisation et modifiant l'intensité des aides selon qu'il s'agit de recherche fondamentale (« recherche de base, non axée sur le marché »), recherche industrielle (« axée sur le marché ») ou de développement préconcurrentiel (« recherche axée sur le marché, mais essentiellement au stade précommercial »)

190 James WATSON « ADN Le secret de la vie » - Odile Jacob 2003.

191 James WATSON décrit cet échec. Alors qu'Harvard avait décidé de créer sa propre société de biotechnologie, en 1980, elle renonça à sa participation de 20% dans la société. « Seize ans plus tard le prix de cette rétractation devait se révéler pleinement lorsque la société en question fut vendue au géant de l'industrie pharmaceutique Wyeth pour 1,25 milliard de dollars. Et pourtant, aujourd'hui encore, le département de biologie moléculaire de Harvard manque de fonds pour financer la recherche en plus de payer les salaires ».

192 Glaxo a ainsi investit 28 millions de £ dans la recherche de l'Imperial College (construction de nouveaux laboratoires et équipements).

193 « Innovation et recherche biomédicale en Californie » - Ambassade de France aux Etats-Unis -Mission pour la Science et la Technologie - Consulat Général de France à San-Francisco - Pierre Tambourin, Jacques Haiech, Marc Bonneville, Ludger Johannes et Stéphane Roy (août 2002). La mission estimait ainsi qu'une « focalisation similaire des créations de biotech sur quelques sites d'excellence pourrait être envisagée en France » et que « seule une intégration plus grande au sein de l'Europe permettra à la France (et d'autres régions d'Europe) de créer un environnement favorable à la surconcentration de talents pour la création de clusters similaires à San Diego ou San Francisco ».

194 Les données concernant Boston émanent du Consulat de France.

195 La communauté des actionnaires est la suivante : banques : 22%, Land de Bavière : 17%, consortium pharmaceutique : 26%, capital risque : 12%, investisseurs privés : 9% et institutionnels : 14%.

196 Ce concours a été créé en 2001. Les lauréats bénéficient d'un prix de 5 millions de yens, soit la moitié des fonds nécessaires pour la constitution d'une SA au Japon. Depuis sa création et jusqu'en novembre 2003, 50 projets ont été présentés et 17 entreprises retenues. La réussite de ce concours (10% des entreprises créées au Japon au cours des trois dernières années sont des lauréats du concours) est lié à l'implication de 40 entreprises japonaises (firmes pharmaceutiques, banques, sociétés de capital risque) qui apportent chacune 500 000 yens.

197 La génopole de Midi-Pyrénées n'a pas transmis de données sur ce point. En revanche l'étude a inclus la « génopole Pasteur », dont le financement a reposé à 38% sur le FNS et à 62% sur des fonds « autres ».

198 Aux Etats-Unis, 6 à 7 « hot bed » (concentrations géographiques) sont reconnus dans le domaine des biotechnologies alors que l'Europe compte plus de 40 sites.

199 L'étude a été réalisée à partir d'articles de recherche publiés entre 1993 et 2000 ; elle s'arrête donc au moment du démarrage du programme Génomique en France.

200 Moyenne mondiale : 1 par construction.

201 Cette étude a été réalisée par des chercheurs de l'UMR GAEL INRA-UPMF (Institut National de la Recherche Agronomique et Université Pierre Mendès France - Grenoble) - MM. Vincent MANGEMATIN, Lionel NESTA, Roger CORONINI et Mme Myriam CARRERE - ainsi que de l'Université Jean Monnet, Centre de recherches économiques, de Saint-Etienne (Mmes Nadine MASSARD, Corine AUTANT-BERNARD et M. Stéphane RIOU).

202 Indicateurs utilisés : part de la R&D consacrée aux biotechnologies, publications scientifiques et brevets, nombre de thèses soutenues.

203 Rhône-Alpes, PACA, Alsace et Midi-Pyrénées, placées derrière l'Ile-de-France, sont des régions actives dans la « production scientifique en biotechnologies ».

204 La Cour faisait allusion aux « centres de ressources technologiques », qui ont été créés à côté des CRITT (centres régionaux pour l'innovation et le transfert technologique) et des CTI (centres techniques industriels).

205 Le responsable d'un fonds d'amorçage anglais a considéré que les universités britanniques dépensaient trop de temps à protéger leur propriété intellectuelle, à gérer les conflits liés à celle-ci, à rédiger des contrats, au lieu de transmettre les résultats de leurs recherches à ceux qui sont susceptibles de les commercialiser.

206 Le Massachusetts Institute of Technology est une université privée. Le corps enseignant s'élève à 950 personnes environ. Le nombre d'étudiants se répartit comme suit : 4 000 d'étudiants undergraduate, dont 8% d'étrangers et 6 000 étudiants graduate, dont 38% d'étrangers. Le budget de recherche du MIT s'élève à près d'un milliard de dollars par an. Sur 400 à 500 inventions par an, une centaine fait l'objet d'un dépôt de brevet géré par le TLO, 20% sont exploitées par des start up et le reste revient aux grandes et moyennes entreprises qui assurent le financement d'environ 20% du budget de recherche du MIT.

207 L'Imperial College a le statut d'une œuvre caritative.

208 L'Imperial College compte 10 000 étudiants et 3 000 universitaires.

209 http://www.france.diplomatie.fr

210 Composition du partenariat de BIOGEMMA : LIMAGRAIN : 55%, EURALIS : 20%, RAGT SEMENCES : 6%, UNIGRAINS : 9,5%, PROLEA : 9,5% (en janvier 2004). Les dépenses de recherche de BIOGEMMA s'élevaient à 20 millions d'euros, dont environ 8,5 millions pour Génoplante, 4 millions pour la post-génomique et 6,5millions pour la mise au point d'un évènement de transformation commercial.

211 Le programme allemand GABI est doté de 40 millions d'euros de subventions. Il repose sur un principe de coopération entre les secteurs public et privé et sur celui d'une coopération internationale. Au cours de la mission effectuée en Allemagne, la nécessité de renforcer la coopération européenne a été soulignée par les gestionnaires du programme.

212 Le budget sur 5 ans s'est élevé à 200 millions d'euros, dont 42% correspondant à l'apport en propre (laboratoires, salaires des scientifiques) des organismes publics de recherche (CIRAD, CNRS, INRA, IRD), les partenaires privés (BAYER CROPSCIENCE, BIOGEMMA et BIOPLANTE, détenu à 50% par SERASEM et 50% par DESPREZ) finançant environ 39% du programme, à travers leurs propres équipes de recherche (apport en propre) et sous forme d'un soutien financier aux programmes menés dans les laboratoires publics (6% du total). Une aide globale, correspondant aux 19% restants, soit 40 millions d'euros, provenait de l'Etat (fonds national de la science et fonds de la recherche et de la technologie et ministère de l'agriculture).

213 En 1980, the Stevenson-Wydler Technology Innovation Act a inscrit dans les missions des laboratoires fédéraux le transfert technologique et fait obligation à chaque agence d'instituer un bureau de transfert dédié à cette fin et d'y consacrer une part de son budget. En outre, en vertu du Small Business Innovation Development Act, chaque agence fédérale disposant d'un budget de recherche supérieur à 100 M$ doit consacrer 2,5% de ce budget au financement des projets de recherche réalisés par des PME.

214 Au MIT, la répartition des ressources provenant de l'exploitation des brevets est la suivante : 15% pour les frais généraux du bureau de transfert et, pour le reste (85%), le tiers est attribué à l'inventeur ou aux inventeurs, et les deux tiers à l'université et au département de recherche.

215 Une communication de la Commission sur le rôle des universités dans l'économie de la connaissance (COM/2003/0058 final) a souligné qu'en Europe « un obstacle important à une meilleure exploitation des résultats de la recherche universitaire est la manière dont sont traitées les questions de propriété intellectuelle ». Elle note que les pays européens sont de plus en plus nombreux à s'inspirer du Bayh Dole Act en confiant aux organismes les droits de propriété mais observe que l'insuffisante harmonisation de ces réglementations entrave les collaborations transnationales.

216 Au cours des 6 dernières années, 60 sociétés ont été créées dont la moitié dans le domaine des sciences de la vie.

217 « La France dans l'économie du savoir : pour une dynamique collective » - Groupe présidé par Pascal VIGNIER - 2002.

218 En vertu de l'article R611-17, inséré par le décret n° 95-385 du 10 avril 1995, les fonctionnaires et agents publics sont soumis aux dispositions de l'article L611-7 applicables aux inventeurs salariés dans les conditions fixées par les articles suivants, « à moins que des stipulations contractuelles plus favorables ne régissent les droits de propriété industrielle des inventions qu'ils réalisent ».

219 Cette possibilité a été ouverte par le décret n° 96-857 du 2 octobre 1996.

220 Le texte précise cependant que dans ce cas, la personne publique employeur a le droit, dans certaines conditions et certains délais, de se faire attribuer tout ou partie des droits lorsque l'invention est faite par un fonctionnaire ou un agent « soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'organisme concerné, soit par la connaissance ou l'utilisation de techniques, de moyens spécifiques à cet organisme ou de données procurées par lui ».

En vertu de l'article R611-13, lorsqu'un même agent exerce son activité pour le compte de plusieurs personnes publiques, celles-ci agissent de concert selon des modalités déterminées par arrêté ou par accord porté à la connaissance des agents intéressés.

221 Ce décret a par ailleurs modifié les conditions de calcul du complément en cas de pluralité d'inventeurs.

222 Ainsi, par exemple, au sein des réseaux de recherche et d'innovation technologiques, la gestion des droits de propriété intellectuelle reste essentiellement du ressort des acteurs engagés dans les projets de R-D ; Cependant, dans le réseau Génoplante, la gestion de ces droits a été confiée à une entreprise privée, Génoplante Valor, créée pour commercialiser les résultats des activités de recherche.

223 « Mesures de soutien à l'innovation et à la recherche technologique - Bilan au 31 décembre 2002 », « Les Réseaux de recherche et d'innovation technologiques - Bilan au 31 décembre 2002 », Ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies - Direction de la technologie - avril 2003.

« Les partenariats public-privé pour la recherche et l'innovation - Une évaluation de l'expérience française » - OCDE- 2004.

« Evaluation à mi-parcours des incubateurs d'entreprises innovantes liés à la recherche publique » - Rapport de synthèse final 10 septembre 2003 - Ernst § Young.

224 Trois modalités ont été définies : la participation d'un fonctionnaire civil à titre d'associé ou de dirigeant à la création d'une entreprise (art. 25.1), la participation à l'activité de l'entreprise en apportant son concours scientifique et/ou en participant au capital social dans la limite de 15% (art. 25.2) et enfin la participation à un conseil d'administration ou à un conseil de surveillance d'une société anonyme (art. 25.3).

225 Il convient aussi de mentionner Biotop, l'incubateur de l'Institut Pasteur de Paris.

226 Les partenaires du fons sont CDC PME, AXA Private Equity, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes-Lyon, le CNRS, l'INRA, l'INSERM, l'Institut Pasteur, Natexis, ainsi qu'APICIL, Aventis, Banque de Vizille, Creago/Agroplus, le Crédit Lyonnais AM, le Fonds européen d'investissement, Médéric, Sofinov, Ventech.

227 26% des 244 dossiers en 1999, 20% des 296 dossiers en 2000, 24% des 238 dossiers en 2001, 25,4% des 224 dossiers en 2002 et 22,3% des 193 dossiers en 2003.

228 La mise en place d'un CNRT se fonde sur deux critères, l'un territorial (compétences existant à l'échelle régionale) et l'autre thématique (selon les « technologies clés » et la masse critique de chercheurs).

229 Comme le notait Jacques HAIECH, Directeur du réseau national des génopoles, « pendant de nombreuses années, l'Etat et les organismes nationaux de recherche ont été absents du développement de ce champ disciplinaire (celui de la génomique) » - BIOFUTUR 232 - Avril 2003.

230 GENETHON I avait pour objectif de produire la cartographie du génome humain ; il fut remplacé en 1993 par GENETHON II chargé de détecter les gènes responsables des maladies génétiques et, depuis 1997, GENETHON III travaille au développement de thérapies destinées à remplacer le gène déficient.

231 Ce GIP a été créé pour une durée de 12 ans par trois ministères (recherche, santé, industrie) et quatre établissements de recherche (CEA, CNRS, INRA et INSERM). A ces structures, se sont ajoutés divers Groupements d'intérêt scientifique, comme l'Institut de la génomique marine, et les cancéropoles.