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le 5 août 2002

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N° 182

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er août 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 25) de M. Jean-Pierre BRARD, tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux conséquences sur le service rendu aux usagers et sur l'emploi dans l'entreprise, de la stratégie, de la gestion et de l'endettement de France Télécom, ainsi qu'aux initiatives de l'État actionnaire,

PAR M. Nicolas PERRUCHOT,

Député.

____

Télécommunications.

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Finances est saisie d'une proposition de résolution (n°25) de M. Jean-Pierre Brard visant à créer une commission d'enquête sur l'entreprise publique France Télécom. L'objectif principal de la commission d'enquête dont l'auteur souhaite la constitution est d'analyser les conséquences sur le service rendu aux usagers et sur l'emploi dans l'entreprise, de la stratégie, de la gestion et de l'endettement de France Télécom, ainsi que les initiatives de l'Etat actionnaire.

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* *

Il résulte des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise à deux conditions :

- les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires ;

- la proposition doit indiquer avec précision, soit les faits « déterminés » qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion.

Sur la première de ces deux conditions de recevabilité, le Garde des Sceaux n'a pas signalé l'existence de poursuites judiciaires concernant France Télécom.

Par ailleurs, la seconde condition de recevabilité est elle aussi remplie puisque la société concernée -France Télécom- est une entreprise publique.

La proposition de résolution est donc juridiquement recevable.

*

* *

Recevable juridiquement, la proposition de résolution doit être, par ailleurs, examinée sous l'angle de l'opportunité.

L'avenir de France Télécom représente un enjeu important pour l'Etat qui est à la fois actionnaire majoritaire (avec 55,5  % du capital), tuteur et garant du service rendu aux usagers. Cependant, cette question concerne aussi 1,6 millions d'actionnaires particuliers, et les salariés de l'entreprise, qui, pour 92  % d'entre eux, sont actionnaires de leur entreprise.

L'Assemblée nationale dispose à travers les commissions permanentes, de tous les moyens pour surveiller l'évolution financière de France Télécom. En effet, en vertu, de l'article 164 de l'ordonnance n°58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, et de l'article 57 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001, les rapporteurs spéciaux disposent de pouvoirs étendus pour assurer leur contrôle sur les comptes des entreprises publiques.

Ils peuvent en particulier faire usage de leur pouvoir de contrôle sur pièce et sur place. De plus, ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, de quelque nature que ce soit, relatif au fonctionnement de l'entreprise concernée.

Les résultats financiers de France Télécom sont communiqués au rapporteur spécial chargé du budget « Poste et télécommunications » et à celui chargé du budget « Trésor et entreprises publiques ». La portée de l'endettement de l'opérateur, la politique d'emploi de l'entreprise et les contraintes financières liées au service rendu aux usagers sont donc parfaitement connues à intervalle régulier.

Le bilan financier pour l'année 2001 a été rendu public en mars 2002. Il en ressort que France Télécom présente de bons résultats financiers occultés par un endettement très important. Le chiffre d'affaires consolidé atteint 43 milliards d'euros en progression de 27,8 % par rapport à celui de l'exercice 2000, grâce aux performances des activités fixes et des mobiles.

La forte croissance du chiffre d'affaires reflète le développement rapide des activités internationales (+ 77,3 % en un an), dont la valeur a été multipliée par plus de quatre en deux ans, et qui représentent désormais 36 % du chiffre d'affaires total. En comparant le groupe France Télécom au même périmètre en 2000 (données pro forma), la croissance du chiffre d'affaire est de 8,5 %.

L'excédent brut d'exploitation s'élève à 12,3 milliards d'euros et progresse fortement de 14 %. En données pro forma, le taux de progression s'établit à 13 %, soit un rythme de croissance bien supérieur à la progression pro forma du chiffre d'affaires (+ 8,5 %).

Les provisions exceptionnelles représentent un montant net de 10,2 milliards d'euros et portent sur Mobilcom pour 3,19 milliards d'euros, NTL pour 4,58 milliards d'euros, CVG Equant pour 2,08 milliards d'euros et Télécom Argentina pour 0,36 milliard d'euros.

PRINCIPAUX RÉSULTATS FINANCIERS DE FRANCE TÉLÉCOM EN 2001

(en millions d'euros)

2001

Chiffre d'affaires

43 026

EBITDA

12 320

Résultat opérationnel

5 200

Provisions exceptionnelles

- 10 210

Résultat net part du groupe

- 8 280

Résultat par action avant amortissement des écarts d'acquisition et intérêts minoritaires

-2,91 euros

Résultat net par action part du groupe

- 7,51 euros

Dividende net proposé

1 euro par action

(Source : rapport financier pour 2001 de France Télécom)

Les premières estimations portant sur les résultats du premier semestre 2002 font état d'une progression du chiffre d'affaire consolidé de 10 % (soit 22,5 milliards d'euros au 30 juin 2002). La croissance du chiffre d'affaires est liée à la poursuite du développement rapide des activités internationales, dont le chiffre d'affaires est en progression de 31 %, avec, notamment l'intégration depuis le 1er avril 2002 de l'opérateur polonais TPSA.

L'aspect le plus préoccupant de la situation financière du groupe est son endettement qui atteint désormais 60,7 milliards d'euros au 31 décembre 2001, et qui pourrait atteindre plus de 70 milliards d'euros à la fin de l'année. Par ailleurs, le déficit en 2001 était de 8,3 milliards d'euros.

De plus, dans un contexte global d'instabilité des marchés financiers dans le domaine des télécommunications, les doutes sur l'avenir financier de France Télécom ont entraîné une dépréciation de 77 % du titre France Télécom depuis le début de l'année. Mais on voit mal en quoi la création d'une commission d'enquête pourrait porter sur la fluctuation de cours de bourse, dont chacun sait qu'ils sont le reflet de tendances internationales.

ENDETTEMENT DE FRANCE TÉLÉCOM

(en milliards d'euros)

Au 31/12/2000

Au 30/06/2001

Au 31/12/2001

Au 31/06//2002 (estimations)

Endettement

56,1

64,9

60,7

65

(Source : rapport financier pour 2001 de France Télécom)

La commission d'enquête serait-elle plus utile pour s'intéresser à la stratégie de l'entreprise ? Ici encore, la réponse est négative.

Cette situation financière résulte d'une stratégie d'expansion internationale qui a représenté un montant total de dépense d'environ 70 milliards d'euros. Les principales opérations menées ont été :

- l'acquisition de la totalité du Groupe Orange plc pour un montant de 43,1 milliards d'euros ;

- le rachat des titres Atlas/Global One détenus par Deutsche Telecom et Sprint pour 4,1 milliards d'euro, permettant à France Télécom de prendre le contrôle de Global One ;

- l'acquisition de 25 % de l'opérateur de telecoms polonais TPSA pour 3,41 milliards d'euros ;

- l'acquisition complémentaire de titres NTL pour 5,4 milliards d'euros ;

- la montée dans le capital de Mobilcom à hauteur de 28,5 % pour 3,75 milliards d'euros ;

- le rachat de 18,87 % du capital de Wind à Deutsch Telekom pour 2,08 milliards d'euros ;

- la montée dans le capital de l'opérateur de téléphonie mobile suisse Orange Communications SA à hauteur de 42,5 % pour 1,28 milliards d'euros portant la participation totale à 85 % ;

L'Assemblée disposant de toutes les informations nécessaires sur la situation financière de France Télécom, les choix stratégiques en cause, s'ils peuvent prêter à discussion, ne relèvent pas en première analyse de la responsabilité du Parlement, sauf à supposer des illégalités. La création d'une commission d'enquête n'est donc pas nécessaire.

Le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'industrie, M. Francis Mer, a rappelé lors de son audition par la Commission de la Production et des Echanges, le 17 juillet 2002, la confiance de l'Etat actionnaire dans la stratégie poursuivie par l'entreprise. Il a, en outre, souligné que France Télécom reste une entreprise très rentable, dont le résultat opérationnel est en progression constante, même si certains opérateurs financiers spéculent à la baisse. Il ne semble donc pas opportun d'émettre des doutes sur l'avenir de l'entreprise dans un contexte boursier marqué par une grande instabilité, voire d'envoyer aux marchés des signes alarmistes.

En outre, il convient de relativiser la gravité de la situation financière de France Télécom.

En premier lieu, ces difficultés sont partagées par l'ensemble des grandes entreprises de télécommunications en Europe. Les données disponibles sur l'endettement des opérateurs de télécommunications en Europe et surtout le ratio dette/fonds propres, font apparaître que France Télécom ne se situe pas en décalage flagrant avec ses concurrents. Par exemple, l'entreprise allemande Deutsch Telecom a connu, pour la première fois en 2001, une perte de 3,5 milliards d'euros et un endettement de 67,3 milliards d'euros. D'autres grands groupes de télécommunications tels que Nortel, Vodafone et Alcatel connaissent aussi des difficultés.

Cette situation est soulignée par L'Autorité de Régulation des télécommunications (ART) dans son rapport public d'activité de 2001 : «  Le secteur des télécommunications s'est trouvé au centre de l'éclatement de la bulle spéculative de la mi-2000 et essuie en 2001 les contrecoups financiers de cette tourmente. Les montants atteints par le prix des licences UMTS dans certains pays européens ont également pesé sur la situation financière des opérateurs ».

Différents éléments expliquent cette conjoncture délicate : des stratégies d'expansion communes à l'ensemble des grands groupes européens de télécommunications qui ont alourdi l'endettement, une baisse de leurs actifs suite à une survalorisation boursière, des pertes de parts de marché liées à l'ouverture à la concurrence, un coût élevé des licences UMTS. Or de nombreuses causes ont une nature conjoncturelle : cela peut laisser augurer une amélioration prochaine de la situation, si le marché se redresse.

En second lieu, il convient de relativiser la chute des cours du titre France Télécom qui fait suite à une surévaluation de celui-ci. La capitalisation boursière ne fait que traduire la valeur de la dernière transaction marginale opérée sur le marché boursier, multiplié par le nombre d'actions. Elle ne reflète en rien la valeur réelle de l'entreprise.

Malgré le ralentissement de l'économie, les services de télécommunication poursuivent leur croissance, en particulier dans le domaine de la téléphonie mobile et de l'Internet. A l'horizon 2005, le marché mondial des télécommunications devrait continuer à croître à un rythme proche de 8 % par an en valeur.

De plus, l'entreprise France Télécom présente de nombreux atouts permettant une amélioration prochaine de sa situation financière. L'activité du fixe a connu une érosion relative, malgré l'ouverture à la concurrence des appels locaux depuis le 1er janvier 2002. L'entreprise a su diversifier ses services et proposer de nouveaux tarifs. Les premières estimations faites concernant le premier trimestre 2002 montrent que l'érosion des parts de marché en téléphonie locale tend à se stabiliser. Ainsi, en juin 2002, la part de marché de France Télécom sur le trafic local s'établit à 82,7 %, contre 86 % en mars. Cette baisse ne constitue qu'un repli limité de 3,3 points d'avril à juin, contre une diminution de 10,8 points au cours des trois premiers mois de l'année.

De même, la part de marché du trafic longue distance (national et international) a cessé de diminuer à la mi-2001 et se situe depuis à un niveau de 63,8 %.

En outre, l'activité du téléphone mobile est en pleine expansion et le rachat de la société Orange permet à France Télécom d'être le numéro deux en Europe et le leader en France. La société compte ainsi 39,3 millions de clients, soit une progression de 28,8 % en un an. Enfin, en ce qui concerne l'activité Internet, Wanadoo, leader en France et au Royaume-Uni, totalise plus de 6 millions de clients actifs en Europe. Au total, avec l'intégration du groupe polonais TPSA depuis le 1er avril 2002 le nombre de clients servis par le groupe France Télécom a franchi la barre des 100 millions pour atteindre 107,3 millions à la fin juin 2002.

D'ailleurs, le chiffre d'affaires au premier semestre 2002 est estimé à 22,4 milliards d'euros, soit une progression de 10 % au cours du semestre. Ces différents résultats témoignent qu'en dépit des turbulences des marchés financiers, France Télécom bénéficie d'une croissance robuste et a les moyens de résorber son endettement à moyen terme.

PROFIL DU GROUPE AU 30 JUIN 2002

Nombre de clients (en millions)

Nombre de pays

Télécommunication mobile

47,7

21

Téléphonie fixe

49,1

10

Accès Internet

8,3

12

Réseaux câblés

2,2

2

L'entreprise a lancé en mars 2002 un plan de désendettement sur la période 2002-2005. Celui-ci prévoit la résorption de la dette grâce la progression soutenue de l'excédent d'exploitation et du cash flow opérationnel disponible et grâce à la cession d'actifs non stratégiques. La génération de cash flow opérationnel disponible prend rapidement le relais des cessions d'actifs : les ressources attendues à ce titre devraient représenter 14 milliards d'euros sur la période 2002-2005.

France Télécom poursuit également le programme de cession de ses actifs non stratégiques : STMicroelectronics, Sprint PCS, actions détenues en auto-contrôle par France Télécom, TPS, réseaux câblés, deuxième tranche de cession d'immobilier, cession de créances. Le montant de ces cessions d'actifs, cotés et non cotés, valorisés sur la base de mars 2002, devrait s'élever au total à 9 milliards d'euros.

Par ailleurs, de nouvelles cessions d'actifs non côtés ont été décidées : Wind, TDF, consortium satellitaires. La vente de ces actifs, dont la contribution au groupe est modeste, devrait s'élever à 8 milliards d'euros environ.

Les différents éléments du plan de désendettement devraient permettre à France Télécom de revenir à une situation financière plus équilibrée d'ici 2005. Ainsi, dans une hypothèse pessimiste, le ratio dette/excédent devrait se situer entre 3,3 et 3,5 fin 2003 et 2,2 et 2,6 fin 2005 contre 4,9 à la fin de l'exercice 2001. En revanche, dans une hypothèse optimiste, le ratio sera compris entre 1,5 et 1,7 à l'horizon 2005.

Enfin, certains signes positifs permettent d'augurer une amélioration de la situation.

Tout d'abord, le conflit avec Mobilcom est en train d'être résolu. Un accord conclu entre Mobilcom et France Télécom prévoit l'émission au profit des créanciers de Mobilcom d'un instrument financier perpétuel qui serait échangeable contre des actions France Télécom uniquement dans le cas d'un cours supérieur à 40 euros, ce qui évite à France Télécom de racheter dans l'immédiat et de consolider tout de suite dans ses propres comptes les 5 milliards d'euros de dette de son partenaire allemand.

Ensuite, l'Etat et 5,2 % des actionnaires ont accepté de se faire payer en actions. En effet, le paiement du dividende en actions a fait l'objet d'un point à l'ordre du jour du conseil d'administration du 28 mai 2002. L'attribution des actions remises en paiement du dividende a été réalisée sur la base d'un cours moyen du titre sur les vingt dernières séances, déduction faite d'un euro de dividende et minoré de 10 %, soit 19,66 euros par action. L'Etat a souhaité, par cette solution, préserver les intérêts de l'entreprise en lui évitant de mobiliser des liquidités aujourd'hui précieuses. 

*

* *

Le service rendu aux usagers par France Télécom n'est donc nullement menacé par la situation financière de l'entreprise. Au contraire, l'ouverture à la concurrence a incité France Télécom à baisser ses tarifs et à proposer de nouveaux services. L'ART met en évidence, dans son rapport d'activité pour 2001, cette évolution positive des tarifs.

TARIFS DE FRANCE TÉLÉCOM

Variation 1996/ 2001

Ménages

Entreprises

Tarifs locaux

- 60 %

- 60 %

Tarifs nationaux

- 11 %

- 14 %

(Source : rapport annuel d'activité de l'ART)

La France bénéficie de tarifs relativement favorables par rapport aux autres pays européens, d'autant plus que l'ouverture à la concurrence s'est parfois traduite dans ceux-ci par une augmentation des tarifs. Ainsi, le coût des appels locaux a baissé de 7,3 % en France, alors qu'il a augmenté dans des pays comme la Belgique (+4,4 %) et l'Italie (+4 %). De même, la France a connu la baisse la plus importante pour les tarifs internationaux (soit une baisse de 26 %) qui la situe nettement en dessous de la moyenne de 0,432 euros avec 0,272 euros. Certes, l'abonnement mensuel a été porté, depuis le 20 juillet 2002, de 12,55 euros à 13 euros. Cependant, cette hausse, qui ne fait que suivre le rythme de l'inflation, reste limitée. Le prix de l'abonnement reste un des plus faibles en Europe (il est par exemple de 14,57 euros en Italie, 14,80 euros au Royaume-Uni, et 16,20 euros en Belgique).

En outre, l'ouverture à la concurrence ne s'est nullement traduite par une baisse de la qualité du service, et France Télécom a toujours garanti la continuité du service public.

L'entreprise a pris des engagements permettant de garantir l'universalité du service rendu aux usagers. C'est notamment le cas des travaux entrepris pour achever la couverture du territoire en téléphonie mobile. En 2001, la filiale Orange et l'entreprise SFR ont passé une convention avec l'Etat pour achever la couverture des zones blanches. Ainsi, le programme prévoit l'installation de 1 150 nouveaux relais sur deux ans. Les infrastructures, financées et entretenues par la puissance publique, sont mises à la disposition des opérateurs qui y installent leurs baies et leurs antennes. L'opération représente pour l'entreprise publique un coût 76 millions d'euros d'ici fin 2003. Cette question étant cruciale au regard de l'aménagement du territoire et de l'égalité d'accès des citoyens aux technologies nouvelles, il convient d'y associer le Parlement, et en particulier, ici encore, les rapporteurs spéciaux concernés et la commission.

Enfin, l'opérateur s'engage dans des innovations technologiques qui devraient permettre d'améliorer le service rendu aux usagers. L'achat de licence UMTS (Universal Mobil Telecommunications System) devrait conduire à l'amélioration de la qualité dans le domaine de la téléphonie mobile. De même, dans le domaine du haut débit, France Télécom a annoncé une baisse des tarifs ADSL de 25 à 40 % à partir du 15 octobre 2002 permettant un plus large accès aux particuliers. Enfin, la prochaine mise en place de la portabilité des numéros de téléphone portable constitue une innovation supplémentaire favorable aux usagers.

La qualité du service rendu aux usagers ne souffre donc pas de l'endettement de France Télécom.

*

* *

Enfin, la situation de l'emploi dans l'entreprise ne justifie pas la création d'une commission d'enquête. Certes, l'effectif global de France Télécom a baissé. Cependant, cette évolution n'est pas propre à l'entreprise et est commune à l'ensemble du secteur des télécommunications comme le met en évidence l'ART dans son rapport public pour 2001.

VOLUME D'EMPLOI DANS LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Année

1998

2001

 %

Nombre de salariés

155 992

152 615

-2.0 %

(Source : rapport annuel de l'Agence de Régulation des Télécommunications

Cette baisse des effectifs est due à des non renouvellements de contrats à durée déterminée, et des non renouvellements des personnes parties en retraites et non à des licenciements massifs. Il n'y a pas de menace particulière sur l'emploi à France Télécom.

En outre, l'entreprise mène une politique de l'emploi dynamique. Celle-ci se manifeste par un rajeunissement des effectifs, d'une part, et par des redéploiements vers de nouveaux secteurs, d'autre part. Depuis cinq années, France Télécom mène une politique de redéploiement de personnel vers les métiers prioritaires (clientèle, système d'information, multimédia). Plus de 13 800 personnes ont changé de poste en 2001. Cette politique s'est accompagnée d'un effort de reconversion des compétences qui a concerné 5 474 personnes. Un redéploiement s'est effectué vers les secteurs dynamiques que constituent la téléphonie mobile et les activités dans le domaine de l'Internet. Ainsi, le solde de mobilité vers les filiales est excédentaire (338). La proportion de personnels travaillant au sein de l'entreprise France Télécom est passée ainsi de 69 % à 59.8 % de l'effectif total, alors que la proportion de celui travaillant dans les filiales est passée de 31 % à 40,1 %.

EFFECTIFS DU GROUPE FRANCE TÉLÉCOM

effectifs

2000

2001

France

148 900

145 300

International

40 000

60 900

TOTAL

188 900

206 200

Dont (en  %)

Filiales internationale

21 %

29,5 %

Filiale France1

10 %

10,6 %

France Télécom SA

69 %

59,8 %

(Source : bilan social de France Télécom)

La politique de rajeunissement des effectifs se manifeste par la poursuite du dispositif de congé de fin de carrière qui a augmenté de 41 %, et a concerné 3 744 personnes en 2001. Par ailleurs, France Télécom a effectué 1576 embauches en CDI, qui concernent en majorité des jeunes de moins de 30 ans.

Par ailleurs, l'entreprise publique a mené une politique d'insertion en accueillant 3 830 jeunes en contrats d'apprentissage ou d'alternance. Ces contrats ont augmenté de 22,1 % en 2001.

POLITIQUE DE FORMATION DE FRANCE TELECOM

1999

2000

2001

apprentis

1 447

1 690

1 887

Adaptation et qualification

1 249

1 540

2 007

Vacataires et étudiants stagiaires

1 023

1 132

1 093

TOTAL

3719

4 362

4 987

(Source : bilan social de France Télécom)

L'endettement de France Télécom ne semble donc pas constituer une menace sur la situation de l'emploi. On assiste davantage à un redéploiement des effectifs vers de nouvelles activités, de nouveaux métiers, et vers les secteurs porteurs qu'à une politique de compression des effectifs. Ces évolutions sont rendues nécessaires par les mutations rapides du secteur des télécommunications.

SITUATION DE L'EMPLOI À FRANCE TELECOM

1999

2000

2001

Effectif total en activité

137 886

129 829

119 963

Nombre d'embauches en CDI

1 511

1 3889

1 576

Nombre total de CDD

19 238

15 999

12 939

Nombre de redéploiements

8 878

11 838

13 823

Départs en retraite

1 570

1 480

1 299

Départs en CFC

2796

2654

3 744

(Source : bilan social de France Télécom)

En conclusion, la création d'une commission d'enquête ne paraît ni utile, ni opportune. L'Assemblée nationale dispose, notamment au travers de ses commissions permanentes, de tous les moyens pour veiller à l'évolution de la situation financière de France Télécom. En outre, la situation financière de l'entreprise fera l'objet d'une attention particulière dans le rapport spécial relatif au budget « Poste et télécommunications » dans le cadre de la prochaine loi de finances.

C'est pourquoi votre Rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 1er août 2002, la Commission a examiné la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard, tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux conséquences sur le service rendu aux usagers et sur l'emploi dans l'entreprise, de la stratégie, de la gestion et de l'endettement de France Télécom, ainsi qu'aux initiatives de l'État actionnaire (n° 25).

Après l'exposé de votre Rapporteur qui a conclu en proposant de rejeter la proposition de résolution, un débat a suivi.

Après avoir approuvé la conclusion de votre Rapporteur, M. François Goulard a cependant souligné la différence entre la situation de Vivendi et celle de France Télécom : alors que Vivendi est un groupe privé, dans la gestion duquel le Parlement n'a aucune légitimité à intervenir, France Télécom est une entreprise publique gérant un service public, en grande partie monopolistique. Si l'action de Vivendi perd de la valeur, seuls ses actionnaires en subissent les conséquences. En revanche, lorsque France Télécom augmente ses tarifs, ce sont tous les abonnés qui en subissent l'effet. Il n'y a pas lieu de créer une commission d'enquête : il faut laisser l'exécutif remplir son rôle d'actionnaire. Cependant, l'appréciation générale du Rapporteur sur la situation de l'entreprise apparaît trop optimiste voire euphorique. L'incertitude sur l'avenir de l'entreprise est grande : l'action de la direction de France Télécom est contestable, l'expansion à l'étranger ne peut pas constituer un but en soi, même s'il peut être nécessaire d'atteindre une taille critique. Sur le fond, on ne peut qu'être réservé sur certaines actions menées par la direction de France Télécom.

M. Patrice Martin-Lalande a évoqué le problème du haut débit, sur lequel l'ADSL est sur le point d'acquérir une situation monopolistique. France Télécom s'efforce de combattre toute concurrence sur le secteur rentable du marché, sans laisser la place à une solution alternative pour le reste du territoire. L'opérateur principal est cependant prêt à s'occuper aussi des zones moins rentables, mais à condition que les collectivités locales participent au financement des opérations nécessaires. La couverture du territoire par les relais de téléphones portables est loin d'être assurée : l'ART estime que 20 % du territoire ne sont pas couverts, ce qui pénalise à la fois la population résidente et les personnes qui traversent ces zones blanches. Le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) de Limoges a, certes, prévu un effort de rattrapage, mais aucune décision concrète n'est intervenue depuis sa réunion. L'itinérance pose un certain nombre de problèmes, mais permettrait au moins d'assurer le service sur l'ensemble du territoire.

M. Marc Laffineur a souscrit aux inquiétudes exprimées par M. François Goulard sur la pertinence de la gestion de France Télécom et a convenu qu'il fallait mettre un bémol quant aux appréciations trop positives de votre Rapporteur.

Après avoir réaffirmé l'intérêt légitime du Parlement pour France Télécom, M. Louis Giscard d'Estaing s'est interrogé sur la sincérité des comptes de l'opérateur public, en particulier sur le traitement qui sera fait, dans l'avenir, du montant en sur-valeur correspondant à l'acquisition d'Orange. La décision du CIADT relative à la couverture du territoire a entraîné un effet d'annonce qui ne s'est traduit ni au niveau des opérateurs ni au niveau de l'État. Ce dernier devrait inscrire les crédits budgétaires nécessaires. Il est souhaitable que la Commission entende M. Michel Bon, président-directeur général de France Télécom.

M. Denis Merville a estimé que le Rapporteur avait fait preuve de trop d'optimiste et fait remarquer que les collectivités locales rencontrent des difficultés croissantes lorsqu'elles doivent travailler avec France Télécom. Il a approuvé l'idée de l'audition proposée.

M. Pierre Hériaud, après s'être déclaré d'accord avec la conclusion générale du Rapporteur, a rappelé que les 70 milliards d'euros d'acquisition d'actifs s'étaient traduits par un endettement du même montant et que ces actifs ont perdu beaucoup de leur valeur, tandis que le volume de l'endettement perdure. Un déficit représentant 20 % du chiffre d'affaires n'est certainement pas un signe de bonne santé. Pour se redresser, il faudrait que l'entreprise atteigne 20 % d'excédent brut d'exploitation. Il a donc, à son tour, jugé le Rapporteur trop dithyrambique.

En réponse, votre Rapporteur a signalé que France Télécom s'était engagé à consacrer 76 millions d'euros, jusqu'à la fin 2003, afin de diminuer les zones blanches, mais il ne faut pas oublier que certaines zones géographiques posent des problèmes techniques réels. Si des améliorations sont toujours souhaitables et nécessaires, les communications téléphoniques sont globalement de très bonne qualité dans notre pays. L'acquisition d'Orange a coûté 43 millions d'euros mais elle a permis à France Télécom de devenir le deuxième opérateur européen. Le groupe a aussi réalisé des investissements de téléphonie mobile à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, au Liban et en Jordanie, investissements lourds mais prometteurs pour l'avenir. En outre, France Télécom a conservé ses parts de marché en téléphonie fixe sur le marché domestique alors que d'autres opérateurs historiques, comme Deutsche Telekom, voyaient leur situation fortement menacée. Quoique la valeur de son action, soit, certes, actuellement très basse, France Télécom a une réelle capacité à rebondir.

Le Président Pierre Méhaignerie a reconnu que l'optimisme de votre Rapporteur demandait à être plus mesuré et que la situation et l'activité de France Télécom mériteraient d'être plus précisément connues, ce que l'audition de son président est effectivement à même de permettre. De même, la direction de Vivendi et celle d'EDF seront entendues au mois de septembre, éventuellement le 25 septembre.

Le précédent ministre de l'Industrie avait déclaré que l'État n'avait plus à intervenir dans la couverture du territoire par la téléphonie mobile, cette dernière devant être assurée par les opérateurs. Cette déclaration a eu pour conséquence de bloquer toute amélioration. Il convient que votre Rapporteur spécial fasse rapidement le point sur ces questions et en informe les membres de la Commission de manière détaillée.

M. Philippe Auberger a indiqué que la Caisse des dépôts et consignations a engagé des dépenses en faveur du développement du haut débit et s'est demandé si le même type d'actions ne pourrait pas être mené en faveur de la téléphonie mobile.

Votre Commission a ensuite rejeté, conformément à la position de votre Rapporteur, la proposition de résolution.

 

N° 0182 - Rapport de M. Nicolas Perruchot sur la proposition de résolution créant une  commission d'enquête relative à France Telecom

1 Les Filiales France : sont principalement les sociétés Orange et Wanadoo


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