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le 25 octobre 2002

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N° 254

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin,

PAR M. BRUNO BOURG-BROC,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 288 (2000-2001), 167, 267, 276 et T.A. 90, 105 (2001-2002)

Assemblée nationale : 38, 50

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LE NOUVEAU TRAITÉ PORTANT DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE
FRANCO-ALLEMANDE DANS LES ZONES AMÉNAGÉES DU RHIN
7

A - QUELQUES RAPPELS CONCERNANT LA DÉLIMITATION DE LA
FRONTIÈRE FRANCO-ALLEMANDE SUR LE RHIN
7

B - LA NOUVEAUTÉ INTRODUITE PAR LE NOUVEAU TRAITÉ 7

C - LA PORTÉE DE CETTE NOUVEAUTÉ 8

I - L'ACCORD RELATIF À LA COOPÉRATION DANS L'EXERCICE DES
MISSIONS DE POLICE DE LA NAVIGATION SUR LE SECTEUR
FRANCO-ALLEMAND DU RHIN
9

A - HISTORIQUE DE LA COOPÉRATION 9

B - LES NOUVEAUTÉS INTRODUITES PAR LE NOUVEL ACCORD 10

CONCLUSION 14

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes saisis de deux projets de loi traitant des relations bilatérales avec l'Allemagne et qui touchent plus particulièrement le secteur de la frontière sur le Rhin. Il s'agit, d'une part, d'un traité portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin et, d'autre part, d'un accord relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin.

Ces deux accords portant sur la même portion de territoire et, implicitement, sur les compétences et responsabilités incombant à chaque Etat en matière de contrôle de la navigation sur le fleuve, votre Rapporteur a jugé opportun de rédiger un seul rapport pour présenter ces deux textes.

Néanmoins, la première partie sera consacrée à la présentation du traité portant délimitation de la frontière sur le fleuve, alors que la seconde s'attachera à décrire les nouvelles modalités des missions de police de la navigation contenues dans l'accord.

I - LE NOUVEAU TRAITÉ PORTANT DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE FRANCO-ALLEMANDE DANS LES ZONES AMÉNAGÉES DU RHIN

A - Quelques rappels concernant la délimitation de la frontière franco-allemande sur le Rhin

Jusqu'à présent deux accords définissaient la frontière franco-allemande sur le Rhin : le traité de délimitation de 1925 et la convention sur l'aménagement du cours supérieur du Rhin entre Bâle et Strasbourg de 1956.

Selon le traité de 1925 et conformément à l'état du droit international en matière de délimitation fluviale, c'est l'axe du talweg, c'est-à-dire « la suite ininterrompue des sondes les plus profondes », qui sert à délimiter la frontière franco-allemande sur le Rhin. Or, par définition, c'est une ligne mouvante qui est fonction de l'évolution du cours d'eau et du débit du fleuve. Ceci a conduit à établir une frontière incertaine, qui, de fait, n'avait jamais été portée sur une carte.

La convention de 1956, quant à elle, a utilisé la ligne médiane continue, en remplacement de la ligne du talweg, pour délimiter la frontière sur une partie du fleuve seulement - le long des sections du Rhin ayant fait l'objet d'une canalisation avec création de biefs1, soit entre le point triple franco-germano-suisse et le barrage de Kembs. Il faut dire que, depuis 1925, les différents aménagements effectués sur le fleuve - les rives et le fond ont été consolidés - accentuaient encore le caractère inadapté d'une frontière établie selon l'axe du talweg.

B - La nouveauté introduite par le nouveau traité

C'est pourquoi, le 13 avril 2000 a été signé le présent traité dont le principal objet est de compléter les deux traités antérieurs en remplaçant sur une partie du tracé - entre les communes de Breisach/Vogelgrün (au kilomètre 222,9) et Iffezheim/Beinheim (au kilomètre 335,7) - une ligne mouvante par une ligne fixe (articles 1er et 3 du traité), délimitée selon un processus scientifique (fixé aux annexes I et II du traité) et qui sera reportée sur les cartes topographiques françaises et allemandes.

L'article 2 du traité est consacré à la délimitation de la frontière sur les barrages, ponts et ouvrages fixes situés dans ou sur la section du fleuve concernée.

L'article 4 et l'annexe III du traité fixent les conditions de règlement d'éventuels différends.

L'article 5 stipule que les annexes font partie intégrante du présent traité.

C - La portée de cette nouveauté

Avec ce nouveau traité, la frontière pourra être localisée et établie avec précision, et donc la souveraineté de chaque Etat pourra s'exercer clairement sur les zones du fleuve correspondantes. Par exemple, en matière d'accidents ou d'interventions sur les lieux d'accidents ou encore d'entretien, les compétences et responsabilités incombant à l'un ou l'autre des Etats riverains pourront dorénavant être clairement établies.

S'agissant des incidences de ce nouveau traité, elles sont nulles sur le domaine public fluvial et aucun propriétaire privé n'est concerné. Au moment de l'entrée en vigueur du traité, il y aura simplement un échange de terres mobiles non cadastrées (îles ou bancs de sable temporaires qui avec le talweg étaient mobiles et éventuellement pouvaient passer d'une souveraineté à l'autre et qui dorénavant relèveront de l'une ou l'autre souveraineté).

I - L'ACCORD RELATIF À LA COOPÉRATION DANS L'EXERCICE
DES MISSIONS DE POLICE DE LA NAVIGATION SUR LE SECTEUR FRANCO-ALLEMAND DU RHIN

A - Historique de la coopération

La coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin est régie par une série de conventions bilatérales. La première, « dite de Mayence » a été adoptée le 31 mars 1831. Ses dispositions ont été mises à jour avec la signature de l'Acte de Mannheim le 17 octobre 1868, lui-même amendé en 1963. Un protocole additionnel est venu s'ajouter à cet ensemble en 1979.

Plus récemment, la Convention d'application de l'Accord de Schengen en date du 19 juin 1990 contient aux articles 39 à 47 des dispositions pertinentes en matière de missions de police (assistance entre les services de police en vue de prévenir et de rechercher les faits punissables). Par ailleurs, elle précise que ses dispositions ne font pas obstacle à la conclusion d'accords bilatéraux plus complets entre les Etats Schengen ayant une frontière commune. C'est pourquoi, la France et l'Allemagne ont conclu le 9 octobre 1997, à Mondorf, un accord relatif à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières.

Concrètement, la signature de ces différents accords a permis la création de différentes unités de gendarmerie chargées du contrôle de la navigation du Rhin en secteur franco-allemand (la brigade de Strasbourg en 1968, celle de Neuf-Brisach en 1969 et celle de Gambsheim en 1974) qui ont ainsi constitué la Compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin. Parallèlement était créée le 1er janvier 1968 une police allemande en uniforme (Wasserschutzpolizei), en remplacement du Service de la navigation chargé auparavant du contrôle et de la surveillance de la voie d'eau.

Au fur et à mesure que s'exerçait le contrôle de la navigation sur le fleuve, une entente tacite s'est instaurée entre ces différents corps de police fluviale qui s'est traduite sur le terrain par des contrôles effectués par l'une ou l'autre des unités sur toute la largeur du Rhin. Très vite est alors apparue la nécessité de conclure un nouvel accord bilatéral qui formaliserait la répartition des tâches entre les polices des deux Etats riverains. L'initiative est venue de l'Allemagne qui a soumis un projet d'accord en ce sens, avant que soient engagées des négociations en novembre 1998 entre le ministère de la défense français, auquel étaient associés des représentants de l'ensemble des ministères concernés, et le ministère des transports fédéral pour la Partie allemande. Un texte définitif fut élaboré à Mayence le 11 mai 1999, puis signé au sommet franco-allemand de Vittel le 10 novembre 2000. C'est ce texte qui nous est soumis aujourd'hui pour approbation.

B - Les nouveautés introduites par le nouvel accord

Le nouvel accord qui est soumis à ratification vise le double objectif d'améliorer l'exercice des missions de police de la navigation et des autres missions de prévention des risques sur le secteur franco-allemand du Rhin.

Déjà en 1997 l'Accord de Mondorf, au titre II, prévoyait une coopération directe entre les polices de la navigation française et allemande :

- détachement réciproque, pour une durée limitée, d'agents des deux Parties assurant la fonction d'agents de liaisons,

- possibilité de confier à des agents de police français des missions de police en Allemagne, conformément aux législations applicables dans les deux pays,

- information directe sur les événements et actions intéressant la police,

- communication de l'identité des personnes impliquées dans des faits punissables,

- désignation de points de contact ou maintien de contacts radio,

- groupes mixtes de contrôles, d'observation et de recherche,

- échange de programmes de formation et de perfectionnement,

- participation commune à des séminaires,

- organisation d'exercices transfrontaliers communs.

Avec ce nouvel accord, les autorités de police fluviale des deux pays pourront intervenir sur toute la largeur du secteur franco-allemand du Rhin (article 3 paragraphe 1), alors que la frontière physique suit la ligne du talweg, s'étendant sur 182 kilomètres qui vont de Bâle à Lauterbourg. Toutefois, les missions sur le secteur des rives, des canaux de dérivation et des bras du fleuve sont exercées exclusivement par le service territorialement compétent (article 3 paragraphe 2).

L'article 1er définit les services compétents. Pour la partie française, il s'agit du Service de la navigation et de la Compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin. Au total ce sont 32 gendarmes dont 10 plongeurs qui composent les trois brigades susmentionnées créées en 1968, 1969 et 1974, dont chacune dispose d'une vedette de 17 mètres de long pouvant embarquer un équipage de 8 hommes. Du côté allemand, c'est la Police fluviale de Bade-Wurtemberg qui est compétente en matière de police depuis le 1er janvier 1968, ainsi que le Service fédéral allemand de la navigation, dont les missions ont cependant été réduites à la rédaction et à l'autorisation de textes. Celle-ci dispose de 110 policiers répartis en 6 postes le long du Rhin, de 7 vedettes et 14 véhicules marins légers.

Aux termes de l'article 2, la coopération s'effectue pour quatre types de missions (la police de la navigation, les enquêtes de police, la prévention des risques et la notification de documents aux personnes). Par ailleurs, si la Compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin a compétence sur le fleuve et les ports français, elle n'a pas de pouvoirs de police judiciaire, si bien que les gendarmes doivent être munis d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction pour pouvoir effectuer une saisie.

Mais la coopération se fait également au bénéfice du secours et du sauvetage sur le fleuve (article 5).

L'article 4 stipule que les missions sont inscrites dans le cadre de la Convention d'application de l'accord de Schengen, et en particulier les articles 39, 40, 41, 43 et 46 du titre III du chapitre 1er qui concernent l'entraide, le droit d'observation et de poursuite, la responsabilité et la réparation des dommages ainsi que l'échange de renseignements.

Pour l'utilisation des données personnelles, ce sont les articles 126 à 130 de ladite Convention qui s'appliquent (article 6).

Les conditions d'exercice des missions sont définies à l'article 7, qui précise également que chaque service peut agir seul ou en commun avec les services compétents de l'autre Partie.

Les infractions à la navigation relèvent du droit de la Partie contractante les ayant constatées alors que les infractions relatives aux enquêtes de police, aux missions de prévention des risques et aux notifications de documents aux personnes relèvent du droit international (article 8).

Les articles 9, 10 et 11 ont pour objet de réglementer la question des frais d'activité incombant à chaque Partie, des dommages causés au patrimoine ou aux agents de l'une ou l'autre Partie, ou encore à des tiers, et ce toujours dans le cadre de la Convention d'application de l'accord de Schengen.

Les articles 13 et 14 portent sur les garanties accordées aux agents en termes de statut et de protection.

La possibilité de prêt réciproque de matériel est prévue à l'article 15.

Selon l'article 16, l'accord est conclu sans limitation de durée, sauf dénonciation écrite et préavis de six mois.

CONCLUSION

De portée plus technique que politique, le nouveau traité portant délimitation de la frontière nécessite toutefois une ratification parlementaire, même si l'on peut regretter qu'il n'ait pas permis de fixer le reste de la frontière dans les zones aménagées du Rhin sur la ligne médiane plutôt que du talweg. L'Allemagne, pour sa part, s'apprête à lancer la procédure parlementaire.

Le nouvel accord relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, quant à lui, vient renforcer la coopération franco-allemande en la matière. La procédure parlementaire vient d'être achevée par la Partie allemande et le texte est en attente de publication au journal officiel allemand.

C'est pourquoi, au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption des deux présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté les projets de loi (nos 38 et 50).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Les textes du Traité et de l'Accord figurent en annexe aux projets de loi (nos 38 et 50 ).

N° 0254 - rapport de M. Bruno Bourg Broc sur le projet de traité et accord avec l'Allemagne sur la  police de la navigation sur le Rhin et sur le projet de  traité de délimitation de la frontière

1 Un bief est la section d'un canal ou d'un cours d'eau comprise entre deux écluses ou entre deux chutes, deux rapides, selon la définition du Petit Larousse illustré.


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