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le 2 décembre 2002

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N° 372

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR

- LE PROJET DE LOI (n° 150), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris,

- LE PROJET DE LOI (n° 151), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris,

- LE PROJET DE LOI (n° 152), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif à l'indemnisation de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris,

PAR M. MICHEL DESTOT,

Député

--

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - DES ACCORDS RÉTABLISSANT LES DROITS DES PAYS BALTES
     SUR LEUR LÉGATION
10

A - LE CONTEXTE HISTORIQUE 10

B - DES NÉGOCIATIONS COMPLEXES 11

1) Un accord attendu par les pays baltes 11

2) Des négociations en cours avec la Russie 11

C - LE CONTENU DES ACCORDS AVEC LES ETATS BALTES 12

1) La situation juridique des immeubles concernés par les accords 12

2) Des accords portant essentiellement sur des compensations financières 12

II - DES RELATIONS BILATÉRALES À INTENSIFIER
     AVEC LES PAYS BALTES
14

A - DES RELATIONS FRANCO-LETTONES DE QUALITÉ 14

1) Une situation intérieure caractérisée par la présence
    d'une forte minorité russe 14

2) Des relations bilatérales marquées par des contacts réguliers 15

3) Des négociations en cours entre la Lettonie et l'Union européenne 16

B - DES RELATIONS FRANCO-LITUANIENNES FAVORISÉES PAR
      L'OUVERTURE DU PAYS
16

1) Une situation intérieure stabilisée 16

2) Des relations bilatérales à développer 17

3) Une adhésion de la Lituanie à l'Union européenne prévue pour 2004 18

C - DES RELATIONS FRANCO-ESTONIENNES EN PROGRÈS 18

1) Une situation intérieure caractérisée par la nécessaire intégration
   de la minorité russe 18

2) Des relations bilatérales de bonne qualité 19

3) Vers la conclusion des négociations d'adhésion de l'Estonie
   à l'Union européenne 20

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE : ETUDES D'IMPACT 21

Mesdames, Messieurs,

Les trois projets de loi soumis à votre examen concernent les trois Etats Baltes. Ils visent à rétablir les droits respectifs de la Lettonie, de la Lituanie et de l'Estonie sur les immeubles qu'occupaient leurs légations respectives avant l'annexion de ces Etats indépendants par l'URSS.

Chacun de ces Etats ayant recouvré son indépendance, il fallait rétablir leurs droits sur les immeubles dans lesquels étaient auparavant situées leurs légations. L'approbation de ces instruments revêt une grande importance pour les pays baltes qui voient ainsi s'effacer des pages particulièrement noires de leur histoire.

Après avoir examiné l'économie de ces trois projets de loi, votre Rapporteur évoquera les relations bilatérales que la France entretient avec ces pays futurs membres de l'Union européenne.

I - DES ACCORDS RÉTABLISSANT LES DROITS
DES PAYS BALTES SUR LEUR LÉGATION

A - Le contexte historique

Les pays baltes ont proclamé leur indépendance en 1918 la Lituanie, le 16 février, l'Estonie, le 24 février et la Lettonie le 18 novembre. Les pays occidentaux, dont la France, reconnurent le 20 août 1919 ces indépendances, sous réserve d'une décision définitive de la Société des nations qui n'était pas encore entrée en activité. Il fallut attendre les traités de paix bilatéraux signés entre les jeunes Républiques et Moscou en 1920 (traité de Tartu avec l'Estonie le 2 février, traité de Moscou le 12 juillet avec la Lituanie, traité de Riga le 11 août avec la Lettonie) et l'admission à la Société des Nations le 26 janvier 1921 pour que ces indépendances soient consacrées sur la scène internationale. Les Etats baltes firent alors l'acquisition à Paris d'immeubles pour y loger leurs légations. La Lituanie acheta un bâtiment en 1925 place Malesherbes, actuellement au 17 place du général Catroux, la Lettonie en 1927 au 8 rue Prony et l'Estonie en 1936 au 4 rue du général Appert.

Cependant à la suite du Pacte Molotov-Ribbentrop et de ses protocoles secrets du 23 août 1939 - traité de non-agression entre l'URSS et l'Allemagne-, les trois pays furent occupés militairement et intégrés de force dans l'URSS entre 1940 et 1945. La France n'a jamais reconnu cette annexion et l'incorporation de ces Etats à l'URSS. Pourtant les autorités françaises remirent les clés des immeubles baltes à l'Ambassade d'URSS en août 1940, puis aux Allemands pendant le régime de Vichy avant de les donner à nouveau aux Soviétiques, en septembre 1944, sous le gouvernement provisoire. Ces derniers détruisirent l'immeuble d'origine de la légation estonienne en 1979 pour reconstruire un nouveau bâtiment avec l'accord des autorités françaises compétentes.

Lorsque les Etats baltes ont proclamé leur deuxième indépendance après l'éclatement de l'Union Soviétique, dès le 11 mars 1990 pour la Lituanie et respectivement les 20 et 21 août 1991 pour la Lettonie et l'Estonie, la France a rétabli ses relations diplomatiques avec chacun de ces Etats. Il convenait donc de régler la question épineuse des légations appartenant à ces pays.

B - Des négociations complexes

1) Un accord attendu par les pays baltes

Dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne des Etats baltes, la France ne pouvait rester inactive, alors que ceux-ci réclamaient à la Russie la restitution de leurs anciennes représentations diplomatiques. Au printemps 2001, la France a proposé, bien qu'elle ne soit pas partie à ce contentieux, une solution sous la forme d'une opération triangulaire. Il était prévu que la France verserait aux Etats baltes une indemnité, pour solde de tout compte, en échange d'un transfert de propriété de leurs bâtiments. La France de son côté échangerait avec la Russie les titres de propriété des légations baltes contre un titre de propriété équivalent, en l'occurrence la résidence de l'Ambassadeur de France à Moscou, la maison Igoumnov. Si les Etats baltes ont rapidement fait connaître l'accord de principe de leurs autorités, la Russie s'est bornée à prendre note de l'opération proposée.

2) Des négociations en cours avec la Russie

Les négociations avec les Russes se poursuivent actuellement. Ces derniers contestent la future propriété française sur les bâtiments des anciennes légations baltes. En dépit de la signature des accords franco-baltes du 13 décembre 2001, dont l'approbation par les gouvernements concernés aura pour conséquence principale de rendre la France propriétaire des légations baltes au cours de l'année 2003, la Russie conteste la validité des futurs droits de propriété de la France. Elle s'appuie sur le fait que la France a remis à l'URSS par deux fois, en 1940 sous le régime de Vichy et en 1944 pendant le gouvernement provisoire, les clefs de ces bâtiments et que, durant les années soixante-dix, l'administration française a délivré des permis de construire à l'URSS.

En l'absence d'une solution à cette querelle juridique, il est envisagé d'entrer avec la Russie dans un rapport de propriétaire à locataire en régularisant sa situation d'occupant sans titre (cession des titres de propriété rachetés aux Baltes) en contrepartie de la pleine propriété (ou, à défaut, d'un bail emphytéotique équivalent dans le montant et la durée) sur la résidence de France à Moscou. Pour l'instant, les Russes évoquent le statut historique de la résidence de France interdisant sa cession. Ils lient le règlement de ce dossier aux autres contentieux immobiliers et fiscaux bilatéraux. Par ailleurs, compte tenu de l'impossibilité d'aliéner la résidence de France à Moscou, seule la voie de l'échange de baux subsiste.

Aussi a-t-on soumis un nouveau schéma aux Russes, en proposant que la Russie devienne, le moment venu, détentrice de titres de propriété incontestables en droit français sur les trois bâtiments en question, et reconnaisse à la France pour une durée déterminée un droit d'usage à loyer symbolique de la résidence de France à Moscou. Pour l'instant, aucune réponse n'est parvenue.

C - Le contenu des accords avec les Etats baltes

1) La situation juridique des immeubles concernés par les accords

A la suite de l'annexion des Etats baltes, l'URSS s'est attribuée l'usage de ces immeubles qui sont encore aujourd'hui occupés par des services de la Fédération de Russie ou servent de logements du personnel diplomatique ou consulaire russe à Paris.

Ainsi, la légation d'Estonie, située 4 rue du général Appert dans le 16ème arrondissement de Paris, est l'immeuble d'habitation de la représentation commerciale de la Fédération de Russie en France. La légation de Lettonie, située à Paris, 8 rue de Prony, dans le 17ème arrondissement, est le siège de la délégation permanente de la Fédération de Russie auprès de l'UNESCO. La légation de Lituanie, qui se trouve 17 place du général Catroux à Paris, également dans le 17ème arrondissement, est utilisée comme centre d'information de l'agence de presse Ria Novosti et service d'information de l'Ambassade de la Fédération de Russie.

Ces immeubles ont été acquis par les Etats baltes et n'ont jamais fait l'objet de transfert de propriété, malgré l'annexion des Etats baltes par l'URSS, qui n'a pas été reconnue par la France. Ils n'ont en effet jamais cessé d'être inscrits propriété de ces Etats au registre des hypothèques. En conséquence, au regard du droit français, la propriété des Etats baltes sur ces immeubles ne fait aucun doute.

2) Des accords portant essentiellement sur des compensations financières

Les négociations avec les Etats baltes ont débutées en avril 2001 et se sont achevées le 13 décembre de la même année par la signature à Paris de trois accords intergouvernementaux par les ministres français et baltes des Affaires étrangères. Ces négociations ont porté essentiellement sur le montant de la compensation financière accordée par la France.(

A l'évaluation de la valeur actuelle des immeubles, établie par les services fiscaux français, ont été déduits les frais pris en charge par la France pour installer les ambassades baltes à Paris. A partir de 1991, la France a décidé d'assumer la charge de l'installation provisoire des nouvelles ambassades baltes, en louant à leur profit des locaux au 14 Boulevard Montmartre. Les Lettons ont quitté ces locaux en 1997 pour acheter un immeuble au 6 Villa Saïd et y loger leur ambassade. Les Estoniens louent depuis 1999 à leur charge des locaux au 46 rue Pierre Charron. Quant aux Lituaniens, ils doivent quitter prochainement le Boulevard Montmartre pour s'installer dans l'immeuble qu'ils viennent d'acheter.

Les négociations ont pris en compte un certain nombre d'éléments comme le préjudice subi depuis la seconde guerre mondiale, l'évaluation financière, la déduction des loyers pris en charge par la France et les demandes spécifiques des Baltes. A l'issue de celles-ci, les Lettons ont obtenu 3 963 674 euros (26 MF) les Estoniens 3 917 939 euros (25,7 MF) et les Lituaniens 3 506 327 euros (23 MF).

Des questions formelles ont fait aussi l'objet de discussions. Dans le titre de l'accord, l'Estonie tenait à souligner qu'elle était le légitime propriétaire de l'immeuble. Pour les modalités de remise du droit de propriété, la Lettonie voulait préciser qu'il s'agissait d'un contrat de vente, précision inutile, l'engagement de l'accord valant déjà promesse de vente. De plus, les trois Etats baltes demandaient un échéancier précis qui est détaillé dans chacun des accords.

II - DES RELATIONS BILATÉRALES À INTENSIFIER
AVEC LES PAYS BALTES

A - Des relations franco-lettones de qualité

Reconnue comme Etat indépendant à partir de 1918, la Lettonie comme les deux autres Etats baltes a été envahie par les Soviétiques en 1940 à la suite du Pacte Molotov-Ribbentrop, puis intégrée de force à l'URSS. Après avoir recouvré son indépendance en 1991, la Lettonie a mené une transition politique et économique vers une démocratie libérale et une économie de marché.

1) Une situation intérieure caractérisée par la présence d'une forte minorité russe

La constitution de 1922, reprise en 1991, donne la prépondérance au pouvoir législatif. Les résultats du scrutin ont vu la victoire des partis libéraux de centre droit et de droite, avec le succès d'un nouveau parti « Le nouveau temps » (23,93%) dirigé par M. Ainars Repse et celui des partis russophones, regroupés dans la plate-forme « Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie » avec 18,94%. Le Président de la République est élu au suffrage indirect. L'actuelle présidente de la République, Mme Vaira Vike-Freiberga, a été élue le 18 juin 1999.

La vie politique est dominée par les débats sur l'avenir de l'importante minorité russophone. On compte 46 % de non Lettons parmi lesquels environ 530.000 « non-citoyens » devenus apatrides à la disparition de l'URSS. En effet la Lettonie est le pays balte dont la structure démographique a été la plus modifiée du fait de l'annexion soviétique. La question de l'avenir de ces populations allogènes au sein de la société lettone est un défi complexe que le pays doit relever. La législation lettone a été révisée pour tenir compte des recommandations de l'OSCE. En 2000, le nombre des naturalisations a augmenté.

L'année 2002 est cruciale pour la Lettonie, puisque les sommets de Prague (21-22 novembre 2002), et de Copenhague (12-13 décembre 2002) décideront du sort des candidatures lettones à l'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne, et donc de l'aboutissement de la politique pro-occidentale conduite depuis le rétablissement de l'indépendance.

Sur le plan économique, la Lettonie a bénéficié de la plus forte croissance des PECO et des pays Baltes en 2000 (6,6%) et 2001 (7,6%). Cette reprise est due autant à l'essor de la demande interne qu'à la croissance des exportations. Elle s'accompagne d'une réduction sensible du taux de chômage. La Lettonie connaît en revanche le niveau de salaires le moins élevé des trois pays baltes, représentant moins de 30% de la moyenne de l'Union européenne, si bien que 19% de la population vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, même si l'économie informelle peut venir atténuer ce chiffre. Les privatisations, poursuivies à un rythme soutenu ces quatre dernières années, constituent toujours aujourd'hui un enjeu politique majeur.

2) Des relations bilatérales marquées par des contacts réguliers

Les relations franco-lettones sont bonnes, et encouragées par la Présidente Vike-Freiberga, excellente francophone. Les échanges commerciaux progressent, mais restent toutefois modestes. La coopération culturelle, scientifique et technique s'inscrit dans la perspective de l'adhésion prochaine de la Lettonie à l'Union européenne.

Les contacts politiques sont réguliers. La Présidente lettone, Mme Vaira Vike-Freiberga s'est rendue en France en mai 2000 pour la première fois et a effectué une visite de travail du 30 septembre au 2 octobre 2002. La visite d'Etat du Président de la République le 27 juillet 2001 s'est déroulée dix ans après la reprise des relations diplomatiques. Il y a affirmé la vocation de la Lettonie à adhérer à l'Union européenne et son droit de choisir librement son système de sécurité.

Malgré la forte progression des exportations, qui ont constamment augmenté depuis 1996, la France demeure un partenaire secondaire de la Lettonie, derrière l'Allemagne, la Suède, la Lituanie et la Russie. Elle est au 12ème rang des fournisseurs de ce pays, mais a gagné une place en devenant le 11ème client de la Lettonie.

Les investissements français sont encore trop rares. La France est pratiquement absente de Lettonie, au 39ème rang des pays investisseurs dans ce pays avec 0,4% du stock total d'investissements directs étrangers. Les principaux investisseurs étrangers sont le Danemark, les Etats-Unis, la Russie, l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni. Toutefois on constate depuis peu un intérêt croissant des entreprises françaises et la présence beaucoup plus fréquente aujourd'hui de nos entreprises dans les appels d'offres.

La coopération se concentre sur les secteurs directement liés à l'adhésion à l'Union européenne (administration publique, agriculture, environnement, justice, développement régional et affaires intérieures) et vise à constituer un vivier de fonctionnaires francophones sensibles à notre approche en matière communautaire. La France poursuit une politique culturelle par la constitution de réseaux européens d'échanges entre jeunes promoteurs de spectacles, créateurs et institutions culturelles. La rénovation en cours du futur bâtiment du centre culturel de Riga renforcera la visibilité de cette action.

3) Des négociations en cours entre la Lettonie et l'Union européenne

En dépit de progrès majeurs, subsistent un réel problème de corruption et de faibles capacités administratives. Le rapport de progrès 2001 de la Commission rappelle que la Lettonie respecte les critères économiques et politiques de Copenhague, notamment par l'intégration de la minorité russe. La Lettonie a bénéficié du « rattrapage » dans les négociations d'adhésion. Les négociations avec la Lettonie ont été ouvertes le 15 février 2000.

Cependant l'Union européenne est préoccupée par la réalisation de l'acquis vétérinaire (prévention de l'ESB) et le système judiciaire car la formation des juges est inexistante, et la corruption très répandue. De plus, la situation dans les prisons, surtout dans le domaine de la santé et de l'hygiène, est décrite comme étant très critique et très en deçà des normes admises.

B - Des relations franco-lituaniennes favorisées par l'ouverture du pays

1) Une situation intérieure stabilisée

Reconnue comme Etat indépendant à partir de 1918, la Lituanie n'a recouvré son indépendance qu'en 1991. Depuis lors, l'orientation démocratique et libérale de la Lituanie s'est clairement affirmée, tandis que sa diplomatie s'est tournée vers les Etats-Unis, l'OTAN et l'Union européenne. La constitution, adoptée en octobre 1992 par référendum, a instauré un régime parlementaire à séparation souple des pouvoirs. La Lituanie est présidée par M. Valdas Adamkus (centre droit) élu en janvier 1998 et connaît depuis juin 2001 une forme de cohabitation avec un gouvernement de gauche.

Après une nette dégradation de la conjoncture économique suite à la crise russe de 1998, la Lituanie renoue aujourd'hui avec une forte croissance de 5,7% en 2001, la situation économique s'est grandement améliorée grâce à l'extrême rigueur appliquée depuis deux ans. Le FMI a ainsi exprimé récemment une opinion positive sur les réformes économiques menées par le gouvernement lituanien, ainsi que sur le budget 2002. Les prévisions pour 2002 sont donc très optimistes et prévoient une croissance supérieure à 4%. De nombreuses restructurations ont lieu.

Dans ce nouveau paysage des restructurations, le devenir du secteur énergétique constitue un enjeu majeur de politique étrangère puisque les autorités lituaniennes souhaitent s'affranchir autant que possible de la dépendance russe, au moment où elles doivent se préparer à fermer la centrale nucléaire d'Ignalina pour des raisons de sécurité, or celle-ci fournit 70% de l'énergie électrique du pays.

2) Des relations bilatérales à développer

Des rencontres à haut niveau se sont succédé au cours des quatre dernières années. Toutefois la relation bilatérale souffrait d'un certain déficit de visites d'autorités françaises auquel la visite d'Etat le 26 juillet 2001 du Président de la République a en partie remédié. Les autorités et la presse lituaniennes ont particulièrement apprécié la position française sur la vocation de la Lituanie à adhérer à l'Union européenne et sur son droit de choisir librement son système de sécurité.

Le Ministre délégué au Commerce extérieur, M. François Loos, vient d'effectuer un déplacement à Vilnius le 26 septembre dernier, ce qui favorisera la poursuite du développement des échanges commerciaux franco-lituaniens. Ces derniers sont en très forte expansion (+42,5%) et viennent d'atteindre un nouveau record à 607 millions d'euros.

Les exportations ont certes encore progressé de 25,7%, mais des importations exceptionnelles de produits pétroliers, 142 millions d'euros contre 15 millions d'euros l'année dernière, expliquent en grande partie ce phénomène. Les importations concernent principalement des achats d'engrais, de fils électriques ou des produits de confection, des meubles, des composants électroniques. La Lituanie devient ainsi le 84ème client (86ème en 2000) et le 65ème fournisseur (69ème en 2000) de la France. Dans ces conditions, le déficit commercial s'accroît, s'inscrivant à 132 millions d'euros.

Il reste que les investissements directs français en Lituanie sont faibles. La France n'occupe que la 15ème place avec seulement 1% des investissements directs étrangers, les premiers investisseurs étant les Nordiques, l'Allemagne et les Etats-Unis. Les grands groupes français ont eu tendance jusqu'à présent à juger le marché lituanien trop étroit et leur stratégie a été de se concentrer plutôt sur les grands pays d'Europe centrale, mais cette situation évolue.

En raison de la modestie des moyens, la coopération franco-lituanienne est centrée sur son adhésion à l'Union européenne, et s'articule autour de la reprise de l'acquis communautaire, et de la formation des cadres actuels et futurs du pays.

La Lituanie est très attachée à sa relation avec la France par tradition historique. Concernant la défense du français, un effort particulier est fourni envers les fonctionnaires. La Lituanie a adhéré à l'organisation intergouvernementale de la Francophonie en qualité d'observateur.

3) Une adhésion de la Lituanie à l'Union européenne prévue pour 2004

La Lituanie s'est donné pour objectif d'adhérer à l'Union européenne le 1er janvier 2004. Les négociations d'adhésion ont été ouvertes le 15 février 2000: 28 chapitres sont déjà provisoirement clos, ce qui place la Lituanie en tête des pays candidats (avec Chypre, l'Estonie et la Slovénie).

Le Traité de Nice a procédé à un décrochage favorable à la Lituanie par rapport aux deux autres Etats baltes, essentiellement pour des raisons démographiques (3,7 millions d'habitants).

Deux problèmes sont en cours de solution : la fermeture de la centrale nucléaire d'Ignalina, pour laquelle l'Union européenne fournira un soutien financier additionnel après l'adhésion de la Lituanie, et la question de la traçabilité de la viande, car, en matière vétérinaire et phytosanitaire, si des progrès législatifs ont été accomplis, la situation réelle demeure préoccupante.

C - Des relations franco-estoniennes en progrès

1) Une situation intérieure caractérisée par la nécessaire intégration de la minorité russe

Reconnue comme Etat indépendant à partir de 1918, l'Estonie, comme les deux autres Etats baltes, a été envahie par les Soviétiques en 1940 à la suite du Pacte Molotov-Ribbentrop, puis intégrée de force à l'URSS. Ayant recouvré son indépendance en 1991. Depuis lors, elle s'est rapidement constituée en démocratie parlementaire et en économie de marché. La Constitution de 1992 a instauré une démocratie parlementaire.

Les dernières élections législatives de 1999 ont donné la victoire au Parti du Centre de M. Savisaar. Le Président est élu par le Parlement. Il a compétence en matière internationale et de défense. C'est M. Arnold Ruutel, ancien chef du Praesidium de l'Estonie soviétique, mais qui a conduit le retour du pays à l'indépendance qui préside l'Estonie depuis le 21 septembre 2001. Il a réaffirmé les priorités internationales de son pays (adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN), tout en exprimant ses préoccupations sur la situation sociale.

La présence sur le sol estonien d'une importante minorité russophone (23% de la population), essentiellement dans le nord-est du pays, résultat des mouvements de population provoqués pendant la période soviétique, est un défi posé à la société estonienne. La Russie se montre très attentive au sort de cette population même si celle-ci est en baisse constante en raison des naturalisations, des décès et des départs. Un programme national a été mis en place pour 2000-2007: il vise à l'intégration linguistique, politique et socio-économique des minorités. Il est axé principalement sur l'apprentissage de l'estonien, le soutien aux ONG et la promotion des programmes sur l'intégration dans les médias.

L'Estonie a réussi son passage d'une économie centralisée à une véritable économie de marché viable et performante. Aujourd'hui 85% du PIB est réalisé par le secteur privé. L'économie se caractérise par une grande ouverture (le commerce extérieur représente 150% du PIB). Cette stabilité macroéconomique repose sur une inflation maîtrisée, un secteur bancaire solide, une monnaie stable, des finances publiques saines et un faible endettement.

Après la croissance record au sein des PECO de 6,9% en 2000, la progression du PIB en 2001 atteint 5,4%, soit 6,1milliards d'euros. Vulnérable aux chocs externes, l'Estonie a vu l'année dernière ses exportations déprimées par le ralentissement des marchés européens, en particulier des pays nordiques (finlandais et suédois). Cette position économique favorable a été rendue possible par la rapidité des réformes structurelles et par la conduite d'une politique macroéconomique prudente et rigoureuse.

2) Des relations bilatérales de bonne qualité

Les relations bilatérales franco-estoniennes ont été rétablies après le retour à l'indépendance, pour connaître depuis lors un progrès constant. Le développement des échanges commerciaux est rapide ces dernières années.

Les relations politiques sont de bonne qualité et les contacts de haut niveau entre les deux pays sont réguliers. La visite d'Etat du Président de la République Jacques Chirac le 28 juillet a été appréciée en raison du discours du chef de l'Etat sur la vocation des pays baltes à adhérer à l'Union européenne et sur leur droit de choisir librement leur système de sécurité.

Les relations commerciales sont encore modestes, même si elles ont enregistré une forte progression en 2000 et 2001. Les investissements français demeurent limités, mais pourraient se développer compte tenu de la politique fiscale. Malgré l'échec des sociétés françaises sur les dossiers de privatisation, des perspectives existent dans le secteur des transports ferroviaires et le domaine énergétique. La rénovation en cours des deux centrales électriques de Narva pourrait intéresser les entreprises françaises.

Les relations de coopération sont dynamiques, mais la modestie des moyens conduit à se concentrer sur l'appui au processus d'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne (jumelages institutionnels, réforme de l'administration publique, formation des fonctionnaires), la promotion de l'expertise française (police, justice, affaires sociales, agriculture) et la formation d'une élite francophone

3) Vers la conclusion des négociations d'adhésion de l'Estonie à l'Union européenne

Le dernier rapport de progrès 2001 de la Commission avait souligné que l'Estonie remplissait les critères politiques de Copenhague et qu'elle avait une économie de marché viable, en revanche, ses capacités administratives restent faibles. Sur l'agriculture, des efforts considérables doivent encore être consentis, en particulier dans le domaine vétérinaire. Il lui faudra relever les normes de qualité dans l'industrie alimentaire au niveau de celles de l'Union européenne ce qui demeure un défi majeur.

Ouvertes en mars 1998, les négociations d'adhésion touchent à leur fin. L'Estonie devrait donc sans surprise figurer dans la liste des candidats « prêts » à conclure au Conseil européen de Copenhague (11-12 décembre 2002).

CONCLUSION

La France n'est pas le seul pays à avoir passé des accords concernant les légations des Etats baltes.

La République de Lettonie a passé des accords avec la Confédération helvétique, la Finlande, l'Estonie, l'Allemagne, la Lituanie et la Pologne. Un acte de vente a été signé avec Berne en 1994, par lequel la Lettonie a obtenu une compensation financière. La Lituanie et l'Estonie ont passé des accords semblables avec la Suisse.

Ces accords sont importants car ils ont un caractère hautement symbolique au regard du passé et resserrent les liens de la France avec les trois Etats baltes qui entreront très prochainement dans l'Union européenne. Ils ont été très attendus par les pays Baltes qui ont beaucoup souffert de leur annexion. Il est souhaitable qu'ils soient examinés le plus rapidement possible en séance publique d'autant qu'en l'absence de procédure de ratification parlementaire dans les pays baltes, la signature des accords vaut ratification.

Votre Rapporteur ne peut que préconiser l'adoption de ces trois projets de loi approuvant ces instruments.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 novembre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Gilbert Gantier a souhaité savoir si des circonstances comparables avaient concerné les immeubles affectés aux représentations diplomatiques des Etats baltes en Grande-Bretagne au moment de l'annexion de ces pays. Il s'est étonné que soit posé le problème de l'ambassade de France à Moscou, un échange de terrains entre la France et la Russie ayant eu lieu il y a plusieurs années pour construire la chancellerie française à Moscou et la chancellerie russe à Paris, boulevard des Maréchaux.

M. Edouard Balladur a rappelé que la France avait été détentrice de l'or des pays baltes et qu'elle l'avait restitué dès leur indépendance.

Mme Martine Aurillac a demandé si les Parlements respectifs des trois Etats baltes avaient déjà ratifié les accords.

M. Jean-Jacques Guillet a fait observer que si, en août 1940, les Allemands avaient autorisé l'URSS à occuper les immeubles des légations baltes à Paris, la situation était certainement différente en Grande-Bretagne.

M. Bernard Schreiner a souligné que ces accords confirmaient les déclarations faites l'année dernière par le Président de la République, lors de sa visite dans ces pays.

Répondant à ces intervenants, M. Michel Destot a précisé que les Etats baltes n'avaient pas encore signé d'accords sur leurs légations avec tous les pays concernés, notamment la Grande-Bretagne. Il a indiqué que l'échange proposé par la France ne portait pas sur l'immeuble de la chancellerie française à Moscou mais sur la résidence de l'Ambassadeur de France, la Maison Igoumnov.

Selon lui, les parlements des Pays baltes n'ont pas à ratifier ces accords, car cette procédure n'existe pas dans ces pays. Il suffit d'un accord du Conseil des ministres.

Le Rapporteur a précisé que la Lettonie et la Lituanie avaient déposé 3245 kilos d'or à la Banque de France en 1939 et que, dès l'indépendance de ces Etats, en effet, ce dépôt avait été restitué.

Il a jugé positif le voyage du Président de la République dans les Pays baltes, qui ont apprécié ses déclarations appuyant leur entrée dans l'Union européenne.

Le Président Edouard Balladur a constaté qu'il n'y avait aucun motif justifiant que l'on attende l'accord avec les Russes pour ratifier les trois accords avec les Etats baltes. En effet, même si les négociations avec la Russie devaient prendre plusieurs années, la France demeure propriétaire des immeubles à Paris et le gouvernement russe en est le locataire. Parallèlement, la France est locataire de la Russie pour sa résidence à Moscou. La situation est juridiquement claire.

M. Michel Destot a exprimé le même avis en insistant pour que les projets de loi viennent le plus rapidement possible en séance publique, car la nouvelle ambassade de Lituanie sera inaugurée le 15 novembre 2002 par le Président Valdas Adamkus.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 150, 151 et 152).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (nos 150, 151 et 152).

ANNEXE : ETUDES D'IMPACT

 

N° 0372 - Rapport sur les projets de loi relatifs aux  immeubles des légations baltes à Paris : Lettonie, Lituanie, Estonie (M. Michel Destot)

( Voir les études d'impact en annexe


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