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le 16 décembre 2002

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N° 456

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 238), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage,

PAR M. MARC REYMANN,

Député

--

Traités et conventions

Mesdames, Messieurs,

Le présent accord a été signé le 12 juin 2001. Il est relatif à la construction et à l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes (l'Etat français et l'Etat allemand) n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage.

En application de l'accord du 30 janvier 1953 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux ponts fixes et bacs sur le Rhin à la frontière franco-allemande, la construction de ponts sur le Rhin relève de la compétence des Etats.

L'Accord du 23 janvier 1996 (dit Accord de Karslruhe) conclu entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse, agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura, sur la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales et organismes publics locaux instaurait bien une coopération transfrontalière entre ces deux entités, mais il n'affectait pas l'Accord de 1953, dont l'objet est différent, et ne s'appliquait pas à la coopération transfrontalière entre les Etats souverains, comme le stipule le paragraphe 6 de l'article 2.

Cette situation ne permettait pas aux collectivités locales de la région Alsace d'exercer les compétences qui leur sont conférées par l'article L 1112-1 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.

Or le développement démographique et économique de l'Alsace a peu à peu rendu insuffisant le nombre des franchissements sur le Rhin existants entre Bâle et Karlsruhe. L'interdistance entre les ponts est apparue comme un handicap pour le développement des échanges entre les deux rives du Rhin. Pour remédier à cette situation, le contrat de plan Etat-Région 2001-2006, dans sa partie territoriale, a prévu d'améliorer l'accessibilité par la mise à niveau des infrastructures et de renforcer les liens avec les régions limitrophes. Dans le cadre de la coopération transfrontalière dans le bassin rhénan, les collectivités territoriales d'Alsace et du Bade-Wurtemberg ont ainsi lancé plusieurs projets de construction de ponts et passerelles sur le Rhin (une passerelle pour piétons et cyclistes entre Huningue et Weil-am-Rhein, un pont entre Fessenheim et Hartheim, une passerelle pour piétons et cyclistes entre Strasbourg et Kehl).

Pour que ces collectivités territoriales et/ou leurs groupements puissent construire des ouvrages d'art sur le Rhin, les Etats devaient donc signer un accord déterminant les principes et le cadre juridique nécessaires à la réalisation de ces projets locaux. C'est aujourd'hui chose faite avec le texte qui nous est soumis.

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Selon l'article 1er, le texte ne concerne que la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin en liaison avec des voies publiques en dehors du réseau des autoroutes et des routes nationales en France, et en liaison avec des voies publiques en dehors du réseau des routes fédérales de grande communication en République fédérale d'Allemagne. Il ne s'applique qu'aux ponts dont la maîtrise d'ouvrage n'est pas assurée par les Parties contractantes, c'est-à-dire l'Etat français et l'Etat allemand.

L'article 2 est consacré à la définition des termes importants contenus dans l'accord. Par exemple, les voies publiques en dehors du réseau des routes fédérales de grande communication en République fédérale d'Allemagne sont les routes à la charge des Länder, des circonscriptions, des communes et tout autre chemin public. En France, les voies publiques en dehors du réseau des autoroutes et des routes nationales sont toutes les voies publiques à la charge des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Toute construction d'un pont frontière doit être autorisée par un accord signé entre les Parties contractantes ; celui-ci peut prendre la forme d'un échange de notes (article 3).

Selon l'article 4, les dispositions concernant le programme, les travaux de construction, le financement, l'entretien et, le cas échéant, l'exploitation du pont frontière sont définies par un acte juridique adopté par la ou les instances compétentes concernées définies à l'article 2, c'est-à-dire les collectivités territoriales, leurs groupements, toutes personnes morales autres que les Parties contractantes. Cet acte juridique peut prendre la forme d'une délibération, d'une convention ou d'un contrat. Le droit applicable à la construction, à la gestion administrative, à l'entretien et, le cas échéant, à l'exploitation du pont frontière est celui de la Partie contractante dont relève l'instance compétente qui en est chargée. Pour la ventilation des coûts entre les instances compétentes conformément à l'acte juridique, il n'est pas tenu compte de la taxe allemande sur le chiffre d'affaires ou de la taxe française sur la valeur ajoutée, comprise dans les coûts. C'est l'instance allemande compétente qui supporte seule la taxe allemande sur le chiffre d'affaires comprise dans les coûts et l'instance française compétente qui supporte seule la TVA française comprise dans les coûts.

L'article 5 stipule qu'un groupe de travail franco-allemand est créé par les instances compétentes pour chaque projet de construction d'un pont frontière. Son rôle est consultatif en matière de financement, de travaux de construction, d'équipements annexes et d'entretien du pont frontière. Il formule des propositions aux instances compétentes pour l'emplacement, les dimensions et les caractéristiques du pont frontière, les travaux de construction, les paiements et les conditions de ceux-ci, les principes relatifs à l'entretien de l'ouvrage et des équipements annexes.

Selon l'article 6, le maître d'ouvrage met gratuitement à la disposition des instances compétentes le dossier technique existant relatif à la construction du pont frontière, et en particulier les relevés topographiques et les expertises relatives aux terrains.

La Conférence du Rhin supérieur doit être informée par les instances compétentes de chacun des projets de construction de pont (article 7). Votre Rapporteur vous propose une courte présentation de cet organisme et de ses missions dans la suite de son rapport.

C'est l'article 8 qui fixe les conditions d'accès aux territoires nationaux français et allemand des ressortissants étrangers participant à la construction, à l'entretien, à l'exploitation et au contrôle des ponts frontières. Cet accès se fait à condition d'être porteur des documents requis aux termes des législations des Parties contractantes concernées, l'obligation de visa et de permis de séjour étant fonction de l'Etat d'origine. L'accord prévoit également que, lors de la construction, l'Etat dont dépend l'instance compétente délivre aux travailleurs étrangers l'ensemble des permis de travail. Enfin, il comprend une clause de réadmission immédiate des personnes qui auraient violé les dispositions précédentes.

L'article 9 stipule que, pour l'application des dispositions relatives aux impôts indirects sur les livraisons de matériel et les services, la limite territoriale est constituée par le milieu du pont frontière. En matière fiscale et douanière, s'appliquent aux opérations de construction et d'entretien des ponts frontières les dispositions de la convention du 21 juillet 1959 conclue entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières (ensemble un protocole et un échange de lettres) telle que modifiée par des avenants du 9 juin 1969 et du 28 septembre 1989 et compte tenu des avenants ultérieurs éventuels amendant cette convention.

Selon l'article 10, une annexe au présent accord, qui en fait partie intégrante, précise les conditions relatives à la communication et à l'utilisation des données à caractère personnel.

Les éventuels différends relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent accord seront réglés par voie diplomatique (article 11).

Le présent accord est conclu pour une durée indéterminée (article 12) et entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification.

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La Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur a été créée par un échange de lettres signé à Bonn le 22 octobre 1975.

En fait, cet échange de lettres créait la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse et deux comités régionaux qui ont fusionné ultérieurement sous la dénomination de Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur. Il était destiné à faciliter l'étude et la solution des problèmes de voisinage dans différents domaines de la compétence des Etats ou des collectivités territoriales.

Ce dispositif a ensuite été modifié par l'accord conclu à Bâle le 21 septembre 2000, rendu nécessaire pour les raisons suivantes :

- élargissement du champ géographique de la Commission et de la Conférence du Rhin supérieur, pour l'Allemagne, au Landkreise Waldshut (Bade-Wurtemberg) et, pour la Suisse, à trois autres cantons (Argovie, Jura et Soleure) ;

- formalisation de l'existence de la Conférence du Rhin supérieur qui n'avait pas de fondement juridique ;

- renforcement du rôle de la Conférence du Rhin supérieur qui est le vrai moteur de la coopération transfrontalière. La Commission intergouvernementale ne sera saisie que lorsque les problèmes ne pourront pas être réglés localement. Ces problèmes concernent tous les domaines, sans limitation, de la compétence de l'Etat ou des collectivités territoriales.

Les régions frontalières concernées par l'accord du 21 septembre 2000 sont comprises dans le champ géographique suivant :

- pour la France, la région Alsace ;

- pour la Suisse, les cantons de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie, du Jura et de Soleure ;

- pour l'Allemagne, dans le Land de Bade-Wurtemberg, le territoire des régions Mittlerer Oberrhein, Südlicher Oberrhein et les Landkreise Lörrach et Waldshut ; dans le Land de Rénanie-Palatinat, dans la région Palatinat rhénan, l'espace Palatinat-Sud avec les Landkreise Südliche Weinstrasse et Germersheim, ainsi que la ville indépendante de Landau in der Pfalz, et, dans la région Palatinat-Ouest, le groupement communal de Dahner Felsenland.

La Commission formule des recommandations à l'intention des Gouvernements et elle peut éventuellement préparer des projets d'accords. Elle se réunit alternativement dans l'un des trois pays. La seizième réunion a eu lieu à Bâle le 21 septembre 2000, la dix-septième se tiendra en France à une date qui n'est pas encore arrêtée.

Cette Commission est également chargée du suivi de l'application de l'accord conclu à Karlsruhe le 23 janvier 1996 entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux.

Le chef de la délégation française aux réunions de la Commission est le Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales au ministère des Affaires étrangères.

S'agissant plus spécifiquement de la Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur, elle est en amont de tous les problèmes de la coopération transfrontalière, de l'Etat ou des collectivités territoriales. Elle comprend différents groupes de travail qui se réunissent plusieurs fois par an (transports, économie, environnement, santé, aménagement du territoire, culture, drogue, éducation et formation). Ces activités sont coordonnées par un secrétariat commun.

Les délégations de la Conférence sont présidées par le préfet de la région Alsace pour la France et, pour l'Allemagne, alternativement par les Regierungspräsidenten de Neustadt an der Weinstrasse, Karlsruhe ou Fribourg. Pour la Suisse, par un Conseiller d'Etat de Bâle-Ville ou de Bâle-Campagne. La vingt-cinquième séance plénière de la Conférence du Rhin supérieur aura lieu le 9 décembre 2002 à Strasbourg.

La composition des délégations a progressivement évolué depuis 1975 puisque les collectivités territoriales françaises sont à présent représentées au sein de la délégation française. En outre, l'accord du 21 septembre 2000 prévoit que des membres de la Conférence du Rhin supérieur feront également partie des délégations à la Commission intergouvernementale.

Un secrétariat commun à la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse et à la Conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur a été mis en place le 6 mars 1996. C'est une structure tripartite qui comprend un représentant de chaque pays (France, Allemagne, Suisse). Il est installé à Kehl. Ses frais de fonctionnement sont cofinancés par des crédits européens INTERREG.

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Au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT

- Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances

En application de l'Accord du 30 janvier 1953 relatif aux ponts fixes et bacs sur le Rhin à la frontière franco-allemande, la construction de ponts sur le Rhin relève de la compétence des Etats.

L'Accord du 23 janvier 1996 dit « Accord de Karlsruhe », conclu entre les Gouvernements français, allemand, luxembourgeois et le Conseil fédéral suisse, agissant au nom des cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura, instaurait bien une coopération transfrontalière entre collectivités territoriales et organismes publics locaux, mais il n'affectait pas l'Accord de 1953, dont l'objet est différent, et ne s'appliquait pas à la coopération transfrontalière entre les Etats souverains (article 2 paragraphe 6).

Cette situation ne permettait pas aux collectivités locales de la région Alsace d'exercer les compétences qui leur sont conférées par l'article L 1112-1 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France.

Or, le développement démographique et économique de l'Alsace, région frontalière, rendaient insuffisant le nombre des franchissements sur le Rhin existants entre Bâle et Karlsruhe, limité à dix. L'interdistance entre les ponts apparaissait comme un handicap pour le développement des échanges entre les deux rives du Rhin. Face à ce déficit, le contrat de plan Etat-Région 2001-2006, dans sa partie territoriale, a prévu d'améliorer l'accessibilité par la mise à niveau des infrastructures et de renforcer les liens avec les régions limitrophes.

Pour que ces collectivités territoriales et/ou leurs groupements puissent construire des ouvrages d'art sur le Rhin, les Etats devaient donc signer un accord déterminant les principes et le cadre juridique nécessaires à la réalisation de ces projets locaux.

- Bénéfices escomptés en matière

*d'emploi

L'amélioration des conditions de franchissement permettra d'élargir et de stimuler l'activité économique transfrontalière pour les entreprises françaises et allemandes, ce qui pourrait être à terme créateur d'emplois. La rationalisation des traversées rhénanes renforcera les relations entre les deux rives du Rhin, facteur important pour leur dynamisme et leur développement futur.

Par ailleurs, elle permettra une extension de l'aire géographique à l'intérieur de laquelle l'adéquation habitat-emploi pourra être plus facilement réalisée. La contribution de ces futurs ouvrages à la fluidité du marché du travail est cependant impossible à quantifier aujourd'hui.

Enfin, les échanges de proximité, les activités commerciales, touristiques et de loisirs bénéficieront aussi de ces nouveaux liens, avec des conséquences potentiellement bénéfiques sur l'emploi.

* d'intérêt general

Ces ouvrages offriront aux usagers de nouvelles liaisons rapides et fiables. La réduction des distances à parcourir, les gains de temps seront sensibles pour une fraction notable de travailleurs transfrontaliers, les cyclistes et les touristes.

Outre l'amélioration des conditions de vie des habitants, les ouvrages envisagés qui visent à renforcer la cohésion territoriale avec une attention particulière pour la protection de l'environnement, constituent un symbole et valorise la dimension européenne des deux régions concernées.

* financière

Impossible à évaluer

* de simplification des formalités administratives

L'Accord précise les dispositions qui devront être contenues par l'acte juridique adopté par les instances compétentes ainsi que la procédure de confirmation de ces dispositions par un accord entre les gouvernements.

L'objet premier de cet accord est ainsi de simplifier la procédure administrative et de réduire considérablement les temps d'approbation et de lancement des projets. Il allégera également la charge incombant aux administrations nationales des deux Etats qui n'auront plus à conduire les négociations d'accords internationaux imposés par l'Accord de 1953 pour tous les ouvrages sur le Rhin, mais n'auront plus qu'à vérifier l'application du nouvel accord.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

Dès qu'un accord sera conclu entre des collectivités territoriales, il sera validé par un échange de note entre les Parties contractantes pour acquérir toute sa validité juridique.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 4 décembre 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 238).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 238).

N° 0456 - Rapport sur l'accord France-Allemagne sur l'entretien de ponts frontières sur le Rhin (M. Marc Reymann)


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