Document mis en distribution le 21 janvier 2002 N° 525 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2003. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT (n° 513), relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants . PAR M. RICHARD DELL'AGNOLA, Député. -- Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture : 194, 235 et TA 31. 2e lecture : 513. Sénat : 11, 93 et TA 43 (2002-2003). Sécurité routière. MESDAMES, MESSIEURS, Adoptée par l'Assemblée nationale le 8 octobre dernier, la proposition de loi relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants revient aujourd'hui devant notre assemblée, après avoir été examinée en première lecture par le Sénat le 19 décembre dernier. Déposée par votre rapporteur et plusieurs de ses collègues, inscrite à la demande du groupe UMP à l'ordre du jour de la séance mensuelle d'initiative parlementaire, cette proposition tend à compléter le chapitre V du titre III du livre II du code de la route, consacré à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants, qui comporte aujourd'hui un article unique, l'article L. 235-1, relatif au dépistage de stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans des accidents mortels ou corporels. Largement inspirée des dispositions sanctionnant la conduite sous l'influence de l'alcool, elle institue un délit spécifique de conduite après usage de stupéfiants et étend les hypothèses de dépistage de ces produits. A ce stade de la navette, le Sénat a adopté sans modification l'article 2 bis, qui modifie l'article L. 211-6 du code des assurances afin d'interdire toute clause stipulant la déchéance de la garantie en cas de condamnation pour conduite après usage de stupéfiants. Il a également confirmé la suppression de l'article 3, relatif à la compensation des dépenses induites par l'application de la proposition de loi. En revanche, il a donné une nouvelle rédaction à l'article 1er et supprimé l'article 2. Le fait que ces dispositions restent en discussion ne signifie pourtant pas l'existence d'une divergence de fond entre les deux assemblées, le Sénat ayant pleinement souscrit à l'objectif de la proposition de loi. De fait, le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis reprend largement les dispositions adoptées par notre assemblée en première lecture, le Sénat ayant souhaité les réorganiser afin d'assurer une meilleure lisibilité du dispositif. De surcroît, les modifications apportées au fond recueillent notre approbation. Elles concernent pour l'essentiel : les modalités de dépistage des stupéfiants, en cas d'accident corporel et lorsque celui-ci est laissé à l'appréciation des forces de l'ordre (art. L. 235-2) ; l'aggravation des sanctions en cas de conduite après usage de stupéfiants et sous l'empire d'un état alcoolique (art. L. 235-1) ; la nature des peines complémentaires encourues lorsque la personne refuse de se soumettre aux vérifications (art. L. 235-3) ; la suppression des dispositions relatives à l'obligation d'examen médical, biologique et psychotechnique avant la délivrance du permis de conduire lorsque celui-ci a été annulé (art. L. 235-3 et L. 235-4). * * * En première lecture, l'Assemblée nationale avait modifié l'article L. 235-1 du code de la route, afin de rendre systématique le dépistage de stupéfiants en cas d'accident corporel, de prévoir la conservation d'un échantillon des prélèvements effectués et de supprimer les dispositions relatives aux peines complémentaires encourues par la personne qui refuserait de se soumettre aux examens médicaux prévus dans cet article, celles-ci étant reprises par ailleurs (art. 2 de la proposition de loi). Par ailleurs, elle avait créé (art. 1er) trois nouveaux articles destinés à prendre place après l'article L. 235-1 : - l'article L. 235-2 créait le délit de conduite ou d'accompagnement d'un élève conducteur après usage de stupéfiants, puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende ; il prévoyait la possibilité de prescrire l'immobilisation du véhicule ainsi que la réduction de plein droit de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire et précisait les sanctions encourues en cas d'homicides ou blessures involontaires, lorsque la personne avait conduit ou accompagné un élève conducteur après usage de stupéfiants ou avait refusé de se soumettre aux vérifications auxquelles il est procédé en cas d'accident mortel ou corporel ; - l'article L. 235-3 précisait les peines complémentaires encourues en cas de commission de l'une de ces infractions, en cas de récidive ou de commission simultanée d'homicides ou blessures involontaires ; dans ces deux dernières hypothèses, il était prévu l'annulation, de plein droit, du permis de conduire, l'intéressé devant effectuer à ses frais un examen médical, biologique et psychotechnique le déclarant apte à la conduite avant la délivrance d'un nouveau permis ; - l'article L. 235-4 ouvrait aux forces de l'ordre la possibilité de soumettre une personne, même en l'absence de toute infraction préalable ou d'accident, à des épreuves de dépistage s'il existait à son encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle avait commis l'infraction de conduite après usage de stupéfiants. Il prévoyait les sanctions encourues en cas de refus de se soumettre à ces vérifications et la réduction de moitié du nombre de points initial du permis de conduire. Sur proposition de son rapporteur, le Sénat a réécrit dans l'article 1er l'ensemble du chapitre du code de la route relatif à la conduite sous l'influence de stupéfiants ; par coordination, il a supprimé l'article 2, l'article L. 235-1 faisant désormais l'objet d'une nouvelle rédaction dans l'article 1er. Aux termes des modifications apportées par le Sénat, le chapitre du code de la route consacré à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants comporte désormais les articles L. 235-1 à L. 235-5. _ Dans son premier paragraphe, l'article L. 235-1 du code de la route définit, dans des termes identiques à ceux retenus par l'Assemblée nationale, le délit de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (1). En outre, le Sénat a fort opportunément complété ce dispositif en prévoyant une aggravation des peines - trois ans d'emprisonnement et 9 000 € d'amende - lorsque la personne conduit ou accompagne un élève conducteur après avoir fait usage de stupéfiants et sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du présent code, le rapporteur de la commission des Lois du Sénat ayant souligné la convergence des études scientifiques pour montrer que le mélange d'alcool et de stupéfiants a des effets extrêmement nocifs sur la conduite automobile (2). Le deuxième paragraphe reprend les peines complémentaires encourues, telles qu'elles ont été définies par l'Assemblée nationale dans le I de l'article L. 235-3 : suspension du permis de conduire pour une durée maximale de trois ans, sans possibilité de sursis, fût-il partiel, mais avec possibilité de limiter la suspension à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; peine de jours-amende ; peine de travail d'intérêt général ; annulation du permis avec interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau pendant trois ans. Sur ce dernier point, le Sénat n'a pas repris les dispositions introduites par l'Assemblée nationale, subordonnant la délivrance d'un nouveau permis à la réalisation, aux frais de l'intéressé, d'un examen médical, biologique et psychotechnique le déclarant apte à la conduite (dernière phrase du 2° du I de l'art. L. 235-3). Le rapporteur du Sénat a, en effet, jugé cette disposition redondante avec l'article L. 224-14 du code de la route, qui prévoit qu'« en cas d'annulation du permis de conduire prononcée en application du présent code, l'intéressé ne peut solliciter un nouveau permis sans avoir été reconnu apte après un examen médical et psychotechnique effectué à ses frais ». Comme le caractère biologique de cet examen pourra, de surcroît, être précisé par voie de circulaire, la Commission a accepté cette modification. Respectivement prévues par l'Assemblée nationale dans les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 235-2, la possibilité de prescrire l'immobilisation du véhicule et la réduction de moitié du nombre de points initial du permis de conduire figurent désormais dans les deux derniers paragraphes de l'article L. 235-1. _ Figurant sous les articles L. 235-1 (dépistage en cas d'accidents mortels ou corporels) et L. 235-4 (dépistages dits aléatoires) dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, les hypothèses dans lesquelles il peut être procédé au dépistage de stupéfiants sur un conducteur ou l'accompagnateur d'un élève conducteur sont désormais regroupées dans un seul article du code de la route, l'article L. 235-2, qui distingue les dépistages systématiques de ceux laissés à l'appréciation des forces de l'ordre. Les officiers ou agents de police judiciaire seront ainsi tenus de procéder à ces dépistages : - en cas d'accident mortel de la circulation, ce qui est actuellement prévu dans l'article L. 235-1 du code de la route et que ne modifiait pas le texte adopté par l'Assemblée nationale ; - en cas d'accident corporel lorsqu'il existe à l'encontre de la personne « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a fait usage de stupéfiants ». Il s'agit d'une modification sensible par rapport au texte adopté par notre assemblée, qui avait prévu un dépistage systématique pour les conducteurs impliqués dans ce type d'accident (1° de l'art. 2). Le Sénat a justifié cette modification par la nécessité de tenir compte des difficultés matérielles rencontrées par les forces de l'ordre pour organiser le dépistage de tous les conducteurs susceptibles d'être concernés (3) et d'éviter de faire perdre sa crédibilité au texte en en rendant l'application trop malaisée ou trop coûteuse. Lors de l'examen de la proposition de loi par le Sénat, M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, a indiqué que les éléments objectifs conduisant à soupçonner la personne d'avoir fait usage de stupéfiants pourront être la présence sur le siège du véhicule de résidus de cannabis et d'objets divers pouvant servir à faciliter la consommation de stupéfiants, mais aussi le comportement de la personne, caractérisé par des signes cliniques externes, tels que des troubles de l'équilibre ou des difficultés d'élocution, que les forces de l'ordre savent déjà reconnaître dans le cadre d'enquêtes judiciaires mettant en cause des toxicomanes. En revanche, le dépistage sera facultatif sur le conducteur ou l'accompagnateur d'un élève conducteur impliqué dans un accident quelconque de la circulation ou qui est l'auteur présumé d'une des infractions au code de la route punies de la peine de suspension du permis de conduire ou relatives à la vitesse ou au port de la ceinture de sécurité ou du casque. Non prévues par l'Assemblée nationale, ces hypothèses de dépistage figurent également dans les dispositions du code de la route relatives à la conduite sous l'influence de l'alcool (art. L. 234-3). Enfin, le dépistage pourra également être pratiqué sur un conducteur ou l'accompagnateur d'un élève conducteur à l'encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a fait usage de stupéfiants. Cette dernière hypothèse reprend les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale dans le I de l'article L. 235-4. L'avant-dernier alinéa du nouvel article L. 235-2 du code de la route précise les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre font ensuite procéder aux vérifications : comme le prévoit aujourd'hui l'article L. 235-1 pour les accidents mortels et comme l'avait précisé l'Assemblée pour les dépistages prévus à l'article L. 235-4, ces vérifications seront obligatoires si le dépistage est positif ou si la personne refuse ou est dans l'impossibilité de les subir. S'inspirant de la rédaction actuelle de l'article L. 235-1, le Sénat a précisé que ces vérifications consistent en des analyses ou examens médicaux, cliniques ou biologiques « en vue d'établir si la personne conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants ». Enfin, il est renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les conditions d'application de cet article, ainsi que cela était prévu dans l'actuel article L. 235-1 et dans le II de l'article L. 235-4 tel qu'adopté par notre assemblée. Les jugeant de nature réglementaire, le Sénat n'a pas repris les dispositions relatives à la conservation des échantillons prévues par l'Assemblée dans les articles L. 235-4 (II) et L. 235-1, tel que modifié par le 2° de l'article 2 de la proposition de loi. _ L'article L. 235-3 du code de la route regroupe les dispositions relatives aux conséquences du refus de se soumettre aux vérifications prévues par l'article L. 235-2. Prévues dans le premier paragraphe, les peines principales encourues en cas de refus - deux ans d'emprisonnement et 4 500 € d'amende - sont identiques à celles retenues par l'Assemblée nationale en première lecture. En revanche, alors que l'Assemblée nationale, s'inspirant du dispositif relatif à la conduite sous l'influence de l'alcool (4), avait distingué les peines complémentaires encourues selon que le dépistage avait lieu de façon aléatoire ou à l'occasion d'un accident mortel ou corporel, le Sénat a prévu, dans le deuxième paragraphe de l'article L. 235-3, les mêmes peines complémentaires dans tous les cas de refus de se soumettre aux vérifications ; elles sont identiques à celles applicables en cas de conduite après usage de stupéfiants, prévues dans le II du nouvel article L. 235-1. Enfin, aux termes du dernier paragraphe de l'article L. 235-3, le refus de se soumettre aux vérifications entraîne de plein droit la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire, comme le prévoit l'actuel article L. 235-1 du code de la route en cas d'accident mortel ou corporel et comme l'avait également précisé l'Assemblée nationale en cas de refus de se soumettre aux vérifications entreprises dans le cadre de contrôles dits aléatoires. _ Composé de deux paragraphes, l'article L. 235-4 du code de la route rassemble les dispositions relatives à la récidive des infractions de conduite après usage de stupéfiants ou de refus de se soumettre aux vérifications. Son premier paragraphe précise ainsi la nature des peines complémentaires encourues - confiscation et immobilisation du véhicule - en reprenant les dispositions adoptées par l'Assemblée sur ce point, qui figuraient dans le II de l'article L. 235-3. Le deuxième paragraphe reprend les dispositions relatives à l'annulation du permis de conduire avec interdiction d'en solliciter un nouveau pendant une durée maximale de trois ans, prévues dans le premier alinéa du IV de l'article L. 235-3 adopté par notre assemblée, sans mention toutefois de la réalisation, avant la délivrance d'un nouveau permis, d'un examen médical, biologique et psychotechnique déclarant l'intéressé apte à la conduite. _ Enfin, l'article L. 235-5 du code de la route reprend, dans trois paragraphes, les dispositions relatives au cumul de l'infraction de conduite après usage de stupéfiants ou de refus de se soumettre aux vérifications avec les infractions d'homicide involontaire ou de blessures involontaires : doublement des peines prévues aux articles 221-6 et 222-19 du code pénal et application des peines prévues dans ce dernier article même si l'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne n'a pas entraîné une incapacité de travail pendant plus de trois mois (dernier alinéa de l'art. L. 235-2 dans le texte adopté par l'Assemblée) ; peines complémentaires de confiscation et d'immobilisation du véhicule (III de l'art. L. 235-3 du texte de l'Assemblée) ; annulation du permis de conduire et interdiction d'en solliciter la délivrance d'un nouveau pendant une durée de cinq ans (avant-dernier alinéa du IV de l'art. L. 235-3 du texte de l'Assemblée), sans mention toutefois de l'examen devant être réalisé avant la délivrance d'un nouveau permis. Ces modifications étant de nature à améliorer la lisibilité et l'application du dispositif de lutte contre la conduite après usage de stupéfiants, votre rapporteur a proposé à la Commission de souscrire aux modifications apportées par le Sénat en première lecture. Après l'exposé du rapporteur, la Commission a adopté sans modification l'article 1er (art. L. 235-1 à L. 235-5 du code de la route) et maintenu la suppression de l'article 2. Puis elle a adopté sans modification l'ensemble de la proposition de loi. * * * En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la légis-lation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification la proposition de loi (n° 513), modifiée par le Sénat, relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants. TABLEAU COMPARATIF ___
N° 0525 - Rapport sur la proposition de loi sur la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants (2ème lecture) (M. Richard Dell'Agnola) 1 () « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende. » 2 () Rapport n° 93 (session ordinaire de 2002-2003) fait par M. Lucien Lanier, au nom de la commission des Lois du Sénat. 3 () Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat fait état de 116 745 accidents corporels en 2001, ce qui entraînerait plus de 232 000 dépistages à effectuer si l'on retient l'hypothèse selon laquelle un accident concerne en moyenne deux véhicules. 4 () Les peines complémentaires n'y sont pas les mêmes, selon que la personne refuse de se soumettre aux vérifications prévues par les articles L. 234-4 à L. 234-6 du code de la route ou à celles faisant suite au dépistage prévu à l'article L.234-9 (art. L. 234-8 et L. 234-10 du code de la route). © Assemblée nationale |