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le 9 avril 2003

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N° 761

(1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er avril 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la bioéthique,

PAR M. Pierre-Louis FAGNIEZ,

Député.

--

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 

Première lecture (11e législ.) : 3166, 3528 et T.A. 763.

Deuxième lecture (12e législ.) : 593

Sénat :

Première lecture : 189 (2001-2002), 128 (2002-2003) et T.A. 63 (2002-2003).

Bioéthique.

INTRODUCTION 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

I.- AUDITION DES MINISTRES 15

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

III.- EXAMEN DES ARTICLES 37

TITRE IER(nouveau) : ÉTHIQUE ET BIOMÉDECINE 37

Article additionnel avant l'article 1er A (articles L. 1412-1 à L. 1412-4 du code de la santé publique) : Missions et statut du Comité consultatif national d'éthique 37

Article 1er A (nouveau) (articles L. 1125-2, L. 1244-8, L. 1251-1, L. 1418-1 à L. 1418-8 et L. 1419-1 du code de la santé publique) : Création de l'Agence de la biomédecine 37

Article 1er B (nouveau) : Conditions du transfert à l'Agence de la biomédecine de la gestion du fichier des donneurs volontaires de moelle osseuse 47

TITRE IER : DROITS DE LA PERSONNE ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES 48

Chapitre Ier [Suppression conforme de la division et de l'intitulé] 48

Article 1er C (nouveau) : Rapport sur l'information de la population en matière de bioéthique 48

Chapitre II : Examen des caractéristiques génétiques et identification d'une personne par ses empreintes génétiques 49

Article 2 (articles 16-10 du code civil et 226-25 et 226-26 du code pénal) : Conditions de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne 49

Article 3 (articles 16-11 du code civil et L. 1131-1 et L. 1131-3 du code de la santé publique) Conditions de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques 50

Article 3 bis (nouveau) (articles L. 1121-3, L. 1123-8, L. 1124-1 et L. 1124-4 du code de la santé publique) : Conditions d'exercice des recherches sur le corps humain 53

Article 4 (articles L. 1131-4, L. 1131-6, L. 1131-7 et L. 1132-6 du code de la santé publique) : Régime juridique des collections d'échantillons biologiques humains 55

TITRE II : DON ET UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN 56

Article additionnel avant l'article 5 (article L. 161-31 du code de la sécurité sociale) : Mention du refus de don d'organes sur la carte Vitale 56

Article 5 (articles L. 1211-1, L. 1211-2, L. 1211-4 et L. 1211-6 à L. 1211-9 du code de la santé publique) : Principes généraux du don et de l'utilisation des éléments et produits du corps humain 57

Article 6 (articles L. 1221-5, L. 1221-8 et L. 1221-12 du code de la santé publique) : Collecte, préparation et conservation du sang, de ses composants et des produits sanguins labiles 62

Article 7 (articles L. 1231-1, L. 1231-3 à L. 1231-5, L. 1232-1 à L. 1232-6, L. 1233-1 à L. 1233-3, L. 1235-1 à L. 1235-4, L. 1235-6 et L. 1235-7 du code de la santé publique) : Prélèvements d'organes 63

Article additionnel après l'article 7 (article L. 6111-1 du code de la santé publique) : Mission de prélèvement d'organes des établissements de santé 80

Article additionnel après l'article 7 (article L. 114-3 du code du service national: Information sur le don d'organes dans le cadre de l'appel de préparation à la défense 81

2ème partie du rappport

Article 8 (articles L. 1241-1, L. 1241-3, L. 1241-4, L. 1241-6, L. 1241-7, L. 1242-1 à L. 1242-3, L. 1243-1 à L. 1243-8, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1244-5 et L. 1245-1 à L. 1245-8 du code de la santé publique et article 38 du code des douanes) : Principes généraux applicables aux prélèvements de tissus ou de cellules et à la collecte de produits issus du corps humain

Article 8 bis (nouveau) (articles L. 1123-1, L. 1123-6 et L. 1123-7 du code de la santé publique) : Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB)

Article 9 (article L. 1251-2 du code de la santé publique) : Conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiquesArticle 10 (articles L. 1263-1, L. 1263-2, L. 1263-3 et L. 1263-4 du code de la santé publique) : Coordination

Article 11 (articles 511-3, 511-5, 511-5-1, 511-5-2, 511-7, 511-8, 511-8-1, 511-8-2 du code pénal) : Dispositions pénales pour les infractions relatives aux éléments et produits du corps humain

Article 12 bis A (nouveau)  : Rapport sur les mesures prises en matière de lutte contre le trafic d'organes

TITRE II  bis  (nouveau)  :  PROTECTION JURIDIQUE DES INVENTIONS BIOTECHNOLOGIQUES

Article 12 bis (articles L. 611-17 à L. 611-19 et L. 613-2-1 du code de la propriété intellectuelle) : Conditions de brevetabilité des éléments du corps humain

Article 12 ter (nouveau) (articles L. 613-15 et L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle) : Conditions de délivrance des licences d'exploitation

TITRE III : PRODUITS DE SANTÉ

TITRE IV : PROCRÉATION ET EMBRYOLOGIE

Chapitre Ier : Interdiction du clonage reproductif

Chapitre II : Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines

Chapitre III : Diagnostic prénatal et assistance médicale à la procréation

3ème partie du rapport

Chapitre IV : Recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires et fœtales humaines

Chapitre V : Dispositions pénales

TITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

4ème partie du rapport

TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXES 

Liste des personnes auditionnées

Glossaire

INTRODUCTION

Nous sommes arrivés à l'avant-dernière étape de la révision des trois lois bioéthiques de 1994 engagée il y a près de deux ans : la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

Le présent projet de loi relatif à la bioéthique, révisant ces trois lois, a été déposé à l'Assemblée Nationale le 20 juin 2001 par Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, au nom de M. Lionel Jospin, Premier ministre. Il avait alors déjà deux ans de retard par rapport à l'échéance de révision des lois fixée en 1994.

Le projet a été examiné par une commission spéciale présidée par M. Bernard Charles et dont M. Alain Claeys était le rapporteur. Il a été adopté en séance publique le 22 janvier 2002.

Le Sénat a examiné le projet de loi dont il était saisi en première lecture après l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 28, 29 et 30 janvier 2003. Il a discuté de 204 amendements, dont 74 amendements présentés au nom du gouvernement par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, qui modifient substantiellement le texte de l'Assemblée nationale et ont tous été adoptés.

Le Sénat n'a en conséquence adopté que 6 articles conformes : les articles 11 et 12 (Dispositions pénales pour les infractions relatives aux éléments et produits du corps humain), 23 (Prorogation des mandats des membres des comités d'experts autorisant le prélèvement de moelle osseuse sur mineur), 24 (Prorogation d'autorisations de prélèvements de moelle osseuse et de cellules hématopoïétiques), 25 (Dispositions transitoires relatives aux préparations de thérapie génique et cellulaire xénogénique) et 26 (Dispositions transitoires relatives aux activités de conservation et cession d'éléments du corps humain). Il a également maintenu la suppression de l'article 1er (Prohibition des discriminations en raison des caractéristiques génétiques) qui a été repris entre temps dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Le Sénat a introduit par voie d'amendement 12 articles additionnels : les articles 1 A (Création d'une Agence de la biomédecine), 1er B (Conditions du transfert à l'Agence de la biomédecine de la gestion du fichier des donneurs volontaires de moelle osseuse), 1er C (Rapport sur l'information de la population en matière de bioéthique), 3 bis (Conditions d'exercice des recherches sur le corps humain), 8 bis (Comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale), 12 bis A (Rapport sur les mesures prises en matière de lutte contre le trafic d'organes), 12 ter (Conditions de délivrance des licences d'exploitation), 15 bis (Rapport sur les initiatives françaises en faveur d'une législation internationale réprimant le clonage reproductif), 19 bis (Rapports en vue d'une évaluation des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires), 21 bis A (Interdiction de la provocation dans un but de clonage reproductif et de la propagande en faveur du clonage reproductif ou de l'eugénisme), 21 bis B (Extension des cas de dissolution civile susceptibles de frapper les mouvements sectaires) et 30 (Renouvellement du mandat des membres du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage).

Enfin, le Sénat a supprimé 4 articles : les articles 9 (Conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiques en matière d'utilisation des éléments et produits du corps humain), 18 bis (Dispositions permettant d'assurer la filiation et les droits successoraux de l'enfant né d'un transfert d'embryon réalisé après le décès du père), 21 bis (Rapport sur les initiatives françaises en faveur d'une législation internationale réprimant le clonage reproductif) et 29 (Conditions de révision de la loi et évaluation de son application).

Sur les 43 articles du texte, 37 articles restent donc en discussion au stade de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale, soit les 9/10ème du projet de loi.

Les six questions majeures abordées par le projet de loi sont : la création de l'Agence de la biomédecine, la modification du droit relatif aux dons et greffes d'organes, les conditions de la brevetabilité du vivant, les modifications apportées au régime juridique de l'assistance médicale à la procréation (AMP), les possibilités de recherches sur les embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental et l'interdiction du clonage.

 Un amendement du gouvernement adopté par le Sénat est à l'origine de la création de l'Agence de la biomédecine.

Il s'agit de constituer un nouvel établissement public de l'Etat, se substituant à l'Etablissement français des greffes (EFG) ainsi qu'à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP), et reprenant les missions confiées par l'Assemblée nationale en première lecture à une Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH) qui est ainsi « mort-née ».

Cette nouvelle agence sanitaire, placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé, aura vocation à terme, selon les souhaits exprimés par le gouvernement, de regrouper les neuf agences sanitaires aujourd'hui existantes, cela sans pour autant devenir « une usine à gaz ». Il s'agit donc d'une initiative tout à fait cohérente avec la politique de simplification administrative engagée par l'actuelle majorité.

La commission a adopté deux amendements majeurs du rapporteur concernant l'agence. Le premier complète ses missions afin de consolider son rôle, en lui confiant notamment le soin de :

- promouvoir une démarche d'amélioration de la qualité et de la sécurité sanitaire et d'incitation à la recherche scientifique dans les domaines de la greffe et de la reproduction ;

- mettre en œuvre un suivi de l'état de santé des donneurs d'ovocytes ;

- autoriser les établissements qui préparent, conservent, distribuent et cèdent des tissus et des préparations de thérapie cellulaire, à la place de l'AFSSAPS, car il s'agit d'opérations assimilées aux greffes plutôt que de produits de santé ;

- rendre compte, dans son rapport public annuel, des éventuels trafics d'organes.

Le deuxième supprime, dans un souci de maîtrise des dépenses publiques, la création d'un corps d'inspecteurs spécifiques à l'agence, compte tenu de l'excellence des compétences disponibles en la matière au niveau des autorités de l'Etat. Ce corps d'inspection au sein de l'agence n'aurait en effet pas une « taille critique » suffisante pour pouvoir opérer des contrôles efficaces.

2° En ce qui concerne le don et la greffe d'organes, M. Jean-Michel Dubernard, lors d'une audition en 2001 de la mission d'information commune sur la révision des lois bioéthiques, posait la question suivante, qui reste d'actualité : « Cette révision des lois bioéthiques pourrait-elle être utilisée pour mettre un terme à la pénurie d'organes, qui va en s'aggravant, et qui fait que chaque année des gens meurent, de plus en plus nombreux, parce qu'ils n'ont pas reçu d'organes ? ». Ainsi, en 2001, 6 533 personnes étaient-elles en attente d'une greffe et, entre 1996 et 2000, plus de 200 décès ont été enregistrés sur la liste d'attente de greffe d'organes.

Pour M. Didier Houssin, directeur général de l'EFG, la rareté des greffons tient avant tout à la rareté de l'état de mort encéphalique. La mort encéphalique n'est observée que dans 2 000 à 3 000 décès hospitaliers. Ces décès proviennent d'accidents de la circulation, de suicides et de ruptures d'anévrisme qui sont heureusement en diminution. A cela s'ajoute l'incapacité de certains hôpitaux à dépister ou identifier la mort cérébrale. La seconde cause de pénurie, perçue dans l'opinion publique comme étant la principale, est le nombre de refus. En France, le taux de refus est de l'ordre de 30 %, comme dans de nombreux pays, y compris l'Espagne qui a atteint un chiffre de 29 donneurs d'organes prélevés par million d'habitant contre à peine 20 en France. Cette situation est donc insatisfaisante puisque près de 50 % des décès pouvant donner lieu à prélèvement n'y donnent pas lieu malgré la règle du consentement présumé.

Face à cette situation, on peut s'interroger sur l'intérêt du recours à des donneurs vivants. En France, ce type de dons concerne aujourd'hui 5 % des greffes de rein, 2 % des greffes de foie et 6 % des greffes de poumon. Cependant, son attrait est tempéré par les risques de mortalité encourus par le donneur : ainsi 1 % de décès sont constatés chez les donneurs vivants de foie.

Par ailleurs, le retentissement psychologique sur le donneur vivant constitue un autre obstacle. Souvent victime de pressions familiales importantes, son statut bascule de celui de sujet à celui d'objet jusqu'à devenir un réservoir d'organes. Ainsi, cette pratique constitue une possibilité, qui doit être encadrée, mais il n'est absolument pas envisageable qu'elle puisse pallier la pénurie actuelle de greffons. Les amendements proposés iront donc dans le sens de la promotion du don cadavérique, dont proviennent actuellement 95 % des organes. Quoi qu'il en soit, il convient de faire du prélèvement et de la greffe d'organes une priorité nationale. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement du rapporteur faisant du prélèvement et du don d'organes une priorité nationale.

Premièrement, le régime actuel du consentement présumé doit être aménagé. Depuis la loi Caillavet de 1976 le prélèvement d'organes sur personne décédée est régi par un régime de consentement spécifique : le consentement présumé. Le prélèvement peut avoir lieu dès lors que la personne concernée n'a pas fait connaître de son vivant son refus, refus qui peut être exprimé par l'indication de la volonté sur un registre national automatisé, appelé registre des refus. Très rares sont les personnes ayant exprimé un refus sur le registre : environ 49 000, soit 0,06 % de la population concernée. Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, le dernier alinéa de l'article L. 1232-1 du code de la santé publique l'oblige « à s'efforcer de recueillir le témoignage de la famille » ; l'arrêté du 27 février 1998 comporte des dispositions particulières lorsque la famille ne peut être jointe. La réalité montre que ce témoignage, recueilli au moment où la famille est sous le choc de l'annonce du décès, se traduit le plus souvent par un refus. Dans les faits, les proches sont interrogés sur leur volonté et non sur celle du défunt. Un amendement du rapporteur visant à éviter ce détournement de la règle du consentement présumé a été adopté par la commission.

Deuxièmement, l'image du corps humain doit être respectée. Les médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée doivent s'assurer de la restauration décente du corps restitué à la famille. Les personnels des centres de prélèvements sont soumis en effet au terrible spectacle des corps sur lesquels on a pratiqué un ou plusieurs prélèvements d'organes. Un amendement du rapporteur tendant à renforcer cette obligation de restauration du corps humain posé par l'article L. 1232-5 du code de la santé publique a été adopté par la commission.

Troisièmement, le projet propose que le prélèvement soit considéré comme une activité médicale pleine et entière ; un amendement du rapporteur tendant à intégrer le prélèvement dans les missions de service public des établissements de santé a été adopté par la commission. Il s'agit de transformer l'autorisation de prélèvement en obligation.

Pour ce qui est du don du vivant, le Sénat a limité l'élargissement du cercle des donneurs potentiels au cercle familial élargi : petits-enfants, neveux, nièces, cousins germains, cousines germaines, enfants du conjoint et la personne faisant la preuve de deux ans de vie commune. Il s'agit de revenir sur la notion de lien affectif du projet de loi initial (liens étroits et stables).

Le rapporteur souscrit à cette volonté mais souhaite ajouter une garantie supplémentaire en prévoyant la saisine systématique du comité d'experts pour le cercle familial, à l'exception du père ou de la mère du receveur. En effet, pour ces derniers, le don d'organes paraît le plus évident. Ainsi un amendement du rapporteur adopté par la commission prévoit-il que pour tout donneur familial, à l'exception du père et de la mère, le prélèvement sera subordonné à l'autorisation du comité d'experts prévu à l'article L. 1231-1 du code de la santé publique.

 En ce qui concerne la brevetabilité du génome humain, le gouvernement a présenté au Sénat, qui l'a adopté, un amendement tentant de transposer la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Il s'agissait ainsi de revenir sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui était « violemment » contraire à ladite directive.

On peut ainsi dire, en matière de « biotechnologie », qu'il doit être possible de breveter la « techno », mais pas le « bio », c'est-à-dire qu'une invention constituant l'application technique particulière d'une fonction d'un élément du corps humain peut être protégée par brevet, mais non le gène en tant que tel ou sa simple découverte. La commission a souscrit à cette orientation et approuvé les modifications techniques proposées par la commission des lois saisie pour avis, afin de clarifier les nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle.

 Dans le domaine de l'assistance médicale à la procréation, une attention toute particulière doit être apportée à ce qu'il convient d'appeler l'AMP-vigilance, c'est-à-dire le dispositif permettant de prendre en considération le devenir des enfants conçus selon ces différentes techniques. Le suivi médical de ces enfants mérite d'être renforcé. Un amendement du rapporteur a été adopté par la commission dans ce sens.

S'agissant de la possibilité de transfert des embryons après le décès du père, possibilité que le Sénat a supprimée, le rapporteur considère qu'elle pose d'importants problèmes de principe : le législateur ne saurait autoriser le fait de mettre sciemment au monde un orphelin. Il est donc proposé de maintenir la suppression des dispositions concernées à l'article 18 du présent projet de loi.

D'ailleurs, il convient de clarifier dans la loi les cas dans lesquels il doit être mis fin aux activités de l'AMP. Un amendement du rapporteur adopté par la commission définit les trois cas visés : le décès d'un des membres du couple, le dépôt d'une requête de divorce ou en séparation de corps, la cessation de communauté de vie.

De même, les dispositions qui ont disparu du texte adopté par le Sénat s'agissant des cas dans lesquels il est mis fin à la conservation des embryons, doivent être réintroduites. Il appartient en effet au législateur d'indiquer qu'il est mis fin à la conservation des embryons dans deux cas précis : lorsque l'un des membres du couple, consultés à plusieurs reprises, ne répond pas sur le point de savoir s'il maintient ou non son projet parental, et lorsqu'il existe un désaccord entre l'homme et la femme quant au maintien de ce projet parental. Un amendement du rapporteur a été adopté par la commission en ce sens.

Enfin, dans le but de permettre à un maximum de personnes de pouvoir réaliser ultérieurement leur projet parental, un amendement du rapporteur adopté par la commission prévoit d'élargir la possibilité de recueil et de conservation de gamètes, non seulement aux cas où la personne subit un traitement médical susceptible d'altérer sa fertilité, mais également aux cas où la fertilité de la personne est prématurément altérée.

5° En matière de recherche sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental, la rédaction adoptée par le Sénat renverse la logique qui prévalait dans le texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. En effet, dans le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, cette recherche était a priori autorisée à condition qu'elle s'inscrive dans une finalité médicale et qu'elle ne puisse être poursuivie par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques. Dans le texte adopté par le Sénat, le principe est que la recherche sur l'embryon est interdite ; seules des dérogations, très encadrées, à ce principe sont prévues. Cette dernière rédaction est, certes, marquée par la prudence et la volonté de poser des règles claires et strictes en la matière mais il est faux de dire, comme le font certains observateurs, que cette démarche responsable témoigne d'une quelconque attitude de méfiance du politique envers les chercheurs et le monde scientifique. Il convient d'encadrer de façon pertinente des recherches qui, en l'absence de toute limitation, poseraient inévitablement des problèmes éthiques graves. Mieux vaut donc prévoir un dispositif détaillé, garant du respect des principes éthiques.

Un amendement du rapporteur adopté par la commission modifie néanmoins, sur un point particulier, la rédaction retenue par le Sénat en la matière. Il apparaît en effet peu pertinent de limiter la recherche aux seuls embryons surnuméraires ne faisant plus l'objet d'un projet parental à la date de promulgation du projet de loi. Il n'existe manifestement aucune raison valable de cantonner la possibilité de recherche sur les embryons en « stock ». Les couples qui, après la promulgation de la loi, décideraient de s'engager dans un processus d'assistance médicale à la procréation devraient, en toute logique, pouvoir consentir ensuite, une fois leur projet parental réalisé ou s'ils renoncent un jour à ce projet parental, à ce que des recherches puissent être menées sur les embryons ne faisant plus l'objet d'un tel projet. D'un point de vue éthique, on voit en effet mal pourquoi le fait de conduire des recherches sur les futurs embryons surnuméraires soulèverait des problèmes que ne poserait pas le fait d'en mener sur les embryons surnuméraires au moment de la promulgation de la loi.

D'après de nombreux chercheurs, que le rapporteur a auditionnés ou rencontrés à titre personnel dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen du texte en deuxième lecture, les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont très prometteuses. Selon le rapporteur, ces recherches méritent d'être soutenues de façon déterminée, à l'instar de celles sur les cellules souches adultes. Il s'agit en effet de deux voies de recherches qui doivent être menées parallèlement avec la même volonté de faire progresser l'état des connaissances scientifiques et médicales.

6° S'agissant de la conception in vitro d'embryons qui seraient destinés à des fins de recherche ou à des fins thérapeutiques, le Sénat a clairement établi un principe d'interdiction ne souffrant aucune exception. C'est ce que l'on appelle de façon impropre le clonage thérapeutique, de nombreux chercheurs jugeant plus exact de parler de « technique de transfert de noyau d'une cellule somatique ». Cette question suscite des débats importants qu'il est difficile de trancher, en l'état actuel, sans réflexion d'ensemble préalable. Il est fondamental de rappeler tout d'abord qu'il existe une différence essentielle de finalité entre les deux formes de clonage dont l'une, le clonage reproductif, est expressément interdit par l'article 15 du projet. D'ailleurs, c'est le clonage à visée reproductive qui fait l'objet d'une incrimination particulière dans le code pénal, celle de crime contre l'espèce humaine. Il a en effet semblé nécessaire au gouvernement de prévoir des dispositions pénales spécifiques - approuvées par la commission et par la commission des lois saisie pour avis - pour punir l'acte de clonage humain que l'on peut qualifier de monstrueux. On sait en outre que l'objectif du gouvernement est de mener à bien l'élaboration d'une convention visant à réprimer le clonage reproductif au niveau international.

Il en va tout autrement de la technique dite du clonage thérapeutique qui suscite beaucoup d'attentes en termes de connaissances et de thérapeutiques cellulaires. Nombreux sont les chercheurs estimant que la création de lignées de cellules peut apporter des réponses à certaines pathologies actuellement incurables. Il convient néanmoins de s'interroger sur le point de savoir si, ainsi que l'a déclaré le Président de la République, le clonage thérapeutique n'ouvre pas de facto la porte au clonage reproductif. Différentes personnalités auditionnées telles que M. Etienne-Emile Baulieu, président de l'Académie des sciences, ou M. Henri Atlan, ancien chef du service de bio-clinique à l'Hôtel-Dieu de Paris, ont indiqué que les deux démarches étaient de nature scientifique très différente et que le passage de l'une à l'autre était loin d'être possible. Ces deux spécialistes parlent à propos du produit issu de la technique du transfert de noyau d'« artefact de laboratoire » et non pas d'embryon humain, lequel doit bénéficier d'un respect sans faille. Lors des débats au Sénat, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a lui-même posé la problématique dans ces termes : « Après transformation nucléaire, cette cellule, qui ne résulte pas d'une fécondation, est-elle un embryon ? C'est un problème anthropologique. (...) Personnellement, je ne sais pas qualifier pareille cellule. »

Reste la question de savoir si la méthode de transfert de noyau doit être cantonnée à la recherche sur l'animal. L'opinion de la communauté scientifique - ainsi qu'elle a pu être exprimée par Mme Marina Cavazzana-Calvo, professeur des universités, directrice du laboratoire de thérapie cellulaire à l'hôpital Necker-Enfants malades, ou par divers chercheurs de l'INSERM - est qu'il est nécessaire du point de vue cognitif de passer à l'échelle humaine et de ne pas brider la recherche.

Un des arguments majeurs pour s'opposer à l'autorisation de cette technique est qu'elle conduirait inévitablement à mettre en place un marché des ovules et qu'elle entraînerait des sujétions particulièrement lourdes pour les femmes. Certains chercheurs - comme M. Pierre Jouannet, chercheur au laboratoire de biologie de la reproduction à l'hôpital Cochin -, pensent qu'il existe des solutions pour obtenir des ovocytes sans traitement hormonal lourd et coûteux et sans acte invasif contraignant pour les femmes. Trois sources peuvent selon lui être identifiées : certains ovocytes prélevés dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation s'avèrent finalement immatures et, au lieu d'être détruits, pourraient être utilisés à des fins de recherches ; des ovocytes pourraient être obtenus à partir de cultures de tissu germinatif ; des prélèvements d'ovaires pourraient être développés dans le cadre des dons d'organes.

Le rapporteur, qui a tenu à aller au devant de l'information scientifique sur cette question, a eu le souci d'éclairer les commissaires quant aux avantages et aux inconvénients qui découlerait d'une autorisation immédiate dans la loi de la pratique du clonage thérapeutique. De ces réflexions, il résulte qu'il serait prématuré de permettre dès à présent que soient menées à bien des expérimentations sur l'homme tant que celles-ci n'ont été menées de façon concluante sur l'animal.

*

La commission a adopté 79 amendements au texte du Sénat, permettant de clarifier un certain nombre de points importants. Pour autant, elle ne prétend pas s'être ainsi rapprochée de la vérité s'agissant de sujets à la fois si essentiels et difficiles, car touchant à la vie. En effet, comme l'a dit Nietzsche, « la valeur d'un homme se mesure à la quantité d'incertitudes qu'il peut supporter ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

La commission a entendu M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur le présent projet de loi au cours de sa séance du 18 mars 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que le projet de loi sur la bioéthique est le fruit d'un long cheminement juridique et intellectuel. Il intervient certes avec quatre ans de retard par rapport au calendrier fixé par la loi de 1994, mais il suscite aujourd'hui des réflexions approfondies et des questions précises.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a rappelé que le sujet de la bioéthique a occupé depuis quinze ans le Parlement à intervalles réguliers. Amorcé en 1988 à l'occasion de l'examen de dispositions législatives sur les médecins aliénistes, le débat a donné lieu depuis à de nombreux travaux : ont été ainsi publiés en 1988, un rapport de M. Guy Braibant, en 1991-1992, un rapport de MM. Bernard Bioulac et Franck Sérusclat au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Puis ont été adoptées, en 1994, les premières lois de bioéthique validées par une décision du Conseil constitutionnel du 5 juillet 1994.

Au cours de la période 1998-2002, la révision des lois de 1994 a été précédée par différents travaux préparatoires ; à la suite du rapport de la mission d'information commune, présenté en juin 2001 par M. Alain Claeys, le projet de loi relatif à la bioéthique a été examiné en première lecture par l'Assemblée nationale en janvier 2002 et par le Sénat en janvier 2003. Comme pour les lois de 1994, à chaque étape il appartient à une nouvelle majorité de se prononcer sur un sujet qui transcende les clivages politiques.

Il convient dans un premier temps de présenter le contexte général dans lequel s'inscrit ce projet de loi avant d'aborder, dans un second temps, les différents sujets contenus dans le texte lui-même.

- S'agissant des enjeux du projet de loi, personne ne peut nier aujourd'hui les progrès réalisés dans le domaine de la médecine et de la science et certains dans cette salle peuvent témoigner de l'évolution de leur discipline en matière de génétique ou de chirurgie et de transplantation. Ces progrès posent toutefois question et mettent en jeu les rapports entre science et conscience.

Ainsi, sont apparues récemment les sciences biomédicales et la biomédecine, c'est-à-dire l'art de soigner le vivant à l'aide du vivant ; ce qui signifie que l'homme est désormais dans une démarche d'appropriation du monde et de sa propre nature. La biomédecine pose à cet égard la question de la fin et des moyens appliqués à l'homme. Il convient donc de distinguer les méthodes qui personnalisent l'être humain par opposition à celles qui entraînent son aliénation. A cet effet, la science doit être entourée de repères.

A cet égard, le fait de savoir ce qui est possible scientifiquement ne détermine pas ce qui doit être du point de vue des normes. Les lois de 1994 ont eu pour premier effet de déterminer ce qu'il revient au législateur de définir et cela est important pour les fondements de la société.

Avant 1994, le Parlement avait été amené à légiférer sur différentes dispositions liées à des questions de bioéthique en matière de justice, de santé et de recherche. Mais c'est en 1994 qu'apparaît pour la première fois le terme même de bioéthique et qu'émerge la construction d'un nouveau droit. Le législateur s'est alors attaché à définir trois points essentiels : la place du droit par rapport à la morale et à la bioéthique, l'éducation et la participation des citoyens au débat, la stabilité des principes.

S'agissant du premier de ces trois points, le législateur a choisi dans les lois de 1994 de ne prendre comme repère ni la morale ni la science ni la philosophie mais le droit et lui seul. Cette juste conception de sa fonction est particulièrement manifeste dans la manière dont il traite de l'embryon humain. Il a ainsi édicté un régime fondé sur le principe du respect dû à l'embryon et sur la définition des atteintes qui pouvaient lui être portées, mais il a renoncé à définir l'embryon en tant que tel pas plus que le code civil ne définit la personne. Privilégiant ainsi l'attitude à observer à l'égard de l'embryon, il s'est s'inspiré du modèle de neutralité et de laïcité.

Concernant le débat citoyen, il convient d'éviter les barrières de langage propres aux sujets scientifiques qui sont de nature à obscurcir le débat. Compte tenu de leur portée, il est impératif d'annoncer sans ambiguïté les changements introduits par la loi.

Enfin, en ce qui concerne la stabilité des principes, les lois de 1994 prévoyaient une révision à cinq ans. Or, en 2003, cette révision n'est pas achevée. Dans le présent projet de loi il serait ambigu et néfaste de prévoir une révision systématique au moyen d'une clause de révision comparable. En effet, l'expérience des cinq années écoulées a montré qu'il aurait été parfois nécessaire de prendre des décisions sans s'en remettre à la révision programmée. Du retard a été pris pour des dispositions qui auraient dû s'imposer plus tôt. Inversement, certaines techniques ne sont pas suffisamment avancées pour permettre dès à présent de légiférer. C'est la raison pour laquelle il convient de ne pas se rendre prisonnier des délais, d'autant que le législateur a toujours la faculté de réviser une loi si la nécessité s'en fait ressentir. Ce serait probablement même néfaste parce que le législateur n'a pas, en particulier lorsqu'il édicte des principes, vocation à faire une œuvre dont la date de péremption est par avance annoncée.

Sur le plan international, le débat sur la bioéthique occupe une place de plus en plus importante et la France y tient une position exemplaire. Le Conseil de l'Europe a adopté en 1997 la convention d'Oviedo relative aux droits de l'homme et à la biomédecine, qui définit le canevas des valeurs communes à la grande Europe. Cette convention n'a pas encore été ratifiée par la France qui, en revanche, a pris avec l'Allemagne une initiative commune pour interdire le clonage reproductif. Les efforts à ce sujet doivent être poursuivis pour faire avancer le débat ; la bioéthique devrait constituer l'un des principaux sujets de discussion inscrits au sommet du prochain G 8.

- Pour en venir aux sujets plus spécifiques sur lesquels le Parlement va devoir se prononcer, se pose en premier lieu la question du don d'organes et de la transplantation.

L'initiative sur ce sujet ancien revient au sénateur Caillavet qui, dès 1976, avait conçu la règle législative instituant le consentement présumé du don d'organes. Si ce principe demeure satisfaisant, il convient néanmoins de s'interroger sur les moyens de faire face à la pénurie de greffons car cette carence pose problème pour les patients toujours plus nombreux en attente de don. Il s'agit bien évidemment de la question de l'extension du don d'organes au cercle des vivants.

Le Sénat a élargi le cercle des donneurs vivants mais il faut s'interroger sur les limites à prévoir au cercle des donneurs potentiels pour éviter toute dérive.

On peut comprendre la difficulté du jeune adulte, père ou mère de famille, à qui l'on demande d'accepter que lui soit prélevé un organe. Le prélèvement devrait être subordonné à l'absence d'enfants à charge, compte tenu des « conflits de devoirs » en cause.

En revanche, il est impératif de renforcer le don cadavérique. Il faut être plus volontariste en la matière. Actuellement, la famille est appelée à donner un témoignage sur la volonté du défunt. Or, elle donne un avis, qui amène le plus souvent le chirurgien à ne pas prélever d'organes. Il est donc nécessaire de procéder à l'information systématique des jeunes âgés de 18 à 25 ans. Cette information portera non seulement sur le besoin actuel de greffons mais également sur la possibilité de s'inscrire sur le registre national du refus. Dès lors que les personnes auront été suffisamment informées, les médecins auront moins de scrupules à pratiquer des prélèvements.

S'agissant de l'aide médicale à la procréation, le bilan des lois de 1994 paraît satisfaisant. Le Sénat, sous l'impulsion du rapporteur de la commission des affaires sociale, a souhaité revenir de fait au régime issu des lois de 1994 en supprimant la possibilité d'implantation d'embryon post- mortem. Deux grandes raisons ont motivé ce choix : d'une part des considérations liées au respect dû à l'enfant et d'autre part les difficultés juridiques liées à la mise en œuvre d'un tel transfert. Les problèmes juridiques soulevés par un tel cas de figure semblent insolubles, notamment en ce qui concerne le droit de la filiation et le droit des successions. Le gouvernement approuve la position du Sénat.

Le Sénat a également souhaité rétablir une condition de vie commune d'une durée minimale de deux ans - condition qui figurait dans le texte du projet de loi initial et qui avait été supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture - pour pouvoir prétendre avoir recours à l'aide médicale à la procréation. Le gouvernement approuve la démarche du Sénat car l'existence d'une vie commune de deux ans constitue une garantie minimale que le projet parental est réellement solide.

Lors des prochains débats à l'Assemblée nationale, le gouvernement sera amené à proposer la mise en place d'un dispositif concernant ce qu'il convient d'appeler l'« AMP-vigilance ». Des anomalies génétiques ont été notamment relevées s'agissant des enfants issus de la technique de l'ICSI (fécondation par injection intracyctoplasmique d'un seul spermatozoïde) ou de la FIVETE (fécondation in vitro et transfert d'embryon). Même si le ministère ne dispose pas de données statistiques fiables en la matière, il est clair qu'un problème de santé publique se pose. Il est souhaitable à l'avenir de mieux assurer le suivi médical des enfants issus de certaines techniques d'assistance médicale à la procréation.

S'agissant de la recherche sur les embryons humains, ce sujet difficile provoquera sans doute de délicates délibérations intimes. Le texte, tel qu'issu de la lecture au Sénat, met en place un dispositif cohérent qui est en adéquation avec le principe posé à l'article 16 du code civil selon lequel la loi garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie. Les exceptions et dérogations autorisées à ce principe, telle l'interruption volontaire de grossesse, restent extrêmement encadrées. Le projet de loi autorise certaines recherches sur l'embryon humain mais prévoit en ce domaine un encadrement très strict fondé sur une procédure dérogatoire qui n'est autorisée que pendant un délai de cinq ans. Les recherches devant être mises en œuvre seront par ailleurs soumises à des protocoles et les équipes compétentes seront contrôlées de manière adéquate. Mais le travail mené sur les cellules souches embryonnaires ne saurait dispenser les équipes de s'investir parallèlement dans la recherche sur les cellules souches adultes : à l'issue de la période de cinq ans, les apports des deux types de recherches devront être comparés. Il faut également rappeler que l'importation de ces cellules souches embryonnaires est désormais expressément autorisée par le projet de loi.

En définitive, l'objectif du gouvernement consiste à ne fermer aucune voie de recherche intéressante à terme pour les progrès thérapeutiques. A partir du moment où l'embryon entre pleinement dans le champ de la médecine, en raison du développement des techniques diagnostiques et thérapeutiques, il y a lieu de mettre en place des techniques expérimentales le concernant. Il s'agit là d'un changement radical conceptuel, mais cette transgression s'impose. Elle sera triplement encadrée : une durée maximale de cinq ans pour les recherches est prévue, ces dernières ne porteront que sur les embryons surnuméraires et la conception d'embryon en laboratoire à des fins de recherche - technique dite du clonage thérapeutique - est strictement prohibée.

En ce qui concerne le clonage thérapeutique, l'année qui vient de s'écouler n'a pas démontré que cette technique a fait ses preuves chez les animaux. Au nom de quel principe devrait-on admettre que la recherche concerne directement l'homme avant d'être expérimentée chez l'animal avec succès ? On peut en outre estimer que cette technique n'a pas les vertus que certains voudraient hâtivement lui attribuer. En particulier la technique du transfert nucléaire n'a jamais réussi chez les primates. Elle ouvre, de surcroît, la porte aux dérives liées au commerce d'ovules qui ne manquerait pas de se mettre en place si des opérations de clonage thérapeutique devaient être réalisées en grand nombre. Enfin, le fait de développer ce type de technique faciliterait inévitablement la mise en œuvre du clonage reproductif qui est strictement interdit et fait l'objet d'une incrimination très sévère.

Il existe un fort consensus pour interdire toute opération de clonage à visée reproductive. Au-delà des fausses annonces de la secte des Raëliens ou des vantardises d'un médecin italien médiatique, il convient de prendre au sérieux cette éventualité. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a souhaité prévoir dans le code pénal une nouvelle incrimination : le crime contre l'espèce humaine, qui se situe entre le crime contre l'humanité et le crime contre les personnes.

Une autre question importante concerne l'Agence de la biomédecine, qui doit être compétente pour l'ensemble de la gestion des problèmes relatifs à la bioéthique. Il existe actuellement pas moins de neuf agences sanitaires ; c'est pourquoi il a paru préférable de fusionner l'Etablissement français des greffes et l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines initialement prévue. Il faut en effet plaider pour le rapprochement des activités s'inscrivant dans des logiques similaires de dons et de thérapies du vivant par le vivant. A terme, une fusion avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) serait envisageable dans un souci de simplification et de mutualisation des expertises.

S'agissant de la brevetabilité du génome humain, le ministre a rappelé qu'il s'était, par le passé, formellement opposé à la transposition de l'article 5 de la directive n° 98/44 CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Cette position, qui est à présent celle du gouvernement, demeure inchangée. En effet, l'article 5 reste flou en dépit des demandes d'interprétation adressées à Bruxelles et des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes, suite aux recours déposés par les Pays-Bas et l'Italie, qui n'ont fait que reprendre les arguments développés par la commission. De plus, l'article 5 est en contradiction avec le droit français en vigueur. Les décideurs publics semblent ne pas avoir perçu en 1998, lors de l'adoption de la directive, le fait que le code de la propriété intellectuelle interdit depuis 1994 de breveter les gènes et ne pas avoir pesé les conséquences éthiques de l'adoption de cette directive.

La situation est donc simple en apparence : le droit français, tel qu'il est et tel qu'il résultera du présent projet de loi, est contraire à la directive qui devrait en théorie en écarter l'application puisque le délai de transposition est depuis longtemps dépassé. Toutefois, après un tour de l'ensemble des capitales européennes, il apparaît que seuls quatre pays ont transposé la directive. Si parmi ceux-ci le Royaume-Uni semble n'avoir éprouvé aucune difficulté à le faire, il n'en va pas de même, pour certains pays qui s'en sont acquittés par discipline, par exemple le Danemark, où la communauté des chercheurs en a fait grief aux pouvoirs publics, ou la Finlande qui a immédiatement adopté un autre texte remettant en cause le bien-fondé de la directive. Les autres Etats sont quant à eux en situation d'infraction et voient une difficulté à transposer ce texte.

Le gouvernement français entend garder le texte issu de la loi de 1994 tout en le précisant, notamment par une nouvelle formulation de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture du présent projet à l'initiative de M. Jean-Claude Lefort. La France n'est pas hostile au fait de breveter les méthodes, les techniques ou un processus incluant l'usage d'un gène : elle veut seulement interdire la brevetabilité d'une séquence partielle ou totale de gènes. Il faudra également prévoir un amendement sur les licences obligatoires et réciproques afin d'éviter que le texte ne facilite les ambitions américaines de monopole en la matière. Il s'agit donc d'obtenir une réécriture de l'article 5 de la directive, d'identifier de manière précise avec les instances communautaires en quoi consiste le différend et de faire ainsi évoluer les choses dans le sens souhaité par La France.

Enfin, le gouvernement s'engage, dès que la loi sera promulguée, à mettre en œuvre le processus de ratification de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 au nom du Conseil de l'Europe.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a souhaité préciser certains points qui revêtent une importance particulière pour la recherche.

En ce qui concerne l'Agence de la biomédecine, il convient d'insister sur la nécessité de conférer à son conseil d'orientation médical et scientifique une réelle capacité d'expertise. Cette capacité conditionne la pertinence des avis qui seront donnés notamment dans le domaine des recherches sur l'embryon et des cellules souches embryonnaires. Or, la possibilité de décider de l'intérêt médical d'une recherche, de la qualité scientifique du projet et de l'équipe qui le conduit, mais aussi de l'existence ou non de méthodes alternatives permettant de poursuivre le même objectif, ne peut être que du ressort d'équipes disposant de connaissances approfondies dans les domaines concernés.

Concernant la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, chacun est conscient de l'avancée des connaissances et des techniques qui permettent d'envisager des interventions diagnostiques ou thérapeutiques de plus en plus tôt au cours de la vie. La médecine de l'embryon semble appelée à se développer dans un futur proche et il doit pour cela être possible de conduire des recherches sur l'embryon, qui bénéficieront un jour à d'autres embryons. La destruction éventuelle de l'embryon sur lequel seront conduites ces recherches ne semble éthiquement acceptable qu'à deux conditions. Premièrement, la notion de bénéfice indirect doit être invoquée à bon escient, et le conseil d'orientation médical et scientifique de l'agence de la biomédecine jouera en ce domaine un rôle déterminant ; deuxièmement, ces recherches doivent être limitées aux embryons surnuméraires, issus de l'assistance médicale à la procréation et ne faisant plus l'objet d'un projet parental, qui sont actuellement disponibles et destinés, quoiqu'il advienne, à être détruits.

En dehors des recherches menées à proprement parler sur l'embryon dans la perspective d'une médecine de l'embryon, l'enjeu des recherches conduites sur des lignées cellulaires issues d'embryons humain est capital. Une forte attente a été exprimée par la communauté scientifique française, que ce soit au travers des demandes d'importation déjà déposées auprès du ministère de la recherche ou des positions récemment réaffirmées de l'Académie des sciences.

Ces lignées sont constituées in vitro à partir du prélèvement de quelques cellules à environ cinq jours du développement embryonnaire, au stade appelé blastocyste. Ces lignées de cellules souches, qui se reproduisent indéfiniment à l'identique ou bien, suivant les conditions de culture, se différencient vers tel ou tel type de tissus, ont perdu la possibilité de reconstituer un embryon complet : elles n'ont donc plus rien à voir avec « une personne humaine potentielle », pour reprendre la formule utilisée par le Comité consultatif national d'éthique pour désigner l'embryon humain.

La plupart des scientifiques français partagent la conviction que ces lignées cellulaires sont importantes pour de nombreux domaines de la recherche. Elles le sont tout d'abord pour le domaine fondamental de la biologie du développement, dont les avancées conduiront à des applications médicales pour le cancer, pour les anomalies congénitales mais aussi dans la sphère de l'infertilité. Ensuite - et c'est peut-être en ce domaine que l'impact médical sera le plus sensible à court terme - les lignées de cellules souches embryonnaires pourraient fournir des cellules humaines utilisables en toxicologie et en pharmacologie, ces cellules pourraient en effet constituer une alternative aux tests chez l'animal dans le développement des médicaments. Enfin, la perspective de la thérapie cellulaire utilisant des cellules souches embryonnaires est fréquemment mise en avant, même si elle n'est probablement réaliste qu'à une échéance de dix à quinze ans ; les recherches les plus actives, qui déboucheront éventuellement sur les premières applications thérapeutiques, concernent l'insuffisance cardiaque, le diabète et les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie de Parkinson.

Ces perspectives scientifiques et médicales, qui suscitent une forte attente de la communauté scientifique mais aussi du public, notamment au travers des associations de patients, ne doivent pas faire oublier que la création de ces lignées passe actuellement par la destruction d'un ou plusieurs embryons humains, deux en moyenne selon les quelques laboratoires étrangers qui ont déjà conduit de tels travaux.

La transgression du principe de protection de la vie humaine dès son commencement, qui intervient inévitablement dans ces recherches, est donc limitée à l'étape de constitution d'une nouvelle lignée. Il apparaît important que le législateur puisse accepter aujourd'hui cette transgression dans des recherches dont la finalité thérapeutique, même lointaine, est clairement argumentée. Cependant, cette transgression pourrait être acceptée pour une durée limitée, puisque la démonstration de l'existence de cellules souches dans certains tissus chez l'adulte permet d'espérer la mise au point à plus ou moins long terme de traitements de régénération tissulaire qui ne se heurteraient pas aux mêmes considérations éthiques. Les recherches sur les cellules souches adultes doivent donc constituer une priorité pour l'avenir. Le ministère de la recherche les soutiendra dès 2003 par une action incitative en partenariat avec le ministère de la santé et l'INSERM.

A court terme, le recours aux cellules embryonnaires d'origine humaine paraît cependant incontournable, si l'on souhaite que les recherches sur les cellules souches progressent rapidement. En effet, les cellules souches embryonnaires constituent aujourd'hui le seul type cellulaire réellement pluripotent dont la disponibilité soit techniquement bien maîtrisée. Nul ne sait encore avec certitude si les lignées déjà disponibles - aux Etats-Unis, en Australie, en Israël ou en Suède - présentent bien les qualités nécessaires aux futures recherches. Il est donc important, compte tenu en particulier du risque que présente la coculture avec des cellules animales et de la question délicate des brevets déposés sur certaines lignées, de ne pas négliger la capacité de créer de nouvelles lignées à partir d'embryons surnuméraires.

Il convient à ce sujet de prêter attention à une limitation fixée dans le texte du projet de loi adopté au Sénat. La nouvelle rédaction de l'article 18 aboutit à ce que les embryons créés dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation après la promulgation de la loi se trouvent exclus du champ des recherches encadrées par ailleurs à l'article 19. Ce point, qui n'a pas fait l'objet d'une réflexion suffisamment nourrie devant le Sénat, mériterait d'être examiné plus avant lors des débats de deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

La question difficile de l'utilisation des cellules souches embryonnaires a fait l'objet d'un large débat au sein de la communauté scientifique, dans les cercles préoccupés de bioéthique et plus largement auprès de l'opinion publique au travers des médias. De nombreux scientifiques sont aujourd'hui convaincus de l'impérieuse nécessité d'autoriser, au moins dans un nombre limité de laboratoires, les recherches utilisant le transfert nucléaire sur des ovocytes humains mais certains scientifiques, philosophes ou autres experts se montrent profondément hostiles à cette pratique, en raison notamment du problème de la disponibilité limitée des ovocytes.

Aujourd'hui, pour des raisons tenant largement à des éléments de contexte qui peuvent évoluer en quelques années, la création d'embryons à des fins de recherche, par la technique du clonage, ne semble pas justifiée. Cette transgression du principe de protection de la vie humaine dès son commencement ne paraît pas acceptable au regard des faits scientifiques disponibles démontrant, ou plutôt ne démontrant pas encore, la faisabilité du clonage thérapeutique. De plus, il existe d'autres voies de recherche pleines de promesses, comme les travaux sur les cellules souches adultes, mais aussi les recherches sur le transfert nucléaire chez l'animal ou sur des lignées de cellules souches embryonnaires humaines, qui méritent d'abord d'être menées.

Enfin, il est souhaitable de faire évoluer le cadre législatif concernant la constitution et l'utilisation à des fins de recherche de collections d'échantillons biologiques humains et plus largement certaines dispositions qui alourdissent la conduite des projets de recherche, dans le cadre de la loi Huriet-Sérusclat, sans réel intérêt pour la protection des personnes.

Les collections ou banques de tissus sont devenues aujourd'hui une ressource essentielle dans la recherche sur les maladies humaines, notamment lorsque l'on souhaite avoir recours aux outils moléculaires les plus modernes, issus de la génomique. Très récemment, dans le cadre du rapport remis par la commission d'orientations sur le cancer, le développement à grande échelle des banques de tumeurs, dans une perspective de recherche thérapeutique, a été fortement recommandé.

La constitution de ces collections d'échantillons biologiques humains a été encouragée depuis plusieurs années par l'action des ministères chargés de la recherche et de la santé. La France dispose aujourd'hui de plusieurs dizaines de banques répondant à des critères de qualité et de sécurité très rigoureux. Cet avantage, à promouvoir encore, doit pouvoir être exploité par les chercheurs dans des conditions juridiques claires, répondant à des principes éthiques qui prennent en compte à la fois la protection de personnes et le bénéfice individuel et collectif pouvant être attendu des travaux conduits sur ces prélèvements. Il paraît ainsi capital de lever certaines incertitudes ou d'examiner la possibilité de certains aménagements de la loi Huriet-Sérusclat concernant le statut des recherches conduites sur ces collections d'échantillons.

Un point particulièrement important pour l'avancée rapide des recherches est la possibilité, dans des conditions bien définies qui devraient être validées au cas par cas par les comités consultatifs pour la protection des personnes, de faire évoluer la finalité des recherches conduites sur une collection d'échantillons, sans avoir l'obligation d'obtenir de nouveau le consentement de toutes les personnes sur lesquelles ces échantillons ont été prélevés. Cet aménagement pourrait par exemple s'appliquer aux différents marqueurs plasmatiques d'une maladie donnée que l'on pourrait étudier successivement, au fur et à mesure de leur mise en évidence.

La France a été un précurseur en adoptant la loi Huriet-Sérusclat. Elle doit aujourd'hui se montrer capable d'adapter ce cadre juridique là où il se révèle trop contraignant et où il risque de ralentir des recherches du plus grand intérêt sur le plan médical, par exemple dans le domaine de la pharmacogénomique.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait les remarques suivantes :

- La bioéthique est un sujet qui mobilise fortement les députés, certains étant devenus de véritables spécialistes de ces questions. Il s'agit en outre d'une matière ou chacun intervient en son âme et conscience et ou la liberté d'analyse est la règle.

- Le principe d'une révision périodique de la loi a été jugé positif en 1994 ; si l'on choisit aujourd'hui une optique différente, sans doute faudra-t-il s'attacher davantage aux principes qu'aux détails et faire évoluer en ce sens l'esprit du texte adopté par le Sénat.

- En ce qui concerne les recherches sur les cellules souches, quelle que soit leur origine, il est nécessaire de prendre en compte les données validées par l'expérience scientifique.

- Il convient de s'interroger sur la possible évolution du statut du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) vers celui d'autorité administrative indépendante afin de l'émanciper de la tutelle de l'INSERM.

- Les conditions posées à la pratique des autopsies peuvent s'avérer trop restrictives et ne plus permettre une bonne évaluation des causes des décès.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur, a souhaité recevoir des précisions sur le sujet très sensible de l'AMP-vigilance ainsi que sur la possibilité de réaliser des recherches sur les embryons surnuméraires survenus après la promulgation de la nouvelle loi, laquelle ne traite en l'état que des stocks actuels.

Mme Valérie Pécresse, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a posé deux questions emportant des interrogations juridiques fortes :

- Quel est l'intérêt de créer une nouvelle incrimination relative aux crimes contre l'espèce humaine alors qu'existent déjà les crimes contre la personne humaine et les crimes contre l'humanité ?

- Quelle sera la responsabilité de personnes diagnostiquées porteuses d'un gène malin en cas de non-information de leur entourage familial sur les risques encourus ?

M. Jean Leonetti s'est interrogé sur les points suivants :

- Le développement souhaité des greffes cadavériques pourrait passer par une information systématique sur le don d'organes à l'occasion des journées d'appel de préparation à la défense, tout en posant dans la loi une présomption réfragable de consentement.

- Les recherches menées sur les cellules souches embryonnaires ne constituent qu'un pis aller à l'heure actuelle en raison de la stagnation de la technique des cellules souches adultes.

- La bioéthique est la morale appliquée à la recherche scientifique et permet de garantir le caractère immuable et universel de la morale. Le choix d'une révision périodique des lois sur la bioéthique peut donner à penser que la technique et son évolution orientent les décisions éthiques, alors que tel ne devrait pas être le cas.

- La distinction subtile opérée en matière de brevetabilité du vivant entre aspects techniques et biologiques n'est pas satisfaisante et rend nécessaire la révision de la directive communautaire du 6 juillet 1998.

M. Jean-Marc Roubaud a souhaité connaître la position du gouvernement sur la question de la brevetabilité du vivant au regard de ladite directive.

M. Jacques Domergue a fait état de la politique volontariste menée par l'Espagne dans le domaine des greffes cadavériques et a souhaité savoir si une politique en ce sens doit se traduire par un caractère plus incitatif de la loi en faveur du don ou par une réforme du système de prélèvement.

En réponse aux intervenants, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a apporté les précisions suivantes :

- Le principe d'une révision de la loi après cinq ans n'a pas été institué pour la première fois à l'occasion de l'adoption des lois de bioéthique mais lors de l'adoption de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse en 1975 puis de la loi Huriet en 1988. Poser le principe d'une révision périodique, alors que la loi est aujourd'hui en cours de modification après la « première mouture » de 1994, peut conduire à des situations artificielles, où l'on se forcerait en quelque sorte à attendre alors que les pratiques et les techniques en la matière aient déjà beaucoup évolué. En tout état de cause, le législateur est souverain et peut intervenir à tout moment si l'évolution des données scientifiques le requiert. Ainsi, en 1999, l'ensemble des décrets d'application de la loi de 1994 n'avait toujours pas été pris. De fait, la rapidité du progrès scientifique s'accommode mal de clauses ponctuelles de rendez-vous législatifs obligatoires.

- Lorsque le Parlement légifère sur la bioéthique, il ne légifère pas sur des méthodes mais sur des principes. Il convient de s'accorder sur le sens donné à la notion d'éthique dans ce contexte. Ainsi l'éthique n'est pas une science mais une interrogation sur les méthodes. Il s'agit donc de déterminer le champ et les limites d'application de techniques nouvelles, en fonction de valeurs morales, philosophiques ou religieuses auxquelles nul ne saurait déroger. En 1994, la question du clonage ne se posait pas avec la même acuité qu'aujourd'hui ; seuls des principes de base définis en commun peuvent être à même de limiter les risques d'abus.

- Le CCNE vient de fêter son vingtième anniversaire. Il ne peut plus rester sous la tutelle de l'INSERM. Cependant, il n'est peut-être pas très opportun d'en faire une autorité administrative indépendante puisqu'il n'a d'autre vocation que celle de donner des avis. On pourrait toutefois envisager son rattachement, en tant qu'organisme indépendant, au budget du Premier ministre.

- Le professeur Georges David a fait part de ses inquiétudes relatives à l'AMP-vigilance. En effet, lorsque les couples obtiennent une naissance par le biais de cette méthode, ils ne restent généralement pas en contact avec leur médecin, ce qui empêche de procéder à un suivi de l'enfant. En termes juridiques, rendre un tel suivi obligatoire serait discriminatoire et risquerait par ailleurs de peser, au plan psychologique, sur le développement de l'enfant lui-même. Le praticien doit donc avertir les parents des risques génétiques éventuels et, avec leur accord, leur proposer le principe d'un questionnaire susceptible de fournir de façon régulière les informations indispensables. Des revues spécialisées dans la génétique ont publié il y a deux ans des enquêtes tendant à montrer que les enfants conçus par AMP ou par FIV présentaient un taux d'anomalie génétique quatre fois supérieur à la moyenne. Ces études ont été soumises à la critique de méthodologistes qui n'ont pu ni confirmer ni infirmer leur fiabilité, en raison notamment de la faiblesse des échantillons statistiques. Cette situation démontre, si besoin était, l'utilité d'un questionnaire précis rempli par les familles concernées.

Après avoir fait part de son accord de principe avec le ministre, M. Claude Evin a reconnu que le principe de convocations régulières obligatoires était peu approprié, tout en relevant qu'il ne pouvait que résulter d'une disposition législative. Dans ces conditions, et si à cette obligation était substitué un questionnaire facultatif, pourquoi faudrait-il inscrire ce dernier dans la loi ?

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a poursuivi ses réponses :

- Il s'agit de légiférer sur la méthode tout en gardant à l'esprit la différence existant entre la loi et le règlement. La loi peut poser le principe d'une AMP-vigilance, témoignant ainsi de l'intérêt du législateur pour la question, le règlement en déterminera alors les modalités pratiques.

- Pour ce qui concerne les embryons surnuméraires, la question se pose de supprimer dans le texte la référence à la date de promulgation de la loi pour éviter de circonscrire les recherches à l'utilisation des seuls stocks existants.

- L'incrimination de crime contre l'espère humaine permet de disposer d'une sanction pénale à vocation internationale, permettant seule d'éviter des situations inacceptables. Ainsi, une femme de nationalité française âgée de soixante ans s'est rendue au Etats-Unis avec son frère handicapé afin de concevoir in vitro un embryon obtenu à partir de spermatozoïdes de celui-ci. Revenue en France, elle est devenue la mère porteuse des enfants de son propre frère. Il est donc impérieux de poser le principe de l'extra-territorialité afin d'empêcher ce type de pratiques. A cet égard, la création de la qualification pénale de crime contre l'humanité de l'homme s'est révélée trop proche de celle de crime contre l'humanité qui a sa définition propre. C'est pourquoi, avec l'accord du ministère de la justice, la qualification de crime contre l'espèce humaine a été retenue car elle présente l'avantage d'englober dans son champ l'ensemble des pratiques liées à l'eugénisme et au clonage, ce qui n'avait pas été possible en 1994.

- La génétique n'est pas une pratique individuelle de la médecine puisqu'elle met en relation un couple avec son médecin, avec éventuellement des incidences familiales. Ainsi, lorsqu'une myopathie est détectée, on demande à voir les sœurs de la femme concernée ; en cas de refus de la part du couple, le risque est accru. Récemment, une famille a porté plainte contre un médecin au motif qu'elle n'avait pas été informée de ce que la sœur de la mère avait donné naissance à un enfant myopathe. Une disposition législative doit donc prévoir l'information préalable des futurs parents par le médecin généticien sur les risques encourus par les membres de leur famille ; ainsi, au cas où le couple ne les avertirait pas, la responsabilité du praticien se verrait dégagée.

- M. Jean-Marie Le Guen s'est interrogé sur le poids excessif d'une justice qui cherche partout des responsables, ainsi que sur l'opportunité de faire peser sur les familles la responsabilité de l'information : peut-on vraiment obliger ces dernières à informer leur fratrie ?

M. Claude Evin a exprimé son désaccord avec M. Jean-Marie Le Guen en rappelant que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit la levée du secret médical pour des raisons de santé publique, afin de faciliter le dépistage de maladies graves.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l'affaire évoquée par le ministre avait provoqué la mort de deux jeunes gens âgée d'une vingtaine d'années atteints d'OCT, maladie orpheline rarissime.

La rapporteure pour avis a estimé qu'il y a lieu de distinguer les types de maladies concernées en fonction de leur gravité et de graduer en conséquence les degrés de l'obligation d'information.

Le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées a conclu en apportant les réponses suivantes :

- Le SIDA pose un problème général de santé publique alors que telle maladie génétique relève de la sphère familiale. L'obligation d'information ne peut donc pas être placée sur le même plan. Aujourd'hui, le médecin généticien doit informer et pouvoir prouver qu'il l'a fait. Par ailleurs, dans le cadre du dépistage du cancer du sein, lorsqu'une femme se révèle porteuse du gène qui se trouve à l'origine de la maladie, le médecin praticien demande systématiquement que les sœurs de la personne concernée soient informées. Le présent projet de loi retient une obligation d'information graduée, puisqu'il fait référence dans son article 3 au fait qu'« en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave posé lors de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le médecin informe la personne ou son représentant légal de la nécessité de prévenir les membres de sa famille potentiellement concernés, si des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées à ceux-ci ».

- L'idée d'utiliser les journées citoyennes dans le cadre de l'appel de préparation à la défense pour informer les jeunes sur l'autorisation de prélèvement d'organes en cas de décès est très intéressante.

- En ce qui concerne les biotechnologies, ce sont les technologies qui sont brevetées et en aucun cas les données biologiques.

- En matière de dons d'organes, ce sont bien souvent les médecins eux-mêmes, par pudeur ou par souci de ne pas blesser les familles, qui n'appliquent pas le principe du consentement présumé. Il semble qu'en la matière, il ne soit pas nécessaire de modifier la loi mais bien plus d'assurer une meilleure information du public. Les cartes Vitale de seconde génération pourraient ainsi mentionner le fait que l'assuré a été informé de la possibilité de s'inscrire sur le registre des refus de prélèvement. Dès lors qu'il ne l'a pas fait, il pourrait plus facilement être fait application du principe du consentement présumé.

- Concernant les autopsies, les spécialistes estiment que, si la loi de 1994 a été mal interprétée, son dispositif est néanmoins satisfaisant et qu'il y a aujourd'hui de moins en moins de cas pour lesquels une autopsie est justifiée. Une éventuelle initiative du législateur en ce domaine serait examinée avec intérêt par le gouvernement.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de ses séances du mercredi 26 mars et du mardi 1er avril 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que, pour préparer la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, les rapporteurs de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et de la commission des lois ont procédé à l'audition de personnalités scientifiques, de philosophes, de sociologues et de psychanalystes.

Depuis 1986, date à laquelle M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, a commandé à M. Guy Braibant un rapport sur le sujet, l'Assemblée nationale a eu à traiter à de nombreuses reprises de sujets de bioéthique. L'adoption des lois de 1994 a constitué un réel progrès. La loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal comporte l'obligation d'un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur (article 21). Cette obligation de révision permet de prendre en compte dans la loi les progrès scientifiques très rapides en la matière. Aujourd'hui, la révision des lois « bioéthiques » a quatre ans de retard par rapport au calendrier fixé par la loi de 1994. Il est donc plus que temps de légiférer.

Mme Valérie Pécresse, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté les différents articles dont sa commission s'est saisie.

La commission des lois a jugé opportune l'institution d'une infraction de crime contre l'espèce humaine pour sanctionner le clonage reproductif et les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes. Entre l'examen du projet de loi en première lecture par chacune des deux assemblées, les déclarations d'un médecin italien médiatique et l'annonce par une secte de la naissance d'un enfant présenté comme étant le premier être humain conçu par clonage ont suscité une stupeur collective et incité à solenniser la condamnation de ces techniques davantage que ne l'avait fait l'Assemblée nationale en première lecture, ne serait-ce que pour éviter leur banalisation. Sur proposition du gouvernement, le Sénat a donc frappé l'eugénisme et le clonage reproductif de sanctions lourdes ( trente ans de réclusion criminelle et réclusion à perpétuité lorsque ces crimes sont commis en bande organisée ou en cas d'association de malfaiteurs ) et prévu un régime spécifique de prescription de l'action publique ( prescription trentenaire et courant à compter de la majorité de l'enfant né d'un clonage reproductif ). Sans doute la qualification de crime contre « l'espèce humaine » peut-elle susciter des réserves en raison de son emprunt au vocabulaire biologique ; après examen, elle paraît cependant devoir être retenue, le terme de « genre humain » étant imprécis et la qualification de crime contre « l'humanité » difficilement envisageable, la France ne pouvant pas unilatéralement modifier le périmètre de ces infractions définies à l'échelon international.

Il est vrai que la création de cette nouvelle infraction soulève plusieurs interrogations, notamment sur son caractère insolite au regard des valeurs judéo-chrétiennes qui font du meurtre le premier des crimes, sur l'opportunité d'édicter un droit pénal revêtant un caractère émotionnel, ainsi que sur le statut de l'enfant né de ces techniques et sur le poids de la stigmatisation qui pèsera sur lui. Après discussion, la commission des lois a cependant écarté cette objection, l'enfant né de ce crime étant une personne à part entière - à qui sera en particulier reconnu le droit d'ester en justice - et qui ne sera pas dans une situation tellement différente de celle d'un enfant né d'un viol incestueux. En revanche, la monstruosité des techniques en cause et la nécessité de solenniser leur condamnation ont convaincu la commission de donner un avis favorable à l'adoption d'un dispositif particulièrement sévère, qui puisse ensuite servir de point d'appui à l'élaboration d'un instrument international réprimant le clonage reproductif, souhaitée par la France et l'Allemagne, mais à laquelle les Etats-Unis semblent réticents comme en témoigne leur souci de lier clonages reproductif et thérapeutique.

- La question de la brevetabilité du génome humain est d'une complexité certaine. En effet, l'article 5 de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques prévoit, dans un premier paragraphe, que la découverte d'un gène n'est pas une invention brevetable mais précise, dans le paragraphe suivant, qu'un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris une séquence génique, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d'un élément naturel. Bien que présentant le mérite de bien distinguer la découverte de l'invention, ces dispositions sont jugées imprécises par l'ensemble des Etats membres qui ont adressé des demandes d'interprétation à la Commission européenne. En outre, saisie d'un recours en annulation par les Pays-Bas, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), dans un arrêt du 9 octobre 2001, a apporté certaines précisions sur ces dispositions : elle a ainsi fait observer que, « s'agissant du respect dû à la dignité humaine, il est en principe assuré par l'article 5, paragraphe 1, de la directive, qui interdit que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, puisse constituer une invention brevetable », puis a précisé que « seules peuvent faire l'objet d'une demande de brevet les inventions qui associent un élément naturel à un procédé technique permettant de l'isoler ou de produire en vue d'une application industrielle. »

Alors que l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement prenant le contre-pied des dispositions de la directive, le Sénat s'est efforcé de réaliser un compromis entre la réaffirmation du principe de non-brevetabilité du génome humain et la délivrance de brevets, essentielle au développement des industries biotechnologiques. Aux termes de la rédaction retenue par le Sénat, le nouvel article L. 611-18 du code de la propriété intellectuelle reprend, dans son premier alinéa, les dispositions du premier paragraphe de l'article 5 de la directive mais précise, dans son deuxième alinéa, que le gène peut faire l'objet d'une protection par brevet dès lors qu'il permet une application technique particulière d'une fonction d'un élément du corps humain. Au total, la rédaction retenue par le Sénat paraît globalement conforme à l'esprit de la directive mais plus précise, car faisant référence à la fonction d'un élément du corps humain, notion qui ne figure pas dans la directive. Elle concourt ainsi à garantir, au même titre que les modifications apportées par le projet de loi au régime des licences obligatoires de dépendance et des licences d'office, le libre accès à la connaissance scientifique et le développement de la recherche. En tout état de cause, le choix de cette rédaction laisse ouverte la possibilité d'une renégociation de la directive dans un sens conforme aux principes du droit français. En effet, celle-ci paraît nécessaire, moins de la moitié des Etats membres ayant aujourd'hui ratifié la directive et, parmi eux, seul le Royaume-Uni l'ayant fait sans état d'âme, à l'inverse du Danemark, où la communauté des chercheurs en a fait grief aux pouvoirs publics, ou de la Finlande, qui a immédiatement adopté un autre texte remettant en cause le bien-fondé de la directive.

- Enfin, concernant les dispositions tendant à renforcer les garanties offertes aux personnes face aux examens de leurs caractéristiques génétiques ou à leur identification par empreintes génétiques, il s'agit de trouver un équilibre entre l'intérêt public et le droit de la personne de ne pas savoir ou de ne pas communiquer des informations recueillies à l'occasion de ces analyses. Dans cette perspective, la commission des lois a adopté un amendement précisant que le consentement donné par une personne pour procéder à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique est révocable sans forme et à tout moment. Par ailleurs, il y a lieu de s'interroger sur la responsabilité de la personne qui, se sachant atteinte d'une anomalie génétique grave, n'en informe pas sa parentèle alors que des mesures de prévention ou de soins pourraient être proposées à celle-ci. La disposition introduite par le Sénat tendant à préciser que le médecin doit informer la personne de la nécessité de prévenir les membres de sa famille serait sans doute de nature à engager la responsabilité civile de la personne qui n'aurait pas prévenu ceux-ci dans l'hypothèse d'une maladie mortelle mais curable. Dans ces conditions, il convient de se demander si la substitution du terme « obligation » à celui de « nécessité » ne serait pas plus explicite quant aux conséquences du silence de la personne sur l'engagement de sa responsabilité. Etre le porteur d'une anomalie génétique transmissible peut provoquer un sentiment de culpabilité, conduisant la personne à garder le silence, fût-ce au prix de conséquences dramatiques pour son entourage. Les avis sur cette obligation d'information de la parentèle sont partagés : M. Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, a exprimé de vives réserves sur ce point, le ministre de la santé ayant, pour sa part, souligné que le patrimoine génétique est par nature familial et que le fait d'être porteur d'une anomalie génétique transmissible ne peut être assimilé à une maladie contagieuse.

M. Alain Claeys a d'abord remercié le président Jean-Michel Dubernard et les rapporteurs pour les conditions d'organisation du débat. Il a indiqué que les membres du groupe socialiste adopterait une attitude identique à celle suivie lors de la mission d'information et de la discussion en première lecture, c'est-à-dire une attitude constructive.

La discussion au Sénat a jeté une certaine confusion dans le débat, notamment en raison de la médiatisation excessive de la secte des Raéliens et du criminel Antinori, qu'on hésite à qualifier de docteur. Lors du débat au Sénat, la confusion entre le clonage thérapeutique et reproductif a été sciemment entretenue et le procès de l'assistance médicale à la procréation conduit.

Le texte adopté en première lecture était pourtant, grâce à la contribution de tous, un texte clair qui, sans être porté par un consensus, reposait sur une majorité large qui rassemblait au-delà des clivages. Ainsi, la plupart des ministres du gouvernement actuel avait alors voté le texte.

Les interrogations portent sur les cinq points suivants :

- La première question concerne l'élargissement du cercle des donneurs potentiels d'organes réalisé par le projet de loi. On peut regretter que le rapporteur n'apporte pas de réponse claire sur cette question essentielle et ne définisse pas en particulier la position à adopter à l'égard de la rédaction du Sénat.

- Le deuxième point porte sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Le thème du clonage thérapeutique doit évidemment être abordé. Cependant, le point essentiel concerne les cellules souches embryonnaires. La position la plus détestable consisterait à rester dans l'ambiguïté découlant du texte adopté par le Sénat. Le choix devrait être favorable à une recherche encadrée, qui permettrait des progrès sur les cellules souches adultes ainsi que sur les mécanismes de différenciation cellulaire. Nous en sommes encore au stade de la recherche fondamentale et il convient d'éviter d'employer le terme « thérapeutique » qui est trompeur pour les patients et oppressant pour les chercheurs. La position du Sénat est surréaliste : est en effet prévu un moratoire de cinq ans et créée une obligation pour la recherche d'apporter la preuve que cette pratique peut déboucher sur des progrès thérapeutiques majeurs. Comme l'ont souligné des directeurs de recherche de l'INSERM, la recherche débouche souvent sur des applications dont on n'avait pas idée au départ, d'où la difficulté d'apporter de telles preuves.

En fait, la rédaction du Sénat interdit pendant cinq ans la recherche sur les cellules souches embryonnaires, du fait des délais de mise en place de l'Agence de la biomédecine et de la difficulté d'élaboration des protocoles de recherche. Quel que soit le choix fait, il doit être clairement assumé.

- La troisième question tourne autour de l'assistance médicale à la procréation. Le débat porte cette fois sur la conciliation entre droit à l'enfant et droits de l'enfant. Deux critiques sont formulées à l'encontre du dispositif en vigueur : en amont, on peut noter l'insuffisance des expérimentations sur le couple, comme en témoigne l'utilisation de la technique de l'ICSI (« Intracytoplasmic sperm injection »), il faut donc accepter ces expérimentations ; en aval, il faut améliorer le suivi.

- Le quatrième débat porte sur l'article 12 bis relatif à la brevetabilité. Un travail est en cours au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; un amendement sera ultérieurement déposé. Il faut renégocier la directive en favorisant la brevetabilité des applications. Le système actuel est contestable aussi bien sur le plan scientifique que sur le plan économique puisqu'il constitue une rente de connaissances.

- Le dernier point a trait au clonage. Le clonage thérapeutique est stigmatisé dans le texte adopté par le Sénat. Il s'agit du seul sujet sur lequel on va au-delà du texte adopté en première lecture. L'Agence de la biomédecine devra en être saisie dès sa création et faire des propositions dans un délai d'un an. Pourquoi freiner ainsi la recherche fondamentale ? Le rapporteur semble de ce point de vue en contradiction avec la position qu'il a adoptée s'agissant de la recherche sur l'embryon : le clonage thérapeutique n'est qu'une technique parmi d'autres. Plus généralement, pourquoi supprime-t-on du texte, amendement après amendement, les éléments favorisant la recherche ? Il est par exemple invraisemblable qu'il n'y ait pas de double pilotage de l'Agence de la biomédecine par le ministre chargé de la santé et celui chargé de la recherche. Est ainsi créée une confusion préjudiciable aux travaux des chercheurs au lieu des éclaircissements qui leur seraient nécessaires.

M. Jean Leonetti a rendu hommage aux rapporteurs pour leur présentation des difficultés propres à ce texte, le caractère imparfait de sa rédaction étant inhérent aux progrès incessants de la science. Il est rassurant que chacun aborde le débat avec ses doutes et ses hésitations et logique que chacun se sente individuellement concerné par des questions essentielles relatives à l'origine, la nature et la destinée de l'être humain. Par ailleurs, les découvertes scientifiques se font au sein d'un monde marchand dans lequel l'exigence de compétitivité ne concerne pas seulement la recherche fondamentale, mais également les perspectives de profit induites, parfois au détriment de la science et des individus eux-mêmes.

Le texte qui nous est proposé constitue un compromis équilibré. Jusqu'où peut-on aller dans les greffes sur les êtres vivants ? Le moins loin possible. De ce fait, il faut lever les freins pesant sur le don cadavérique. Le même équilibre préside à la réflexion sur la recherche embryonnaire. Il est plus dangereux sur le plan de l'éthique de travailler sur l'embryon que de pratiquer le transfert nucléaire. Dans le premier cas, il s'agit d'une déviation de l'ambition originelle de la procréation médicale assistée. L'encadrement est satisfaisant : il concilie la liberté de la recherche et la préservation des valeurs fondamentales.

S'agissant de la brevetabilité, le dispositif est à l'évidence imparfait et l'on ne peut qu'être favorable à une renégociation de la directive. La distinction opérée sur ce point par la différence entre brevetabilité du gène et des applications constitue une solution temporairement adaptée.

En ce qui concerne le crime contre l'espèce humaine, la proposition faite est la moins mauvaise des solutions puisqu'elle tend à combattre l'eugénisme sous toutes ses formes sans aller jusqu'à la qualification de crime contre l'humanité.

Plus généralement, il faut mener une réflexion parallèle sur l'éthique et les progrès scientifiques. La révision du droit en vigueur ne doit pas nécessairement se faire à des échéances données mais doit être opérée à chaque fois qu'elle est indispensable.

Mme Christine Boutin a tenu à féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Le projet de loi soumis aujourd'hui à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est un texte majeur parce qu'il engage la responsabilité du parlementaire à la fois dans la traduction de ses choix personnels et dans son engagement politique. A ce titre, il convient que les députés puissent disposer de suffisamment de temps pour pouvoir discuter sereinement en séance publique de questions parfois difficiles et sensibles, dans le respect des opinions des uns et des autres.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué qu'il veillerait à ce que la discussion du texte en séance publique puisse de dérouler dans les meilleures conditions.

Après avoir exprimé sa satisfaction sur ce point, Mme Christine Boutin a indiqué qu'un consensus ne pourrait pas forcément être trouvé sur un texte de cette nature mettant en jeu des convictions morales, éthiques et spirituelles. Il est normal que, sur un sujet aussi important, différentes sensibilités s'expriment et il serait souhaitable que la parole des minorités, quelles qu'elles soient, puisse être respectée. Elle a ensuite fait les remarques suivantes :

- Le rapporteur, dans sa double compétence de parlementaire et de praticien, a adroitement présenté les diverses problématiques que pose le don d'organes. La principale question est celle de l'expression du consentement ou du refus de don. A ce jour, un peu plus de 49 000 personnes se sont inscrites sur le registre national du refus de prélèvement. Ce chiffre n'est pas nécessairement représentatif de la réalité car rares sont les personnes connaissant aujourd'hui l'existence de ce registre. On peut donc considérer que le nombre des inscrits est relativement élevé étant donné la complexité de la procédure d'inscription sur ce registre. Il conviendrait de clarifier cette situation. Plus largement il serait opportun d'ériger le don d'organe en cause nationale afin de valoriser ceux qui choisissent de faire le don de leurs organes sans pour autant culpabiliser ceux qui optent pour un choix inverse. Enfin, dernier point, mais il est d'importance, la remise en état du corps du donneur devrait être une pratique généralisée. En effet, la présentation du corps constitue un aspect important de la cérémonie d'inhumation dans certaines religions.

- Concernant la brevetabilité du vivant, une renégociation de la réglementation à l'échelle européenne s'impose.

- Comme l'a indiqué M. Alain Claeys, mais pour des raisons différentes, l'assistance médicalisée à la procréation est traitée avec une grande hypocrisie dans le projet de loi. Est-il en effet possible d'utiliser les embryons surnuméraires à des fins de recherche médicale tout en respectant l'embryon ? Est-il acceptable de considérer que, puisqu'un stock d'embryons congelés est disponible aujourd'hui, on pourrait aisément l'utiliser pour les besoins de la science ?

S'agissant du clonage, Mme Christine Boutin a rappelé que lors de la discussion sur les précédentes lois de bioéthique, en 1994, elle avait déposé plusieurs amendements visant à interdire une telle pratique. On avait alors jugé que ces amendements relevaient de la science-fiction. Aujourd'hui le clonage constitue une actualité brûlante. L'expérience démontre que les députés seraient bien avisés de ne pas se gausser des arguments de ceux de leurs collègues qui défendent des positions d'avant-garde en ce domaine.

Ces dernières années, le concept de clonage s'est enrichi. On parle désormais de clonage reproductif et de clonage thérapeutique. Il n'existe pourtant aucune différence de nature entre les deux pratiques et il ne convient donc pas de les distinguer au niveau pénal. Sur ce point, le raisonnement de la rapporteure pour avis de la commission des lois comporte une faille. On peut se demander pourquoi il serait impossible de lier l'interdiction du clonage au crime contre l'humanité au motif que ce dernier répond à une définition internationale alors que, dans le même temps, la loi instituerait la notion de crime contre l'espèce humaine en accord avec la loi allemande. Il y a là une contradiction. La France doit avant tout œuvrer pour faire adopter au niveau international une convention réprimant le clonage.

Après avoir félicité les rapporteurs pour la qualité de leurs exposés respectifs, M. Olivier Jardé a déclaré que le projet de loi relève d'un équilibre difficile dans la mesure où il doit concilier les convictions morales de chacun sans pour autant brider le développement de la recherche scientifique. Deux questions se posent notamment : l'interdiction du clonage thérapeutique entraînera-t-elle l'interdiction de la commercialisation des médicaments issus de cette technique ; la valeur et le statut de l'embryon doivent-ils être liés au fait que ce dernier fait l'objet d'un projet parental ?

En matière de dons d'organes, l'existence du registre national des refus de prélèvement ne doit pas dispenser les médecins de demander leur accord aux familles et il serait opportun de mieux prendre en charge les problèmes psychologiques liés aux dons d'organes des personnes vivantes.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté différentes précisions. Les orateurs ont bien posé le problème éthique soulevé par la question de la recherche sur l'embryon. Le texte issu de la première lecture à l'Assemblée nationale avait autorisé la recherche dans un cadre strict et précis. Le texte issu du Sénat l'interdit mais admet certaines dérogations à ce principe après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La question qui se pose est celle du devenir des embryons surnuméraires. Trois cas de figure sont envisageables : soit ces embryons, qui ne font plus l'objet de projet parental, sont détruits ; soit ils sont accueillis par un autre couple ; soit le couple concerné accepte que des recherches soient menées sur les embryons avant leur destruction. La recherche sur un embryon qui consiste, par exemple, à prélever quelques cellules avant sa destruction est un acte médical comparable à celui qui consiste à pratiquer une ponction de cellules sur une personne. Mais la véritable question qui se pose est la suivante : faut-il produire des embryons dans un but de recherche médicale ?

M. Alain Claeys a indiqué que l'évaluation des techniques d'assistance médicale à la procréation, notamment de l'ICSI qui pose problème, nécessite de recourir à la conception d'embryon in vitro.

M. Jean-Marie Le Guen a ajouté que, historiquement, il paraît évident que la mise au point de la technique de la fécondation in vitro (FIV) n'a été rendue possible que grâce à une expérimentation préalable sur l'embryon. Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que les pratiques vétérinaires préexistantes avaient permis de développer cette technique chez l'homme. Poursuivant le raisonnement du président, M. Jean Bardet a déclaré que dans ce cas, le clonage humain, une fois acquise l'expérience en ce domaine chez l'animal, pourrait avoir lieu.

Concernant la recherche sur l'embryon, le rapporteur a précisé qu'un développement des techniques de recherche clinique précéderait l'établissement de règles de bonne pratique.

M. Alain Claeys a relevé que Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies avait précisé à l'occasion de la discussion au Sénat qu'une « médecine de l'embryon » était nécessaire. Cela implique une recherche sur l'embryon.

Le rapporteur a souligné que sa position pouvait encore évoluer. L'Agence de la biomédecine constitue un premier pas très appréciable pour prendre en considération à la fois les impératifs de la recherche et ceux liés au respect de l'embryon.

M. Jean-Marie Le Guen a considéré que l'acceptation de la recherche sur l'embryon, de nature à constituer pour certains parlementaires un déficit d'éthique, était compensée par un excès d'éthique en matière de transfert de noyau somatique. Or, cette technique ne présente pas de problématique éthique.

M. Jean Leonetti a estimé que cette technique, au contraire, peut bel et bien présenter des risques éthiques.

Le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Il est prématuré de parler de médicaments produits grâce à la méthode du transfert de noyaux somatiques.

- Il faut laisser à l'Agence de la biomédecine le temps de se développer il sera alors envisageable de créer une double tutelle associant le ministère chargé de la santé et le ministère en charge de la recherche.

La rapporteure pour avis a noté qu'il y a un consensus pour trouver une position de compromis sur la brevetabilité de génome humain, en partant d'une logique de renégociation de la directive européenne.

M. Alain Claeys a souligné que le droit en vigueur est celui posé par la directive, et qu'il s'applique d'ores et déjà aux entreprises françaises souhaitant déposer un brevet.

Enfin, la rapporteure pour avis a précisé qu'il existe deux types de crimes contre l'humanité : d'une part le génocide, d'autre part les « autres crimes contre l'humanité ». S'il est envisageable que le clonage puisse un jour rejoindre la liste des crimes contre l'humanité, cela nécessite la modification d'une convention internationale, ce qui est un processus très long.

*

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi restant en discussion.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER A

ÉTHIQUE ET BIOMÉDECINE

[Division et intitulé nouveaux]

Article additionnel avant l'article 1er A

(articles L. 1412-1 à L. 1412-4 du code de la santé publique)

Missions et statut du Comité consultatif national d'éthique

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à reconnaître au Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après vingt ans de fonctionnement, son rôle d'autorité véritablement indépendante.

Le rapporteur a indiqué que la composition du comité est fixée dans la loi, pour garantir l'indépendance de ses membres. Il est précisé que son rapport annuel est transmis au Président de la République et au Parlement et rendu public. Enfin, son champ de compétence est étendu aux questions de société soulevées par les progrès de la connaissance.

Il serait souhaitable que l'indépendance du comité se traduise par son rattachement au Premier ministre, pour qu'il ne soit plus soumis de fait à la tutelle de l'INSERM, laquelle peut poser problème lorsque des chercheurs de l'institut sont amenés à se prononcer au sein du comité sur des questions concernant leur institut.

Cet amendement répond au souhait du président du comité et va dans le sens de ce qu'a annoncé M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, lors de son audition par la commission le 18 mars 2003.

La commission a adopté l'amendement à l'unanimité.

Article 1er A (nouveau)

(articles L. 1125-2, L. 1244-8, L. 1251-1, L. 1418-1 à L. 1418-8 et L. 1419-1
du code de la santé publique)

Création de l'Agence de la biomédecine

Cet article, résultant de l'adoption par le Sénat d'un amendement du gouvernement, crée une Agence de la biomédecine, sous la forme d'un nouvel établissement public se substituant à l'Etablissement français des greffes (EFG) et à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP).

Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture proposait une solution alternative sous la forme de la création, à l'article 16, d'une nouvelle Agence pour la procréation, l'embryologie et la génétique humaines (APEGH). Compte tenu de l'existence de neuf agences sanitaires (AFSSAPS, AFSSA, AFSSE, ANAES, EFG, EFS, InVS, INPES et IRSN1), le gouvernement n'a pas souhaité créer une agence supplémentaire mais a préféré commencer un processus de recomposition des agences sanitaires autour de quelques pôles, afin de simplifier et d'améliorer l'efficacité des actions menées par des institutions dont les compétences se superposent souvent. C'est dans cette perspective que s'inscrit le remplacement de l'APEGH par l'Agence de la biomédecine, qui sera également en charge des missions de l'EFG et de la CNMBRDP, lesquels sont tous deux supprimés.

Le I de l'article 1er A déplace au sein du code de la santé publique les dispositions pénales d'application du titre Ier du livre IV de la première partie dans un nouveau chapitre IX, afin de « libérer » le chapitre VIII pour y insérer la création de l'Agence de la biomédecine.

Le II de l'article 1er A réécrit ledit chapitre VIII, intitulé : « Biomédecine », sous la forme de huit articles codifiés fixant le statut et les missions de l'Agence de la biomédecine. Le mot biomédecine résulte du rapprochement des activités médicales et biologiques. Il concerne la greffe (prélèvement, préparation, conservation, transport et utilisation des organes du corps humain) ainsi que la reproduction, l'embryologie et la génétique humaines.

L'article L. 1418-1 du code de la santé publique précise que la nouvelle agence est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, placé sous la tutelle du seul ministre chargé de la santé. Il définit ensuite les missions de l'agence, qui sont les suivantes :

1° participer à l'élaboration de la réglementation et de règles de bonnes pratiques dans le domaine de la biomédecine et formuler des recommandations ;

autoriser les protocoles d'études et de recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, ainsi que la conservation et l'importation de ces cellules, dans les conditions prévues par l'article 19 du projet de loi ;

3° autoriser les importations et exportations de gamètes et les déplacements d'embryons ;

4° autoriser les établissements de santé à réaliser le diagnostic prénatal ou biologique de cellules prélevées sur l'embryon ;

 agréer les praticiens pour la réalisation des examens des caractéristiques génétiques d'une personne ou de son identification par empreintes génétiques, du diagnostic biologique ou prénatal et de l'assistance médicale à la procréation ;

6° gérer la liste nationale des patients en attente de greffe et établir les règles d'attribution des greffons qui seront fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ;

 gérer le fichier des donneurs volontaires de moelle osseuse ;

 émettre un avis sur les demandes d'autorisation des établissements de santé pour leurs activités relevant de la greffe, de l'importation et de l'exportation des tissus et des cellules issus du corps humain et des organes, de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou de son identification par empreintes génétiques, du diagnostic biologique ou prénatal et de l'assistance médicale à la procréation ;

 suivre, évaluer et contrôler les activités de biomédecine réalisées par les établissements et organismes relevant de la compétence de l'agence ;

10° gérer le répertoire des personnes vivantes sur lesquelles a été prélevé un organe à fins de don ;

11° promouvoir le don de gamètes, d'organes, de tissus et de cellules issus du corps humain ;

12° informer les institutions politiques sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine de la biomédecine.

L'agence peut être saisie par des associations agréées de personnes malades et d'usagers du système de santé, dans des conditions définies par décret, afin de favoriser la participation de la société civile au suivi des activités relevant de la compétence de l'agence. Elle établit un rapport public annuel qui est adressé au Parlement, au Gouvernement et au Comité consultatif national d'éthique et rend notamment compte des autorisations et agréments accordés et de l'avancement des recherches sur les cellules souches adultes.

L'article L. 1418-2 du code de la santé publique autorise l'agence, pour l'accomplissement de ses missions, à créer en son sein un corps d'agents d'inspection chargés des contrôles et investigations, avec les mêmes pouvoirs et sous les mêmes sanctions que les agents de l'Etat. Il autorise également l'agence à demander aux autorités compétentes de l'Etat de faire intervenir leurs agents habilités à contrôler l'application des dispositions législatives et réglementaires visant à préserver la santé humaine (il s'agit des inspecteurs des autres agences sanitaires et des DRASS, ainsi que des médecins inspecteurs de santé publique).

L'article L. 1418-3 du code de la santé publique organise le mode de gestion de l'agence.

L'agence est administrée par un conseil d'administration, composé, outre son président désigné par décret, pour moitié de représentants des ministres chargés de la santé, de la justice et de la recherche, de la Caisse nationale d'assurance maladie, des neuf agences sanitaires et des établissements publics de recherche concernés (INSERM et CNRS), et pour moitié de personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans les domaines relevant des missions de l'agence et de représentants du personnel. Le conseil d'administration délibère sur les orientations générales, le programme d'investissements, le rapport annuel d'activité, le budget et les comptes de l'agence, les subventions éventuellement attribuées par l'agence, ainsi que sur l'acceptation et le refus de dons et legs.

L'agence est dirigée par un directeur général, nommé par décret, qui prend au nom de l'Etat les décisions d'autorisation et d'agrément et émet les avis et recommandations qui relèvent de la compétence de l'agence.

L'article L. 1418-4 du code de la santé publique créé un conseil d'orientation médical et scientifique (COMS) au sein de l'agence.

Ce conseil d'orientation doit permettre la prise en compte d'une réelle expertise médicale et scientifique pour chaque autorisation ou agrément accordé par le directeur général de l'agence et sur toute question intéressant la recherche médicale ou scientifique et relevant de la compétence de l'agence.

Les dix-neuf membres du conseil, nommés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche, sont les suivants : un président, un député, un sénateur, un membre du Conseil d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation, un membre du Comité consultatif national d'éthique, un membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, six experts désignés sur proposition des agences sanitaires et des établissements publics de recherche et six personnes désignées en raison de leur expérience dans les domaines d'activité de l'agence.

L'article L. 1418-5 du code de la santé publique organise les relations entre l'agence et le Comité consultatif national d'éthique : l'agence peut saisir le comité de toute question soulevant un problème éthique et être consultée par le comité sur toute question relevant de sa compétence.

L'article L. 1418-6 du code de la santé publique détermine les règles applicables aux personnes travaillant pour le compte de l'agence.

Le statut du personnel administratif de l'agence est identique à celui des personnels de l'AFSSAPS ; il s'agit soit de fonctionnaires, soit d'agents contractuels de droit public ou privé.

Des règles déontologiques particulières sont posées : les membres du conseil d'administration sont tenus au secret professionnel, comme toute personne ayant à connaître des informations détenues par l'agence ; les membres du conseil d'orientation ne peuvent pas prendre part aux délibérations ou aux votes s'ils ont un intérêt direct ou indirect à l'affaire examinée, avec pour sanction en cas de manquement la démission d'office et les peines prévues en cas de prise illégale d'intérêts (cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende)

Il est également prévu la création auprès de l'agence, pour l'aider à accomplir ses missions, de groupes d'experts ou de commissions, dont les membres sont nommés par le directeur général de l'agence et soumis aux règles déontologiques susmentionnées. Ces groupes sont notamment chargés de l'instruction technique des dossiers de demandes d'autorisation.

L'article L. 1418-7 du code de la santé publique détermine les ressources financières de l'agence : des subventions de l'Etat, de la Communauté européenne ou d'organisations internationales ; une dotation globale versée par les régimes d'assurance maladie ; des taxes et redevances qui pourraient le cas échéant être créées expressément au bénéfice de l'agence ; des produits divers, dons et legs ; des emprunts. A titre de comparaison, le budget de l'EFG pour l'année 2003 est de 1,1 million d'euros.

L'article L. 1418-8 du code de la santé publique renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des modalités d'application des règles statutaires applicables à l'agence, et notamment son régime administratif, budgétaire, financier et comptable, la tutelle de l'Etat, les règles statutaires et déontologiques applicables aux agents contractuels de l'agence et le mode de fixation de la dotation globale versée à l'agence par l'assurance maladie.

Le III de l'article 1er A organise la substitution de la nouvelle agence aux actuels EFG et CNMBRDP, en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la détermination des modalités de transfert des compétences, moyens, droits et obligations de ces instances vers l'agence.

Le IV de l'article 1er A réécrit l'intégralité du titre V du livre II de la première partie du code de la santé publique, lequel comprend actuellement les dispositions régissant l'Etablissement français des greffes, et n'en conserve au sein d'un chapitre unique que l'article L. 1251-1 instituant la liste nationale des patients en attente de greffe.

Le V de l'article 1er A transfère du ministre chargé de la santé à l'Agence de la biomédecine le pouvoir d'autorisation des importations et exportations de gamètes issues du corps humain. Il s'agit d'un délégation de pouvoir réglementaire au profit de l'agence.

Le VI de l'article 1er A substitue la nouvelle agence à l'Etablissement français des greffes en tant qu'instance compétente pour, d'une part, donner un avis au ministre chargé de la santé pour les autorisations des recherches cliniques portant sur l'utilisation thérapeutique d'organes, de tissus ou de cellules d'origine animale chez l'homme et, d'autre part, donner un avis à l'AFSSAPS sur l'élaboration des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement, à la conservation, à la transformation, au transport et à l'utilisation des organes, tissus et cellules animaux et à la sélection, à la production et à l'élevage des animaux.

Le VII de l'article 1er A fixe l'entrée en vigueur des dispositions du présent article à la date de publication du décret nommant le directeur général de l'Agence de la biomédecine, afin de faciliter la mise en place sans précipitation de l'agence.

*

Article L. 1418-1 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser les missions de l'Agence de la biomédecine.

Le rapporteur a présenté le regroupement des missions de l'agence proposé par l'amendement : missions générales de réglementation et d'information (1° et 2°), missions d'évaluation et de contrôle (3° et 4°), missions liées à la greffe (5° à 8°), missions d'autorisation, d'agrément et d'avis (9° à 11°).

Trois nouvelles missions sont ajoutées, tendant à :

- promouvoir une démarche d'amélioration de la qualité et de la sécurité sanitaire et d'incitation à la recherche scientifique dans les domaines de la greffe et de la reproduction (3°) ;

- mettre en œuvre un suivi de l'état de santé des donneurs d'ovocytes (6°) ;

- autoriser les établissements qui préparent, conservent, distribuent et cèdent des tissus et des préparations de thérapie cellulaire, à la place de l'AFSSAPS (9°), car il s'agit d'opérations assimilées aux greffes plutôt que de produits de santé.

La possibilité pour les associations de malades de saisir l'agence est complétée par la possibilité d'une saisine parlementaire. Il est également précisé que l'agence rend compte, dans son rapport public annuel, des éventuels trafics d'organes.

M. Jean Bardet a rappelé qu'une loi de bioéthique constitue une loi morale et définit les règles supérieures s'appliquant à la recherche. Or, beaucoup de dispositions du projet de loi relèvent plutôt du domaine organisationnel et administratif, comme la création de l'Agence de la biomédecine, si bien que la présente loi mélangera les problèmes fondamentaux et les détails pratiques.

Le rapporteur a répondu qu'il est essentiel de mettre en place l'Agence de la biomédecine et que les questions d'organisation sont le complément naturel des grandes règles.

La commission a adopté l'amendement.

En conséquence, deux amendements identiques de M. Alain Claeys et Mme Jacqueline Fraysse prévoyant une co-tutelle des ministres chargés de la santé et de la recherche sur l'agence et quatre amendements de Mme Christine Boutin visant à limiter les pouvoirs de l'agence en matière de recherches sur l'embryon sont devenus sans objet. Le rapporteur a indiqué que le débat de fond sur la recherche sur l'embryon aura lieu à l'occasion de la l'examen de l'article 19 du projet de loi.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Claeys visant à préciser que le rapport annuel d'activité de l'Agence de la biomédecine contient des propositions de réforme législative et réglementaire et qu'il est examiné par les commissions compétentes des deux assemblées.

Le rapporteur a émis un avis défavorable en estimant que cet amendement est déjà satisfait par celui adopté par la commission, tant en ce qui concerne le rôle de proposition de l'agence que ses relations avec le Parlement.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 1418-2 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur supprimant la création d'un corps d'inspecteurs spécifiques à l'Agence de la biomédecine et précisant que l'agence peut demander aux autorités administratives compétentes de faire intervenir leurs agents habilités à contrôler l'application des dispositions législatives et réglementaires visant à préserver la santé humaine.

Le rapporteur a expliqué qu'il ne semble pas opportun de créer un corps d'inspecteurs spécifiques à l'agence, compte tenu de l'excellence des compétences disponibles en la matière au niveau des autorités de l'Etat. Ce corps d'inspection n'aurait pas une « taille critique » suffisante pour opérer des contrôles efficaces.

La commission a adopté l'amendement.

En conséquence, un amendement de M. Alain Claeys accroissant le champ sur lequel porte les contrôles de l'agence est devenu sans objet.

Article L. 1418-3 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur précisant que la détermination des ministères représentant l'Etat au sein du conseil d'administration de l'agence relève du pouvoir réglementaire et non de la loi.

M. Jean Marie Le Guen a fait remarquer que de nombreux textes de loi comportent ce type de disposition.

M. Jean Bardet a noté que cette loi s'occupe vraiment trop de l'organisationnel, compte tenu des dispositions de nature purement réglementaires qui s'y trouvent.

Le rapporteur a indiqué qu'il faut justement ne pas surcharger le texte et simplifier les procédures.

La commission a adopté l'amendement, ainsi qu'un amendement de précision du rapporteur.

Elle a ensuite adopté deux amendements du rapporteur tendant respectivement à :

- préciser que l'autorité de nomination des membres du conseil d'administration de l'Agence de la biomédecine est le ministre chargé de la santé ;

- prévoir que le conseil d'administration de l'agence doit se prononcer sur le rapport annuel d'activité transmis au Parlement et au gouvernement.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et un amendement du même auteur réalisant une coordination avec l'amendement adopté à l'article L. 1418-1.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par Mme Christine Boutin permettant un recours hiérarchique contre l'ensemble des décisions prises par le directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Mme Christine Boutin a estimé que les décisions du directeur général sont prises au nom de l'Etat et qu'elles ont valeur d'actes administratifs. La portée scientifique de certaines de ces décisions ne saurait leur conférer un statut particulier qui les protègerait des voies de recours de droit commun, à commencer par le recours hiérarchique devant le ministre.

Le rapporteur a précisé que l'Agence de la biomédecine est un établissement public administratif de l'Etat qui, du fait de son autonomie, n'est pas soumis au pouvoir hiérarchique du ministre. Il n'en demeure pas moins soumis à sa tutelle, à l'instar de l'ensemble des agences sanitaires ou de tout établissement public. Par ailleurs, les recours juridictionnels devant le tribunal administratif sont possibles.

Mme Christine Boutin a estimé que, dans ces conditions, l'agence relève du même statut que la Banque de France vis-à-vis du politique, et qu'elle est donc trop indépendante vis-à-vis du pouvoir politique, lequel abdique toutes ses prérogatives.

M. René Couanau, président, a indiqué que, dans la mesure où il s'agit d'une agence et non d'un service de l'Etat, le recours hiérarchique n'est pas possible.

M. Jean-Marie Le Guen a considéré que, dès lors qu'il est attribué à l'agence des fonctions normatives, celles-ci doivent pouvoir faire l'objet de contrôles.

Mme Christine Boutin a souligné l'importance du problème posé et souhaité que l'agence soit effectivement placée sous tutelle.

Le rapporteur a rappelé que les neuf agences sanitaires qui ont déjà été créées par le législateur relève du même statut que l'Agence de la biomédecine. Il y a bien une tutelle du ministre chargé de la santé, mais l'agence ne sera pas une direction supplémentaire du ministère.

Mme Christine Boutin s'est insurgée en rappelant que l'agence traitera de problèmes concernant les embryons.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur de précision et de coordination avec l'article 19 du projet de loi.

Article L. 1418-4 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à ce que le conseil d'orientation médical et scientifique de l'Agence de la biomédecine ne se prononce pas sur toutes les demandes d'agrément de praticiens mais se contente de définir les critères objectifs généraux sur la base desquels le directeur général de l'agence accordera l'agrément.

Le rapporteur a indiqué qu'il s'agit ainsi de permettre à l'agence de réaliser dans de bonnes conditions son autre mission d'expertise dans le domaine de la recherche sur l'embryon.

La commission a adopté cet amendement, puis un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys tendant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, en ce qui concerne la présence de quatre parlementaires au sein du conseil d'orientation médical et scientifique de l'agence.

Le rapporteur a indiqué que le texte du Sénat prévoit la présence d'un sénateur et d'un député, ce qui peut sembler suffisant compte tenu des missions du conseil d'orientation médical et scientifique, mais qu'il n'a aucune opposition de principe à formuler contre cet amendement.

M. Alain Claeys a estimé que la présence d'un nombre suffisant de parlementaires pour représenter la majorité comme l'opposition est souhaitable.

Après que M. René Couanau, président, a estimé cette demande légitime, la commission a adopté l'amendement.

Suivant l'avis défavorable exprimé par le rapporteur, la commission a rejeté un amendement présenté par M. Alain Claeys tendant à prévoir la représentation du Conseil économique et social au sein du conseil d'orientation médical et scientifique.

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à renforcer la qualité d'expertise proprement scientifique du conseil d'orientation en prévoyant la présence d'experts et de personnalités qualifiés pour les deux tiers de ses membres.

Mme Christine Boutin s'est interrogée sur la légitimité d'une représentation exclusivement scientifique et a souhaité la présence d'humanistes au sein du conseil d'orientation, compte tenu des sujets importants et sensibles qu'il aura à traiter.

Le rapporteur a indiqué que parmi les experts et personnalités qualifiées pourront être nommées des personnes faisant autorité dans le domaine des sciences humaines.

Mme Catherine Génisson a proposé au rapporteur de rectifier l'amendement en portant le nombre d'experts et de personnalités qualifiées de 14 à 15, compte tenu de l'augmentation du nombre de parlementaires au sein du conseil d'orientation décidée par la commission.

Le rapporteur a accepté cette rectification.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

En conséquence, un amendement de Mme Jacqueline Fraysse tendant à intégrer, au sein du conseil d'orientation de l'agence, des représentants des associations de malades, des usagers du système de santé et d'associations familiales et un amendement de M. Alain Claeys confiant au président de la République et aux présidents des deux assemblées parlementaires la désignation chacun de deux personnes présentes au conseil d'orientation médical et scientifique sont devenus sans objet.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys prévoyant la représentation d'associations agréées de personnes malades, d'usagers du système de santé, d'associations familiales et d'associations de défense des droits de l'Homme au sein du conseil d'orientation médical et scientifique.

Le rapporteur a estimé que la mention des personnalités qualifiées dans l'amendement précédemment adopté par la commission permet la représentation de la société civile et que les débats éthiques ont déjà lieu au sein du Comité consultatif national d'éthique.

M. Alain Claeys a rappelé que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a pleinement reconnu le rôle des associations de malades et d'usagers du système de santé.

Le rapporteur a indiqué n'être pas opposé par principe à la présence d'associations de personnes malades au sein du conseil d'orientation mais qu'il faut revoir ce problème compte tenu de la nécessité d'agréer les associations véritablement représentatives.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté un amendement de M. Olivier Jardé tendant à prévoir la présence de représentants d'associations agréées de personnes malades et d'anciens malades au sein du conseil d'orientation, après que M. René Couanau, président, a souligné l'intérêt de garantir dans la loi leur participation au fonctionnement de l'Agence de la biomédecine.

M. Jean-Marie Le Guen a déploré que les amendements de MM. Alain Claeys et Olivier Jardé, qui ont le même objet - assurer la représentation des associations de malades et d'usagers du système de santé -, aient fait l'objet d'un traitement différent par la commission. Ce procédé n'est pas correct à l'égard de l'opposition.

M.  Alain Claeys a souligné qu'il convient de respecter des règles claires pour maintenir le climat constructif du débat.

M. René Couanau, président, a indiqué que, sur le fond, il est important que les associations de malades soient représentées au sein de l'Agence de la biomédecine, et que, sur la forme, l'amendement de M. Olivier Jardé, qui a été adopté par la commission, a une rédaction différente et plus précise que celui de M. Alain Claeys.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Claeys visant à prévoir une représentation équilibrée d'hommes et de femmes au sein du conseil d'orientation médical et scientifique de l'agence, ainsi que cela avait été prévu dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Mme Catherine Génisson a fait remarquer que les femmes s'investissent beaucoup dans les professions médicales alors qu'un faible nombre d'entre elles accèdent à des postes de responsabilité. C'est la raison pour laquelle, sur des sujets aussi sensibles que la recherche en embryologie ou l'assistance médicale à la procréation, il convient de prévoir une représentation équilibrée des hommes et des femmes.

M. Jean-Marie Le Guen s'est déclaré d'autant plus favorable à l'amendement qu'il faudra aussi à l'avenir veiller à la représentation des hommes compte tenu de la surreprésentation des femmes dans les études et les professions médicales.

Après avoir indiqué qu'il est favorable sur le fond à une meilleure représentation des femmes au sein du conseil d'orientation, le rapporteur a néanmoins considéré que l'adoption de cet amendement risquerait d'entacher de suspicion les nominations des autorités compétentes car il convient avant tout de nommer des personnalités qualifiées de qualité, femmes ou hommes.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 1418-7 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Article L. 1418-8 du code de la santé publique

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et un amendement du même auteur corrigeant une erreur de référence.

La commission a adopté un amendement du rapporteur de coordination avec l'article 16 du projet de loi et un amendement rédactionnel du même auteur.

Elle a ensuite adopté l'article 1er A ainsi modifié.

Article 1er B (nouveau)

Conditions du transfert à l'Agence de la biomédecine de la gestion
du fichier des donneurs volontaires de moelle osseuse

Cet article, résultant de l'adoption par le Sénat d'un amendement du gouvernement, confie à la nouvelle Agence de la biomédecine créée à l'article 1er. A la gestion du fichier des donneurs volontaires de moelle osseuse, laquelle est actuellement assurée par l'association France greffe de moelle (FGM).

Le fichier français des donneurs de moelle osseuse comprenait, au 31 décembre 2001, 106 934 candidats inscrits. La responsabilité de la gestion de ce fichier a été confiée à l'Etablissement français des greffes dans son décret constitutif, mais celui-ci n'a jamais été en mesure de pouvoir l'exercer du fait du refus de l'association France greffe de moelle de signer une convention d'intégration (qui eût fait d'elle un service de l'établissement). L'association souhaitait en effet une convention « d'affiliation » dont les contours restaient obscurs et qui ne paraissait pas modifier la situation actuelle.

C'est pourquoi le gouvernement a entendu saisir l'opportunité du changement institutionnel que constitue la création de l'Agence de la biomédecine pour résoudre ce problème. Il a ainsi proposé d'inclure dans les missions de la nouvelle agence la gestion du fichier des donneurs volontaires de cellules souches hématopoïétiques ou de cellules mononucléées périphériques pour les malades qui ne peuvent recevoir une greffe apparentée compatible (7° de l'article L. 1418-1 nouveau du code de la santé publique tel qu'issu de l'article 1er A du présent projet de loi).

Le présent article prévoit en conséquence la cession du fichier de FGM à l'Agence de la biomédecine. Ce transfert permettra de développer le fichier dans de meilleures conditions organisationnelles (par rapport au statut associatif), selon les objectifs du « plan greffe » (assurer la croissance du fichier tout en améliorant sa qualité et en l'enrichissant en donneurs originaires de groupes rares).

Conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les personnes inscrites sur le fichier seront consultées avant son transfert, lequel interviendra dans les trois mois suivant la mise en place de l'Agence de la biomédecine (dans les conditions prévues par le VII de l'article 1er A, à savoir la nomination du directeur général de l'agence).

L'association France greffe de moelle sera au préalable indemnisée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, et les personnels de droit privé qu'elle avait recruté spécifiquement pour la gestion du fichier seront employés par l'Agence de la biomédecine en conservant les stipulations actuelles de leur contrat de travail (il s'agit de l'application au cas particulier de l'article L. 122-12 du code de travail, lequel prévoit le maintien du contrat de travail en cas de modification de la situation juridique de l'employeur).

*

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à faire coïncider la date de transfert du fichier de l'association France greffe de moelle à l'Agence de la biomédecine et la date de transfert des personnels correspondant, soit au plus tard trois mois après la nomination du directeur général de l'agence.

Puis elle a adopté l'article 1er B ainsi modifié.

TITRE IER

DROITS DE LA PERSONNE
ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES

Chapitre Ier

[Suppression conforme de la division et de l'intitulé]

Article 1er C (nouveau)

Rapport sur l'information de la population en matière de bioéthique

Cet article - résultant de l'adoption par le Sénat, avec avis favorable du gouvernement, d'un amendement présenté par M. Guy Fischer et les sénateurs membres du groupe communiste, républicain et citoyen - prévoit la remise d'un rapport du gouvernement au Parlement, trois mois après la publication de la présente loi, sur les mesures susceptibles d'être mises en œuvre pour informer la population sur les évolutions en matière de bioéthique.

Il s'agit de promouvoir le débat public sur les questions relatives à la bioéthique et sur les problèmes soulevés par les évolutions de la biomédecine, afin d'y intéresser l'ensemble de la population. A notamment été évoquée au cours des débats en séance publique au Sénat la création de « conférences citoyennes » ou de « cafés éthiques » sur le modèle des « cafés philosophiques ».

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur de suppression de l'article.

Le rapporteur a indiqué que la demande d'un rapport supplémentaire au gouvernement sur l'information du public en matière de bioéthique n'est pas nécessaire car il existe déjà de nombreuses initiatives, par exemple, associatives en la matière. De plus, des rapports publics seront rendus chaque année sur ces questions notamment par le Comité consultatif national d'éthique et par l'Agence de la biomédecine.

Le Comité consultatif national d'éthique doit organiser également chaque année une conférence publique sur les problèmes d'éthique dans le domaine des sciences de la vie et de la santé et le présent débat sur les lois de bioéthique permet l'expression d'un véritable débat public et citoyen, bien relayé par la presse.

Tout en comprenant la motivation du rapporteur, Mme Christine Boutin a souligné que l'adoption d'un tel amendement conduirait le Parlement à se dessaisir de l'une de ses prérogatives en matière de contrôle de l'action du gouvernement. Le rapport prévu par le Sénat, qui n'est pas spécifiquement lié à la loi de bioéthique, a vocation à informer la représentation nationale et la population sur les évolutions en matière de bioéthique.

M. Alain Claeys a estimé que ce rapport peut présenter une certaine utilité.

Le rapporteur a fait observer que la question soulevée par Mme Christine Boutin relative à l'information régulière du Parlement mérite d'être prise en considération mais que la remise d'un rapport du gouvernement au Parlement, trois mois après la publication de la présente loi, ne permettra pas en tout état de cause d'apporter une information pertinente.

La commission a adopté l'amendement.

Elle a donc supprimé l'article 1er C.

Chapitre II

Examen des caractéristiques génétiques et identification
d'une personne par ses empreintes génétiques

La commission a adopté un amendement du rapporteur tendant à supprimer l'intitulé du chapitre II en vue de procéder à une meilleure structuration du texte compte tenu de la suppression conforme par les deux assemblées du chapitre Ier du titre Ier.

Article 2

(articles 16-10 du code civil et 226-25 et 226-26 du code pénal)

Conditions de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne

Cet article détermine les conditions dans lesquelles peut être pratiqué un examen des caractéristiques génétiques d'une personne. Cette notion est substituée, dans le code civil, le code pénal et le code de la santé publique, à celle d'étude génétique des caractéristiques d'une personne qui avait été introduite par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.

Il s'agit ainsi de garantir un régime juridique plus protecteur pour les personnes, car couvrant un champ plus large : des informations génétiques peuvent en effet être obtenues tant à partir d'examens génétiques moléculaires qu'au moyen d'examens cliniques ou biologiques traditionnels. Ce régime juridique plus protecteur permet à la France de se conformer à la convention d'Oviedo en ce qui concerne le consentement libre et éclairé de la personne.

En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé que le consentement de la personne doit être exprès et intervenir après qu'elle a reçu une information sur la nature et la finalité de l'examen, finalité que doit mentionner le consentement. Elle a également décidé de sanctionner pénalement, en plus du fait de procéder à un examen des caractéristiques génétiques d'une personne sans avoir recueilli préalablement son consentement, le fait de procéder à un tel examen à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique. Les sanctions prévues à l'article 226-25 du code pénal demeurent inchangées : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Outre la rectification d'une erreur matérielle à l'article 226-25 du code pénal, le Sénat a précisé, à l'initiative de sa commission des affaires sociales et avec l'accord du gouvernement, que le consentement exprès de la personne, recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen de ses caractéristiques génétiques, est révocable sans forme et à tout moment.

*

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle a examiné en discussion commune deux amendements, présentés l'un par M. Olivier Jardé, l'autre par le rapporteur, tendant à prévoir, dans un souci de parallélisme des formes avec l'expression du consentement par écrit pour un examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le retrait de ce consentement également par écrit, afin de garantir les moyens de preuve.

Après que M. Olivier Jardé a retiré son amendement, la commission a adopté l'amendement du rapporteur.

Elle a adopté un amendement de précision du rapporteur.

Puis elle a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

(articles 16-11 du code civil et L. 1131-1 et L. 1131-3 du code de la santé publique)

Conditions de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques

Cet article détermine les conditions dans lesquelles peut être pratiquée l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique. Comme pour l'examen des caractéristiques génétiques à l'article 2, il s'agit de garantir un régime du consentement plus protecteur pour les personnes.

En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé que le consentement de la personne doit être exprès et intervenir après qu'elle a reçu une information sur la nature et la finalité de l'identification, finalité que doit mentionner le consentement. Elle a également interdit toute identification post mortem par empreintes génétiques en matière civile, sauf accord exprès manifesté de son vivant par la personne décédée.

A défaut de consentement, le projet de loi autorise la réalisation d'une identification ou un examen des caractéristiques génétiques à des fins médicales dans l'intérêt de la personne. Il est à noter que cette dérogation au principe de l'obligation du consentement figure dans le seul code de la santé publique, et non dans le code civil.

Le Sénat a précisé, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, que si l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne aboutit à diagnostiquer une anomalie génétique grave, le médecin informe la personne ou son représentant légal de la nécessité de prévenir les membres de sa famille potentiellement concernés, si des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. Le gouvernement a tenu à faire dégager entièrement la responsabilité du professionnel de santé dans ce cas, en prévoyant la communication d'un document signé et remis à la personne concernée, laquelle doit attester de cette remise. Ces dispositions tentent de concilier le respect du secret médical et la protection de la santé des personnes malades ; elles tendent à déroger à la liberté individuelle pour éviter qu'il n'y ait non-assistance à personne en danger. Elles aboutissent ainsi à faire peser sur la personne diagnostiquée malade la responsabilité d'informer les membres de sa famille potentiellement concernés.

Outre une coordination rédactionnelle à l'article 16-11 du code civil et la rectification d'une erreur matérielle à l'article L. 1131-1 du code de la santé publique, le Sénat a également précisé, à l'initiative du gouvernement, que les dispositions de ce dernier code relatives aux recherches biomédicales (telles qu'issues de la loi Huriet) ne sont applicables qu'aux recherches génétiques qui impliquent un suivi des personnes. Les règles spécifiques pour la constitution de collections d'échantillons biologiques humains et les recherches génétiques mises en œuvre à partir de ces collections sont fixées à l'article 4 du présent projet.

Enfin, toujours à l'initiative du gouvernement, le Sénat a confié à l'Agence de la biomédecine le pouvoir d'agrément des professionnels de santé habilités à procéder à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ; en revanche, l'agrément des personnes habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques à des fins de recherche demeure de la compétence des ministres chargés de la santé et de la recherche.

*

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys tendant à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en ce qui concerne le consentement par écrit d'une personne à son identification par ses empreintes génétiques.

Après que le rapporteur a fait observer que l'objet de cet amendement est satisfait par le texte du Sénat, M. Alain Claeys l'a retiré.

La commission a adopté un amendement du rapporteur de coordination avec l'article 2.

La commission a ensuite examiné l'amendement n° 1 présenté par Mme Valérie Pecresse, au nom de la commission des lois saisie pour avis, tendant à préciser que le consentement donné par une personne pour procéder à son identification par ses empreintes génétiques à des fins médicales ou de recherche scientifique est révocable sans forme et à tout moment.

La commission a adopté un sous-amendement du rapporteur précisant, dans un souci de parallélisme des formes, que le retrait du consentement se fait par écrit, puis l'amendement n° 1 ainsi modifié.

La commission a examiné l'amendement n° 13 de M. Jean-Michel Dubernard visant à substituer à la nécessité de prévenir les membres de la famille en cas de diagnostic d'une maladie génétique grave l'obligation pour le malade de le faire par tout moyen approprié.

Le rapporteur a indiqué que la disposition du projet de loi prévoyant l'information par le médecin de la nécessité de prévenir la famille en cas de diagnostic d'une maladie génétique grave, si des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées, permet de dégager la responsabilité du professionnel de santé.

L'amendement pose une obligation d'information par le malade des membres de sa famille, par tout moyen approprié permettant le cas échéant de préserver son anonymat. Le non-respect de cette obligation pourra être sanctionné pour faute devant les juridictions civiles et garantira surtout de pouvoir sauver des personnes qui sinon risquent une mort certaine.

Cette dérogation à la liberté individuelle est donc bien instituée pour des raisons vitales de santé.

Mme Christine Boutin a déclaré comprendre la nécessité d'assurer une meilleure protection du médecin sur le plan de la responsabilité. Cependant, créer une obligation constitue pour le malade une pression considérable. Mieux vaut aider psychologiquement la personne porteuse d'une maladie génétique transmissible et accompagner la révélation plutôt que d'instituer une telle obligation.

Tout en estimant qu'il y a un vrai problème, M. Claude Leteurtre a estimé impossible de le résoudre en posant une obligation.

M. Jean-Marie Le Guen, tout en comprenant les réalités humaines ayant motivé le dépôt de cet amendement, a estimé qu'il ne tient pas compte de l'attention à porter à la personne malade. Il faut axer la démarche sur la pédagogie et encadrer la responsabilité juridique du médecin. De ce point de vue, le texte du Sénat est satisfaisant et le modifier dans le sens proposé serait une erreur.

Le rapporteur, après avoir déclaré être favorable à titre personnel au texte du Sénat, a cependant rappelé que l'amendement ne repose pas sur des motivations émotionnelles mais entend lutter contre les actions fondées sur la non-assistance à personne en danger, tout en s'entourant naturellement des précautions nécessaires sur le plan psychologique.

La commission a rejeté l'amendement n° 13.

Elle a ensuite adopté trois amendements :

- le premier, rédactionnel, du rapporteur ;

- le deuxième (n° 2) présenté par Mme Valérie Pecresse, rapporteure, au nom de la commission des lois saisie pour avis, tendant à clarifier les dispositions pénales applicables si l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification par ses empreintes génétiques ne respecte pas les dispositions relatives au recueil du consentement de la personne intéressée, lorsque ces analyses sont faites à des fins de recherche scientifique ;

- le troisième (n° 3) du même auteur, sanctionnant pénalement le fait de procéder à l'identification d'une personne par des empreintes génétiques à des fins de recherche scientifique sans avoir recueilli son consentement.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)

(articles L. 1121-3, L. 1123-8, L. 1124-1 et L. 1124-4 du code de la santé publique)

Conditions d'exercice des recherches sur le corps humain

Introduit par le Sénat à l'initiative du gouvernement, cet article allège le régime juridique qui encadre les recherches, notamment génétiques, portant sur les produits de santé ne relevant pas de la compétence de l'AFSSAPS, pour autant que ces recherches ne nécessitent que la réalisation d'actes usuels présentant des risques négligeables. Il appartiendra aux comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) d'apprécier au cas par cas le caractère négligeable des risques. Cette simplification des procédures, par dérogation à la loi Huriet, devrait faciliter la réalisation des recherches.

Le de cet article limite le recours à un médecin pour ces recherches, qui pourront être effectuées sous la direction et la surveillance d'une personne qualifiée. Il s'agit par exemple de prélèvements de petites quantités de sang suivis d'analyses in vitro.

Le supprime, pour ce même type de recherches, l'obligation d'information de l'autorité administrative compétente en cas de survenue d'évènements indésirables graves (décès, hospitalisation, séquelles organiques ou fonctionnelles durables susceptibles d'être dues à la recherche). En effet, selon le gouvernement, ces évènements indésirables, s'ils peuvent être liés aux actes pratiqués, ne devraient pas être imputables à l'objet de la recherche car ces actes ne devraient présenter, par définition, que des risques minimes.

Le rend facultatif l'examen médical préalable à la recherche, en considérant que ces recherches consistent en la réalisation d'actes usuels présentant des risques connus et négligeables, ce qui ne justifie pas de maintenir le caractère obligatoire et systématique de cet examen.

Le supprime l'inscription de ces recherches sur le fichier national des recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct, lequel fichier permet notamment de garantir le respect de la période (variable) d'exclusion entre deux participations à des recherches. En effet, les contraintes imposées par le fichier apparaissent disproportionnées pour des recherches avec une période d'exclusion le plus souvent inexistante ou très courte.

*

La commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a examiné deux amendements identiques du rapporteur et de Mme Jacqueline Fraysse visant à rétablir, pour les recherches biomédicales ne nécessitant que la réalisation d'actes usuels présentant des risques négligeables, l'obligation d'informer l'autorité administrative compétente en cas d'évènements indésirables graves.

Le rapporteur a indiqué que le 2° de cet article supprime, pour les recherches biomédicales ne nécessitant que la réalisation d'actes usuels présentant des risques négligeables, l'obligation d'information de l'autorité administrative compétente en cas de survenue d'évènements indésirables graves (décès, hospitalisation, séquelles organiques ou fonctionnelles durables susceptibles d'être dues à la recherche).

Or, si de tels aléas surviennent, cela signifie que les actes pratiqués ne présentaient pas que des risques minimes. Donc, soit de tels événements ne se produisent en pratique jamais et il n'y aura pas d'information à fournir dans les faits, soit ils arrivent à se produire et il faut en être informés, quand ils sont bien liés à la recherche. C'est pourquoi cette disposition, prétendument simplificatrice des procédures, n'est pas opportune en terme de protection de la santé et doit donc être supprimée.

La commission a adopté les amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur transférant à l'Agence de la biomédecine la compétence, aujourd'hui exercée par le ministre chargé de la santé, après avis des CCPPRB, en matière d'autorisation des recherches biomédicales sur l'être humain, à l'exception de celles portant sur les produits de santé et de celles utilisant des éléments d'origine animale.

Mme Christine Boutin s'est opposée à un nouveau dessaisissement du ministre sur ces sujets.

M. Jean-Marie Le Guen a observé que l'amendement ne définit pas les relations entre l'agence et le ministre dans le domaine concerné.

M. Alain Claeys a estimé qu'il s'agit d'une modification indirecte de la loi Huriet, dont il n'est pas garanti qu'elle soit opportune.

Le rapporteur a rappelé que l'objet du texte du Sénat est de conférer à l'Agence de la biomédecine de vraies responsabilités. Il ne s'agit pas de modifier subrepticement la loi Huriet, mais de déterminer clairement qui fait quoi en matière de biomédecine. Il faut prendre nettement position pour une agence qui étudierait sérieusement toutes les questions relevant de sa sphère de compétence.

M. Claude Leteurtre a souligné que, si l'on créé une agence, il faut la doter de vrais pouvoirs.

Mme Christine Boutin a exprimé sa désolation de voir au fil des ans que les politiques se dessaisissent de leurs pouvoirs de décision et de leurs responsabilités.

M. Jean-Marie Le Guen, tout en se déclarant sensible à cette argumentation, a relevé qu'il faut distinguer entre les deux stades que constituent l'expertise technique et la décision politique. Effectivement, il ne faut pas laisser l'agence décider seule. En revanche, la décision politique doit être éclairée par une expertise scientifique de bon niveau.

La commission a adopté l'amendement, puis l'article 3 bis ainsi modifié.

Article 4

(articles L. 1131-4, L. 1131-6, L. 1131-7 et L. 1132-6 du code de la santé publique)

Régime juridique des collections d'échantillons biologiques humains

Cet article renvoie à de nouvelles règles spécifiques la constitution de collections d'échantillons biologiques humains (2) et les recherches génétiques mises en œuvre à partir de ces collections. Ces nouvelles règles, qui visent à concilier les droits des personnes prélevées et la nécessité de ne pas alourdir inutilement la tâche des chercheurs dans des secteurs très prometteurs, sont déterminées au fond à l'article 8 du présent projet.

Le de cet article inscrit le principe de ce renvoi dans le code de la santé publique : la constitution et l'utilisation de collections d'échantillons biologiques humains à des fins de recherche génétique relèvent des dispositions relatives à la conservation et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain à des fins de recherche scientifique et non des dispositions régissant les recherches biomédicales (telles qu'issues de la loi Huriet). Le est une simple mesure de coordination.

Le 1° bis a été introduit par le Sénat à l'initiative du gouvernement, afin de préciser par coordination avec une disposition nouvelle de l'article 3 les conditions d'application par voie réglementaire de la procédure d'agrément des personnes habilitées à procéder à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques.

Le précise que les dispositions du code de la santé publique relatives à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques ne s'appliquent pas aux examens ayant pour objet de vérifier la compatibilité tissulaire ou sanguine, effectués dans le contexte du don d'éléments et de produits du corps humain, qui sont soumis aux dispositions du même code relatives au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, afin de faciliter le recours à la pratique du don et son suivi. Le régime du consentement de la personne à ces examens sera donc celui du prélèvement lui-même.

Le répare un « oubli » au sein du code de la santé publique, en en faisant le code suiveur du code pénal en ce qui concerne les sanctions applicables aux personnes morales enfreignant les règles relatives à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par empreintes génétiques.

*

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

TITRE II

DON ET UTILISATION DES ÉLÉMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN

Article additionnel avant l'article 5

(article L. 161-31 du code de la sécurité sociale)

Mention du refus de don d'organes sur la carte Vitale

La commission a examiné deux amendements présentés par Mme Jacqueline Fraysse, le premier visant à mentionner sur la carte Vitale l'acceptation ou le refus de don d'organes en cas de décès du titulaire de la carte, le second instituant une information sur le don d'organes lors des journées d'appel de préparation à la défense.

Mme Jacqueline Fraysse a indiqué qu'il s'agissait de favoriser les dons d'organes. Le public manque d'informations, en particulier les jeunes. Mieux informer éviterait d'avoir à poser la question du don d'organes aux familles au moment d'un décès.

Le rapporteur ayant observé que les textes réglementaires en préparation tendent à satisfaire le premier amendement, s'y est déclaré favorable, sous réserve d'une modification rédactionnelle visant à préserver le principe du consentement présumé. S'agissant de l'information des jeunes, il a indiqué que cette question sera débattue à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 18 (2ème rect) présenté par M. Jean Leonetti, après l'article 7, allant dans le même sens.

Mme Jacqueline Fraysse a accepté la modification rédactionnelle.

M. Alain Claeys s'est déclaré réticent vis-à-vis de la possibilité, offerte aux jeunes dans le second amendement, d'exprimer leur position vis-à-vis du don d'organes lors des journées d'appel de préparation à la défense : il convient de leur laisser le temps de la réflexion.

La commission a adopté l'amendement relatif aux mentions sur la carte Vitale ainsi modifié et rejeté celui instituant une information lors des journées d'appel de préparation à la défense sur le don d'organe.

Article 5

(articles L. 1211-1, L. 1211-2, L. 1211-4 et L. 1211-6 à L. 1211-9
du code de la santé publique)

Principes généraux du don et de l'utilisation des éléments
et produits du corps humain

Cet article vise à renforcer, en précisant leur portée, les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain.

I. Le droit en vigueur

Ces principes généraux n'ont pas été fondamentalement modifiés.

La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative « au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal » a énoncé les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain.

Ces règles trouvent un fondement dans les principes essentiels d'inviolabilité et de non-patrimonialité du corps humain énoncés à l'article 16-1 du code civil : « Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ». Le respect du corps humain ainsi énoncé s'étend aux éléments et produits détachés du corps humain. C'est leur origine qui justifie cette extension, car, en eux-mêmes, les éléments et produits détachés du corps ne sont pas constitutifs d'une personne.

Ainsi les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des organes sont au nombre de cinq :

le consentement au nom de l'inviolabilité du corps humain (article 16-1 du code civil). La règle de l'inviolabilité du corps humain signifie que nul ne peut être contraint de subir une atteinte à son corps. Il en résulte qu'une atteinte au corps suppose, pour être licite, le consentement de l'intéressé. « Le prélèvement d'éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment » (article L. 1211-2 non modifié par le projet de loi pour ce qui est du principe).

la gratuité, au nom de la non-patrimonialité du corps (article 16-5 du code civil). Le législateur a prohibé la commercialisation du corps : « Aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de ses produits » (article 1211-4 du code précité).

l'anonymat (article 16-8 du code civil et article L. 1211-5 du code de la santé publique).

La détermination des destinataires du don d'organes entre vifs exclut en effet l'anonymat dans la plupart des cas. Ce type de don est en réalité ciblé. Pratiquement, l'anonymat du don n'intéresse que le prélèvement sur une personne décédée.

L'interdiction de la publicité (article L. 1211-3 du code de la santé publique) qui est à distinguer des actions de sensibilisation du public et de promotion du don.

La sécurité sanitaire (article L. 1211-3 du code de la santé publique). Lorsqu'un prélèvement d'un organe est effectué en vue d'une greffe, le risque existe que le receveur soit contaminé par une maladie transmissible du donneur. Le décret n° 97-928 du 9 octobre 1997 a codifé les règles de sécurité sanitaire en imposant des examens avant tout prélèvement, que celui-ci soit envisagé sur une personne vivante ou sur une personne décédée (sélection clinique et tests de dépistage).

II. Le dispositif proposé

A. Des principes généraux ont été précisés.

1. Article L. 1211-1 du code de santé publique : le champ d'application de ces principes est étendu aux activités d'exportation et d'importation.

Cette disposition vient combler une lacune soulevée par le Conseil d'Etat dans son rapport de novembre 1999.

2. Article L. 1211-2 du code de santé publique : la présomption de consentement est généralisée d'une part pour les réutilisations à des fins scientifiques de produits ou tissus prélevés à des fins thérapeutiques et, d'autre part, pour les autopsies médicales.

Dans les deux cas, le régime actuel est celui du consentement exprès. Le projet de loi généralise le régime de consentement existant pour les prélèvements à des fins thérapeutiques.

Le projet de loi assortit cet assouplissement de nouvelles conditions. D'une part, la réalisation de prélèvements à fins scientifiques est subordonnée à l'existence d'un protocole de recherche afin de garantir le sérieux de la recherche et la nécessité du prélèvement. Le protocole de recherche devra être communiqué à l'Etablissement français de greffes (EFG) préalablement au prélèvement scientifique. L'EFG signale les cas posant problème au ministre chargé de la recherche. A défaut de justification, le ministre chargé de la recherche peut interdire la poursuite du protocole. D'autre part, tous les prélèvements sont signalés à l'EFG.

3. Article L. 1211-4 du code de la santé publique : la gratuité du don est pleinement appliquée

A l'heure actuelle, il n'est prévu qu'un simple remboursement des personnes concernées (frais de transport, frais d'hébergement hors hospitalisation et, le cas échéant, l'indemnisation de la perte de rémunération subie par le donneur). Le de l'article L. 1211-4 nouvellement rédigé prévoit que désormais les frais sont « intégralement pris en charge ». Le principe de la gratuité ne doit pas en effet conduire les donneurs à devoir faire l'avance de leur frais.

4. Articles L. 1211-6 et L. 1211-7 du code de la santé publique : les règles de sécurité sanitaire sont renforcées

D'une part, l'obligation réglementaire de tests de dépistage en cas de prélèvement est insérée dans la loi. Actuellement le décret n° 97-928 du 9 octobre 1997 fixe des règles de sécurité sanitaire pour tout prélèvement d'éléments du corps humain, à l'exception des gamètes, du sang et de ses composants (VIH, Hépatite B, syphilis).

D'autre part, les produits thérapeutiques annexes (produits entrant en contact avec des produits du corps humain au cours de leur conservation, de leur préparation, de leur conditionnement ou de leur conditionnement ou de leur transport avant leur utilisation thérapeutique ) sont soumis à la biovigilance, activité qui relève de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) dont le rôle est de signaler et d'évaluer tout incident.

B. Les innovations

1. Article L. 1211-6 du code de la santé publique : le principe de la « balance risque-gains ».

Le Conseil d'Etat dans son rapport de novembre 1999 appelait à introduire dans la loi la notion de « balance avantages/risques » en matière de sécurité sanitaire afin de « renoncer à un prélèvement si les avantages attendues pour la personne concernée sont inférieures aux risques encourus (...). La recherche de sécurité ne doit donc pas être assimilée à une exigence de risque zéro qui n'existe pas dans la pratique, mais procéder d'une évaluation portant sur l'acceptabilité d'un risque. »

Le texte de loi introduit cette notion et indique qu'il ne saurait s'agir d'un risque zéro en retenant les termes « en l'état des connaissances scientifiques ». Le projet de loi initial précisait que la greffe ne pourrait avoir lieu que « si, en l'état des connaissances scientifiques, le risque prévisible encouru par le receveur est hors de proportion avec l'avantage escompté pour celui-ci ».

Le Sénat a adopté, en première lecture, un amendement de M. Gilbert Barbier précisant la rédaction du 4° de l'article 1211-6 du code de la santé publique se rapportant au principe de la balance risque/bénéfice. Le terme « hors de proportion » a été remplacé par le terme « supérieur » afin de ne pas laisser une trop grande place à l'interprétation du juge dans l'évaluation de la proportionnalité.

2. Article L. 1211-2 du code de la santé publique : l'inscription dans la loi des autopsies médicales

Le présent article précise la réglementation applicable aux autopsies médicales qui ne figure pas à l'heure actuelle dans la loi.

Les autopsies médicales sont définies comme les autopsies ayant pour but la recherche des causes du décès. Il pourra être passé outre au refus de la personne en matière d'autopsie médicale en cas de danger pour la santé publique et en l'absence d'autres procédés permettant d'obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort. Les autopsies sont encore indispensables dans certains cas, notamment en matière de maladie dégénérative, les nouvelles techniques d'imagerie ne suffisant pas à la qualité du diagnostic (maladie de Creutzfeldt-Jakob, par exemple).

L'autopsie médicale n'est plus un prélèvement scientifique ayant pour but de rechercher les causes du décès requérant un consentement exprès mais le dernier acte médical, soumis en tant que tel à la règle du consentement présumé.

Ces dispositions devraient permettre à l'autopsie médicale de continuer à être pratiquée dans les hôpitaux, alors même qu'elle a connu un grand déclin en raison du développement de l'imagerie moderne et des progrès de la biologie moléculaire.

Le Sénat a adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement de M. Gilbert Barbier distinguant l'autopsie médicale pratiquée « dans le but d'obtenir un diagnostic sur les causes du décès » de l'autopsie médico-légale pratiquée dans le « cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ».

En l'état du texte, il existe donc deux types d'autopsie pour ce qui est du consentement :

- l'autopsie médicale et l'autopsie scientifique réalisables sur la base du consentement présumé ;

- l'autopsie justifiée par une « nécessité impérieuse pour la santé publique et en l'absence d'autres procédés permettant d'obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort », qui peut être réalisée malgré l'opposition du défunt.

3. Article additionnel : la reconnaissance de la Nation aux donneurs

En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité introduire dans la loi la notion de la reconnaissance de la Nation à l'égard des personnes ayant fait don, à des fins médicales ou scientifiques, d'éléments ou de produits de leur corps.

Le Sénat a supprimé cette mesure à l'initiative de la commission des affaires sociales. M. Didier Sicard, président du Comité national consultatif d'éthique, avait exprimé devant la commission son scepticisme sur cette disposition mal accordée avec la dimension individuelle du don.

Le rapporteur est en accord avec le Sénat. Que soit acquise aux donneurs d'organes la reconnaissance de la Nation paraît quelque peu disproportionnée.

4. Article L. 1211-3 du code de la santé publique : l'amélioration de l'information du public sur le don d'organes

Le déficit en greffons que connaît notre pays demeure préoccupant et témoigne de la réticence du corps social vis-à-vis du don d'organes pour des raisons essentiellement culturelles.

La loi Caillavet a consacré le principe du consentement présumé. Celui-ci a été maintenu par les lois bioéthique de 1994. Il en résulte que, si la personne n'a pas fait connaître de son vivant son refus de prélèvement, elle est présumée consentante. Dans les faits, l'inscription au registre des refus est extrêmement rare. Le médecin doit donc demander à la famille sa connaissance de la volonté du défunt. Etant donné les circonstances traumatisantes dans laquelle intervient le prélèvement (mort violente dans neuf cas sur dix), les familles s'opposent encore dans un tiers des cas à tout prélèvement.

Il convient donc de privilégier l'information du public. Le Sénat a, en ce sens, adopté en première lecture un amendement de la commission des affaires sociales prévoyant que tout médecin devra s'assurer auprès de ses patients âgés de 16 à 25 ans qu'ils ont bien reçu une information sur les modalités de consentement au don d'organes aux fins de greffe.

La certitude que l'information a bien été donnée et la vérification que la personne ne s'était pas inscrite sur le registre des refus donnerait lieu à penser qu'elle était tacitement consentante, comme le prévoit la loi. Cela permettra de rassurer les familles en deuil sur la volonté du défunt et d'obtenir alors leur aval. Le rapporteur souscrit à cette démarche qui tend à favoriser le développement du don d'organes de personnes décédées.

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à encadrer la possibilité de changement de finalité de l'utilisation des tissus et cellules germinaux, en maintenant l'obligation d'information des donneurs dans ce cas, afin de préserver le principe du consentement explicite.

M. Jean-Marie Le Guen a déclaré être plutôt favorable à l'amendement.

Mme Christine Boutin a relevé la notion de transfert nucléaire dans l'exposé sommaire de l'amendement, sujet qui sera certainement très débattu lors de l'examen des articles du projet de loi concernant l'embryologie.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture présenté par M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys a indiqué que l'amendement vise à rétablir le terme « hors de proportion » à l'article L. 1211-6 du code de la santé publique. Le risque prévisible couru par le receveur doit être hors de proportion avec l'avantage escompté pour celui-ci, plutôt que supérieur, rédaction adoptée par le Sénat.

Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'adoption de cet amendement, le terme « supérieur » lui paraissant plus clair et moins sujet à interprétation.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Alain Claeys inscrivant dans la loi la reconnaissance de la Nation aux donneurs d'organes.

Le rapporteur a jugé cette affirmation de principe superfétatoire dans la mesure où il y aurait des lieux de mémoire dans les établissements pratiquant le prélèvement d'organes et que ceux-ci exprimeraient la reconnaissance de la Nation.

La commission a rejeté cet amendement puis elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

(articles L. 1221-5, L. 1221-8 et L. 1221-12 du code de la santé publique)

Collecte, préparation et conservation du sang, de ses composants et des produits sanguins labiles

Le I du présent article assouplit les conditions de prélèvement de sang sur les mineurs. Les deux conditions complémentaires actuellement prévues par l'article L. 1221-5 du code de la santé publique - urgence thérapeutique et compatibilité cellulaire - deviennent alternatives.

Le a du II prévoit un nouveau référencement du fait du décalage suscité par l'insertion d'un nouvel alinéa.

Les b et c du II complètent la liste des produits pouvant être préparés à base de sang pour l'actualiser au regard des dispositions de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du régime juridique simplifié encadrant les cellules. Cette liste est donc complétée par :

- les pâtes plasmatiques ;

- les produits thérapeutiques annexes ;

- les « produits cellulaires à finalité thérapeutique », cette terminologie se substituant, par ailleurs, aux anciennes appellations « préparatoires cellulaires » et « produits de thérapie cellulaire ».

Le d du II précise les règles relatives au prélèvement sur mineur, et par extension au majeur protégé, en supprimant à la dernière phrase de l'article L. 1221-8 du code de la santé publique le renvoi aux principes fixés à l'article L. 1221-5. Ce dernier interdit tout prélèvement de sang sur mineur ou majeur protégé avec l'exception, pour les mineurs, de la double condition susmentionnée (urgence thérapeutique et compatibilité cellulaire).

Le prélèvement de sang à visée de recherche sur mineur ou majeur protégé sera soumis aux dispositions de l'article L. 1211-2 du code de la santé publique relatif à la réalisation d'une recherche biomédicale : le consentement est donné, selon le cas, par le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur, le consentement du mineur ou du majeur protégé devant en outre être recherché s'il est apte à le formuler. Son refus ne peut être surmonté, à la différence du prélèvement de moelle osseuse prévu au dernier alinéa de l'article L. 1241-3 (cf. article 8).

Le a du III soumet à l'autorisation de l'AFSSAPS l'importation de produits sanguins à seul usage thérapeutique direct ou destiné à la fabrication de produits de santé.

Le b prévoit, pour sa part, la soumission de ces mêmes produits destinés à des fins scientifiques à l'autorisation du ministre de la recherche figurant à l'article L. 1245-5 du code de la santé publique tel que modifié par l'article 8.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant d'associer le ministre en charge de la santé à la décision d'importation ou d'exportation de sang à des fins scientifiques.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des affaires sociales et avec l'avis favorable du gouvernement, a supprimé cet ajout dans la mesure où l'autorisation du ministre chargé de la santé alourdirait inutilement la procédure.

*

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7

(articles L. 1231-1, L. 1231-3 à L. 1231-5, L. 1232-1 à L. 1232-6, L. 1233-1 à L. 1233-3, L. 1235-1 à L. 1235-4, L. 1235-6 et L. 1235-7 du code de la santé publique)

Prélèvements d'organes

Cet article propose une réforme substantielle des dispositions relatives aux prélèvements et don d'organes tant post mortem qu'entre vifs.

I. Le dispositif proposé au terme de la première lecture à l'Assemblée nationale

A. L'élargissement du cercle des donneurs vivants.

Le I de cet article modifie le chapitre premier du titre III du livre premier de la première partie du code de la santé publique, qui rassemble les dispositions relatives « au prélèvement sur une personne vivante ».

Outre la pénurie récurrente d'organes, les arguments utilisés en faveur du recours à des donneurs vivants sont la diminution du délai d'attente et l'obtention de meilleurs résultats, en terme de survie, pour le receveur.

1. Le cercle des donneurs potentiels

Le du I propose trois modifications essentielles au régime du don d'organes entre vifs prévu par l'article L. 1231-1 du code de la santé publique :

Le cercle des donneurs potentiels est élargi. Si le texte proposé pour cet article prévoit toujours que la règle est le don dans le cadre familial, ce dernier est élargi « par dérogation » à toute personne ayant un « lien étroit et stable » avec le receveur.

- Les conjoints regagnent le cercle des donneurs familiaux (père, mère, fils, fille, frères et soeurs) sans qu'il soit exigé une urgence pour recourir à eux. Ce critère d'urgence est rarement pertinent dans la mesure où l'organe le plus souvent prélevé sur personne vivante est le rein. Dans ce cas, le maintien de cette condition d'urgence revient à empêcher le don du fait de l'existence de la dialyse.

- Il n'est plus fait mention du don de moelle osseuse qui n'est plus considérée comme un organe et dont le régime est désormais fixé par les articles L. 1241-1, L. 1241-3 et L. 1241-4 du code précité (cf. article 8).

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à introduire en tête du présent article une modification de l'article 16-3 du code civil, précisant qu'il peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui, et ce afin d'y traduire le principe du don d'organes entre vifs. Elle a également adopté un amendement complétant l'article L. 1231-1 par une alinéa prévoyant un rapport quadriennal d'évaluation de la pratique des prélèvements.

2. Un comité d'experts pour les donneurs non issus du cercle familial

Le régime d'expression du consentement est conservé dans ses grandes lignes avec néanmoins plusieurs aménagements. Celui-ci est toujours exprimé devant un magistrat, le président du tribunal de grande instance ou tout autre magistrat désigné par lui, ou en cas d'urgence devant le procureur de la République.

Le magistrat s'assure que le consentement est libre et éclairé et vérifie à cet effet que la nature des relations entre le donneur et le receveur répond aux critères requis par la loi. Le juge ne recueille le consentement que si toute suspicion de mercantilisation est écartée. Il peut diligenter toute enquête à cet effet, notamment dans le cas des donneurs non apparentés.

En revanche, il est prévu l'autorisation d'un comité d'experts pour les donneurs non issus du cercle familial, et même pour ceux issus de ce cercle (les pressions psychologiques les plus fortes s'exercent parfois au sein de la famille) lorsque le magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime nécessaire

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements l'un prévoyant que l'information préalable du donneur d'organe est assurée par le comité d'experts, l'autre, à l'instigation de M. Jean-Michel Dubernard, créant un fichier qui a pour but d'assurer le suivi desdits donneurs.

Le propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 1231-3 du code de la santé publique, les dispositions prévues par la rédaction précédente étant devenues sans objet. En effet, celles-ci définissaient les règles relatives au prélèvement de moelle osseuse sur mineur. Cette dernière n'étant plus considérée comme un organe, les dispositions relatives à son prélèvement sont transférées par le projet de loi à l'article L. 1241-3 du même code.

Le comité d'experts siège en deux formations de cinq membres, dont trois sont communs aux deux formations (deux médecins et un spécialiste dans le domaine des sciences humaines et sociales) ; lorsque le comité se prononce sur les prélèvements sur personne majeure, il comporte un troisième médecin et un psychologue ; lorsqu'il se prononce sur les prélèvements sur personne mineure, il comporte un pédiatre et « une personne qualifiée dans le domaine de la psychologie de l'enfant ».

Le comité se prononce stricto sensu :

sur les prélèvements d'organes sur personne majeure n'appartenant pas au cercle familial ou sur les personnes majeures appartenant à ce cercle dès lors que le magistrat chargé de recueillir le consentement l'estime nécessaire ;

- sur les prélèvements de moelle osseuse sur personne mineure ou sur personne majeure faisant l'objet d'une mesure de curatelle ou de sauvegarde de justice dès lors qu'elle a la faculté d'exprimer son consentement ;

- et, pour avis, sur les prélèvements de moelle osseuse autorisés par le juge des tutelles.

Une fois le consentement jugé recevable, il revient à ce comité d'experts d'autoriser, les cas échant, le prélèvement d'organe. Cette disposition a été introduite afin d'écarter définitivement tout risque de commercialisation lié à l'extension du champ des donneurs vivants. Le comité d'experts sera donc chargé d'apprécier la balance entre les risques pour le donneur et le bénéfice pour le receveur, et de s'assurer qu'il n'existe pas de réticences inavouées de la part du donneur. Il pourra donc refuser son autorisation sans avoir à motiver cette décision, ce qui écarte les risques de représailles sur le donneur.

B. Une révision des dispositions relatives au prélèvement sur personnes décédées

Le II modifie le chapitre II qui contient les dispositions relatives « au prélèvement sur les personnes décédées ».

1. Les prélèvements sur une personne décédée : finalité et consentement

Lemodifie les articles L. 1232-1 à L. 1232-3 du code de la santé publique.

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-1 procède à cinq modifications principales :

Le régime juridique de la mort autorisant le prélèvement est précisé. La rédaction initiale, disposant que le prélèvement est effectué « après que le constat de la mort a été établi » est remplacée par celle disposant que « la mort a été dûment constatée ». Ce constat renvoie aux trois critères cliniques du constat de la mort prévus par le décret n° 96-1041 : absence totale de conscience et d'activité motrice cérébrale, abolition de tous réflexes du tronc cérébral et absence totale de ventilation spontanée ; les critères ainsi posés permettent d'établir un constat de la mort rendant possible un prélèvement d'organes, le procès-verbal de ce constat devant pour sa part être établi sur un document dont le modèle a été fixé par un arrêté du 2 décembre 1996.

Le système permettant de déclarer mort un individu est confirmé, et institutionnalisé, en raison bien sûr des avantages qu'il procure aux praticiens de la transplantation (ou greffe) d'organes. On ne saurait cependant oublier qu'un tel système a pu susciter, et suscitera peut-être encore, des inquiétudes dans l'opinion : la peur du refus de soins ou de prélèvements hâtifs, par exemple. La crainte devant la mort est une réalité qu'un décret ne peut guère effacer.

Le cercle des « témoins » potentiels est élargi. La volonté du défunt n'étant plus recherchée auprès de la seule « famille » mais « des proches » ;

Le Conseil d'Etat, dans son rapport sur les lois « bioéthiques » a suggéré de façon opportune de substituer à la notion de famille celle plus large de proches du défunt.

L'information des proches est améliorée à la fois sur l'objet du prélèvement et la nature des prélèvements effectués.

De la même façon que l'intéressé, de son vivant, doit être informé pour exprimer une volonté éclairée, ceux qui sont admis à témoigner de cette volonté après sa mort doivent eux-mêmes être informés des prélèvements envisagés sur le cadavre.

L'EFG est informé préalablement à tout prélèvement.

2. Les prélèvements post mortem sur mineurs et majeurs sous tutelle

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-2 conserve les grandes lignes des règles régissant le prélèvement sur mineur en introduisant néanmoins :

- Une précision : en remplaçant, pour les majeurs protégés décédés, le consentement du « représentant légal » par celui du « tuteur », et ce pour permettre aux majeurs faisant l'objet d'une protection légale qui n'est pas la tutelle (sauvegarde de justice ou curatelle) d'exprimer par eux-mêmes leur volonté lorsqu'ils en sont aptes.

- Une harmonisation : en mettant fin à la différence d'expression du consentement des titulaires de l'autorité parentale selon la finalité du prélèvement. Les dispositions en vigueur du code de la santé publique prévoient en effet que, pour le prélèvement thérapeutique, le double consentement est nécessaire alors que le consentement d'un seul titulaire de l'autorité parentale suffit à autoriser le prélèvement à des fins scientifiques. Le texte proposé par cet article prévoit une harmonisation du régime de consentement quelles que soient les finalités du prélèvement.

- Une innovation : en permettant que le consentement exprès et écrit formulé d'un seul des titulaires de l'autorité parentale rende possible le prélèvement, lorsque le second n'a pu être consulté.

La rédaction proposée pour l'article L. 1232-3 remplace les dispositions existantes relatives au prélèvement à finalité scientifique sur les mineurs, reprises dans l'article précédent, par l'obligation d'établir un protocole de recherche transmis préalablement à l'EFG pour tout prélèvement à des fins scientifiques. En cas de non-pertinence de la recherche ou de l'inutilité du prélèvement, le ministre chargé de la recherche peut suspendre ou interdire leur mise en œuvre.

3. La restauration du corps

Le projet de loi a étendu l'obligation de « restauration décente du corps » au cas où celui-ci a subi une autopsie médicale, le droit en vigueur limitant cette obligation aux activités de prélèvement.

C. Le régime juridique des établissements autorisés à prélever des organes

Le III modifie le chapitre III où figurent les dispositions relatives au régime juridique des établissements autorisés à prélever des organes.

L'article L. 1233-1 du code de la santé publique énonce : « Les prélèvements d'organes ne peuvent être effectués que dans des établissements de santé autorisés par l'autorité administrative».

La volonté du législateur a été, en tenant compte de la réglementation jusqu'alors en vigueur, de favoriser les prélèvements d'organes, d'où la consécration de l'autonomie du régime d'autorisation des établissements considérés par rapport au droit commun des autorisations défini par la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. Les activités de prélèvement ne sont pas, en effet, soumises à planification sanitaire (à la différence des activités de transplantation). En outre, en ne distinguant nullement entre les établissements de santé susceptibles d'être autorisés, la loi permet à l'autorité administrative d'autoriser la pratique des prélèvements d'organes dans tout établissement de santé, public ou privé, même à but lucratif.

Les conditions particulières d'autorisation des établissements de santé à pratiquer des prélèvements d'organes en vue de dons ont été précisées par le décret n 97-306 du ler avril 1997.

L'autorisation d'effectuer des prélèvements d'organes à des fins thérapeutiques sur des personnes décédées est délivrée par le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation, agissant au nom de l'Etat, après avis du directeur général de l'Etablissement français des greffes. Cette autorisation précise le type d'organes que l'établissement est autorisé à prélever (article R. 671-9 du code de la santé publique). Dans les faits, les établissements peuvent être autorisés à prélever tous les organes.

Les mêmes établissements peuvent être autorisés à effectuer des prélèvements d'organes à des fins thérapeutiques sur des personnes vivantes, sous réserve d'une restriction apportée par le décret du 1er avril 1997. En effet, pour les organes autres que la moelle osseuse, l'autorisation ne peut être accordée qu'aux seuls établissements de santé ayant, sur le même site que celui sur lequel seront effectués les prélèvements, une activité de transplantation des organes pour le prélèvement desquels l'autorisation est demandée. Cette restriction a été voulue par les pouvoirs publics pour assurer la sécurité des donneurs, ceux-ci pouvant alors bénéficier des équipements et locaux des sites de transplantation. Elle vise en outre à limiter les transports de greffons prélevés sur une personne vivante, afin d'accroître les chances de réussite de la greffe et de préserver au mieux la qualité de l'organe prélevé.

L'autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans renouvelable. L'intérêt d'une limitation dans le temps de l'autorisation est de permettre une évaluation périodique des activités de prélèvement.

Il est précisé que les dispositions de cet article visent les prélèvements d'organes « en vue de don à des fins thérapeutiques », formulation reprise de l'article R. 671-9 du code de la santé publique, et que l'EFG formule un avis sur l'autorisation délivrée par l'autorité administrative.

L'Assemblée nationale a introduit la consultation obligatoire de l'EFG en matière d'autorisation d'exportation et d'importation des organes à des fins scientifiques.

Elle a également adopté un amendement qui inscrit dans la loi la durée et le caractère renouvelable de l'autorisation délivrée aux établissements de santé pour les prélèvements d'organes (actuellement décret du 1er avril 1997 susmentionné).

Le IV prévoit des modifications rédactionnelles et de coordination.

Activité de prélèvement en 2001

Prélèvements d'organes

· 162 sites hospitaliers sont autorisés à prélever des organes sur donneurs en état de mort encéphalique, dont certains sont organisés en réseaux de prélèvement.

· 7 nouveaux établissements ont ainsi été autorisés en 2001. L'effort de l'EFG est tourné en direction des sites hospitaliers S.A.U. (services d'accueil des urgences) non universitaires afin de développer l'activité de prélèvement en leur sein et de réduire les transferts de personnes en état de mort encéphalique.

· Ces 162 sites autorisés ont effectué 1 066 prélèvements multi-organes sur sujet décédé, représentant 48 % des donneurs recensés, soit un taux de 18 donneurs d'organes prélevés par million d'habitants, au lieu de 16 ces dernières années ; l'objectif du plan greffes est d'atteindre 20 donneurs d'organes prélevés en 2003.

· Ce taux reste très variable selon les régions : il y a encore 16 départements dans lesquels aucun établissement n'est autorisé.

· Par ailleurs 151 prélèvements d'organes sur donneur vivant ont été réalisés (ce type de prélèvements est en augmentation).

Prélèvements de tissus

· 208 sites hospitaliers sont actuellement autorisés pour le prélèvement de tissus sur donneur en état de mort encéphalique.

· Les prélèvements de cornées ont augmenté de 10 % en 2001 : 6 104 cornées ont été prélevées (en augmentation constante depuis 1994), ne suffisant cependant pas encore à combler la pénurie (871 importations).

· Par ailleurs, environ 11 000 « prélèvements » ont été réalisés par les établissements de santé dans le cadre du recueil de résidus opératoires (hors autorisation).

D. Dispositions communes

Le V propose pour le chapitre V relatif aux dispositions communes trois mesures :

- Le régime du consentement applicable aux organes prélevés à l'occasion d'une intervention pratiquée dans l'intérêt de la personne opérée est précisé. L'autorisation d'utilisation est présumée, la personne conservant une faculté d'opposition. Elle doit avoir bénéficié d'une information sur l'objet de l'utilisation. Pour les personnes mineures ou majeures sous tutelle, l'opposition est exprimée par les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement introduisant le principe de l'absence d'opposition du mineur ou du majeur sous tutelle pour l'utilisation des organes prélevés sur ces dernières au cours d'une intervention médicale pratiquée dans leur intérêt.

L'activité de prélèvement d'organes considérée comme une activité médicale afin de la valoriser. Le prélèvement d'organes sera donc répertorié au PMSI.

Les prélèvements effectués dans le cadre des recherches biomédicales sont regardés comme des prélèvements thérapeutiques et bénéficient en conséquence des garanties de sécurité sanitaire afférentes.

II. Les modifications apportées par le Sénat

1. Limiter le cercle des donneurs potentiels

Le projet de loi initial a proposé d'élargir le cercle des donneurs vivants au-delà de la famille biologique stricto sensu, c'est-à-dire aux conjoints sans condition d'urgence, et par dérogation, aux personnes entretenant avec le receveur un « lien étroit et stable ».

Le Sénat a adopté avec l'avis favorable du gouvernement un amendement issu de la commission des affaires sociales supprimant cette notion de « lien étroit et stable » et limitant l'élargissement du cercle des donneurs potentiels au cercle familial élargi : d'une part, les petits-enfants, les neveux, les nièces, les cousins germains, et le conjoint du receveur ; d'autre part, « la personne apportant la preuve de deux ans de vie commune » (les personnes vivant maritalement ont des droits similaires à ceux des époux).

Le Sénat a donc suivi les réserves exprimées par le Conseil d'Etat en 1999 sur la notion de lien affectif : « Si une définition élargie de la famille ne pose pas de problèmes juridiques majeurs, tel n'est pas le cas d'une extension maximale de la catégorie des donneurs sur le fondement du seul lien affectif. Le risque induit par un tel choix est de consacrer un critère dont l'interprétation est totalement ouverte, et donc nécessairement subjective et arbitraire, et dont le contrôle est, par voie de conséquence, fort peu aisé. Accepter le don au titre de seuls liens affectifs augmente le risque de tractations commerciales. »

Cette restriction opérée par le Sénat était indispensable dans la mesure où la pratique du don entre vifs peut effectivement donner lieu à deux dérives : le chantage psychologique et la négociation commerciale.

2. Améliorer le régime du consentement pour le don entre vifs

Le Sénat a adopté une série d'amendements visant à améliorer le régime de consentement pour le don entre vifs.

a) A l'initiative de la commission des affaires sociales et avec l'avis favorable du gouvernement, le Sénat a précisé la mission du magistrat chargé de recueillir le consentement de la personne qui fait un don d'organes.

Selon le projet de loi initial, le juge s'assure que le consentement « est donné dans les conditions prévues par le premier ou le deuxième alinéa du présent article ». Ces alinéas ne précisent pas les conditions dans lesquelles pourrait être donné le consentement ; ils visent la finalité du prélèvement et la qualité du donneur. Le Sénat a donc précisé que le magistrat « s'assure que le don est conforme aux conditions prévues » par ces alinéas.

Aussi le juge vérifiera l'identité du donneur et du receveur, la nature du lien qui existe entre eux, notamment les preuves d'une vie commune d'au moins deux ans, ainsi que, le cas échéant, la finalité du prélèvement. Il n'appartient pas au juge d'autoriser le prélèvement mais simplement de recueillir le consentement du donneur qui doit être libre et éclairé.

b) Le Sénat a adopté un amendement du gouvernement visant à exiger que le parent d'un enfant obtienne l'accord de l'autre parent pour pouvoir donner un organe de son vivant.

La commission des affaires sociales s'en est remis à la sagesse du Sénat sur cet amendement indiquant qu'une telle autorisation obligatoire de l'autre parent pourrait susciter des blocages, notamment de la part d'un ex-conjoint, s'opposant au don en faveur du nouveau conjoint ou d'un enfant du deuxième lit.

Le gouvernement a indiqué qu'une telle disposition vise à accroître la protection des enfants dans la mesure où il s'agit d'une décision qui peut avoir un impact sur l'existence de l'enfant au regard du risque létal que court son père ou sa mère en se prêtant à prélèvement d'organes.

Le rapporteur adhère aux réserves émises par la commission des affaires sociales du Sénat et proposera la suppression de cette disposition qui va à l'encontre de la dimension individuelle du don. Le don d'organes est une liberté que chaque personne exerce individuellement. Avoir à charge des enfants mineurs ne doit pas interdire à un individu d'exercer seule cette liberté. Au demeurant, un parent d'enfant mineur exerce des pratiques dites à risque (sports ou loisirs dangereux) sans avoir à demander une autorisation à son conjoint.

Le don d'organes est un acte de générosité qui concerne l'individu et non la famille.

c) Le Sénat a adopté, à l'initiative de la commission des affaires sociales et avec l'avis favorable du gouvernement deux amendements rédactionnels :

Le premier écarte une ambiguïté s'agissant de la révocabilité sans forme et à tout moment du consentement. Cette révocabilité doit être générale. Or, la rédaction actuelle retenant un article démonstratif (ce consentement) semble ne s'appliquer qu'au consentement recueilli en urgence par le procureur de la République. Aussi est-il proposé de lui substituer un article défini (le consentement).

Le deuxième amendement est de même nature. Le quatrième alinéa de cet article prévoit que le don d'organes, quand le donneur fait partie du « cercle élargi », doit être autorisé par « l'un des comités d'experts chargés d'autoriser le prélèvement sur une personne vivante, mentionnés à l'article L. 1231-3 ». Cette formule pourrait laisser entendre que serait visée l'une ou l'autre formation du comité d'experts selon qu'il se prononce sur des prélèvements sur majeur ou sur mineur. Or, il ne saurait y avoir d'ambiguïté sur ce point : le prélèvement d'organes sur un mineur vivant est proscrit.

3. Prévoir un rapport d'évaluation des prélèvements d'organes entre vifs et post mortem

Le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires sociales et avec l'avis favorable du gouvernement, a élargi le champ du rapport d'évaluation prévu dans le texte de loi initial. Le rapport initialement prévu par le texte était consacré spécifiquement à la pratique dérogatoire du don d'organes entre personnes ayant un lien étroit et stable. Il est désormais prévu que ce rapport, remis tous les quatre ans par le Gouvernement au Parlement, portera sur l'application de l'ensemble du présent article (prélèvement d'organes) et qu'il sera porté une attention particulière aux autorisations dérogatoires accordées par le comité d'experts lorsque le donneur est un membre du cercle de famille élargi ou une personne apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur.

4. Créer des lieux de mémoire dans les établissements effectuant des prélèvements

Le gouvernement a proposé un amendement visant à créer dans les établissements autorisés à pratiquer des prélèvements « un lieu de mémoire destiné à l'expression de la reconnaissance aux donneurs d'éléments de leurs corps en vue de greffe ». Cette disposition vient remplacer la « reconnaissance de la nation », notion introduite en première lecture à l'Assemblée par un amendement d'origine parlementaire.

Le don par des personnes décédées d'éléments de leur corps en vue de greffe constitue un acte de solidarité exceptionnel par ce qu'il représente et par ses enjeux. Il importe que chaque citoyen soit conscient de la générosité des donneurs et de la gravité de l'événement humain qu'est le prélèvement d'organes ou de tissus sur une personne décédée. Les principes éthiques de l'anonymat et de la gratuité du don interdisent aux bénéficiaires de ces dons d'exprimer leur reconnaissance de manière individuelle. Il paraît donc important d'apposer une marque, dans les établissements effectuant ces prélèvements, qui symbolise cette reconnaissance.

Le Sénat a adopté, à l'unanimité, cet amendement.

III. Les propositions du rapporteur

A. Une situation actuelle insatisfaisante

1. La persistance d'une pénurie d'organes

Comme l'appelait de ses voeux M. Jean-Michel Dubernard en 2001, lors d'une audition de la mission d'information commune sur la révision des lois bioéthiques, « cette révision des lois bioéthiques pourrait-elle être utilisée pour mettre un terme à la pénurie d'organes, qui va en s'aggravant, et qui fait que chaque année des gens meurent, de plus en plus nombreux, parce qu'ils n'ont pas reçu d'organes ? »

Les besoins d'organes sont précisément recensés par l'Etablissement français des greffes (EFG). Le nombre de décès enregistrés sur la liste d'attente de greffe d'organes entre 1996 et 2000 donne un chiffre désespérément élevé, supérieur à deux cents personnes. Au 31 décembre 2000, 6 033 patients restaient en attente de greffe d'organes. 95 % des organes proviennent du don cadavérique et 5 % des donneurs vivants.

Évolution de l'activité de greffe d'organes

1997

1998

1999

2000

2001

Cœur

366

370

321

328

316

Cœur-poumons

25

26

28

25

26

Poumons

65

88

71

70

91

Foie

621

693

699

806

803

Reins

1 690

1 882

1 842

1 924

2 022

Pancréas

63

47

48

54

60

Intestin

10

9

7

4

7

TOTAL

2 840

3 115

3 016

3 211

3 325

Source : EFG

Pour le Professeur Didier Houssin, directeur général de l'EFG, la rareté des greffons tient avant tout à la rareté de l'état de mort encéphalique. La mort encéphalique n'est observée que dans 2 000 ou 3 000 décès hospitaliers. Ces décès proviennent d'accidents de la circulation, de suicides et de ruptures d'anévrisme qui sont heureusement en diminution. A cela s'ajoute l'incapacité de certains hôpitaux à dépister ou identifier la mort cérébrale.

La deuxième cause de pénurie perçue, par le plus grand nombre comme étant la principale est le nombre des refus. Le pourcentage de refus (30 %) en France n'a pas diminué depuis de longues années. En Espagne où le prélèvement d'organes est beaucoup plus important qu'en France grâce à un très gros effort des pouvoirs publics, le pourcentage de refus est le même.

Aujourd'hui, près de 50 % des décès pouvant donner lieu à prélèvement n'y donnent pas lieu malgré la règle du consentement présumé.

2. Les limites du recours au donneur vivant

Face au grave problème posé par la pénurie de greffons, le choix peut être celui de solliciter les donneurs vivants.

Le rein : 101 greffes avec donneur vivant réalisées en 2001 sur un total de 1924 greffes rénales, soit 5 % des greffes rénales.

Le foie : 48 greffes avec donneur vivant réalisées en 2001 sur un total de 803 greffes hépatiques, soit 6 % des greffes hépatiques.

Le poumon : 2 greffes sur mineur avec donneur vivant réalisée en 2001 sur un total de 91 greffes pulmonaires, soit 2 % des greffes pulmonaires.

La pratique du don entre vifs est répandue dans les pays du nord de l'Europe, aux Etats-Unis et surtout au Japon.

Cependant, les inconvénients de cette pratique sont importants.

Le risque de mortalité pour le donneur n'est pas minime. La transplantation rénale donne des bons résultats. En revanche, les transplantations hépatiques, pulmonaires ou en domino peuvent donner lieu à des accidents. Certains spécialistes donnent le chiffre de 1 % de mortalité pour les donneurs de foie (risque anesthésique, risque post-opératoire, complications, conséquences psychiatriques graves). De nombreux médecins montrent d'ailleurs une profonde réticence à cette pratique qui consiste à prendre un organe chez quelqu'un en bonne santé. La « mutilation » du donneur s'oppose en effet au principe bénéfique de tout acte médical.

De surcroît, la pression psychologique sur le donneur peut être considérable lorsqu'il s'agit de secourir un proche. Pour certains psychiatres, le donneur vivant d'organe est un donneur contraint, aux prises avec les pressions familiales. Des conséquences psychiques sont indéniables dans la mesure où de sujet, le donneur devient objet, il devient de fait un « réservoir d'organes ».

Enfin, le risque de se voir mettre en place un commerce d'organes ne doit pas être négligé. Le trafic d'organes existe aujourd'hui dans les pays sous-développés de manière incontestable.

B. La nécessité de favoriser le don cadavérique

1. Rendre pleinement effectif le consentement présumé

L'inviolabilité du corps humain est un principe d'ordre public inscrit dans le code civil et renvoie à notre propre perception du corps. Le corps est abordé par le scientifique et le médecin de manière analytique, le corps réduit à un ensemble de « pièces détachées », alors qu'il est vécu quotidiennement comme une unité.

C'est le consentement qui permet de lever l'interdit d'atteinte à l'intégrité physique de la personne.

Le prélèvement d'organes sur personne décédée est régi par un régime de consentement spécifique : le consentement présumé explicité à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique.

Le prélèvement peut avoir lieu dès lors que la personne concernée n'a pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement. Le refus peut être exprimé par l'indication de la volonté sur un registre national automatisé, appelé registre des refus. Très rares sont les personnes ayant exprimé un refus sur le registre : environ 49 000, soit 0,06 % de la population concernée. Le dernier alinéa de l'article précité oblige le médecin à s'efforcer de recueillir le témoignage de la famille du défunt.

Certes, la loi n'impose pas au médecin qui ne connaît pas la volonté du défunt d'obtenir à tout prix le témoignage de la famille. Elle l'oblige néanmoins à une démarche en ce sens : il « doit s'efforcer » de recueillir ce témoignage, ce qui prohibe clairement l'abstention. L'arrêté du 27 février 1998 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d'organes à finalité thérapeutique sur une personne décédée, confirme la nécessité d'une telle démarche et prévoit même des dispositions particulières lorsque la famille ne peut être jointe. Il importe de souligner que pèse sur les médecins et les centres hospitaliers un devoir d'information de la famille sur la nature et l'étendue des prélèvements envisagés afin que celle-ci puisse, le cas échéant, témoigner de la volonté du défunt. Il a été jugé en effet qu'un centre hospitalier pouvait engager sa responsabilité en cas de manquement à ce devoir d'information : ce devoir étant fondé sur les principes déontologiques relatifs au respect de la personne humaine qui s'imposent au médecin dans ses rapports avec son patient et qui ne cessent pas de s'appliquer avec la mort de celui-ci (tribunal administratif d'Amiens, 14 décembre 2000).

Dans la réalité, ce « témoignage » de la famille se transforme en refus de prélèvement étant donné les circonstances dramatiques et donne à la famille un rôle que n'avait pas prévu le législateur. M. Didier Houssin, directeur général de l'EFG, s'est inquiété de ce « détournement » de la règle du consentement présumé.

Le rapporteur souhaite que les proches soient interrogés sur la volonté du défunt, s'ils la connaissent, mais non sur la leur. Il s'agit d'éviter le contournement de la règle du consentement présumé en précisant que le médecin « s'efforce de s'enquérir auprès des proches d'une opposition éventuellement exprimée par le défunt, au don d'organes ».

Inscriptions au registre national
des refus de prélèvement

(janvier 2002)

Nombre total de personnes inscrites

49 312

Opposition à un prélèvement à fins thérapeutiques

47 294

Opposition à un prélèvement à fins scientifiques

48 990

Opposition à une autopsie médicale

44 119

2. Renforcer l'obligation de restauration du corps

L'article L. 1232-5 du code de la santé publique issu de la loi de 1994 impose aux médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée « de s'assurer de la restauration décente de son corps ». Cette obligation est justifiée lorsque l'on sait que plus de 80 % des cadavres utilisés sont l'objet d'un prélèvement multi-organes.

Le décret du 1er avril 1997 en tire les conséquences au regard des conditions d'autorisation imposées aux établissements de santé. L'arrêté du 27 février 1999 portant homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement d'organes à finalité thérapeutique sur personne décédée apporte des précisions d'ordre technique sur la restauration tégumentaire.

Cette obligation revêt un caractère éminemment éthique, voire religieux pour certains. Les praticiens, qui pour la plupart respectent déjà cet impératif, doivent prendre la mesure de l'importance attachée par ceux qui y sont confrontés à l'observation scrupuleuse de cette prescription. C'est non seulement une marque de respect à l'égard des morts, mais aussi surtout à l'égard des familles.

Le rapporteur souhaite renforcer cette notion de restauration du corps prévue à l'article L. 1232-5 du code de la santé publique.

3. Transformer l'autorisation de prélèvement en obligation de service public pour les établissements de santé

Le projet de loi revalorise l'activité de prélèvement. En effet, il est prévu que le prélèvement sera considéré comme une activité médicale et donc comme telle intégrée au PMSI et au point ISA.

Les établissements seront donc incités financièrement à pratiquer des prélèvements, ce qui est indispensable eu égard à la réticence des médecins envers le prélèvement d'organes qui n'est pas considéré partout et par tous comme un acte thérapeutique.

Le rapporteur souhaite aller plus loin que la reconnaissance de l'activité de prélèvement et proposera un amendement intégrant le prélèvement d'organes dans les missions de service public des établissements de santé publics.

En droit actuel, les établissements de santé doivent être autorisés à pratiquer des prélèvements d'organes en vue de dons. L'article L. 1233-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 1994, renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions de fonctionnement que doivent remplir les établissements de santé pour pouvoir être autorisés à effectuer des prélèvements d'organes. Tel est, entre autres, l'objet du décret du 1er avril 1997.

Le décret distingue entre les conditions requises pour pouvoir effectuer des prélèvements d'organes à des fins thérapeutiques sur des personnes décédées et celles requises pour pouvoir effectuer de tels prélèvements sur des personnes vivantes.


AUTORISATION DE PRÉLEVER DONNÉE AUX ÉTABLISSEMENTS

Pour pouvoir utilement demander une autorisation de prélever des organes sur les personnes décédées, les établissements de santé doivent :

- disposer du personnel et de l'équipement nécessaires à l'établissement du constat de la mort des personnes assistées par ventilation mécanique et conservant une fonction hémo-dynamique ;

- justifier d'une organisation et de conditions de fonctionnement permettant l'exécution satisfaisante des opérations de prélèvement ;

- désigner un médecin coordinateur de l'activité de prélèvement et un ou plusieurs coordinateurs infirmiers ;

- disposer du personnel médical et des autres personnels nécessaires à l'activité de prélèvement, notamment, et au moins, d'un médecin spécialisé en anesthésie-réanimation ;

- disposer des locaux nécessaires à l'exercice de cette activité, notamment, et au moins :

_ d'un local adapté à l'accueil des familles ;

_ d'une zone permettant l'isolement des donneurs, facilement accessible aux familles, et indépendante d'un département, unité ou structure effectuant des transplantations ;

_ d'une salle d'opération dotée du matériel nécessaire au prélèvement d'organes et à la restauration décente du corps du donneur.

Pour pouvoir utilement demander une autorisation de prélever des organes sur les personnes vivantes les établissements de santé doivent :

- justifier d'une organisation et de conditions de fonctionnement permettant l'exécution satisfaisante des opérations de prélèvement ;

- disposer sur le site d'un service de réanimation ;

- disposer du personnel médical et des autres personnels nécessaires à l'activité de prélèvement ;

- disposer des locaux, et au moins d'une salle d'opération, dotés du matériel nécessaires à l'exécution des actes chirurgicaux de prélèvement

C. Encadrer l'élargissement du cercle des donneurs vivants potentiels

Don d'organes entre vifs

Droit en vigueur

Projet de loi

Sénat

Qualité du receveur par rapport au donneur

Père, mère, fils, filles, frères, sœurs ; en cas d'urgence, le conjoint

Père, mère, fils, filles, frères, sœurs, conjoint, toute personne ayant des liens étroits et stables

Père, mère, fils, filles, frères, sœurs, conjoint, petits-enfants, neveux, nièces, cousins germains, cousines germaines, enfants du conjoint, personne faisant la preuve de deux ans de vie commune

Information sur le risque

Comité d'experts

Comité d'experts

Expression du consentement

Tribunal de grande instance

Tribunal de grande instance

Tribunal de grande instance

Autorisation

Non

Père, mère, fils, filles, frères, sœurs, conjoint : comité d'experts si le juge l'estime nécessaire.

Les autres : comité d'experts obligatoire

Père, mère, fils, filles, frères, sœurs, conjoint : comité d'experts si le juge  l'estime nécessaire.

Les autres : comité d'experts

Le Sénat a limité l'élargissement du cercle des donneurs potentiels au cercle familial élargi : petits-enfants, neveux, nièces, cousins germains, cousines germaines, enfants du conjoint et la personne faisant la preuve de deux ans de vie commune. Il s'agit de revenir sur la notion de lien affectif du projet de loi initial (« personne pouvant justifier de liens étroits et stables »).

Le rapporteur souscrit à cette volonté mais souhaite ajouter une garantie supplémentaire en prévoyant la saisine systématique du comité d'experts pour le cercle familial, à l'exception du père ou de la mère du receveur. En effet, pour ces derniers, le don d'organes paraît le plus évident.

Le rapporteur considère que les pressions affectives les plus fortes s'exercent parfois au sein de la famille. Aussi il convient que pour tout donneur familial, (à l'exception du père et de la mère) le prélèvement soit subordonné à l'autorisation du comité d'experts prévu à l'article L 1231-1 du code de la santé publique.

*

La commission a examiné un amendement du rapporteur affirmant le prélèvement et la greffe d'organes comme une priorité nationale.

M. René Couanau s'est interrogé sur la portée juridique de cet amendement.

Le rapporteur, après avoir rappelé les nombreux décès enregistrés sur la liste d'attente de greffes d'organes, a souligné la portée symbolique de la formule notamment pour les médecins.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur prévoyant la saisine systématique du comité d'experts pour les donneurs familiaux, à l'exception du père ou de la mère du receveur.

Souhaitant encadrer l'élargissement du cercle des donneurs vivants réalisé par le projet de loi, le rapporteur a précisé que le comité d'experts est chargé d'apprécier entre les risques pour le donneur et le bénéfice pour le receveur et de s'assurer qu'il n'existe pas de réticences inavouées de la part du donneur.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a examiné l'amendement n° 14 rectifié présenté à titre personnel par Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, n'autorisant le prélèvement d'organes sur une personne exerçant seule l'autorité parentale sur des enfants mineurs que dans l'intérêt thérapeutique de l'un de ses enfants.

La rapporteure pour avis a rappelé les risques élevés pour le donneur vivant, notamment le don de foie. Il s'agit donc de protéger les parents isolés contre leur propre générosité.

M. Pierre Hellier s'est demandé s'il est utile de préciser que le prélèvement d'organe ne peut être effectué que « dans l'intérêt thérapeutique » de l'enfant.

MM. Alain Claeys et Jean-Marie Le Guen se sont déclarés défavorables à cet amendement, le second soulignant son caractère discriminatoire pour les familles monoparentales et donc vraisemblablement non constitutionnel.

Tout en ne niant pas le risque lié à certains dons d'organes, le président Jean-Michel Dubernard, a estimé préférable que, même dans le cas de parents isolés, l'autorisation soit renvoyée au comité d'experts, position à laquelle le rapporteur s'est ralliée.

La commission a rejeté l'amendement n° 14 rectifié.

Un amendement présenté par M. Alain Claeys, prévoyant qu'un donneur peut être une personne ayant un lien étroit avec et stable avec le receveur, est devenu sans objet.

La commission a examiné un amendement de M. Olivier Jardé tendant à préciser que le refus de prélèvement d'organe doit pouvoir être signifié par écrit.

Le rapporteur a indiqué que la révocabilité du consentement à tout moment faisait partie des principes généraux régissant le régime du consentement en matière de don d'organe. Par ailleurs, le parallélisme des formes ne peut pas s'appliquer dans ce cas, dans la mesure où le consentement est recueilli par le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui.

M. Jean-Luc Préel a rappelé qu'aujourd'hui dans le registre des refus une ambiguïté pouvait survenir en cas d'opposition signalée par la famille.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné deux amendements identiques, l'un du rapporteur et l'autre de M. Alain Claeys, de suppression de la disposition introduite par le Sénat exigeant que le parent d'un enfant mineur obtienne l'accord de l'autre parent pour pouvoir donner un organe de son vivant.

Le rapporteur a indiqué que cette disposition introduite par le gouvernement au Sénat va à l'encontre de la dimension individuelle du don.

La commission a adopté ces amendements ainsi qu'un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a rejeté deux amendements de M. Olivier Jardé tendant à ce que les cartes Vitale de première et deuxième génération mentionnent le fait que l'assuré a été informé de la possibilité de s'inscrire sur le registre de refus du prélèvement, après que le rapporteur a rappelé que ce souhait a été pris en compte dans l'amendement de Mme Jacqueline Fraysse précédemment adopté par la commission avant l'article 5.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Olivier Jardé tendant à préciser le contenu du décret en Conseil d'Etat relatif au registre contenant le refus ou l'acceptation de prélèvements, afin de lever toute ambiguïté sur la volonté des patients.

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à éviter le contournement, trop souvent constaté, de la règle du consentement présumé en précisant que le médecin, s'il n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, « doit s'enquérir auprès de la famille d'une opposition au don d'organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt par tout moyen ».

M. Alain Claeys s'est interrogé sur l'incidence dans la réalité d'une telle rédaction.

Le président Jean-Michel Dubernard a signalé l'importance de cet amendement. En effet, la règle du consentement présumé mis en place par la loi Caillavet en 1976 n'a jamais été appliquée. Dans la réalité, les proches sont interrogés sur leur volonté et non sur la volonté du défunt. L'actuelle obligation pour le médecin de « s'efforcer de recueillir le témoignage des proches » sur la volonté du défunt donne donc à la famille un rôle que n'avait pas prévu le législateur. Cet amendement permet de rétablir l'esprit de la loi et de rendre ainsi pleinement effectif le régime du consentement présumé.

En réponse à M. Yves Bur, le rapporteur a précisé que l'expression « par tout moyen » signifie que l'opposition au don peut avoir été exprimée aussi bien par écrit que par oral.

Par coordination avec sa décision à l'article 5, la commission a adopté cet amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Claeys tendant à supprimer la création de lieux de mémoire destinés à l'expression de la reconnaissance aux donneurs et à instituer le principe de la reconnaissance de la Nation à toute personne qui a fait un don d'organes.

La commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à garantir la restauration aussi parfaite que possible du corps sur lequel des organes ont été prélevés.

Le rapporteur a précisé que l'article L. 1232-5 du code de la santé publique issu de la loi de 1994 impose aux médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée « de s'assurer de la restauration décente de son corps ». L'amendement vise à renforcer cette notion essentielle pour les familles de restauration du corps.

Tout en étant favorable à l'objectif poursuivi par l'amendement, M. Alain Claeys a espéré qu'il ne serait pas source de contentieux.

La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 7

(article L. 6111-1 du code de la santé publique)

Mission de prélèvement d'organes des établissements de santé

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à intégrer le prélèvement et la greffe d'organes dans les missions du service public hospitalier.

Le rapporteur a indiqué que, pour pratiquer des prélèvements d'organes, les établissements doivent à l'heure actuelle y être autorisés.

M. Jean-Marie Le Guen s'est interrogé sur le caractère opposable ou non de cette mission aux schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS).

Le rapporteur a précisé que l'amendement complète l'article L. 6111-1 du code de la santé publique qui énumère les missions des établissements de santé et que cette nouvelle activité sera, en conséquence, prise en compte dans la planification sanitaire.

M. René Couanau s'est félicité de l'affirmation solennelle de cette mission de service public.

La commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l'article 7

(article L. 114-3 du code du service national)

Information sur le don d'organes

dans le cadre de l'appel de préparation à la défense

La commission a adopté l'amendement n° 18 (2ème rect) présenté par M. Jean Leonetti, tendant à prévoir la délivrance d'une information systématique des jeunes sur le don d'organes lors de la journée d'appel de préparation à la défense, Mme Jacqueline Fraysse s'y déclarant favorable après avoir rappelé qu'elle avait déposé un amendement similaire avant l'article 5.

2ème partie du rapport

N° 761 - Rapport de Pierre-Louis Fagniez sur le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique

1 Respectivement Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Agence française de sécurité sanitaire environnementale, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, Etablissement français des greffes, Etablissement français du sang, Institut de veille sanitaire, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

2 () Voir la définition de cette notion dans le commentaire de l'article 8 du présent projet de loi


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