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le 24 juin 2003

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N° 941

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres),

PAR M. ROLAND BLUM,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 364 (2001-2002), 121 et T.A. 50 (2002-2003)

Assemblée nationale : 548

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - UNE CONVENTION FISCALE CLASSIQUE 7

A - DES DISPOSITIONS FAVORABLES AUX INVESTISSEURS FRANÇAIS 7

1) Dividendes et intérêts (articles 10 et 11) 7

2) Redevances (article 12) 8

3) Clause de la nation la plus favorisée 8

B - DES DÉROGATIONS INTRODUITES PAR L'OUZBÉKISTAN 8

1) Définition du transport international (article 8) 8

2) Bénéfices des entreprises (article 7) 8

II - DES RELATIONS BILATÉRALES PLUS DIVERSIFIÉES
     AVEC UN PAYS ÉMERGENT
9

A - UN PAYS ÉMERGENT 9

1) Une situation intérieure marquée par le passé 9

2) Une situation économique et sociale stable mais fragile 9

3) Une politique étrangère fondée sur des
    relations complexes avec la Russie
10

B - DES RELATIONS BILATÉRALES PLUS DIVERSIFIÉES 11

1) Une coopération culturelle, linguistique,
    scientifique et technique active
11

2) Une coopération économique bilatérale en expansion 12

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention fiscale signée le 22 avril 1996 entre la France et l'Ouzbékistan.

En effet, les relations fiscales entre la France et ce pays sont, à l'heure actuelle, régies par l'ancienne convention franco-soviétique du 4 octobre 1985, que l'Ouzbékistan, indépendant depuis 1991, continue à appliquer. Cependant, il a pris, le 7 juillet 1999, un décret de ratification de la nouvelle convention fiscale. Celle-ci s'écarte peu du modèle de convention de l'OCDE et contribuera à accroître les relations bilatérales avec ce pays.

I - UNE CONVENTION FISCALE CLASSIQUE

La négociation de cet instrument n'a pas posé de problèmes particuliers, les raisons de sa ratification tardive étant d'ordre linguistique. L'Ouzbékistan n'a été en mesure de fournir un texte en langue ouzbèke qu'en 1998, et la mise en concordance des textes a pris plus d'un an.

A - Des dispositions favorables aux investisseurs français

Des précisions ont été introduites dans le projet initial de convention sur l'imposition des revenus immobiliers, de la fortune et sur les plus-values de cessions de parts, actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, afin que la convention ne fasse pas obstacle à l'application de la législation fiscale française en la matière.

L'accord contient quelques dispositions qui s'écartent significativement de la convention type de l'OCDE et qui sont des concessions faites par l'Ouzbékistan.

1) Dividendes et intérêts (articles 10 et 11)

La convention prévoit l'application de deux taux de retenue à la source : 5 % du montant brut des dividendes sur les produits d'investissement, lorsque le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement une participation égale ou supérieure à 10 % dans le capital de la société distributrice au lieu d'une participation minimale de 25 % dans le modèle OCDE, et 10 % du montant brut des dividendes dans les autres cas. Le taux de retenue à la source est limité à 5 % pour les intérêts versés aux résidents de l'autre Etat, au lieu de 10 % dans le modèle OCDE.

En outre, la France a pu obtenir que soient exonérés de retenue à la source :

- les intérêts versés à l'un des deux Etats, à l'une de leurs collectivités locales ou personnes morales de droit public, ou payés par l'un des deux Etats, ou l'une de leurs collectivités ou personnes morales de droit public ;

- les intérêts payés au titre de créances ou prêts garantis, assurés ou aidés par l'un des deux Etats ou par une personne agissant pour le compte de ces derniers, ce qui couvre notamment les prêts garantis par la COFACE.

- les intérêts payés en liaison avec une vente à crédit ou un prêt consenti par un établissement bancaire.

2) Redevances (article 12)

L'Ouzbékistan a demandé l'application d'une retenue à la source de 15 % sur les redevances, mais la partie française a obtenu l'exonération de toute retenue conformément au modèle OCDE.

3) Clause de la nation la plus favorisée

Une clause de la nation la plus favorisée a été obtenue par la France. Elle devrait s'appliquer, pour le cas où l'Ouzbékistan, dans le cadre de conventions fiscales conclues avec d'autres Etats membres de l'OCDE, accepterait d'accorder à un partenaire économique des taux d'imposition à la source plus faibles que ceux convenus dans sa nouvelle convention avec la France.

Ces dispositions sont favorables aux investisseurs français. Aussi, des dispositions contenues dans le paragraphe 8 de l'article 11 et le paragraphe 6 de l'article 12 sont-elles destinées à prévenir les utilisations abusives des avantages conventionnels.

B - Des dérogations introduites par l'Ouzbékistan

1) Définition du transport international (article 8)

L'Ouzbékistan a demandé que la définition du trafic international comprenne, outre les transports aériens et maritimes, les transports routiers et ferroviaires, comme le prévoit la convention qu'il a conclue avec le Royaume-Uni. Cette demande de l'Ouzbékistan a été acceptée par la France. Mais ceci devrait avoir une portée pratique limitée dans les relations entre la France et l'Ouzbékistan.

2) Bénéfices des entreprises (article 7)

L'article 7 concernant les bénéfices des entreprises est conforme au modèle OCDE, mais le modèle de convention fiscale de l'ONU sur les règles de détermination des bénéfices imposables s'applique à la déduction des paiements effectués par l'établissement stable au profit de son siège central et réciproquement.

II - DES RELATIONS BILATÉRALES PLUS DIVERSIFIÉES
AVEC UN PAYS ÉMERGENT

A - Un pays émergent

1) Une situation intérieure marquée par le passé

Etat d'Asie centrale de 450 000 km2 l'Ouzbékistan est dirigé depuis 1990 par le président Islam Karimov, confortablement réélu, en l'absence d'opposition, à la tête de l'Etat lors du scrutin présidentiel du 9 janvier 2000, après que les partis de la mouvance présidentielle eurent largement remporté les élections législatives de décembre 1999. Le Président s'appuie sur une nomenklatura héritée de l'ancien régime. Le 27 janvier 2002, les Ouzbeks ont approuvé par référendum la prolongation de 5 à 7 ans du mandat présidentiel, et la création d'une chambre haute d'ici 2004.

La situation des droits de l'Homme reste préoccupante. L'instauration d'un multipartisme de façade a été de pair avec l'élimination des mouvements d'opposition, en particulier des partis nationalistes interdits dès 1992. Le fondamentalisme islamique constitue la principale menace pour un régime qui se réclame officiellement de valeurs laïques. L'Ouzbékistan est avec le Tadjikistan le pays d'Asie centrale où la religiosité est la plus forte, 88 % des Ouzbeks sont musulmans sunnites.

L'indépendance a entraîné la floraison de formations se réclamant de l'Islam. Initialement cristallisée dans les mouvements « Adolat » (Justice), « Soldats de l'Islam » ou « Taouba » (repentir), tous interdits, la mouvance islamiste s'est radicalisée. Contraints à la clandestinité, les islamistes ouzbeks se sont réfugiés au Tadjikistan, combattant aux côtés des islamistes tadjiks pendant la guerre civile de 1992 à 1997. Le soutien des Taliban a favorisé l'émergence en 1998 du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (MOI), tenu pour responsable de l'attentat de Tachkent du 16 février 1999 visant le président Karimov. L'écrasement des Taliban a amoindri les capacités opérationnelles de ce mouvement pour l'instant.

2) Une situation économique et sociale stable mais fragile

La croissance a marqué le pas en 2000 et 2001 et serait voisine de 4 %. Le développement de l'économie ouzbèke a été freiné par la diminution de la production de coton liée à la sécheresse.

Le regain d'intérêt des pays occidentaux et l'augmentation substantielle de l'assistance internationale dans le contexte de l'après 11 septembre n'a pas jusqu'ici entraîné une accélération des réformes. La situation sociale reste pour l'instant sous contrôle, malgré des tensions de plus en plus sensibles. En outre, plusieurs régions connaissent une situation sanitaire préoccupante.

L'objectif prioritaire du gouvernement ouzbek est de parvenir à l'autosuffisance alimentaire. Les surfaces consacrées à la culture de céréales représentent 45 % des terres arables. L'Ouzbékistan est doté d'importantes ressources minières (métaux non ferreux et gaz), les matières premières constituant plus des deux tiers de ses exportations. Premier producteur de gaz en Asie centrale, avec 56 milliards de m3 annuels, l'Ouzbékistan a moins souffert du choc de la transition que certains de ses voisins, ce qui explique qu'il ait retrouvé aujourd'hui à 95 % le niveau de PIB de 1991. Il a toujours honoré ses engagements vis-à-vis des institutions financières internationales.

La balance commerciale ouzbèke est généralement excédentaire ; elle est tributaire de la production de coton dont l'Ouzbékistan est cinquième producteur. La Russie renforce sa place de premier fournisseur et premier client (avec respectivement 16 % et 17 % du marché). Parmi les fournisseurs, la Corée du Sud arrive au second rang (9,8 %), talonnée par les Etats-Unis et l'Allemagne (chacun 8,7 %). La CEI assure 35 % des importations et absorbe 35,9 % des exportations, loin devant l'Union européenne (17,8 %).

L'Ouzbékistan détient l'un des stocks d'investissements directs étrangers les plus faibles parmi les pays de la CEI (956 millions de dollars en 2001), qui s'explique par l'enclavement géographique, mais aussi un cadre légal peu favorable aux investissements étrangers, l'existence de plusieurs taux de change, la non-convertibilité de la monnaie et l'absence de grandes privatisations.

3) Une politique étrangère fondée sur des relations complexes avec la Russie

La politique étrangère de l'Ouzbékistan repose sur une forte volonté d'affirmation nationale, un constant souci de sortir de tout rapport de subordination à l'égard de la Russie, des relations étroites avec les Etats-Unis et l'Union européenne, et des ambitions régionales affirmées.

L'Ouzbékistan a refusé le stationnement de troupes russes sur son territoire, assure seul la défense de ses frontières, et reste hostile à une intégration accrue au sein de la CEI. C'est un membre du club des pays de la CEI les plus réticents à un renforcement de l'influence russe (Géorgie, Ouzbékistan, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie). Il s'est intéressé au projet de création par ce club d'un centre de lutte anti-terroriste, sous la houlette des Etats-Unis lors de la réunion ministérielle de Tbilissi du 24 mai 2003. Toutefois, ses relations avec ses voisins restent tendues, du fait de l'existence de contentieux aigus sur les minorités, le tracé des frontières et le trafic de drogues et d'armes.

Les événements du 11 septembre 2001 ont renforcé les liens de l'Ouzbékistan avec les Etats-Unis. Il a offert, dès octobre, des facilités militaires aux forces américaines. Lors de la crise irakienne, il est le seul pays de la CEI à avoir soutenu l'intervention américaine et en a tiré d'importants bénéfices politiques, sécuritaires et économiques. Néanmoins, l'Ouzbékistan a adopté une attitude ambiguë depuis l'élimination des Taliban, afin d'établir de bonnes relations avec les autorités de Kaboul en s'appuyant sur le général Dostum pour assurer la sécurité dans les régions frontalières.

Un accord de partenariat et de coopération avec l'Union européenne a été signé le 21 juin 1996 à Florence, il est entré en vigueur en juillet 1999. L'Ouzbékistan a bénéficié d'une assistance financière de 103 millions d'euros. 15 millions d'euros lui ont été alloués pour les années 2000-2001 dans le cadre du programme Tacis.

B - Des relations bilatérales plus diversifiées

L'évolution des relations politiques franco-ouzbèkes reflète une volonté partagée de diversification de la coopération bilatérale. Un traité d'amitié et de coopération a été conclu en octobre 1993 suivi de plusieurs accords. Les attentats du 11 septembre ont confirmé les convergences entre la France et l'Ouzbékistan sur la nécessité d'une coopération accrue en matière de lutte antiterroriste et en faveur d'un règlement politique de la question afghane.

1) Une coopération culturelle, linguistique, scientifique et technique active

Cette coopération bénéficie du nombre élevé d'étudiants apprenant le français et de la volonté politique des autorités de développer l'apprentissage du français dans divers milieux professionnels.

Le montant total des crédits d'intervention consacrés en 2003 au dispositif de coopération s'élève à 412 000 euros, dont 47% pour la coopération culturelle et le français, 30 % pour la coopération universitaire et la recherche, 19 % pour la coopération technique et 4 % pour la coopération audiovisuelle de communication. La création d'un établissement à autonomie financière à Tachkent qui regroupe les activités de l'Alliance Française et de la coopération linguistique a conduit à la mise en place d'une subvention de fonctionnement de 90 000 euros.

Un effort particulier est consacré à la coopération dans le domaine des sciences sociales et de l'archéologie, grâce à l'institut français d'études sur l'Asie centrale, créé en 1993 à Tachkent. Etablissement de recherche en sciences sociales à vocation régionale, dont le rôle est fondamental pour le développement des coopérations universitaires et de recherche de haut niveau, il bénéficie d'une subvention annuelle de 171 000 euros.

2) Une coopération économique bilatérale en expansion

La France a inscrit l'Ouzbékistan sur la liste des pays susceptibles de bénéficier des facilités offertes par la Réserve Pays Emergents (RPE) pour des projets bénéficiant de co-financements. Cette décision complète le dispositif régional d'appui aux projets de soutien au développement, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan étant déjà bénéficiaires de la RPE.

L'Ouzbékistan représente pour la France le quatrième marché de la CEI, après la Russie, l'Ukraine et le Turkménistan. Après un pic en 2001 de 121 millions d'euros, les exportations françaises en 2002 ont baissé de 66 %, avec une forte contraction des importations passées de 61 à 41 millions d'euros et un solde commercial déficitaire de 4 millions d'euros.

La part de marché de la France est faible (2 %), loin après la Russie, la Corée du Sud, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Japon et la Turquie. La structure des exportations françaises est dominée par les ventes de biens d'équipement (mécanique, matériel électrique et électronique) ce qui favorise les grands contrats aux dépens du commerce courant. Le recul des importations françaises est lié à la chute de la production de coton qui constitue l'essentiel des achats français à ce pays. Une cinquantaine d'entreprises françaises sont présentes en Ouzbékistan. Elles sont confrontées à une concurrence internationale surtout anglo-saxonne accrue depuis le 11 septembre.

CONCLUSION

La ratification de cette convention fiscale est opportune : elle confère une sécurité accrue aux investisseurs français dans un pays émergent d'Asie centrale, région du monde où la France est confrontée à une concurrence accrue.

Cet accord devrait encourager le renforcement de la présence française en Ouzbékistan.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 17 juin 2003.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 548).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 548).

 

N° 941 - Rapport sur le projet de loi sur la convention fiscale avec l'Ouzbékistan (Sénat, 1ère lecture)(Roland Blum)


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