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le 29 septembre 2003

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N° 1090

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 septembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION tendant à la création d'une commission d'enquête :

- n° 1056 de M. Jean-Marc Ayrault sur les dysfonctionnements du système de santé faxe à la canicule ;

- n° 1057 de M. Alain Bocquet sur les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'Etat de ses effets ;

- n° 1059 de M. Jacques Barrot sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule ;

- n° 1062 de M. Hervé Morin sur les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule.

PAR M. Denis JACQUAT,

Député.

--

Santé et protection sociale.

INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION 7

A. DE LA DÉTERMINATION DES FAITS POUVANT DONNER LIEU À ENQUÊTE 7

B. DE L'EXISTENCE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE ET LE CHAMP DE SES INVESTIGATIONS 9

A. DE L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

B. DU CHAMP DES INVESTIGATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE 10

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 15

Article unique 15

INTRODUCTION

La France est encore sous le choc de la crise sanitaire et sociale provoquée par un été torride et du nombre de victimes qui en est résulté. Son ampleur a été telle qu'il n'est guère surprenant que l'ensemble des groupes politiques représentés à l'Assemblée nationale aient déposé des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la canicule.

Ont ainsi été déposées les propositions suivantes :

- proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dysfonctionnements du système de santé face à la canicule (n° 1056, déposée le 20 août 2003) ;

- proposition de résolution de M. Alain Bocquet tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'État de ses effets (n° 1057 déposée le 20 août 2003) ;

- proposition de résolution de M. Jacques Barrot tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, et sociales de la canicule  (n° 1059 déposée le 9 septembre 2003) ;

- proposition de résolution de M. Hervé Morin tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule (n° 1062 déposée le 11 septembre 2003).

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de ces propositions de résolution, avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête et sur le champ de ses investigations.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

A. DE LA DÉTERMINATION DES FAITS POUVANT DONNER LIEU À ENQUÊTE

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête.

En l'occurrence, les faits visés sont pour chacune de ces propositions formulés de façon suffisamment précise pour justifier, a priori, la création d'une commission d'enquête :

- M. Jean-Marc Ayrault met l'accent sur l'analyse des dysfonctionnements du système de santé, l'identification des responsabilités de ces dysfonctionnements, et souhaite que la commission d'enquête se penche sur l'ensemble des problèmes gériatriques ;

- M. Alain Bocquet évoque, quant à lui, les questions touchant à la politique de santé et de protection sociale, aux dispositions mises en œuvre pour la sécurité civile, à la lutte contre les incendies, à la protection des personnes et des biens, à la production d'énergie électrique et au respect des écosystèmes, ainsi que les conséquences de la canicule pour l'agriculture et l'élevage ;

- M. Jacques Barrot souhaite, pour sa part, que la commission d'enquête évalue l'efficacité des dispositifs existants en matière de suivi sanitaire, apprécie les conditions d'accompagnement et de prise en charge des personnes âgées, réfléchisse aux moyens d'assurer une meilleure coordination entre les différents intervenants des systèmes sanitaires et sociaux, et plus généralement formule toutes propositions appropriées permettant de renforcer la solidarité à l'égard des personnes âgées ;

- enfin, M. Hervé Morin entend que la commission d'enquête porte son attention sur l'analyse du système d'alerte sanitaire, sur le système de santé, sur le système de veille sociale et formule des propositions permettant de mieux prendre en charge la dépendance.

B. DE L'EXISTENCE DE PROCÉDURES JUDICIAIRES

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettres du 22 septembre 2003, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'il n'y a aucune procédure judiciaire en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de ces propositions de résolution.

Les propositions de résolution sont donc recevables.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE ET LE CHAMP DE SES INVESTIGATIONS

Si les conditions de recevabilité sont réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête sur la canicule et, en cas de réponse positive, de déterminer le champ de ses investigations.

A. DE L'OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Après la crise sanitaire et sociale, sans précédent en France, déclenchée par la canicule, le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est réuni en urgence, le mardi 26 août à 11 heures. Il a pris la décision de créer une mission d'information parlementaire sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule.

Cette mission avait pour objet, sans attendre la rentrée parlementaire, qui aura lieu le 1er octobre, de réunir les éléments d'information utiles aux membres de la commission lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, examiné par l'Assemblée nationale dès la première semaine de la session, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale examiné par l'Assemblée nationale la dernière semaine d'octobre. La mission d'information de onze membres que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a constituée en son sein s'est donnée pour objectif de proposer des mesures d'urgence permettant d'éviter que ne se reproduise une telle situation.

Constituée le 10 septembre, la mission a entamé avec l'audition de Jean-François Mattei, ministre de la santé, le 11 septembre un cycle d'auditions qui s'est achevé le 19 septembre. Elle a ainsi procédé à trente-trois auditions et entendu dans ce cadre soixante-dix-huit personnes. Le rapport de ses travaux déposé le 24 septembre 2003 fait état d'un certain nombre de réflexions et de propositions. Cela signifie-t-il que tout aurait été dit sur la canicule et que la commission d'enquête serait inutile ? Certes pas ! Il a été clairement affirmé, dès le début des travaux de la mission d'information, que les deux démarches n'étaient pas contradictoires mais complémentaires.

A la lumière du rapport de la mission d'information, la commission d'enquête présente à plusieurs titres un intérêt majeur :

- l'horizon temporel n'est pas le même et les délais dont dispose la commission d'enquête devraient lui permettre d'aborder de manière plus approfondie l'ensemble des thèmes abordés de façon nécessairement rapide par la mission d'information ;

- la commission d'enquête disposera de données pour le moment inaccessibles telles les études épidémiologiques en cours de réalisation ; celles-ci permettront notamment d'apporter des réponses aux questions encore en suspens : quel est le bilan exact de la surmortalité liée à la canicule ? Quels sont les facteurs de surmortalité autres que la chaleur ? Quel est le rôle, par exemple, de la pollution  ou de certaines consommations médicamenteuses ? Quelle est l'incidence des facteurs sociaux comme l'isolement, le niveau social ou le type d'habitat ? Quelle est l'efficacité de dispositifs de prévention tels que celui mis en place à Marseille ?

- elle pourra, notamment grâce aux moyens d'investigation dont elle dispose en vertu de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, éclairer certaines contradictions entre les acteurs de la crise relevées lors des auditions réalisées par la mission ;

- elle pourra enfin aborder des thèmes qui n'ont été qu'effleurés, voire simplement évoqués, par la mission d'information ; on citera à titre d'exemple : la manière dont nos voisins européens ont traversé la même période ; la question du lien entre le climat - et plus particulièrement la température - et la santé, la mortalité, dans l'optique du changement climatique ; l'incidence sanitaire de la canicule, au-delà des décès qu'elle a provoqués ; ses effets sur les actifs et son incidence sur les conditions de travail.

Au-delà des réponses urgentes apportées notamment par le biais d'amendements au projet de loi relatif à la politique de santé publique et des pistes d'action à moyen et long terme suggérées par la mission, le champ de la réflexion et de l'analyse est donc vaste et justifie à l'évidence la création d'une commission d'enquête.

B. DU CHAMP DES INVESTIGATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Les quatre propositions de résolution portent toutes sur la canicule d'où leur examen conjoint par le présent rapport, elles n'en présentent pas moins des différences significatives dans le champ d'investigations proposé.

- La proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault n° 1056 porte sur « les dysfonctionnements du système de santé face à la canicule ». L'exposé des motifs précise que l'analyse portera sur « la chaîne de responsabilité à l'origine du manque de réactivité des pouvoirs publics ». Elle est donc centrée sur la dimension sanitaire de la crise. Or les travaux de la mission ont montré à quel point cette crise était autant sociale que sanitaire. En dépit de la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'exposé des motifs précisant que « La commission d'enquête devra également examiner l'ensemble des problèmes de gériatrie tant au niveau hospitalier qu'au niveau des établissements spécialisés et dans les réseaux de soins et de solidarité. », le champ de la proposition apparaît trop restrictif.

- La proposition de résolution de M. Alain Bocquet n° 1057 propose, quant à elle, de centrer les travaux « sur les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'État de ses effets ». A la différence de la précédente, le champ d'investigations apparaît très large. Sont ainsi évoquées naturellement la politique de santé et de protection sociale, mais également « les dispositions mises en œuvre pour la sécurité civile, la lutte contre les incendies, la protection des personnes et des biens, la production d'énergie électrique et le respect des écosystèmes », ainsi que les conséquences de la canicule pour l'agriculture et l'élevage. Tous ces thèmes méritent assurément réflexion mais certains d'entre eux constituent des sujets à part entière et le thème de la lutte contre les incendies risque dans les semaines à venir de se heurter à d'éventuelles procédures judiciaires. De plus, certains de ces sujets, comme les conséquences sur l'agriculture et l'élevage, ont déjà fait l'objet de nombreuses réflexions et trouvent des solutions dans les dispositifs publics existants d'ores et déjà activés.

Les canicules de 1976 et 1983 sont restées dans les mémoires comme des périodes de « sécheresse » et ont essentiellement été analysées sous l'angle économique au point que la surmortalité qu'elles ont entraînée est passée inaperçue. La canicule de 2003 n'est en rien comparable et c'est bien la dimension sanitaire et sociale du drame qui doit être au cœur des travaux de la commission d'enquête. Les questions sont suffisamment nombreuses et complexes pour que l'on ne courre pas le risque de la dispersion. 

- Cette observation vaut également pour la proposition de résolution de M. Hervé Morin n° 1062 tendant à la création d'une commission d'enquête « sur les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule ».

- Le champ retenu par la proposition de résolution de M. Jacques Barrot n° 1059 tendant à la création d'une commission d'enquête « sur les conséquences sanitaires, et sociales de la canicule » semble en revanche pleinement correspondre aux questions soulevées par le drame essentiellement humain de cet été et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, familiales et sociales l'avait retenu pour les travaux de la mission d'information constituée en son sein.

En conséquence, le rapporteur propose l'adoption de la proposition de résolution n° 1059, les propositions de résolution n°s 1056, 1057 et 1062 devenant dès lors sans objet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Denis Jacquat, les présentes propositions de résolution au cours de sa séance du 24 septembre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Maxime Gremetz a indiqué que le groupe communiste a déposé, dès le mois d'août, une demande de commission d'enquête sur les conséquences et la gestion de la crise liée à la canicule et que le groupe UMP n'aurait pas proposé également de créer une commission d'enquête sans cela. Si le texte de la proposition de résolution de M. Alain Bocquet est préférable, car plus large, le groupe communiste se rallie à la proposition de M. Jacques Barrot, l'essentiel étant de créer rapidement une commission d'enquête.

Puis, la commission a examiné un amendement présenté par M. Claude Evin à l'article unique de la proposition de résolution de M. Jacques Barrot (n° 1059), étendant le champ de la commission d'enquête à l'analyse des dysfonctionnements du système de santé et à la recherche des responsabilités individuelles et collectives à l'origine du manque de réactivité des pouvoirs publics.

Après que M. Claude Evin a estimé nécessaire de faire toute la lumière sur la chaîne des responsabilités pendant la période de crise pour bien apprécier les mesures à prendre, le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, souhaitant souligner par ce geste la volonté de la majorité de faire un diagnostic complet du déroulement de la crise. La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de résolution n° 1059 ainsi rédigée. En conséquence, les propositions de résolution n° 1056, 1057 et 1062 sont devenues sans objet.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule

Article unique

Conformément aux articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission d'enquête parlementaire de trente membres chargée :

- D'analyser les dysfonctionnements de notre système de santé et de faire toute la lumière sur la chaîne de responsabilités individuelles et collectives à l'origine du manque de réactivité des pouvoirs publics face à la canicule de cet été. 

- D'évaluer l'efficacité des dispositifs existants en matière de prévention et d'alerte contre les risques sanitaires climatiques.

- D'apprécier les conditions de prise en charge des personnes âgées, à domicile et en établissement.

- De formuler des propositions pour renforcer la coordination entre les différents acteurs du système de soins (médecine de ville, soins spécialisés, services sociaux, système hospitalier...) afin de garantir une meilleure prise en charge sanitaire et médico-sociale.

- D'évaluer les difficultés de recrutement dans le secteur social et médico-social et de formuler des propositions pour y remédier, notamment en matière de formation et de validation des acquis.

- D'évaluer l'organisation et le fonctionnement des services d'urgence au sein du système de soins.

- De formuler des propositions pour lutter contre l'isolement social et renforcer la solidarité à l'égard des personnes âgées.

N° 1090 - Rapport  sur les propositions de résolutions portant création d'une commission d'enquête sur les conséquences de la canicule (M. Denis Jacquat)


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