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le 1er octobre 2003

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N° 1092 (1ère partie)

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 septembre 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI (n° 877) relatif à la politique de santé publique,

PAR M.  Jean-Michel DUBERNARD

Député.

--

Santé et protection sociale.

1ERE PARTIE

INTRODUCTION 11

I.- LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE, LE RETOUR D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE DÉLAISSÉE ? 15

A. L'HISTOIRE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EN FRANCE A ÉTÉ MARQUÉE PAR UN RÉCENT RENOUVEAU 15

1. Les débuts sont caractérisés par une approche hygiéniste, préventive et populationnelle 15

a) La loi fondatrice du 15 février 1902 pose les bases 15

b) L'essor de la médecine curative fait passer au second plan les succès de la politique de santé publique 15

2. Une prise de conscience tardive a souligné la nécessité d'une politique de santé publique vigoureuse 16

a) Un mouvement d'origine internationale a contribué à souligner l'intérêt de la promotion de la santé 16

b) La France a profondément modernisé son système de veille et de sécurité sanitaire 17

B. LES PARTICULARITÉS FRANÇAISES DEMEURENT 17

1. L'état de santé de la population : peut mieux faire ! 18

a) De nombreuses études soulignent un manque dans le domaine des données à caractère sanitaire et leur fiabilité insuffisante 18

b) Malgré des résultats globaux satisfaisants, un haut niveau de mortalité prématurée et de mortalité évitable souligne la nécessité d'agir sur les déterminants de l'état de santé 19

c) Des signaux d'alerte ont déjà été identifiés depuis 1994 20

d) Les inégalités face à la santé restent trop importantes en France 21

2. Le système de santé privilégie de manière excessive les soins curatifs au détriment des actions de prévention 22

a) Un mouvement international qui n'a pas encore trouvé sa pleine traduction en France 22

b) La distinction entre les actes de prévention et les soins est encore valide 22

c) Le financement et l'organisation institutionnelle du système de santé en accentuent le cloisonnement 23

II. - LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE NATIONALE DE SANTÉ PUBLIQUE : PLUS SIMPLE, PLUS EFFICACE, PLUS TRANSPARENTE 25

A. LA SANTÉ PUBLIQUE EST UN DEVOIR D'ÉTAT 25

B - UNE NOUVELLE ORGANISATION RÉGIONALE EST MISE EN PLACE : EN ATTENDANT L'AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ ? 26

III.- LE CAP DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EST FIXÉ POUR 2004-2008 27

A. LES PROGRAMMES DE SANTÉ POUR 2004 - 2008 FORMERONT LE CADRE DE L'ACTION PUBLIQUE EN MATIERE DE SANTÉ PUBLIQUE 27

1. Les objectifs de santé publique sont inscrits au rapport annexé au projet de loi 27

a) La législation par rapports annexés soulève des questions 28

b) La méthode d'élaboration est originale 29

c) Le recensement d'objectifs permet de fixer un cap à la fois précis et pluriannuel à la politique de santé publique 29

2. La lutte contre le cancer a été déclarée impératif national 31

a) Le chantier présidentiel s'est traduit par l'annonce du « Plan cancer » 31

b) L'Institut national du cancer sera compétent en matière de soins et de recherche 32

3. La lutte contre des phénomènes comportementaux ayant un impact majeur en termes de santé publique - l'alcoolisme et le tabagisme - est privilégiée 35

B. LES OUTILS ÉTATIQUES DE LA SANTÉ PUBLIQUE DOIVENT ÊTRE MODERNISÉS ET LA PRÉVENTION ENCOURAGÉE 35

1. Les outils de l'Etat en matière de santé publique sont modernisés 35

a) L'action de l'INPES est recentrée 35

b) Une consultation de prévention est créée 36

c) La politique vaccinale est rénovée et un plan de lutte contre les infections liées aux soins administrés en dehors des établissements de santé est mis en place 36

d) Les systèmes d'information en santé et l'exploitation des outils statistiques en santé sont améliorés 36

2. La prévention des risques sanitaires et environnementaux est renforcée 37

a) Le texte améliore le dispositif en matière de prévention et de lutte contre les menaces bioterroristes et les épidémies 37

b) La prévention des risques environnementaux est mieux prise en compte 38

c) L'efficacité des mesures de lutte contre le saturnisme est renforcée 39

C. LA FORMATION DES ACTEURS EN SANTÉ EST RÉNOVÉE 41

1. La qualité de la formation des cadres en santé publique est encouragée 41

a) Le problème des effectifs doit être résolu rapidement 41

b) Le choix entre un école professionnelle d'application en santé publique et un établissement universitaire autonome n'a pas été fait 41

c) Le cloisonnement des formations en santé publique est préjudiciable 42

d) Les contours de la nouvelle Ecole des hautes études en santé publique restent à préciser 43

2. Le dispositif de la formation médicale continue est rénové 44

a) La réforme de la formation médicale continue est indispensable à l'amélioration de la qualité des soins 44

b) Le nouveau dispositif de formation médicale continue est plus adapté et plus efficace 45

IV.- LE RÉGIME DES RECHERCHES BIOMÉDICALES EST MODERNISÉ 47

A. UN DOUBLE IMPÉRATIF INSPIRE LA RÉFORME 47

1. La directive n° 2001/20 du 4 avril 2001 est transposée 47

2. Le dispositif issu de la loi « Huriet-Sérusclat » est adapté 48

B. LE CADRE JURIDIQUE EST PLUS PROTECTEUR 49

1. La distinction entre les recherches avec ou sans bénéfice est remplacée par l'appréciation de la balance bénéfice-risque 47

2. Un régime d'autorisation est institué et le rôle des comités de protection des personnes est étendu 50

3. Les règles de consentements et de participation des personnes vulnérables aux recherches biomédiales sont adoptées 50

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

I.- AUDITION DU MINISTRE 55

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 71

2ÈME PARTIE

III.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE 1ER : POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Chapitre IER : Champ d'application et conditions d'élaboration

Chapitre II : Objectifs et plans régionaux de santé publique

TITRE II : INSTRUMENTS D'NTERVENTION

Chapitre Ier : Institutions et organismes

Chapitre II : Programmes de santé et dispositions de prévention

Chapitre III : Prévention et gestion des menaces sanitaires graves

Chapitre IV : Systèmes d'information

TITRE III : OBJECTIFS ET MISE EN œUVRE DES PLANS NATIONAUX

Chapitre 1er : Rapport d'objectifs

Chapitre II : Cancer et consommation à risque

3ÈME PARTIE

Chapitre III : Santé et environnement

TITRE IV : RECHERCHE ET FORMATION EN SANTÉ

Chapitre Ier : Ecole des hautes études en santé publique

Chapitre II : Recherches biomédicales

Chapitre III : Formation médicale continue

4ÈME PARTIE

TABLEAU COMPARATIF

5EME PARTIE DU RAPPORT

TABLEAU COMPARATIF (SUITE)

6EME PARTIE DU RAPPORT

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXES

LISTES DES PERSONNES AUDIONNÉES

GLOSSAIRE

INTRODUCTION

La santé publique, comprise comme « l'ensemble des connaissances et des techniques propres à prévenir les maladies, à préserver la santé, à améliorer la vitalité et la longévité des individus par une action collective1 » constitue désormais une préoccupation majeure des autorités politiques et de l'opinion publique.

La canicule survenue dans les quinze premiers jours du mois d'août dernier et ses effets sanitaires dévastateurs ont dramatiquement mis l'accent sur la fragilité de certaines catégories de la population, notamment les plus âgés, et l'importance des actions préventives (en l'occurrence la prévention du « coup de chaleur »). Quelques mois auparavant, la gestion de l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) par l'Etat avait attiré l'attention de tous sur les risques sanitaires émergents. En outre, l'année 2003 a été marquée par la mise en œuvre de mesures contre l'insécurité routière ou le cancer, deux thèmes déclarés en 2002 « chantiers » du quinquennat par le Président de la République. Autre signe récent, le rapport public 2003 de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), intitulé « Santé, pour une politique de prévention durable », souligne les trois points à traiter en priorité : les risques environnementaux, les risques professionnels et les difficultés sociales et psychologiques des jeunes.

Le 1er octobre 2002, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei déclare, devant les membres de l'Académie nationale de médecine qu'il lance la préparation d'une loi quinquennale de santé publique. Après son adoption en conseil des ministres le mercredi 21 mai dernier, le présent projet de loi relatif à la politique de santé publique est ensuite déposé sur le bureau de notre assemblée.

Les motivations de ce projet de loi sont triples.

D'abord, elles reposent sur la volonté de faire discuter et adopter par la représentation nationale la politique de santé publique. Certes, chaque année, le Parlement adopte le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, les conditions de la discussion et du vote du projet et du rapport annexé relatif aux orientations de la politique de santé laissent chez un certain nombre de parlementaires un sentiment de frustration. Cette carence est imputable à l'absence d'un véritable débat sur la politique de santé publique, ce que ne permet pas le cadre strict posé par la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En particulier, l'adoption par le Parlement d'un objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), agrégat très large, ne permet pas à la représentation nationale de promouvoir spécifiquement les actions de santé publique et de promotion de la santé, dont l'évaluation est d'ailleurs difficile. Ce constat a motivé la création de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS)2 à la fin de l'année 2002.

Ensuite, le présent projet est fondé sur le diagnostic suivant : le système de santé français se caractérise par une complexité extrême. Il est devenu difficile de savoir « qui fait quoi », ce qui pose d'une part le problème de l'efficacité et de la cohérence de l'action publique et d'autre part la question de la responsabilité politique. La complexité et la confusion des rôles appellent une clarification des compétences de chacun, et en particulier des responsabilités respectives de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres instances appelées à agir en matière de santé publique.

Enfin, le présent texte tire sa justification d'un double constat : la France présente des taux de mortalité prématurée et de mortalité évitable trop élevés et ses habitants souffrent d'inégalités excessives en matière d'état de santé. Ces observations mettent en évidence la nécessité d'une politique de santé publique modernisée, agissant en amont pour réduire les risques, informer et éduquer des publics spécifiques. Cette politique passe par la fin de la concentration excessive des moyens sur les soins et leur régulation.

Il est devenu indispensable, compte tenu de l'importance du thème de la santé publique, des montants financiers engagés et des conditions insatisfaisantes de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, que les représentants de la nation discutent au fond des problèmes de santé publique. Il faut donc se réjouir de l'élaboration de ce projet de loi et de son inscription à l'ordre du jour de notre assemblée.

Après la création d'un ministère de la santé de plein exercice et le lancement des « chantiers » présidentiel à dominante sanitaire, il marque l'intérêt du gouvernement et du Président de la République pour les questions de santé. Il est la preuve de la volonté de la majorité d'aborder ces problèmes dans une logique de planification stratégique, en évitant les stériles effets d'annonce. Ce projet offre l'opportunité au Parlement de discuter sur le fond des contours de la politique de santé publique des prochaines années, politique susceptible d'améliorer en profondeur l'état de santé de nos concitoyens.

Se plaçant dans une perspective plus large, le Rapporteur souhaite que les problématiques de santé publique, imprégnées de préoccupations épidémiologiques, préventives et populationnelles, s'imposent chez les très nombreux acteurs du système de santé français. Plus largement, l'action pour la santé doit devenir une préoccupation de toute la société : chaque institution et chaque organisme public et privé appelés à agir dans un champ impliquant la santé des personnes, qu'il s'agisse de l'école, des collectivités territoriales, de l'entreprise ou des associations, doit se sentir concerné. En effet, la diffusion de la culture de la promotion de la santé dans la société entière sera une des clés du succès de ce projet.

Le présent projet aborde quatre thèmes principaux :

- la définition de la politique nationale de santé publique et ses déclinaisons régionales ;

- les grandes orientations de la politique de santé publique pour les cinq prochaines années ;

- la prise en compte accrue des aspects « santé publique » et « prévention » dans notre système de santé ;

-  la réforme du dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, afin de transposer la directive n° 2001-20 relative aux essais cliniques de médicaments.

Rendre la définition de la politique nationale de santé publique plus claire et plus efficace

L'Etat est réaffirmé dans sa responsabilité première : la définition de la politique de santé publique, composée d'objectifs pluriannuels. L'Etat prend ses responsabilités en matière de consultations de prévention, de programmes de dépistage et de politique vaccinale. Les éléments composant la politique de santé publique, qui est définie de manière très large, sont introduits dans le code de la santé publique. Le texte comporte en outre des dispositions relatives à la prévention de crises sanitaires graves (épidémies, bioterrorisme...), où l'Etat jouera tout son rôle.

Il faut rendre l'élaboration de la politique de santé publique plus simple, plus efficace et plus transparente. Le projet clarifie le contexte institutionnel, notamment grâce à la création d'un Haut conseil de la santé publique. Il détermine les rôles de chacun et définit des objectifs communs à atteindre, grâce à la mise en œuvre d'actions menées de manière cohérente et sur une longue période. Des indicateurs mesureront les progrès réalisés.

Au niveau régional, le représentant de l'Etat dans la région est chargé de concevoir la politique régionale en s'appuyant sur un comité régional de santé publique. Un groupement régional de santé publique sera chargé de coordonner les initiatives de multiples organismes agissant à l'échelon régional en matière de santé publique. Les régions pourront élaborer des programmes de santé spécifiques et complémentaires des programmes nationaux.

En ce qui concerne les procédures d'élaboration de la politique de santé, le texte prévoit un rendez-vous quinquennal sous la forme d'une consultation nationale. Le texte accroît le rôle du Parlement : il prévoit l'organisation d'un vote - et non pas d'un simple débat - sur les objectifs de santé.

Fixer le cadre de la politique de santé publique pour les cinq prochaines années

Le présent texte présente l'originalité de fixer à la fois le cadre institutionnel de l'élaboration et de l'adoption des lois de politique de santé publique et de déterminer les orientations de celle-ci pour les cinq prochaines années (2004 - 2008).

Le rapport annexé à l'article 14 du projet, qui comporte six parties, indique que les cent objectifs dégagés pour chacun des problèmes de santé retenus à l'issue de la consultation nationale ont valeur « d'engagement » et qu'ils valent pour tous les acteurs de santé. Cinq problèmes sont traités par le biais de « plans stratégiques de santé publique » coordonnant l'action de tous les acteurs de santé concernés sur la période 2004 - 2008 : plan national de lutte contre le cancer ; plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives ; plan national de lutte pour limiter l'impact sur la santé des facteurs d'environnement ; plan national pour améliorer la qualité de la vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; plan national pour améliorer la prise en charge des maladies rares.

La lutte contre le cancer fait l'objet de dispositions spécifiques : le projet propose la création d'un Institut national du cancer afin de coordonner des efforts actuellement trop dispersés. Des dispositions facilitant la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme sont également prévues.

Mieux prendre en compte les facteurs « santé publique » et « prévention »

S'agissant des instruments de la politique de prévention, le texte procède à de profondes modifications institutionnelles, notamment en recentrant l'action de l'INPES. Le projet définit des programmes de santé et des dispositifs de prévention (politique de vaccination, prévention des infections liées aux soins...). Il comporte également des dispositions relatives à la prise en compte accrue des facteurs environnementaux (surveillance épidémiologique, protection des captages d'eau...). Il permet, par ailleurs, de renforcer l'efficacité des mesures de lutte et de prévention contre le saturnisme, qui demeure un problème majeur de santé publique en France. Enfin, il rénove l'organisation de la formation et de la recherche en santé publique et précise les conditions de l'obligation, pour tous les médecins, de suivre des actions de formation médicale continue.

Réformer le régime des recherches biomédicales afin de transposer la directive n° 2001/20 relative aux essais cliniques de médicaments

Le projet de loi procède à une réforme d'ensemble du régime de protection des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale, qui était demeuré quasiment inchangé depuis la loi « Huriet-Sérusclat » du 20 décembre 19883.

Cette révision s'impose, d'une part, par la nécessité de transposer, avant le 1er mai 2003, la directive n° 2001/20/CE du 4 avril 2001 relative aux essais cliniques de médicaments, qui prévoit notamment l'autorisation des recherches par l'autorité compétente et l'avis du comité d'éthique avant la réalisation de la recherche. Il s'agit, d'autre part, de remédier aux insuffisances du dispositif actuel et de l'adapter à l'évolution de la recherche clinique.

Dans le prolongement des recommandations du rapport de M. François Lemaire au ministre de la santé4, le projet de loi propose tout d'abord de supprimer la distinction complexe et ambiguë entre les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct au profit de l'appréciation plus fine de la balance bénéfice-risque. Il institue d'autre part, un régime d'autorisation plus protecteur. Il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement.

I.- LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE,
LE RETOUR D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE DÉLAISSÉE ?

Alors que l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi relatif à la politique de santé publique, il est intéressant d'une part de rappeler brièvement le contexte historique et institutionnel de la politique de santé publique en France et d'autre part d'en dresser un bref bilan en termes de santé des populations et d'organisation du système de santé.

A. L'HISTOIRE DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EN FRANCE A ÉTÉ MARQUÉE PAR UN RÉCENT RENOUVEAU

Après la loi fondatrice de 1902, la première moitié du XXè siècle a été marquée par des progrès significatifs en matière de santé publique. Par la suite, l'essor et l'efficacité croissante des techniques de soins ont réduit en partie l'intérêt porté à la santé publique par les professionnels de santé et l'Etat.

Cependant, une série de facteurs et d'événements, modifiant la dimension de la santé publique, en souligne de nouveau la nécessité à la fin du siècle dernier.

1. Les débuts sont caractérisés par une approche hygiéniste, préventive et populationnelle

a) La loi fondatrice du 15 février 1902 pose les bases

La première « grande » loi de santé publique a été promulguée il y a plus d'un siècle. Les 34 articles de la loi sur l'hygiène publique du 15 février 1902 (Journal officiel du 19 février) adoptaient une approche hygiéniste, populationnelle et préventive de la santé publique.

Ce texte fondateur, qui permit notamment d'établir la liste des maladies transmissibles et d'organiser l'inspection sanitaire au niveau départemental, marque de son empreinte les grandes avancées de la première moitié du XXè siècle en matière d'hygiène publique. Cette période vit notamment la création des dispensaires antituberculeux et antivénériens.

b) L'essor de la médecine curative fait passer au second plan les succès de la politique de santé publique

Cette conception hygiéniste de la santé a peu à peu été occultée par le développement des sciences et des techniques, l'essor consécutif de la médecine curative et la mise en place des régimes de l'assurance-maladie. La prévention, la santé publique et l'épidémiologie passent au second plan des préoccupations. Il semble que les pouvoirs publics et les médecins y aient attaché progressivement moins d'importance qu'aux soins curatifs. L'éradication de certaines maladies (notamment la variole) et l'efficacité des vaccins semblent réduire l'acuité du risque représenté par les maladies infectieuses.

Les choix des étudiants à la sortie du concours de l'internat sont devenus à cet égard significatifs, puisque la discipline « santé publique » est régulièrement choisie par les moins bien classés. La recherche en santé publique ne connaît pas un développement comparable à celui que connaissent d'autres pays industrialisés (Etats-Unis et Royaume-Uni notamment) où naissent des pôles d'excellence reconnus dans le monde entier.

Selon les mots d'une personnalité entendue par le Rapporteur, en France la santé publique est insuffisamment promue, insuffisamment coordonnée, insuffisamment rémunérée, insuffisamment incitée et insuffisamment enseignée ... En bref, elle souffre d'un manque de visibilité, dans un contexte institutionnel et médiatique envisageant en priorité les soins et leur régulation.

2. Une prise de conscience tardive a souligné la nécessité d'une politique de santé publique vigoureuse

Un nouveau concept, porté par les organisations internationales œuvrant dans le domaine de la santé, apparaît dans la deuxième moitié du XXè siècle : celui de la « promotion de la santé ». Cette approche, qui procède d'une approche globale de l'état de santé des populations, tente notamment de dépasser les problématiques relatives au fonctionnement du système de soins et à ses cloisonnements. Les partisans de ce processus visent à ce que chacun puisse accroître son contrôle sur sa santé et améliorer son état de santé.

a) Un mouvement d'origine internationale a contribué à souligner l'intérêt de la promotion de la santé

A la fin du siècle dernier, la santé publique change peu à peu de dimension. Alors même que les populations des pays en voie de développement continuent de souffrir de maladies très sévères (paludisme notamment) une série de crises sanitaires graves, dont l'épidémie du SIDA et la crise dite de la « vache folle », intervient dans les pays industrialisés. En outre, l'opinion comme les autorités publiques prennent conscience de l'impact sur la santé des facteurs environnementaux (par exemple, la pollution) et comportementaux (consumérisme, obésité, consommation de psychotropes notamment).

Les phénomènes iatrogènes5, la persistance des infections nosocomiales, la lutte contre les dépendances, la résistance aux antibiotiques et la résurgence de maladies jugées disparues (exemple de la tuberculose) remettent d'actualité des problématiques considérées comme dépassées ou ayant perdu de leur acuité.

Enfin, le poids croissant des dépenses de santé dans les dépenses publiques oblige à redéfinir les priorités de santé et souligne les effets sanitaires et économiques bénéfiques de la mise en place d'actions de promotion de la santé.6

Ces phénomènes soulignent la nécessité de développer une politique de santé publique moderne et performante, notamment en matière de prévention et d'éducation à la santé.

Ces préoccupations ont été communes à de nombreux pays. Le 21 novembre 1986 a été adoptée la « Charte pour la promotion de la santé » à Ottawa (Canada), dans la lignée de la « Déclaration d'Alma-Ata » élaborée lors de la conférence de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les soins primaires en 1978.

b) La France a profondément modernisé son système de veille et de sécurité sanitaire

Cette volonté de réorienter l'effort fourni par les pouvoirs publics en faveur de la santé a connu des traductions spécifiques en France.

Les premiers pas ont été la création du Haut comité de santé publique en 19917 et la parution de son premier rapport en 1994. La réforme structurelle engagée par les ordonnances du 24 avril 1996 (création des conférences de santé et des programmes régionaux de santé) et la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ont également constitué des étapes importantes dans la réforme de la politique de santé publique. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a complété le dispositif en matière de prévention et d'organisation régionale de la santé. Ce dernier texte introduit une définition de la prévention dans le code de la santé publique et crée l'Institut national de la prévention et de l'éducation à la santé (INPES).

La gestion satisfaisante de l'épidémie du SRAS8 a confirmé que la France avait comblé son retard sur les pays voisins en matière de veille sanitaire relative aux agents infectieux, en particulier grâce à la création de l'Institut national de la veille sanitaire. En outre, il est avéré que le fonctionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, bénéficiant de moyens financiers et humains dédiés, a permis de rénover en profondeur le circuit du médicament.

Comme l'indique le dernier rapport annuel de l'IGAS, le système français est « exemplaire » sur certains aspects, notamment l'hygiène publique (surveillance des eaux particulièrement) et la couverture vaccinale.

B. LES PARTICULARITÉS FRANÇAISES DEMEURENT

Aujourd'hui, par rapport à ses voisins européens, la France présente deux particularités importantes, qui ne sont d'ailleurs pas sans rapport l'une avec l'autre.

En premier lieu, l'état de santé des populations, assez bon dans l'ensemble, est largement améliorable sur certains points précis. En deuxième lieu, le système de santé français est excessivement centré sur les soins curatifs.

1. L'état de santé de la population : peut mieux faire !

La France est marquée par un haut niveau de mortalité prématurée et de fortes inégalités en matière d'état de santé. Le fait que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ait considéré le système de santé français comme le plus performant en 20009 ne doit pas masquer les lacunes spécifiques à la France et les nécessaires ajustements à mettre en œuvre pour les combler. Le préalable est la rénovation du système de recueil des informations de santé.

a) De nombreuses études soulignent un manque dans le domaine des données à caractère sanitaire et leur fiabilité insuffisante

Un grand nombre d'analyses portées sur l'état du système de santé français (cf., par exemple les travaux de l'IGAS10, de la Société française de santé publique11, du Haut Comité de santé publique12) relèvent l'insuffisance qualitative et quantitative des données relatives à l'état de santé des populations. Ces insuffisances concernent notamment :

- les pathologies mentales chez le jeune enfant ;

- les suicides et les tentatives de suicides ;

- les inégalités sociales de morbidité ;

- le risque professionnel ;

- l'impact des facteurs environnementaux.

Cette carence s'accompagne d'efforts de recherche insuffisants, particulièrement dans le domaine de la recherche sur la santé au travail ou la santé environnementale, comme le montre l'exemple de la pollution atmosphérique ou des effets sanitaires des chaleurs extrêmes.

Cette insuffisance peut emporter des effets dramatiques s'agissant des secteurs connaissant des risques très évolutifs (santé au travail notamment). Le Rapporteur exprime le souhait que soient accélérés les efforts actuels en matière de collecte d'informations relatives à la santé, ce qui suppose notamment :

- la mise en œuvre du codage des actes en médecine de ville ;

- l'application la plus rapide possible de la comptabilité analytique et de la tarification à l'activité à l'hôpital ;

- la refonte du système d'informations de la branche accidents du travail.

En outre, les moyens de la recherche doivent être renforcés. Les efforts doivent être menés en coordination avec nos partenaires de l'Union européenne, les pays membres connaissant un grand nombre de problèmes communs.

b) Malgré des résultats globaux satisfaisants, un haut niveau de mortalité prématurée et de mortalité évitable souligne la nécessité d'agir sur les déterminants de l'état de santé

La littérature scientifique a mis en évidence un « paradoxe français » : un niveau peu élevé de mortalité par maladies cardiovasculaires, qui pourrait être imputable aux habitudes alimentaires pourtant peu réputées pour leur frugalité, mais aussi un haut niveau de mortalité prématurée13 malgré de bons résultats sanitaires globaux.

De bons résultats globaux

Les travaux du Haut Comité de la santé publique comme les comparaisons menées par l'OMS soulignent qu'en France l'espérance de vie globale des habitants a atteint un bon niveau. L'augmentation de l'espérance de vie intervenue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, commune à tous les pays industrialisés, a été particulièrement significative dans notre pays.

A titre illustratif, le haut comité souligne que la mortalité infantile, qui a diminué de moitié en sept ans, se situe désormais à un niveau très bas : cinq décès d'enfants avant leur premier anniversaire sur mille enfants nés.

La mortalité prématurée14, excessivement élevée, est liée à un haut niveau de mortalité évitable

Néanmoins, ces bons résultats sont principalement dus à la bonne santé des personnes âgées de plus de soixante cinq ans.

En effet, la mortalité prématurée est élevée, à la fois en valeur absolue (110 000 décès en 1998) et relativement à nos voisins européens. Particulièrement la mortalité prématurée masculine en France est la plus élevée en Europe, après celle du Portugal.

On peut certes discuter des conditions d'élaboration de l'indicateur : pourquoi comptabiliser les décès avant la limite de 65 ans ? Il est cependant significatif de l'ampleur des progrès à réaliser. La majorité de la surmortalité prématurée française est liée à une mortalité et une morbidité évitables15, soulignant la nécessité d'agir sur les déterminants de l'état de santé des populations, que ces déterminants soient comportementaux, environnementaux, biologiques, sociaux ou liés au système de santé.

Deux types d'indicateurs sont à prendre en compte pour lutter contre la mortalité évitable. Le premier concerne les facteurs évitables liés aux comportements à risque : il s'agit des causes de décès dont la fréquence pourrait être réduite par une action sur les comportements individuels. Le deuxième indicateur mesure les facteurs évitables liés au système de soins, qu'une meilleure prise en charge sanitaire aurait pu prévenir.

c) Des signaux d'alerte ont déjà été identifiés depuis 1994

Les signaux d'alerte sont autant de clignotants

En France, la forte mortalité évitable se conjugue avec de nombreux signaux d'alerte. Ces signaux sont les révélateurs d'échecs du système de santé sur des questions spécifiques relatives à l'ensemble de la population ou à certaines populations. Ils soulignent, dans chaque domaine considéré, la mauvaise place relative de la France par rapport à ses voisins européens.

Ces signaux concernent d'abord des facteurs comportementaux : ainsi, la France connaît la consommation d'alcool par habitant la plus élevée de l'Union européenne et le nombre de tués sur la route la classe parmi les pays les plus dangereux. La consommation de tabac et de drogues chez les jeunes Français est particulièrement élevée.

En outre, un certain « consumérisme sanitaire », conjugué à l'insuffisante formation continue des médecins, a augmenté la résistance aux antibiotiques, la portant à des niveaux très préoccupants et inconnus de nos voisins.

On observe également un taux inquiétant de pathologies psychiatriques ; le taux de suicides en France est très élevé, à l'origine de 10 000 décès par an (pour 160 000 tentatives, chiffre probablement sous-estimé).

En ce qui concerne les maladies infectieuses, on observe une résurgence de la tuberculose et de la syphillis, ainsi qu'une recrudescence des infections sexuellement transmissibles (IST).

Enfin, le cancer est à certains égards une spécificité française. Première cause de mortalité prématurée, le cancer est responsable de 42 000 décès annuels avant 65 ans et de plus de 482 000 années de vie potentielles perdues. En ce qui concerne les hommes, la France occupe le premier rang des pays européens pour la mortalité générale par cancer comme pour la mortalité prématurée par cancer, en lien avec les cancers des voies aérodigestives et les cancers du poumon. La situation des cancers affectant les femmes range la France dans une position moins défavorable. La gravité de cette maladie a justifié la mise en place d'un « plan cancer » (cf. infra).

Les rapports du Haut comité de santé publique ont mis en évidence depuis dix ans les carences de notre système de santé

Ces signaux avaient été pris en compte par les deux premiers rapports du Haut comité de santé publique de 1994 et 1998, avec une liste des « problèmes prioritaires » et des objectifs à atteindre en 2000 (par exemple : « réduire de 20 % la mortalité par maladies cardiovasculaires chez les personnes de moins de 75 ans »).

Le « Recueil des principaux problèmes de santé en France », document de synthèse préparatoire à l'élaboration du présent projet de loi et élaboré par le haut comité, a établi la liste de quatorze « problèmes de santé et pathologies pouvant être des priorités de santé publique » : accidents de la circulation, accidents de la vie courante, allergies et asthme, cancers, démence, douleurs, maladies cardio-vasculaires, maladies professionnelles et accidents du travail, maladies sexuellement transmissibles, ostéoporose et ménopause, périnatalité, santé buccodentaire, santé mentale et troubles sensoriels. Ce rapport dresse « en creux » une image fidèle de l'état de santé de la population et des points sur lesquels doit porter l'effort. Il est intéressant de noter que sur ces quatorze thèmes, neuf figuraient déjà dans les rapports de 1994 et de 1998 du haut comité.

d) Les inégalités face à la santé restent trop importantes en France

Si la France consacre aux dépenses de santé 9,1 % de la richesse nationale, les écarts d'état de santé restent très marqués entre les sexes, les régions et les catégories socioprofessionnelles.

Selon les travaux menés par l'INSERM16, les inégalités sociales devant la santé, loin de se réduire, auraient eu tendance à se creuser sur la période 1975-1995. Le rapport annuel de l'IGAS mentionne une étude indiquant que ces inégalités sont plus marquées en France que chez ses voisins européens.

Ces inégalités de mortalité ou de morbidité sont notamment imputables aux inégalités d'accès aux soins, qu'il s'agisse de l'hôpital, de la médecine de ville ou des produits de santé. Ils sont aussi la marque de l'insuffisance des efforts fournis en matière d'éducation à la santé en France17, sans doute en raison de leur insuffisante concentration sur les populations à risque.

Les inégalités en termes de mortalité

L'écart d'espérance de vie entre les femmes et les hommes se monte à 7,5 ans en faveur des femmes (82,7 années contre 75,2 années). L'écart d'espérance de vie à la naissance entre un homme résidant dans la région Midi-Pyrénées et un homme du Nord-Pas-de-Calais se monte à cinq ans (76 années en Midi-Pyrénées contre 71). La mortalité prématurée des ouvriers est trois fois supérieure à celles des cadres et des membres des professions libérales.

La « carte de France » de la mortalité évitable liée aux comportements à risque fait apparaître de grandes disparités : ainsi, selon les travaux menés par l'INSERM18, s'agissant des hommes, « on note un net gradient nord-est de surmortalité avec des taux supérieurs de plus de 50 % à la moyenne nationale dans les départements du Nord, de la Meuse et du Pas-de-Calais ».

Les inégalités en termes de morbidité

Les inégalités sociales de morbidité restent difficiles à identifier comme à mesurer, faute d'indicateurs fiables. A titre d'exemple, les travaux du Haut Comité de la santé publique indiquent qu'en fonction du niveau scolaire de la mère, le taux de prématurité varie du simple au triple et le poids de l'enfant à la naissance du simple au double.

2. Le système de santé privilégie de manière excessive les soins curatifs au détriment des actions de prévention

La distinction entre les soins à visée préventive (dont les soins à visée éducative) et les soins à visée curative ou diagnostique a perdu de sa netteté. Elle reste cependant opératoire pour souligner que le système de santé français reste marqué par une excessive polarisation sur le soin (particulièrement le soin hospitalier), au détriment d'une approche plus globale de la promotion de la santé.

a) Un mouvement international qui n'a pas encore trouvé sa pleine traduction en France

La Charte d'Ottawa adoptée en 1986 prescrit une réorientation des ressources et de l'organisation des systèmes de santé vers la prévention et, plus globalement, vers la promotion de la santé :

« (...) Par-delà son mandat qui consiste à offrir des services cliniques et curatifs, le secteur de la santé doit s'orienter de plus en plus dans le sens de la promotion de la santé ...  et se doter d'un mandat plus vaste, moins rigide ...  qui ouvre la voie à une conception élargie de la santé, en faisant intervenir, à côté du secteur de la santé, d'autres composantes de caractère social, politique, économique et environnemental ... et porter une attention accrue à la recherche, ainsi qu'aux changements dans l'enseignement et le formation des professionnels. Il faut que cela fasse évoluer l'organisation des services de santé, en les recentrant sur la totalité des besoins de l'individu considéré dans son intégralité. »

Comme le souligne le dernier rapport annuel de l'IGAS, il semble que la culture de la promotion de la santé n'ait pas encore imprégné en profondeur la société comme le système de santé. Ce dernier est encore trop cloisonné et son fonctionnement est victime de la dichotomie entre un pôle « prévention et santé publique » d'une part, et un pôle « organisation des soins » d'autre part, distinction à laquelle des séparations supplémentaires s'ajoutent : social/santé, médical/paramédical, hôpital/médecine ambulatoire, omnipraticiens/spécialistes ...

b) La distinction entre les actes de prévention et les soins est encore valide

La prévention se définit comme l'ensemble des mesures visant à éviter les phénomènes d'altération de l'état de santé, et donc à diminuer la morbidité et la mortalité19. On distingue classiquement, suivant le but des mesures :

- la prévention primaire (lutter contre l'apparition de la maladie) ;

- la prévention secondaire (diminuer la durée et la gravité de la maladie, ainsi que les rechutes) ;

- la prévention tertiaire (réduire les déficiences et handicaps dus à la maladie).

Le développement qu'a connu la médecine au cours des dernières années a permis de souligner le paradoxe suivant : alors même que les préoccupations en matière de prévention se font de plus en plus présentes, la différence entre prévention et soins s'estompe, notamment en raison de l'apparition de soins et de traitements à visée préventive.

Cependant, cette distinction, qui reste confirmée par la rédaction de nombreux textes législatifs et réglementaires, doit être maintenue en raison du caractère à la fois global et limité des enveloppes consacrées à financer les soins. En effet, si chacun est convaincu qu'une bonne infirmière doit consacrer du temps à l'éducation pour la santé des patients dont elle a la charge, peut-elle réellement disposer du temps nécessaire à la réalisation de cet acte de promotion de la santé si l'équipe soignante est durablement en sous-effectif ? Le même raisonnement vaut pour le médecin généraliste. Cette distinction rend d'autant plus nécessaire l'implication de la médecine de ville dans l'organisation de la prévention, ce que prévoit d'ailleurs l'article 6 du présent projet qui propose de créer une consultation de prévention.

Dans ces conditions, il y a justification à créer des structures dédiées à la santé publique, financées par des enveloppes spécifiques, tout en s'assurant que la logique de santé publique innerve le système de santé et ses acteurs.

c) Le financement et l'organisation institutionnelle du système de santé en accentuent le cloisonnement

Le système de santé français est principalement un système de soins. Le déséquilibre entre les sommes consacrées aux actions préventives et celles consacrées aux actions curatives est significatif. S'il est difficile d'évaluer le montant des financements consacrés à la prévention, le dernier rapport annuel de l'IGAS indique que les comptes nationaux de la santé évaluent les dépenses de prévention en 2001 à environ 3,5 milliards d'euros, soit 2,4 % du total de la dépense courante de santé20.

Il est également significatif de constater que l'article L. 321-1 du code de sécurité sociale réserve exclusivement le bénéfice du remboursement par les régimes de l'assurance-maladie aux frais afférents aux soins, à l'exception des prestations suivantes, prises en charge par le Fonds national de l'assurance-maladie :

- « la couverture des frais relatifs aux actes et traitements à visée préventive réalisés dans le cadre des programmes prioritaires de prévention (...), et notamment des frais relatifs aux examens de dépistage effectués au titre des programmes prévus par l'article L. 1411-2 du même code ainsi que des frais afférents aux examens prescrits en application de l'article L. 2121-1 du même code et aux vaccinations (...) » ;

- « la couverture des frais relatifs à l'examen de prévention bucco-dentaire mentionné à l'article L. 2132-2-1 du code de la santé publique ».

Le financement des actions de prévention par les régimes de l'assurance-maladie, hormis les exceptions mentionnées ci-dessus, est limité aux actions menées par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information pour la santé (FNPEIS), dont la dotation annuelle se monte à environ 300 millions d'euros.

Enfin, on peut rappeler que les conditions de l'examen et de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale laissent peu de possibilités aux parlementaires pour proposer et décider d'une affectation plus importante des ressources aux actions de prévention.

II. - LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE NATIONALE
DE SANTÉ PUBLIQUE : PLUS SIMPLE, PLUS EFFICACE,
PLUS TRANSPARENTE

A. LA SANTÉ PUBLIQUE EST UN DEVOIR D'ÉTAT

Les crises sanitaires de ces dernières années (sang contaminé, vache folle ou tout récemment syndrome respiratoire aigu sévère) ont démontré que, pour le citoyen, seul l'Etat était à même d'assurer la protection de leur santé. La sécurité sanitaire fait désormais partie des missions régaliennes de l'Etat, au même titre que la sécurité civile ou la défense du territoire.

Ses facteurs, en grande partie évitables (environnement, comportements, phénomènes de violence) sont connus. Les outils d'intervention sont ceux des politiques publiques : seul l'Etat peut les mobiliser.

Il existe des disparités territoriales étonnantes avec d'importants écarts d'espérance de vie d'une région à l'autre. Par exemple, la région où l'espérance de vie est la plus forte est Midi Pyrénées, celle où elle est la plus faible est Nord Pas de Calais ; entre ces 2 régions, l'écart d'espérance de vie est de 4,6 ans pour les hommes et de 2,5 ans pour les femmes. Or l'Etat se doit d'être le garant d'un égal accès aux soins pour tous en quelque point que ce soit du territoire.

La loi relative à la politique de santé publique affirme par conséquent la primauté de l'Etat dès lors qu'il s'agit de protéger ou d'améliorer la santé de la population. L'Etat ne s'arroge pas le monopole de l'action en santé publique, mais organise sous son autorité un partenariat associant les nombreux acteurs publics et privés qui concourent à l'amélioration de la santé des Français.

En effet, la dispersion des moyens est aujourd'hui extrême. A côté de deux grands acteurs (l'Etat, ses services, ses agences et l'assurance-maladie avec ses caisses) coexiste une myriade de structures : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail etc...

Le projet de loi intègre la définition de la politique de prévention donnée par l'article L. 1417-1 du code de la santé publique dans une définition plus large de la politique de santé publique. C'est la première fois qu'une définition de la politique de santé publique (particulièrement complète) est inscrite dans la loi.

Il prévoit le principe d'un vote, et non plus seulement d'un débat, sur le rapport présentant ces objectifs, et, d'autre part, celui d'une évaluation à l'issue de la période quinquennale.

Il modifie ensuite la procédure nationale de consultation sur les objectifs et les priorités de la politique de santé, en remplaçant la consultation annuelle de la conférence nationale de santé, où seul un nombre limité de professionnels, d'institutions, d'usagers et de personnes qualifiées pouvaient siéger, par une consultation annuelle de la conférence nationale de santé, où seul un nombre limité de professionnels, d'institutions, d'usagers et de personnes qualifiées pouvaient siéger, par une consultation nationale plus vaste organisée tous les cinq ans. La conférence nationale de santé est en conséquence supprimée.

Dans un souci de simplification, il fusionne ensuite le Haut conseil de la santé instauré par la loi du 4 mars 2002 avec le Conseil supérieur d'hygiène publique de France dans une seule instance nationale d'expertise en santé publique, le Haut conseil de la santé publique.

Dans le même esprit de simplification, le projet de loi fusionne également deux instances destinées à assurer la coordination interministérielle et inter-institutionnelle dans les domaines respectifs de la sécurité sanitaire d'une part, et de la prévention, d'autre part,. Les missions du Comité national de la sécurité sanitaire mentionné à l'article 1413-2 et du Comité technique national de prévention instauré par la loi du 4 mars 2002 son confiées en conséquence à une nouvelle instance, le Comité national de santé publique.

B - UNE NOUVELLE ORGANISATION RÉGIONALE EST MISE EN PLACE : EN ATTENDANT L'AGENCE RÉGIONALE DE SANTÉ ?

Si la santé publique doit être pensée globalement, c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé. Plutôt que d'annoncer une augmentation des dépenses de santé publique, mieux vaut créer les conditions d'une véritable synergie entre les multiples acteurs de terrain.

Seule l'échelle régionale semble aujourd'hui pertinente pour atteindre ces objectifs.

Le préfet sera chargé de concevoir la politique régionale de santé publique en déclinant les objectifs nationaux. Il a donc la responsabilité de la déclinaison régionale des plans nationaux. Les programmes, qui sont issus de cette déclinaison, sont regroupés dans un plan régional de santé publique. Pour cela, il s'appuie sur le comité régional de santé publique, instance de coordination et de concertation entre les décideurs et les financeurs de la région. Les structures intervenant en santé publique sont multiples et chacune a son utilité. Peu cependant ont une taille critique suffisante pour être performantes. Le projet de loi propose donc un mécanisme souple permettant à celles qui souhaitent concourir à la politique de santé publique de s'associer dans un groupement d'intérêt public (GIP) au niveau régional au sein duquel l'Etat est majoritaire.

Les régions pourront cependant définir et conduire des programmes de santé spécifiquement régionaux, complémentaires de la politique portée par l'Etat. Par convention, elles peuvent également solliciter le concours du groupement régional de santé publique.

A terme le groupement régional de santé publique (GRSP) a vocation à intégrer une future agence régionale de santé assurant à la fois les missions de santé publique et d'organisation des soins.

III.- LE CAP DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE EST FIXÉ POUR 2004-2008

Le présent projet propose de fixer les compétences de chaque acteur dans la définition et la mise en œuvre de la politique de santé publique. Il propose également au Parlement, au delà du cadre formel et institutionnel ainsi dressé aux titres Ier et II du texte, de déterminer les objectifs de la politique de santé pour les cinq prochaines années, c'est-à-dire de 2004 à 2008.

Ces objectifs recensés dans un rapport annexé à l'article 14 du texte se traduisent dans des dispositions spécifiques s'agissant de la lutte contre le cancer et des phénomènes comportementaux ayant un impact sur la santé, qui font l'objet d'articles spécifiques.

Le présent projet est aussi l'occasion d'adopter un certain nombre de dispositions inspirées par le double souhait de moderniser les outils de l'Etat en matière de santé publique et d'aménager une place plus importante à la prévention. Ceci concerne notamment la lutte contre le saturnisme ainsi que la protection des captages d'eau.

Enfin, le projet propose de réaménager le dispositif des formations en santé en créant une Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) et en précisant la portée de l'obligation de la formation médicale continue.

A. LES PROGRAMMES DE SANTÉ POUR 2004 - 2008 FORMERONT LE CADRE DE L'ACTION PUBLIQUE EN MATIERE DE SANTÉ PUBLIQUE

Le titre III intitulé « Objectifs et mise en œuvre des plans nationaux », comporte deux chapitres :

- l'article 14, article unique du chapitre premier, renvoie à l'approbation d'un « rapport d'objectifs de santé publique » annexé au projet de loi ;

- le chapitre II de ce même titre III comporte une disposition relative à la création de l'Institut national du cancer (article 15) et des dispositions relatives à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (articles 16 et 17).

1. Les objectifs de santé publique sont inscrits au rapport annexé au projet de loi

Le rapport annexé à l'article 14, qui comporte six parties, indique que les cent objectifs dégagés pour chacun des problèmes de santé ont valeur « d'engagement » et qu'ils valent pour tous les acteurs du système de santé. Cinq problèmes sont traités à travers des « plans stratégiques de santé publique » visant à coordonner l'action de tous les acteurs de santé concernés sur la période 2004 - 2008 :

- lutte contre le cancer ;

- impact des phénomènes de violence et de dépendance sur la santé ;

- santé et facteurs environnementaux.

- maladies rares ;

- maladies chroniques.

Soumettre au vote de la représentation nationale un ensemble cohérent de plans thématiques de santé publique est une première qu'il convient de saluer. Cette démarche marque d'abord le respect des prérogatives du Parlement. Elle est aussi la traduction législative de la volonté gouvernementale d'aborder de manière cohérente et extensive les problèmes de santé publique, hors du corset parfois étroit et réducteur de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

a) La législation par rapports annexés soulève des questions

D'un point de vue formel, le rapport d'objectifs de santé publique est annexé au projet de loi. Cette technique de législation autrefois dénoncée par Jean Foyer, qui qualifiait ces rapports annexés de « neutrons législatifs », s'inscrit dans le phénomène récent de création d'un « droit à l'état gazeux » selon l'expression employée par les auteurs d'un rapport du Conseil d'Etat21. En effet, si cette technique présente l'avantage de décrire le cadre général de l'action gouvernementale - bien que cet exposé puisse trouver sa place dans l'exposé des motifs du projet - elle comporte l'inconvénient de mêler des dispositions de nature très diverse : en l'espèce, des chiffres, des indicateurs et des considérations d'ordre méthodologique et didactique. De plus, ces dispositions ont une portée normative réduite.

Quelle est la portée normative du rapport annexé au présent projet ?

S'agissant du rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale, le juge administratif a considéré22 que les orientations et les objectifs inscrits dans ce texte « ne sont pas revêtus de la portée normative s'attachant aux dispositions de [la loi de financement] ». Par analogie, il est probable que le texte du rapport annexé au projet de loi relatif à la politique de santé publique n'est donc pas de nature à créer des droits susceptibles d'être invoqués par des particuliers (qui souhaiteraient notamment soutenir qu'une norme réglementaire méconnaît des objectifs du rapport).

Quelle est l'articulation du rapport annexé avec la loi de financement de la sécurité sociale et son rapport annexé ?

Le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale, conformément au paragraphe I de l'article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale, présente « les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » (la mention de la politique de santé trouve son origine dans un amendement d'origine parlementaire).

Il est probable que la partie « santé » du rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale, rapport dont la périodicité est annuelle, s'inscrira dans les perspectives pluriannuelles données par le rapport d'objectifs de santé publique. En raison de la différence de périodicité des deux rapports, la compétence organique n'est pas affectée par cette disposition du présent projet de loi.

b) La méthode d'élaboration est originale

En ce qui concerne l'élaboration du rapport d'objectifs de politique de santé publique, l'article L. 1411-1 du code de la santé publique modifié par le présent projet de loi dispose que ce rapport s'appuie sur « un rapport d'analyse des problèmes de santé de la population et des facteurs susceptibles de l'influencer, établi par le Haut conseil de la santé publique, qui propose des objectifs quantifiés en vue d'améliorer l'état de santé de la population ».

Le présent texte a été élaboré selon une procédure comparable. Il se fonde sur le rapport du groupe technique national de définition des objectifs (GTNDO), qui comprend l'analyse complète de 70 problèmes de santé. Ce groupe est constitué de nombreuses institutions agissant dans le secteur de la santé et de la santé publique et de dizaines de contributeurs individuels. S'agissant du cancer, des contributions ont été faites par la commission d'orientation sur le cancer. Le groupe était présidé par le directeur général de la santé, la DGS en assurant le secrétariat et la synthèse. A la demande de la DGS, vingt-six consultations régionales impliquant les principaux acteurs concernés, y compris les représentants des usagers, ont été organisées par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) entre octobre et novembre 2002. La Société française de santé publique a ensuite effectué la synthèse de ces consultations régionales.

Dans son avis sur le rapport du GTNDO, le Haut comité de santé publique indique apprécier ce «document de référence », émet des réserves sur « le manque assez général de données sur le coût des différentes actions » et enfin appelle à « développer le système d'information en santé » grâce à une meilleure « coordination entre les principales structures productrices de données (DREES, InVS, assurance-maladie, INSERM, INSEE, ORS...) ».

c) Le recensement d'objectifs permet de fixer un cap à la fois précis et pluriannuel à la politique de santé publique

- Le rapport annexé constitue une utile récapitulation de l'ensemble des objectifs de santé publique replacés dans une perspective pluriannuelle

La liste des objectifs permet de recenser de manière exhaustive l'ensemble des problèmes de santé et des objectifs de la politique de santé publique. Ensuite, elle autorise une quantification précise de ces objectifs, ce qui constitue une « mise sous tension » salutaire du système de santé. En 2008, l'évaluation des résultats de la politique de santé pourra s'appuyer sur des indicateurs concrets, chiffrés et mentionnés à l'appui de cette liste.

Le rapport annexé recense la liste des objectifs en les inscrivant dans une perspective pluriannuelle. Or, la politique de santé publique s'inscrit nécessairement sur une longue période.

Une telle liste identifie tous les problèmes de santé publique que connaît la France et à ce titre elle comporte une dimension pédagogique et didactique. Au-delà de la représentation nationale, tous les acteurs de la santé et la population dans son ensemble seront informés des objectifs de la politique de santé publique poursuivis par l'Etat.

Enfin, l'avantage est de disposer d'un document unique offrant une vue à la fois complète et pluriannuelle des objectifs et des plans d'action en matière de santé publique. Cette cohérence n'avait pas été atteinte par le précédent gouvernement, qui annonçait à intervalles plus ou moins réguliers des « plans » et des  « programmes » de santé publique. Le rapport de l'IGAS comptabilise le lancement de 27 plans entre 1999 et 2002. Ces actions s'organisaient autour de six axes :

- pathologies chroniques ;

- pathologies infectieuses ;

- maladies émergentes et orphelines ;

- pratiques addictives ;

- actions spécifiques en direction de populations spécifiques ;

- actions d'intérêt général ;

Chaque programme présentait une vraie utilité puisqu'il visait l'amélioration de l'état de santé des Français. Néanmoins, ces plans ne semblaient pas s'inscrire dans une perspective politique cohérente et de long terme. Leur réalisation a d'ailleurs connu des fortunes diverses liées aux aléas du financement des actions engagées. Par exemple, selon l'IGAS, les plans relatifs à l'asthme ou à la prise en charge de l'insuffisance rénale chronique n'ont pas encore été mis en application.

Selon les informations communiquées au Rapporteur, la définition des objectifs au sein du programme « santé publique et prévention » élaboré dans la cadre de la réforme de la procédure budgétaire conduite par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a été faite sur la base de la liste d'objectifs établis par le présent projet de loi. Cette présentation en « projet de performance » permettra de disposer d'une vision coordonnée des objectifs et des crédits qui leur sont affectés.

- L'absence de mise en perspective de ces cent objectifs

Malgré les avantages réels de cette liste, l'absence de hiérarchisation des objectifs et l'aspect « catalogue » de ce rapport sont regrettables. Cette recension d'objectifs aurait gagné à être présentée de manière plus resserrée et plus dynamique, notamment en ce qui concerne la nécessaire prise en compte de l'impact sanitaire global du vieillissement de la population.

Aucun objectif ne comporte une dimension régionale, ce qui s'explique par le fait que le processus entamé de décentralisation devrait conduire les instances régionales à définir des objectifs propres.

Les objectifs sont trop axés sur les pathologies et relèvent insuffisamment d'une approche populationnelle, notamment en ce qui concerne l'impact des situations de précarité sur l'état de santé.

En outre, comme le souligne l'Académie nationale de médecine23, les aspects psychosociologiques des phénomènes de dépendance alcoolo-tabagique, de violences ou de suicides, particuliers aux jeunes Français, ne sont pas suffisamment pris en compte.

Enfin, en sus des colonnes « objectif », «objectif préalable » et « indicateurs », il manque des colonnes supplémentaires indiquant les « moyens humains », les « moyens financiers » et les « modifications législatives et réglementaires à mettre en œuvre ». La réalisation de certains objectifs requière un effort global de toute la société et pas seulement des services de l'Etat ou des collectivités territoriales (exemple de l'objectif n° 15 de « réduire de 20 % le nombre de travailleurs soumis à des contraintes articulaires plus de 20 heures par semaine »). L'indication des moyens eut été précieuse pour renforcer la crédibilité de l'ensemble. La même remarque peut être faite s'agissant de l'objectif n°°92 : « réduire de 20 % le nombre des suicides en population générale d'ici à 2008 (passer d'environ 12 000 à moins de 10 000 décès par suicide par an) ».

2. La lutte contre le cancer a été déclarée impératif national

Chaque année, 280 000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués, contre 170 000 en 1980. 150 000 personnes en décèdent. Sur les dix dernières années, cette maladie a tué autant de personnes en France que la Première Guerre mondiale. Ces chiffres exigeaient une mobilisation nationale ; décrétée par le Président de la République, elle s'incarne dans le présent projet de loi.

a) Le chantier présidentiel s'est traduit par l'annonce du « Plan cancer »

Lors de son allocution du 14 juillet 2002, le président de la République a déclaré la lutte contre le cancer « chantier du quinquennat ». Le Rapporteur tient à souligner le caractère emblématique de cet engagement présidentiel sur une question de santé publique aussi grave que celle de la lutte contre le cancer. Ce problème n'avait fait l'objet jusqu'à maintenant que de programmes et d'annonces à caractère gouvernemental (un plan national de lutte contre le cancer avait ainsi été lancé en 2000).

La lutte sera difficile. A titre de comparaison, on peut rappeler que le Président des Etats-Unis Richard Nixon, lors de son discours sur l'état de l'Union en janvier 1971, avait élevé la lutte contre le cancer au rang de priorité nationale. Le programme donna lieu à l'allocation de crédits supplémentaires et à la constitution de pôles d'expertise.

A la suite de l'allocution du président de la République, une commission d'orientation travaillant sous l'égide des ministres chargés de la santé et de la recherche a été constituée. Son rapport rendu en janvier 2003 fait dix constats et onze propositions. S'appuyant sur ce rapport et indiquant qu'il rendrait directement compte aux Français des résultats de cette lutte, le Président de la République a lancé le « Plan cancer » dans son discours du 24 mars 2003.

Ce « plan de mobilisation nationale » exposé dans le document intitulé « Cancer, une mobilisation nationale » adopte une approche très globale, sur cinq ans, du problème du cancer, de la prévention à l'évaluation. Six grands domaines sont identifiés : prévenir, dépister, soigner, accompagner, comprendre et découvrir. Le plan prévoit, outre la création d'un Institut national du cancer (cf. infra), de rattraper le retard français en matière de prévention et de dépistage, d'offrir à chaque malade la qualité des soins et l'accompagnement humain auxquels il a droit et, enfin, de donner une impulsion décisive à l'effort de recherche. L'objectif est de diminuer la mortalité par cancer de 20 %. Le financement des soixante-dix mesures prévues sera assuré sur cinq ans à hauteur d'un demi-milliard d'euros (100 millions d'euros dès 2003).

b) L'Institut national du cancer sera compétent en matière de soins et de recherche

Les dispositions du présent projet relatives à la lutte contre les cancers reprennent essentiellement les propositions de la commission d'orientation. Certaines propositions contenues dans le discours présidentiel du « Plan cancer » du 24 juillet dernier nécessitent des dispositions législatives :

- le plan quinquennal de lutte contre le cancer (propositions contenues dans le rapport d'objectifs annexé au projet de loi) ;

- la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (articles 16 et 17 du présent projet de loi) ;

- la création d'un Institut national du cancer (INCa, article 15), qualifié par le Président de la République de « structure d'impulsion et de pilotage stratégique ».

Le premier apport de la création d'un tel institut est son caractère emblématique. L'organisme incarnera concrètement la volonté politique à l'œuvre dans la lutte contre le cancer. Son deuxième apport est la couverture de tout le champ de la lutte contre le cancer, notamment la prévention, les soins et la recherche. Cette approche intégrée distingue la démarche créant l'INCa de la mise en place d'autres organismes au champ d'action plus réduit, comme l'Agence nationale de la recherche sur le SIDA (ANRS), exclusivement consacrée à la recherche sur le virus.

Les trois mots-clefs gouvernant la création de l'INCa sont : impulsion, coordination et qualité.

- Impulsion

Comme l'indique le document présentant le Plan cancer, l'INCa sera le « centre d'expertise » et le « guichet unique » au niveau des soins et de la recherche. Disposant d'une vision d'ensemble du dispositif de lutte contre le cancer, il sera une structure d'impulsion en matière de soins. Cependant, comme le précise le rapport du « Plan cancer », il n'aura pas vocation à exercer une tutelle sur les structures de soins.

En matière de recherche, l'INCa labellisera les cancéropôles, définira une stratégie de recherche, mettra en place des appels d'offre et assurera la conduite opérationnelle et directe d'actions de recherche. Ce sera une tête de réseau. Le rapport relatif au plan cancer indique que l'institut pourrait « préfigurer une évolution de la recherche publique française autour d'agences d'objectifs et de moyens et de grands instituts thématiques ». Cela pourrait-il préfigurer une structure « à l'américaine » où coexistent 27 National Institutes of Health (NIH), dont le National Cancer Institute , créé en 1937 ?

- Coordination

Un constat de dispersion des efforts, tant en matière de soins que d'actions de prévention, a été établi, notamment par la Cour des comptes qui, après avoir réitéré que : « Les dispositions prises pour lutter contre le cancer se sont additionnées en se superposant », soulignait la confusion des responsabilités en matière de dépistage et mettait en évidence la concurrence entre les CHU et les centres de lutte contre le cancer.

Le document présentant le Plan cancer évoque en particulier « un émiettement de l'information et des responsabilités ». En effet, pour se limiter aux domaines des soins et de la recherche, outre les hôpitaux et les organismes publics de recherche, interviennent les professionnels libéraux, les laboratoires pharmaceutiques, les cliniques privées et les organismes privés chargés d'une mission de service public comme les centres de lutte contre le cancer, qui disposent d'un statut associatif.

L'institut devra travailler avec tous les acteurs de la lutte contre le cancer, publics et privés. Sa création est de nature à accroîtra la visibilité de la politique de lutte contre le cancer, d'un point de vue national et international. Intégrant les problématiques de soins et de recherche, il pourra mettre en œuvre une approche globale et pluridisciplinaire.

- Qualité

Comme l'a notamment constaté le rapport de la mission d'information sur l'organisation interne de l'hôpital constituée au sein de la commission24, les soins hospitaliers souffrent d'un manque d'évaluation de la qualité médicale des soins. S'agissant du traitement du cancer du sein, le rapport « Faits marquants »25 élaboré par les services de l'assurance maladie évoque « une pratique médicale inadéquate ». Le même rapport relève que dans quatre régions étudiées, les « standards, options et recommandations (SOR) sont appliqués incomplètement » en matière de chimiothérapie anticancéreuse. Le rapport de la commission d'orientation sur le cancer constate des « inégalités » en termes de qualité des soins et des « disparités de prise en charge ».

Le présent projet propose que l'INCa définisse les référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en cancérologie et qu'il fixe les critères d'agrément des professionnels et des établissements pratiquant la cancérologie. Cette veille en matière de qualité est essentielle. Comme le Président de la République l'a précisé dans son allocution sur le Plan cancer, le gouvernement n'entend pas réserver le traitement des cancers à des structures spécialisées implantées dans les grands centres urbains. Dans ces conditions, le respect des référentiels de qualité sur tous les établissements du territoire et l'organisation de leur coordination au sein de réseaux de soins ou de pôles de référence régionaux sont indispensables.

Les conditions du succès sont le dégagement de moyens, la promotion de la coopération institutionnelle et l'amélioration du système d'information.

- Les moyens 

La réussite de cette structure, compte tenu de ses lourdes missions, reposera en grande partie sur le niveau des dotations qui lui sont alloués. Les budgets globaux consacrés au financement de la recherche et des soins devront être significativement augmenté. Selon les informations communiquées au Rapporteur, un premier appel d'offres dénommé « Emergence de cancéropôles » a été lancé ; ces sept cancéropôles seront parties intégrantes de cet institut, qui les aura labellisées. Les crédits de la santé pour 2004 devraient comprendre une ligne spécifique finançant l'institut. Afin de préparer la mise en place de l'INCa prévue pour 2004, une mission nationale d'appui a été nommée par le Premier ministre auprès du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. A long terme, l'institut devrait travailler de concert avec l'agence européenne du cancer, dont la France proposera prochainement la création.

- Promouvoir la coopération institutionnelle:

L'autre grand défi sera d'amener à la coopération des acteurs parfois peu disposés ou peu habitués à travailler ensemble. Selon le document présentant le Plan cancer, 85 % du budget de cet organisme seront consacrés à des actions incitatives. Il lui reviendra donc d'organiser la coopération de ces acteurs, qu'il s'agisse d'organismes publics et privés intervenant dans le domaine des soins ou dans le domaine de la recherche.

A titre illustratif, comme l'indique le rapport du « Plan cancer », l'institut devra travailler de concert avec des organismes comme les centres de lutte contre le cancer (dans le domaine des soins et de la recherche), avec l'ANAES (définition des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé), l'INSERM (recherche) ou l'InVS (épidémiologie).

Des « chapelles » se sont peu à peu construites, contribuant à cloisonner le système. Il est impératif que personne ne pense disposer d'un quelconque monopole en matière de lutte contre le cancer. Les redondances doivent être évitées et les moyens attribués aux plus performants.

- Améliorer le système d'informations relatif aux cancers 

Le pilotage du système et l'amélioration de son fonctionnement, afin de parvenir à l'allocation optimale des ressources disponibles, exigent une meilleure connaissance des données financières et sanitaires relatives à la lutte contre le cancer, notamment en matière d'épidémiologie et de connaissance des coûts des soins. Cela nécessite notamment le développement et le financement des registres, la mise en place du codage des actes en médecine ambulatoire et de la comptabilité analytique à l'hôpital.

3. La lutte contre des phénomènes comportementaux ayant un impact majeur en termes de santé publique - l'alcoolisme et le tabagisme - est privilégiée

Le chapitre II du titre III du projet est intitulé « Cancer et consommations à risque ». Des dispositions visent spécifiquement deux déterminants comportementaux ayant un impact prouvé sur les chiffres de la mortalité et de la morbidité évitables : il s'agit de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Ces deux fléaux sont directement responsables de 50 000 morts ans par an en raison des cancers qu'ils provoquent26. Certains de ces cancers (le cancer du poumon notamment) sont, en l'état actuel des techniques de soins, difficiles à guérir : il importe donc de développer la prévention et d'agir sur les comportements.

C'est la raison pour laquelle le texte prévoit notamment d'élargir le spectre des associations susceptibles d'agir en justice en cas d'infractions aux lois fixant le régime juridique de la fabrication et de la vente des produits du tabac et de l'alcool. La responsabilité pénale des personnes morales pourra être engagée.

Il paraît en effet indispensable de favoriser la lutte contre les excès d'industriels qui, par exemple, n'hésitent pas à viser spécifiquement les publics jeunes. Certains détournent les lois, grâce notamment à des actions de promotion clandestine, comme le montre les placements de produits « tabac » dans des œuvres cinématographiques et télévisuelles.

B. LES OUTILS ÉTATIQUES DE LA SANTÉ PUBLIQUE DOIVENT ÊTRE MODERNISÉS ET LA PRÉVENTION ENCOURAGÉE

Comme l'a souligné le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei27, « s'il n'y a pas identité entre santé publique et prévention, il est évident que cette dernière est une des finalités principales de la politique de santé publique. » Le projet présenté par le gouvernement vise donc à mieux prendre en compte les aspects préventifs dans la politique de santé. Il permet également de rénover les outils et les leviers d'actions de l'Etat en matière de santé publique.

1. Les outils de l'Etat en matière de santé publique sont modernisés

Le projet propose de moderniser les instruments utilisés par l'Etat dans la mise en œuvre de la politique de santé publique.

a) L'action de l'INPES est recentrée

L'éducation pour la santé doit être promue. Elle s'est développée depuis les années soixante-dix, qui ont vu la création du Centre français d'éducation pour la santé (CFES), auquel la loi du 4 mars 2002 a substitué l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Peu à peu, l'éducation pour la santé a dépassé le stade de l'information sanitaire pour occuper dans la politique de prévention une place grandissante, longtemps dominée par de grandes campagnes de sensibilisation de type publicitaire, et partagée sur le terrain entre de nombreux acteurs, collectivités territoriales, comités régionaux et départementaux d'éducation pour la santé, caisses de sécurité sociale, ministère de l'éducation nationale, missions de lutte contre la drogue et la toxicomanie, sécurité routière. Des résultats appréciables ont été obtenus, comme en matière de prévention des accidents domestiques.

La loi du 4 mars 2002 a créé l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation de la santé). La transformation de l'INPES en établissement public, sa réorganisation avec la constitution d'un conseil scientifique et le travail en programmes permet à cet établissement de jouer un rôle clef dans le développement de l'éducation pour la santé.

Dans un souci de promotion de l'éducation pour la santé, le projet de loi confirme la mission première de l'INPES, qui est de mettre en œuvre pour le compte de l'Etat les programmes nationaux de santé. Sa mission d'expertise et de conseil est renforcée, de même que celle de développer l'éducation pour la santé et l'éducation thérapeutique sur l'ensemble du territoire. Est en revanche supprimée la disposition qui assimile le développement de l'éducation pour la santé à une mission de service public, car il ne paraît pas opportun d'ériger l'éducation pour la santé en service public autonome. L'éducation pour la santé doit rester une composante de la politique de santé publique qui permet d'atteindre les objectifs définis.

b) Une consultation de prévention est créée

La création d'une consultation médicale périodique de prévention (article 6 du projet) est un pas appréciable sur la voie de la suppression de la frontière artificielle dressée entre le soin et la prévention. Cette mesure est très importante. Elle est un symbole visible du renouveau de la politique de prévention, un moyen efficace d'insérer les médecins de ville dans une démarche de santé publique et ainsi de franchir une étape supplémentaire de l'intégration de l'activité préventive dans la gestion du risque maladie.

c) La politique vaccinale est rénovée et un plan de lutte contre les infections liées aux soins administrés en dehors des établissements de santé est mis en place

Le projet comporte un article visant à simplifier la mise en œuvre de la politique vaccinale par l'Etat et une disposition visant à renforcer le contrôle de la qualité des soins administrés en dehors des établissements de santé : un arrêté ministériel permettra d'opposer aux professionnels de santé des règles de bonne pratique.

d) Les systèmes d'information en santé et l'exploitation des outils statistiques en santé sont améliorés

De nombreux avis d'experts du système sanitaire français (IGAS28, Société française de santé publique29, Haut Comité de santé publique30) constatent une carence importante en matière de recueil et de traitement des informations de nature médicale, carence liée d'une part à des considérations de protection de données et d'autre part à des insuffisances organisationnelles. Elle empêche l'exploitation de données statistiques à caractère médical, notamment par l'INSEE. Elle rend difficile le traitement de données de l'assurance-maladie en matière de recherche. L'utilisation des systèmes d'information en matière de natalité (naissances, santé de la mère et l'enfant) ou de causes de décès est devenue bien trop complexe. Le projet comporte donc une série de modifications améliorant le fonctionnement des systèmes d'information en santé, préalable nécessaire à l'élaboration d'une politique de santé publique ambitieuse.

Cette modernisation du système permettra notamment à l'INSEE, à la direction générale de la Santé, à la direction de la recherche, des études et de l'évaluation et des statistiques (qui relève conjointement du ministre chargé de la santé et du ministre en charge des affaires sociales) d'élaborer les indicateurs mentionnés au rapport d'objectifs de santé publique annexé à l'article 14 du projet (cf. infra). Elle pourrait également faciliter un essor de la recherche en santé publique en France.

Cette amélioration du système d'information devrait d'ailleurs être poursuivie au niveau de l'Union européenne, dans le cadre de la nécessaire harmonisation de l'élaboration des données à caractère sanitaire.

2. La prévention des risques sanitaires et environnementaux est renforcée

Très tôt, la politique environnementale a été orientée vers la prévention des risques sanitaires et l'amélioration de l'état de santé des populations, comme l'illustrent la lutte contre le saturnisme ou la protection des eaux destinées à la consommation humaine. Depuis quelques années, l'ampleur de certains risques industriels (exemple de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse), les menaces d'attentats terroristes menés à l'aide d'agents bactériologiques et biologiques et l'irruption de l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ont fait basculer la politique de prévention et de santé publique dans une nouvelle dimension, celle de la sécurité civile : comment protéger les populations face à des risques dont les victimes potentielles pourraient très rapidement se monter à des milliers de morts ?

a) Le texte améliore le dispositif en matière de prévention et de lutte contre les menaces bioterroristes et les épidémies

Le projet comporte une série de dispositions destinées à renforcer les moyens publics en cas de crises sanitaires de grande ampleur.

Ainsi, l'article 10 du projet renforce les pouvoirs du ministre en charge de la santé en matière de police sanitaire.

S'agissant des microorganismes susceptibles d'être utilisés comme vecteur d'attentat bioterroriste, l'article 12 du projet renforce la législation relative à leur surveillance et à leur régime juridique. Il pose une obligation de signalement et de transmission de matériels biologiques. En effet, des carences ont été signalées dans ce domaine, notamment en matière de lutte contre les épidémies de pneumopathie à legionella.

Il est à noter que ce renforcement des moyens juridiques attribués aux autorités sanitaires se conjugue depuis plusieurs mois avec le renforcement des moyens financiers et humains dédiés à la prévention et à la lutte contre les menaces bioterroristes, notamment via la création de postes budgétaires supplémentaires au sein de la DGS ou de l'InVS.

Le projet propose également la création d'un fonds dédié à la gestion des crises sanitaires, initiative que le Rapporteur salue. Il était en effet inacceptable que la gestion de crises sanitaires d'urgence, où chaque heure peut se compter en décès (exemple des crises « méningite »), soit handicapée par des considérations financières ou des questions de procédure budgétaire. Les conditions d'alimentation de ce fonds seront précisées par le projet de loi de finances pour 2004 et le projet de financement de la sécurité sociale pour 2004.

b) La prévention des risques environnementaux est mieux prise en compte

Pour la première fois la France va se doter d'un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement y compris dans les milieux du travail. Ce plan devra être décliné au niveau de chaque région en tenant compte de leur spécificité environnementale.

Seule une stratégie nationale de long terme pour prévenir les risques environnementaux, rendra obligatoire une coopération étroite entre les ministères concernés qui devront tous inscrire le facteur environnemental en tête de leurs priorités.

D'importants problèmes de santé trouvent leur origine dans l'environnement professionnel et tous les experts notent un sérieux déficit en matière de connaissance et donc de prévention de ce type de risque. C'est pourquoi un article important du chapitre sur la santé environnementale vise à renforcer la surveillance épidémiologique dans les milieux du travail.

Par ailleurs, un ensemble de dispositions devraient permettre d'améliorer la protection contre les risques de pollution et de contamination des eaux potables et des eaux minérales. Amélioration de la protection des captages d'eau, généralisation du principe de l'autorisation administrative pour toute intervention sur l'eau destinée à la consommation humaine et aggravation des sanctions, sont à la base de la nouvelle législation.

Dans l'attente d'un grand projet de loi sur l'eau, il est urgent que le législateur intervienne afin de permettre aux collectivités territoriales de rattraper l'énorme retard accumulé dans la protection des captages d'eau superficielle et d'eau souterraine. Il faut, notamment, assouplir la procédure d'établissement des périmètres de protection et alléger les formalités administratives.

Enfin le projet de loi énumère clairement les obligations qui incombent à tous les opérateurs qui interviennent dans la chaîne de production et de commercialisation de l'eau sous toutes ses formes, en matière de sécurité sanitaire. Ces obligations constituent la base légale du renforcement du dispositif répressif conçu dans un souci d'harmonisation avec les procédures existantes en matière de police de l'eau et d'installations classées pour la protection de l'environnement.

c) L'efficacité des mesures de lutte contre le saturnisme est renforcée

Maladie des enfants pauvres et des logements insalubres, le saturnisme, c'est-à-dire l'intoxication résultant de l'ingestion ou de l'inhalation de plomb, demeure un problème de santé publique majeur en France.

En effet, selon le rapport d'expertise collective de l'INSERM réalisée en 199931, 5 % des adultes et 85 000 mineurs (soit près de 2 % des enfants de 1 à 6 ans), auraient une plombémie supérieure à 100 microgrammes par litre de sang, soit le seuil définissant les cas de saturnisme, en l'état actuel des connaissances. Si la présence de plomb dans certaines peintures anciennes constitue la principale source d'intoxication chez les mineurs, il existe de nombreux autres facteurs d'exposition, tels que l'alimentation, l'environnement industriel, la présence de canalisations en plomb ou l'activité professionnelle des parents.

Cette situation s'avère d'autant plus préoccupante que, même à faible dose, le plomb peut entraîner de graves conséquences sanitaires, en particulier chez les enfants.

Les effets du plomb sur la santé

Chez l'adulte, la pathogénicité du plomb est responsable de douleurs abdominales souvent accompagnées de nausées et de vomissements. Sur le plan neurologique, on rencontre des paralysies périphériques (atteintes des nerfs du bras et de la main). Le plomb provoque également des anémies et peut être à l'origine d'une hypertension artérielle franche.

Chez l'enfant, les effets toxiques du plomb sont plus sévères que chez l'adulte, en raison du processus de développement cérébral (près de 50 % du plomb ingéré passe dans le sang des enfants, contre 10 % chez l'adulte pour une même imprégnation). L'absorption de plomb entraîne ainsi des troubles à l'acquisition de certaines fonctions cérébrales supérieures, à l'origine notamment de retards intellectuels (diminution du QI estimée à un déficit de l'ordre de 1 à 3 points), difficultés d'apprentissage, troubles psychomoteurs avec agitation, irritabilité et de troubles du sommeil, et au delà un ralentissement de la croissance. Le système nerveux étant très sensible à la toxicité au plomb, les conséquences en sont alors l'apathie ou au contraire une hyperexcitabilité.

Outre l'atteinte du développement psycho-moteur et intellectuel de l'enfant, le saturnisme chronique est associé à des troubles du métabolisme tels que : coliques, lésions rétiniennes et manifestations rénales ou digestives. Enfin, des études épidémiologiques ont suggéré des cas de cancer associés à une exposition à plusieurs métaux dont le plomb.

Ainsi, hormis les personnes exposées au plomb par leur activité professionnelle, les premières victimes du saturnisme sont des enfants en bas âge, en raison notamment de leur comportement d'exploration orale, favorisé par le goût sucré présenté par les écailles de peintures au plomb. De plus, il s'agit le plus souvent de mineurs logeant dans des habitats insalubres et dont le dépistage est rendu difficile par la précarisation des familles concernées.

La loi d'orientation n° 98-567 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a constitué une avancée importante, en instituant des mesures de lutte et de prévention contre le saturnisme, fondées notamment sur l'accroissement des compétences du préfet ainsi que l'organisation de l'information des acquéreurs d'immeubles construits avant 1949 (date à laquelle les peintures contenant du plomb ont été interdites).

De nombreux rapports, mais également des associations et des acteurs de terrain, ont dressé un bilan pour le moins inquiétant de l'application de ce texte de loi « inhabituellement précis, ambigu et centralisateur »32.

Au nombre de ces insuffisances figurent entre autres : la limitation du diagnostic opéré, suite au signalement d'un cas de saturnisme, aux seules peintures du domicile de l'enfant, la lenteur des services de l'Etat et des propriétaires à faire réaliser les travaux nécessaires et surtout la difficulté à trouver un hébergement provisoire pour les occupants. Ainsi, en juillet 2002, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales du tribunal de Paris a accordé réparation à 13 familles plaignantes qui n'avaient pas été relogées plusieurs mois, et pour certaines, plusieurs années, après la reconnaissance de cas de saturnisme.

En outre, les mesures de prévention prévues par la loi lors des transactions immobilières ne revêtent aujourd'hui qu'une portée limitée, dans la mesure où elles ne s'appliquent qu'aux immeubles construits avant 1949, qui font l'objet d'une vente et qui sont situées dans les zones à risque délimitées par le préfet.

Aussi votre Rapporteur ne peut-il que partager les conclusions du rapport Ponchet de Langlade33, selon qui « il est troublant et déconcertant d'avoir d'autant de recherches avancées, d'écrits et de dits sur les nuisances du plomb sur la santé et le peu d'actions engagées dans le domaine de la prévention et du relogement des familles. Nous en sommes aujourd'hui aux balbutiements de la mise en œuvre concrète sur le terrain de la lutte contre le saturnisme. »

C'est précisément pourquoi, dans le rapport annexé à l'article 14 de ce projet de loi, le gouvernement se fixe un objectif ambitieux de réduction de 50 % de la prévalence des enfants ayant une plombémie supérieure à 100 microgrammes par litre de sang en 2008.

Afin d'éradiquer cette maladie d'un autre temps, le projet de loi propose tout d'abord de renforcer l'efficacité des mesures d'urgence, en instituant, suite au signalement d'un cas de saturnisme, une enquête plus large sur l'environnement du mineur, en aménageant les conditions de réalisation des travaux nécessaires pour supprimer le risque d'exposition et en confiant au propriétaire la responsabilité de rechercher un hébergement provisoire pour les occupants, si la réalisation de travaux le nécessite.

Il permet, d'autre part, d'accroître les mesures de prévention primaire en agissant le plus en amont possible sur les sources d'intoxication au plomb. Il institue tout d'abord un constat de risque d'exposition au plomb, permettant de réaliser un diagnostic de l'immeuble étendu aux facteurs de dégradation du bâti, et permet de généraliser le champ d'application du dispositif actuel à l'ensemble du territoire national (immeubles en ventes). Il propose également d'étendre ces mesures à d'autres logements, en location, jusqu'à présent non concernés, sachant que l'on estime à 800 000 le nombre de logements construits avant 1949 mis en location chaque année, contre 240 000 seulement mis en vente.

Ce faisant, le projet de loi permet ainsi de renforcer l'efficacité de l'action des services de l'Etat, en les recentrant sur les situation les plus graves, tout en responsabilisant davantage les propriétaires.

C. LA FORMATION DES ACTEURS EN SANTÉ EST RÉNOVÉE

Le projet propose de rénover l'organisation de la formation en santé publique et précise les conditions de la portée de l'obligation de la formation médicale continue.

1. La qualité de la formation des cadres en santé publique est encouragée

a) Le problème des effectifs doit être résolu rapidement

Les besoins en praticiens de santé publique sont divers et dépendent du niveau d'intervention : si des médecins, des épidémiologistes et des chefs de projet sont nécessaires au niveau local, la réflexion menée à l'échelon national exige des profils plus variés faisant aussi appel aux science humaines (économie, anthropologie, psychologie, sciences de l'éducation ...). Il faut à la fois des profils de spécialistes et des formations assurant une nécessaire polyvalence.

Il existe une insuffisance quantitative en matière de formations en santé publique. Outre l'accroissement des besoins de l'Etat suscités par le présent projet, la perspective d'une régionalisation accrue de la gestion du système de santé, via d'éventuelles agences régionales de santé, gonflera les besoins en matière de cadres en santé publique. Les organismes privés ont également besoin de spécialistes en santé publique, afin notamment de veiller au respect des réglementations sanitaires. L'étude d'impact annexé au projet de loi évalue les besoins en matière de professionnels en santé publique à 10 000 emplois, dont 2 500 en épidémiologie. En outre, les besoins en professionnels des entreprises privées et des organismes de sécurité sociale (médecins-conseils) sont aussi en augmentation.

b) Le choix entre un école professionnelle d'application en santé publique et un établissement universitaire autonome n'a pas été fait

Lors de sa leçon inaugurale de la chaire d'hygiène de la faculté de médecine de Paris, le 20 mars 1920, le professeur Léon Bernard, dressant le bilan de la situation sanitaire de la France et de l'application de la loi de 1902, réclame la création d'un institut d'hygiène « où viendraient s'instruire à la technique sanitaire - en plus des médecins hygiénistes - architectes, ingénieurs, dames visiteuses d'hygiène, désinfecteurs... ». Ce souhait sera comblé en 1945 avec la création de l'école nationale de la santé publique. Cette école est chargée d'assurer le perfectionnement des médecins et pharmaciens de santé publique ainsi que des techniciens sanitaires en début ou en cours de carrière. L'ENSP devient ensuite une école d'application, à vocation interministérielle. La loi n° 60-732 du 28 juillet 1960 portant création d'une école nationale de la santé publique la transforme en établissement public national doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du « ministre de la santé publique et de la population ». Il s'agit d'une école professionnelle de santé publique et d'administration sanitaire et sociale, post-universitaire, pour les fonctionnaires appelés à coopérer ensemble dans le domaine de la protection sanitaire et de l'action sociale et pour les spécialistes désireux d'approfondir leurs connaissances en ces matières. Son transfert à Rennes s'effectue quelques années plus tard. Après la création de huit filières professionnelles et trois départements pédagogiques et scientifiques de nature transversale, chargés des enseignements, la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social confirme l'aspect pluridisciplinaire de ses enseignements. Le décret n° 93-703 du 27 mars 1993 (Journal officiel du 28 mars) relatif à l'Ecole nationale de la santé publique précise que l'école est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé et de l'action sociale.

La réussite de cet établissement, qui a notamment formé des générations de directeurs d'hôpitaux et de gestionnaires, est incontestable. Cependant, il faut souligner la rigidité actuelle des schémas de formations, qui sont dispensées conformément aux arrêtés statutaires de la dizaine de professions concernées. L'école forme davantage de régulateurs et d'administrateurs du système français de l'offre de soins, en particulier de l'offre de soins hospitaliers, que de promoteurs de santé publique. En particulier, les aspects relatifs à l'éducation à la santé sont mal appréhendés.

En outre, l'établissement, qui fonctionne sous le statut d'établissement public administratif de l'Etat, ne bénéficie pas de l'indépendance attachée au statut universitaire ou de l'autonomie d'un établissement scientifique et culturel. Elle n'a pas développé un effort de recherche ou de partenariat universitaire comparable à celui de ses homologues européennes ou américaine (exemple de la section « santé publique » de la Johns Hopkins University à Baltimore, Etats-Unis).

Enfin, les diplômes délivrés par l'ENSP ne sont pas reconnus au plan européen, ce qui nuit à la lisibilité de l'effort public en matière de formation en santé publique et à l'établissement de coopérations internationales (accueil d'élèves étrangers).

c) Le cloisonnement des formations en santé publique est préjudiciable

Il existe actuellement deux voies principales en matière de formation à la santé publique :

- les futurs médecins sont formés dans le cadre de leur cursus obligatoire ; certains, après le concours de l'internat, choisissent la discipline « santé publique » ;

- les autres professionnels, dont les fonctionnaires cadres de l'administration sanitaire et sociale de l'Etat et de la fonction publique hospitalière, sont formés par l'école nationale de la santé publique (ENSP). D'autres organismes dispensent des formations en matière de santé publique et d'action sociale : ont peut notamment citer l'Institut de santé, d'épidémiologie et de développement (ISPED) de Bordeaux (statut d'institut universitaire, fixé par l'article 33 de la « loi Savary », et l'université Paris XI).

Le dispositif actuel de formation des cadres de la santé publique apparaît cloisonné et laisse une place insuffisante à la promotion de la santé. Une mise en réseau de ces formations est devenue nécessaire afin de prendre en compte la pluridisciplinarité nécessaire de la santé publique (démographie, sociologie, épidémiologie, économie...), alors même que les dispositifs actuels forment principalement des gestionnaires et des biostatisticiens. Compte tenu du développement et de la complexité croissante des tâches de santé publique incombant à l'Etat, il convient de mettre en place un schéma national complet et cohérent, ce que ne permet pas le cloisonnement actuel. En raison de la diversité des besoins en cadres de santé publique (épidémiologie, statistiques, psychologie, sociologie, psychiatrie ...), ce schéma devrait se fonder prioritairement sur l'inventaire des métiers de la santé publique. Il permettra, à l'instar de la réforme des études médicales, de former un « tronc commun » de la formation en santé publique : ce socle commun favorisera la coordination de professions appelées à travailler ensemble, comme les médecins inspecteurs de santé publique, de protection maternelle et infantile (PMI) et de santé scolaire.

d) Les contours de la nouvelle Ecole des hautes études en santé publique restent à préciser

L'article 40 du projet prévoit la constitution d'une « Ecole des hautes études en santé publique » qui bénéficiera d'un statut « éducation nationale » et fédèrera les efforts actuels en matière de formation.

Selon l'exposé des motifs du projet, le nouvel établissement n'est pas une structure supplémentaire créée ex nihilo : il « vise à mettre en réseau les compétences existantes ». L'ENSP n'est donc pas supprimée mais destinée à se transformer, à la tête d'un dispositif plus large qui favorisera les spécialisations et les coopérations des organismes concernés. L'étude d'impact fournie par le Gouvernement précise que « l'objectif est d'arriver à disposer de 6 à 8 centres dispensant des formations de santé publique appuyées sur des compétences professionnelles et scientifiques ». La localisation, la dotation comme la mission de l'ENSP « ne sont pas menacées ». Le Rapporteur remarque cependant que l'article 41 du projet de loi, en supprimant la seule mention législative de l'ENSP (c'est-à-dire l'article L. 1415-1 du code de la santé publique), confère implicitement au pouvoir réglementaire une très large marge de manœuvre s'agissant de l'avenir de l'école.

Le texte propose que le statut du nouvel établissement - dont la dénomination exacte n'est pas inscrite dans le dispositif - soit celui de « grand établissement ». Ce statut constitue une catégorie du statut de l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Si l'exposé des motifs évoque une « triple tutelle » santé, recherche et éducation, le dispositif ne mentionne pas de quelle autorité ministérielle relèvera le futur établissement. Les modalités de financement du futur établissement et les conditions de fonctionnement de l'ENSP à l'intérieur de l'école des hautes études en santé publique restent à définir.

D'un point de vue organisationnel, cette mise en réseau sera l'occasion de faire jouer les synergies et de mutualiser les compétences, dans le cadre d'un authentique réseau national de formation en santé publique. Cette mise en commun concernera non seulement les activités mais aussi les ressources pédagogiques. L'exposé des motifs mentionne ainsi la création d'un « pôle parisien » fédérant des équipes INSERM, de facultés, du conservatoire national des arts et des métiers et des agences sanitaires.

En ce qui concerne l'organisation nationale des études et des formations en santé publique, cette mise en réseau permettra à la tutelle d'élaborer un schéma national cohérent de formation en santé publique. En particulier, les diplômes délivrés par l'EHESP devraient s'intégrer dans le cadre européen : formations bac + 3, « mastères » (bac + 5) et doctorat (bac + 8). Le statut d'un grand établissement de l'Éducation nationale, outre l'autonomie qu'il garantit, permettra au futur organisme de conclure facilement des conventions avec les autres établissements universitaires. Ce statut devrait donner à l'établissement une plus grande visibilité nationale et internationale.

La mise en œuvre du schéma national de formation en santé publique est de nature à remédier aux insuffisances qualitatives et quantitatives relevées plus haut. Néanmoins, il faudra sans doute des années avant que la future école des hautes études en santé publique - quelle que soit sa dénomination finale - puisse rivaliser de prestige avec ses homologues européennes ou des Etats - Unis.

2. Le dispositif de la formation médicale continue est rénové

a) La réforme de la formation médicale continue est indispensable à l'amélioration de la qualité des soins

L'évolution de plus en plus rapide du savoir médical nécessite l'entretien régulier des connaissances et des pratiques des médecins. Cependant, l'organisation de la formation médicale continue peine à se mettre en place et se caractérise, depuis plusieurs années, par l'instabilité de son cadre juridique.

La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a institué une obligation de formation médicale continue (FMC), en remplacement du dispositif prévu par l'ordonnance du 25 avril 1996 - qui n'avait jamais été appliqué, ses décrets d'application ayant été annulés par le Conseil d'Etat.

Cette obligation s'impose actuellement à l'ensemble des médecins qui sont tenus de s'inscrire à l'ordre, mais également aux médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens qui exercent dans un établissement de santé, qu'il soit public ou privé, participant au service public hospitalier.

A partir de juillet 2002, à la demande du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, une large concertation a été engagée avec les professionnels de la santé sur l'organisation de l'ensemble de la formation médicale continue.

Cette concertation et en particulier le rapport « Laurent » sur la formation médicale continue des médecins libéraux34 ont permis d'identifier un certain nombre de d'insuffisances dans le dispositif actuel, parmi lesquels : la complexité de l'organisation et du financement de la FMC ainsi que la rigidité et le manque d'efficacité des sanctions disciplinaires prévues en cas de manquement à cette obligation.

Ainsi, il est apparu que si l'exigence faite à chaque médecin de suivre une formation continue n'est pas contestée dans son principe, il parait en revanche nécessaire que le dispositif mis en place facilite sa mise en œuvre, dans un esprit plus incitatif que coercitif et pris en charge par les intéressés eux-mêmes.

Attendue de longue date, cette réforme s'avère d'autant plus nécessaire que, comme l'a souligné, lors de son audition, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, « la formation continue des médecins - comme celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins (qu'il) souhaite enraciner au cœur de notre système de santé. ».

Le fait même que des dispositions concernant la formation médicale continue - trop souvent présentée sous le seul angle de la maîtrise des dépenses de santé  - soient inscrites dans un projet de loi relatif à la politique de santé publique constitue en soi une avancée qui mérite à ce titre d'être saluée.

b) Le nouveau dispositif de formation médicale continue est plus adapté et plus efficace

L'article 51 du projet de loi permet tout d'abord de recentrer la formation médicale continue sur sa finalité essentielle, c'est-à-dire l'amélioration de la qualité des soins délivrés aux patients, notamment dans le domaine de la prévention.

En outre, il prévoit de supprimer le mécanisme des sanctions disciplinaires, d'assouplir les conditions de validation de cette obligation et, enfin, de simplifier l'organisation régionale et le financement de la FMC.

- L'abandon des sanctions disciplinaires

En cas de manquement à l'obligation de formation médicale continue, la loi du 4 mars 2002 a prévu des sanctions disciplinaires selon le mécanisme suivant : les conseils régionaux de la FMC sont chargés de valider tous les cinq ans le respect de cette obligation et, à défaut, d'engager une procédure de conciliation avec le médecin. En cas d'échec de cette dernière, les conseils peuvent saisir la chambre disciplinaire de l'ordre des médecins.

Ce dispositif a toutefois fait l'objet de nombreuses critiques, relayées notamment par le rapport Laurent, qui a considéré que « les sanctions (...) qui peuvent aller jusqu'à des interdictions d'exercice de la profession ne sont pas apparues opportunes et surtout peu efficaces  ». Dans ce sens, on peut relever que dans la plupart des pays développés où la FMC est obligatoire, les systèmes de sanction n'existent pas ou restent sans objet (moins de 3/1000 dans certains Etats nord-américains).

En réalité, comme l'a souligné le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, lors de son audition, « les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. ».

C'est pourquoi le projet de loi supprime le principe des sanctions disciplinaires, afin de lui substituer un mécanisme d'incitation et de valorisation professionnelle, qui paraît plus efficace et mieux adapté. Celui-ci pourrait emprunter l'une des voies préconisées par le rapport Laurent, et notamment : la délivrance d'un label spécifique sur les ordonnances du médecin, l'accès à des fonctions de formation universitaire, la prise en charge supplémentaire des cotisations au régime d'assurance vieillesse ou encore l'attribution de points permettant de réduire le montant des primes d'assurance.

- L'assouplissement des conditions de validation de la FMC

Afin de remédier aux rigidités présentées par le dispositif actuel, le projet de loi propose d'assouplir les conditions de validation de l'obligation de FMC :

- en supprimant, d'une part, la notion de présentation orale du dossier, ce qui permettra d'alléger la charge des conseils régionaux de FMC ;

- en prévoyant, d'autre part, la mise en place d'une « procédure adaptée d'évaluation », laquelle ne sera donc plus limitée aux seules connaissances médicales des praticiens, mais pourra désormais inclure l'évaluation des pratiques professionnelles ;

- en ouvrant, enfin, la possibilité aux médecins de « panacher » l'un ou l'autre des trois modes de formation prévue.

- La simplification de l'organisation régionale et du financement

Le projet prévoit de remplacer les trois conseils régionaux de FMC (pour les médecins libéraux, médecins salariés non hospitaliers et personnels médicaux exerçant dans des établissements de santé) par un conseil unique, chargé de valider, tous les cinq ans, le respect de l'obligation de formation, ce qui permettra de simplifier l'organisation de la FMC, mais également de promouvoir la coopération de l'ensemble des professionnels de santé.

Enfin, le projet supprime le fonds national de la formation médicale continue, prévu par la loi du 4 mars 2002. En effet, celui-ci reposait sur la mise en place d'un établissement public administratif qui impliquait la constitution d'un conseil d'administration, la nomination d'un directeur, d'un contrôleur financier et l'octroi de moyens en personnel. C'est pourquoi le choix a été fait, comme l'a précisé le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, lors de son audition, de « renoncer à cette mécanique coûteuse et de consacrer quatre millions d'euros aux structures locales chargées de la formation médicale continue ».

Ainsi, la mise en œuvre de ce nouveau dispositif permettra aux médecins de mieux adapter leurs pratiques à l'évolution des connaissances et des technologies, et surtout d'améliorer la qualité des soins, en particulier dans le domaine de la prévention.

IV.- LE RÉGIME DES RECHERCHES BIOMÉDICALES EST MODERNISÉ

Parce qu'elle est indispensable au progrès médical, la recherche biomédicale, c'est-à-dire « les essais et expérimentations organisés et pratiqués sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques et médicales, qu'ils soient ou non menés dans un but thérapeutique »35, correspond à un impératif de santé publique. Elle permet en effet de mieux comprendre les causes et les effets d'une pathologie, d'augmenter l'efficacité des traitements ou d'en diminuer les effets indésirables.

La loi n° 88-1138 du 20 décembre 1998, dite « loi Huriet-Sérusclat », a permis de définir les conditions de participation des personnes à ces recherches, en prévoyant un régime de déclaration auprès de l'autorité compétente, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou ministre de la santé selon la nature des recherches (AFSSAPS), ainsi que la création de comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB).

Dans son titre IV, le projet de loi procède à une réforme d'ensemble du régime des recherches biomédicales afin, d'une part, de transposer la directive n° 2001-20 du 4 avril 2001 relative aux essais cliniques de médicaments, et, d'autre part, de remédier aux insuffisances du dispositif actuel, qui était demeuré quasiment inchangé depuis la loi de 1988.

A. UN DOUBLE IMPÉRATIF INSPIRE LA RÉFORME

1. La directive n° 2001/20 du 4 avril 2001 est transposée

Les essais cliniques représentent une opération complexe, en général d'une durée supérieure à une ou plusieurs années, faisant intervenir de nombreux protagonistes et plusieurs sites d'investigation, qui sont fréquemment répartis dans plusieurs pays.

Or, les pratiques actuelles des États membres divergent sensiblement quant aux modalités de commencement et de conduite des essais cliniques ainsi qu'au degré très variable d'exigences requises pour les mener à bien. Dès lors, il en résulte des retards et des complications préjudiciables à leur conduite effective sur le territoire communautaire et, de ce fait, au développement de connaissances et de thérapeutiques nouvelles.

C'est pourquoi la directive n° 2001-20 du 4 avril 200136 vise à simplifier et à harmoniser les dispositions administratives relatives aux essais cliniques de médicaments, grâce à l'établissement d'une procédure claire et transparente et à la création de conditions propices à une coordination efficace de ces essais par les instances concernées dans la Communauté.

Elle comporte un ensemble de dispositions qui concernent en particulier le rôle des comités d'éthique (en France, les CCPPRB), les conditions d'autorisation des recherches par l'autorité compétente ainsi que les règles de participation et de consentement des personnes se prêtant à la recherche.

Comme l'a rappelé, devant la commission, le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, « la directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ».

En conséquence, le projet de loi ne se limite pas à la seule transposition de la directive dans le domaine du médicament, mais réforme l'ensemble du régime juridique des recherches biomédicales, afin notamment de pas instaurer des régimes différents de protection des personnes de nature à porter atteinte au principe d'égalité.

2. Le dispositif issu de la loi « Huriet-Sérusclat » est adapté

De nombreux acteurs de la recherche biomédicale et plusieurs travaux et rapports officiels37 ont relevé un certain nombre de difficultés d'application de la loi Huriet, parmi lesquels l'opacité de la distinction entre les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct, la lourdeur de la procédure réglementaire (voir le schéma présenté ci-après) ainsi que le rôle limité des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale.

L'une des principales difficultés constatées réside dans la distinction entre les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct pour la personne qui s'y prête, sur laquelle repose l'ensemble du régime juridique des recherches biomédicales.

Dans le cas des recherches sans bénéfice individuel direct, les participants bénéficient d'un régime de protection renforcé, qui prévoit notamment l'obligation d'un examen médical préalable, la possibilité de verser une indemnisation en compensation des contraintes subies, l'affiliation obligatoire à un régime de sécurité sociale, l'obligation d'autorisation préalable des lieux de recherches ainsi qu'un régime de responsabilité sans faute du promoteur.

Dans la pratique, cette distinction complexe, voire trompeuse, soulève de nombreuses difficultés. En premier lieu, il paraît souvent difficile d'apprécier le bénéfice « direct » que peut attendre une personne de la réalisation de la recherche. De plus, parce qu'elle procède à une confusion entre les notions de recherches et de soins, cette distinction peut conduire les patients, notamment cancéreux, à accepter de prendre des risques inconsidérés.

Il est d'ailleurs remarquable que la recherche avec BID (responsabilité pour faute présumée) jouisse d'un régime de responsabilité moins protecteur que les recherches sans BID, dans la mesure où elle présente souvent davantage de risques pour les patients qui s'y soumettent.

Spécificité française, absente des autres législations européennes et de la plupart des grands textes internationaux concernant la recherche clinique, la distinction des recherches avec ou sans bénéfice individuel direct s'est ainsi révélée ambiguë et source de nombreuses de contestations et de requalifications des protocoles de recherche par l'AFSSAPS ou la DGS.

De plus, comme l'a souligné le rapport de François Lemaire38, la recherche sans BID, « privée de l'alibi de la nécessité thérapeutique, s'en trouve par contrecoup tenue en haute suspicion ». Or, la lourdeur du régime réglementaire des recherches sans BID paraît mal adaptée à certaines recherches, telles que la recherche cognitive sur les malades déjà hospitalisés, la recherche épidémiologique ou génétique. De ce fait, les dispositions prévues par la loi Huriet sont bien souvent contournées, de nombreuses recherches étant abusivement qualifiées de recherches avec BID.

Ces difficultés traduisent pour partie le fait que la loi Huriet a été initialement conçue pour les essais de médicaments, et plus particulièrement ceux portant sur des volontaires sains en phase I, c'est-à-dire lorsque le médicament est administré pour la première fois à l'homme. En effet, son champ d'application n'a été que tardivement élargi à l'ensemble de la recherche biomédicale, sans que son architecture n'ait été modifiée de façon à intégrer les contraintes propres à d'autres types de recherches, telles que celles portant sur les thérapeutiques non médicamenteuses et les recherches génétiques, épidémiologiques et physiopathologiques.

Les fondements de la protection des personnes dans la recherche biomédicale paraissent, d'autre part, mal assurés, en raison notamment du rôle limité des CCPPRB, chargés de donner leur avis sur les conditions de validité de la recherche au regard de la protection des personnes et de la faiblesse du suivi des recherches biomédicales par l'autorité compétente.

Enfin, l'évolution de la recherche clinique depuis une dizaine d'années, la multiplication des essais thérapeutiques, le développement de nouvelles disciplines médicales (l'épidémiologie clinique, la génétique, la thérapie cellulaire ou génique) ainsi que le rôle grandissant des associations nécessitent aujourd'hui de reconsidérer les dispositions garantissant la protection des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale.

B. LE CADRE JURIDIQUE EST PLUS PROTECTEUR

1. La distinction entre les recherches avec ou sans bénéfice est remplacée par l'appréciation de la balance bénéfice-risque

Le projet de loi propose de substituer à la distinction complexe entre les recherches avec ou sans bénéfice individuel l'appréciation plus fine, par le comité de protection des personnes, de la balance « bénéfice-risque », c'est-à-dire l'évaluation, pour chaque projet de recherche, des risques et inconvénients prévisibles, d'une part, et du bénéfice attendu pour la personne ou l'intérêt pour la santé publique, d'autre part.

La suppression de cette distinction emporte notamment :

- la forte limitation du champ de l'autorisation requise pour les lieux de recherches (l'absence d'autorisation préalable devenant la règle) ;

- l'extension à l'ensemble des recherches biomédicales de l'obligation d'examen médical préalable et d'affiliation à un régime de sécurité sociale.

- l'extension de la possibilité d'indemnisation en compensation des contraintes subies (actuellement limitée aux recherches sans BID) à toutes les recherches biomédicales, à l'exception de certaines catégories de personnes vulnérables.

- l'unification de la responsabilité du promoteur sous le régime de la faute présumée, celui-ci paraissant mieux adapté pour s'appliquer à l'ensemble des recherches biomédicales.

2. Un régime d'autorisation est institué et le rôle des comités de protection des personnes est étendu

Afin de transposer les dispositions prévues par l'article 9 de la directive n° 2001-20, mais également renforcer la protection des participants, le projet remplace l'actuel régime déclaratif par un autorisation préalable par l'autorité compétente (soit l'AFSSAPS, pour les recherches portant sur les médicaments et certains produits de cosmétiques et d'hygiène corporelle, et le ministre chargé de la santé dans les autres cas).

En outre, la réalisation d'une recherche biomédicale nécessitera désormais l'avis obligatoirement favorable des CCPPRB, rebaptisés comités de protection des personnes, dont les compétences sont élargies à l'évaluation scientifique des projets, ce qui permettra de mieux apprécier la réalité des risques encourus par les participants.

3. Les règles de consentement et de participation des personnes vulnérables aux recherches biomédicales sont adaptées

Le projet simplifie et harmonise les conditions de la participation à la recherche des personnes vulnérables, en maintenant des dispositions fortement protectrices pour ces personnes, inspirées non seulement de la directive mais également de la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine et le projet de protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme relatif aux recherches biomédicales.

Enfin, il ouvre la possibilité de réaliser des recherches biomédicales sur des personnes hors d'état d'exprimer leur consentement du fait de leur état de santé et non protégées légalement, notamment pour les personnes atteintes de formes graves de la maladie d'Alzheimer, en raison de l'intérêt présenté par ces recherches en termes de santé publique. Dans ce cas, l'autorisation de réaliser ces recherches pourra en effet être accordée par la personne de confiance, la famille ou un proche, avec, dans certains cas, l'avis du juge de tutelle.

Ainsi, le projet de loi procède à une réforme équilibrée du dispositif issu de la loi « Huriet-Sérusclat », en permettant de promouvoir le développement de la recherche tout en renforçant la protection des personnes.

*

Lors de ses réunions du mercredi 24 septembre 2003, la commission a adopté 156 amendements : 113 à l'initiative du rapporteur, 21 du groupe socialiste, 8 du groupe UDF, 3 du groupe des député-e-s Communistes et Républicains, 5 de Mme Martine Billard et 3 de M. Bernard Accoyer. Les amendements les plus significatifs sont les suivants :

Titre premier

- Rétablissement de la conférence nationale de santé supprimée par le projet initial ;

- Rétablissement des conférences régionales de santé supprimées par la loi du 4 mars 2002.

Titre II

- Refonte du groupement régional de santé publique, qui ne rassemblera que les financeurs ;

- Dévolution à l'Etat de politiques de santé publique menées actuellement par les départements ;

- Obligation d'information des personnes souhaitant se soumettre à des pratiques provoquant des modifications corporelles non réglementées ;

- Obligation de signalement des menaces sanitaires élargie aux services de secours et aux entreprises funéraires ;

- Protection accrue des données personnelles de santé ;

- Transmission directe des certificats de décès à l'INSERM à titre expérimental.

Titre III

- Infractions à la « loi Evin » constatées et poursuivies par le préfet ;

- Elargissement des catégories d'associations susceptibles d'agir en justice en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme ;

- Réglementation des prescriptions et de la mise en œuvre des psychothérapies ;

- Mise en œuvre du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement dans les régions dans les mêmes conditions que le plan santé publique ;

- Extension des missions de l'InVS à la centralisation des statistiques en matière d'accident du travail et de maladies professionnelles ;

- Interdiction de l'utilisation d'eau impropre à la consommation (et non pas d'eau non potable) dans toutes sortes de préparations destinées à la consommation humaine ;

- Des dérogations au statut de fermage sont autorisées dans les périmètres de protection rapprochée des captages d'eau et les collectivités territoriales vont disposer d'un droit de préemption sur les terrains concernés ;

- Le principe d'autorisation administrative pour distribuer de l'eau sous quelque forme que ce soit s'impose aux réseaux privés comme aux réseaux publics, à l'exception des réseaux particuliers (écoles, hôpitaux , restaurants) alimentés par un réseau public ;

- Indépendamment des poursuites pénales, création de sanctions administratives applicables en cas de violation des obligations liées à la sécurité sanitaire de l'eau (minérale et potable) ;

- Obligation de soumettre les parties communes des immeubles bâtis avant 1949 à un constat de risque d'exposition au plomb avant fin 2010 ;

- Obligation pour le préfet de notifier au propriétaire les exigences requises en matière d'hébergement, si des travaux sont nécessaires après le signalement d'un cas de saturnisme ;

- Limitation de l'obligation de réaliser un constat de risque d'exposition au plomb, lors de la signature des contrats de location ou la réalisation de travaux sur les parties communes des immeubles construits avant le 1er janvier 1949, aux zones à risque d'exposition au plomb délimitées par le préfet ;

- Si des travaux sont rendus nécessaires à la suite de la réalisation d'un constat de risque d'exposition au plomb, obligation pour le propriétaire d'assurer la sécurité des occupants et mise en cause de sa responsabilité pénale en cas de non réalisation des travaux.

Titre IV

- Maintien de la mention de l'Ecole des hautes études en santé publique dans le code de la santé publique ;

Recherches biomédicales :

- Le financement de la recherche par le promoteur ;

- Pour les recherches, hors médicaments ne comportant que des risques négligeables, limitation de la possibilité de les réaliser sans examen médical préalable et sous la direction d'une personne qualifiée à celles qui n'ont aucune influence sur la prise en charge médicale de la personne qui s'y prête ;

- Limitation de la prise en charge des assureurs aux réclamations intervenant pendant la durée de la recherche et jusqu'à l'expiration d'une période de dix ans suivant la fin de cette recherche ;

- Modification de la rédaction des articles du code de la santé publique afin de distinguer les informations à donner à la personne qui se prête à une recherche et les conditions d'expression de son consentement ;

- S'agissant des modalités du recueil du consentement de certaines catégories de personnes vulnérables, limitation du recours à l'avis du juge des tutelles aux recherches qui comportent, par l'importance des contraintes ou par la spécificité des interventions auxquelles elles conduits, un risque sérieux d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité du corps humain ;

- Participation des représentants des malades et des usagers du système de santé aux comités de protection des personnes ;

- Suppression de l'évaluation scientifique des projets de recherche par le comité de protection des personnes ;

- Information du comité de protection des personnes sur les modifications apportées au protocole à la demande de l'autorité compétente ;

- Institution d'une obligation de recueillir un nouveau consentement de la personne en cas de modification substantielle du protocole après le commencement de la recherche, si le comité de protection le juge nécessaire, et lors de la survenue d'effets indésirables graves ;

- Pour les recherches hors médicaments, dans lesquelles tous les actes sont pratiqués de manière habituelle et lorsque aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic n'est appliquée mais qu'un protocole spécifique de surveillance est mis en place, l'investigateur peut être le promoteur.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique au cours de sa séance du 10 septembre 2003.

Après avoir remercié le ministre de venir présenter à la commission un projet de loi majeur et très attendu, le président Jean-Michel Dubernard est revenu sur le contexte dans lequel s'inscrit cet examen. Les effets sanitaires dévastateurs de la canicule et leur prise en charge par le système de santé font l'objet d'une mission d'information constituée au sein de la commission et présidée par M. Denis Jacquat. Cette mission rendra son rapport dans deux semaines et proposera des recommandations qui pourraient être introduites par voie d'amendements au présent projet de loi et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les questions soulevées par la canicule ne seront pas évoquées aujourd'hui puisque le ministre sera entendu dès demain par la mission d'information, audition également ouverte à la presse. Au reste, le projet de loi comporte de nombreuses dispositions qui permettront d'ores et déjà de contribuer à éviter que ne se reproduisent de tels dysfonctionnements, en renforçant l'efficacité et la qualité de notre système de santé, trop longtemps caractérisé par la complexité, la prévalence du curatif sur le préventif, voire l'éclatement des responsabilités.

Trois principes ont en effet présidé à l'élaboration de ce projet : la volonté de fixer de manière claire et efficiente les procédures permettant à l'État de déterminer une politique de santé publique ; la détermination de la politique de santé publique pour les cinq prochaines années ; le souhait de mieux prendre en compte la prévention dans l'organisation de notre système de santé. En outre, à l'occasion de la transposition de la directive 2001/20 relative aux essais cliniques de médicaments, le projet de loi procède également à une réforme d'ensemble du régime des recherches biomédicales, qui était demeuré quasiment inchangé depuis la loi « Huriet-Sérusclat » du 20 décembre 1988.

Au cours de ses travaux, la commission a entendu de nombreuses personnalités - qu'il s'agisse des représentants des médecins, des associations ou encore des agences sanitaires - et ce dans un large esprit d'ouverture. Ces auditions permettent d'envisager des améliorations sensibles du projet de loi concernant la nécessaire clarification des rôles de chacun au niveau régional, avec d'un côté les financeurs-décideurs au sein du groupement régional de santé publique (GRSP) et de l'autre les opérateurs de santé publique, ainsi que le maintien et l'adaptation des conférences nationale et régionales de santé.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, est revenu en premier lieu sur le contexte particulier dans lequel s'inscrit le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Au mois d'août dernier, la France a été frappé par un phénomène d'une ampleur et d'une durée inégalées dans l'histoire de la météorologie des pays à climat tempéré. Les conséquences sanitaires en ont été majeures, notamment pour les personnes âgées de nos grands centres urbains. Ce drame humain soulève bien des questions légitimes. Une commission d'experts indépendants a remis ses conclusions préliminaires affinant dès à présent constat et analyse. Une mission d'information vient d'être constituée par l'Assemblée nationale qui entendra les ministres concernés ; il lui appartiendra de faire le point sur les événements du mois d'août, sur lesquels il n'y a pas lieu de revenir maintenant, sinon pour indiquer que les dispositions du projet de loi doivent contribuer à éviter que de tels drames se reproduisent.

En effet, si l'ensemble des conséquences de cette canicule pouvaient difficilement être anticipées, il n'en reste pas moins que notre système de santé publique souffre de faiblesses structurelles profondes. Les événements dramatiques d'août ont brutalement mis en lumière, en quelques jours, la plupart de ces faiblesses. Une profonde réforme du système de santé publique doit être conduite non seulement pour que nous soyons capables de faire face à la prochaine vague de chaleur, mais aussi pour permettre à notre pays d'offrir la meilleure protection sanitaire possible en toutes circonstances, même les plus difficiles.

Le système de santé souffre de trois faiblesses majeures : un profond déséquilibre entre le soin et la prévention, une responsabilité de l'État insuffisamment affirmée et définie dans le domaine de la santé publique et une extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts, responsable de nos mauvais résultats en termes de mortalité prématurée, celle qui survient avant l'âge de 60 ans.

En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille sanitaire ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspondait à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique et le Parlement a, à ce moment déjà, joué un rôle prééminent. Le projet de loi relatif à la santé publique va plus loin en affirmant la responsabilité de l'État en matière de santé publique. Ce faisant, le gouvernement rompt avec la politique longtemps prisée en France, faite d'annonces de plans successifs sans cohérence, pour lutter contre telle ou telle maladie, en fonction des pressions exercées par différents protagonistes, et il s'attaque à un défaut structurel de notre système de santé - défaut relevé par les ministres successifs mais pourtant jamais corrigé. Il s'agit donc d'une deuxième étape, plus structurante et plus aboutie que la première, qui porte en elle-même sa force et sa cohérence.

Il y avait en la matière fort à faire. La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme une responsabilité de l'État et un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics. En l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est ainsi le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal. L'idée même de santé publique est longtemps restée incomprise. Elle a trop souvent été vécue comme une intrusion de l'État dans l'intimité des personnes, voire dans le champ de compétence des professionnels de santé. La légitimité pour l'État d'intervenir dans les affaires de santé a toujours été débattue.

Mais pourtant chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'État que les Français et les Françaises se tournent pour exiger que la santé soit efficacement protégée. L'actualité est suffisamment éloquente : seul l'État peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), les méningites, la grippe ou l'hépatite B. Ces exemples illustrent ce qu'est la politique de santé publique : non pas l'intrusion de l'État dans l'intimité de chacun, mais la nécessité de comprendre et de résoudre les problèmes de santé à l'échelle de la population. Car sans ce regard collectif, le système de santé est myope. Il ne peut pas se préparer correctement aux évolutions futures. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister.

En bref, l'approche individuelle des maladies, pour essentielle qu'elle soit, ne suffit pas. Nous devons disposer d'un regard et d'une analyse sur les groupes d'individus, sur les populations si nous voulons que le système de santé soit juste, efficace et performant. Si, en médecine, la personne est le centre de tout, qui pourrait croire qu'un système de santé n'est que la somme des actes pratiqués au niveau individuel ? Ce serait oublier le rôle de l'environnement - pensons à l'eau potable, à la qualité de l'air ; ce serait oublier le rôle des comportements, le rôle des prises de risque plus ou moins volontairement consenties. Cet oubli, cette défiance à l'égard d'une approche collective de la santé par l'État expliquent les déséquilibres majeurs qui caractérisent notre système de santé et, notamment, le fait que l'essentiel des moyens consacrés à la santé dans notre pays vont au secteur curatif. Sur 150 milliards de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3 %, sont consacrés à la prévention ! Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.

Premièrement, la mortalité prématurée reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. Ces résultats sont choquants, d'autant qu'ils contrastent avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé. L'État peut agir et les Français attendent qu'il le fasse : agir sur l'environnement, les comportements ou les phénomènes de violence, et réduire ainsi la triste spécificité française en termes de morbidité précoce.

La guerre sans merci que nous avons déclarée au tabac, principale cause de cancer et de mortalité évitable a d'ores et déjà des résultats spectaculaires sur les ventes de cigarettes, qui ont chuté de 8 % depuis le début de l'année. Cette offensive contre le tabac nous l'avons commencée en augmentant de façon importante les taxes dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Nous l'avons poursuivie ensemble avec la loi de juillet dernier visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes et nous continuons cet effort par ce projet de loi. Autre exemple non moins important : la politique de réduction des risques chez les usagers de drogues qui a fait chuter la prévalence des infections à VIH chez les toxicomanes. Enfin, chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, qui constitue un comportement à risque majeur.

Deuxièmement, il existe des disparités territoriales avec d'importants écarts d'espérance de vie d'une région à l'autre. Parmi les exemples qui heurtent l'équité, lorsque l'actuel gouvernement a pris ses fonctions, seul un tiers des départements offrait des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été souhaitée et annoncée par les précédents ministres en charge de la santé. Ces inégalités, dont les causes sont multiples, interpellent aussi l'État dans son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale.

Bien légitimement, l'attente à l'égard des pouvoirs publics ne fait donc que croître et, par contraste, leur capacité de réponse apparaît insuffisante. Tout d'abord, la répartition des responsabilités en matière de santé publique n'est pas suffisamment précise. Ensuite, la politique de santé publique ne procède pas à partir d'une programmation précise autour d'objectifs définis après un large dialogue. Enfin, la coordination de l'ensemble des partenaires qui concourent aux actions de santé publique est insuffisante. En particulier, l'articulation entre les activités de soins et les activités de santé publique doit être améliorée. Ces faiblesses sont anciennes et avaient déjà été relevées dans le rapport sur la santé et l'environnement présenté par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en 1996. Ce projet de loi a l'ambition de les corriger.

L'objet premier du projet de loi est ainsi de clarifier cette ambiguïté sur le rôle de l'Etat en matière de santé publique. L'Etat n'a pas le monopole de l'action dans ce domaine. Mais il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les différents acteurs publics et privés qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé.

Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, ce partenariat doit s'inscrire dans un cadre de référence explicite. C'est au travers d'une série d'objectifs permettant de juger si l'action va dans le bon sens que ce partenariat doit s'organiser. La mise sous objectifs du système de santé publique sur un horizon de cinq ans est le deuxième axe directeur de ce projet. Jusqu'à présent, lorsqu'on parlait d'objectifs, on faisait référence aux dépenses d'assurance-maladie. Cette logique est non seulement inflationniste par nature, elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population. C'est cette correspondance entre les moyens et les résultats que ce projet de loi veut organiser.

C'est pourquoi il comporte un rapport annexé, qui propose une centaine d'objectifs correspondant aux principaux défis sanitaires. Il s'agit de promouvoir des comportements favorables à la santé, de réduire les conduites à risques, d'organiser la prise en charge des maladies chroniques et de maîtriser le risque infectieux. Lorsque cela a été possible, c'est-à-dire lorsque les systèmes d'information en matière de santé le permettaient, ces objectifs ont été quantifiés. Ils constitueront un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustifs. Ce sont des marqueurs, des indicateurs qui doivent permettre périodiquement de faire le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays.

Le troisième grand objectif du projet de loi est d'organiser l'action sur le terrain car c'est là que se gagnera la bataille de la santé. Mais il revient à l'Etat d'organiser, d'impulser et de coordonner l'action sur le terrain. Aujourd'hui, sauf exception locale qu'il faut saluer, cette coordination des efforts pour la réalisation d'objectifs communs est à peu près inexistante.

En une décennie, le code de la santé publique a triplé de volume et commissions et procédures se sont multipliées à l'envi. Cela n'a pas empêché la catastrophe sanitaire de cet été. La politique de santé publique doit donc servir à organiser l'action sur le terrain, pour rapprocher les professionnels du soin, les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher en effet : la nécessité pressentie dans l'élaboration de cette loi s'est cruellement confirmée cet été.

Devant ces lacunes, il est tentant d'annoncer que les dépenses de santé publique doivent être augmentées. C'est vrai que de nombreux besoins restent insatisfaits. Mais il faut avant tout, mieux utiliser l'argent public, éviter le gaspillage d'énergie et de moyens ; il faut créer les conditions d'une véritable synergie entre les différents acteurs alors qu'aujourd'hui la dispersion des moyens est extrême. A côté des deux grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences et l'assurance-maladie avec ses caisses, coexistent une myriade de structures : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation pour la santé, multiples associations spécialisées, espaces santé jeunes, centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, observatoires de la santé au travail, ... Entre l'Etat, l'assurance-maladie, les collectivités locales, - régions, départements, communes ou groupements de communes - les associations ou les entreprises, la répartition des responsabilités est confuse. Ce projet de loi propose un mécanisme pour associer tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique au niveau régional. Il faut de la cohérence, sans exclure personne. On a bien au contraire besoin de tout le monde, chacun à sa place, avec ses missions.

Mettre en œuvre des objectifs simples et forts - agir en amont sur les déterminants des maladies, prévenir plutôt que guérir - nécessite une traduction administrative et institutionnelle aussi simple et efficace que possible, même si elle peut être rébarbative, certains disent technocratique. La version initiale du projet proposait, pour simplifier un paysage institutionnel beaucoup trop complexe, de substituer aux actuelles structures de concertation un mécanisme périodique de débat sur la santé. Mais à l'occasion des différentes concertations menées durant l'été, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer le maintien dans la loi d'une instance permanente de débat permettant aux associations, aux professionnels, aux sociétés savantes de faire entendre leur voix. Cette revendication est également celle de nombreux députés de la commission et notamment du rapporteur. Elle est apparue juste et utile. Il faudra donc déterminer le meilleur moyen d'amender le projet actuel sur ce point.

La région apparaît comme le meilleur niveau pour mettre en œuvre la politique de santé publique. C'est à cette échelle, d'une part, que les objectifs nationaux doivent être déclinés en tenant compte des spécificités locales et, d'autre part, que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble. Il est important de bien comprendre qu'une des principales entraves à la performance de notre système de santé publique tient à l'extrême dispersion des acteurs de terrain. En même temps, la multiplicité de ces acteurs, leur diversité est une richesse. Comment concilier ces deux aspects ? Plutôt que de créer un mécanisme compliqué, il est proposé un mécanisme souple d'association au sein d'un groupement d'intérêt public (GIP), instance opérationnelle chargée de la mise en œuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements au niveau régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, dans lequel siégeront, outre l'Etat, l'assurance-maladie, les collectivités locales qui le souhaiteront et l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH).

La quatrième orientation de ce projet de loi est la création d'une grande école de santé publique. Car c'est bien un objectif de santé publique majeur que d'assurer la meilleure formation possible des professionnels de la santé aux problèmes de la prévention, dans toutes ses facettes. Actuellement l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP) forme les agents de l'Etat œuvrant dans le domaine sanitaire et social, dont les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. De leur côté, les facultés de médecine ne forment que les médecins tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au plan universitaire. Il nous faut une London School comment l'ont les Anglais, un Harvard en santé comme l'ont les Américains. Le Gouvernement souhaite donc créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de formation en santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. La France manque quantitativement de compétences dans les différents métiers de la santé publique ; il faut se donner les moyens de les acquérir et de professionnaliser le champ de la santé publique. Il s'agit de choses aussi diverses et nécessaires que de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé une formation continue en matière de sécurité sanitaire, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale et nous hissant au niveau de nos partenaires les plus performants, Anglais, Américains et Belges notamment. La création de cette école devrait ainsi profiter à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP.

Il est enfin proposé une révision importante des dispositions relatives aux recherches biomédicales, issues de la loi du 20 décembre 1988 dite loi Huriet-Sérusclat.

Ce projet ambitieux s'insère dans une démarche internationale visant à porter le message du caractère primordial de la santé publique. La France est à l'initiative d'une directive prohibant la publicité transfrontalière du tabac ainsi que des recommandations renforçant les contrôles pour lutter contre l'épidémie naissante du SRAS. Afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux enjeux des grandes épidémies et maladies transmissibles, un centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du centre d'Atlanta, est sur le point de voir le jour. Il pourrait être opérationnel début 2006. Enfin, une vaste convention de coopération avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les principaux sujets de santé publique est sur le point d'aboutir.

Le projet de loi comporte quatre titres. Le titre I clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées dans la politique de santé publique.

Au plan national, il est prévu un mécanisme de consultation national destiné à éclairer le gouvernement lors du choix des objectifs et plans nationaux de santé publique, un organisme d'expertise technique unique - le Haut Conseil de santé publique - qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut comité de la santé publique et une instance de coordination interministérielle et de gestion politique, le Comité national de la santé publique. Ce faisant, le paysage institutionnel actuel est considérablement simplifié

Au niveau régional, il est prévu une instance de concertation et de coordination comprenant, outre l'Etat, l'assurance-maladie et les collectivités locales, les différents acteurs de terrain, une instance opérationnelle - le groupement régional de santé publique - qui associe les différents financeurs des actions de santé publique et est chargée de mettre en œuvre ce plan régional de santé publique en choisissant les opérations qu'elle finance ou cofinance. Pour des raisons de cohérence et d'organisation territoriale, cette instance doit être dirigée par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et, concernant la présidence de son conseil d'administration, il faut déterminer quelle est la solution la meilleure pour l'Etat et ses partenaires, conseil régional et assurance-maladie. Le conseil régional pourra développer des actions particulières complémentaires de la politique portée par l'Etat.

Le titre II est relatif aux outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. Il prévoit l'organisation régionale en matière de santé publique. Il établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale. Il précise les mesures à mettre en œuvre en cas de menaces sanitaires graves. Il renforce les contrôles sur la production et l'utilisation de micro-organismes et de leurs toxines. Il permet de renforcer les systèmes d'information sanitaire, en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes pour la protection de la santé et celle de protéger la vie privée.

Il est évidemment indispensable d'apporter des réponses aux questions soulevées pendant l'été. Pour tirer les leçons des difficultés qu'il y a eu à évaluer l'impact de la canicule sur la mortalité, plusieurs amendements seront proposés, notamment sur la transmission électronique des certificats de décès et l'alerte sanitaire.

Le titre III comporte les dispositions relatives aux plans de santé publique nationaux. Il prévoit une démarche de programmation stratégique liant les objectifs aux moyens sur le modèle du chantier présidentiel sur le cancer. Quatre autres domaines sont ainsi visés : la santé environnementale incluant la santé au travail, la violence et les comportements à risques, les maladies rares, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques. Les événements de l'été conduisent à proposer également un plan de protection de la santé des personnes plus vulnérables.

L'Institut national du cancer va être créé conformément aux engagements annoncés le 24 mars dernier par le Président de la République. Il sera, en quelque sorte, la « tour de contrôle » du dispositif de lutte contre le cancer, la maison commune des patients et des soignants.

Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré qui comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Compte tenu de la complexité de ces problèmes, une commission d'experts va être chargée d'élaborer des premières propositions. Il faut aussi mentionner la surveillance épidémiologique en milieu de travail et les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau potable et minérale. Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer les mesures de lutte contre le saturnisme et l'amiante.

Le titre IV concerne la recherche et la formation en santé. Il crée, en premier lieu, l'Ecole des hautes études en santé publique. En deuxième lieu, il actualise le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales. Cette révision s'impose par la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi par le besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé, auxquels ont fait écho divers travaux parlementaires, d'adapter le dispositif existant. La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre commun à toutes les recherches biomédicales plutôt que d'instaurer différents régimes de protection. Le projet de loi remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation et supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à manier et trompeuse pour les personnes qui se prête à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine d'un bilan bénéfice-risque.

En dernier lieu, ce projet de loi simplifie le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins - comme celle de tous les autres professionnels de santé - est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins qu'il faut enraciner au cœur de notre système de santé. Elle ne saurait être limitée au perfectionnement des connaissances, mais doit viser l'amélioration de la qualité des soins. En réalité, les médecins perçoivent très bien la nécessité où ils sont de se former pour continuer à délivrer les soins de meilleure qualité et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Une démarche incitative et conventionnelle est plus efficace qu'une démarche répressive.

Ce projet de loi a fait l'objet d'un vaste ensemble de consultations régionales l'automne dernier. Le rapport annexé a fait l'objet d'une consultation dans les milieux académiques et les associations ont pu s'exprimer au travers du site Internet du ministère de la santé. Plus de 140 experts y ont participé. Les réformes proposées constituent à la fois une réponse à nos faiblesses structurelles en santé publique et expriment la volonté de tirer sans attendre les premières leçons du drame de la canicule de cet été. La santé est dans notre société une valeur et un bien suprêmes. Ce projet de loi en est la traduction concrète et le débat parlementaire sera un moment fort pour signifier l'engagement de la Nation pour la protection et l'amélioration de la santé.

Après avoir remercié le ministre pour la qualité de son intervention qui a permis de clarifier un certain nombre de points donnant lieu à débat, notamment concernant l'Institut national du cancer (INC), le président Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a posé les question suivantes :

- N'est-t-il pas nécessaire d'associer davantage les usagers à l'organisation du système de santé publique, notamment dans le cadre des conférences régionales de santé qu'il semble indispensable de maintenir ?

- Quel est le rôle des régions dans la mise en œuvre de la politique de santé publique prévue par le projet de loi ?

- Ne conviendrait-il pas de hiérarchiser les objectifs de santé publique ? De préciser de quelle façon sera financée leur réalisation ? Quelle est l'articulation entre ce projet de loi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances ?

- Concernant l'Ecole des hautes études en santé publique, ne faudrait-il pas distinguer les formations en santé publique des formations au management hospitalier en créant deux filières distinctes l'une de l'autre ? Est-il nécessaire de réunir enseignement et recherche dans une structure unique?

- Enfin, quels seront « les mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle » mis en oeuvre en contrepartie de la suppression des sanctions disciplinaires en cas de manquement à l'obligation de formation médicale continue ? Et pour quelles raisons supprimer le Fonds national de la formation médicale continue ?

M. Denis Jacquat a demandé dans quelle mesure il conviendrait d'intégrer au projet de loi une procédure permettant de recueillir plus rapidement les informations concernant l'état de santé de la population, et notamment les décès, de façon à mieux prévenir les risques sanitaires liés à des événements précis tels que la canicule.

M. Jean-Marie Le Guen a déclaré qu'étant donné le contexte dans lequel ce texte va être discuté, il convient que chacun assume son rôle avec gravité. Malgré les progrès indéniables réalisés depuis quinze ans, notamment avec la création des agences sanitaires, le système de santé publique est en retard. Il est donc nécessaire d'agir avec humilité, mais aussi avec détermination. Il a ensuite posé les questions suivantes :

- Au début de la législature a été annoncé le dépôt d'un projet de loi de programmation doté d'un financement idoine. Pourquoi présenter aujourd'hui une loi générale sans financement ?

- L'esprit de la loi est celui d'un Etat non pas seulement « impulseur », mais acteur et omniprésent. Or, n'est-il pas dommage de n'avoir pas profité de cette réforme pour modifier celui-ci en profondeur, notamment en donnant un rôle accru aux associations de malades dans le processus de décision ? Plusieurs acteurs majeurs du système, parmi lesquels la CNAMTS et de nombreuses agences régionales de l'hospitalisation, ont très mal ressenti cette volonté de placer le préfet de région au cœur du dispositif.

- Les annexes attachées au projet de loi sont peu satisfaisantes. Les objectifs assignés à la politique de santé publique sont trop nombreux - cent - et pas assez argumentés.

- Le projet de loi résulte d'une vision épidémiologiste laquelle constitue une approche certes intéressante mais réductrice. Ne serait-il pas opportun d'y adjoindre une approche populationnelle de façon à ne pas seulement cibler les pathologies mais également les populations à risques ?

- N'y a-t-il pas matière à confusion dans la définition du rôle de l'Etat à l'intérieur du système de santé publique ?

Bien que le texte contienne des aspects positifs, notamment en ce qui concerne la médecine du travail, M. Jean-Marie Le Guen a indiqué qu'il ferait l'objet du dépôt de nombreux amendements de la part du groupe socialiste tout en saluant l'excellent travail préparatoire conduit par le rapporteur.

M. Jean-Luc Préel a rappelé que le système de santé français a su faire ses preuves dans le domaine curatif mais demeure en retard du point de vue de la prévention. Le texte permet de combler ce retard en coordonnant les efforts des multiples acteurs de santé publique. Il a ensuite posé les questions suivantes :

- Afficher cent priorités est une démarche ambitieuse mais qui donne une impression de catalogue. N'aurait-il pas été préférable de ne retenir que quatre ou cinq grandes priorités ?

- N'est-il pas risqué d'afficher des objectifs chiffrés dans la mesure où les résultats ne pourront être connus que dans cinq ans ?

- Le groupe UDF est opposé à la remise en cause du rôle des conseils régionaux dans le système de santé publique. Plutôt que de mettre en avant le rôle du préfet, le gouvernement n'aurait-il pas intérêt à privilégier le rôle des associations en instituant des instances régionales de santé élues et dotées de véritables pouvoirs surmontées d'un conseil national organisé sur le même modèle ? De la même manière pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas décidé d'étendre les compétences des ARH à la médecine ambulatoire et à la prévention en créant ainsi de véritables agences régionales de la santé ?

- La distinction entre prévention, éducation et soin ne paraît pas judicieuse.

- Enfin, la mise en place de l'Institut national du cancer constitue un progrès attendu. Cependant, son mode de financement, qui sollicite la générosité publique, ne risque-t-il pas de le placer en concurrence avec des associations telles que l'Association pour la recherche contre le cancer (ARC) ou la Ligue contre le cancer et donc de priver ces dernières des ressources nécessaires au développement de leurs propres activités de lutte contre la maladie ?

M. Maxime Gremetz a fait part de l'accord de son groupe avec le diagnostic et les orientations retenues par le projet relatif à la santé publique. De fait, il y a lieu de saluer le dépôt d'un projet portant sur la santé publique, le débat dans ce domaine se limitant, au Parlement, à la loi de financement de la sécurité sociale. Nonobstant son accord sur un certain nombre de points, le groupe communiste ne manquera pas de déposer des amendements nombreux et de qualité. La méconnaissance de l'état sanitaire de la France n'est plus acceptable. Ainsi, il ne saurait y avoir de grande politique de santé publique sans politique de prévention. A cet égard, le recul de la médecine scolaire et de la médecine du travail ne peut qu'inquiéter. Afin de prévenir plutôt que guérir, il convient de sérier les objectifs prioritaires ; le catalogue des cent objectifs a le défaut de tout mettre sur le même plan. Sur le plan de l'organisation, une simplification institutionnelle s'impose ainsi qu'une définition des responsabilités et de l'identification de ceux qui les assument. Pour ce qui est du financement, le chiffre de 3,5 milliards consacrés à la prévention sur 150 milliards consacrés à la santé illustre la situation actuelle. Il faut des moyens et des responsables mais aussi une approche globale. Ainsi il est à regretter qu'aucune entreprise française ne fabrique de climatiseurs, lesquels sont principalement importés des Etats-Unis.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes : 

- En ce qui concerne la place des usagers, il faut noter que, au moment de l'élaboration du projet de loi, les associations représentatives n'avaient pas encore été consultées. En revanche, le Haut conseil de l'assurance-maladie associera celles-ci à ses travaux. De fait, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades s'est révélée difficile à mettre en œuvre à travers, notamment, les procédures d'agrément par l'Etat des associations d'usagers.

- Les conférences régionales et nationale de santé doivent être à l'évidence conservées. Elles auront la possibilité de s'associer à la définition du programme régional de santé.

- En réponse au souci exprimé par divers intervenants de hiérarchiser les objectifs de santé publique, il convient de garder à l'esprit que les cent domaines visés par le projet de loi ne sont pas exhaustifs. Il s'agit d'indicateurs, qui sont autant de voyants sur un tableau de bord général, permettant d'informer sur la qualité du système de santé publique, et qui n'excluent pas le ciblage de populations à risques.

- Dans le domaine du financement, la mise sous objectifs du système de santé constitue une avancée considérable. Toute entreprise a des objectifs. Certes, la démarche sanitaire ne saurait s'apparenter au commerce. Il n'en demeure pas moins que, pour la première, fois les objectifs seront reliés aux résultats.

- Pour ce qui concerne le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS), il s'agit d'un retour de l'Etat dans la définition des actions à mener ; ce retour s'accompagne d'un investissement de 120 à 150 millions d'euros.

- Au sujet de l'Ecole des hautes études en santé publique, la nécessité de former à la santé publique est impérieuse. Le manque de compétences dans le domaine est criant ; à quelques exceptions près, ce sont les derniers à l'internat de médecine qui « subissent » le choix de la santé publique : il faut faire de la santé publique un choix d'excellence. Rien n'empêchera les grandes écoles de développer des filières, en revanche ce qui importe c'est la mise en réseau de celles-ci.

- En matière d'incitations à la formation médicale, plusieurs pistes sont envisageables : l'accès à certaines responsabilités universitaires, à la représentation professionnelle au sein des Unions régionales de médecins libéraux (URML) par exemple ou encore la modulation des primes d'assurance.

- Les dispositions relatives au fonds national de la formation médicale continue répondent à un souci de simplification. Sa création par la loi du 4 mars 2002 reposait sur la mise en place d'un établissement public administratif qui impliquait la constitution d'un conseil d'administration, la nomination d'un directeur, d'un contrôleur financier et l'octroi de moyens en personnel. Le tout représentait un coût de plusieurs millions d'euros. Le choix est fait par le présent projet de loi de renoncer à cette mécanique coûteuse et de consacrer quatre millions d'euros aux structures locales chargées de la formation médicale continue.

- S'agissant de la canicule, comme l'a justement indiqué M. Jean-Marie Le Guen, il faut faire preuve d'humilité et de détermination. Aujourd'hui, les certificats de décès sont établis en mairie et envoyés, dans des délais variables, par lots aux DDASS qui les examinent sous l'angle médical et qui les transmettent ensuite, là encore dans des délais variables, à l'INSERM. Cette situation est insupportable. Un amendement permettra de simplifier la remontée des informations et de parvenir à terme à l'objectif d'une remontée en temps réel à l'Institut national de veille sanitaire. C'est grâce à un tel dispositif que les Etats-Unis ont pu déceler la légionellose, à partir de dix cas très localisés.

- Le gouvernement n'a pas fait le choix d'une loi de programmation. Le présent texte définit cent objectifs, autour de cinq thèmes particuliers, dont la réalisation reposera sur des financements d'origines diverses. En conséquence, ceux-ci feront l'objet d'un débat annuel tant dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale que du projet de loi de finances. De plus, l'ensemble des objectifs devra être passé au crible au moins une fois tous les cinq ans afin d'en analyser les forces et les faiblesses.

- L'Etat n'est en rien « omniacteur » dans la politique de santé. Ses fonctions sont claires. Il est tout d'abord le garant de l'égalité d'accès aux soins, à la prévention et à la meilleure qualité de soins. Il est également responsable de la politique nationale reprise au niveau régional. Les associations conserveront dans ce cadre tout leur rôle. Elles sont le meilleur des relais pourvu qu'il y ait un chef d'orchestre. Néanmoins, leur inquiétude est compréhensible : elles savent aujourd'hui quelle est leur place tandis qu'elles redoutent quelque éventuelle future tutelle. Il faut les rassurer sur ce point : chacun a sa place mais chacun doit également avoir sa feuille de route.

- Il ne faut pas croire que le projet de loi relatif à la politique de santé publique et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont séparés. Prévention et soin vont de pair comme en attestent par exemple les actions en matière de cancer du sein : les campagnes préventives de dépistage débouchent sur le soin des tumeurs repérées.

- S'agissant du rôle du préfet, il est bien celui qui décide en cas de crise et il doit de ce fait être au cœur du dispositif de santé publique, mais il n'est pas le seul à jouer un rôle.

- Il est effectivement indispensable de développer la médecine scolaire et la médecine au travail, comme l'a souligné M. Maxime Gremetz.

M. Claude Evin est intervenu sur la question de l'organisation du système de santé publique. Si l'on peut partager pour l'essentiel le diagnostic fondant le projet de loi, la réponse qu'il apporte de façon concrète est confuse et critiquable. Que propose-t-on pour remédier à la dispersion des acteurs, à l'insuffisante coordination ? La création d'un nouveau « machin ». Le GIP proposé semble particulièrement lourd et, présidé par le préfet, devra cohabiter avec l'ARH, autre GIP. Si la volonté est de remédier au le cloisonnement, il faut tout confier au même organisme. On peut discuter sur le format des agences régionales de santé mais il faut, incontestablement, rassembler en leur sein prévention et soins. Comment peut-on concevoir par exemple que les professionnels de santé doivent négocier avec des structures différentes, alors que leur activité relèvent tantôt de l'une, tantôt de l'autre approche, d'autant qu'ils doivent par ailleurs négocier avec les CRAM sur l'assurance-maladie ? En réalité, ce projet de loi n'est pas un bon texte. Il ne fait qu'introduire une complication supplémentaire.

M. Bernard Accoyer s'est réjoui de la présentation d'un texte qui constitue enfin un support pour une authentique politique de santé, trop souvent remplacée par l'omniprésence de la politique d'assurance-maladie. Il s'agit là d'une avancée vers la structuration d'une véritable politique de santé publique et les critiques qui peuvent lui être faites doivent être nuancées en gardant ce point présent à l'esprit.

Quelques éléments concrets du texte appellent des observations :

- On ne peut traiter le problème de la santé mentale en le reléguant dans un ou deux objectifs. Le retard pris par la France dans la prévention, l'accueil, la prise en charge et les soins dispensés aux malades mentaux est flagrant alors que les psychotiques représentent 4%  de la population. On ne peut en outre qu'être troublé par l'absence de réglementation de l'exercice de la profession de psychothérapeute. La situation de la France, en outre premier pays consommateur au monde de médicaments psychotropes, appelle des mesures de manière urgente.

- La France se distingue également en matière de drogue puisque sa jeunesse est la première consommatrice de cannabis du monde et qu'on connaît désormais les effets sur la santé, notamment mentale, de l'usage de cette drogue. Un texte définissant la politique de santé publique doit traiter ce problème sanitaire.

- S'agissant de la jeunesse, il convient également d'agir sur les pratiques à la mode : il n'est pas question d'interdire les modifications corporelles non réglementées, comme le tatouage ou le piercing, mais au minimum d'informer les intéressés sur leurs conséquences prévisibles ou non.

- Concernant la formation, le texte se cantonne à la formation médicale continue. Il faudrait élargir la réflexion aux professions paramédicales et mêmes aux auxiliaires de vie, notamment par le biais de la validation des acquis de l'expérience.

- En ce qui concerne les urgences, il faut incontestablement jeter les bases de nouvelles structures pour mieux répondre aux besoins de la population.

M. Pierre-Louis Fagniez a évoqué le titre IV du projet de loi modifiant la loi Huriet-Sérusclat afin de transposer la directive communautaire portant sur les recherches biomédicales. Cette loi de 1988 a eu un rôle très utile, notamment pédagogique, avec la notion de bénéfice individuel direct. Il faut toutefois aujourd'hui se demander quelles améliorations y apporter compte tenu du fait que les expérimentations ne sont plus uniquement des essais médicamenteux innovants sur des volontaires sains, souvent des étudiants en médecine, payés et soumis à de graves risques sanitaires, mais des recherches chirurgicales ou réanimatoires permettant d'obtenir des données opératoires ou épidémiologiques. Il faut définir une nouvelle règle applicable pour toutes les recherches et pas uniquement pour les médicaments innovants. Les sociétés savantes consultées se sont déclarées très satisfaites du toilettage de la loi Huriet réalisé par le projet de loi et de la création de la notion d'évaluation du bénéfice et du risque de la recherche. Il faut toutefois reconnaître qu'il y a plusieurs types de recherche, pouvant relever de procédures différentes. Ainsi les évaluations permettant de choisir les meilleures stratégies chirurgicales ou réanimatoires pourraient-elles relever d'une procédure allégée. Dans le même but de simplification des procédures, on peut se demander si le Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS), lequel relève de la tutelle conjointe des ministres de la santé et de la recherche, doit être conservé en l'état ou rattaché au nouveau dispositif créé par le projet de loi.

Après avoir relevé que ce projet de loi est très attendu et exhaustif, M. Jacques Domergue s'est demandé comment sera organisée la coordination entre la définition des objectifs de santé publique au niveau régional et l'attribution de moyens toujours effectuée au niveau départemental. La valorisation du rôle des DRASS pose également question compte tenu de la perspective de la création d'agences régionales de santé. Pour les mêmes raisons de risque de manque de lisibilité, il ne faut peut être pas mettre trop d'objectifs dans un même texte mais plutôt identifier et hiérarchiser quelques priorités annuelles.

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les informations suivantes :

- La création des groupements régionaux de santé publique constitue le moyen le plus simple de réunir différentes entités sans porter atteinte à leur identité. Les agences régionales de l'hospitalisation participeront au dispositif puisqu'elles appartiendront aux groupements. Il faut certes aller vers des agences régionales de la santé mais il est préférable de procéder par étapes car on ne peut pas faire les choses brutalement ni préjuger de la future organisation du système de santé avant l'aboutissement des concertations en cours au sujet de la réforme de l'assurance maladie.

- S'agissant de la santé mentale, un plan d'action concret sera mis en œuvre, hors le cadre du présent projet de loi car il s'agit d'un sujet très spécifique. Ce plan s'articulera sur quatre objectifs : préciser les contours et les acteurs du secteur, encourager les actions de prévention, notamment à destination des plus jeunes, encadrer les pratiques de psychothérapie et définir des principes d'évaluation et de formation continue.

- Concernant les modifications corporelles non réglementées, il serait possible de définir, dès cette loi de santé publique, une obligation d'information, pour faire suite par exemple aux recommandations concernant le tatouage et le piercing élaborées par le ministère.

- Il est tout à fait souhaitable de valoriser la validation des acquis dans le cadre de la formation des personnels paramédicaux.

- Un plan d'organisation des urgences est en cours de préparation au ministère, dans le cadre d'un groupe de travail piloté par le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. Ce plan permettra notamment de mieux relier les urgences hospitalières à l'amont (accueil, héliport) et à l'aval (lits de suite).

- La France peut se féliciter d'avoir adopté, quarante ans après Nuremberg, une loi de protection des personnes avec la loi Huriet. Cette loi connaît quelques limites avec le développement des recherches à caractère cognitif, par exemple sur des personnes ne pouvant pas exprimer leur consentement. Il faut donc effectivement adapter les procédures comme le suggère M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Dominique Paillé a fait les trois remarques suivantes :

- On peut craindre une volonté rampante d'étatisation du système lorsqu'on constate le rôle de l'Etat consacré par le projet de loi alors que la crise sanitaire de l'été a plutôt montré les risques de la centralisation et la nécessité d'une plus grande responsabilisation au niveau local.

- La région constitue certainement le niveau optimal pour traiter les questions sanitaires, notamment en termes de prévention, mais on peut s'interroger sur l'intérêt de superposer une nouvelle structure ne faisant pas disparaître celles déjà existantes car il y a un risque que ce qui se superpose se stratifie.

- Déterminer cent priorités dans la loi aboutit à n'en déterminer aucune et il serait plutôt souhaitable de restreindre son ambition pour mettre en œuvre efficacement les moyens permettant d'atteindre quelques objectifs prioritaires, comme la prévention en matière de santé mentale par exemple.

Après avoir rappelé que l'ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur ont estimé que la définition de la politique de santé publique relève de l'Etat mais qu'un problème de coordination demeurait au niveau régional, M. Bertho Audifax a proposé d'organiser la formation médicale continue autour de pôles hospitaliers régionaux. Réunir l'ensemble des médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les autres personnels paramédicaux, dans un lieu unique de formation et avec une évaluation, permettrait en effet de remédier au clivage public-privé qui continue de caractériser notre système de santé. Par ailleurs, le problème du cannabis, qui est particulièrement préoccupant à la Réunion, pourrait justifier le dépôt d'un amendement au projet de loi, comme l'a proposé M. Bernard Accoyer.

M. Jean-Marc Roubaud a indiqué qu'il n'était pas entièrement convaincu du bien-fondé de la création de groupements régionaux de santé publique (GRSP). Il serait dès lors souhaitable d'envisager la constitution d'une mission d'information parlementaire afin d'étudier les possibilités de réorganisation des structures existantes. Le rôle du préfet est, quoi qu'il en soit, crucial au moment de crises sanitaires graves, comme l'ont montré les évènements tragiques qui ont eu lieu dans le Gard.

En réponse aux intervenants, le ministre a donné les précisions suivantes :

- L'Etat doit réaffirmer son rôle de garant de la santé publique et avoir un coordonnateur efficace en région pour décliner au niveau régional le programme national de santé publique. Pour autant, il ne s'agit pas de se substituer aux différents opérateurs, mais de mieux distinguer les responsabilités de direction et de coordination, d'une part, et de mise en œuvre, d'autre part.

- S'il ne paraît pas possible de créer dès aujourd'hui des agences régionales de santé (ARS), le projet de loi permet néanmoins de réunir, au sein du GRSP, les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les unions régionales des caisses d'assurance-maladie (URCAM) ainsi que les unions régionales des médecins libéraux (URML). A terme, si ces différents acteurs parviennent à travailler ensemble, le GRSP pourrait donc préfigurer la mise en place des ARS dans le cadre de la modernisation de l'assurance-maladie, car c'est bien ce vers quoi il faut tendre.

- La hiérarchisation entre les objectifs de santé publique existe d'ores et déjà puisque le projet de loi identifie cinq thèmes prioritaires : la lutte contre le cancer, les risques liés à l'environnement, les maladies chroniques, les comportements à risque et conduites additives, les maladies rares.

- Parce que l'Etat n'a pas vocation à être le seul opérateur dans ce domaine, même s'il doit assumer ses responsabilités, il est par ailleurs nécessaire de bien préciser les responsabilités de chacun au niveau régional.

- La proposition visant à instituer des pôles régionaux hospitaliers se heurte à plusieurs difficultés : les médecins libéraux souhaitent décider de l'organisation de leur formation continue et ce dispositif nécessite par ailleurs d'être validé au niveau conventionnel. Il serait souhaitable que les professionnels de santé aient un cheminement de carrière progressif, fondé sur leur participation à la formation et à l'évaluation des pratiques professionnelles.

- S'agissant du cannabis, le Premier ministre a affirmé son intention d'engager la révision de la loi du 31 décembre 1970 dans les prochains mois. Des propositions devraient lui être présentées sur ce sujet à l'automne par le président de la mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies (MILT).

M. Jean-Marie Le Guen a souhaité savoir si des amendements au projet de loi seraient présentés par le gouvernement sur ce point.

Le ministre a répondu que ce ne serait pas le cas. En revanche, le gouvernement déposera des amendements tendant à répondre aux problèmes soulevés par la crise sanitaire de cet été.

Mme Catherine Génisson a souhaité que, à l'inverse du débat sur l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans, la question du cannabis fasse l'objet d'un débat global et approfondi dans le cadre de la révision de la loi du 31 décembre 1970 et ne soit pas traité incidemment lors de l'examen du présent projet de loi.

Soulignant la nécessité absolue de remédier à la dispersion des moyens et de mettre en place un système de coordination qui soit efficace en situation de crise, le ministre a conclu en indiquant que le diagnostic, éclatant aujourd'hui, avait déjà été dressé lors de l'élaboration du projet de loi et que le gouvernement est disposé à envisager sans a priori toutes les améliorations qui pourraient être apportées à ce texte par le Parlement.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que les différentes interventions, d'où qu'elles viennent, ne montraient pas de divergences profondes, preuve que des idées consensuelles peuvent émerger en matière de santé publique et pourraient faire l'objet de propositions communes.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de ses séances des 17 et 24 septembre 2003.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. René Couanau, président, a exprimé deux préoccupations sur les conceptions qui ont sous-tendu l'élaboration du texte.

La première concerne la conception de l'organisation de l'Etat reflétée par le projet de loi. Dans le domaine de la santé publique, peut-être encore plus qu'ailleurs, on assiste aujourd'hui à une « balkanisation » de cette action, à la suite d'une multiplication des institutions et des structures qui dilue et éparpille les responsabilités. Dans ce contexte, la création du GIP régional n'est pas une bonne chose car ce groupement confond une nouvelle fois les fonctions de commandement, de mise en commun des moyens et de coordination des actions. Où sera le chef ? La loi affirme les compétences de l'Etat et de son représentant dans la région, le préfet, mais, sur le terrain, qui conduira réellement l'action du GIP ? Le risque de fractionnement de l'action de l'Etat est donc encore accru.

La deuxième interrogation porte sur le nouvel institut de formation. On peut craindre que l'on soit ici tombé dans un effet de mode. La création de cet organisme semble justifiée par la nécessité de créer une tête de réseau. Mais, qu'est-ce qu'un réseau ? Que signifie la mise en place d'un tel réseau en termes de budget, de fonctionnement, de personnel et de direction ? S'il s'agit de transformer l'actuelle ENSP en « tête de réseau », de quel réseau parle-t-on ?

Sans mettre en cause le contenu même du projet de loi, il semble donc que le législateur ne puisse s'abstenir de réfléchir à ces questions et de s'interroger sur la conception de l'Etat - et de la décentralisation - reflétée par ce texte.

Le rapporteur a reconnu toute l'importance de la question posée par M. René Couanau mais a souligné le caractère novateur du texte qui constituera la première loi complète de santé publique adoptée en France. Son but est avant tout de mettre de l'ordre dans une organisation très compliquée et de simplifier les structures et les mécanismes. Son ambition est d'affirmer le rôle premier de l'Etat en la matière : la santé publique relève de l'Etat qui a en charge l'amélioration du bien-être de la population.

Par ailleurs, les systèmes d'alerte doivent être améliorés et l'on peut compter sur les membres de la mission d'information sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule présidée par M. Denis Jacquat pour faire des propositions d'amendements en ce sens.

M. Jean-Luc Préel s'est tout d'abord félicité de la présentation de ce texte novateur qui propose de véritables améliorations du système de santé publique et place enfin la prévention et l'éducation à la santé à leur juste place. Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- En matière de prévention, les lacunes du système français s'expliquent en grande partie par le trop grand nombre d'intervenants qui agissent chacun de leur côté sans coordination, ce qui a conduit à un véritable éclatement des moyens. Ceux-ci sont habituellement évalué à environ 3 % des dépenses de santé. En réalité, ils sont plus élevés (de l'ordre de 9 milliards d'euros) car, bien souvent, une intervention au titre du soin comprend également des actions de prévention. C'est pour cela que la séparation du curatif et du préventif effectuée par le texte est considérée par les membres du groupe UDF comme une incompréhension du système de santé.

- Le projet de loi semble animé par une volonté de recentralisation qui pose un véritable problème.

- Le fait de présenter cent objectifs détaillés et chiffrés est certes intéressant mais également très dangereux car, sur bien des points, il sera vraisemblablement difficile de rendre des comptes au bout du délai de cinq ans prévu par le texte. Qu'en sera-t-il, par exemple, de la volonté de réduire de 30 % l'exposition des citadins à la pollution ?

- Le texte reflète également une conception très épidémiologique de la santé publique, alors que les critères « populationnels » sont également très utiles, notamment en matière de prévention.

- Le projet est muet sur les modalités de recueil et de validation des données, alors que la France manque aujourd'hui cruellement d'instruments efficaces en la matière.

- Le rapporteur propose la suppression des conseils régionaux de santé au profit de la restauration des conférences régionales et nationale de santé. Or, l'expérience a montré la faible utilité de ces grandes messes, souvent intégralement préparées à l'avance et qui ne permettent pas de véritables échanges.

- Confier au préfet la responsabilité de la prévention est une grave erreur et le groupe UDF déposera des amendements pour substituer les ARH au représentant de l'Etat.

- Les relations mises en place par le texte entre l'INPES et les organismes membres de la Fédération nationale des comités d'éducation pour la santé (FNES) ne sont pas claires. Pour qu'une politique de prévention soit efficace, elle doit disposer d'acteurs sur le terrain. Or, pour remplir ce rôle, les délégués régionaux de l'INPES semblent bien moins adaptés que les comités départementaux et régionaux d'éducation pour la santé publique (CODES et CRES) fédérés dans la FNES.

- La mise en place de l'Institut national du cancer qui pourra recevoir dons et legs du public ne menace-t-elle pas l'avenir d'associations comme la Ligue nationale contre le cancer ou l'ARC ?

- La France a incontestablement besoin d'une grande école de santé publique mais la définition de ses missions doit être précisée. Il conviendrait notamment de mieux distinguer les formations des directeurs d'hôpitaux, des cadres hospitaliers et des chercheurs-épidémiologistes.

- Il est regrettable que le projet de loi ne rende pas la formation médicale continue obligatoire, ne prévoit pas son financement et son évaluation et ait « oublié » la formation continue des médecins hospitaliers.

- Enfin, les mesures prévues en matière de saturnisme apparaissent comme très volontaristes mais ne semblent pas avoir fait l'objet d'une concertation préalable. Elles inquiètent beaucoup les associations de copropriétaires et les agents immobiliers car elles créent des obligations très lourdes pour un danger sanitaire certainement surestimé.

M. Yves Bur s'est réjoui que la santé publique soit enfin consacrée comme une véritable priorité politique. La santé publique relève en effet des missions régaliennes de l'Etat, même si celui-ci n'est pas le seul à la piloter. En cela, il est faux de dire que le texte procède à une recentralisation puisque la politique de santé publique n'a jamais été décentralisée.

La volonté du rapporteur d'instaurer plus de « démocratie sanitaire » que n'en permettent les structures proposées par le projet de loi est bonne mais la suppression des conseils régionaux de santé instaurés par la loi du 4 mars 2002 est néanmoins regrettable, car par le passé les conférences régionales et nationale de santé n'ont pas permis de véritables échanges et se sont transformées en grandes messes entièrement préparées à l'avance. Au côté des organes décisionnels, il semble important de mettre en place, sur le modèle des conseils économiques et sociaux régionaux, une structure permettant de rapprocher les différents acteurs et d'organiser le débat sur l'ensemble des questions relatives à la santé publique. Les missions des conférences régionales et nationale de santé devront donc être précisées dans ce sens et à cette fin les moyens mis à leur disposition renforcés.

M. Jean-Marie Le Guen, après avoir affirmé que les députés socialistes souhaitent examiner ce texte important hors de tout esprit de polémique malgré le contexte particulier dans lequel il est discuté, a exprimé sa perplexité face au projet de loi qui est aujourd'hui présenté. En effet, après plusieurs mois de travail - fort riche, il faut le souligner - au sein de la commission, l'opinion du groupe socialiste ne s'est pas infléchie. Il s'agit d'un mauvais projet qui, sur un sujet particulièrement important, va le plus souvent à l'encontre de ce qu'il aurait fallu faire. Cette médiocrité s'explique notamment par le fait que sa préparation n'a donné lieu à aucun travail collectif : ses dispositions résultent essentiellement des arbitrages d'un petit groupe d'experts. Il s'agit également d'un texte « mesquin » qui reflète un volonté de réécrire et d'effacer le loi du 4 mars 2002, à laquelle les parlementaires de tous les groupes sont pourtant très attachés. Les députés socialistes sont donc déçus car ils souhaitent réellement parvenir à l'adoption d'un texte positif en matière de santé publique et ne veulent pas faire de ce débat l'occasion d'attaques systématiques contre le gouvernement.

En outre, alors qu'il était initialement annoncé comme une loi de programmation, le projet de loi ne prévoit aucun financement, ce qui paraît pour le moins problématique. Surtout, il existe des divergences profondes quant à la philosophie générale du texte et au rôle qu'il accorde à l'Etat. Ce projet relève en effet d'une conception très étatiste de l'organisation du système de santé, en ce qu'il procède tout à la fois à une reconcentration et à une recentralisation.

S'agissant de la simplification de l'organisation nationale, on ne peut que s'interroger sur les raisons de la fusion du Haut conseil de la santé, instance stratégique de réflexion, et du Conseil supérieur de l'hygiène publique, qui intervient sur des problèmes plus techniques, tels que la vaccination.

Il en va de même concernant la fusion du Comité national de sécurité sanitaire, compétent en matière de gestion de crise, et du Comité technique de prévention, qui a vocation à harmoniser les différentes orientations dans ce domaine. Dès lors, le directeur de la nouvelle instance sera-t-il un technicien de l'urgence ou bien un appui à la réflexion stratégique ? En définitive, ces projets de réorganisation nationale paraissent assez aberrants.

Enfin, l'institution d'un groupement d'intérêt public (GIP) au niveau régional conduira évidemment à réétatiser la politique publique de la santé.

Ce projet de loi soulève par ailleurs une série de questions :

- Est-il prévu d'embaucher les personnels nécessaires à la mise en œuvre de ce dispositif ?

- Quel sera le rôle des unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) et surtout de l'assurance maladie en général dans ce nouveau dispositif étatiste ?

- De quelle façon et selon quelle méthode les priorités de santé publique ont-elles été définies ?

Le projet de loi comporte toutefois des mesures positives, concernant en particulier la lutte contre les infections nosocomiales en médecine de ville, la lutte contre le saturnisme ou encore le renforcement de la médecine du travail.

En conclusion, tous les amendements sont les bienvenus pour sortir par le haut de la situation actuelle, mais il n'est pas possible d'approuver en l'état la philosophie et l'architecture du projet de loi s'il n'est pas profondément modifié.

M. Bernard Perrut a jugé ces critiques abusives, en soulignant que le précédent gouvernement n'avait pas avancé autant de propositions dans le domaine de la santé publique.

Le projet de loi permet tout d'abord de donner les moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de santé publique. Il n'est donc pas choquant qu'à travers le préfet, les compétences de l'Etat, qui doit assumer ses responsabilités, soient renforcées. Le projet permet d'autre part de renforcer significativement le rôle du Parlement.

Plusieurs points méritent cependant d'être précisés :

- Qui assumera la direction du groupement régional de santé publique ?

- La création de l'Institut national du cancer ne risque-t-elle pas de freiner les efforts des associations ?

- Des actions concrètes de lutte contre le tabac et l'alcool, hormis les mesures de taxation supplémentaire, sont-elles envisagées ?

- Quels seront les moyens attribués à la mise en place de ces objectifs dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale ?

M. Bernard Accoyer a fait les remarques suivantes :

- Il convient de réfléchir au rôle concret et efficace joué par les départements à l'heure actuelle en matière de santé publique et de ne pas le remettre en cause dans le cadre de la régionalisation proposée par le projet de loi. De même, toutes les associations et notamment celles de lutte contre l'alcoolisme qui sont très actives, doivent être systématiquement associées aux groupements régionaux de santé publique.

- La philosophie générale du texte permet de dépasser la seule mise en œuvre d'une politique financière d'assurance maladie et de mettre en place une réelle politique de santé publique.

- Certaines priorités du texte peuvent être hiérarchisées. Il convient ainsi de se donner les moyens de lutter contre la souffrance psychique et de favoriser la prise en charge de la santé mentale. Une mesure rapide à mettre en œuvre pour garantir la sécurité sanitaire des psychothérapies serait de combler le vide juridique existant en matière d'encadrement des pratiques professionnelles, qui peuvent conduire à des dérives sectaires, financières voire sexuelles. Un amendement sera proposé en ce sens.

- Alors que la France détient le record mondial de consommation de cannabis par les jeunes, il est important de prévoir une information à destination des parents et des jeunes sur l'usage des drogues. Les effets de la prise de ces substances sont aujourd'hui connus et incontestés au plan scientifique, tant en ce qui concerne les comportements dangereux que les risques de cancer ou les conséquences sur la santé mentale en cas de prédispositions à de la schizophrénie conduisant souvent à des suicides.

- Une information devrait également être rendue obligatoire préalablement à l'exercice de certains actes de modification corporelle non réglementés comme le piercing ou le tatouage.

- Des réponses sont à apporter aux professions paramédicales qui souhaitent une meilleure prise en compte de leurs acquis dans le cadre de la formation professionnelle.

M. Claude Evin a rappelé qu'il y a un consensus sur la responsabilité de l'Etat en matière de santé publique mais que l'organisation sanitaire proposée peut être discutée. Le système de santé est aujourd'hui marqué par une très forte balkanisation, comme l'a justement indiqué M. René Couanau, résultant de son histoire et de son fonctionnement institutionnel. Le cloisonnement des systèmes d'alerte explique ainsi en partie la crise sanitaire de l'été.

Or, la mise en place d'une nouvelle structure, sous la forme d'un groupement régional, risque d'accroître cette tendance et d'aller contre le sens de l'histoire. Le projet de loi crée en effet autre chose sans regrouper les différentes administrations concernées, comme cela avait déjà été le cas avec le plan Juppé créant les agences régionales de l'hospitalisation sans tenir compte des DRASS. On ne peut pas dire, comme le prétend le ministre, qu'il s'agit d'aller progressivement vers la création d'agences régionales de santé, devant d'ailleurs également assurer la gestion conventionnelle de la médecine ambulatoire, car on crée une nouvelle structure de santé publique sans regrouper l'existant. Il faut rappeler à cet égard que les agences sanitaires se sont créées à partir de structures ministérielles préexistantes.

Enfin, il est contestable de créer une nouvelle école de santé publique à partir de l'actuelle ENSP en la sortant du code de la santé publique.

M. Maxime Gremetz a déploré le débat d'experts qui se tient sur le projet de loi, avec l'usage à profusion de sigles, alors qu'il importe avant tout de faire comprendre la politique de santé publique à tous nos concitoyens. Il est également fort regrettable d'examiner ce texte dans la précipitation après la crise sanitaire de l'été, sans pouvoir réellement prendre en compte ce qui est arrivé aux Français et essayer d'y remédier. On risque ainsi de déterminer un nouveau schéma organisationnel encore plus compliqué que celui existant aujourd'hui qui a pourtant empêché la remontée d'informations.

Le groupe communiste partage le diagnostic du ministre sur la nécessité de fixer des priorités de santé publique et sur le constat d'un grand retard de notre pays dans ce domaine. Pour autant, on peut déjà critiquer l'organisation retenue, qui poursuit encore l'étatisation de la santé mise en œuvre par le plan Juppé, avec des préfets sanitaires, les directeurs d'ARH ne rendant de comptes à personne. Le groupe communiste propose au contraire de créer un véritable organe national spécifique de prévention en matière de santé publique, intégrant la médecine du travail et la médecine scolaire qui concernent des millions de Français.

Pour que tous les acteurs de terrain puissent réellement s'exprimer au niveau régional, il ne faut pas se contenter de créer des agences technocratiques faisant appel à des experts mais il faut instituer un conseil regroupant toutes les parties intéressées (élus, syndicats, Etat). Surtout, il ne faut pas séparer ceux qui réfléchissent et ceux qui financent. Ce n'est que dans ces conditions que les conférences régionales de santé pourront être une bonne chose et pas uniquement des grandes messes comme aujourd'hui.

Mme Martine Billard a considéré qu'il est nécessaire d'avoir des experts en matière de santé publique pour aider à définir les priorités sanitaires mais que ceux-ci doivent être associés à tous les autres acteurs au sein des différentes structures. On peut toutefois regretter la reconcentration opérée au profit du préfet.

On peut également se demander s'il y a une réelle volonté de développer la prévention car aucune des causes des risques sanitaires n'est réellement prise en compte. En effet, les objectifs figurant en annexe au projet de loi s'apparentent ainsi à des vœux pieux, comme dans certaines conférences internationales où on se promet de réduire la pollution ou la pauvreté dans les trente ans à venir. Les facteurs d'exposition aux risques ne sont pas traités : pesticides, éthers de glycol, adjuvants alimentaires, abus de sucre et de sel dans les produits alimentaires, agents cancérigènes et toxiques dans les milieux du travail. De surcroît, on ne sait pas quels sont les plans d'action derrière les objectifs louables affichés. Enfin, il n'y a quasiment aucune disposition sur la santé au travail et le plan cancer proposé est bien plus curatif que préventif.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que les critiques sur la complexité d'un dispositif proposé par les seuls experts ne sont pas justifiées en ce qui concerne notamment le titre IV du projet de loi, lequel a fait l'objet d'un vaste travail collectif auquel ont participé des associations de malades, des sociétés savantes ainsi que l'Académie de médecine. Le niveau régional est valorisé avec le rôle renforcé des comités régionaux de protection des personnes, comprenant des représentants des associations de malades et pas seulement des experts.

Il importe pourtant d'alléger le travail de ces comités car il y a un risque que beaucoup de protocoles de recherches leur soient soumis. Tout en respectant la directive communautaire transposée, il devrait être possible de mettre en place des procédures allégées pour certains protocoles, afin de garantir de meilleures conditions de travail aux comités régionaux, et partant une meilleure qualité des études réalisées.

M. Marc Bernier a déclaré que les cent objectifs de santé publique contenus dans le rapport annexé au projet de loi résultent de discussions menées pendant plus d'un an avec des experts, le groupe technique national de définition des objectifs composé de sociétés savantes, et constituent une véritable mine d'or pour la réflexion. Ces objectifs doivent être entendus comme des indicateurs, des marqueurs de la situation sanitaire du pays. De fait, trois axes principaux doivent guider l'action menée en faveur de la santé publique en France : la baisse de la morbidité, l'amélioration de la qualité de vie et la réduction des inégalités face à la santé. La mortalité prématurée est particulièrement élevée dans notre pays. Selon M. Tubiana, professeur en santé publique, 50 % des décès avant 65 ans (dont 35 % résultent de morts violentes) seraient évitables si de réelles actions de prévention étaient entreprises en direction de cette population.

M. René Couanau, président, a souligné l'importance et la qualité des consultations menées par le rapporteur avant l'examen du texte.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a déclaré que trois points essentiels ressortent de la discussion :

- Tous les intervenants ont évoqué le rôle premier dévolu à l'Etat par la projet de loi en matière de politique de santé publique. Cette centralisation, que certains ont dénoncée, est en réalité indispensable car la politique de santé doit relever de l'Etat qui est garant du bien-être de la population. Mais si l'Etat est décideur, la région est au cœur du dispositif dans la mesure où elle constitue le point d'équilibre entre l'Etat et le terrain. Le préfet n'est donc pas « omniacteur » mais bien plutôt celui qui met en relation l'ensemble des acteurs.

- En ce qui concerne les conférences régionales, il ne s'agit pas de les rétablir telles qu'elles ont été instituées par les ordonnances de 1996 mais bien plutôt de les adapter en en faisant des organes de consultation efficaces et permanents et non pas des grandes messes d'un jour.

- Le financement de la politique de santé publique sera discuté lors de l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En tout état de cause, le dispositif est financé par l'assurance maladie qui, à moyen terme, retirera de cette réforme un bénéfice important dans la mesure où l'effort porté sur la politique de prévention devrait conduire à la réalisation d'importantes économies. Pour ce qui est des moyens en personnel, la réforme se fait par redéploiement des effectifs existants.

Ce texte constitue donc un réel progrès puisque pour la première fois, la politique de santé publique est prise en compte de manière globale. Le but de ce projet de loi n'est pas de défaire ce qui a été fait mais plutôt d'en tenir compte tout en améliorant le fonctionnement des institutions. Les événements de cet été ont mis en évidence les défaillances coûteuses en vies humaines de notre système de santé publique. Concernant spécifiquement les dysfonctionnements des mécanismes d'alerte sanitaire, les travaux de la mission d'information sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule devraient apporter des éléments de réponse qui seront intégrés au projet de loi par voie d'amendements.

 

N° 1092 - Rapport sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique (M. Jean-Michel Dubernard)

1 Définition donnée par le dictionnaire Robert

2 Article 2 de la loi n°2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003

3 Loi n 88-1138  du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

4 Rapport de M. François Lemaire au ministre de la santé sur « la protection des personnes qui se prêtent à la recherche médiale : de la loi Huriet à la directive européenne », novembre 2002.

5 iatrogène : se dit des manifestations pathologiques dues à un acte médical

6 L'OMS définit la promotion de la santé comme le processus qui consiste à habiliter les personnes à accroître leur contrôle sur leur santé et à améliorer celle-ci.

7 Décret du 3 décembre 1991

8 Cf. rapport de M. Bertho AUDIFAX, député, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de résolution (n° 811) de MM. Jean-Marie LE GUEN, Jean-Marc AYRAULT, et plusieurs de leurs collègues, tendant à créer une commission d'enquête sur le dispositif français et la coopération internationale en matière de veille sanitaire et notamment de lutte contre la pneumonie atypique (n° 1013).

9 « La santé dans le monde - 2000 », rapport de l'OMS.

10 Rapport annuel 2003

11 Avis rendu sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique

12 Rapport 2002 et travail préparatoire au projet de loi

13 On pourra utilement se reporter au numéro thématique du Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut de veille sanitaire, « La mortalité prématurée en France » (BEH n°30-31/2003, le 8 juillet 2003))

14 Mortalité prématurée : ensemble des décès survenus avant l'âge de 65 ans.

15 Mortalité évitable : décès attribuables à une cause qui aurait pu être prévenue. Morbidité évitable : pathologie imputable à une cause qui aurait pu être prévenue.

16 « Les Inégalités sociales de santé », ouvrage collectif de l'INSERM, 2000.

17 L'éducation à la santé (ou « pour la santé ») est l'un des moyens de la promotion de la santé ; ce moyen, selon la Charte d'Ottawa de 1986 « permet aux gens d'exercer un plus grand contrôle sur leur propre santé et de faire des choix favorables à celle-ci. Cette démarche doit être accomplie à l'école, dans les foyers, au travail et dans le cadre communautaire ».

18 In « La mortalité prématurée en France » (BEH n°30-31/2003, le 8 juillet 2003)

19 Définition donnée dans le rapport du Haut comité de santé publique in « Recueil des principaux problèmes de santé en France » (décembre 2002)

20 La dépense courante de santé mesure l'effort financier au cours d'une année consacré à la santé par la totalité des agents.

21 Conseil d'Etat, Rapport public annuel de 1991, « La sécurité juridique »

22 Conseil d'Etat, Assemblée, M. Rouquette, Mme Lipietz et M. du Besset, 5 mars 1999.

23 Rapport sur le projet de loi d'orientation en santé publique (Tubiana, Milhaud, Dubois).

24 Rapport d'information n°714 de la mission d'information sur l'organisation interne de l'hôpital, présenté par M. René Couanau, député

25 « Faits marquants », CNAMTS, édition 2003.

26 Discours du ministre de la santé, de la famille et des personnes âgées lors de la remise du rapport de la commission d'orientation sur le cancer

27 Conférence de presse lors de la remise du rapport public de l'IGAS 2003

28 Rapport annuel 2003

29 Avis rendu sur le projet de loi

30 Rapport 2002 et travail préparatoire au projet de loi

31 Rapport d'expertise collective de l'INSERM, « Plomb dans l'environnement : quels risques pour la santé ? », janvier 1999.

32 Rapport au ministre de la santé de Brigitte Moissonnier sur « L'application de l'article L. 11334-5 du code de la santé publique », septembre 2001.

33 Rapport au ministre de la santé de Véronique Ponchet de Langlade, « Lutte contre le saturnisme. Les associations. », mai 2002.

34 Rapport au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées du groupe de travail, présidé par Mme Dominique Laurent, Conseiller d'Etat, sur la formation médicale continue des médecins libéraux, novembre 2002.

35 Article L. 1121-1 du code de la santé publique.

36 Directive n° 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le rapprochement de dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain.

37 En particulier, le rapport de M. François Lemaire au ministre de la santé sur « la protection des personnes qui se prêtent à la recherche médiale : de la loi Huriet à la directive européenne » (novembre 2002) et le rapport d'information de M. Claude Huriet, sénateur, sur « le fonctionnement des CCPPRB » (avril 2001).

38 En particulier, le rapport de M. François Lemaire au ministre de la santé sur la protection des personnes qui se prêtent à la recherche médiale (novembre 2002) et le rapport d'information de M. Claude Huriet, sénateur, sur le fonctionnement des CCPPRB (avril 2001).


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