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le 18 février 2004

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N° 1425

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1015), autorisant la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, telle qu'amendée à plusieurs reprises et coordonnée par le protocole du 27 juin 1997, fait à Bruxelles le 8 octobre 2002,

PAR M. PAUL QUILÈS,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LES RAISONS MOTIVANT L'ADHÉSION DE LA COMMUNAUTÉ
    EUROPÉENNE À « EUROCONTROL »
7

II - LE CONTENU DU PROTOCOLE 11

CONCLUSION 14

EXAMEN EN COMMISSION 16

ANNEXE : Déclaration de compétence de la Communauté européenne 18

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi (n° 1015) autorisant la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960. La convention dite « Eurocontrol » a, elle-même, fait l'objet d'une refonte de caractère technique par le biais d'un protocole adopté à Bruxelles le 27 juin 1997. La Commission des Affaires étrangères a été saisie de ce protocole le 5 mars 20031 et sa ratification a été autorisée par la loi n° 2003-379 du 24 avril 2003. La France a déposé l'instrument de ratification de ce protocole le 8 septembre dernier auprès des autorités belges.

La République française doit aujourd'hui approuver un nouveau protocole autorisant la Communauté européenne à adhérer directement à l'organisation « Eurocontrol ». Celle-ci joue en effet un rôle prépondérant dans le domaine de la navigation aérienne européenne par l'édiction de prescriptions techniques entre Etats, la gestion des flux de trafic, la définition de routes aériennes ainsi que la coordination entre les systèmes de navigation mis en œuvre par les différents Etats. Compte tenu des compétences de la Communauté européenne en la matière, son adhésion est logique et doit permettre de renforcer le mouvement d'harmonisation des réglementations et des pratiques dans le secteur aérien.

I - LES RAISONS MOTIVANT L'ADHÉSION DE LA
COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE À « EUROCONTROL »

· Chronologie

Lors des négociations entreprises pour moderniser la convention « Eurocontrol » de 1960, la possibilité d'une adhésion directe de la Communauté européenne a été évoquée en raison de ses compétences en matière de transport aérien. Le Conseil européen a retenu le principe d'une telle adhésion par une décision du 17 juin 1997. Le protocole d'adhésion de la Communauté européenne a été négocié au cours de l'année 1999, mais sa signature a été retardée en raison du différend entre l'Espagne et la Grande-Bretagne au sujet de l'aérodrome de Gibraltar.

L'Espagne considère en effet qu'elle n'est pas en mesure de vérifier l'application des dispositions communautaires pour cet aérodrome du fait de « l'occupation territoriale » du Royaume-Uni. Malgré les efforts de la Commission et de la présidence du Conseil, la négociation s'est trouvée bloquée jusqu'au début de l'année 2002, car la Communauté ne pouvant s'engager sur des querelles de souveraineté, de nombreuses décisions n'aient pu être prises. Une rédaction de compromis ayant été trouvée à la fin du premier semestre 2002, le protocole d'accord a pu être signé le 8 octobre 2002.

· Périmètre d'Eurocontrol

A l'heure actuelle l'organisation Eurocontrol regroupe trente et un Etats dont les quinze membres de l'Union européenne. Six des dix nouveaux pays de l'Union font par ailleurs d'ores et déjà partie « d'Eurocontrol » et la Pologne, qui a signé la convention, est en train de la ratifier. Les trois Etats baltes sont pour leur part membres de la Conférence européenne de l'aviation civile, instance de coordination avec l'ensemble « Eurocontrol ». Ils n'ont, pour l'instant, pas entrepris les démarches pour adhérer à l'organisation.

Le schéma figurant sur la page suivante montre de quelle manière s'articule l'ensemble « Eurocontrol », l'Union européenne et la conférence européenne de l'aviation civile.

CEAC (41 Etats)

EUROCONTROL (31 Etats)

Union Européenne

et EEE

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Irlande

Italie

Luxembourg (*)

Pays-Bas

Portugal

Royaume-Uni (*)

Suède

+

Norvège (EEE)

Albanie

Bulgarie

Chypre

Croatie

FYROM

Hongrie

Malte

Moldavie

Monaco (*)

République Slovaque

République Tchèque

Roumanie

Slovénie

Suisse

Turquie

Arménie

Azerbaïdjan

Bosnie-Herzégovine

Estonie

Islande

Lettonie

Lituanie

Pologne (*)

Ukraine

FYROM : ancienne république yougoslave de Macédoine

Les Etats signalés en gras sont les membres d'Eurocontrol devant prochainement rejoindre l'Union européenne

Les Etats signalés en italique ont fait acte de candidature auprès d'Eurocontrol

(*) Les Etats signalés par un astérisque doivent ratifier le protocole de manière imminente

· Compétences de la Communauté européenne entrant dans le champ d'Eurocontrol

Depuis l'Acte unique européen (1987), la Communauté européenne a acquis des compétences dans de nombreux domaines du transport aérien portant sur la concurrence entre les compagnies aériennes, les normes de sécurité et la protection de l'environnement.

A ce titre, elle a édicté une série de normes dans les domaines suivants :

- Instauration d'un système de compensation pour refus d'embarquement (1991) ;

- Acceptation mutuelle des licences du personnel pour exercer des fonctions dans l'aviation civile (1991) ;

- Accès au marché des transports aériens, tarifs des transporteurs, systèmes informatisés de réservation (1992) ;

- Enquêtes sur les accidents et les incidents graves dans l'aviation civile (1994) ;

- Attribution des créneaux horaires sur les aéroports (1995) ;

- Réglementation du marché de l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (1996) ;

- Sécurité du transport aérien (premier règlement en 1991), avec en particulier la création d'une Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), compétente pour la certification des aéronefs (2002) ou encore les comptes rendus d'événements dans l'aviation civile (2002) ;

- Édiction des mesures de sûreté sur les aéroports (2002) ;

- Protection de l'environnement, avec en particulier des directives sur le retrait des avions bruyants (2002), et sur la mise en œuvre de mesures de protection de l'environnement aux alentours des aéroports ;

- Adoption d'un mandat de négociation avec les Etats-Unis concernant les droits commerciaux réciproques des transporteurs aériens nord-américains et communautaires (2003) ;

- Responsabilité des transporteurs aériens en cas d'accident et, en particulier, adhésion à la Convention de Montréal sur la responsabilité des transporteurs aériens ;

- Recueil de données statistiques relatives au transport de passagers, fret et poste par voie aérienne (2003).

Enfin, le paquet « ciel unique européen », qui comporte quatre règlements, a été définitivement adopté par le Parlement européen le 28 janvier 2004 et par le Conseil le 2 février 2004. Il prévoit notamment la création d'une région unique d'information de vol en espace aérien supérieur (à plus de 5 700 mètres d'altitude), subdivisée en blocs d'espaces aériens fonctionnels déterminés sans considération des frontières nationales dans un but de meilleure efficacité. Il confie en outre à la Commission le soin d'adopter les règles d'établissement des routes aériennes et des secteurs du contrôle aérien. Dans ce cadre, la Commission devra vérifier les modalités de gestion par les Etats de l'espace aérien dévolu à l'entraînement militaire.

Dans tous ces domaines, il importe d'éviter que la réglementation mise en place au niveau communautaire ne soit contraire à celle en vigueur dans le cadre d'Eurocontrol. Il est donc logique que la Communauté adhère directement à cette organisation, afin de permettre le développement de synergies et la mise en œuvre d'une politique cohérente dans le secteur aérien.

II - LE CONTENU DU PROTOCOLE

Les articles 1 à 3 du protocole prévoient l'adhésion de la Communauté européenne à la convention « Eurocontrol ». Cette adhésion a lieu « dans le cadre de la compétence » de la Communauté portant sur les services de navigation aérienne de route et sur les services connexes d'approche dans les limites territoriales de la Communauté. En outre, l'aérodrome de Gibraltar est exclu de l'application du protocole, tant que le différend entre l'Espagne et le Royaume-Uni n'est pas résolu.

L'article 4 prévoit que la Communauté européenne ne contribuera pas financièrement à l'organisation « Eurocontrol ». Cette exonération est justifiée par le fait que l'adhésion de la Communauté à l'organisation est financièrement neutre, puisqu'elle ne modifie pas sa charge de travail. Par ailleurs, la clé de répartition entre les Etats, fondée sur leur PIB et le niveau d'utilisation de l'espace aérien européen, est équitable et ne fait pas l'objet de contestations. A titre d'information, pour 2004, la contribution française est de 57,3 millions d'euros sur un total de 339,7 millions d'euros ; viennent ensuite l'Allemagne (56,3 millions d'euros), le Royaume Uni (52,3 millions d'euros), l'Italie (35,5 millions d'euros), l'Espagne (29,5 millions d'euros) et les Pays-Bas (10,2 millions d'euros).

L'article 5 autorise la Communauté européenne à prendre part aux travaux de tous les organes d'Eurocontrol traitant des questions relevant de sa compétence, à l'exception des organes chargés de fonctions d'audit. L'article 6 définit pour sa part le régime du droit de vote de la Communauté européenne. Dans les domaines relevant de la compétence exclusive de la Communauté, la Commission coordonnera la position des Etats membres et elle parlera et votera en leur nom. Elle détiendra alors le nombre de voix cumulé détenu par les Etats membres au sein de l'organisation « Eurocontrol ».

L'article 7 précise pour sa part que les compétences exercées par la Communauté au nom des Etats membres font l'objet d'une déclaration générale, complétée par des déclarations particulières ultérieures. Cette déclaration2 reprend les compétences relevant du paquet « ciel unique européen » en matière de normes, de recherche et de régulation du trafic. L'article 8 renvoie au mécanisme de règlement des différends prévu par la convention « Eurocontrol ».

Enfin, les articles 9 à 12 règlent les dispositions finales relatives à l'entrée en vigueur du protocole et à son application à de nouveaux Etats membres. L'adhésion d'Etats membres de la Communauté européenne à « Eurocontrol » vaudra ainsi automatiquement approbation du présent accord. Pour entrer en vigueur, il doit en outre avoir été approuvé par l'ensemble des Etats membres de la Communauté. Le Conseil européen a néanmoins décidé le 14 juin 2002 d'appliquer de manière anticipée les articles 1 à 7 du protocole. Il importe donc d'approuver rapidement ce texte, afin de mettre le droit en conformité avec la situation existante.

CONCLUSION

L'adhésion de la Communauté européenne à la convention « Eurocontrol » constitue incontestablement un progrès pour la sécurité aérienne ainsi qu'un facteur d'harmonisation des réglementations et des pratiques. Pour cette raison, votre Rapporteur propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 11 février 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1015).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1015).

ANNEXE

Déclaration de compétence de la Communauté européenne pour les questions couvertes par la Convention Eurocontrol

Conformément aux articles pertinents du traité CE, tels qu'interprétés par la Cour de justice des Communautés européennes, la présente déclaration indique les compétences de la Communauté européenne pour les questions couvertes par la Convention Eurocontrol.

A - Principes généraux

1 - L'exercice des compétences que les Etats membres ont transférées à la Communauté conformément au traité CE est, par nature, susceptible d'évoluer en permanence. Dans le cadre du traité, les institutions compétentes peuvent prendre des décisions qui déterminent l'étendue des compétences de la Communauté européenne. La Communauté européenne se réserve dès lors le droit de modifier la présente déclaration en conséquence, sans que cela constitue un préalable à l'exercice de ses compétences au sein d'Eurocontrol.

2 - En ce qui concerne Eurocontrol, seules les compétences externes de la Communauté européenne sont d'application. Il s'ensuit que, sauf si les institutions compétentes décident expressément d'exercer directement une compétence externe sur la base du traité dans un domaine déterminé, la Communauté européenne détient une compétence exclusive seulement dans la mesure où sa législation interne est affectée par des accords internationaux ou d'autres règles établies dans le cadre de la coopération internationale3.

B - Compétences exercées par la Communauté européenne

1 - Domaines de compétence dans le domaine de la gestion de la circulation aérienne

a) Normalisation : il s'agit de l'harmonisation des spécifications techniques en général et de celles relatives à l'équipement et aux systèmes utilisés pour la fourniture de services de trafic aérien en particulier (articles 95, ex-article 100 A et 80 ex-article 84 du traité CE).

Dans ce domaine, les instruments juridiques les plus importants adoptés par la Communauté européenne sont le règlement (CEE) n° 3922/914 et les directives 93/65/CEE5 et 98/34/CE6.

b) Politique en matière de recherche et de développement technologique (articles 163 ex-article 130 F à 173 ex-article 130 P du traité CE).

Dans ce domaine, les instruments juridiques les plus importants adoptés par la Communauté européenne sont actuellement les décisions 99/182/CE7, 99/168/CE8 et 99/169/CE9. Il s'agit principalement de la recherche fondamentale (universités, instituts de recherche) ainsi que de la recherche et du développement technologique en matière d'aéronautique et de télématique, y compris les systèmes de gestion de la circulation aérienne et les équipements.

c) Réseaux transeuropéens (articles 154 ex-article 129 B à 156 ex-article 129 D du traité CE) : sont inclus les transports, les télécommunications et l'énergie, le but étant d'assurer l'interopérabilité et la compatibilité des réseaux nationaux au moyen d'une planification collective, de mesures d'incitation financières et de normes d'interopérabilité.

Dans ce domaine, les instruments juridiques les plus importants adoptés par la Communauté européenne sont la décision 1692/96/CE10 et le règlement (CE) n° 2236/9511 modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1655/9912.

2 - Domaines de compétence dans le domaine du transport aérien

La politique en matière de transport aérien (article 80, paragraphe 2 ex-article 84, paragraphe 2) du traité CE et législation subséquente) vise à faciliter la fourniture de services de transport au sein de la Communauté, à promouvoir la sécurité et à contribuer au fonctionnement efficace du marché intérieur.

Dans ce domaine, les instruments juridiques les plus importants adoptés par la Communauté européenne sont les règlements (CEE) n° 2408/9213 et (CEE) n° 95/9314.

3 - Il peut aussi se faire qu'une mesure à adopter par Eurocontrol affecte des règles établies des politiques communautaires générales, telles que la concurrence, la libre circulation des biens et des services (y compris les marchés publics et la protection des données), la protection de l'environnement, la politique sociale, et la cohésion économique et sociale.

C - Compétences des Etats membres

1 - Lorsque la Communauté européenne n'a pas établi de règles internes et qu'il n'a pas été décidé d'exercer directement des compétences externes, ce sont ses Etats membres qui sont compétents.

2 - Il convient de noter que le traité ne donne pas compétence à la Communauté européenne pour les questions de sécurité nationale et de défense ; la structuration et l'utilisation de l'espace aérien à des fins militaires n'entrent donc pas dans les compétences de la Communauté européenne.

N° 1425 - Rapport sur le projet de loi de ratification de l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » (M. Paul Quilès)

1 Rapport n° 675 de M. Christian Philip au nom de la Commission des Affaires étrangères, mars 2003.

2 Voir le texte de la déclaration en annexe du présent rapport.

3 Comme établi par la CJCE dans les avis 1/94, 2/91 et 1/76 ainsi que dans l'affaire 22/71.

4 JO L373 du 31.12.1991, p. 4, modifié par le règlement (CE) n° 2176/96 (JO L291 du 14.11.1996, p. 15)

5 JO L187 du 29.7.1993, P 52, modifiée par la directive 97/15/CE (JO L95 du 10.4.1997, p. 16)

6 JO L204 du 21.07.1998, p 37

7 JO L26 du 01.02.1999, p 1

8 JO L64 du 12.03.1999, p 20

9 JO L64 du 12.03.1999, p 40

10 JO L228 du 09.09.1996, p 1

11 JO L228 du 23.09.1995, p 1

12 JO L197 du 29.07.1999, p 1

13 JO L240 du 24.08.1992, p 8

14 JO L14 du 22.01.1993, p 1


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