Document mis en distribution le 28 avril 2004 N° 1552 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 avril 2004. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE LOI modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 1484), PAR M. Charles de COURSON, Député -- Transports aériens. INTRODUCTION 5 I.- LE RAPPROCHEMENT STRATÉGIQUE ENTRE AIR FRANCE ET KLM 7 A.- LES SYNERGIES DEVANT RÉSULTER DU RAPPROCHEMENT 7 B.- LE NOUVEAU GROUPE ISSU DU RAPPROCHEMENT 8 1.- La gouvernance du groupe Air France-KLM 9 2.- Le souci de préserver les droits de trafic des filiales 9 II.- L'OFFRE PUBLIQUE D'ÉCHANGE D'AIR FRANCE SUR KLM 11 A.- L'OPÉRATION BOURSIÈRE EN COURS 11 B.- LES CONSÉQUENCES SUR LE CAPITAL D'AIR FRANCE 12 III.- LES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DU CADRE JURIDIQUE 15 EXAMEN EN COMMISSION 19 I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 19 II.- EXAMEN DES ARTICLES 21 Article 1er (articles L. 360-1 et L. 360-2 du code de l'aviation civile) : Préservation des droits de trafic et de la licence d'exploitation de transporteur aérien d'Air France 21 Article 2 (article L. 342-3 du code de l'aviation civile) : Maintien de la composition actuelle du conseil d'administration d'Air France 23 Article 3 (article 3 bis nouveau de la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003) : Maintien du régime transitoire pour le statut du personnel d'Air France 24 Article additionnel après l'article 3 (articles L. 421-3, L. 421-9 et L. 423-1 du code de l'aviation civile) : Maintien de l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial d'Air France 25 Article 4 (article L. 342-4 du code de l'aviation civile) : Maintien de la composition actuelle des comités d'établissement et du comité central d'entreprise d'Air France 26 Article 5 (article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998) : Maintien du dispositif actuel de prise de participation du personnel dans le capital d'Air France 27 TABLEAU COMPARATIF 29 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39 Le présent projet de loi, modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, constitue une nouvelle étape, essentiellement technique, de l'adaptation du statut de l'ancienne compagnie nationale aux évolutions du secteur du transport aérien. Le principe de la privatisation d'Air France a été acté lors du vote par le Parlement de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation. L'ouverture du capital de la future ex-entreprise publique a été retardé jusqu'à ce que les conditions économiques et boursières la permettent, soit en février 1999 lorsque le Gouvernement Jospin a cédé plus de 44 % du capital que l'État détenait dans la société. Les fluctuations des marchés n'ont pas permis d'aller au-delà depuis, malgré l'annonce faite par le Gouvernement Raffarin II en juillet 2002 de désengager l'État sous la barre des 50 % du capital. De fait, l'opportunité de l'accord conclu en septembre 2003 entre les sociétés Air France et Koninklijke Luchtvaart Maatschappij (KLM) va aboutir à une privatisation par dilution de la part de l'État dans le capital ainsi augmenté d'Air France, sans que celui-ci ne soit obligé tout de suite de céder ses titres. Il faut cependant procéder à quelques aménagements techniques des dispositions législatives régissant Air France, telles que résultant de la loi du 9 avril 2003 qui avait pour objectif d'anticiper sur une cession de parts de l'État. Le présent projet de loi permet ainsi de tenir compte au niveau juridique d'une privatisation en conséquence d'une augmentation de capital et d'une filialisation d'Air France dans le cadre d'un rapprochement stratégique avec une autre entreprise communautaire de transport aérien, KLM. Ce texte traduit une insuffisance d'Europe. Si l'Europe du transport aérien avait été plus intégrée, il n'y aurait pas eu besoin de savants montages juridiques pour préserver les droits de trafic nationaux ; si l'Europe aérienne avançait plus vite, il ne serait pas nécessaire de légiférer aujourd'hui. En l'absence de clause communautaire communément reconnue dans les accords internationaux régissant le transport aérien, la nationalité des actionnariats doit donc être préservée, au moins de manière transitoire. Ce projet de loi marque donc un nouveau pas - initié par deux entreprises commerciales - vers plus d'Europe, au bénéfice de l'ensemble des consommateurs d'un marché unique encore plus vaste, avec les dix nouveaux pays entrants. Il ne s'agit pas non plus de la correction d'une quelconque « scorie » de la loi du 9 avril 2003, un an après son adoption par le Parlement : sans cette loi, le rapprochement entre Air France et KLM n'aurait pas été possible, la perspective de la privatisation n'aurait pas pu se concrétiser. Il s'agit donc seulement aujourd'hui pour le Parlement de tenir compte, dans le droit, d'une opportunité saisie par Air France, suite au vote de cette loi et dans le droit fil de ce qui était déjà l'intention du législateur : privatiser et renforcer la compagnie nationale. Les réalités économiques ayant déjà dépassé le droit, il est nécessaire aujourd'hui de procéder à son adaptation. I.- LE RAPPROCHEMENT STRATÉGIQUE ENTRE AIR FRANCE ET KLM Les compagnies aériennes Air France et KLM ont conclu, le 16 octobre 2003, un accord devant conduire, suite à une offre publique d'échange (OPE) amicale d'Air France sur KLM, à la création du premier groupe européen et mondial de transport aérien. A.- LES SYNERGIES DEVANT RÉSULTER DU RAPPROCHEMENT L'évolution du secteur du transport aérien (mondialisation, accentuation de la concurrence) a conduit depuis plusieurs années les compagnies aériennes à rechercher des rapprochements entre elles en vue de profiter, dans un contexte de pression très forte sur les prix, des synergies devant en résulter, en termes d'augmentation des fréquences et des destinations et d'économies d'échelle, dans les domaines des ventes, des achats comme de la maintenance. Ces rapprochements sont d'autant plus nécessaires compte tenu de la multiplication des crises auxquelles le secteur est régulièrement confronté (ralentissement de la conjoncture économique mondiale, incertitudes géopolitiques, menaces terroristes, épidémie de pneumopathie atypique en Asie). Les rapprochements entre compagnies aériennes au niveau mondial ont jusqu'à présent pris la forme d'alliances commerciales non capitalistiques. Trois de ces alliances représentent aujourd'hui plus de 50 % du trafic mondial : Star Alliance, créée en 1997 (Lufthansa, United Airlines...), Oneworld, créée en 1998 (British Airways, American Airlines...) et SkyTeam, créée en 2000 (Air France, Delta Airlines, Aero Mexico, Korean Airlines, Czech Airlines et Alitalia). Troisième des alliances en termes de taille, SkyTeam ne représente aujourd'hui que 12 % du trafic mondial. Pour renforcer ces synergies au niveau capitalistique, Air France était à la recherche d'un partenaire européen majeur. Or, la quatrième compagnie aérienne européenne, KLM, ne dispose pas de marché intérieur propre, a rompu en 2000 sa relation commerciale avec Alitalia, qui a rejoint SkyTeam, et n'a pas pu conclure d'accord avec British Airways. Compte tenu de leurs intérêts communs, Air France et KLM ont ouvert, début 2003, des négociations en vue d'un rapprochement entre les deux compagnies. La complémentarité des réseaux est apparue évidente du fait de la forte présence de KLM sur l'Asie, l'Europe du Nord et l'Afrique de l'Est, où Air France est assez peu présent. Les activités cargo et maintenance d'Air France et de KLM sont également complémentaires. Enfin, la possibilité de structurer le réseau autour de deux infrastructures aéroportuaires disposant encore d'un fort potentiel de croissance (Roissy - Charles-de-Gaulle et Schiphol, respectivement troisième et quatrième aéroports européens) est un atout de taille dans la concurrence acharnée entre compagnies aériennes. Au-delà d'une simple alliance commerciale, l'accord s'est fait sur une intégration capitalistique des deux sociétés au sein d'une nouvelle holding purement financière, afin de pouvoir développer au maximum les synergies devant résulter de ce rapprochement. Pour autant, le maintien des deux compagnies préservera les identités nationales et autorisera des politiques commerciales différenciées permettant de couvrir les différents segments de clientèle. Le nouveau groupe Air France KLM deviendra ainsi la première compagnie aérienne européenne et mondiale, grâce à une opération de concentration permettant de répondre avec toute l'efficacité souhaitable aux impératifs de compétitivité et de concurrence du secteur du transport aérien. Sur la base des données de l'exercice 2002-2003, en agrégeant les chiffres d'Air France et de KLM, on obtiendrait un chiffre d'affaires combiné de 19,2 milliards d'euros, avec une flotte de 540 avions desservant 226 destinations à travers le monde et employant 106 000 collaborateurs. Un certain nombre de synergies résultant du rapprochement entre Air France et KLM devraient progressivement monter en puissance et avoir un impact positif sur le résultat opérationnel consolidé du groupe, estimé en net par les deux compagnies à 1,2 milliard d'euros sur cinq ans, puis à plus de 500 millions d'euros par an après 2009, soit plus qu'un doublement du résultat net consolidé des deux sociétés en 2002. Ces synergies devraient être réalisées grâce à une optimisation des réseaux, un redéploiement des activités, ainsi que par des économies de coûts en matière d'approvisionnement, de distribution commerciale et d'informatique. Les clients bénéficieront de ces synergies à travers un réseau élargi, des prix attractifs et un service amélioré sur l'ensemble des destinations du nouveau groupe. Ce rapprochement entre Air France et KLM permettra également de renforcer l'alliance SkyTeam, qui gagnera ainsi, avec désormais 20 % du trafic, une place au niveau mondial. En effet, le hub de KLM à Amsterdam-Schiphol sera intégré à la stratégie de réseau développée par SkyTeam, articulée autour de plates-formes de correspondance puissantes telles qu'Atlanta, Mexico City, Milan-Malpensa, Paris-Charles de Gaulle, Prague, Rome et Séoul, ce qui devrait permettre d'offrir aux passagers davantage de fréquences et un plus grand choix de destinations. Enfin, à moyen terme, le nouveau groupe ainsi constitué pourrait être encore renforcé par l'intégration potentielle d'Alitalia, suite à l'alliance commerciale entre Air France et Alitalia conclue début avril 2004. B.- LE NOUVEAU GROUPE ISSU DU RAPPROCHEMENT Le nouveau groupe, qui prendra le nom d' « Air France-KLM », sera constitué par l'actuelle société cotée Air France et détiendra deux compagnies aériennes : KLM et Air France, nouvelle filiale opérationnelle récupérant les actifs et le personnel de l'actuelle société Air France. 1.- La gouvernance du groupe Air France-KLM Dès que la filialisation des activités opérationnelles d'Air France aura été réalisée, le conseil d'administration d'Air France-KLM comprendra seize administrateurs, parmi lesquels siégeront le président du directoire de KLM et deux administrateurs proposés par le conseil de surveillance de KLM, ainsi qu'une personnalité qualifiée désignée par l'État néerlandais. Le Président directeur général d'Air France deviendra le Président directeur général d'Air France-KLM, et le président du directoire de KLM sera vice-président du conseil d'administration. Un comité de management stratégique sera mis en place au niveau de la holding Air France-KLM. Il aura pour mission d'émettre des recommandations touchant à l'ensemble des domaines stratégiques : commercial, financier et opérationnel. Il a été prévu contractuellement que ses recommandations s'imposeront. Ce comité sera composé à parité de représentants d'Air France et de KLM ; il sera présidé par le Président d'Air France, qui aura voix prépondérante. Certaines décisions nécessiteront toutefois l'unanimité, en particulier celles qui modifieraient les garanties données à KLM. 2.- Le souci de préserver les droits de trafic des filiales La structure du groupe a été élaborée de manière à préserver les droits de trafic internationaux de KLM, par une intégration des actionnariats plutôt que des entreprises. Le maintien de l'identité nationale de chaque compagnie est en effet encore une condition sine qua non pour la préservation des droits de trafic. Compte tenu de l'histoire du transport aérien commercial, les compagnies ont le plus souvent été bâties dans un cadre national et les accords sur les droits de trafic aérien ont été conclus sur une base bilatérale entre États. Ces droits de trafic restent accordés, en vertu de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, sous réserve d'une clause de nationalité applicable à la propriété et au contrôle effectif des compagnies. Pour autant, la Cour de justice des Communautés européennes, dans une série d'arrêts en date du 5 novembre 2002 (1), a jugé incompatibles avec le traité les clauses de nationalité prévues dans certains accords bilatéraux signés par des États membres avec des États tiers, pour cause de violation de la liberté d'établissement. Cette jurisprudence implique à terme la communautarisation des droits de trafic, et, sur cette base, la Commission a été mandatée par le Conseil des ministres des Transports, le 5 juin 2003, pour négocier au nom de l'Union européenne un accord global de « ciel ouvert » avec les pays tiers, notamment les États-Unis. De même, la Conférence mondiale sur le transport aérien tenue en mars 2003, à l'initiative de l'OACI, a préconisé de substituer à la clause de nationalité traditionnelle, fondée sur la propriété et le contrôle, une clause permettant à un État de désigner toute compagnie ayant son principal établissement sur son territoire et sur laquelle il exerce un contrôle réglementaire effectif, donc indépendamment de la nationalité des propriétaires de ladite compagnie. Mais ce processus n'en est qu'à sa genèse, et il faut encore trouver un dispositif transitoire préservant les droits de trafic nationaux. C'est pourquoi 51 % des droits de vote de KLM seront détenus, pendant une période intérimaire de trois ans, par deux fondations de droit néerlandais et par l'État néerlandais, ce qui garantira la nationalité de la filiale au regard des droits de trafic. Pour autant, la holding sera titulaire de certificats d'action sur les deux fondations, ce qui lui permettra de disposer de l'ensemble des droits économiques (y compris les droits aux dividendes). Enfin, l'État néerlandais continuera à détenir une golden share lui permettant d'acquérir 50,1 % du capital de KLM, par émission d'actions préférentielles, en cas de mise en danger des droits de trafic de KLM sur des marchés clefs. Cette option restructurée a une durée de trois ans, renouvelable trois fois pour un an. L'État néerlandais devra exercer ses droits de vote dans l'intérêt de KLM, d'Air France-KLM et de ses actionnaires. Dès la menace sur les droits de trafic disparue, les titres seront rachetés et annulés par KLM. Au terme des trois ans, les deux fondations disparaîtront et Air France-KLM détiendra la totalité du capital et des droits de vote de KLM (sous réserve du rachat d'éventuels actionnaires ordinaires subsistants et des actions préférentielles qui seraient encore détenues par l'État néerlandais). On peut en effet espérer que la communautarisation des droits de trafic aura alors suffisamment progressé, pour ne pas devoir encore conserver une structure de capital, il est vrai, assez complexe. II.- L'OFFRE PUBLIQUE D'ÉCHANGE D'AIR FRANCE SUR KLM L'accord entre Air France et KLM a obtenu, le 11 février 2004, l'accord de la Commission européenne et de l'Antitrust Division du Department of Justice des États-Unis d'Amérique, au regard des règles de concurrence, sous réserve de conditions relatives aux créneaux horaires accessibles aux autres opérateurs qui ont été acceptées par les deux compagnies. Il a également fait l'objet, le 2 mars, d'un avis favorable de la Commission des participations et des transferts qui a estimé, « au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, que l'opération qui lui a été présentée, et en particulier les conditions de l'offre publique d'échange par Air France des actions KLM [...] ne sont pas défavorables aux intérêts patrimoniaux de l'État. » A.- L'OPÉRATION BOURSIÈRE EN COURS Air France a annoncé, le 5 avril 2004, l'ouverture d'une OPE amicale sur la totalité des actions ordinaires de KLM (cotées à Amsterdam et à New York), soit 73,5 % du capital de la société néerlandaise. La période d'offre a débuté le 5 avril et se terminera le 3 mai 2004. Les actionnaires de KLM qui apporteront leurs titres à l'offre recevront 11 actions Air France et 10 bons d'acquisition et/ou de souscription d'actions Air France (BASA) pour 10 actions ordinaires de KLM. Trois BASA permettront, en cas d'exercice entre dix-huit et quarante-deux mois après leur émission, d'acquérir ou de souscrire deux actions Air France au prix de 20 euros par action. Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 20 avril 2004, les actionnaires d'Air France ont approuvé, à 99,82 % des voix, l'augmentation de capital en faveur des actionnaires de KLM qui apporteront leurs titres. Cette augmentation de capital devrait permettre la création de 51,48 millions d'actions nouvelles, soit 23,4 % du capital de la compagnie, et de près de 47 millions de BASA. Dans l'hypothèse où tous les BASA seraient exercés, 31,2 millions d'actions Air France supplémentaires seraient encore émises, ce qui représenterait au total une augmentation de capital de l'ordre de 624 millions d'euros. Air France annoncera le 4 mai prochain les résultats de l'offre et le nombre exact d'actions et de BASA Air France à créer. La société s'est engagée irrévocablement à accepter l'offre, si 70 % au moins du nombre total des actions ordinaires et des droits de vote de KLM sont apportés. Dans ce cas, Air France rachètera également automatiquement l'ensemble des actions préférentielles de KLM actuellement détenues par une fondation néerlandaise, soit 11,7 % du capital, ainsi que les 1.313 actions prioritaires KLM détenues par l'État néerlandais et des investisseurs institutionnels. Dès le 5 mai, les actions et les BASA du nouveau groupe Air France-KLM seront cotés sur les bourses de Paris, d'Amsterdam et de New York. Une première assemblée générale du nouveau groupe procèdera à la nomination des membres du conseil d'administration de la holding. La filialisation des actifs opérationnels d'Air France pourra être menée à bien dès septembre 2004, au moyen d'un apport partiel d'actif au sein d'une nouvelle société qui ne sera pas cotée en bourse. B.- LES CONSÉQUENCES SUR LE CAPITAL D'AIR FRANCE En cas de succès de l'OPE et dans l'hypothèse où toutes les actions ordinaires de KLM seraient apportées à l'offre, le capital d'Air France serait modifié comme suit (avant l'exercice des BASA) : - Les anciens détenteurs d'actions ordinaires de KLM détiendraient 19 % du nouveau capital augmenté d'Air France. - La participation de l'État français passerait de 54 % à 43,7 % du capital (soit 44,7 % des droits de vote) en cas d'émission du nombre maximal d'actions nouvelle, et à 39,2 % si le nombre maximal de bons est exercé ; Air France serait donc privatisée consécutivement à la réalisation de l'offre. - Les actionnaires actuels d'Air France détiendraient 37,3 % du capital à la suite de la réalisation de l'offre.
De ce fait, et en application de l'article 6 de la loi du 9 avril 2003, compte tenu du transfert de la majorité du capital d'Air France au secteur privé, la société ne sera plus soumise au contrôle général du ministre chargé de l'aviation civile (2), ni au contrôle économique et financier de l'État (3). En revanche, tant que l'État en détiendra au moins 10 % du capital, elle sera soumise aux dispositions de l'article 12 de la loi n° 49-985 du 25 juillet 1949 qui lui réserve au sein du conseil d'administration un nombre de sièges proportionnel à sa participation, sans pouvoir être supérieur aux deux tiers du total des sièges du conseil, ni inférieur à deux sièges. Par ailleurs, le Gouvernement français a signé avec le Gouvernement néérlandais, le 16 octobre 2003, une déclaration intergouvernementale de coopération en relation avec les stipulations de l'accord-cadre entre Air France et KLM, dans laquelle il s'est engagé à « réduire la part de la participation de l'État français dans le capital d'Air France, en un ou plusieurs transferts, à moins de 20 %, dès lors que les conditions de marché le permettront », c'est-à-dire à procéder à des cessions fermes de titres après la privatisation résultant implicitement de l'OPE. Parallèlement, les deux pays sont convenus de réduire leur participation dans Air France (État français) et dans KLM (État néerlandais) dans des proportions similaires, bien que l'État néerlandais puisse réduire sa participation plus rapidement. Air France s'est alors engagé à racheter les actions préférentielles de KLM détenues par l'État néerlandais, soit 14,7 % du capital, pour un prix global de 20 millions d'euros. L'État néerlandais restera ainsi libre de solder sa participation à tout instant sans que cela ne crée d'obligation pour le Gouvernement français de devoir céder symétriquement sa participation. Il est enfin à noter qu'à l'issue de l'OPE, l'actif net comptable de KLM étant supérieur aux 811 millions d'euros qu'Air France devra débourser pour acquérir la compagnie néerlandaise, il en résultera, au bénéfice du nouveau groupe, un écart d'acquisition négatif de 1,2 milliard d'euros. III.- LES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DU CADRE JURIDIQUE Le présent projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la loi du 9 avril 2003, qu'il adapte, et prend en compte la spécificité des accords conclus entre Air France et KLM le 16 octobre 2003. Au demeurant, il s'agit d'une des conditions de validité de ces accords, car l'État français s'est engagé, dans la déclaration intergouvernementale de coopération du 16 octobre 2003, à « soumettre au vote du Parlement des amendements à la loi du 9 avril 2003, dès que les conditions juridiques et le calendrier du travail parlementaire le permettront ». Il ne traite aucunement de la conséquence de ces accords, à savoir la privatisation d'Air France, car celle-ci a déjà été décidée, en application de la loi n° 93-323 du 19 juillet 1993 de privatisation, par le décret n° 2003-945 du 3 octobre 2003, qui autorise, en son article premier, « le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue par l'État dans la société Air France », selon les modalités fixées par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 19 mars 2004 approuvant l'OPE portant sur les actions de la société KLM. Ce texte permet de faire bénéficier d'un cadre législatif adéquat, sans aucune modification de fond par rapport au droit en vigueur, le nouveau groupe « Air France-KLM » issu du rapprochement entre les deux compagnies et composé d'une société holding cotée en bourse, l'actuelle société Air France, et de deux filiales opérationnelles, ayant le statut de compagnie aérienne au regard du droit communautaire, KLM et une nouvelle société de droit français à laquelle seront transférés l'actif et le personnel de l'actuelle société Air France. La filialisation de l'activité d'Air France nécessite en effet de compléter les dispositions de la loi du 9 avril 2003, qui s'appliquent uniquement aux compagnies directement cotées en bourse et à Air France dans sa configuration actuelle. La formule juridique de la filialisation de la compagnie avait en fait été omise lors du vote de la loi du 9 avril 2003. Le projet de loi prévoit ainsi de maintenir le dispositif de protection des droits de trafic et de la licence d'exploitation accordés à l'actuelle société Air France, compte tenu de la filialisation de la société. Il faut souligner que le schéma retenu pour l'opération de rapprochement entre Air France et KLM va conduire à la constitution d'un actionnariat étranger plus important qu'actuellement au sein de la holding, rendant ainsi plus probable la mise en oeuvre éventuelle de la procédure de cession forcée permettant de garantir les droits de trafic d'Air France. Toujours dans la perspective de la filialisation, le texte modifie les dispositions de la loi du 9 avril 2003 qui devaient accompagner la transformation d'Air France en société privée, notamment pour permettre aux salariés transférés à la nouvelle filiale de transport aérien de continuer à bénéficier d'une période transitoire d'au plus deux ans avant la disparition du statut du personnel, ainsi que pour maintenir la représentation spécifique des salariés au sein du conseil d'administration de la future société opérationnelle. Enfin, le projet précise que l'échange « salaire contre actions » rendu possible par la loi du 9 avril 2003 et ouvert à tous les salariés de la société sur la base du volontariat restera possible après la filialisation d'Air France. Cependant, pour que la part du capital pouvant faire l'objet de cet échange ne soit pas affectée par l'augmentation de capital résultant de la prise de contrôle de la société KLM par Air France, il est précisé que cette part demeure calculée sur la base du capital existant au 9 avril 2003. Ces aménagements purement techniques, s'ils se contentent en fait de maintenir l'état du droit en vigueur, n'en sont pas moins porteurs d'avenir car ils rendent possible l'évolution d'Air France, gage de sa compétitivité, de sa croissance et donc de sa survie dans l'environnement difficile et cyclique du transport aérien. Age de cessation d'activité des personnels navigants Le présent projet de loi ne traite pas d'une question très importante pour les personnels d'Air France, à savoir leur âge de cessation d'activité. Les questions de sécurité sont bien évidemment au cœur de cette problématique. 1. Pour le personnel navigant technique a) Situation actuelle La situation est très diverse selon les compagnies : 55 ans chez British Airways, avec passage à 60 ans à partir de 2006 ; 56 ans chez KLM ; 55 ans chez Lufthansa, avec possibilité de passer à 60 ans en fonction des besoins de la compagnie ; 60 ans aux Etats-Unis, avec prolongation à 65 ans en fonction de copilote uniquement. A sa cessation d'activité chez Air France, le personnel navigant technique a droit à l'assurance chômage et peut prétendre à des allocations, s'il n'a pas ses 160 trimestres d'assurance vieillesse de base. Sa retraite complémentaire, versée par la Caisse de retraite du personnel navigant de l'aviation civile (CRPN), est liquidable à taux plein dès 50 ans, avec 25 années de cotisation. b) Situation future L'article L. 421-9 du code de l'aviation civile maintient un âge de cessation d'activité à 60 ans. Le licenciement après échec de reclassement au sol devient le motif de départ. Du point de vue des régimes sociaux et fiscaux, la situation nouvelle ne change rien. 2. Pour le personnel navigant commercial a) Situation actuelle La situation est aussi très diverse selon les compagnies : 55 ans chez British Airways et Lufthansa ; 56 ans chez KLM ; entre 55 ans et 58 ans chez Swiss , 58 ans chez Finair. Le statut du personnel d'Air France prévoit, depuis 1993, une clause couperet à 55 ans. Lors de son départ de l'entreprise, le personnel concerné bénéficie d'une indemnité exclusive de départ défiscalisée et non socialisée, d'une pension de retraite complémentaire versée par la CRPN à taux plein si 20 annuités sont validées et d'une allocation différentielle des ASSEDIC. b) Situation future Sans disposition nouvelle et à l'expiration du délai de deux ans pendant lequel sont maintenues les règles statutaires actuelles, la situation des hôtesses et stewards rejoint le droit commun du travail, c'est-à-dire impossibilité de mise à la retraite à l'initiative de l'employeur avant 65 ans et possibilité de départ à la retraite dès lors que le personnel concerné a 60 ans et 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse de base. Lors de sa réunion du 27 avril 2004, la Commission a procédé à l'examen du projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France. Votre Rapporteur a indiqué qu'après avoir été Rapporteur au nom de la commission des Finances sur la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France, il était chargé aujourd'hui de présenter un texte modifiant cette loi sur un certain nombre de points techniques, compte tenu de l'accord signé entre Air France et KLM qui va aboutir, à l'issue d'une offre publique d'échange amicale en cours, à un transfert au secteur privé de la majorité du capital de la compagnie nationale. Le principe de la privatisation d'Air France a été acté lors du vote par le Parlement de la loi de privatisation du 19 juillet 1993. L'ouverture du capital de la future ex-entreprise publique a été retardé jusqu'à ce que les conditions économiques et boursières la permettent, soit en février 1999 lorsque le Gouvernement Jospin a cédé plus de 44 % du capital que l'État détenait dans la société. Les fluctuations des marchés n'ont pas permis d'aller au-delà depuis, malgré l'annonce faite par le Gouvernement Raffarin II en juillet 2002 de désengager l'État sous la barre des 50 % du capital. De fait, l'opportunité de l'accord conclu en septembre 2003 entre les sociétés Air France et KLM va aboutir à une privatisation par dilution de la part de l'État dans le capital ainsi augmenté d'Air France, sans que celui-ci ne soit obligé tout de suite de céder ses titres. Il faut cependant procéder à quelques aménagements techniques des dispositions législatives régissant Air France, telles que résultant de la loi du 9 avril 2003 qui avait pour objectif d'anticiper sur une cession de parts de l'État. Le présent projet de loi permet ainsi de tenir compte au niveau juridique d'une privatisation en conséquence d'une augmentation de capital et d'une filialisation d'Air France dans le cadre d'un rapprochement stratégique avec une autre entreprise communautaire de transport aérien. Ce texte traduit une insuffisance d'Europe. Si l'Europe du transport aérien avait été plus intégrée, il n'y aurait pas eu besoin de savants montages juridiques pour préserver les droits de trafic nationaux ; si l'Europe aérienne avançait plus vite, il ne serait pas nécessaire de légiférer aujourd'hui. En l'absence de clause communautaire communément reconnue dans les accords internationaux régissant le transport aérien, la nationalité des actionnariats doit donc être préservée, au moins de manière transitoire. Ce projet de loi marque donc un nouveau pas - initié par deux entreprises commerciales - vers plus d'Europe, au bénéfice de l'ensemble des consommateurs d'un marché unique encore plus vaste, avec les dix nouveaux pays entrants. Il ne s'agit pas non plus de la correction d'une quelconque « scorie » de la loi du 9 avril 2003, un an après son adoption par le Parlement : sans cette loi, le rapprochement entre Air France et KLM n'aurait pas été possible, la perspective de la privatisation n'aurait pas pu se concrétiser. Il s'agit donc seulement aujourd'hui pour le Parlement de tenir compte, dans le droit, d'une opportunité saisie par Air France, suite au vote de cette loi et dans le droit fil de ce qui était déjà l'intention du législateur : privatiser et renforcer la compagnie nationale. Les réalités économiques ayant déjà dépassé le droit, il est nécessaire aujourd'hui de l'adapter. Le projet de loi prévoit ainsi de maintenir le dispositif de protection des droits de trafic et de la licence d'exploitation accordés à l'actuelle société Air France, compte tenu de la filialisation de la société. Il faut souligner que le schéma retenu pour l'opération de rapprochement entre Air France et KLM va conduire à la constitution d'un actionnariat étranger plus important qu'actuellement au sein de la holding, rendant ainsi plus probable la mise en oeuvre éventuelle de la procédure de cession forcée permettant de garantir les droits de trafic d'Air France qui a été mis en place avec la loi du 9 avril 2003. Toujours dans la perspective de la filialisation d'Air France, le texte modifie les dispositions de la loi du 9 avril 2003 qui devaient accompagner la transformation d'Air France en société privée, notamment pour permettre aux salariés transférés à la nouvelle filiale de transport aérien de continuer de bénéficier d'une période transitoire d'au plus deux ans avant la disparition du statut du personnel, ainsi que pour maintenir la représentation spécifique des salariés au sein du conseil d'administration de la future société opérationnelle. Enfin, le projet précise que l'échange salaire contre actions rendu possible par la loi du 9 avril 2003 et ouvert à tous les salariés de la société sur la base du volontariat restera possible après la filialisation d'Air France. Cependant, pour que la part du capital pouvant faire l'objet de cet échange ne soit pas affectée par l'augmentation de capital résultant de la prise de contrôle de la société KLM par Air France, il est précisé que cette part demeure calculée sur la base du capital existant au 9 avril 2003. Ces aménagements purement techniques, s'ils se contentent en fait de maintenir l'état du droit en vigueur, n'en sont pas moins porteurs d'avenir car ils rendent possible l'évolution d'Air France, gage de sa compétitivité, de sa croissance et donc de sa survie dans l'environnement difficile et cyclique du transport aérien. Il s'agit donc in fine d'un petit pas pour le droit, mais d'un grand envol pour la compagnie nationale. Une certaine émotion s'est toutefois manifestée au sein du personnel d'Air France, compte tenu de l'absence dans le projet de loi de toute disposition concernant l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial. En effet, alors que les pilotes doivent arrêter leur activité dès soixante ans en vertu du code de l'aviation civile - ce qui n'en n'empêche pas certains de continuer de travailler à l'étranger -, les personnels navigants commerciaux ne partent en préretraite, en droit à cinquante-cinq ans et en fait en moyenne dès cinquante-deux ans et demi, qu'en vertu d'une disposition du statut du personnel de la compagnie qui leur assure une indemnisation financière tout à fait honorable. En l'absence de toute disposition législative dans ce texte, les hôtesses et stewards perdraient le bénéfice de cette préretraite. Il s'agit donc d'une lacune du texte qu'il conviendrait de combler par voie d'amendement portant article additionnel. M. Alain Rodet a souhaité savoir si, dans cette nouvelle configuration, le comité central d'entreprise resterait au sein de la nouvelle filiale Air France. Quel est l'impact de la création de cette holding sur l'alliance Skyteam ? Les liens entre les différentes entreprises au sein de cette alliance sont-ils modifiés ? Les modifications doivent-elles se traduire par un échange de participations ? Votre Rapporteur a indiqué que la place du comité d'entreprise n'était pas modifiée par la filialisation, quant à l'alliance Skyteam, il s'agit d'une simple alliance commerciale qui a des conséquences importantes en termes d'augmentation des dessertes et d'optimisation des flottes. A l'heure actuelle, Skyteam est la plus petite des trois grandes alliances opérant au niveau mondial. Les perspectives du rapprochement d'Air France avec KLM ne peuvent donc avoir qu'un effet positif sur la place de Skyteam sur le marché mondial. La Commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi. (articles L. 360-1 et L. 360-2 du code de l'aviation civile) Préservation des droits de trafic et de la licence d'exploitation de transporteur aérien d'Air France Cet article modifie deux articles du code de l'aviation civile, introduits par la loi du 9 avril 2003, afin d'étendre le dispositif de protection des droits de trafic et de la licence d'exploitation des entreprises de transport aérien dont les actions sont cotées en bourse à celles dont la majorité du capital et des droits de vote est détenue par une société cotée ayant pour principale activité la prise de participations dans le capital de transporteurs aériens. 1. La procédure de cession forcée de titres prévue par la loi du 9 avril 2003 La loi du 9 avril 2003 contient des dispositions de portée générale, figurant au titre VI du livre III du code de l'aviation civile, donnant à toute compagnie cotée en bourse les moyens de remédier à une évolution de son actionnariat qui risquerait de lui faire perdre sa licence d'exploitation de transporteur aérien communautaire - dont le maintien est conditionné par une détention majoritaire du capital et un contrôle effectif par des intérêts communautaires en vertu de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens - ou les droits de trafic dont elle bénéficie, en tant que transporteur aérien français, en vertu des accords internationaux conclus par la France avec des pays tiers à l'Union européenne. Le mécanisme juridique permettant de s'assurer de la détention majoritaire du capital d'une entreprise de transport aérien dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé prévoit, dans le cas où les droits de trafic accordés en vertu des règlements communautaires ou d'accords internationaux dont bénéficie la compagnie sont susceptibles d'être remis en cause en raison de l'évolution de son actionnariat ou de son contrôle effectif, que la société puisse - après avoir procédé à l'information de ses actionnaires, du public et de son conseil d'administration - mettre en demeure certains de ses actionnaires de céder tout ou partie de leurs titres. L'actionnaire concerné disposera alors d'un délai de deux mois à partir de la mise en demeure pour procéder à la cession des titres concernés. Faute d'une cession dans ce délai, la compagnie pourra faire désigner, par le Président du Tribunal de grande instance de Paris, un mandataire chargé de procéder à la cession des titres. Le décret n° 2003-571 du 27 juin 2003 a précisé les conditions de mise en œuvre de ce mécanisme de cession forcée, et notamment la possibilité pour les entreprises concernées de déclencher ce mécanisme dès lors que le seuil de 45 % de détention de leur capital par des intérêts étrangers est dépassé. Ces dispositions ont été transposées, sous condition suspensive de la privatisation d'Air France, dans les statuts de la compagnie aérienne approuvés par l'assemblée générale extraordinaire d'Air France du 10 juillet 2003. 2. L'adaptation du champ d'application de cette procédure Dans le cadre des négociations en vue du rapprochement entre Air France et KLM, le principe d'organisation retenu est le suivant : un groupe, deux compagnies. La société holding commune cotée (l'actuelle société Air France) contrôlera deux filiales opérationnelles non cotées, ayant le statut de compagnies aériennes (Air France et KLM), placées dans l'organigramme à des niveaux équivalents. Pour ce faire, Air France transférera ses actifs opérationnels au sein d'une filiale contrôlée à 100 %. La filialisation aura toutefois pour effet de rendre inapplicables, à la filiale compagnie aérienne Air France comme à la société holding, le mécanisme de protection des droits de trafic, dans la mesure où le groupe Air France-KLM, qui sera seul coté, perdra son statut de compagnie titulaire d'une licence de transporteur aérien au regard du droit communautaire (4). C'est pourquoi le présent article étend ce mécanisme juridique à toute entreprise cotée dont l'activité principale consiste à détenir des participations dans des entreprises de transport aérien et détenant au moins une participation majoritaire dans le capital d'une entreprise de transport aérien. Cette extension est cependant strictement limitée et encadrée, afin de conserver son caractère exceptionnel à la procédure exorbitante du droit commun consistant, pour protéger une licence de transporteur aérien ou des droits de trafic, à obliger un actionnaire à céder ses titres dans une société cotée. Pour concilier liberté d'entreprendre et droit de propriété, il est ainsi proposé de n'autoriser que les sociétés cotées dont la principale activité consiste à acquérir des participations dans des entreprises de transport aérien à pouvoir mettre en œuvre cette procédure par suite d'une évolution de leur capital. C'est en effet à raison de la nature particulière et de la réglementation spécifique concernant les transporteurs aériens que le législateur a permis, par la loi du 9 avril 2003, - pour un motif d'intérêt général se superposant presque en l'espèce à l'intérêt économique et social de la compagnie - une atteinte proportionnée au droit de propriété des actionnaires visés par une cession forcée. Il s'agit de faire obstacle à ce que cette atteinte devienne trop importante, sous la forme, par exemple, d'un mécanisme détourné anti-OPA de protection d'un actionnariat par la prise de participations dans une compagnie aérienne. C'est pourquoi il ne sera pas possible à une société ayant des activités diversifiées d'investir dans une petite société de transporteur aérien dans le seul but de se prémunir contre toute tentative non sollicitée d'OPA ; elle pourra cependant le faire, à titre accessoire, sans que pèsent des contraintes lourdes et injustifiées sur la nationalité de son actionnariat. De la même façon, les holding de compagnies aériennes pourront, tout comme leurs filiales, développer des activités connexes au transport aérien (comme le ravitaillement, la maintenance aéronautique ou l'organisation de voyages organisés), à la seule condition que leur principale activité, au sens de leur objet social, demeure directement liée au transport aérien. Il résulte donc de cette limitation une atteinte potentielle à la liberté d'entreprendre - principe constitutionnel -, qui est justifiée par un motif d'intérêt général, qui n'en dénature pas la portée et qui permet une conciliation avec la préservation du droit de propriété, lui aussi constitutionnellement garanti, compte tenu des contraintes techniques et des nécessités économiques d'intérêt général propres à ce secteur. Votre Rapporteur estime que cette disposition est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière (5). Votre Rapporteur a présenté un amendement affinant la rédaction de cet article quant à la définition des holdings pouvant bénéficier de la procédure de cession forcée de titres. Il s'agit d'éviter d'être amené à légiférer une troisième fois si Air France, filialisée, devait par la suite se sous-filialiser ! La Commission a adopté cet amendement (n° 1). Votre Rapporteur a présenté un amendement de conséquence (n° 2), que la Commission a adopté. La Commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié. (article L. 342-3 du code de l'aviation civile) Maintien de la composition actuelle du conseil d'administration d'Air France Le présent article maintient en vigueur, pour la nouvelle filiale opérationnelle intitulée « société Air France », les règles applicables aux administrateurs salariés élus par le personnel de l'entreprise. Le conseil d'administration d'Air France est aujourd'hui composé de vingt-et-un membres, soit six représentants de l'État, cinq personnalités qualifiées, six représentants des salariés, deux représentants des salariés actionnaires et deux représentants des actionnaires autres que l'État et les salariés. La loi du 9 avril 2003 a prévu des dispositions permettant à la société Air France de maintenir, après sa privatisation, une représentation spécifique des différentes catégories de personnel dans son conseil d'administration, ce qui est une spécificité historique de la compagnie depuis 1948. Le nombre de représentants des salariés doit donc être maintenu à six, alors que le droit commun n'en requiert que cinq, et les statuts de la société peuvent prévoir, pour l'élection de ces six administrateurs, que les salariés sont répartis entre quatre collèges comprenant respectivement le personnel navigant technique, le personnel navigant commercial, les cadres et les autres salariés, alors que le droit commun ne prévoit que deux catégories. Ces dispositions de la loi du 9 avril 2003 ne doivent entrer en vigueur qu'à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France. Il est nécessaire de préciser qu'elles s'appliquent au conseil d'administration de la nouvelle filiale opérationnelle résultant du transfert des actifs et du personnel de la société Air France. Une autre disposition de la loi du 9 avril 2003 précise que les statuts d'Air France peuvent prévoir la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration en deux catégories, comprenant respectivement le personnel navigant technique et les autres salariés, là où le droit commun des sociétés cotées n'en prévoit qu'une. Cette règle dérogatoire n'est pas transposée à la filiale opérationnelle, qui ne sera pas cotée, mais reste applicable à la nouvelle holding Air France-KLM dont les salariés demeureront actionnaires. * La Commission a adopté cet article sans modification. (article 3 bis nouveau de la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003) Maintien du régime transitoire pour le statut du personnel d'Air France Cet article permet aux salariés transférés à la nouvelle filiale de transport aérien intitulée « société Air France », de bénéficier d'une période de transition d'au plus deux ans à compter de la privatisation d'Air France - comme cela avait été prévu par l'article 3 de la loi du 9 avril 2003 - avant la disparition de l'actuel statut du personnel d'Air France qui a été pris en application du code de l'aviation civile. Il permet la transposition du régime transitoire applicable à Air France à la future société opérationnelle, afin que l'accord conclu avec KLM n'ait aucune conséquence sociale défavorable sur le personnel. Les dispositions actuelles portant statut du personnel d'Air France demeureront ainsi applicables aux salariés de la nouvelle filiale opérationnelle française, pendant une période transitoire ne pouvant excéder deux ans à compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la compagnie et s'achevant, au plus tôt, dès l'entrée en vigueur de la convention collective ou des accords d'entreprise devant s'y substituer. Ces accords doivent être négociés avec les organisations syndicales représentatives de l'entreprise. Il est cependant regrettable que la direction d'Air France et les syndicats n'aient pas saisi l'opportunité de négocier ces accords dès la publication de la loi du 9 avril 2003, alors que cet amendement du rapporteur avait pour but de faciliter la transition vers la privatisation et le dialogue social au sein de la compagnie. En matière d'assurance chômage, les salariés d'Air France bénéficient des mêmes prestations que ceux du secteur privé, celles-ci étant intégralement financées par Air France mais gérées par l'UNEDIC en application de l'article L. 351-12 du code du travail. A compter de la date d'entrée en vigueur de la convention ou des accords d'entreprise susmentionnés et au plus tard deux ans après la privatisation, Air France devra, comme tout employeur privé, contribuer directement à l'UNEDIC au titre de l'assurance chômage et de la garantie des salaires (AGS), selon la règle générale de l'article L. 351-4 du même code. Ce nouveau régime, résultant mécaniquement du changement de statut de l'entreprise mais explicitement prévu par l'avant-dernier alinéa de l'article 3 du présent projet, devrait lui occasionner des charges supplémentaires estimées par l'entreprise à près de 200 millions d'euros par an. En vertu du dernier alinéa du présent article, les actuels accords d'entreprise négociés entre la société Air France et son personnel (dans le cadre de la législation applicable aux entreprises publiques) demeurent explicitement applicables aux salariés de la nouvelle filiale opérationnelle, indépendamment de la période transitoire concernant le statut du personnel. En effet, en l'absence de cette disposition, le transfert au secteur privé du capital social de la société Air France et le transfert de son personnel à une filiale auraient obligé à renégocier immédiatement de nouveaux accords, sur le fondement de l'article L. 132-8 du code du travail. En l'absence de disposition législative expresse - comme cela existe pour les pilotes à l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile - l'abandon du statut du personnel d'Air France supprimera la possibilité d'instituer une limite d'âge pour certaines catégories de personnel. Ainsi, la clause statutaire de limite d'âge à cinquante-cinq ans pour les personnels navigants commerciaux disparaîtra-t-elle, l'article L. 122-14-12 du code du travail interdisant toute clause contraire d'un accord collectif aux dispositions légales de droit commun en matière de cessation d'activité par départ à la retraite ou rupture du contrat de travail. * Votre Rapporteur a présenté un amendement de simplification rédactionnelle, visant à supprimer le premier alinéa de cet article. Il n'est pas de bonne technique législative d'insérer dans une loi déjà publiée une disposition non codifiée. La Commission a adopté cet amendement (n° 3). Votre Rapporteur a ensuite présenté un amendement de conséquence (n° 4), que la Commission a adopté. Enfin, il a présenté un amendement visant à introduire une précision dans le décompte des alinéas (n° 5). La Commission a adopté cet amendement et l'article 3 ainsi modifié. Article additionnel après l'article 3 (articles L. 421-3, L. 421-9 et L. 423-1 du code de l'aviation civile) Maintien de l'âge de cessation d'activité Votre Rapporteur a présenté un amendement relatif à l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial d'Air France. Il est important de maintenir le principe d'une limite d'âge dérogatoire au droit commun, ne serait-ce que parce que de nombreuses grandes compagnies aériennes européennes ont édicté de telles limitations. Air France n'adhérant pas aux ASSEDIC, la société a conclu une convention avec ces dernières et rembourse aux ASSEDIC les prestations euro pour euro. Actuellement, en vertu du statut du personnel, le personnel navigant commercial doit cesser son activité à 55 ans. M. Alain Rodet a fait remarquer que, à Singapour Airlines par exemple, les hôtesses s'arrêtaient également avant 60 ans. Votre Rapporteur a précisé qu'il y avait d'autres entreprises de transport aérien où l'âge de départ à la retraite était de 60 ans et non de 55 ans. À British Airways et à Lufthansa, l'âge de cessation d'activité du personnel navigant commercial est de 55 ans alors que l'âge légal de la retraite est de 63 ans en Grande-Bretagne et de 60 ans en Allemagne. Chez KLM, le personnel navigant commercial part à la retraite à 56 ans, l'âge légal de départ à la retraite étant de 65 ans. Cette question a suscité une certaine émotion auprès du personnel navigant commercial d'Air France. L'amendement propose que l'âge dérogatoire de départ à la retraite du personnel navigant commercial soit fixé par décret, pour faciliter le dialogue social et pour pouvoir plus facilement tenir compte des évolutions du secteur. En tout état de cause, les compagnies aériennes doivent mettre en place une politique active et incitative d'accompagnement social de la cessation d'activité navigante et de reclassement au sol de leurs personnels navigant commerciaux, ce qui leur permettra d'alléger leurs coûts. L'amendement précise le montant des indemnités de départ versées dans ce cas afin d'éviter des divergences de jurisprudence et de clarifier le dispositif applicable aux salariés concernés. L'amendement vise le montant de l'indemnité légale. En fait, l'indemnité conventionnelle est environ de neuf fois supérieure à l'indemnité légale. L'amendement permet de trancher une question jurisprudentielle lancinante, liée à la nature juridique de cette indemnité. La Commission a adopté cet amendement (n° 6). Votre Rapporteur a tenu à préciser qu'il n'était pas nécessaire de déposer un amendement comparable pour le personnel navigant technique. Les auditions auxquelles il a procédé ont montré que les syndicats de pilote étaient divisés sur cette question. Une partie d'entre eux souhaite le relèvement de l'âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans. La direction d'Air France est très sceptique, évoquant notamment le problème - parfois rencontré - du survol par des pilotes de plus de 60 ans de pays n'autorisant les personnels navigants techniques à exercer leur activité que jusqu'à l'âge de 60 ans. Des discussions sont en cours sur cette question au sein de l'OACI. Il convient donc de ne pas anticiper une décision en la matière. (article L. 342-4 du code de l'aviation civile) Maintien de la composition actuelle des comités d'établissement et du comité central d'entreprise d'Air France Le présent article maintient en vigueur, pour la nouvelle filiale Air France, la composition actuelle des comités d'établissement et du comité central d'entreprise. En effet, dans la perspective de la privatisation et afin d'éviter la soumission de la société Air France aux règles de droit commun fixées par le code du travail en la matière, la loi du 9 avril 2003 avait précisé que les personnels navigants professionnels (techniques et commerciaux), spécificité de la société, constituent un collège spécial pour l'élection des représentants du personnel au sein des comités d'établissement de la société Air France et disposent d'une représentation spécifique au comité central d'entreprise. Les personnels d'Air France devant être transférés à une nouvelle société, il convient de prévoir l'application de ces règles dérogatoires à celle-ci, afin de maintenir en l'état la composition des comités d'établissement et du comité central d'entreprise. Tel est l'objet du présent article. * La Commission a adopté cet article sans modification. Article 5 (article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998) Maintien du dispositif actuel de prise de participation du personnel dans le capital d'Air France Le présent article précise que l'échange « salaire contre actions », prévu pour le personnel d'Air France par l'article 5 de la loi du 9 avril 2003 (qui a modifié sur ce point l'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier), restera possible après la filialisation de l'activité de la compagnie aérienne. Il importe en effet que les salariés transférés dans la nouvelle société opérationnelle puissent continuer de bénéficier d'une disposition ne pouvant s'appliquer qu'à la société mère, qui est seule cotée en bourse, mais dont ils ne seront plus directement les employés. Le législateur a ouvert en 2003 à tous les salariés de la société Air France, et pas seulement au personnel navigant technique, la possibilité de souscrire, sur la base du volontariat, des actions de la société qui sont cédées par l'État, gratuitement ou à des conditions préférentielles, en contrepartie de réductions de salaires. L'État ne peut procéder à un tel échange que dans le cadre d'une opération de cession sur le marché de tout ou partie de sa participation dans le capital de la société, dans la limite de 6 % de ce capital. Afin cependant que la part du capital pouvant faire l'objet de cet échange ne soit pas affectée par l'augmentation de capital résultant de la prise de contrôle de KLM par Air France, le présent article précise que cette part sera calculée sur la base du capital existant au 9 avril 2003. * La Commission a adopté cet article sans modification. * * * Puis, la Commission a adopté l'ensemble du projet ainsi modifié. En conséquence, et sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan propose à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi n° 1484. ___
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES Ministère de l'Equipement, des Transports, de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer : - MM. David et Mereyde, conseillers techniques au cabinet du ministre ; - Mme Bénadon et MM. Pfalzgraf et Théoleyre, direction des Transports aériens à la direction générale de l'Aviation civile. Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie : - MM. Leclercq et Tarac, direction du Trésor. - M. Spinetta, Président directeur général ; - M. Bardy, directeur des Affaires juridiques ; - MM. Colin et Laporterie, direction générale des Affaires sociales ; - M. Pelhâte, conseiller auprès du Président directeur général. - CFE-CGC : M. Olivrot, Secrétaire général ; - FO : M. Barbault, Secrétaire général adjoint ; - SNPNAC : M. Bonnet ; - SNPL : M. Auguin, Président ; - SNPNC : M. Cebelieu, Président ; - UNAC : M. Descamps, Secrétaire général ; - UNSA : M. Chazal, Président, et Mme Leroy ; - contributions écrites de la CGT et du SPAC. ------------ N° 1552 - Rapport sur le projet de loi modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (M. Charles de Courson) 1 () Affaires C-466 à 469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98 et C-476/98. 2 () Article R. 342-5 du code de l'aviation civile. 3 () Article 9 du décret n° 55-733 du 26 mai 1955. 4 () L'article 4 du règlement (CEE) n° 2407/92 n'autorise la délivrance d'une licence d'exploitation et d'un certificat de transporteur aérien qu'aux entreprises dont l'activité principale est le transport aérien, alors que la société holding aura pour activité principale la définition de la stratégie et la coordination des activités des deux sociétés opérationnelles. 5 () Cf. par exemple, décisions n° 99-423 DC du 13 janvier 2000 et n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000. © Assemblée nationale |