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le 24 juin 2004

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N° 1616

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mai 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud concernant la navigation de commerce et autres matières maritimes connexes,

PAR M. ERIC RAOULT,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 423 rectifié (2002-2003), 146 et T.A. 53 (2003-2004)

Assemblée nationale : 1416

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE DU SUD 6

A - LA SITUATION POLITIQUE 6

B - LA SITUATION ÉCONOMIQUE 6

C - LES RELATIONS BILATÉRALES 7

II - L'ACCORD MARITIME ENTRE LA FRANCE ET L'AFRIQUE DU SUD
     DU 26 JUIN 1998
9

A - LE CADRE GÉNÉRAL DE L'ACCORD 9

B - LE CHAMP D'APPLICATION 9

C - PRÉSENTATION DE L'ACCORD 9

1) Les principes généraux de l'accord 9

2) Garanties complémentaires 10

CONCLUSION 12

EXAMEN EN COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis, autorisant la ratification de l'accord maritime entre la France et l'Afrique du Sud concernant la navigation de commerce et autres matières maritimes connexes a été signé à Pretoria le 26 juin 1998.

Ce projet ayant déjà été adopté par le Sénat, votre Rapporteur se contentera de rappeler brièvement la situation politique et économique de l'Afrique du Sud, avant de détailler le contenu de l'accord.

I - LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE DU SUD

A - La situation politique

L'Afrique du Sud a tourné en 1994 la page d'une longue histoire marquée par un système racial ségrégatif, pour mettre en place un régime démocratique. L'organisation du troisième scrutin post-apartheid, les élections législatives en avril 2004, ont montré combien la démocratie est aujourd'hui ancrée dans ce pays, dix ans seulement après la fin de l'apartheid. En obtenant près de 70 % des suffrages, le Congrès national africain (ANC) remporte sa plus grande victoire électorale. Le parti du Président Thabo Mbeki surpasse les résultats de 1999 (66 % des voix) et de 1994 (64 %), lorsque l'ancien Président Nelson Mandela avait conduit l'ANC à la victoire lors des premières élections démocratiques organisées dans le pays.

Aujourd'hui, l'Afrique du Sud est un garant de la stabilité régionale de l'Afrique subsaharienne. Sa politique est principalement tournée vers l'Afrique continentale où elle entretient des relations bilatérales avec chaque pays. Elle donne la priorité aux pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC1), à la résolution des conflits de l´Afrique des Grands Lacs, et à une progressive ouverture vers le Nigeria, l´Afrique francophone et l'Océan indien.

Le maintien de la stabilité politique dépendra de la capacité du pays à mieux intégrer ses couches les plus défavorisées et en maîtrisant l'extension du Sida.

B - La situation économique

Avec un PIB de 156 Md USD en 2003, soit plus du quart du PIB africain, plus du tiers du PIB de l'Afrique subsaharienne, et plus des trois-quarts du PIB de l'Afrique Australe, l'Afrique du Sud a de loin l'économie la plus riche et la plus diversifiée du continent africain, avec un poids équivalent, au niveau mondial, à celui de la Thaïlande ou de la Grèce.

La répartition des activités économiques par grand secteur est plus proche de celle des pays industrialisés que des pays en développement : le secteur primaire contribue pour 9% au PIB (moins de 6% pour les mines), le secondaire pour 25% et le tertiaire pour 66%.

La croissance est relativement faible (3 % en 2002).

L'Afrique du Sud s'est longtemps trouvée en retrait du commerce maritime mondial, mais ce pays est important du point de vue du transport maritime, tant par son commerce propre, que par son rôle de porte de l'Afrique australe et sa situation sur les routes maritimes qui contournent l'Afrique.

Les relations économiques de l'Afrique du Sud se font principalement vers l'Afrique continentale, surtout vers les pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Le partenaire le plus proche de l'Afrique du Sud est le Mozambique.

L'Afrique du Sud est devenue un acteur africain de premier plan et le premier partenaire économique de l'Union européenne sur le continent.

C - Les relations bilatérales

Les relations se sont renforcées depuis le soutien de la France au Nouveau Partenariat pour le développement économique de l'Afrique (NEPAD) à l'occasion du Sommet du G8 à Evian en juin 2003 et par la visite d'État en France en novembre 2003 à Paris du Président sud-africain Thabo Mbeki. Il convient de mentionner les convergences économiques et politiques entre les deux pays. Leur alliance stratégique pourrait avoir de fortes implications pour l'Afrique dans son ensemble.

Les deux pays ont adopté une position semblable à propos de l'Irak et ont réaffirmé le rôle de l'ONU. En outre, le fait que le Président sud-africain se soit rendu trois fois en France en 2003 a été considéré par les autorités françaises comme un soutien à leur politique africaine. Selon Thabo Mbeki, la France et l'Afrique du Sud partagent les mêmes valeurs et les mêmes objectifs sur beaucoup de problèmes, avant tout concernant la Renaissance africaine, un des leitmotivs du chef d'État sud-africain.

La France soutient l'Afrique du Sud à travers le programme européen de reconstruction et développement (21 millions €) et par une aide bilatérale de 6,8 millions € en 2003. Par ailleurs, la France contribue à la lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose.

La France est le cinquième partenaire de l'Afrique du Sud, avec la présence en Afrique du Sud de 70 filiales de sociétés françaises.

Les échanges maritimes directs entre ports français et sud-africains sont de faible ampleur : 7,3 millions de tonnes en 2000 et 6,05 millions de tonnes en 2001. En 2001, 16 navires sud-africains sont entrés dans les ports français.

Le groupe Bolloré est implanté en Afrique du Sud avec trois entités.

La société Delmas emploie 38 personnes sur place, dont 4 expatriés français.

Les compagnies Delmas et CMA/CGM affrètent 28 navires sur ces lignes, ce qui représente 500 emplois. Une vingtaine de salariés sont concernés par la gestion de ces lignes dans les services basés en France.

En 2001, les exportations de la France vers l'Afrique du Sud représentaient 1 150 millions d'euros, dont un tiers de machines outils, et plus marginalement des produits pharmaceutiques et des voitures. Par contre, les importations françaises en provenance d'Afrique du Sud (800 millions €) se concentrent sur le charbon, les minerais, les pierres précieuses et les fruits.

II - L'ACCORD MARITIME ENTRE LA FRANCE ET L'AFRIQUE DU SUD DU 26 JUIN 1998

A - Le cadre général de l'accord

Le trafic Europe/Afrique du Sud est actuellement organisé sous la forme d'une conférence maritime (South Africa Europe Conteneur Service), réunissant sept armements2, tandis que le lien Asie/Afrique du Sud est assuré par l'Asian/South African forum, regroupant onze armements3.

Le principal armement sud-africain est Safmarine, racheté en 1999 par l'armement danois Maersk. L'activité des armements sud-africains est résiduelle. L'Accord a été ratifié par la Partie sud-africaine le 1er février 2001

B - Le champ d'application

L'accord s'applique à l'ensemble des problèmes de marine marchande et des problèmes maritimes connexes entre la République française et la République d'Afrique du Sud, ainsi qu'à la navigation fluvio-maritime.

L'Accord concerne tous les navires affrétés et assimilés battant pavillon de l'Etat signataire à l'exception des bâtiments de guerre et autres navires appartenant au dit Etat utilisés à des fins non commerciales, des navires de pêche, des navires affectés aux services portuaires (pilotage etc.) et des navires de plaisance.

L'Accord ne concerne pas le cabotage national.

C - Présentation de l'accord

1) Les principes généraux de l'accord

L'Accord réaffirme les principes du droit international en matière de commerce maritime ; il offre un cadre stable et sûr à l'activité des entreprises françaises de commerce maritime présentes en Afrique du Sud.

En réaffirmant les principes de droit international applicable, les Parties s'engagent à appliquer de manière effective le principe du libre accès au marché et au trafic sur une base commerciale.

L'accord fixe un principe général d'ouverture du marché du transport maritime et garantit un traitement non discriminatoire pour les navires de l'autre Partie. Les clauses économiques ne mettent en place aucun système discriminatoire par rapport aux autres membres de l'Union européenne.

Les droits et obligations relevant de la Convention de Nations unies de 1974 relative au code de conduite des conférences maritimes ne sont pas préjugés.

Dans les ports, les Parties assurent l'accès et l'utilisation de toutes les installations portuaires à des fins commerciales. Les Parties percevront les mêmes droits et taxes portuaires que sur leurs propres navires en des circonstances similaires.

L'Accord ne prévoit pas de traitement privilégié pour les navires français en Afrique du Sud, ce qui aurait été incompatible avec les règles communautaires de concurrence. Mais il prévoit le bénéfice du traitement national aux navires d'un pays dans les ports de l'autre pays « afin de limiter le temps passé dans le temps ».

Dans le port de Durban, par exemple, les escales durent en moyenne 5 jours. Les difficultés résultent de la conjonction d'une croissance rapide des volumes et d'une inadaptation de structures de l'offre portuaire en termes de moyens humains et d'espaces.

2) Garanties complémentaires

Par ailleurs, l'Accord prévoit des garanties complémentaires, par exemple la possibilité d'établir sur le territoire de l'autre Partie les filiales et agences nécessaires.

L'Accord garantit qu'en cas de naufrage ou avaries, les autorités compétentes en informent le représentant consulaire de l'État et, de plus, accordent aux membres de l'équipage, aux passagers, au navire et à sa cargaison les mêmes aides qu'à un navire battant leur propre pavillon.

Il prévoit aussi les hypothèses d'actions illicites à l'encontre du navire et la reconnaissance mutuelle des documents relatifs à la nationalité des navires, des certificats de tonnage etc.

En outre, l'Accord prévoit la possibilité d'utiliser les revenus et recettes perçus sur le territoire d'une Partie pour effectuer le paiement des charges ou dettes.

L'Accord prend en compte le cas des passagers clandestins et l'entrée des marins. Leur débarquement peut être autorisé par les autorités compétentes. Une clause de réadmission des passagers clandestins et de coopération dans l'établissement de la nationalité des passagers découverts est insérée.

Cette coopération institutionnelle modifie la compétence territoriale de la loi pénale française : lorsqu'un navire d'une partie se trouve dans un port de l'autre, les autorités judiciaires locales ne peuvent intervenir que dans certains cas. Ces limitations de juridiction reflètent le statut particulier du navire qui est sous juridiction de l'État du pavillon en haute mer. L'introduction de limitations de ce type est un moyen d'assurer une réciprocité de traitement.

Enfin, les Parties conviennent de coopérer en promouvant le transport maritime entre eux. Pour cette raison les Parties établissent un Comité de liaison bilatéral du transport maritime.

CONCLUSION

L'Accord devrait avoir un impact favorable pour les entreprises françaises.

D'un point de vue économique l'Accord vient conforter les conditions de développement de l'activité des opérateurs maritimes français. Il garantit un cadre juridique stable et non discriminatoire.

Cet accord participe au soutien politique accordé par la France au processus de réforme et de transition en cours en Afrique du Sud à la suite de l'abolition du système d'apartheid et à instauration d'un nouvel ordre politique. L'Accord offre l'occasion de prendre acte de la libéralisation du commerce et de la réforme économique.

Au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 25 mai 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur a remarqué le faible PIB de l'Afrique du Sud - environ 15 fois inférieur à celui de la France - malgré le fait que celui-ci représente environ un quart du PIB africain. Il a en outre souhaité des précisions sur la pandémie du SIDA et s'est demandé si l'Afrique du Sud ne se trouvait pas dans une situation très spécifique face à cette maladie.

Le Rapporteur a indiqué que c'est en Afrique du Sud que le Sida était le phénomène le plus connu et le plus recensé. Il a rappelé que l'Afrique du Sud n'avait d'abord montré aucune contre volonté de lutter efficacement contre l'épidémie, alors qu'il est l'un des plus touchés au monde par la pandémie (5 millions de séropositifs, soit près de 12% de sa population). Le Président Thabo Mbeki a maintenant décidé de mettre en œuvre une campagne nationale de traitement par les trithérapies gratuit pour ces personnes.

La mise en œuvre de ce vaste plan d'action va également nécessiter l'amélioration du système de santé sud-africain ainsi que l'augmentation et la formation du personnel médical. L'Afrique du Sud va ainsi consacrer près de 12 milliards de rands (1,75 milliard de dollars) à la lutte contre le sida. Cette nouvelle politique s'accompagne de l'accord conclu en 2003 autorisant les médicaments génériques antisida dans toute l'Afrique subsaharienne.

L'autre problème auquel est confrontée l'Afrique du Sud est la violence, surtout juvénile. Dans une société où la violence est perçue comme une chose «normale», quotidienne, les femmes sont les premières victimes. On dit ainsi qu'en Afrique du Sud il ne se passe pas une seule minute sans qu'une femme soit violée.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 1416).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1416).

N° 1616 - Rapport de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi adopté par le Sénat autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud concernant la navigation de commerce et autres matières maritimes connexes (rapporteur : M. Éric Raoult)

1 La « Southern African Development Community » (SADC) comprend 14 Etats : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, République démocratique du Congo, Seychelles, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

2 Consortium Hispania Lines S.A., DAL - Deutsche Afrika Linien GmbH & Co., Maersk Sealand, Maritime Carriers Shipping GmbH & Co., P%O Nedlloyd BV, Safmarine Container Lines NV, Transatlantic Southern Africa Services AB.

3 Par exemple CMA-CGM, Maersk, SafmarineCosco, Evergreen, K line, MISC, MOL, NYK, P&O Nedlloyd.


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