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le 12 juillet 2004

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N° 1713

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juillet 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1429), autorisant la ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté entre la République française et la Fédération de Russie,

PAR M. RENÉ ANDRÉ,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA REFONTE DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE RUSSE :
     UN CHANTIER DE GRANDE AMPLEUR
7

A - UN DÉFI IMMENSE 7

1) Un dispositif pénitentiaire complexe 7

2) Un tableau préoccupant 8

B - DES PROGRÈS MODESTES MAIS RÉELS 9

1) Des progrès reconnus par les instances européennes 9

2) Le changement de tutelle de l'administration pénitentiaire et
    le développement des peines alternatives à l'emprisonnement :
    deux réformes majeures
10

II - UNE CONVENTION GAGE D'UNE MEILLEURE RÉINSERTION SOCIALE
      DES PERSONNES CONDAMNÉES
13

A - LE CHAMP DE LA CONVENTION 13

B - LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION : LA REPRISE DES PRINCIPALES
      DISPOSITIONS DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU 21 MARS 1983
14

1) Les conditions et la mise en œuvre du transfèrement 14

2) Les conditions d'exécution de la condamnation 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 18

Mesdames, Messieurs,

C'est dans une double dynamique que s'inscrit le présent projet de loi de ratification de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté avec la Fédération de Russie. Une dynamique bilatérale, tout d'abord : cette convention représente un témoignage supplémentaire de la qualité de la relation que la France entretient avec la Russie. Historiquement privilégiés, les liens entre nos deux pays sont aujourd'hui particulièrement forts. Le voyage du Président de la République à Moscou, au mois d'avril 2004, et la venue récente du Président Poutine en France, dans le cadre de la célébration du soixantième anniversaire du débarquement en Normandie, marquent les derniers temps forts d'une relation nourrie de contacts multiples et constants aux plus hauts niveaux. C'est d'ailleurs à l'occasion de la visite d'État du Président Poutine en France que la présente convention a été signée, le 11 février 2003. En second lieu, ce projet de loi fait écho à la vaste réforme pénitentiaire aujourd'hui engagée en Russie, qui s'inscrit dans un mouvement de refonte radicale de l'appareil judiciaire russe. Nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le 1er juillet 2002, amendements substantiels apportés, en décembre 2003, au code pénal de 1996 : la Russie est engagée dans une profonde modernisation de son arsenal répressif.

La convention proposée à notre examen vient combler une lacune juridique. En effet, si nos relations d'entraide judiciaire et d'extradition avec la Russie sont régies par l'application des conventions d'entraide judiciaire en matière pénale (1959) et d'extradition (1957) du Conseil de l'Europe, ratifiées par la Russie le 10 décembre 1999 et applicables depuis mars 2000, rien n'existe, en revanche, à ce jour concernant le transfèrement des détenus. La Russie n'a jusqu'alors, en effet, pas souhaité adhérer à la convention européenne du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, certaines dispositions de cette convention suscitant des interrogations de sa part, notamment l'article concernant la prise en charge des coûts liés au transfèrement.

Le dispositif de la présente convention, qui s'inspire néanmoins très largement de cette convention européenne, a pour objet la mise en place d'une procédure simple visant à faciliter le transfèrement des détenus ressortissants de l'un des États parties vers leur État d'origine pour y purger leur peine, afin de favoriser leur réinsertion sociale et de limiter le sentiment d'isolement. Classique dans son contenu, il offre l'occasion de faire le point sur les réformes en cours de l'appareil judiciaire russe, et plus particulièrement sur la situation d'un système pénitentiaire en mutation.

I - LA REFONTE DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE RUSSE :
UN CHANTIER DE GRANDE AMPLEUR

« Humaniser le code pénal » : c'est en ces termes que le Président Vladimir Poutine a présenté l'importante modification du code pénal de 1996, intervenue au mois de décembre 2003. D'ores et déjà, cette « humanisation » du système répressif russe produit ses effets en matière pénitentiaire.

Reste que le chantier de l'amélioration de la situation dans les prisons russes est immense : les problèmes liés à la surpopulation et le manque d'hygiène restent prégnants, en dépit de progrès réels, mais limités.

A - un défi immense

1) Un dispositif pénitentiaire complexe

A ce jour, 815 000 personnes sont détenues dans les établissements pénitentiaires russes, parmi lesquels il convient de distinguer trois types.

En premier lieu, 4000 personnes sont actuellement incarcérées dans les prisons qui présentent, en Russie, la particularité d'être peu nombreuses - elles sont au nombre de 13 - et de ne concerner que les détenus les plus dangereux. Ces derniers y sont, de fait, soumis à des conditions d'incarcération extrêmement rigoureuses, le régime étant celui de l'enfermement strict.

Ce sont les établissements de rééducation (ispravitelnie colonii) qui rassemblent la très grande partie des détenus. 600 000 personnes y séjournent actuellement, réparties en trois catégories :

- un régime général, applicable aux détenus « assez dangereux », qui en sont à leur première infraction ;

- un régime sévère, pour les récidivistes ;

- enfin, un régime particulièrement sévère, réservé aux détenus multirécidivistes et à ceux qui sont condamnés à la réclusion à perpétuité.

Au-delà de ces différences, il convient de noter que le régime carcéral dans ces établissements y est plus ouvert que dans les prisons. Les détenus peuvent, en effet, aller et venir, travailler et se rassembler dans des foyers.

Enfin, le système pénitentiaire russe comporte un troisième type d'établissement, les colonies (poselenie colonii). 42 000 personnes se trouvent actuellement dans ces foyers ouverts, qu'elles peuvent quitter pour rencontrer leur famille ou pour travailler. Là encore, trois régimes différents sont prévus selon les catégories de condamnés : un régime pour les détenus peu dangereux, un second pour les délinquants primaires et dont la peine est inférieure à cinq ans, et un dernier pour ceux qui font preuve de bonne conduite.

Ajoutons qu'il existe des établissements pour femmes et pour mineurs : 15 000 mineurs et 40 000 femmes y sont actuellement incarcérés.

Il convient, enfin, de noter que, parmi les 815 000 détenus russes, 136 000 se trouvent en détention provisoire, dans des établissements spécifiquement destinés à cette fin, les sizos (établissements pour la détention provisoire).

2) Un tableau préoccupant

À l'évidence, ces seuls chiffres témoignent d'une situation pénitentiaire difficile, ce que confirment d'autres indicateurs particulièrement révélateurs. Ainsi en est-il de l'âge moyen des constructions, notamment des prisons. Non seulement celles-ci fonctionnent selon un régime d'une extrême rigueur mais, en outre, elles sont généralement en très mauvais état, situées dans des bâtiments construits avant la révolution. Il en est d'ailleurs de même des sizos. Le reste des bâtiments sont de construction postérieure, les colonies étant de construction plus récente.

Dans un tel contexte, la surpopulation carcérale n'a rien d'étonnant. Elle atteint des proportions particulièrement importantes dans les prisons, avec dix détenus par chambre ; dans les colonies, ce nombre varie de 3 à 10. Cette surpopulation touche surtout Moscou, Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg (Oural), du fait des importants flux migratoires venant des pays de la CEI, de la Chine et du Vietnam.

Conséquence de la surpopulation et de la vétusté des locaux - même si d'autres facteurs sociaux interviennent également sans doute - l'état sanitaire dans les établissements pénitentiaires russes est particulièrement préoccupant : 90 000 détenus sont atteints de tuberculose, 35 000 du SIDA, 130 000 souffrent de toxicomanie ou d'alcoolisme et 71 000 de troubles psychiques. Il convient toutefois de noter qu'existent des colonies « de soin » spécifiques pour certaines de ces maladies : 57 pour la tuberculose, 11 pour les toxicomanes, certains établissements étant pourvus d'hôpitaux (133).

La situation carcérale russe est d'autant plus difficile que le taux d'encadrement des détenus est faible : si le nombre de surveillants (328 000) est optiquement bien proportionné au nombre de détenus, sur le terrain, on ne compte en réalité qu'un surveillant pour six détenus. Sachant qu'un fonctionnaire de l'administration pénitentiaire touche 5000 roubles par mois, on comprend que la plupart des poursuites engagées par l'administration pénitentiaire à l'encontre de ses personnels le soient pour des faits de corruption (y compris fourniture de stupéfiants). Ainsi, au sein des surveillants actuellement en poste, 278 ont été révoqués pour les premiers six mois de l'année 2004.

B - Des progrès modestes mais réels

Au regard des chiffres français - 60 000 personnes environ détenues en 2004 -, les statistiques pénitentiaires russes frappent par leur ampleur, que le différentiel démographique ne suffit pas à expliquer : avec 685 prisonniers pour 100 000 habitants, la Russie est bien au-delà de la moyenne européenne de 80 détenus pour 100 000 habitants. A l'évidence, la situation des établissements pénitentiaires russes est problématique, sans commune mesure avec les difficultés que connaissent les prisons françaises. Reste que, globalement, elle s'améliore nettement.

1) Des progrès reconnus par les instances européennes

Il serait injuste de sous-estimer les efforts aujourd'hui accomplis par la Russie pour réformer le système pénitentiaire, d'ailleurs reconnus par différentes instances européennes.

C'est d'abord le Comité européen pour la prévention de la torture qui, après avoir visité à onze reprises les prisons russes depuis 1999 et conclu, au début de cette période, à des « faits de torture », selon les informations fournies par le ministère de la justice russe, délivre désormais un jugement bien meilleur, mettant en avant l'amélioration de la situation carcérale.

Ce sont ensuite, en juillet 2003, les responsables de la commission de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe chargée des problèmes juridiques et des droits de l'homme, qui ont fait état de changements positifs survenus dans le système russe d'application des peines. Rappelons que cette assemblée suit avec attention les questions pénitentiaires : lors de la session 2003, un rapport sur la situation des prisons et des maisons d'arrêt en Europe a été présenté par notre collègue Michel Hunault, qui mettait en avant l'aggravation des conditions de vie dans de nombreuses prisons en Europe et a proposé le vote « d'une convention européenne pénitentiaire qui fixe des normes et des critères communs aux États membres du Conseil de l'Europe permettant d'harmoniser les peines, les conditions de détention et le contrôle pour leur application » (1).

Il faut enfin préciser que, sur le plan interne, le représentant des droits de l'Homme au niveau fédéral peut, à tout moment, effectuer une visite sans autorisation préalable, mais seulement avec un préavis de 48 heures, dans les établissements pénitentiaires. Loin de n'exister que sur le papier, cette faculté fait partie de la pratique administrative. Qui plus est, un système de surveillance des prisons par la société civile émerge peu à peu, complémentaire des pouvoirs de contrôle du procureur : c'est ainsi que l'année 2003 aura vu la création d'un conseil social à cette fin.

2) Le changement de tutelle de l'administration pénitentiaire et le développement des peines alternatives à l'emprisonnement : deux réformes majeures

Les autorités russes mènent actuellement des réformes qui devraient continuer de modifier profondément le visage des prisons russes.

La première d'entre elles porte sur le transfert de l'administration pénitentiaire du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice en 1998. Selon la réforme administrative en cours, l'administration pénitentiaire va devenir un service fédéral au sein du ministère de la justice. Toutes les traces du système précédent n'ont pas disparu pour autant : ainsi, les gardiens de prison ont gardé l'uniforme antérieur, que tous les observateurs qualifient de « militaire », le reste du personnel (enseignants, médecins) étant cependant habillé en civil. Vraisemblablement, cette rupture avec un passé encore récent se heurte à des obstacles budgétaires.

La seconde réforme réside dans l'adoption du nouveau code de procédure pénale et l'assouplissement du code pénal, mesures dont la conjonction avec la loi d'amnistie de 2000 a permis de diminuer le nombre de détenus de 300 000 depuis 2001. En effet, l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale s'est traduite par une réduction des emprisonnements du fait de la diminution du nombre des détentions provisoires, dont le prononcé a été transféré du procureur au juge. En outre, depuis l'adoption en décembre 2003 de plusieurs amendements au code pénal, qui ont diversifié et adouci la plupart des peines - l'amende est privilégiée à la peine de prison -, 80 000 détenus supplémentaires ont été libérés, en raison du principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce. Par exemple, en matière de stupéfiants, la détention d'une petite quantité de stupéfiants n'est plus considérée comme un délit passible d'emprisonnement mais seulement comme une infraction administrative, passible de 1 000 roubles (soit 28 euros) d'amende ou de quinze jours maximum de détention administrative.

La justice russe s'efforce, en outre, de développer les peines alternatives à l'emprisonnement : 68 % des personnes jugées sont, à ce jour, condamnées à une peine non privative de liberté. Une expérimentation vient également de s'achever, afin de développer sur les peines de travail d'intérêt général : 300 personnes en ont bénéficié. Si cette modalité figure actuellement dans la législation russe comme modalité de la peine de sursis, elle devrait prochainement devenir une peine à part entière, lorsque la loi d'application sera adoptée (probablement à l'automne) par le Parlement. Enfin, l'année prochaine devrait voir la mise en place du régime de la liberté surveillée (ogranitchenaya svoboda), sous forme de surveillance électronique à domicile. L'adoption de ces nouvelles mesures devrait mécaniquement faire encore baisser le nombre de détenus. Ajoutons que l'ensemble des actions développant les peines alternatives pourrait, en 2005, faire l'objet d'une coopération bilatérale avec la France, après la réussite des actions mises en œuvre en 2004 dans ce cadre, qui se sont traduites, notamment, par une visite d'étude de l'administration pénitentiaire russe à l'école de formation d'Agen.

II - UNE CONVENTION GAGE D'UNE MEILLEURE RÉINSERTION SOCIALE DES PERSONNES CONDAMNÉES

Après les conventions d'extradition et d'entraide judiciaire, le projet de convention aujourd'hui soumis à la ratification du Parlement vient compléter le triptyque des relations judicaires entre la France et la Russie.

L'enjeu n'est pas mince : ce sont, au total, quelque 433 personnes qui sont concernées par les dix-huit articles de ce texte, qui traitent des règles relatives aux conditions du transfèrement, du cadre procédural dans lequel celui-ci devra s'inscrire et des modalités d'exécution des peines, une fois le transfèrement opéré.

A - le champ de la convention

D'après les données fournies à votre rapporteur par le ministère des affaires étrangères, trois Français sont aujourd'hui incarcérés dans les prisons russes, dont deux en détention provisoire. Le champ d'application de la convention concerne donc surtout des détenus de nationalité russe incarcérés en France : au 28 juin 2004, ils étaient 430, condamnés ou poursuivis pour 202 différents types d'infractions, chaque détenu pouvant cumuler plusieurs infractions.

les détenus russes dans les prisons françaises en 2004

nature de l'infraction

nombre de cas

Infraction à la législation des étrangers :

- entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France

- soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière et non communication de documents ou renseignement permettant l'exécution d'une reconduite frontière, pénétration non autorisée après interdiction

- faux documents constatant un droit, une identité, ou une qualité, identité imaginaire, détention frauduleuse de faux documents administratifs

276

137

90

49

Vol

209

Recel d'objet provenant d'un délit (vol, escroquerie)

72

Proxénétisme (y compris aggravé ou en bande organisée)

42

Violences et violences aggravées

36

Infraction à la législation sur les stupéfiants

22

Escroquerie

20

Infractions en lien avec la réglementation routière

20

Association de malfaiteurs

11

Viol, viol en réunion, viol avec arme

6

Homicide

3

B - le dispositif de la convention : la reprise des principales dispositions de la convention européenne du 21 mars 1983

1) Les conditions et la mise en œuvre du transfèrement

· Les conditions du transfèrement : garantir le respect des droits du condamné

Le point cardinal de la convention repose sur le principe de libre consentement des personnes condamnées : en effet, seuls les personnes condamnées ou leur représentant légal peuvent formuler le souhait d'être transférées auprès de l'un ou l'autre État. L'État d'exécution de la sentence doit disposer des moyens de vérifier l'authenticité de ce consentement. Qui plus est, au-delà du consentement du seul condamné, l'État de condamnation comme l'État d'exécution doivent donner leur accord au transfèrement. Ainsi, le transfèrement peut être refusé si l'État de condamnation estime qu'il porterait atteinte à sa souveraineté ou à son ordre public ou encore si le condamné ne s'est pas acquitté des condamnations pécuniaires qui lui ont été imposées ou n'a pas offert de garanties suffisantes en ce sens.

Au-delà de ce principe général, les conditions qui doivent être remplies pour procéder au transfèrement sont de trois ordres : elles tiennent à la personne du condamné, à certaines caractéristiques de la décision judiciaire ou encore aux faits constitutifs de l'infraction à l'origine de la condamnation.

S'agissant de la personne du condamné, celui-ci doit être ressortissant de l'État d'exécution. Quant à la décision judiciaire, elle doit être définitive et aucune autre procédure ne doit être pendante à l'encontre du condamné dans l'État de condamnation. Pour éviter qu'une procédure de transfèrement ne soit engagée qui entraînerait des coûts sans commune mesure avec les avantages escomptés, la durée de la peine restant à subir doit être, sauf cas exceptionnels (raisons de santé notamment), d'au moins six mois. Enfin, en application du principe de la double incrimination, les faits à l'origine de la condamnation doivent également constituer une infraction pénale au regard du droit de l'État d'exécution.

· La mise en œuvre du transfèrement

Pour la mise en œuvre de la convention, les parties désignent des autorités centrales - le ministère de la justice pour la France, le parquet général de la Fédération pour la Russie, qui communiquent directement entre elles.

Les demandes de transfèrement et les réponses sont adressées, par écrit, aux autorités centrales et l'État requis doit informer rapidement l'État requérant de la suite qu'il entend réserver aux demandes qui lui sont transmises. Par ailleurs, un certain nombre de pièces doivent être fournies par l'État d'exécution à l'État de condamnation sur la demande de ce dernier, notamment une note d'information relative aux effets juridiques, pour la personne condamnée, des lois et règlements concernant sa détention dans l'État d'exécution.

Enfin, en matière financière, les frais occasionnés par le transfèrement de la personne condamnée sont à la charge de l'État d'exécution.

2) Les conditions d'exécution de la condamnation

Afin de tenir compte des différences existant entre les systèmes pénaux des deux parties, notamment de celles qui seraient liées à la définition de quantum de peine différents, la convention comporte un certain nombre de dispositions relatives aux conditions d'exécution de la condamnation.

Elle prévoit ainsi que le condamné transféré continue en principe de purger, dans l'État d'exécution, la peine infligée dans l'État de condamnation, même si celle-ci est appliquée conformément au droit de l'État d'exécution. Toutefois, si la durée et la nature de la peine sont incompatibles avec l'ordre interne de l'État d'exécution, celui-ci peut, par décision judiciaire, l'adapter aux sanctions prévues par sa propre législation pour des faits de même nature. Il reste que l'État d'exécution est lié par la nature juridique et la durée de la peine initiale, ce qui signifie, par exemple, que les juridictions de l'État d'exécution ne peuvent transformer une peine privative de liberté en sanction pécuniaire. Par ailleurs, dans l'éventualité d'une conversion de peine, il est prévu que la nouvelle peine ne peut aggraver par sa nature ou sa durée la peine prononcée dans l'État de condamnation. De même, elle ne peut excéder le maximum prévu par la législation de l'État d'exécution. Qui plus est, en vertu de la règle classique « non bis in idem », le condamné transféré ne peut être poursuivi dans l'État d'exécution pour les mêmes faits que ceux qui sont à l'origine de la peine prononcée dans l'État de condamnation.

S'agissant de la France, et notamment des règles concernant le sursis et la récidive, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article 768 (8°), du code de procédure pénale, les condamnations prononcées par les autorités judiciaires russes à l'encontre de ressortissants français, qui donneront lieu à transfèrement, seront enregistrées par le casier judiciaire national. Toutefois, les condamnations étrangères ne figurent au bulletin n°1 du casier judiciaire (dont l'accès est réservé aux autorités judiciaires) qu'à titre de simple renseignement. Les jugements étrangers n'ayant, par eux-mêmes, pas de force exécutoire sur le territoire français, les condamnations qu'ils comportent ne peuvent être une cause légale d'aggravation de la peine en droit français. En effet, en raison du principe de territorialité de la loi pénale, une condamnation pénale doit, pour constituer le premier terme de la récidive, avoir été prononcée par une juridiction française (Cass. Crim. 27 novembre 1928).

Par ailleurs, chaque État conserve toute latitude d'accorder la grâce, l'amnistie ou la commutation de la peine, conformément à son droit interne, mais réserve à l'État de condamnation la compétence en matière de recours ou d'action en révision. A cet égard, lorsque la condamnation cesse d'être exécutoire à la suite d'une décision ou d'une mesure prise par l'État de condamnation, amnistie ou révision du jugement par exemple, l'État d'exécution doit alors mettre fin à l'exécution dès qu'il est informé par l'autre partie d'une telle décision ou mesure. Précisons à cet égard que le droit russe connaît également la pratique de l'amnistie : aux termes de l'article 84 du code pénal russe, la Douma est compétente pour adopter une loi d'amnistie. Celle-ci ne présente cependant pas le caractère systématique de l'amnistie pratiquée en France à l'occasion de chaque fête nationale puisque la dernière en date remonte à 2001. Ainsi, après 1999, qui vit la libération de 24 000 détenus et 2000, avec 200 000 remises en liberté, la loi d'amnistie de 2001 a libéré 25 000 femmes et mineurs. Sans préjuger d'une décision qui dépend de la seule souveraineté russe, peut-être une nouvelle loi d'amnistie sera-t-elle adoptée en 2005, à l'occasion de la célébration des soixante ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, la convention précise les trois cas dans lesquels l'État d'exécution a l'obligation d'informer l'État de condamnation sur l'exécution de la peine. Il s'agit des cas où :

- il considère que l'exécution de la condamnation est terminée ;

- la personne transférée s'évade avant la fin de l'exécution de sa condamnation ;

- l'État de condamnation l'interroge.

CONCLUSION

Après un certain nombre de pays de l'Union européenne, dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la République Tchèque, la France s'apprête à disposer d'un instrument juridique ouvrant la faculté, aux détenus français et russes, de purger leur peine dans leurs pays respectifs. De son côté, la Russie devrait, de même, achever le processus de ratification à la Douma avant la fin de l'année 2004.

En permettant ce rapatriement, la convention répond d'abord à des considérations humanitaires, en ce qu'elle tente de régler la situation de condamnés détenus dans des conditions parfois extrêmement difficiles et assure leur rapprochement avec leur environnement familial et culturel. Elle obéit également à des considérations de bon fonctionnement des établissements pénitentiaires, en supprimant les difficultés linguistiques, culturelles et sociales auxquelles se heurtent les détenus étrangers.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 juillet 2004.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1429).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1429).

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N° 1713 - Rapport sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention France-Russie sur le transfèrement des personnes condamnées à une peine privative de liberté (M. René André)

1 () Rapport AN n° 1667 de M. Bernard Schreiner, Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe - 2ème partie, session 2003, juin 2004.


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