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le 16 mai 2005

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N° 2303

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2122) DE M. CHRISTIAN PHILIP sur l'Union européenne et la lutte contre le terrorisme (documents E 2616, E 2634 et E 2734),

PAR M. Alain MARSAUD,

Député.

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Voir le numéro : 2123

INTRODUCTION 5

I. - LA CONTRIBUTION DE L'UNION EUROPÉENNE A LA LUTTE CONTRE
LE TERRORISME
6

A. L'ACTION DE L'UNION EUROPÉENNE : UNE VALEUR AJOUTÉE PLUS QU'UNE SUBSTITUTION AUX POLITIQUES NATIONALES 6

1. La fausse solution de la « communautarisation » de la lutte contre le terrorisme 6

2. Une valeur ajoutée réelle pour favoriser la coopération policière et judiciaire. 7

B. UN PROGRAMME LÉGISLATIF AMBITIEUX DIFFICILE À METTRE EN œUVRE 8

1. Un processus de décision peu efficace 8

2. Un bilan mitigé 9

II. - LES PROJETS D'ACTES SOUMIS À L'EXAMEN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 10

A. LE PROJET DE DÉCISION-CADRE SUR LA RÉTENTION DE DONNÉES DE COMMUNICATION (E 2616) 10

1. Une initiative bienvenue 10

2. Les principaux points soulevés par le projet de décision-cadre 12

B. LE PROJET DE DÉCISION-CADRE RELATIVE À LA SIMPLIFICATION DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS ET DE RENSEIGNEMENTS ENTRE LES SERVICES RÉPRESSIFS (E 2634) 13

1. Le principe de disponibilité : une voie d'amélioration de la coopération policière à nuancer dans le cas de la lutte contre le terrorisme 13

2. Le projet de décision-cadre suédois : une tentative de mise en œuvre du principe de disponibilité 14

C. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE ANTI-BLANCHIMENT, Y COMPRIS LE FINANCEMENT DU TERRORISME (E 2734) 15

1. La prise en compte de la spécificité de la lutte contre le financement du terrorisme 15

2. Les questions soulevées par la proposition de directive 16

EXAMEN EN COMMISSION 17

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION SUR L'UNION EUROPÉNNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 19

TABLEAU COMPARATIF 23

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 27

MESDAMES, MESSIEURS,

Notre Commission est saisie, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'une proposition de résolution présentée par M. Christian Philip, Rapporteur de la délégation pour l'Union européenne.

L'objet de cette proposition de résolution sur l'Union européenne et la lutte contre le terrorisme est d'exprimer la position de l'Assemblée nationale sur trois projets de textes européens : le projet de décision-cadre sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme (E 2616), le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes (E 2634) et la proposition de directive relative à la prévention du blanchiment du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (E 2734).

Si le développement du terrorisme international a pu contribuer à la mise en œuvre de ces initiatives, il convient de préciser qu'aucune de celles-ci ne concerne spécifiquement le terrorisme. En effet, la nécessité de combattre ces activités violentes permet incontestablement une prise de conscience plus globale de l'importance d'une action plus résolue de l'Union européenne en matière de lutte contre la criminalité, qui passera par la mise en œuvre progressive d'un « espace européen de liberté, de sécurité et de justice ».

I. - LA CONTRIBUTION DE L'UNION EUROPÉENNE A LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

A. L'ACTION DE L'UNION EUROPÉENNE : UNE VALEUR AJOUTÉE PLUS QU'UNE SUBSTITUTION AUX POLITIQUES NATIONALES

1. La fausse solution de la « communautarisation » de la lutte contre le terrorisme

Face au développement du terrorisme international, l'Union européenne semble une zone particulièrement vulnérable, rendant ainsi indispensable une prise de conscience de la gravité du phénomène, que les attentats perpétrés à Madrid le 11 mars 2004 n'a fait que confirmer.

Au-delà des cibles qu'offrent tous les pays européens du fait de leur appartenance au « monde occidental », l'Union européenne possède des caractéristiques propres qui en accentuent la vulnérabilité. Ces facteurs sont d'abord liés à des raisons historiques et géographiques : l'Union européenne est particulièrement exposée au terrorisme internationaliste islamiste en raison de sa proximité avec des zones de crise (Moyen-Orient, Afrique), et du fait des importantes communautés immigrées en provenance de ces zones, généralement bien intégrées, mais au sein desquels des réseaux terroristes peuvent trouver des relais et se fondre.

En outre, la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux entre les pays de l'Union européenne constitue indéniablement un atout pour les réseaux terroristes qui, comme tous les groupes criminels, jouent sur la dichotomie existant entre la disparition des entraves à leurs propres mouvements et la persistance de frontières judiciaires dans l'Union européenne. Ce constat est encore accentué pour les pays appartenant à l'espace Schengen, dans lesquels les contrôles de police systématiques aux frontières internes ont été supprimés.

Compte tenu de cette situation, les opinions publiques, du moins lorsque survient un attentat de grande ampleur, s'interrogent légitimement sur l'efficacité de l'action de l'Union européenne pour lutter contre le terrorisme. Pour autant, il ne faut pas céder à la tentation de solutions séduisantes en théorie, mais inapplicables et, en fin de compte, inadaptées aux spécificités de la lutte contre le terrorisme.

Il n'est certes pas possible de nier que la police et la justice sont des domaines sensibles dans lesquels les particularismes nationaux restent forts, ainsi que la méfiance concernant tout transfert de souveraineté. Cependant, ce constat ne suffit pas à expliquer la méfiance d'une majorité d'Etats, notamment les plus grands, à l'égard d'une « communautarisation » de la lutte contre le terrorisme, c'est-à-dire à l'égard du transfert à des entités européennes supranationales de la lutte au quotidien contre les réseaux terroristes.

S'agissant par exemple du renseignement, domaine fondamental dans la lutte contre le terrorisme, il est certain qu'un plus grand partage de l'information est indispensable dans la mesure où un renseignement collecté dans un pays peut empêcher un attentat dans un autre. C'est à partir de ce principe simple qu'est née dans quelques pays européens, juste après les attentats de Madrid, l'idée de mutualiser les ressources en matière de renseignement anti-terroriste des Etats de l'Union européenne au sein d'une sorte de « CIA européenne ».

Cette idée, pour séduisante qu'elle soit, se heurte malheureusement aux réalités du monde du renseignement. Sa réalisation apporterait ainsi plus d'inconvénients que d'avantages. En effet, un « renseignement » n'est pas une information comme une autre, car sa collecte, sa transmission et son échange obéissent à des règles très strictes, du respect desquels dépendent la protection de la source et la fiabilité du renseignement. C'est la raison pour laquelle un renseignement ne peut pas être « mutualisé », c'est-à-dire être mis à la disposition de tous les services européens, car la capacité d'un service à collecter des renseignements repose sur sa capacité à maîtriser la circulation de celui-ci : c'est la règle dite du « tiers exclu » selon laquelle la fourniture d'une information à un autre service n'autorise pas à ce dernier de le mettre à la disposition d'un troisième. Un renseignement reste en effet toujours la propriété du service qui l'a collecté à l'origine. Du respect des règles fondamentales du renseignement, dépend par ailleurs la sécurité de la source.

Ainsi, la qualité de l'échange de renseignements est liée à la confiance existant entre services : confiance qui ne se décrète pas mais se forge dans des relations quotidiennes. Le terrorisme est à la lisière de la lutte contre la criminalité, de la défense de l'ordre public et de la protection de la sécurité nationale, il est donc illusoire de penser que les Etats peuvent totalement se désintéresser de cette question : une « CIA européenne » ne remplacerait donc vraisemblablement pas les outils existant mais se superposerait à eux, complexifiant l'appareil de lutte contre le terrorisme et gênant en fin de compte la coopération opérationnelle bilatérale.

Enfin, l'efficacité d'un système de lutte anti-terroriste repose sur son intégration dans son environnement : il est à craindre que la mise en place d'une structure supranationale ne privilégie une intégration bureaucratique des structures au détriment de la lutte concrète et quotidienne contre les réseaux terroristes.

2. Une valeur ajoutée réelle pour favoriser la coopération policière et judiciaire.

Si la communautarisation n'est pas souhaitable en matière de lutte contre le terrorisme, cela ne signifie aucunement que l'Union européenne n'a aucun rôle à jouer dans ce domaine. Son principal rôle doit ainsi être de tout mettre en œuvre pour faire disparaître les freins qui empêchent la coopération directe entre Etats membres et, surtout, pour estomper les frontières judiciaires et policières internes à l'Union européennes, à l'abri desquels les criminels ne doivent plus pouvoir se réfugier, tout en profitant de la libre circulation au sein de l'espace européen.

L'efficacité de la lutte anti-terroriste repose donc sur un rapprochement des législations et des systèmes pénaux et sur la mise en place d'outils concrets permettant d'accélérer l'entraide judiciaire en matière pénale et la coopération policière. Même, si elles ne concernent pas uniquement la lutte contre le terrorisme, il nous semble que ces formes de coopération doivent être considérablement développées. L'objectif à terme devrait être que les frontières nationales ne constituent plus un obstacle dans la conduite d'enquêtes en matière terroriste. Il ne faut donc pas opposer coopération multilatérale dans le cadre de l'Union européenne et coopérations directes entre États ; la première devant être utilisée pour rendre les secondes plus efficaces.

C'est d'ailleurs dans cet esprit que le Conseil a nommé le représentant de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, M. Gijs de Vries, après les attentats du 11 mars 2004. Lui-même reconnaissait ainsi, à l'occasion d'une audition devant la commission des Affaires étrangères de notre Assemblée le 22 juin 2004 que « le rôle fondamental de l'Union est d'apporter dans le domaine qui nous préoccupe une valeur ajoutée. Sa responsabilité est avant tout, dans l'état actuel du droit, qui régit les compétences respectives de l'Union et des Etats membres, de donner à ces derniers une base juridique qui facilite la coopération entre Etats membres. En effet, la lutte opérationnelle contre le terrorisme est placée sous la seule et pleine responsabilité des Etats membres, qu'il s'agisse de l'action des services de renseignement ou de police, ou encore de la justice pénale. Dès lors l'action de l'Union est essentiellement complémentaire de celle des Etats membres ».

En conséquence, la valeur ajoutée de l'Union européenne dépend de sa capacité à rapprocher les législations et à favoriser la coopération entre les services répressifs et judiciaires nationaux, ce qui passe par l'adoption d'une législation européenne, dont les deux propositions de décision-cadre et le projet de directive que nous examinons aujourd'hui constituent une illustration.

B. UN PROGRAMME LÉGISLATIF AMBITIEUX DIFFICILE À METTRE EN œUVRE

1. Un processus de décision peu efficace

La coopération policière et judiciaire est un domaine particulièrement sensible, où l'attachement à la souveraineté reste légitimement fort. Il en résulte que le mode de formation du droit européen dans ces domaines se fonde encore sur une approche intergouvernementale, probablement au détriment de l'efficacité.

Ainsi, ce n'est que depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht en 1993 que l'Union européenne dispose de compétences en la matière, d'ailleurs limitées, puisque ce traité prévoyait que l'harmonisation devait s'effectuer au moyen de conventions internationales classiques. Pour entrer en vigueur, ces dernières devaient donc être ratifiées par l'ensemble des Etats de l'Union, ce qui pouvait prendre de très nombreuses années.

Le traité d'Amsterdam a donc constitué un important progrès par la mise en place d'une nouvelle procédure, celle de la décision-cadre qui lie « les États membres quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». L'utilisation de cet instrument juridique est donc devenue le moyen privilégié du développement de la coopération judiciaire pénale et policière. Cependant, son efficacité reste limitée : tout d'abord par l'obligation de prendre ces décisons-cadre à l'unanimité, ce qui conduit souvent à adopter des textes peu ambitieux au regard des enjeux, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. En outre, dans la mesure où la coopération judiciaire pénale et policière continue de relever du « troisième pilier », et non du pilier communautaire, les règles généralement applicables en cas de non respect de ses obligations par un Etat membre ne s'appliquent pas. Ainsi, il n'est par exemple pas possible d'exercer un recours en manquement devant la Cour de justice des Communautés européennes à l'encontre d'un Etat qui se refuse à transposer les dispositions d'une décision-cadre.

A ce sujet, il faut préciser que l'entrée en vigueur du Traité établissant une Constitution pour l'Europe remédierait largement à ces imperfections actuelles : en soumettant la coopération judiciaire et policière à la procédure législative ordinaire, la Constitution permettra de prendre des décisions à la majorité qualifiée dans de très nombreux domaines et elle prévoit la possibilité pour l'Union européenne de fixer des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions en ce qui concerne la criminalité ayant une incidence transfrontalière, dont le terrorisme.

2. Un bilan mitigé

Les contraintes liées aux négociations dans le domaine de la coopération policière et judiciaire expliquent qu'elles soient généralement longues et difficiles et aboutissent rarement sur des résultats spectaculaires, sauf lorsque la pression de l'opinion publique est trop forte, comme ce fut le cas immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001. En effet, dans les mois qui les ont suivis, des négociations entamées de longue date ont pu être bouclées, alors qu'elle semblaient jusque là dans l'impasse, permettant l'adoption de deux décisions-cadres de grande importance :

- la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen. Entré en vigueur le 1er janvier 2004, cette nouvelle procédure a révolutionné la pratique de l'extradition entre Etats de l'Union européenne en la rendant quasi automatique, notamment par la suppression du contrôle de la double incrimination pour une liste de 32 infractions graves, dont le terrorisme ;

- la décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme constitue également une avancée importante puisqu'elle permet, enfin, d'harmoniser la définition du terrorisme entre les Etats de l'Union européenne, alors même que seuls six Etats incriminaient spécifiquement le terrorisme, situation à l'origine de graves problèmes en matière d'entraide judiciaire pénale.

Malheureusement, il a fallu attendre la survenance d'autres attentats, ceux du 11 mars 2004 à Madrid, pour lancer de nouvelles initiatives ambitieuses. Au-delà de la nécessité de réagir à l'horreur de ces attentats, ces derniers ont aussi montré l'insuffisance de la coopération opérationnelle au sein de l'Union européenne. C'est pourquoi les efforts se portent dorénavant sur ce thème, dans la ligne d'un nouveau principe consacré par le Conseil européen de La Haye le 5 novembre 2004, le principe de disponibilité des informations, selon lequel tout agent des services répressifs d'un État membre qui a besoin de certaines informations dans l'exercice de ses fonctions peut les obtenir d'un autre Etat membre. Ce principe permet ainsi de développer d'une façon concrète la coopération, au-delà des différences souvent majeures existant entre les systèmes de police et la procédure pénale des différents pays de l'Union européenne.

II. LES PROJETS D'ACTES SOUMIS À L'EXAMEN DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE PROJET DE DÉCISION-CADRE SUR LA RÉTENTION DE DONNÉES DE COMMUNICATION (E 2616)

1. Une initiative bienvenue

Le projet de décison-cadre « sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la détection, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme » est une initiative commune de la France, de la Suède, du Royaume-Uni et de l'Irlande, en date du 28 avril 2004.

Le projet vise à imposer aux Etats membres la mise en place d'une législation rendant obligatoire la conservation par les opérateurs de communication (téléphonie, SMS et MMS, Internet) des donnés de trafic, de localisation et relatives à l'abonné ou à l'utilisateur. Les données concernant le contenu de ces communications ne sont pas concernées, celles-ci relèvent en France d'un régime particulier, établi par la loi du 10 juillet 1991.

Pour autant, l'utilité des données de trafic et de localisation liées à l'utilisation de services de télécommunication n'est plus à démontrer dans la lutte contre la criminalité. Ainsi, il est possible d'identifier relativement précisément la localisation d'un téléphone portable à un moment précis. A l'inverse, par une analyse faite par les opérateurs, les juges peuvent savoir quels téléphones portables étaient présents sur un lieu donné, à un moment précis, méthode utilisée dans l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac. S'agissant d'Internet, la connaissance des données concernant son utilisation par un individu peut renseigner les enquêteurs sur son profil, et notamment sur l'identité des personnes avec qui il communique par courrier électronique : c'est ainsi qu'ont pu être établis des liens entre Richard Reid, auteur d'une tentative d'attentat dans un vol Paris-Miami en décembre 2002, et le réseau Al-Qaida.

Par ailleurs, compte tenu du caractère transnational des réseaux terroristes, et de l'utilisation fréquente qu'ils font des nouvelles technologies, il semble particulièrement important de s'assurer que les enquêteurs de l'ensemble de l'Union européenne sont en mesure de disposer de ces données auprès des opérateurs de communications. Or, force est de constater que la pratique des pays de l'Union européenne est très fluctuante dans ce domaine : dans huit pays, il n'existe aucune obligation pour les opérateurs concernant la rétention des données. Quant aux durées de rétention pratiquées dans les dix-sept autres pays, elle varie de deux mois à trois ans.

Faisant suite aux attentats de Madrid, le Conseil européen a adopté le 25 mars 2004 une stratégie européenne de lutte contre le terrorisme, qui prévoit notamment l'adoption, d'ici juin 2005, de règles relatives à la conservation par les fournisseurs de services, des données relatives au trafic des télécommunications. Il faut rappeler que l'enquête sur les attentats du 11 mars 2004 a montré que l'utilisation de ce type d'informations pouvait être décisive pour retrouver les responsables d'un acte terroriste. C'est donc pour répondre à ce « mandat » du Conseil européen que la France, la Suède, le Royaume-Uni et l'Irlande ont pris l'initiative de proposer la présente décision-cadre. Or, la Commission européenne, de même que le service juridique du Conseil de l'Union européenne par un avis du 5 avril 2005, considèrent que l'harmonisation de la nature des données à conserver par les opérateurs eux-mêmes, ainsi que leur durée, relèvent du fonctionnement du marché intérieur, car ces questions concernent la libre prestation des services de communications électroniques. Par conséquent, ces règles ne peuvent être définies dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale. Ainsi, l'utilisation d'une décision-cadre, adoptée à l'unanimité sur proposition d'un Etat ou d'un groupe d'Etats et après avis du Parlement européen constituerait une erreur de base juridique. Une réglementation dans ce domaine devrait donc passer par une directive, proposée par la Commission, puis adoptée en co-décision par le Conseil, à la majorité qualifiée, et par le Parlement européen.

Sans rentrer dans cette controverse juridique, qui montre la distinction parfois byzantine entre « premier » et « troisième » pilier à laquelle mettrait d'ailleurs fin l'adoption du traité constitutionnel, votre Rapporteur tient à souligner l'urgence de la mise en place d'une législation européenne en matière de rétention de données. Si le Conseil devait décider de renoncer à l'adoption d'une décision-cadre, il serait hautement souhaitable que la Commission adopte au plus vite une proposition en la matière.

2. Les principaux points soulevés par le projet de décision-cadre

La proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne qui est soumise à notre examen aborde les points suivants :

- elle approuve le principe de l'harmonisation des règles relatives à la conservation des données traitées et stockées par les fournisseurs d'un service de communication. Votre Rapporteur partage bien évidemment cette opinion mais souhaiterait que la résolution de l'Assemblée nationale se montre plus exigeante sur la nature des données à conserver : en effet, la décison-cadre ne devrait pas se contenter d'imposer des règles concernant la conservation de données stockées par les opérateurs pour des raisons commerciales ou techniques, car la nature de ces données peut varier considérablement d'un opérateur à un autre. Or, l'efficacité de l'utilisation des données stockées dans la lutte contre la criminalité ne devrait pas dépendre de la politique commerciale des différents opérateurs. Il est donc important que la décison-cadre fixe une liste, raisonnable par son étendue, des données à conserver correspondant aux besoins des enquêteurs ;

- concernant la durée de rétention des données, la proposition de résolution considère que le délai minimum d'un an est adapté aux besoins de la justice, et elle souhaite que la décision-cadre fixe également un délai maximum afin de respecter l'équilibre entre besoins des enquêtes et protection de la vie privée. Le délai d'un an est suffisant dans l'immense majorité des affaires, mais le Procureur de la République de Paris a indiqué à votre Rapporteur qu'une durée de deux ans constituerait en théorie la durée de conservation idéale, si le problème du surcoût engendré par un tel allongement pouvait être réglé.

D'après les informations communiquées par les professionnels du secteur à votre Rapporteur, il apparaît que le délai d'un an correspond globalement à la pratique pour ce qui concerne la conservation des données de «  communication voix et SMS ». En revanche, s'agissant des « communications data » (courrier électronique, navigation Internet), les durées de conservation sont de l'ordre de trois à quatre mois, compte tenu des coûts de stockage de ce type de données. Le projet de décision-cadre autorise d'ailleurs les Etats à mettre en place des durées de conservation plus courtes que celle d'un an pour ce type de données. Il faut cependant avoir à l'esprit que l'évolution technologique va entraîner la numérisation progressive des activités de téléphonie, ce qui entraînera une augmentation du coût de stockage des données de trafic et de localisation ;

- enfin la proposition de résolution insiste sur la nécessité de prévoir une harmonisation des régimes d'indemnisation des opérateurs au sein de l'Union européenne. Il est clair en effet que les surcoûts entraînés par l'obligation de rétention des données doivent être compensés de la même manière dans tous les Etats membres, d'une part pour éviter des distorsions de concurrence, d'autre part pour s'assurer que les moyens techniques nécessaires au stockage et à l'analyse des données ne divergent pas d'un Etat à au autre.

B. LE PROJET DE DÉCISION-CADRE RELATIVE À LA SIMPLIFICATION DE L'ÉCHANGE D'INFORMATIONS ET DE RENSEIGNEMENTS ENTRE LES SERVICES RÉPRESSIFS (E 2634)

1. Le principe de disponibilité : une voie d'amélioration de la coopération policière à nuancer dans le cas de la lutte contre le terrorisme

En réaction aux attentats de Madrid, le Conseil européen a adopté le 25 mars 2004 une déclaration sur la lutte contre le terrorisme, qui fixe parmi ses objectifs une amélioration des échanges d'informations et de renseignements entre les Etats membres.

Pour mettre en œuvre ce principe, plusieurs voies sont possibles : soit un rapprochement de la coopération directe entre services des différents États membres afin de les inciter à travailler davantage en commun et à échanger leurs informations sur la base du volontariat, soit la définition d'un principe général d'accès aux informations et renseignements retenus par un service à tout service répressif d'un Etat de l'Union qui le demanderait. Ce « principe de disponibilité » consiste donc à permettre à tout agent d'un service répressif d'un Etat membre qui a besoin d'informations de les obtenir de la part d'un service d'un autre Etat membre si celui-ci les détient ou est en mesure de les obtenir. L'accès à ces informations devient dès lors automatique, alors que la coopération policière fonctionne actuellement principalement sur la base de contacts directs et spontanés, certes utiles, mais qui ne peuvent à eux seuls conditionner la qualité de l'échange de renseignements.

Votre Rapporteur considère donc que la proposition de résolution qui nous est soumise approuve à juste titre le principe de disponibilité, tel qu'il a été consacré par le conseil européen de La Haye le 5 novembre 2004, qui a prévu sa concrétisation par des mesures législatives d'ici le 1er janvier 2008.

Néanmoins, dans la mesure où cette proposition de résolution est d'abord motivée par la lutte contre le terrorisme, il importe de préciser que cette dernière n'est probablement pas le domaine le mieux adapté à la mise en œuvre du principe de disponibilité. En effet, le succès de la lutte anti-terroriste repose principalement sur l'efficacité de la prévention, mission principalement confiée aux services de renseignement. Bien évidemment, la capacité de ces services à prévenir des attentats dépend très largement de leur coopération et de l'échange d'informations entre eux. Cependant, cette coopération ne peut pas prendre la forme d'un échange systématique du renseignement collecté, au risque de mettre en péril la qualité de celui-ci et la sécurité des sources : c'est pourquoi, compte tenu de ses spécificités, l'échange d'informations entre services de renseignements ne peut pas relever du principe de disponibilité, mais doit continuer à se pratiquer sur une base directe, par des contacts reposant sur la confidentialité, la confiance et le respect des règles propres au renseignement (protection des sources, règle du « tiers exclu »...).

2. Le projet de décision-cadre suédois : une tentative de mise en œuvre du principe de disponibilité

La Suède a présenté le 4 juin 2004 un projet de décison-cadre qui vise à rendre obligatoire l'échange des informations relatives aux enquêtes entre services répressifs, sans tenir compte des spécificités procédurales de l'État requis, et notamment l'éventuelle intervention d'une autorité judiciaire. Les informations échangeables sont celles qui sont détenues, ou pourraient l'être, par le service requis sans recourir à des mesures coercitives. Elles ne pourront par ailleurs pas être utilisées comme éléments de preuve, à moins de recourir parallèlement aux procédures traditionnelles d'entraide judiciaire en matière pénale.

L'originalité de la proposition suédoise est de chercher à dépasser les obstacles à la coopération policière liés aux différences procédurales entre systèmes de tradition juridique anglo-saxonne et systèmes juridiques de droit romain, concernant notamment les liens entre services de police et appareil judiciaire. En effet, il n'est pas rare que des informations qui sont directement à la disposition d'un service de police dans un Etat membre, ne puissent être fournies aux services de police d'un autre Etat uniquement sur autorisation judiciaire. L'adoption en l'état du projet suédois permettrait aux services de police d'un Etat d'obtenir directement les renseignements dont ils ont besoin auprès du service compétent, même si celui-ci relève de l'autorité judiciaire dans l'Etat requis.

De nombreux Etats, dont la France, ont considéré que cette approche remettait en cause la distinction entre coopération policière et coopération judiciaire, et qu'il n'était pas acceptable de « contourner » de la sorte les canaux habituels de l'entraide judiciaire. Cependant, si les informations détenues uniquement par des autorités judiciaires devaient être totalement exclues du champ de la décision-cadre, il est à craindre que son adoption n'apporte rien par rapport à la pratique quotidienne de la coopération policière entre Etats membres. D'après les informations communiquées à votre Rapporteur par les services de la police nationale, les services répressifs échangent déjà largement les informations qu'ils déteignent. La valeur ajoutée de la décision-cadre serait alors très mince, elle consisterait uniquement à offrir un cadre à des pratiques qui existent déjà, que se soit sur une base informelle, sur la base de l'article 39 de la convention d'application Schengen, ou sur la base de conventions pris en application de l'article 24 de la Loi sur la sécurité intérieure, au risque d'ailleurs de faire perdre en souplesse à la coopération policière.

Ainsi, votre Rapporteur estime qu'une décision-cadre n'est utile dans ce domaine que si elle apporte réellement une plus-value par rapport aux outils existants. Il souhaite donc que les négociations en cours n'aient pas pour conséquence d'enlever toute substance à l'initiative suédoise, en restreignant trop la nature des informations qui peuvent être transmises directement. Pour autant, l'exclusion possible des services de renseignement de la liste des services répressifs concernés est nécessaire compte tenu des spécificités de l'échange d'informations dans ce domaine.

A cet égard, la modification proposée par la présidence luxembourgeoise concernant les informations détenues par une autorité judiciaire au cours d'enquêtes pénales ou « d'opérations de renseignement en matière pénale » constitue un compromis intéressant. Il est ainsi proposé que si un service répressif « ne peut avoir accès aux informations ou aux renseignements demandés qu'en vertu d'une décision d'une autorité judiciaire, le service répressif compétent requis est tenu de demander à l'autorité judiciaire compétente une autorisation d'accéder aux informations demandées et de les transmettre. L'autorité judiciaire compétente de l'État requis applique, pour se prononcer, les mêmes règles que pour une affaire strictement interne ». Cette formulation permet d'éviter qu'une autorité judiciaire française par exemple ne soit tenue de délivrer directement des informations à un service de police étranger, mais permet à ce dernier de les obtenir dans les mêmes conditions qu'un service de police français.

C. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE ANTI-BLANCHIMENT, Y COMPRIS LE FINANCEMENT DU TERRORISME (E 2734)

1. La prise en compte de la spécificité de la lutte contre le financement du terrorisme

En préalable, votre Rapporteur souhaiterait mettre en garde contre l'idée reçue selon laquelle la surveillance des flux financiers internationaux serait le meilleur moyen pour lutter contre les réseaux terroristes. Il peut en effet être tentant de penser que leur assèchement financier permettrait de prévenir l'organisation d'attentats. Cependant, cette idée simpliste ne prend pas en compte une réalité : celle du coût finalement peu important de l'organisation d'une opération terroriste. Ainsi, les ressources nécessaires pour l'organisation d'attentats aussi sophistiqués que ceux du 11 septembre ont été évaluées à 500 000 dollars. De même, le financement de l'ensemble de la vague d'attentats en France en 1995 se serait élevé à environ 23 000 euros.

Compte tenu de ces montants peu élevés, il est pratiquement impossible d'empêcher des groupes terroristes de disposer des fonds dont ils ont besoin, d'autant que les outils qu'ils utilisent pour se financer sont généralement très éloignés des mécanismes du blanchiment et de la haute technologie financière. Bien souvent, les réseaux locaux s'autofinancent en utilisant le produit de trafics divers et de la petite délinquance (escroquerie à la carte bancaire, trafic de drogue...). Par ailleurs, quand ils ont recours à un financement extérieur, il prend de moins en moins la forme de transferts sur les marchés classiques de capitaux, mais relève davantage d'un usage détourné de fonds parfaitement légaux (utilisation de la technique de l'hawala qui permet d'effectuer des transactions financières sans circulation physique de l'argent, détournement des fonds d'organisations caritatives...).

En conséquence, la tendance trop longtemps suivie consistant à transposer les méthodes utilisées pour lutter contre le blanchiment à la question du financement du terrorisme a rapidement montré ses limites. Ainsi, il est particulièrement bienvenu que, suivant en cela les huit « recommandations spéciales » du GAFI1, le projet de troisième directive anti-blanchiment distingue désormais spécifiquement le financement du terrorisme par rapport au blanchiment. Si le projet initial de la Commission n'était pas aussi clair, la dernière version issue des travaux du Conseil Ecofin, est tout à fait satisfaisante sur ce point.

2. Les questions soulevées par la proposition de directive

Les difficultés dans la négociation de cette directive, dont l'objectif est d'abord de prendre en compte les recommandations du GAFI, ont surtout porté sur la question sensible de la suppression pour un avocat de la possibilité d'informer son client qu'il fait, à son égard, une déclaration de soupçons en matière de blanchiment ou de financement du terrorisme.

La deuxième directive « anti-blanchiment » de 2001 a imposé aux avocats de faire, auprès de la cellule nationale de renseignement financier (TRACFIN en France), une déclaration s'ils soupçonnent leurs clients de se livrer à une activité de blanchiment. Toutefois, les Etats ont la possibilité de limiter cette obligation aux activités des avocats qui ne relèvent ni de la consultation juridique, ni de l'activité judiciaire. La France, qui a transposé cette directive par la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, a choisi d'utiliser cette dérogation, qui n'est pas remise en cause par la nouvelle proposition de directive.

Cependant, cette proposition supprime la possibilité pour les avocats de prévenir leurs clients qu'ils font à leur égard une déclaration de soupçon en matière de blanchiment ou de financement du terrorisme. Par ailleurs, si elle ne revient pas sur la possibilité offerte aux Etats de confier à des organismes indépendants le soin de centraliser les déclarations de soupçons- cette mission est en France confiée aux bâtonniers - il se pourrait que ceux-ci n'aient plus la possibilité de les « filtrer » et soient tenus de transmettre systématiquement ces déclarations à la cellule de renseignement financier. Lors de la négociation au Conseil, la France s'est opposée à ces deux innovations mais s'est trouvée totalement isolée, même si elle a obtenu l'insertion d'un considérant sur le rôle des bâtonniers, dont la portée juridique est incertaine.

S'il apparaît légitime de lutter contre le blanchiment, il est néanmoins indispensable de préserver le principe fondamental du respect des droits de la défense, et notamment le secret professionnel. C'est pourquoi les activités de conseil juridique et les missions de défense et de représentation dans une procédure judiciaire ne devraient en aucun cas être concernées par l'obligation de déclaration de soupçons, alors que la législation européenne actuelle laisse cette question à la libre appréciation de chaque Etat. Votre Rapporteur soutient donc la proposition du Rapporteur de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, M. Hartmut Nassauer, visant à rendre obligatoire cette exception au principe de la déclaration de soupçons dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne.

*

* *

La Commission a examiné la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 11 mai 2005. Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Gérard Léonard s'est réjoui que le « principe de disponibilité » n'ait pas été vidé de sa substance. Il a souhaité connaître les pays dans lesquels ce principe se heurte à l'opposition systématique des magistrats.

M. Xavier de Roux a relevé que peu de pays européens attribuent aux autorités judiciaires un rôle de direction vis-à-vis des services de police dans la conduite des enquêtes, hormis la Belgique, l'Espagne et la France.

M. Jacques Floch a regretté les réticences systématiques du ministère de la Justice face aux mécanismes de coopération européenne, notamment la mise en place d'un parquet européen. Il a estimé que cette attitude réservée à l'égard d'un partage de souveraineté entrave le bon fonctionnement des organismes communautaires.

Le rapporteur a indiqué que la mise en œuvre du « principe de disponibilité » posait des difficultés dans les pays dans lesquels l'autorité judiciaire exerce le contrôle sur la conduite des enquêtes. En conséquence, certaines délégations ont exprimé des craintes sur l'inclusion des autorités judiciaires dans le champ de la décision-cadre : il s'agit de l'Autriche, de la Belgique, de la République tchèque, de l'Allemagne, de la France, de la Hongrie et de la Pologne.

La Commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution

La Commission a adopté un amendement du rapporteur souhaitant que le recours éventuel à une directive communautaire plutôt qu'à une décision-cadre du « troisième pilier » pour harmoniser les règles relatives à la conservation des données ne ralentisse pas le processus d'harmonisation.

La Commission a ensuite adopté un amendement du même auteur approuvant la fixation par la décision-cadre de la liste des données dont la conservation est obligatoire.

Puis, elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur concernant le projet de décision-cadre sur l'échange d'informations entre services répressifs, visant à maintenir le principe d'une coopération policière entre les seuls services de police, distincte de l'entraide judiciaire, mais selon une procédure spécifique lorsque l'accès à une information nécessite une autorisation judiciaire.

La Commission a enfin adopté un amendement du rapporteur, approuvé par le président Pascal Clément, proposant de rendre obligatoire pour les États membres l'exclusion des avocats, s'agissant de leurs activités de conseil juridique et de défense, du champ d'application des obligations en matière de déclaration de soupçons.

A l'issue de ce débat, la Commission a adopté la proposition de résolution, ainsi modifiée, dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
SUR L'UNION EUROPÉNNE ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le projet de décision-cadre sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme (8968/04/ E 2616),

Vu le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes (10215/04 / E 2634),

Vu la proposition de directive relative à la prévention du blanchiment du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (COM (2004) 448 final / E 2734),

1. Condamne le terrorisme sous toutes ses formes, quels qu'en soient les auteurs et leurs motivations ;

2. Exprime sa sympathie et sa solidarité aux victimes des attentats terroristes, et souhaite que cette solidarité se concrétise par la création d'une Fondation européenne des victimes du terrorisme ;

3. Salue la décision du Conseil européen de déclarer le 11 mars journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme ;

4. Souligne que la lutte contre le terrorisme doit s'inscrire dans le respect des droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis notamment par la Charte européenne des droits fondamentaux ;

5. Rappelle que la lutte contre ce fléau doit, pour être efficace à long terme, s'attaquer aux causes profondes du terrorisme et reposer sur le dialogue entre les religions et les cultures ;

6. Affirme que si la lutte opérationnelle contre le terrorisme ne relève pas de l'Union, une action complémentaire de l'Union est souhaitable ;

7. Approuve la désignation d'un coordinateur de la lutte contre le terrorisme, qui renforce la cohérence de l'action de l'Union, et souhaite que son rôle soit accru auprès des services policiers et judiciaires et auprès des populations pour les sensibiliser aux risques du terrorisme ;

I. -  Sur le projet de décision-cadre sur la rétention de données (E 2616) :

8. Approuve le principe d'une harmonisation européenne des règles relatives à la conservation des données traitées et stockées par les fournisseurs d'un service de communications électroniques aux fins de la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales, en particulier du terrorisme ;

9. Tout en prenant acte de l'avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne contestant la base juridique choisie pour assurer l'harmonisation de ces règles, souhaite l'adoption d'une législation européenne en la matière le plus rapidement possible ;

10. Considère que le délai minimum d'un an retenu par le projet est adapté, compte tenu de la durée moyenne des instructions en matière criminelle ;

11. Estime cependant qu'une durée maximale de conservation de ces données devrait être prévue, afin de respecter l'équilibre entre les besoins des enquêtes et la protection des droits individuels ;

12. Se félicite que la dernière version de la proposition prévoie que la liste des données stockées par les opérateurs soit fixée par la décision-cadre ;

13. Souhaite qu'une évaluation précise du surcoût de la conservation des données de trafic soit réalisée, afin d'envisager une harmonisation des régimes d'indemnisation des fournisseurs de ces services.

II. -  Sur le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs (E 2634) :

14. Approuve le principe de disponibilité consacré par le Conseil européen, selon lequel tout agent des services répressifs d'un État membre qui a besoin de certaines informations dans l'exercice de ses fonctions peut les obtenir d'un autre État membre, sous réserve de respecter certaines conditions ;

15. Émet le vœu que ce principe soit concrétisé rapidement par des propositions législatives, afin de régir les échanges d'informations en matière répressive à compter du 1er janvier 2008 ;

16. Souhaite que le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres apporte une plus value réelle, ce qui exige que la nature des informations transmises soit définie largement ;

17. Considère que le compromis proposé par la présidence du Conseil de l'Union européenne permet de satisfaire cette exigence sans contraindre une autorité judiciaire à fournir directement des informations à un service de police étranger, ce qui ne serait pas acceptable ;

18. Estime que le renforcement des échanges d'informations entre les services répressifs des États membres doit s'accompagner de l'adoption de standards communs relatifs à la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à l'élaboration desquels les autorités de protection des données devraient être associées.

III. -  Sur la proposition de directive anti-blanchiment, y compris le financement du terrorisme (E 2734) :

19. Affirme la nécessité de priver les organisations terroristes de leurs sources de financement ;

20. Approuve l'adoption d'une définition du financement du terrorisme spécifique par rapport au délit de blanchiment, ainsi que l'extension des obligations de vigilance que doivent mettre en œuvre les professionnels visés par la directive à la lutte contre le financement du terrorisme ;

21. Souhaite que l'obligation faite aux membres des professions juridiques indépendantes de faire une déclaration à l'égard de leurs clients qu'ils soupçonnent de blanchiment ou de financement du terrorisme ne soit en aucun cas applicable dans le cadre de leurs activités de conseil juridique et dans leurs missions de défense et de représentation dans une procédure judiciaire.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de la proposition de résolution

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Conclusions de la Commission

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Article unique

Article unique

L'Assemblée nationale,

(Alinéa sans modification).

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(Alinéa sans modification).

Vu le projet de décision-cadre sur la rétention de données traitées et stockées en rapport avec la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de données transmises via des réseaux de communications publics, aux fins de la prévention, la recherche, la poursuite de délits et d'infractions pénales, y compris du terrorisme (8968/04/ E 2616) ;

(Alinéa sans modification).

Vu le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne les infractions graves, y compris les actes terroristes (10215/04 / E 2634) ;

(Alinéa sans modification).

Vu la proposition de directive relative à la prévention du blanchiment du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme (COM (2004) 448 final / E 2734) ;

(Alinéa sans modification).

1. Condamne le terrorisme sous toutes ses formes, quels qu'en soient les auteurs et leurs motivations ;

1. (Sans modification).

2. Exprime sa sympathie et sa solidarité aux victimes des attentats terroristes, et souhaite que cette solidarité se concrétise par la création d'une Fondation européenne des victimes du terrorisme ;

2. (Sans modification).

3. Salue la décision du Conseil européen de déclarer le 11 mars journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme ;

3. (Sans modification).

4. Souligne que la lutte contre le terrorisme doit s'inscrire dans le respect des droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis notamment par la Charte européenne des droits fondamentaux ;

4. (Sans modification).

5. Rappelle que la lutte contre ce fléau doit, pour être efficace à long terme, s'attaquer aux causes profondes du terrorisme et reposer sur le dialogue entre les religions et les cultures ;

5. (Sans modification).

6. Affirme que si la lutte opérationnelle contre le terrorisme ne relève pas de l'Union, une action complémentaire de l'Union est souhaitable ;

6. (Sans modification).

7. Approuve la désignation d'un coordinateur de la lutte contre le terrorisme, qui renforce la cohérence de l'action de l'Union, et souhaite que son rôle soit accru auprès des services policiers et judiciaires et auprès des populations pour les sensibiliser aux risques du terrorisme ;

7. (Sans modification).

I. -  Sur le projet de décision-cadre sur la rétention de données (E 2616) :

I. -  (Alinéa sans modification).

8. Approuve le principe d'une harmonisation européenne des règles relatives à la conservation des données traitées et stockées par les fournisseurs d'un service de communications électroniques aux fins de la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales, en particulier du terrorisme ;

8. (Sans modification).

9. Tout en prenant acte de l'avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne contestant la base juridique choisie pour assurer l'harmonisation de ces règles, souhaite l'adoption d'une législation européenne en la matière le plus rapidement possible ;

9. Considère que le délai minimum d'un an retenu par le projet est adapté, compte tenu de la durée moyenne des instructions en matière criminelle ;

10. (Sans modification).

10. Estime cependant qu'une durée maximale de conservation de ces données devrait être prévue, afin de respecter l'équilibre entre les besoins des enquêtes et la protection des droits individuels ;

11. (Sans modification).

12. Se félicite que la dernière version de la proposition prévoie que la liste des données stockées par les opérateurs soit fixée par la décision-cadre ;

11. Souhaite qu'une évaluation précise du surcoût de la conservation des données de trafic soit réalisée, afin d'envisager une harmonisation des régimes d'indemnisation des fournisseurs de ces services.

13. (Sans modification).

II. -  Sur le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs (E 2634) :

II. -  (Alinéa sans modification).

12. Approuve le principe de disponibilité consacré par le Conseil européen, selon lequel tout agent des services répressifs d'un État membre qui a besoin de certaines informations dans l'exercice de ses fonctions peut les obtenir d'un autre État membre, sous réserve de respecter certaines conditions ;

14. (Sans modification).

13. Émet le vœu que ce principe soit concrétisé rapidement par des propositions législatives, afin de régir les échanges d'informations en matière répressive à compter du 1er janvier 2008 ;

15. (Sans modification).

14. Souhaite que le projet de décision-cadre relative à la simplification de l'échange d'informations et de renseignements entre les services répressifs des États membres apporte une plus value réelle, ce qui exige que la nature des informations transmises soit définie largement ;

16. (Sans modification).

17. Considère que le compromis proposé par la présidence du Conseil de l'Union européenne permet de satisfaire cette exigence sans contraindre une autorité judiciaire à fournir directement des informations à un service de police étranger, ce qui ne serait pas acceptable ;

15. Estime que le renforcement des échanges d'informations entre les services répressifs des États membres doit s'accompagner de l'adoption de standards communs relatifs à la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à l'élaboration desquels les autorités de protection des données devraient être associées.

18. (Sans modification).

III. -  Sur la proposition de directive anti-blanchiment, y compris le financement du terrorisme (E 2734) :

III. -  (Alinéa sans modification).

16. Affirme la nécessité de priver les organisations terroristes de leurs sources de financement ;

19. (Sans modification).

17. Approuve l'adoption d'une définition du financement du terrorisme spécifique par rapport au délit de blanchiment, ainsi que l'extension des obligations de vigilance que doivent mettre en œuvre les professionnels visés par la directive à la lutte contre le financement du terrorisme.

20. (Sans modification).

21. Souhaite que l'obligation faite aux membres des professions juridiques indépendantes de faire une déclaration à l'égard de leurs clients qu'ils soupçonnent de blanchiment ou de financement du terrorisme ne soit en aucun cas applicable dans le cadre de leurs activités de conseil juridique et dans leurs missions de défense et de représentation dans une procédure judiciaire.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Ministère de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

- M. Michel Gaudin, Directeur général de la police nationale

- M. Gilles Leclair, Chef de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (uclat)

- Monsieur Patrick Calvar, Sous-directeur du contre-terrorisme international, Direction de la surveillance du territoire

Ministère de la Justice

- Monsieur Jean-Claude Marin, Procureur de la République de Paris

SFR Cégétel :

- Mme Marie-Georges Boulay, Directeur de la réglementation et des relations extérieures

- M. Philippe Balladur, Directeur de la sécurité et des affaires générales

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N° 2303 - Rapport sur la proposition de résolution (n° 2122) DE M. Christian PHILIP sur l'Union européenne et la lutte contre le terrorisme (documents E 2616, E 2634 et E 2734) (Alain Marsaud)

1 Groupe d'action financière contre le blanchiment de capitaux


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