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le 30 juin 2005

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N° 2417

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 juin 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption,

PAR Mme GENEVIÈVE COLOT,

Députée

--

Voir les numéros :

Sénat : 356, 395 et T.A. 128 (2004-2005)

Assemblée nationale : 2414

INTRODUCTION 5

I -LA CONVENTION DE MERIDA : PREMIER INSTRUMENT MONDIAL DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 7

A - LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX DÉJÀ EXISTANTS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 7

1) Au niveau régional : les instruments internationaux de lutte contre la corruption 7

2) Au plan mondial : les mesures de lutte contre la corruption 8

B - VERS LA NÉCESSITÉ DE SE DOTER D'UN INSTRUMENT MONDIAL DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 8

1) Les origines des négociations de la convention des Nations unies contre la corruption 8

2) L'objet de la convention et l'entrée en vigueur de la convention  9

II - LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE MERIDA ET SES INCIDENCES EN DROIT FRANÇAIS 11

A - LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE MERIDA 11

B - LES INCIDENCES EN DROIT FRANÇAIS DE LA CONVENTION DE MERIDA 12

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre la corruption, sa prévention et sa répression, poursuit plusieurs buts d'intérêt général : maintenir l'ordre et la sécurité publics, permettre la stabilité des institutions démocratiques et de l'état de droit, favoriser la concurrence loyale et un développement économique sain.

La Convention des Nations unies contre la corruption qui est soumise à l'Assemblée nationale a été approuvée et signée à Merida au Mexique le 9 décembre 2003. Fruit de deux années de négociations il s'agit du premier instrument mondial qui énumère les mesures de lutte contre la corruption à entreprendre dans chacun des Etats.

En juin 2003 les Chefs d'Etat et de gouvernement du G8, réunis à Evian, ont adopté un plan d'action pour lutter contre la corruption et améliorer la transparence. Ce plan exprimait l'engagement des membres du G8 à « contribuer de manière active à l'aboutissement d'une Convention des Nations unies contre la corruption, qui devrait inclure des mesures de prévention efficaces, ainsi que des mécanismes solides de coopération en matière pénale et de recouvrement des avoirs, et prévoir la mise en place d'un système efficace de suivi de la mise en œuvre de la Convention ».

Assurant alors la présidence du G8, la France a veillé au bon déroulement des négociations et a notamment proposé le principe de la restitution des produits des infractions de détournement et de blanchiment des fonds publics. Ce principe, inédit en droit international et, satisfaisant les pays du Sud, a permis que soit trouvé un point d'équilibre entre l'ensemble des pays sur le projet d'une Convention mondiale de lutte contre la corruption.

La France s'est également engagée pour que le nouvel instrument soit largement ratifié. Elle participe aujourd'hui au « groupe des Amis de la Convention » assurant un rôle de suivi et d'impulsion à la Convention. Composé de dix-sept Etats (annexe 1), le groupe se réunit avec l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, afin de préciser la portée des dispositions juridiques prévues dans la Convention.

Cette Convention universelle a vocation à s'appliquer à un plus grand nombre d'Etats. A la date du rapport, 123 Etats ont ratifié la Convention. Elle fournit une base juridique aux relations entre les Etats en matière d'entraide judiciaire pénale et d'extradition et renforce la coopération internationale dans les domaines de la prévention et de la répression de la corruption.

La Convention mondiale de Merida, complète les nombreux accords internationaux déjà existants de lutte contre la corruption. Ceux-ci l'abordent à chaque fois sous un angle particulier : du point de vue du commerce international pour l'OCDE, sous l'angle des aspects répressifs pour le Conseil de l'Europe, ou encore du côté de la protection du budget des Communautés pour l'Union européenne, par exemple.

Cette Convention est globale ; elle traite tous les aspects relatifs à la lutte contre la corruption : la prévention, l'incrimination, les règles de droit pénal et de procédure pénale, la coopération internationale, le recouvrement d'avoirs, l'assistance technique et l'échange d'information. Elle compte 71 articles. L'aspect le plus novateur de la Convention est le principe de la restitution des avoirs à l'Etat ayant formulé la demande de coopération.

Après avoir dressé un tableau des dispositions internationales de lutte contre la corruption déjà existantes, votre Rapporteur présentera plus spécifiquement la Convention de Merida et son incidence en droit français.

I -LA CONVENTION DE MERIDA : PREMIER INSTRUMENT
MONDIAL DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

A - Les instruments internationaux déjà existants de lutte contre la corruption

Il existe de multiples instruments de corruption destinés à lutter contre la corruption mais aucun d'entre eux ne présente le caractère global ou d'universalité de la Convention de Merida.

1) Au niveau régional : les instruments internationaux de lutte contre la corruption

Le 27 septembre 1996, les Communautés européennes ont adopté un protocole relatif à la corruption dont l'objet concernait la seule protection des intérêts financiers des Communautés. Puis, le 26 mai 1997, le Conseil de l'Union européenne a élaboré la Convention relative à la lutte contre la corruption active et passive impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des États membres de l'Union. Elle vise à instaurer l'incrimination des faits de corruption active ou passive de fonctionnaires, communautaires ou nationaux, dans tous les États membres, et renforce la coopération judiciaire entre ces derniers. La France a déposé le 4 août 2000 son instrument de ratification de la Convention qui n'est cependant pas encore entrée en vigueur.

Sous l'égide du Conseil de l'Europe ont été négociées deux conventions pénale et civile sur la corruption du 27 janvier 1999 et du 4 novembre 1999. La loi française qui autorise la ratification de ces conventions a été promulguée le 11 février 2005 (n°2005-103). La convention pénale est entrée en vigueur dans 30 Etats membres du Conseil de l'Europe et la convention civile dans 23 Etats membres. La convention pénale sanctionne les conduites de corruption dans les secteurs public et privé et améliore la coopération internationale. La convention civile permet aux personnes physiques ou morales d'obtenir réparation des dommages qu'elles ont subis du fait des actes de corruption. Le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) assure le suivi de la mise en œuvre des deux conventions et évalue l'efficacité des législations nationales dans la lutte contre la corruption. De façon moins contraignante, la Convention de Merida met en place la Conférence des Etats parties (article 63) qui examinera périodiquement l'application de la Convention.

Il convient également de noter l'existence de la convention interaméricaine contre la corruption du 29 mars 1996 de l'Organisation des États américains et la convention du 12 juillet 2003 de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption.

2) Au plan mondial : les mesures de lutte contre la corruption

L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a adopté le 17 décembre 1997 la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. La France a déposé le 31 juillet 2000 son instrument de ratification et la convention est entrée en vigueur le 29 septembre 2000. La convention est envisagée exclusivement sous l'angle de la corruption active qui est le fait de promettre ou d'offrir à un agent un avantage indu alors que la corruption passive est le fait, pour un agent, de solliciter ou d'accepter un tel avantage. Les États parties doivent établir des sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives. Un groupe de travail de l'OCDE est également chargé d'évaluer la bonne mise en œuvre de la convention qui oblige les Etats parties à un niveau d'exigence élevé en termes d'intégrité et de transparence de leurs économies.

Par ailleurs, la lutte contre la corruption fait partie des critères qu'examinent le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour octroyer un prêt. De son côté le comité des marchés publics de l'organisation mondiale du commerce a établi des règles de concurrence et de transparence en matière de marchés publics.

B - Vers la nécessité de se doter d'un instrument mondial de lutte contre la corruption

1) Les origines des négociations de la Convention des Nations unies contre la corruption

Des textes, très spécifiques, des Nations unies sur la corruption ont permis que soit envisagée l'élaboration d'un instrument international global contre la corruption. En 1996, l'Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration des Nations unies sur la corruption et les actes de corruption dans les transactions commerciales internationales. Puis, la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée entre en vigueur en septembre 2003. Celle-ci concerne exclusivement l'incrimination de la corruption active ou passive des agents publics nationaux. Ainsi, dès le mois de décembre 2000, l'Assemblée générale des Nations unies envisage des négociations en vue d'un instrument global et universel de lutte contre la corruption. Après sept sessions de négociations commencées en janvier 2002, la Convention a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 31 octobre 2003 et ouverte à la signature le 9 décembre 2003 à Merida.

2) L'objet de la Convention et l'entrée en vigueur de la Convention :

La Convention a pour objectif « de promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace ; de promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l'assistance technique dans le domaine de la prévention de la corruption et de la lutte contre cette dernière, y compris en matière de recouvrement d'avoirs ; de promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la bonne gestion des affaires publiques et des biens publics » (article 3).

La Convention traite des mesures préventives (chapitre II), de l'incrimination, la détection et la répression de la corruption (chapitre III), de la coopération internationale (chapitre IV), du recouvrement d'avoirs (chapitre V) et de l'assistance technique et l'échange d'informations (chapitre VI). Par ailleurs, la Convention prévoit ses propres mécanismes d'application avec notamment l'institution de la Conférence des Etats Parties à la Convention.

L'article 68 de la Convention prévoit son entrée en vigueur au 90ème jour suivant la date du dépôt du trentième instrument de ratification.

A la date du 22 juin 2005, la Convention a été signée par 123 États et ratifiée par 27 d'entre eux (voire annexe 1). Parmi ceux-ci, l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Iran, la Tunisie et le Viêt Nam ont émis une réserve à propos du recours à l'arbitrage et à la Cour internationale de justice, prévu à l'article 66 de la Convention.

II - LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE MERIDA ET SES INCIDENCES EN DROIT FRANÇAIS

A - Les principales dispositions de la Convention de Merida

Les mesures préventives sont détaillées au chapitre II et impose aux Etats de mettre en place une véritable politique de lutte contre la corruption. Les mesures à prendre concernent le secteur public et le secteur privé. Les articles formulent l'objectif à atteindre en laissant aux Etats le choix des moyens.

Les Etats Parties doivent notamment :

- créer un ou plusieurs organes chargés de prévenir la corruption (article 6) ;

- adopter des règles assurant la transparence dans l'accès aux emplois publics et dans le financement des campagnes électorales (article 7) ;

- établir des codes de conduite à l'intention des fonctionnaires et des entreprises (article 8) ;

- mettre en place des procédures transparentes en matière de marchés publics et de finances publiques (article 9) ;

- renforcer des normes de comptabilité et d'audit des entreprises privées, assorties de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect (article 12) ;

- adopter une réglementation sur le contrôle des banques et institutions financières en vue de prévenir le blanchiment d'argent (article 14).

Les mesures relatives à l'incrimination, à la détection et à la répression sont exposées au chapitre III. Y sont énumérés l'ensemble des actes que les Etats doivent incriminer dans leur législation pénale. Il s'agit par exemple de :

- la corruption active et passive d'agents publics nationaux (article 15), d'agents publics étrangers ou de fonctionnaires d'organisations internationales publiques pour l'obtention d'un marché en matière de commerce international (article 16). La notion d'agent public est entendu très largement et renvoie aux définitions propres à chacun des Etats (article 2) ;

- le détournement de biens par un agent public (article 17) ;

- le blanchiment du produit du crime (article 23) ;

- le recel (article 24) ;

- l'entrave au bon fonctionnement de la justice (article 25).

Les Etats parties doivent également établir un régime de responsabilité pénale civile ou administrative des personnes morales impliquées dans la corruption (article 26).

Une autre série d'infractions est facultative et concerne le trafic d'influence (article 18), l'abus de fonction (article 19), l'enrichissement illicite (article 20), la corruption dans le secteur privé (article 21) et la soustraction de biens dans le secteur privé (article 22).

Chaque État partie doit prendre les mesures nécessaires relatives aux poursuites judiciaires, au jugement et sanctions des agents publics impliqués (article 30), protéger les témoins, les experts et les victimes (article 32), et les personnes qui communiquent des informations (article 33).

Les Etats parties doivent permettre la confiscation, le gel et la saisie des instruments et des produits des infractions prévues par la Convention (article 31). La restitution des avoirs est un principe fondamental, inédit en droit international, prévu à l'article 51 et détaillé au chapitre V. Ainsi, par exemple, s'agissant des infractions de soustraction de fonds publics et de blanchiment du produit de cette infraction, l'article 57 prévoit la restitution des biens confisqués à l'Etat requérant.

L'article 52 prévoit, notamment, à titre préventif, que tout État partie prend, conformément à son droit interne, les mesures nécessaires afin que leurs institutions financières vérifient l'identité des clients et des ayants droit des fonds déposés sur de gros comptes, surveillent les comptes des personnes qui ont exercé des fonctions publiques importantes et leur entourage. Par ailleurs, chaque Etat Partie veille à empêcher l'établissement de banques qui n'ont pas de présence physique et qui ne sont pas affiliées à un groupe financier réglementé.

Quant au recouvrement direct des biens détournés, une action civile peut permettre de reconnaître l'existence d'un droit de propriété au profit de l'État spolié (article 53). La Convention prévoit par ailleurs des mécanismes de coopération internationale pour recouvrer les biens (article 54) ou les confisquer (article 55). Un service de renseignement financier (article 58) et des accords et arrangements bilatéraux ou multilatéraux (article 59) sont encouragés dans le but de renforcer l'efficacité de la coopération.

B - Les incidences en droit français de la Convention de Merida

L'adhésion de la France aux autres traités internationaux de lutte contre la corruption a déjà nécessité des adaptations du droit français, qui est aujourd'hui, dans une large mesure, compatible avec les dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption.

Par exemple, les dispositions contraignantes relatives à la corruption active d'agents publics (articles 15 et 16), au détournement de biens publics (article 17), au blanchiment des produits du crime (article 23) et à l'entrave au bon fonctionnement de la justice (article 25) sont d'ores et déjà sanctionnées dans le code pénal.

Toutefois, il faudra modifier les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, qui s'appliquent exclusivement au champ de la convention de l'OCDE du 17 décembre 1997, pour des actes de corruption active d'agents publics étrangers et de fonctionnaires. D'autre part, le champ des infractions prévues aux articles 433-3, 434-8, 434-15 du code pénal qui incriminent les entraves au bon fonctionnement de la justice nationale devra être étendu aux faits visant à perturber le fonctionnement de l'institution judiciaire d'un autre État.

CONCLUSION

La Convention des Nations unies est le premier instrument à la fois universel et global de lutte contre la corruption. Ses principes et ses règles en matière de prévention et de répression de la corruption devraient favoriser la coopération internationale entre un nombre important d'Etats.

Le Rapporteur se félicite du rôle joué par la France dans les négociations et notamment au vu des réponses apportées aux attentes des pays du Sud en matière de restitution des avoirs détournés ou issus de la corruption.

Parce que cette Convention permettra la mise en place d'une véritable action internationale pour lutter contre la corruption, votre Rapporteur est favorable à l'adoption du projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 29 juin 2005.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 2414).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la Convention figure en annexe au projet de loi (n° 2414).

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N° 2417 - Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption (Geneviève Colot)


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