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le 11 octobre 2005

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N° 2554

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 octobre 2005

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2535) DE MM. PIERRE MORANGE et DAMIEN MESLOT, visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation,

PAR M. DAMIEN MESLOT,

Député.

--

INTRODUCTION 5

I.- LES INCENDIES, UN FLÉAU RÉSISTIBLE 8

A.- UN INCENDIE DOMESTIQUE EN FRANCE TOUTES LES DEUX MINUTES 8

B.- LES CAUSES DES INCENDIES 8

1. Les principales causes 8

2. La localisation des départs de feu 9

3. Les immeubles vulnérables 9

C.- LES VICTIMES MEURENT DES FUMÉES LA NUIT 10

1. Un nombre de victimes élevé et stable 10

2. Les fumées constituent le principal danger 10

3. Le coût des incendies domestiques 11

D.- UNE RÉGLEMENTATION INSUFFISANTE 12

1. L'arrêté du 31 janvier 1986 12

2. Les immeubles de grande hauteur 12

3. Les établissements recevant du public 12

II.- LE DAAF, UNE SOLUTION QUI A FAIT SES PREUVES 14

A.- DES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES CONCLUANTES 14

1. Les Etats-Unis 14

2. Le Royaume-Uni 14

3. L'Allemagne 15

4. La Belgique 15

5. L'exception française 16

B.- DES EXPÉRIENCES TRANSPOSABLES EN FRANCE 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 19

II.- EXAMEN DES ARTICLES 23

Article 1 : Modification du chapitre IX du code de la construction et de l'habitation 23

Article 2 : Obligation pour les occupants d'un logement d'y installer au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée 23

Article L. 129-8 du code de la construction et de l'habitation : Responsabilité de l'occupant du logement dans l'installation et la maintenance du DAAF 24

Article L. 129-9 du code de la construction et de l'habitation : Attestation d'acquisition 29

Article L. 129-10 du code de la construction et de l'habitation : Modalités d'application des articles L. 129-8 et L. 129-9 30

Article L. 129-11 du code de la construction et de l'habitation : Locations saisonnières et logements destinés à l'occupation temporaire 30

Article 3 (Article L. 122-9 du code des assurances) : Sanction du dispositif 31

Article 4 : Entrée en vigueur 33

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 35

ANNEXES 37

ANNEXE 1 : CONSEILS DES SAPEURS POMPIERS   39

ANNEXE 2 : CAMPAGNE DE PRÉVENTION CONTRE LES INCENDIES DOMESTIQUES, INSTITUT NATIONAL DE PRÉVENTION ET D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ (INPES), 2004 41

ANNEXE 3 : EXEMPLES DE CAMPAGNES MENÉES À L'ÉTRANGER 43

MESDAMES, MESSIEURS,

Un incendie domestique survient toutes les deux minutes en France

En pareil cas, les personnes concernées disposent de trois minutes pour réagir. Selon le centre européen de prévention des risques (CEPR), il faut pour éteindre un feu,

- la première minute : un verre d'eau,

- la deuxième minute : un seau d'eau,

- la troisième minute : une citerne d'eau...

Or 70 % des incendies domestiques se déclarent le jour, mais 70 % des incendies domestiques meurtriers ont lieu la nuit. Selon les estimations les plus courantes, 800 personnes meurent chaque année en France dans les incendies d'habitation.

Des événements dramatiques

Deux personnes ont trouvé la mort dans un incendie survenu dans la nuit dans un vieil immeuble d'habitation du centre de Bayonne, (Pyrénées-Atlantiques), le 20 septembre 2005. Deux personnes et un sapeur-pompier ont par ailleurs été légèrement blessés dans le sinistre tandis qu'une troisième personne a été intoxiquée par les fumées.

Le 29 août 2005, le feu se déclare rue du roi doré, dans le quartier du Marais à Paris. Malgré l'intervention d'une centaine de pompiers, sept personnes y trouvent la mort.

Le feu qui a pris sous la cage d'escalier de l'immeuble situé à l'angle du boulevard Vincent Auriol et de la rue Edmond Flamand, dans le XIIIe arrondissement parisien, a causé la mort de 17 personnes, dont 14 enfants, dans la nuit du 25 au 26 août 2005.

Lors de l'incendie d'un immeuble HLM de L'Hay-les-Roses (Val-de-Marne) dans la nuit du 3 au 4 septembre 2005, toutes les personnes sont mortes dans la cage d'escalier, intoxiquées par la fumée dégagée par l'incendie dans cet immeuble de 18 étages. Parmi les 17 victimes figurent trois enfants âgés de quatre à sept ans.

Huit jeunes sont morts dans l'incendie qui a détruit le centre équestre de Lescheraines, en Savoie, en août 2004.

Le 25 juillet 2004, deux enfants de 4 et 6 ans sont morts carbonisés et leur mère a été gravement brûlée dans l'incendie de leur appartement dans le Val-d'Oise.

A Belfort en 2003, un incendie avenue Jean-Jaurès, provoquait la mort de trois personnes. En mars 1989, un dramatique incendie avait déjà fait quinze jeunes victimes.

La liste de tous ces drames est interminable.

Une réglementation insuffisante

Le code de la construction et de l'urbanisme impose des règles de prévention contre l'incendie pour les immeubles de grande hauteur et les immeubles recevant du public. L'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ne concerne lui que les logements construits après son entrée en vigueur.

Tous les logements ne sont donc pas couverts par ces dispositions.

Des expériences étrangères encourageantes

Selon des modalités variées, de plus en plus de pays imposent l'équipement des logements en détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (DAAF). Pour une raison simple : lorsque le taux d'équipement dépasse 80 %, la mortalité est réduite de moitié, en dépit de quelques défauts inévitables dans la maintenance de ces équipements.

Malgré ces exemples, et plusieurs campagnes de sensibilisation aux risques des incendies domestiques et aux moyens de les prévenir, notamment grâce aux DAAF, le taux d'équipement reste infime en France.

Une mesure simple et réaliste, qui s'inscrit dans une chaîne de prévention

Sur 78038 questions parlementaires posées depuis le début de la XIIème législature (19 juin 2002), 762 sont relatives aux incendies. Quatre questions relatives très précisément à l'installation de détecteurs de fumée, sont restées sans réponse du Gouvernement : celles de

- M. Pierre Morange (UMP, Yvelines), JO 14.09.2004

- M. Pierre-Louis Fagniez (UMP, Val-de-Marne), JO 09.11.2004

- Mme Bérengère Poletti (UMP, Ardennes), JO 30.11.2004

- M. Jean-Luc Warsmann (UMP, Ardennes), JO 30.11.2004

Deux propositions de loi, signées par plus de 75 parlementaires, ont été déposées en 2004 :

- la proposition n° 1806 enregistrée le 22 septembre 2004, tendant à améliorer la sécurité des occupants d'immeubles face aux risques d'incendie, présentée par votre rapporteur et de nombreux parlementaires du groupe U.M.P.

- la proposition n° 2013 enregistrée le 21 décembre 2004, visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone dans tous les lieux d'habitation, présentée par M. Pierre Morange.

Elles n'avaient jusque-là pu être discutées. Leurs dispositions, fusionnées et actualisées, font l'objet de la présente proposition de loi.

Cette proposition vise à rendre obligatoire l'équipement de tous les logements en détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. Il s'agit d'une mesure simple et réaliste, qui ne prétend pas résoudre tous les problèmes liés à l'insalubrité des logements, ni éliminer toutes les causes d'incendie, mais s'insère dans l'ensemble de la chaîne de prévention pour sensibiliser chacun et contribuer à la sécurité de tous.

I.- LES INCENDIES, UN FLÉAU RÉSISTIBLE

A.- UN INCENDIE DOMESTIQUE EN FRANCE TOUTES LES DEUX MINUTES

Selon les chiffres fournis par les assurances, le nombre d'incendies domestiques par an est en France de l'ordre de 250 000.

Ce chiffre est bien supérieur au nombre des interventions des services d'incendies et de secours. En effet, bon nombre de feux, qui ont pu être détectés à temps, sont éteints par les particuliers. Ainsi, les extincteurs éteignent plus de 150 000 débuts d'incendie par an.

Les interventions des sapeurs pompiers sont toutefois de plus en plus fréquentes : le nombre total d'interventions pour incendies a progressé de 16 % en 5 ans, passant de 339 207 en 1998 à 394 707 en 2003 (soit 10,5% du total de leurs interventions).

Au sein de cet ensemble, le nombre des incendies domestiques a presque doublé en vingt ans : le ministère de l'Intérieur dénombrait environ 51 000 feux d'habitation en 1981, 75 750 en 1986, et 98 100 en 2003, soit 24 % des incendies.

B.- LES CAUSES DES INCENDIES

1. Les principales causes

La campagne nationale de prévention des incendies domestiques rappelait en 2004 les principales causes d'accident.

- Certains sont spontanés :

C'est le cas par exemple lorsque les installations électriques ne sont pas conformes aux normes, sont mal entretenues ou surexploitées (une multiprise utilisée en excès surchauffe, altère l'installation : les gaines de protection peuvent fondre, ce qui risque de provoquer un court-circuit). Un incendie sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse. Des installations électriques trop anciennes ne permettent plus d'alimenter des appareils ménagers nombreux et dont la consommation électrique augmente.

D'autres accidents sont dus au mauvais usage de ces appareils ménagers : un halogène installé trop près de la fenêtre, qui enflamme les rideaux (une lampe de 500 watts dégage une température de 200 à 580°C) ; une guirlande de sapin de Noël non homologuée NF, qui reste branchée plusieurs heures sans interruption, enflamme le sapin, etc.

- D'autres sont causés par des adultes :

·  fumer au lit et s'endormir, ce qui provoque la combustion de matériaux synthétiques ; le feu peut couver plusieurs heures avant l'apparition des flammes, et la victime succombe intoxiquée pendant son sommeil ;

·  des objets placés à proximité d'une bougie, qu'un courant d'air renverse et qui enflamme les objets ou supports proches ;

·  les flammes de la cuisinière : l'huile de cuisson s'enflamme facilement lorsque des aliments sont laissés sur le feu sans surveillance.

- D'autres sont provoqués par les enfants, notamment lorsqu'ils jouent avec des allumettes ou un briquet.

Il est effrayant de constater qu'au moins 30 % des enfants victimes d'incendie étaient laissés sans surveillance au moment du sinistre, même le soir. L'un des objectifs de la proposition de loi est bien de déclencher une prise de conscience des risques, pour amener les parents à une plus grande vigilance. Quant aux larges campagnes d'information qui devront nécessairement accompagner la mise en œuvre des mesures proposées ici, elles devront comprendre un volet de grande ampleur conçu spécialement pour les enfants.

2. La localisation des départs de feu

Les départs de feu ont lieu pour 25 % dans les cuisines, pour 19 % dans les caves et chaufferies, pour 16 % dans les locaux de poubelles, pour 12 % dans les escaliers, pour 11 % sur les toitures et terrasses, pour 10% dans les chambres, pour 6 % dans les salons et pour 1 % dans les salles de bain (1).

3. Les immeubles vulnérables

En ce qui concerne les types d'immeubles concernés, la situation est criante : 96 % des décès ont lieu dans les immeubles non assujettis à l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation, qui ne concerne que les immeubles construits après cette date. C'est tout le problème de la vétusté des logements, du manque de logements sociaux et de l'habitat insalubre qui se pose ici. La présente proposition de loi n'ignore pas ces problèmes, mais elle n'a pas vocation à les analyser comme le fait actuellement la mission sur la sécurité des immeubles vétustes confiée par le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, M. Jean-Louis Borloo, à M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, et à M. Philippe Pelletier, président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Elle ne prétend pas non plus les résoudre. Mais à sa place, en complément des mesures prévues par le Plan de cohésion sociale ou l'Engagement pour le logement, elle peut contribuer utilement à réduire le nombre de victimes des incendies d'habitation.

C.- LES VICTIMES MEURENT DES FUMÉES LA NUIT

1. Un nombre de victimes élevé et stable

On dénombre chaque année 10 000 victimes d'incendies. Le nombre de décès communément admis est proche de 800.

4500 personnes, sur les 10 000 victimes concernées par les incendies, sont hospitalisées. Sur les 300 admises dans les unités hospitalières spécialisées pour le traitement des brûlées, 25 % décéderont lors de leur hospitalisation.

2/3 des victimes sont tuées par les fumées.

La situation n'a guère évolué en dix ans. Selon les données du ministère de l'Equipement en 1996 (2), 80 % des décès sont constatés lors d'incendies d'habitation.

Aujourd'hui comme hier,

- 80 à 90 % des victimes du feu périssent dans des incendies d'habitation,

- la majorité des décès a lieu la nuit, pendant la période de sommeil,

- les 2/3 des victimes meurent dans leur chambre,

- la majorité des décès sont dus aux fumées et non aux flammes.

On comprend donc aisément que ces incendies représentent une menace particulière pour les enfants, beaucoup plus vulnérables que les adultes aux fumées toxiques dégagées par les incendies. On constate trois fois plus de décès entre 1 et 4 ans qu'entre 4 et 14 ans.

L'incendie d'habitation est la seconde cause de décès par accident domestique chez les jeunes enfants, après la noyade. Or, des dispositions ont été prises récemment pour lutter contre les noyades, en renforçant la sécurité des piscines privées. Mais rien n'est fait pour lutter contre les incendies domestiques.

2. Les fumées constituent le principal danger

Lors d'un feu d'appartement, il se dégage, selon les estimations des pompiers de Paris (BSPP) entre 5 000 et 10 000m3/heure de fumées avec des gaz chauds portés à 600 degrés. On peut donc tenter d'éteindre un début d'incendie lorsqu'il n'y a pas encore de fumée. S'il y en a, on doit fuir sans attendre.

Les fumées d'incendie d'habitation sont en effet un mélange de gaz irritants et de gaz asphyxiants, dont le monoxyde de carbone, première cause de décès par intoxications domestiques, ou le cyanure. Leur inhalation, à forte concentration, peut entraîner la mort de la personne exposée. A faible dose, ces fumées altèrent les fonctions mentales, motrices et sensorielles des victimes, donc retardent, voire empêchent la fuite, augmentant ainsi morbidité et mortalité :

Leur opacité empêche les victimes de s'orienter, augmente la durée d'exposition aux gaz toxiques, donc la dose inhalée. Leur caractère irritant pique les muqueuses et les yeux, qui se ferment, ce qui perturbe la fuite. En outre, les neuro-toxiques (cyanure, monoxyde de carbone) altèrent les capacités de jugement.

Le dégagement de ces puissants toxiques peut déclencher un blocage de l'utilisation de l'oxygène par les cellules. De plus, le feu se développe en consommant l'oxygène contenu dans l'espace clos, ce qui en prive les victimes. Un kilogramme de combustible suffit, en brûlant complètement, pour dégager une chaleur telle que des dizaines de mètres cubes d'air deviennent irrespirables, et consomme par ailleurs plusieurs m3 d'air pour brûler.

Les brûlures dues aux incendies d'habitation sont les plus meurtrières de toutes. Les victimes représentent 10 % des patients admis en services de grands brûlés, mais 25 % des décès en cours d'hospitalisation. Dans ces centres 75 % des victimes souffrent de lésions pulmonaires importantes et consécutives à l'inhalation des fumées toxiques

Les victimes d'incendie sont donc exposées à une triple menace :

- thermique : chaleur et flammes

- toxique : fumées et gaz de combustion

- traumatique : choc résultant d'une explosion, ou défenestration.

3. Le coût des incendies domestiques

Il n'existe pas d'étude sur le coût réel des incendies d'habitation en France. On peut l'estimer à environ 1,3 milliard d'euros, soit un coût supérieur de 160 % à celui engendré par le vol et de 30 % à celui provoqué par les dégâts des eaux. C'est le montant des indemnités versées au titre de la garantie incendie par les assureurs en 2001, soit un coût moyen de 5 025 euros.

Les sinistres incendies d'habitation représentent 41 % des remboursements, mais 9 % des sinistres déclarés aux sociétés d'assurance pour la garantie multirisques habitation. Le coût moyen du remboursement d'un sinistre incendie a progressé de 491 % entre 1983 et 2002.

Selon les estimations réalisées par Mme Claire Moscicki en octobre 2004 pour le groupement des fabricants-installateurs-distributeurs-mainteneurs en sécurité incendie domestique (GIFSID) et la fédération française des matériels d'incendie (FFMI), par comparaison avec les études réalisées sur les accidentés de la route, les indemnités versées pour chaque personne morte dans un incendie se montent à 1,1 million d'euros.

D.- UNE RÉGLEMENTATION INSUFFISANTE

1. L'arrêté du 31 janvier 1986

Relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation, il prévoit un ensemble de mesures très détaillées, qui visent à renforcer la résistance au feu des matériaux de construction, favoriser l'évacuation des occupants de l'immeuble et faciliter l'accès aux secours et éviter la propagation du feu et des fumées d'un logement à l'autre, pour prévenir les incendies multiples.

Cet arrêté ne concerne toutefois que les bâtiments d'habitation dont le plancher bas du logement le plus haut est situé au plus à 50 mètres au-dessus du sol utilement accessible aux engins des services de secours et de lutte contre l'incendie et qui font l'objet d'une déclaration d'achèvement des travaux postérieure au 1er janvier 1988.

2. Les immeubles de grande hauteur

Les immeubles d'habitation dont le plancher bas du logement le plus haut est situé à plus de 50 mètres au-dessus du sol utilement accessible aux engins des services de secours et de lutte contre l'incendie, dits immeubles de grande hauteur (IGH), font quant à eux l'objet notamment des articles L. 122-1 et L. 122-2 d'une part, et d'autre part des articles R. 122-1 à R. 122-29 du code de la construction et de l'habitat.

Les premiers prévoient que le permis de construire ne peut être délivré que si les constructions ou travaux projetés sont conformes aux règles de sécurité propres à ce type d'immeubles, que les locaux concernés soient ou non à usage d'habitations.

Les articles réglementaires visés détaillent ces règles de sécurité : les emplacements possibles des IGH, les obligations relatives à l'occupation des locaux, les principes de sécurité et les mesures de contrôles, toutes dispositions précisées par arrêté.

3. Les établissements recevant du public

Les articles L. 123-1 à L. 123-3 du même code appliquent les mêmes règles aux établissements recevant du public, c'est-à-dire tous les bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non.

La délivrance du permis de construire est également soumise au respect des règles de sécurité.

Les articles R. 123-1 à R. 123-55 détaillent les prescriptions relatives à la résistance au feu des matériaux, à l'évacuation des locaux, et l'ensemble des mesures destinées à protéger ces immeubles contre le risque d'incendie et de panique.

Tous les logements d'habitation ne sont donc pas concernés par ces dispositions, assorties de règles destinées à en assurer le contrôle et la sanction. En sont notamment exclus les immeubles de hauteur normale antérieurs au 1er janvier 1988, soit 83 % du parc de logements français. C'est dans ces logements, plus vulnérables aux incendies, que le DAAF sera le plus utile.

Réduire le nombre des victimes d'incendie suppose de :

- prévenir les incendies eux-mêmes,

- faire en sorte que les victimes puissent échapper aux fumées et aux flammes, quand l'incendie s'est déclaré,

- assurer la prise en charge des victimes par les services d'urgence compétents.

Les conclusions du colloque sur le DAAF organisé en 1996 par le ministère de l'Equipement sont toujours valables : nous disposons de très bons services d'urgence, mais de grands efforts restent à faire pour la détection des incendies en temps utile.

Pour réduire le nombre de victimes, il faut qu'elles soient averties du départ de feu, qu'elles évacuent les lieux au plus vite, appellent les services de secours, et si elles le peuvent, luttent contre le début de l'incendie. Ce qui implique, pour pallier le manque de vigilance humaine, une détection automatique. C'est à ce niveau que la présente proposition de loi entend changer les choses.

II.- LE DAAF, UNE SOLUTION QUI A FAIT SES PREUVES

A.- DES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES CONCLUANTES

Tous les pays qui en ont fait l'expérience avancent un même chiffre : les risques de décès dans un incendie d'habitation sont réduits de moitié lorsque les logements sont équipés de DAAF.

Cette constatation est valable quels que soient les problèmes de maintenance des appareils.

1. Les Etats-Unis

En 1977, 3,2 millions d'incendies par an, dont 1,1 million d'incendies d'habitation, étaient à l'origine de 6 000 décès aux Etats-Unis.

En 1995, 1,97 million d'incendies par an, dont 0,57 million d'incendies d'habitation, étaient à l'origine de 3 640 décès. A cette date, 93 % des foyers américains étaient équipés en DAAF. 50 % des incendies d'habitation avaient lieu dans les 7 % d'habitations non équipées de détecteurs, et sont à l'origine de 75 % des décès.

Aujourd'hui, alors que cet équipement est rendu obligatoire dans 80 % des Etats américains, posséder un DAAF fait plus que doubler les chances de survivre à l'incendie.

3 400 personnes sont décédées dans des incendies d'habitation en 2002 selon la U.S. Fire Administration de la Federal Emergency Management Agency (FEMA). Soit 80 % de l'ensemble des décès dus à des incendies.

Environ la moitié des feux d'habitation et les 3/5èmes des incendies domestiques mortels surviennent dans des logements sans DAAF.

2. Le Royaume-Uni

L'installation de détecteurs domestiques est obligatoire dans les nouveaux bâtiments depuis 1992. Le taux d'équipement des ménages était de 8 % en 1988. en 1999, il s'élevait à 81 %.

De tous les feux couvants nécessitant une intervention des secours, 5 000 ont été détectés grâce à un DAAF en 1993, contre 9 300 en 1998 (soit 13 %).

D'après les estimations du Home Office, ceux qui ne possèdent pas de DAAF sont 4 fois plus susceptibles de décéder en cas d'incendie.

3. L'Allemagne

En 1996, 210 000 incendies tous lieux confondus, ont fait 6000 victimes, dont 700 décès. 600 eurent lieu dans des bâtiments d'habitation.

Aujourd'hui, on dénombre 200 000 incendies par an, qui sont dus très souvent à des installations électriques défectueuses, bien plus qu'à des négligences.

95 % des victimes d'incendie meurent des suites d`une intoxication au dioxyde ou au monoxyde de carbone.

Chaque jour, deux personnes décèdent des suites d'un incendie d'habitation, et 60 000 sont blessées chaque année.

Jusque très récemment, aucune législation n'imposait l'installation de DAAF, et le taux d'équipement des foyers allemands était de 7 % seulement. Les pompiers allemands demandent que l'équipement en DAAF devienne obligatoire pour les logements neufs et appellent les parents à davantage de vigilance pour leurs enfants. Ils estiment que 600 vies pourraient être ainsi sauvées chaque année, et que les risques pour les pompiers en intervention diminueraient aussi. Lors de leur congrès à Berlin en 2004, ils ont appelé les Länder à rendre les DAAF obligatoires dans les chambres, et les couloirs des pièces de séjour. Le coût d'un DAAF conforme aux normes de sécurité allemandes est inférieur à 50 euros.

Contrairement aux attentes, 67 % des Berlinois interrogés se sont prononcés en faveur d'une obligation légale à s'équiper de détecteurs, selon un sondage réalisé par le quotidien Tagesspiegel, alors que seul un foyer berlinois sur 14 est équipé d'un DAAF.

La Rhénanie Palatinat et la Sarre ont été les premières à mettre en œuvre ces recommandations. Le Land de Hesse en juin 2005, et le Schleswig-Holstein ont voté cette obligation pour tous les logements, neufs comme anciens. Les propriétaires ont jusqu'à 2014 pour la mettre en œuvre. Hambourg, en juillet 2005 a suivi la même voie, fixant l'échéance à 2010.

Le taux d'équipement augmente donc légèrement, atteignant maintenant 10 %.

4. La Belgique

Il y a dix ans, le taux d'équipement en DAAF était en Belgique de l'ordre de 3 %, mais certaines compagnies d'assurance y ont offert des DAAF à tout nouveau souscripteur de police d'assurance incendie. La sensibilisation de la population a été progressive : la première campagne nationale, en 1994, appelant à  « éviter l'incendie chez vous ». Mais la situation a fortement évolué depuis.

- Dans la communauté flamande, un décret du 7 mai 2004 encourage à améliorer la sécurité des habitations en installant des détecteurs de fumée : au moins un dans chaque habitation. Les détecteurs sont fournis par le Gouvernement flamand dans la limite des crédits budgétaires disponibles ; les communes sont chargées de l'installation.

- Le gouvernement wallon a pris le 21 octobre 2004 un arrêté relatif à la présence de détecteurs d'incendie dans les logements : tout logement individuel ou collectif est équipé d'au moins un détecteur pour chaque niveau comportant au moins une pièce d'habitation ; il doit s'agir de détecteurs optiques, certifiés conformes aux normes belges ou européennes ; les détecteurs installés avant l'entrée en vigueur de l'arrêté sont présumés conformes, pendant dix ans, aux conditions posées.

- Le gouvernement de la région de Bruxelles-capitale a pris le 5 mai 2004 un arrêté, entré en vigueur le 1er juillet 2005, prévoyant que chaque pièce du chemin d'évacuation des logements mis en location doit être pourvue d'un détecteur de fumée, optique, certifié. L'installation et la maintenance sont à la charge des bailleurs.

Ces décisions sont naturellement accompagnées de vastes campagnes d'information, diffusant des conseils sur les conduites à tenir, et affichant des images choc.

5. L'exception française

D'autres pays connaissent des taux d'équipement en détecteurs de fumée très élevés, comme la Norvège (98 %), où au moins un détecteur individuel de fumée et au moins un extincteur sont obligatoires dans chaque habitation depuis 1990, ou le Canada (95 %).

LE TAUX D'ÉQUIPEMENT EN DÉTECTEUR AVERTISSEUR AUTONOME
DE FUMÉE DANS LE MONDE

Sources

1994 : Rapport de la CSC

2004 : Sources GIFSID-FFMI

Pays

Loi

Taux-DAAFS

Loi

Taux-DAAFS

Norvège

1978

97%

Oui

98%

Canada

Oui

90%

Oui

94%

U.S.A.

1975

85%

Oui

95%

Royaume-Uni

1992

48%

Oui

89%

Suède

Non

75%

Non

88%

Finlande

1991

30%

Oui

Appart. : 66%
Pavillon : 75%

Australie

1991

15%

Oui

85%

Japon

Non

1%

En cours

3%

Pays-Bas

Non

5%

Oui : 05/2003

?%

Belgique

Non

1%

Oui : 06/2004

7%

Allemagne

Non

1%

Non

5 à 35% selon Landers

France

Non

- de 1%

Proposition de loi août 2004 : présentée par M. Damien Meslot, député

- de 1%

Espagne

Non

- 1%

Source : campagne nationale de prévention des incendies domestiques 2004

B.- DES EXPÉRIENCES TRANSPOSABLES EN FRANCE

En France, le taux d'équipement reste infime, inférieur à 1 %, malgré un large consensus pour recommander l'équipement en DAAF et malgré des expériences locales (3) concluantes.

Les principales réticences exprimées à l'encontre d'une obligation générale d'installation de DAAF dans les parties privatives des immeubles d'habitation tiennent à la crainte d'effets pervers : impression de fausse sécurité, risque de mouvements de panique. Votre rapporteur ne croit pas cette crainte justifiée.

L'équipement des logements en DAAF doit s'accompagner de campagnes d'information et de sensibilisation sur les risques d'incendie de même intensité que celles conduites en faveur de la sécurité routière, et le DAAF doit devenir aussi familier que la ceinture de sécurité. La prévention incendie doit devenir en France un enjeu de santé publique, pris en compte au plus haut niveau de l'Etat.

Votre rapporteur appelle à la poursuite et à l'amplification des campagnes de prévention menées depuis quelques années contre les incendies domestiques (4). Elles devront à l'avenir diffuser, outre les conseils généraux de prévention, des recommandations sur la mise en œuvre et l'entretien des DAAF. Comme l'a rappelé M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, le 19 juillet 2005 au 112ème congrès national des sapeurs-pompiers de France, la culture de la prévention reste insuffisante : « la sécurité civile est aussi l'affaire de tous. Le citoyen ne peut pas ou ne peut plus se dédouaner [...] Il faut que la culture du risque progresse, et ce de préférence grâce aux populations les plus jeunes. »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa réunion du 5 octobre 2005, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Damien Meslot, la proposition de loi (n° 2535) tendant à visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation, présentée par MM. Pierre Morange et Damien Meslot. Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

Le Président Patrick Ollier a souligné combien la question était importante, se déclarant impressionné par le nombre des victimes, blessées ou décédées, qui sont concernées chaque année.

Mme Annick Lepetit a qualifié également d'importante et de préoccupante la question en débat, mais s'est interrogée sur la pertinence de l'angle retenu par la proposition de loi. Elle a observé qu'un projet de loi relatif à l'habitat devant être bientôt examiné en première lecture par le Sénat, les dispositions de la proposition de loi auraient pu tout à fait y trouver leur place ; qu'un rapport avait été confié par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, à MM. Philippe Pelletier, président de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), et Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation abbé Pierre, sur la sécurité des occupants des immeubles d'habitation, et qu'il aurait été intéressant d'attendre sa publication pour bénéficier de l'éclairage qu'il proposerait, et confronter les chiffres qu'il retiendrait à ceux avancés par le rapporteur. Elle a déclaré que de nombreuses questions restaient ouvertes, notamment quant au prix de l'installation envisagée, et a estimé que la prise en charge de cette installation par le locataire venait alourdir la liste déjà longue des contraintes financières qui pesaient sur celui-ci, d'autant que l'installation impliquait ensuite des charges de vérification et d'entretien. Elle a marqué sa surprise qu'une obligation générale fût imposée, sans qu'une étude d'impact eût été préalablement réalisée, a reconnu que deux propositions de loi avaient déjà été déposées en ce sens l'an dernier, mais regretté qu'une matière aussi grave fasse l'objet d'un traitement précipité, en réaction à la pression médiatique face à une actualité dramatique. Elle a jugé que l'installation de détecteurs avertisseurs de fumée ne pouvait être présentée comme une garantie d'élimination des accidents mortels par le feu, d'autant que souvent ces accidents intervenaient dans des immeubles insalubres, ou même des squats, dans lesquels la lutte contre les incendies relevait de bien d'autres éléments que de la seule détection.

M. Pierre Micaux a souhaité que l'obligation créée par la proposition de loi soit précisément encadrée par le pouvoir réglementaire, de manière à éviter que l'afflux de la demande de détecteurs qu'elle provoquera n'encourage les fabricants à des comportements spéculatifs ou frauduleux.

M. Yves Simon a approuvé qu'une telle obligation fût imposée aux habitations en immeuble, particulièrement les logements sociaux, mais s'est déclaré opposé à une application aux maisons individuelles. Il a rappelé que la mise en œuvre des dispositifs de sécurité supposait l'aval des commissions de sécurité, ce qui risquait de rendre inopérante la mesure. Il a estimé à six ou sept euros par personne la charge supplémentaire qui pesait sur les citoyens de sa circonscription du fait de l'empilement des contraintes sécuritaires, citant les dispositions récemment ajoutées pour les piscines, ou la réglementation relative au radon.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a mis en garde contre une fausse bonne idée, et évoqué les circonstances de l'incendie de L'Haÿ-les-Roses survenu dans la nuit du 3 au 4 septembre 2005 dans sa circonscription, qui avait conduit au décès de dix-huit personnes, du fait de la seule panique provoquée par les détecteurs d'incendie, les pompiers lui ayant certifié que ces personnes auraient pu être sauvées si l'alarme ne les avait pas effrayées et poussées à sortir de leur appartement, au lieu de s'y calfeutrer en attendant les secours. Il a observé que l'installation de détecteurs d'incendie était déjà obligatoire dans les parties communes des immeubles, et a estimé que les mesures de prévention passaient sans doute plus par des actions d'information auprès des habitants, à définir en liaison notamment avec les organismes d'HLM, que par de nouvelles mesures contraignantes.

Mme Josiane Boyce a souligné le risque qu'en créant une nouvelle obligation légale, les dispositions envisagées ne conduisent à donner aux compagnies d'assurance un nouveau prétexte pour se dégager de leur responsabilité une fois le sinistre intervenu. Elle a évoqué les désagréments que provoqueraient les détecteurs installés s'ils réagissaient à la moindre fumée de cigarette. Elle a souhaité que la relance du marché des détecteurs de fumée induite par l'obligation générale ne profitât pas uniquement à des importateurs, chinois par exemple.

Mme Marie-Françoise Peyrol-Dumont s'est interrogée sur le coût de l'équipement, la charge induite pour le locataire du fait de l'entretien, et le nombre de fabricants d'appareils de détection en France.

Le Président Patrick Ollier a demandé que la proposition de loi, issue de deux autres propositions signées par près de soixante-quinze députés et méritant de ce fait une attention particulière, soit examinée sous un angle constructif, et pas seulement critique.

Le rapporteur, montrant un exemplaire de détecteur avertisseur autonome de fumée, a expliqué que cet appareil avait été fabriqué en France, et que les normes NF auxquelles il se conformait garantissaient qu'il ne se déclenchait pas pour une simple fumée de cigarette. Il a indiqué que la proposition de loi renvoyait à un décret d'application, dont l'objet serait notamment de répondre aux craintes de spéculation et de fraude exprimées par M. Pierre Micaux. Il a signalé que l'idée de déplacer l'obligation d'installer un détecteur à incendie dans les parties privatives des immeubles, et non plus dans les parties communes, avait été avalisée par la fédération nationale des sapeurs pompiers, et que les circonstances dramatiques évoquées par M. Jean-Yves Le Bouillonnec tenaient justement pour partie à ce que ce dispositif n'était pas en vigueur. Il a déclaré s'être concerté avec MM. Pelletier et Doutreligne pour rédiger la proposition de loi, et a assuré que les conclusions de leur rapport seraient totalement cohérentes avec les mesures proposées. Il a déploré le retard de la France par rapport à ses voisins européens dans la mise à niveau de la réglementation en matière de détection des incendies, rien n'ayant évolué dans ce domaine depuis vingt-cinq ans alors que, par exemple, deux incendies très graves avaient eu lieu à Belfort entre temps, en 1989 et en 2003. Il a rappelé que dans les pays où le taux d'équipement dépassait 80 %, le nombre des victimes du feu avait diminué de moitié. Il a contesté l'idée que l'installation de détecteurs entraînât de lourdes charges d'entretien, puisque celles-ci se résumaient au remplacement annuel de la pile, les expériences menées dans certains départements français ayant démontré que ce remplacement était en pratique omis dans seulement 3 à 4 % des cas. Il a conclu en soulignant que la proposition de loi avait été conçue en s'appuyant sur une très large consultation, qui s'était étalée sur plus d'un an, et qu'il était personnellement prêt à examiner de manière constructive tout amendement d'amélioration, son sentiment étant qu'il serait à l'honneur de la Représentation nationale de dégager un consensus sur une question aussi importante.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1

Modification du chapitre IX du code de la construction et de l'habitation

La présente proposition de loi modifie le chapitre IX du titre II du livre premier du code de la construction et de l'habitation. Le titre II, consacré à la sécurité et à la protection des immeubles, comprend neuf chapitres. Le dernier concerne la sécurité des immeubles collectifs à usage d'habitation.

L'intitulé des chapitres dans les codes n'est pas normatif. Toutefois, le champ des articles que la proposition tend à y insérer étant plus large que celui du chapitre en cause, votre rapporteur vous propose de modifier en conséquence l'intitulé du chapitre IX du code de la construction et de l'habitation.

L'article 1er prévoit de regrouper les articles existants du chapitre IX en une section I intitulée : « Dispositions générales pour la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation ».

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, modifiant l'intitulé du chapitre IX du titre II du livre premier du code de la construction et de l'habitation, pour l'adapter à l'introduction de nouveaux articles prévue par la présente proposition de loi.

Elle ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2

Obligation pour les occupants d'un logement d'y installer au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée

Cet article insère après l'article L. 129-7 du chapitre IX du code de la construction et de l'habitation une nouvelle section, consacrée aux détecteurs avertisseurs autonomes de fumée.

Cette section II, intitulée simplement : « Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée », comprend quatre nouveaux articles, numérotés L. 129-8 à L. 129-11, qui rendent obligatoire la présence d'au moins un DAAF par logement, et précisent les modalités de mise en œuvre de cette obligation.

Article L. 129-8 du code de la construction et de l'habitation

Responsabilité de l'occupant du logement dans l'installation
et la maintenance du DAAF

La première phrase de cet article impose à l'occupant d'un logement d'installer au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée.

L'article R. 111-1 du code de la construction et de l'habitation qui définit les bâtiments d'habitation, indique qu' « un logement ou habitation comprend, d'une part, des pièces principales destinées au séjour ou au sommeil, éventuellement des chambres isolées et, d'autre part, des pièces de service, telles que cuisines, salles d'eau, cabinets d'aisance, buanderies, débarras, séchoirs, ainsi que, le cas échéant, des dégagements et des dépendances ».

Par logement, on entend donc les locaux à usage d'habitation, les locaux à usage mixte, qu'il s'agisse de la résidence principale ou d'une résidence secondaire, et quelle que soit la date de construction.

Cette généralité est particulièrement importante, compte tenu des lacunes de la réglementation évoquées plus haut : tous les logements construits avant le 1er janvier 1988 et qui ne sont pas des immeubles de grande hauteur (IGH) ne sont soumis ni aux articles du code de la construction relatif à la sécurité des IGH, ni à l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation.

L'obligation d'installer au moins un DAAF par logement ne porte que sur les parties privatives des logements, et en aucun cas sur les parties communes. D'autres règles portent sur ces parties communes, et d'autres dispositifs de détection et de prévention des incendies existent dans ce cas. Sur ce point le consensus est général : l'installation de DAAF dans les parties communes ne serait pas une bonne solution.

Quant à l'occupant du logement, il peut s'agir

- du propriétaire

- du locataire

- d'un occupant à titre gratuit.

L'occupant de ce logement devra y installer au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée (DAAF), c'est-à-dire un dispositif destiné à déceler la présence de particules visibles ou invisibles produites par la combustion, et à déclencher automatiquement un signal avertisseur.

« Ce petit appareil détecte la fumée dès les premiers instants et déclenche une alarme stridente qui avertit les occupants de jour comme de nuit. Il vous donne le temps soit de maîtriser un feu naissant, soit de fuir avec toute votre famille s'il y a de la fumée. Très facile à poser, il est alimenté par une pile 9 volts » (5). C'est l'un des deux accessoires de protection recommandés par le Centre européen de prévention des risques, avec l'aérosol à fonction extinctrice.

Deux types de détecteurs sont proposés dans le commerce.

Le détecteur optique de fumée est préférable au détecteur ionique pour au moins deux raisons :

Les détecteurs de fumée optiques réagissent aux incendies à progression lente qui peuvent couver pendant de nombreuses heures avant de s'enflammer. Ces incendies peuvent être causés par une cigarette qui brûle dans un lit ou sur un canapé. La plupart des feux, lorsqu'ils ne sont pas surveillés, pendant la nuit par exemple, étant des feux couvants, les détecteurs de fumée optiques semblent être les plus appropriés.

Ils sont également moins sujets aux fausses alarmes, qui peuvent notamment survenir près de la cuisine.

Une source lumineuse éclaire une chambre de détection obscure, qui contient aussi une cellule photoélectrique qui transforme la lumière en un faible courant électrique. Lorsque les particules de fumée pénètrent dans la chambre de détection, la lumière est réfléchie sur la surface des particules de fumée et entre en contact avec la cellule, ce qui déclenche l'alarme.

Les détecteurs ioniques de fumée contiennent une petite source radioactive très faible qui génère un flux cathodique. Si des fumées s'infiltrent dans le détecteur, elles diminuent la conductivité de l'air ionisé. En pareil cas, le signal d'alarme est activé. Ces appareils devront être remplacés à terme, conformément au décret n°2002-460 du 4 avril 2002 relatif à la protection générale des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants. De plus, la source radioactive contenue dans le détecteur pourrait se retrouver dans la nature, et son élimination est complexe et coûteuse.

Ces détecteurs avertisseurs de fumée doivent être autonomes : leur alimentation ne dépend pas du secteur, et chacun d'eux possède une fonction d'alarme sonore.

Le prix de ces détecteurs est très variable, mais reste modeste. Selon les modèles choisis, ou le nombre d'exemplaires commandés, il peut varier de moins de dix euros à dix fois plus, mais est généralement inférieur à cinquante euros. Selon les différents fabricants français, dans le cas d'une production de masse, le coût moyen pourrait être de quinze euros.

L'article L. 129-8 prévoit l'installation d'au moins un DAAF par logement. Le décret précisera les recommandations et les contraintes relatives à cette installation, notamment le nombre optimal de détecteurs compte tenu des caractéristiques de chaque logement.

La plupart des incendies meurtriers ayant lieu la nuit, le minimum consiste dans l'installation d'au moins un détecteur avertisseur de fumée près de ou dans la chambre afin qu'il soit audible. Dans le cas d'une maison, ou d'un appartement sur plusieurs niveaux, il faudrait au moins un détecteur-avertisseur de fumée par étage.

Enfin, l'occupant est responsable de l'installation du DAAF. Celle-ci est très simple : il suffit de quelques vis pour placer cette petite boîte, en suivant les instructions fournies par le constructeur, qui seront conformes aux recommandations des services de prévention et de secours.

Puisque la fumée, la chaleur et les produits de combustion s'élèvent normalement vers le plafond et se propagent horizontalement, le montage au plafond et au centre de la pièce est recommandé, à distance minimale des murs ou des cloisons.

La Commission a examiné un amendement de précision du rapporteur, maintenant la responsabilité de principe des occupants des logements dans l'installation et l'entretien des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, mais permettant de mieux prendre en compte certaines situations dans lesquelles cette responsabilité devait incomber au propriétaire, en particulier les logements destinés à la location saisonnière ou à l'occupation temporaire.

M. Jean-Claude Lemoine a estimé que lorsque l'obligation incombait au locataire, celui-ci devait prévenir de l'installation, non seulement sa compagnie d'assurance comme la proposition de loi le prévoyait, mais aussi son propriétaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau, évoquant le cas des constructions neuves, a indiqué qu'il aurait préféré que la charge incombât plutôt par principe au propriétaire, et non au locataire, M. Roland Chassain abondant dans le même sens et suggérant même que l'obligation fût intégrée aux contraintes imposées dans le cadre des plans locaux d'urbanisme, ce qui en faciliterait le contrôle.

M. Jean-Marc Lefranc a soutenu la même idée en évoquant le cas de la construction d'un pavillon dans le but de le mettre en location.

M. Jean-Charles Taugourdeau a observé que l'installation d'un détecteur de fumée pouvait fort bien être considérée comme une prescription s'intégrant aux règles de mise aux normes de l'équipement électrique des bâtiments.

Le rapporteur a répondu qu'après étude, il était apparu plus pratique de faire supporter en principe la charge de l'obligation sur le locataire, ce qui permettait de faire l'économie de tout un dispositif de contrôle, conformément à un souhait partagé par tous, et de s'en remettre plutôt au sens de la responsabilité des intéressés. Il s'est dit néanmoins ouvert à la suggestion d'une insertion de l'obligation dans les plans locaux d'urbanisme.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que l'amendement prévoyait que l'obligation incombait au propriétaire dans le cas des logements destinés à la location saisonnière ou à l'occupation temporaire, et que le décret d'application devrait préciser ce point.

Puis la Commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur précisant que les DAAF doivent être installés à l'intérieur des logements, et non dans les parties communes, pour ne pas risquer d'aggraver les risques dans la mesure où le déclenchement de l'alarme pourrait être interprété comme une consigne d'évacuation. Les principes de la sécurité des immeubles d'habitation contre les incendies face à de tels feux en partie commune recommandent en effet aux occupants de se calfeutrer dans leur logement en attendant l'arrivée des secours.

La deuxième phrase de l'article L. 129-8 précise que l'entretien de l'appareil incombe à l'occupant du logement, qui doit veiller à ce que le DAAF reste en état de fonctionner correctement.

Cette question de la maintenance est essentielle, beaucoup d'objections au dispositif portant en effet sur ce point. Les DAAF donneraient aux occupants des logements un sentiment de fausse sécurité, et risqueraient d'autre part de déclencher des alarmes intempestives. Pour votre rapporteur, il s'agit là de mauvais procès.

Le sentiment de fausse sécurité

« Ce n'est pas parce que j'installe un détecteur chez moi que je vais dormir plus profondément qu'auparavant » déclarait dans une vigoureuse intervention M. Eugène Julien, sous-directeur qualité et sécurité à la DGCCRF lors du colloque sur le DAAF organisé par le ministère de l'Equipement en 1996 (6).

Pourquoi certains détecteurs ne donnent-ils pas l'alarme ? D'après une étude de la commission américaine des consommateurs datant de 1993, citée par M. Jean-Gabriel Sans, du centre national de prévention et de protection (CNPP), lors du colloque de 1996, la proportion de détecteurs placés dans des habitations ayant fait l'objet d'un incendie et n'ayant pas donné l'alarme est de l'ordre de 32 %. Parmi les détecteurs n'ayant pas fonctionné :

60 % étaient déconnectés : absence de pile ou de connexion sur le secteur. Pourtant, 83 % des DAAF déconnectés étaient capables de fonctionner : il s'agit donc clairement d'une négligence de maintenance. Parmi eux, 32 % étaient déconnectés en raison de la nuisance : ils déclenchaient des alarmes intempestives, trop bruyantes ; dans 42 % des cas, la pile était usée et les utilisateurs n'avaient pas pris conscience de la nécessité de la changer.

La situation actuelle décrite par le Home Office britannique est très proche : dans 28 % des cas, les DAAF n'ont pas fonctionné alors qu'un incendie se déclarait dans le logement où ils se situaient. Plus de la moitié de ces dysfonctionnements est due à l'absence de pile ou à des piles usagées.

Il est évident que le fonctionnement parfait de 100 % des appareils ne pourra jamais être assuré, et que certaines personnes n'entretiendront pas leurs DAAF. Malgré ces constatations, votre rapporteur ne peut que rappeler que dans les pays où le taux d'équipement dépasse 80 %, la mortalité dans les incendies d'habitation est réduite de moitié.

L'installation de DAAF doit devenir aussi automatique que le siège auto pour les enfants, ou le bouclage de la ceinture de sécurité en voiture.

Les alarmes intempestives

L'autre risque invoqué à l'encontre des DAAF est celui de faire supporter à la collectivité le coût de déplacements abusifs des secours.

« Le niveau moyen du QI étant le même aux Etats-Unis et en France » disait M. Eugène Julien, l'alarme amène le propriétaire de l'appareil à regarder et vérifier s'il y a une cause de fumée. Si la fumée n'est pas dangereuse, il arrête l'appareil.

Souvent le problème est résolu par le choix d'un emplacement plus judicieux de l'appareil, qui doit être placé à bonne distance des sources de fumée normale, de vapeur d'eau ou d'humidité, par le remplacement d'un détecteur ionique par un détecteur optique, ou par le choix d'un appareil qui ne soit pas excessivement sensible.

Sont au contraire à éviter les emplacements trop proches d'une fenêtre ouverte ou d'une bouche d'aération : la fumée y est aspirée ; dans la salle de bains ou la cuisine : un détecteur de fumée ne fait pas de distinction entre les vapeurs de condensation et la fumée d'un incendie ; dans les chaufferies ou chambres froides : un détecteur de fumée ne fonctionne plus bien à une température inférieure à 4°C ou supérieure à 38°C ; dans les garages : les gaz d'échappement des voitures peuvent faire déclencher l'alarme ; près des lumières fluorescentes, et dans les zones poussiéreuses.

Quant à la maintenance, elle est simple : il faut changer les piles une fois par an ; tester le fonctionnement de l'appareil une fois par mois ; changer d'appareil tous les dix ans.

Votre rapporteur estime qu'il est tout à fait possible de faire confiance à la très grande majorité des utilisateurs de détecteurs pour s'en servir correctement.

Article L. 129-9 du code de la construction et de l'habitation

Attestation d'acquisition

Cet article oblige l'occupant à transmettre une attestation d'acquisition du ou des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée à l'assureur avec qui il a contracté un contrat d'assurance contre le risque d'incendie. Cette obligation ne vaut que pour les occupants qui ont souscrit une assurance incendie.

Une seule assurance contre le risque d'incendie est obligatoire, celle du locataire d'un logement non meublé contre les dommages qu'il pourrait causer à son propriétaire, conformément à l'article L. 121-13 du code des assurances.

Le locataire doit donc justifier chaque année de son assurance en remettant au propriétaire une attestation délivrée par l'assureur. En cas de défaut, le propriétaire peut résilier le bail. L'application des dispositions de l'article L. 129-9, y compris aux situations en cours, sera donc particulièrement simple dans ce cas.

Toutefois, la très grande majorité des Français sont couverts contre le risque d'incendie, soit au titre de la garantie multirisques habitation (MRH), soit au titre de l'assurance responsabilité civile du père de famille, soit encore au titre des assurances contre les accidents de la vie. Ce sont donc tantôt les biens, tantôt les personnes qui sont concernés.

La Commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à alléger la formalité d'information de la compagnie d'assurance, en prévoyant une déclaration d'installation, au lieu d'une attestation d'acquisition.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a exprimé la crainte que l'implication des compagnies d'assurance n'entraînât celles-ci à ajouter la clause de l'absence de détecteur d'incendie aux nombreuses clauses leur permettant déjà de s'exonérer de leur engagement d'indemnisation en cas de sinistre.

Le rapporteur a indiqué que rien n'interdisait en l'état du droit que des clauses de ce type figurent déjà dans les contrats d'assurance, et que la proposition de loi ne modifiait donc rien à cet égard.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que de nouveaux amendements pourraient être examinés lors de la réunion prévue à l'article 88 du Règlement, et qu'en tout état de cause, le débat pourrait reprendre lors de l'examen du projet de loi relatif à l'habitat, bientôt examiné par le Sénat, car celui-ci reprendrait le dispositif de la proposition de loi.

Puis la Commission a adopté l'amendement du rapporteur, ainsi qu'un amendement de conséquence du même auteur, prévoyant que dans les cas où le propriétaire est responsable de l'installation du détecteur, c'est lui qui doit transmettre à son assureur la déclaration d'installation.

Article L. 129-10 du code de la construction et de l'habitation

Modalités d'application des articles L. 129-8 et L. 129-9

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application des articles L. 129-8 et L. 129-9- du code de la construction et de l'habitation. Il précise notamment les caractéristiques du détecteur à installer, les conditions de son installation, de son entretien et de son fonctionnement.

Compte tenu des impératifs de sécurité en cause, il va de soi que ces détecteurs devront être certifiés, comme cela est exigé dans tous les pays où le DAAF est obligatoire.

Le décret devra prévoir une exigence de conformité aux normes NF en vigueur. Le marquage CE, obligatoire, autorise la mise sur le marché de l'Espace économique européen (EEE) d'un produit qui en est porteur. Ce signe, destiné aux autorités de contrôle des pays des Etats membres, engage la responsabilité des acteurs professionnels concernés quant au respect des spécifications minimales (dites exigences essentielles), fixées par les directives communautaires et communes à tous les pays de l'EEE. Le marquage CE ne veut pas dire pour autant que le produit est d'origine communautaire. Des garanties supplémentaires sont  généralement apportées au consommateur par le recours à une certification volontaire de type NF, ou équivalent : VdS en Allemagne par exemple. La vérification de l'équivalence entre les différentes normes mérite toutefois d'être approfondie. Enfin, notons qu'une norme européenne est actuellement en cours de définition. La liste des produits admis à la marque NF-DAAF, mise à jour annuellement, est disponible gratuitement sur le site du Comité National Malveillance Incendie Sécurité.

Article L. 129-11 du code de la construction et de l'habitation

Locations saisonnières et logements destinés à l'occupation temporaire

Cet article prévoit une exception au régime général de la responsabilité de l'occupant du logement, portant sur deux catégories de logements :

- les locations saisonnières,

- les logements destinés à l'occupation temporaire.

On appelle locations saisonnières les locations de villas, d'appartements ou de chambres meublées consenties pendant une période déterminée qui ne peut excéder une saison : meublés de tourisme classés, gîtes de France, chambres d'hôtes, etc. Elles peuvent être le fait :

- de loueurs non professionnels : particuliers ne louant qu'un seul logement ou une ou plusieurs pièces de leur propre habitation,

- de loueurs professionnels : soit les particuliers louant habituellement (chaque année pour la saison) au moins deux logements distincts de leur propre habitation, soit les professionnels de l'immobilier.

Quant aux logements destinés à l'occupation temporaire, il s'agit aussi bien

- de maisons mobiles, caravanes, et autres habitations légères de loisir,

- des chambres d'hôtels,

- que de tous les dispositifs d'hébergement d'urgence, notamment les logements éligibles à l'allocation de logement temporaire (ALT), allocation versée par la caisse d'allocations familiales (CAF) aux associations à but non lucratif dont l'un des objets est l'insertion par le logement des personnes défavorisées, après signature d'une convention avec l'Etat. La durée des séjours y est inférieure à un mois dans 56 % des cas, et supérieure à six mois dans 14 % des cas.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article, tirant ainsi la conséquence des amendements précédents modifiant les articles L. 129-8 et L. 129-9 du code de la construction et de l'habitation.

La Commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3

(Article L. 122-9 du code des assurances)

Sanction du dispositif

Cet article insère un nouvel article au code des assurances, complétant le chapitre II, intitulé « Les assurances contre l'incendie », du titre II consacré aux « règles relatives aux assurances de dommages non maritimes » du livre premier relatif au contrat.

Le nouvel article L. 122-9 met en place un mécanisme absolument similaire à celui prévu en matière d'incendies de forêts par l'article L. 122-8 inséré dans le code des assurances par la loi nº 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

Il ouvre aux assureurs la possibilité de sanctionner le non respect d'obligations prévues dans un autre code en pratiquant une franchise supplémentaire de 5 000 euros en sus des franchises prévues le cas échéant au contrat. A l'article L. 122-8, il s'agit de sanctionner le non respect des dispositions du code forestier relatives notamment au débroussaillement.

Les obligations en cause ici sont celles qui découlent des articles L. 129-8 et L. 129-9 du code de la construction et de l'habitation, à savoir l'obligation pour l'occupant d'un logement d'installer un DAAF et de veiller à son entretien, et celle de transmettre à son assureur une attestation d'acquisition du DAAF.

Le mécanisme de sanction prévu ici est facultatif, et laissé à la libre appréciation des assureurs. Il leur est parfaitement possible de ne pas appliquer de franchise supplémentaire, de privilégier la prévention sur la sanction, voire d'offrir comme cela a été le cas dans certains pays, des DAAF à tout nouveau souscripteur d'une police contre l'incendie.

Il ne s'agit donc pas de multiplier les dispositifs de contrôle ou de répression, mais de sensibiliser chacun à l'importance des enjeux.

Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, la Commission a examiné un amendement du rapporteur imposant une minoration des primes d'assurance pour les assurés qui se conforment à l'obligation d'installer un détecteur, afin de renforcer les incitations plutôt que les sanctions.

M. Jean-Charles Taugourdeau s'est interrogé sur la nécessité, pour l'assuré, d'informer annuellement sa compagnie d'assurance de chaque changement de la pile, une défaillance à cet égard pouvant être considérée par la compagnie d'assurance comme une cause d'exonération de son obligation d'indemniser en cas de sinistre, y compris dans le cas où les victimes avaient contracté une assurance vie. Il s'est inquiété du risque de voir les contentieux se multiplier, retardant ainsi le versement des indemnités.

M. Roland Chassain a soutenu également l'idée que la formalisation de l'obligation risquait de se traduire par l'impossibilité pour de nombreuses victimes d'incendie d'être indemnisées.

En réponse à une interrogation de Mme Josiane Boyce, le rapporteur a expliqué que le détecteur comportait un dispositif signalant l'arrivée en fin de vie de la pile, toutes les questions pratiques de cet ordre devant de toute façon être précisées par le décret d'application.

Puis la Commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 4

Entrée en vigueur

Un délai de trois ans est accordé aux occupants des logements, et à leurs propriétaires le cas échéant, pour se mettre en conformité avec la nouvelle section II du chapitre IX du titre II du livre premier du code de la construction et de l'habitation.

A l'échéance de ce délai, le mécanisme de sanction prévue à l'article L. 122-9 du code des assurances pourra s'appliquer.

En effet, plusieurs contraintes pèsent sur la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation sur les DAAF et la prévention incendie.

La première est celle de la pédagogie : des campagnes d'information de grande ampleur sont nécessaire, afin de convaincre chacun du bien-fondé de ces mesures, et d'expliquer à tous comment les mettre en œuvre. La France pourrait dans ce cadre retenir plusieurs leçons des campagnes menées à l'étranger : sites internet ou brochures adaptés aux publics les plus vulnérables (jeux pour les enfants, traduction en arabe, chinois, vietnamien et somalien des tracts de la campagne de prévention contre les incendies menée à Ottawa en octobre 2005), implication de l'ensemble des acteurs.

La seconde est celle du marché, qui devra fournir en nombre des appareils répondant à des normes exigeantes de sécurité et de qualité.

Enfin, certains logements sont plus vulnérables que d'autres, et le décret pourrait prévoir une application du mécanisme de sanction étalée dans le temps, conforme à la hiérarchie des dangers.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur portant à cinq ans au lieu de trois le délai fixé pour la mise en œuvre de la loi, afin de permettre des campagnes d'information suffisantes, et la production de détecteurs certifiés.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant un rapport d'évaluation un an après l'application complète du dispositif, afin d'améliorer l'évaluation des politiques publiques.

Puis elle a adopté cet article ainsi modifié.

Le Président Patrick Ollier a alors estimé qu'il n'était pas indispensable de prévoir un rapport spécifique de suivi des dispositions votées, puisque le règlement intérieur de l'Assemblée, en vertu de l'alinéa 8 de son article 86, prévoit qu'à l'issue d'un délai de six mois suivant l'entrée en vigueur d'une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, le député qui en a été le rapporteur ou, à défaut, un autre député désigné à cet effet par la commission compétente, présente à celle-ci un rapport sur la mise en application de cette loi.

Il a indiqué qu'il veillerait d'une façon générale à mettre en œuvre cette disposition pour l'ensemble des textes examinés par la Commission.

La Commission a adopté l'ensemble du texte de la proposition de loi ainsi modifiée, le groupe socialiste votant contre.

En conséquence, la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée
dans tous les lieux d'habitation

Article 1er

I.- L'intitulé du chapitre IX du titre II du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié : « Sécurité des immeubles à usage d'habitation ».

II.- Les articles L. 129-1 à L. 129-7 sont regroupés dans une section 1, intitulée : « Dispositions générales pour la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation ».

Article 2

Le même chapitre est complété par une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée

« Art. L. 129-8. - L'occupant ou, le cas échéant, le propriétaire d'un logement doit installer dans celui-ci au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée. Il doit veiller à l'entretien et au fonctionnement de ce dispositif.

« Art. L. 129-9. - Une déclaration d'installation du ou des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée doit être transmise par l'occupant ou, le cas échéant, le propriétaire d'un logement, à l'assureur avec lequel il a contracté un contrat d'assurance contre le risque d'incendie.

« Art. L. 129-10. - Les modalités d'application des articles L. 129-8 et L. 129-9, notamment en ce qui concerne les caractéristiques du détecteur à installer et les conditions d'installation, d'entretien et de fonctionnement, sont définies par décret en Conseil d'Etat.

Article 3

Après l'article L. 122-8 du code des assurances, il est inséré un article L. 122-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-9. - Dans le cas où les dommages garantis par un contrat d'assurance procèdent d'un incendie dont l'origine est située dans un logement, l'assureur peut, s'il est établi que l'assuré ne s'est pas conformé aux obligations résultant des articles L. 129-8 et L. 129-9 du code de la construction et de l'habitation, pratiquer, en sus des franchises prévues le cas échéant au contrat, une franchise d'un montant de 5 000 €. Pour les contrats à venir, l'assureur devra minorer la prime ou la cotisation d'assurance prévues à l'article L. 112-4 du code des assurances lorsqu'il est établi que l'assuré s'est conformé à ces obligations. »

Article 4

La présente loi entrera en vigueur au plus tard cinq ans à compter de sa publication, et dans des conditions définies par un décret en Conseil d'Etat.

Un rapport analysant la mise en œuvre de ce dispositif, et évaluant son efficacité, est remis par le Gouvernement au Parlement un an après la date limite fixée pour l'entrée en vigueur de la loi.

ANNEXES

Annexe 1 : Conseils de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Annexe 2 : Campagne de prévention contre les incendies domestiques, Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), 2004

Annexe 3 : Exemples de campagnes menées à l'étranger

ANNEXE 1

CONSEILS DES SAPEURS POMPIERS  (7)

Comment éviter de provoquer un incendie ?

Comment éviter de provoquer un incendie?

Parmi toutes les mesures de prudence, voici quelques exemples :

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Mettez les allumettes et briquets hors de portée des enfants.

Ne fumez pas au lit.

Evitez de surcharger les circuits sur une même prise électrique.

Méfiez-vous de l'huile sur le feu et des grille-pain.

N'utilisez jamais d'alcool ou d'essence pour raviver les braises d'un barbecue ou d'un feu de cheminée.

Evitez la surcharge de stockages (papiers, cartons, textiles...).

Ne stockez pas de produits inflammables à proximité des sources de chaleur (convecteurs, ampoules électriques...).

Faites entretenir régulièrement vos installations de gaz et d'électricité. faites ramoner la cheminée et les conduits.

Que faire en cas d'incendie ?

Il ne suffit pas de donner l'alarme, il faut que les personnes concernées par l'incendie aient immédiatement les bons réflexes, ce qui implique d'avoir envisagé cette situation à l'avance, notamment en prévoyant un plan d'évacuation individuel. Il importe là encore de donner la plus grande diffusion possible aux conseils des services d'incendie et de secours :

Que faire en cas d'incendie?

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Gardez votre calme et appelez les pompiers une fois en sécurité.

Vous êtes près de la sortie ou à un étage inférieur à celui où il y a le feu : sortez.

Vous êtes dans un étage supérieur à celui où il y a le feu ou sur le même palier : restez sur place.

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Fermez les portes
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Si la fumée commence à passer sous la porte, arrosez la porte et colmatez-la avec des linges mouillés.
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Attendez les secours en vous manifestant à la fenêtre.
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Si la fumée envahit la pièce, rampez au sol sous les fumées et couvrez-vous le nez et la bouche avec un mouchoir humide.

 

Que faire en cas de feu sur une personne ?

Si le feu est sur vous, roulez-vous par terre.

Si vous voyez le feu sur une personne, roulez-la dans une couverture ou un manteau non synthétique ou couvrez-la.

N'essayez pas d'enlever des vêtements brûlés, ils collent à la peau.

Le plus tôt possible arrosez la victime pour refroidir les éventuelles brûlures.

ANNEXE 2

CAMPAGNE DE PRÉVENTION CONTRE LES INCENDIES DOMESTIQUES, INSTITUT NATIONAL DE PRÉVENTION ET D'ÉDUCATION POUR LA SANTÉ (INPES), 2004

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ANNEXE 3

EXEMPLES DE CAMPAGNES MENÉES À L'ÉTRANGER

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Campagne contre les incendies domestiques, Ottawa, octobre 2005.

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Campagne de sensibilisation dans la Région de Bruxelles Capitale 2004.

Ne pas laisser seules les personnes vulnérables : enfants, personnes âgées ou handicapées sont souvent les premières victimes.

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N° 2554 - Rapport au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur la proposition de loi (n° 2535) de MM. Pierre Morange et Damien Meslot, visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation (M. Damien Meslot)

1 () Source : CIRPAE en 1994.

2 () Journée débat du 7 octobre 1996, Le détecteur avertisseur de fumée individuel et l'incendie d'habitation.

3 () Semaine du feu organisée par le centre européen des risques (CEPR) dans lesDeux-Sèvres en 1998, arrêté du maire de Chambéry M. Louis Besson en 2002 par exemple.

4 ()http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/c/c5_defense_secu_civil/c51_actualite/2004_10_18_campagen_incendie_domestique/dp_incendie.pdf

5 () Centre européen de prévention des risques, http://www.cepr.tm.fr/fr/risqdome/index.htm

6 () Le détecteur avertisseur de fumée individuel et l'incendie d'habitation, journée débat du 7 octobre 1996, Ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement.

7 () Source : http://pompiers.fr/index.php?id=767


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