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Assemblée nationale

Commission élargie

mercredi 29 octobre 2008

Séance de 9 heures
Commission des finances, de l'économie générale et du Plan
Commission des affaires culturelles, familiales et sociales
Commission des affaires étrangères
Présidence de M. Patrice Martin-Lalande, suppléant M. Didier Migaud, Président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,
de M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
et de M. Axel Poniatowski, Président de la commission des affaires étrangères

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2009

MÉDIAS

COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION ET VALORISATION
DES RESSOURCES TIRÉES DE L’UTILISATION DU SPECTRE HERTZIEN »

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L’AUDIOVISUEL »

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

M. Patrice Martin-Lalande, président, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la mission « Médias », le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel ». Madame la ministre de la culture et de la communication, je suis heureux de vous accueillir, avec M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Je suis chargé d’excuser M. Didier Migaud, président de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, et M. Gilles Carrez, rapporteur général.

Nous sommes réunis en formation de commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Médias » et aux comptes spéciaux associés, dans le projet de loi de finances pour 2009.

Vous avez été entendue avant-hier en commission élargie sur la mission « Culture ». Je ne rappellerai donc pas les règles du jeu, si ce n’est pour répéter à nos collègues qu’ils peuvent consulter les projets de rapports écrits des rapporteurs.

Les rapporteurs de nos trois commissions sont aujourd’hui : M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, pour la mission « Médias » ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour le programme « Audiovisuel extérieur de la France », moi-même étant rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la mission « Médias », le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel ».

Les rapporteurs, sans exposé liminaire, vous poseront leurs questions.

Après les réponses et précisions que vous aurez apportées à chacun, les députés qui le souhaitent vous interrogeront à leur tour.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je laisse aux rapporteurs le soin de poser leurs questions.

M. le président Axel Poniatowski. La Commission des affaires étrangères s’intéresse de près à la question de l’audiovisuel extérieur, au sujet de laquelle elle a rédigé un certain nombre de rapports.

L’année 2009 a été décisive pour la mise en œuvre de la réforme de l’audiovisuel extérieur engagée par le Président de la République.

Je me félicite que le Gouvernement soit pratiquement parvenu à résoudre la crise que TV5 a connue ces derniers mois. L’attachement des francophones à cette chaîne a pu être mesuré récemment. En contrepartie des garanties obtenues en matière de gouvernance, nos partenaires francophones s’apprêtent-ils à accroître leur contribution financière, comme cela avait été annoncé ?

La langue française doit être le véhicule naturel des idées françaises. C’est pourquoi je plaide pour le renforcement de la couverture en français de France 24. Personnellement, même si je suis conscient que ma position est minoritaire, je ne vois pas quel intérêt représentent les émissions diffusées sur cette chaîne en anglais ou en arabe.

S’agissant de la grande réforme en gestation, il me semble qu’un recentrage de RFI sur l’Afrique et le Maghreb aurait davantage d’avenir qu’une espèce de complémentarité avec la télévision. Pouvez-vous nous en dire davantage à propos des évolutions que vous envisagez pour RFI ?

Je rappelle que, à l’issue de cette réunion, les membres de la Commission des affaires étrangères se prononceront sur les crédits de la mission « Médias ».

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécialLe domaine des médias illustre bien la volonté du Président de la République de mener des réformes tous azimuts, conformément à ce qu’il avait annoncé au cours de la campagne électorale.

Trois secteurs font ainsi l’objet de réformes d’une ampleur sans précédent : l’audiovisuel extérieur, qui évolue enfin, France Télévisions, mais aussi la presse écrite, grâce à l’organisation des états généraux de la presse. Seul le secteur de la radio semble rester l’écart de ce mouvement – à ceci près que RFI fait partie de l’audiovisuel extérieur et que la radio numérique sera lancée en 2009.

Je précise également que certaines problématiques dont nous débattrons à l’occasion de ce budget reviendront plus tard en débat, à la faveur du projet de loi sur l’audiovisuel, qui sera discuté à l’Assemblée à partir du 25 novembre.

Dans le domaine de la presse, la réalité de certains succès au plan national et international, notamment celui des magazines français, ne doit pas dissimuler que la presse quotidienne continue à s’enfoncer dans la crise : elle perd en effet des lecteurs et ses problèmes financiers s’accentuent du fait de la raréfaction de la publicité, mais aussi du niveau plus élevé des coûts de production et de diffusion en France que dans d’autres pays.

Comment peut-on alléger ces coûts, madame la ministre ? Si la presse était plus accessible, nous pourrions éviter que certains publics ne renoncent à la lire pour des raisons financières. Je pense en particulier aux jeunes.

Le développement de la publicité « hors médias », dont l’ampleur est particulièrement importante en France, se fait également au détriment de la presse écrite. Même s’il revient bien sûr aux annonceurs de choisir librement leur mode de communication, on peut s’interroger sur les moyens auxquels nous pourrions recourir afin de réorienter une partie de cette publicité au profit des médias.

L’arrivée de nouveaux concurrents en matière d’information plonge également la presse dans une crise structurelle : ce n’est plus en lisant le journal que l’on apprend les nouvelles, mais en consultant divers terminaux d’information, tels que les écrans. Il est donc urgent – je ne cesse de le répéter au fil de mes rapports et de mes entretiens avec les responsables de la presse – de réfléchir à ce que pourrait être la presse de demain.

Il existe déjà un important système de soutien à la presse, dont l’ampleur et le coût n’ont pas toujours d’équivalent dans d’autres pays, mais nous devons nous interroger : quelles aides devons-nous conserver ? Et lesquelles faudrait-il instaurer si elles n’existent pas ?

Pour toutes ces raisons, je me réjouis que des états généraux de la presse soient organisés. Cela étant, il faut être conscient que leurs conclusions ne pourront pas avoir de traduction budgétaire avant 2010.

J’aimerais également savoir de quelle façon l’État entend accompagner l’AFP dans la réalisation du projet 4XML, qui consiste en un basculement vers le « tout numérique ». Nous devons veiller à ce que l’AFP conserve sa position actuelle, dont il faut se féliciter compte tenu de l’âpreté de la concurrence internationale.

Je vous rappelle que j’ai remis un rapport d’information sur l’audiovisuel extérieur en juillet dernier, après avoir fait le point sur la situation avec la Cour des comptes, en compagnie du président de la Commission des finances. Sans revenir sur l’ensemble du rapport, j’aimerais vous interroger, madame la ministre, sur certaines des difficultés que nous avions mises en avant.

La première concerne l’insuffisance actuelle de pilotage politique, qui résulte de l’empilement des structures, de la multiplicité des autorités de tutelle et de l’absence de coordination entre les parties prenantes. Pouvez-vous nous dire quelles solutions ont été retenues pour remédier à cette situation ?

Sans pilotage politique, notre action ne saurait être efficace dans ce domaine, comme dans d’autres. La réforme en cours démontre qu’il existe aujourd’hui une volonté politique, mais il faut veiller à la pérenniser.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à M. Alain de Pouzilhac et à Mme Christine Ockrent, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises depuis le mois de septembre, il n’appartiendra pas au conseil d’administration de la nouvelle holding de définir la politique de notre pays dans ce domaine. Nous avons besoin d’un autre niveau de décision, de nature politique.

D’autre part, nous avons cru comprendre qu’un accord était sur le point d’être signé à propos des conditions de sortie des partenaires actuels – TF1, mais aussi France Télévisions – hors du capital de France 24. Pouvez-vous le confirmer ?

Une autre de mes interrogations porte sur l’évolution des crédits prévus pour l’audiovisuel extérieur. Il faut naturellement espérer que les synergies à venir permettront de faire plus et mieux à crédits constants – c’est d’ailleurs l’un des objectifs de la réorganisation actuelle. Toutefois, l’augmentation des crédits – 0,8 % – me semble bien faible. J’espère que nous n’en resterons pas là au cours des années suivantes.

J’en viens aux évolutions concernant France Télévisions. Pour avoir participé, en compagnie de M. Christian Kert, à la rencontre mondiale des télévisions publiques, qui a eu lieu en Arles à l’initiative de Patrick de Carolis, je peux témoigner que tous les responsables, dans le monde entier, s’interrogent sur l’avenir de la télévision publique. Dès lors qu’on peut recevoir 500 chaînes par satellite et que de nouveaux modes d’accès se développent, quels doivent être le rôle et la valeur ajoutée du service public ?

Tout le monde m’a paru convaincu que le service public devait redéfinir sa façon d’agir, mais que sa légitimité et son identité n’étaient pas en cause. Il nous reste toutefois à leur donner une nouvelle formulation. Pouvez-vous nous exposer la vision du Gouvernement à ce sujet ?

À titre personnel, je pense que nous devons veiller à préserver l’existence des télévisions généralistes. Dans le déluge actuel de contenu circulant par des canaux spécialisés, qu’il s’agisse des télévisions thématiques ou de l’Internet, qui permettent à chacun de se concentrer sur les seuls sujets qui l’intéressent, nos concitoyens doivent pouvoir accéder à un certain nombre de chaînes généralistes, publiques ou privées, qui leur offrent une véritable ouverture culturelle et intellectuelle.

C’est pourquoi il sera très important de réussir la mutation de France Télévisions en média global.

J’aimerais avoir la confirmation que la suppression des recettes publicitaires pour les chaînes publiques sera durablement compensée par l’État, et surtout que la publicité se réorientera vers des secteurs qui en ont un grand besoin, tels que les télévisions locales ou thématiques, la presse quotidienne ou les médias généralistes privés. Comment le Gouvernement compte-t-il y parvenir ?

La suppression de la publicité a été considérée comme un « cadeau » fait au secteur privé.

M. Michel Françaix. Il s’agit d’un enrichissement sans cause !

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Peut-être, mais c’est en tout cas un très beau cadeau fait au service public, qui lui permet d’échanger une recette incertaine, en pleine diminution et qui pèse sur la programmation, puisque les liens entre audimat et montant des recettes publicitaires ne sont plus à démontrer, contre une recette certaine, garantie par l’État et qui le libère des contraintes de programmation. Le service public de l’audiovisuel mérite ce beau cadeau et je suis persuadé qu’il saura l’utiliser au mieux.

En matière de redevance, la réforme de la collecte a permis une économie de 100 millions par an tout en confirmant cette ressource de l’audiovisuel public. Je suis heureux que le Gouvernement ait retenu le principe de l’indexation de la redevance, mais je voudrais savoir s’il compte y assujettir les personnes qui reçoivent la télévision par un autre biais qu’un téléviseur – un ordinateur notamment. C’est une question d’égalité devant l’impôt. Y aura-t-il du nouveau de ce côté ? J’ai déposé un amendement tendant à ce qu’un rapport soit présenté à ce sujet.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la mission « Médias »Nous sommes dans une année charnière pour l’audiovisuel : ce matin même sera mise en place à l’Assemblée la commission spéciale sur la loi sur l’audiovisuel, qui doit mener la réflexion sur cette réforme voulue par le Président de la République. C’est pourquoi les parlementaires regrettent de ne disposer d’aucune évaluation des ressources d’ensemble de l’audiovisuel public, ce qui les empêche de se rendre compte si le financement public est adapté ou non. Quelles sont donc les ressources propres de France Télévisions et quelles économies de gestion pouvons-nous attendre de la création de la société unique ?

Il semble ensuite que l’extinction de la diffusion analogique ait pris un peu de retard, même si le calendrier d’ensemble semble devoir être tenu. Cela ne va-t-il pas remettre en cause l’équilibre financier des contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques ? Quand seront publiés les schémas d’extinction, et pourquoi ont-ils pris du retard ? Il est par ailleurs envisagé que la redevance contribue au financement de l’extinction, à hauteur de 200 millions sur trois ans. Mais comme l’a dit en 2007 Emmanuel Hamelin, rapporteur du projet de loi sur la télévision du futur, cette décision gouvernementale doit être financée sur des crédits budgétaires. Ce n’est pas l’objet de la redevance que de financer une campagne nationale d’information et un fonds d’aide pour les foyers les plus modestes.

S’agissant de la radio maintenant, comment comptez-vous soutenir le passage au numérique des radios associatives ? Le fonds de soutien suffira-t-il pour les aider à financer la double diffusion, ou un autre fonds doit-il être créé ?

En ce qui concerne la presse écrite, il faut s’inquiéter de la révision que propose la Commission européenne par deux directives et surtout de ses conséquences sur la presse hebdomadaire régionale et sur les entreprises de presse judiciaire, qui perdraient en l’état les ressources considérables que représentent les annonces légales. Leur existence même serait mise en péril. Où en sont les réflexions du Parlement européen et de la Commission ? Comment la France peut-elle préserver son système actuel en l’adaptant aux nouvelles règles ?

Enfin, le développement d’Internet soulève trois questions principales : celle des taux de TVA, différents pour l’information en ligne et la presse écrite, celle des droits d’auteur et celle des aides de l’État aux journaux qui ne sont disponibles qu’en ligne. Quelle est votre position, madame la ministre, et qu’attendez-vous des états généraux de la presse sur ces questions ? Ne conviendrait-il pas de revoir les aides de l’État en faveur du développement numérique des entreprises de presse, aujourd’hui peu opérationnelles ? Que pensez-vous de l’idée du crédit d’impôt numérique, une déduction de type crédit d’impôt recherche qui serait liée à l’investissement numérique des entreprises de presse ?

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour le programme « Audiovisuel extérieur de la France »L’audiovisuel extérieur français a été l’objet d’une réforme lancée avec fracas par le conseiller élyséen M. Benamou pour un succès au bout du compte assez nuancé. L’objectif initial était d’en souder les trois composantes : TV5 Monde, RFI et France 24, mais il a d’abord fallu se faire à l’idée que TV5 Monde ne pouvait être un morceau de l’opérateur national.

Nos partenaires francophones se sont froissés, pour le moins, de notre comportement dans cette affaire et, à l’arrivée, la position de la France dans TV5 Monde est plus inconfortable qu’au départ. Pour le reste, une holding va gérer les participations de France 24 et de RFI avec l’objectif de déployer des synergies, certes toujours souhaitables mais en l’occurrence quelque peu difficiles à trouver entre une radio à l’utilité toute particulière en Afrique et une télévision d’information – au format d’ailleurs peut-être déjà obsolète à l’heure d’Internet. On manque d’éléments pour apprécier l’impact de France 24 et il est quasiment impossible de mesurer son audience réelle, mais je ne suis pas sûr, même si l’idée d’une télévision à vocation internationale est intéressante a priori, que le format retenu soit le bon.

Voilà une réforme au milieu du gué, dont nous avons compris qu'elle visera seulement France 24 et RFI, avec des objectifs incertains. Il peut en effet s'avérer hasardeux d'instrumentaliser, dans une vision préformatée, une rédaction aussi particulière que celle de RFI.

Ainsi ce paysage audiovisuel international ne constitue-t-il pas vraiment un succès. Plusieurs maladresses ont émaillé la constitution du pôle, comme la nomination de l'épouse du ministre des affaires étrangères à sa tête ou la substitution au nom de France Monde – déjà déposé ! – du peu attractif acronyme « AEF ».

Le mécanisme retenu pour la répartition des ressources entre les différents partenaires n'est pas convaincant : comment penser que RFI ne sera pas négligé par une holding dont les dirigeants ne sont autres que M. de Pouzilhac et Mme Ockrent ?

Pouvez-vous donner des précisions sur l'actionnariat de France 24, pour le moins baroque à l'origine ? Il semble que TF1, pour en sortir, empochera une plus-value colossale : on a évoqué jusqu'à 90 millions d'euros pour une mise de fonds de départ de 17 500 euros. Même s'il faut se réjouir que, grâce au parallélisme des formes, France Télévisions ne fasse pas une mauvaise affaire, cela ne manque pas de nous interroger.

Précisément, l'absence de l'opérateur national dans le dispositif AEF pose question. Les ressources considérables du service public ne sont pas utilisées. La participation de France Télévisions dans TV5 Monde passe à 12 %, au point que ses dirigeants s'interrogent légitimement sur la nécessité de continuer à fournir gratuitement des programmes à cette chaîne.

Enfin, Nicolas Sarkozy a promu l'idée curieuse, pour une chaîne censée s'adresser à des étrangers, que France 24 devait parler exclusivement en français. Même si des versions arabe et anglaise sont prévues, un tel choix place France 24 sur le même créneau que TV5, ce qui induit une concurrence frontale, notamment dans le domaine de la distribution.

Personne n'a souhaité l'immobilisme, mais il faut bien constater que ce dispositif, bancal au départ, ne s'est pas amélioré.

M. le président Axel Poniatowski. Compte tenu de la durée de cette réunion, la Commission des affaires étrangères se prononcera sur le programme « Audiovisuel extérieur de la France » lors d'une réunion ultérieure.

M. Michel Françaix. Commençons par les états généraux sur la presse, dont le lancement récent a donné libre cours aux grands principes, comme celui du pluralisme : ne craignez-vous pas que ce soit le « baiser qui tue », quand la presse – mis à part quelques journaux confidentiels – continue d'étouffer au nom de la divine concentration ?

Êtes-vous d'accord avec notre collègue Frédéric Lefebvre, qui souhaite voir installer un observatoire déontologique de la presse, comme si c'était là le rôle des politiques ? Ne pensez-vous pas qu'il serait plus intéressant d'aider à la reconnaissance des rédactions ?

Où en êtes-vous de la réflexion sur les droits d'auteur des journalistes, qui peuvent voir leurs articles repris par des revues spécialisées appartenant au même groupe ?

Considérez-vous que les journaux en ligne soient des journaux et, partant, qu'il convient de baisser la TVA les concernant ?

Ne pensez-vous pas que le très mauvais taux de pénétration de la presse quotidienne soit dû davantage au nombre des journaux et à la concentration des groupes plutôt qu'au lectorat ? Pour éviter le saupoudrage de l'aide à la presse, ne conviendrait-il pas de distinguer entre la presse « citoyenne » –quotidiens et périodiques d'information générale – et la presse plus commerciale – magazines spécialisés ? S'il est vrai qu'un arbre peut cacher la forêt, il faut reconnaître que certains arbres se portent très bien.

S'agissant de l'audiovisuel, comment accepter l'idée que quelques grands groupes du CAC 40 obtiennent de l'État ce que leur stratégie inadéquate leur a fait manquer ? Bouygues, qui a totalement échoué dans le passage au numérique, va bénéficier d’un enrichissement sans cause. Pourtant, le Président de la République ne s'est jamais vanté d'aider les perdants !

La réforme que vous vous apprêtez à mener ne risque-t-elle pas de freiner la création ? Les nombreux aléas et l'absence de visibilité sur le financement de l'audiovisuel public font que tous les projets sont au point mort. Est-il logique que le service public en vienne à encourager, par ses mauvaises émissions, le succès de TF1, afin de profiter de la manne publicitaire qui reviendra à la chaîne privée ?

Je n'en peux plus d'entendre parler de concentrations ! Cela n'a jamais fonctionné en France. Lorsque M. Hersant rachète Le Dauphiné et Le Progrès, le nombre de lecteurs chute de 41 % ; lorsque M. Lagardère réunit Le Méridional et Le Provençal sous le titre La Provence, les ventes baissent de 35 % ; en revanche, lorsque Ouest France et Le Télégramme de Brest poursuivent leur concurrence, les ventes augmentent de 17 %. Ce ne sont pas la pensée unique ou le politiquement correct qui importent, mais le pluralisme ! Seules les concentrations conduites par de vrais groupes de presse, comme Bayard ou Amaury, fonctionnent. De grâce, madame la ministre, n'aidons pas par de fausses concentrations les amis du Président de la République, qui ne s'intéressent qu'à l'audience et à l'influence ?

Mme Muriel Marland-Militello. Nous nous félicitons, au nom du groupe UMP, d’un budget qui, dans cette année de mutation, respecte les contrats passés avec Arte et Radio France, prend en compte les mutations technologiques et répond aux décisions politiques concernant notamment la suppression de la publicité à la télévision. En prévoyant un dotation accrue de 450 millions d’euros, le Gouvernement a tenu compte de l’avis de la commission Copé pour compenser la perte de recettes résultant de cette suppression.

Je m’étonne que l’on puisse s’inquiéter au sujet du pluralisme des opinions dans les médias. Quiconque a un peu voyagé sait bien que la liberté de la presse est parfaitement défendue par le Gouvernement et qu’elle s’exerce à l’intérieur même des grands groupes, où la diversité d’expression est très grande.

Le groupe UMP demande au Gouvernement d’être attentif à ce que l’extinction de l’analogique au profit du numérique ne pèse pas sur les ressources propres de l’audiovisuel. Il ne faut pas que l’on reprenne d’une main ce que l’on a donné de l’autre.

Selon nous, Internet offre la possibilité de donner un nouvel élan à la presse écrite actuellement en crise. Nous constatons avec regret que la TVA de la presse sur Internet est maintenue à un taux élevé. Nous souhaiterions qu’elle soit ramenée au taux applicable à la presse écrite.

S’agissant d’Arte, le contrat d’objectifs et de moyens permettra-t-il à la chaîne de se développer aussi bien dans le domaine de la haute définition que dans celui de la télévision mobile personnelle ?

Enfin, nous nous intéressons beaucoup au problème de l’accès des personnes handicapées à la culture. Le budget prévoit-il des moyens ciblés supplémentaires en matière de médias ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Vous l’avez souligné, nous sommes dans une période de mutation, tant dans l’audiovisuel que dans la presse.

Notre presse traverse une crise généralisée. Elle est en effet la plus aidée et celle qui se porte le plus mal en Europe. Sur un total de 285 millions d’euros, les aides directes s’élèvent à environ 200 millions et vont presque intégralement à la presse d’information politique et générale, tandis que 84 millions permettront l’application des accords presse-Poste signés en juillet dernier.

S’ajoutent à ces aides des mécanisme fiscaux, comme le crédit d’impôt prévu à l’article 39 bis A du code général des impôts et ciblé lui aussi sur presse d’information politique et générale, et des actions d’aide à la modernisation et à la numérisation. Le fonds d’aide au développement des services en ligne prévoit des avances remboursables pour un montant encore modeste – moins de 2 millions d’euros pour 35 projets – car nous ne sommes pas saisis de beaucoup de demandes : environ 4 projets par an.

Le ministère de la culture et de la communication a également fait passer de 8 à 12 millions d’euros sa participation au plan « Défi 2010 » des NMPP. Le nombre de points de vente est aujourd’hui de 30 000, soit 500 de plus au cours de cette année.

M. Michel Françaix. Mais 2 000 de moins les années précédentes !

M. Jacques Myard. Demandez pourquoi à la CGT !

Mme la ministre. Le plan « Défi 2010 » prévoit aussi un resserrement des effectifs moyennant des plans sociaux généreux – 60 millions d’euros pour quelques centaines de personnes.

Quoi qu’il en soit, les coûts de production ont augmenté, la distribution laisse à désirer et le secteur souffre d’un problème global de sous-financement.

Les états généraux de la presse écrite visent donc à mettre à plat l’ensemble du système pour pouvoir traiter tous les problèmes. Ils réunissent quatre groupes principaux, présidés respectivement par Bruno Frappat – les métiers du journalisme –, Arnaud de Puyfontaine – processus industriel de la presse écrite –, François Dufour – presse et société – et Bruno Patino – presse et Internet. Nous sommes en début de processus et rien n’est fixé par avance. Il y a beaucoup de non-dits dans la presse écrite et l’on peut observer des situations d’accord de fait notamment entre les éditeurs et les syndicats. Sans doute est-il possible de faire évoluer les choses pour redynamiser notre presse et lui faire atteindre un niveau comparable à celui des autres pays européens. C’est le sens de la démarche des états généraux, qui s’achèveront sans doute au début de 2009, après que l’on aura procédé à un nombre considérable d’auditions et organisé des journées de débats publics. Les participants ont été choisis pour leur personnalité et pour leurs responsabilités, et non en tant que représentants d’institutions.

Comme l’a remarqué M. Martin-Lalande, le marché de la publicité tend à se rétrécir et à se déporter vers le hors-médias. Pour tenter d’inverser la tendance, il faudrait presque en venir à taxer la publicité hors médias, ce qui peut s’envisager, mais ce qui n’est pas sans poser des problèmes puisque les annonceurs sont libres de choisir le support de leur communication. Notre pays est celui où la part de publicité hors médias est la plus importante et que nous aurions bien besoin de ces revenus pour soutenir nos médias.

S’agissant du quotidien de demain, c’est tout l’intérêt des états généraux que de se demander quels produits l’on fera, et pour quels lecteurs. Certains journaux trouvent leur place et marchent bien. Il y a donc des possibilités que cette phase de réflexion permettra de mieux cerner, sachant qu’il existe dans ce secteur un conservatisme que les professionnels sont les premiers à reconnaître.

L’AFP est en train de moderniser son outil de production technique avec le projet de système de production multimédia intégré, dit 4XML, qui permettra à l’Agence de répondre aux nouvelles attentes de ses clients et de conquérir de nouveaux marchés. Il s’agit de fusionner des systèmes informatiques cloisonnés, pour certains d’entre eux, depuis le début des années 90, tout en faisant évoluer les métiers traditionnels. Le Gouvernement prévoit de soutenir l’Agence à hauteur de 20 millions d’euros. Cette aide sera formalisée dans le contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013. En outre, la dotation budgétaire sera portée à 111,4 millions d’euros, soit une augmentation de 2 millions. L’AFP, quant à elle, s’engage sur le projet 4XML à hauteur de 10 millions d’euros.

La question des annonces légales est essentielle puisque ces dernières concourent en particulier au financement de la presse départementale à hauteur de 200 à 300 millions par an. Selon la Commission juridique, les informations soumises à obligation de publicité devraient être assurées par une plateforme électronique centrale unique. Nous avons quant à nous insisté sur le principe de subsidiarité et l’importance de cette forme de financement. À l’issue de sa réunion du 7 octobre, la Commission a prévu que les États membres peuvent maintenir sans délai particulier les obligations additionnelles en matière de publicité légale, les éditeurs soumis à obligation pouvant donc choisir de publier – pour une redevance égale – soit sur la plateforme numérique, soit dans un quotidien. Il faut espérer qu’ils privilégieront la seconde solution.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. C’est en effet important.

Mme la ministre. Enfin, nous réfléchissons sur la gestion de cette plateforme par les éditeurs.

Concernant les taux de TVA entre la presse électronique et la presse papier, la disparité est évidemment très grande entre des taux respectifs de 19,6 % et de 2,2 %. L’Union européenne envisageant une refonte de l’ensemble des taux, il importe surtout de ne pas perdre ce dernier au profit d’un taux uniformisé de 5,5 %. Le Gouvernement est quant à lui mobilisé afin de parvenir à mettre un terme à cette disparité, laquelle affecte d’ailleurs également le livre papier et le livre numérique.

Le développement d’Internet change bien entendu la donne en matière de droit d’auteur. Nous envisageons de légiférer afin de donner un fondement juridique aux accords entre éditeurs et journalistes de manière que les articles soient utilisés dans les « deux presses », alors même que nombre de cas de figure se présenteront en fonction des différents types de reproductions et des passages entre plusieurs groupes de presse. La loi doit donc affirmer à la fois le principe de la juste rémunération des journalistes et celui de la présomption de cession de droits.

M. Michel Françaix. Ce sont donc les sociétés de rédacteurs et de journalistes qui, in fine, décideraient.

M. Jacques Myard. C’est la soviétisation de la presse !

Mme la ministre. Il y aura en tout cas des accords entre éditeurs et journalistes, mais nous avons travaillé, je le répète, à l’élaboration d’un avant-texte.

La question de l’octroi d’aides de l’État aux journaux en ligne est ouverte même si ces derniers, stricto sensu, demeurent encore relativement marginaux. La question des crédits d’impôt doit quant à elle être traitée avec beaucoup de précaution.

Si, par ailleurs, nombre de professionnels seront très attentifs aux résultats des travaux des états généraux, je ne crois pas en revanche que l’idée de la création d’un observatoire soit particulièrement opportune. La question de l’offre de presse sera débattue, mais je note d’ores et déjà que la plupart des points de vente présentent de plus en plus ce qui est susceptible de satisfaire leur clientèle de proximité.

En ce qui concerne l’audiovisuel extérieur, M. Martin-Lalande a vu juste. Nous avons certes traversé une période de refondation mais, contrairement a ce que pense M. Mathus, la situation ne s’aggrave pas, au contraire. L’audiovisuel extérieur est, en effet, bien financé, alors même qu’il souffrait jusqu’ici d’un manque de synergies. La holding contribuera à changer la donne en détenant 100 % des parts de RFI et de France 24, mais également 49 % de TV5 Monde, 17 % de France Télévisions, INA et Arte, et 33 % des chaînes francophones. Cette association plus étroite me semble de très bon augure. Alain de Pouzilhac, président exécutif de RFI, présidera bien entendu France 24 et c’est Marie-Christine Saragosse, appréciée de tous, qui préside TV5. La gestion de l’audiovisuel extérieur a par ailleurs été transférée à la direction du développement des médias – laquelle sera associée au ministère de la culture –, mais le programme « Audiovisuel extérieur de la France » au sens strict sera directement placé sous l’autorité du Premier ministre avec un conseil réunissant les représentants des ministères des affaires étrangères, de la culture et de l’économie. Le retrait de TF1 de la chaîne d’informations en continu est en négociation. L’investissement initial de la chaîne était de 18 000 euros ; elle réclame aujourd’hui 90 millions mais, assurément, elle obtiendra infiniment moins, même si des accords de fourniture de programmes seront passés. Ainsi, la gouvernance de l’ensemble sera grandement clarifiée.

En ce qui concerne RFI, l’idée est de se recentrer sur les langues et les zones géographiques les plus porteuses. En effet, alors qu’existent à Paris des rédactions en allemand, serbo-croate ou polonais, les enquêtes révèlent un taux d’écoute extrêmement faible dans les pays concernés. Il est donc plus intéressant de supprimer certaines langues et de se concentrer sur l’Afrique, où les enjeux sont considérables. Par ailleurs, des synergies pourront être trouvées entre RFI et France 24. Ainsi, cette dernière voulait absolument augmenter ses émissions en langue arabe, sans toutefois parvenir à trouver les financements nécessaires. Or RFI dispose de rédactions en langue arabe remarquables. La réunion de l’ensemble permettra donc des synergies intéressantes.

Je ne partage pas l’avis de M. Poniatowski, selon lequel France 24 devrait diffuser en Français.

On pourrait dire que TV5 est une chaîne francophone, et France 24 une chaîne francophile.

M. Jacques Myard. Cela n’a rien à voir !

Mme la ministre. France 24 n’est pas destinée à porter la voix de la France, mais à transmettre un regard, une approche spécifique. Et il est très important qu’elle le fasse en arabe ou en anglais. Si vous commentez les événements qui se déroulent à Bagdad, votre discours aura plus d’impact en arabe qu’en français.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

Mme la ministre. J’en viens à l’audiovisuel hexagonal, qui fait l’objet d’une vaste réforme. Avant tout, il est important de rappeler que les COM, les contrats d’objectifs et de moyens, seront respectés dans les prochaines années.

Christian Kert m’a interrogée sur les ressources propres des chaînes publiques : elles sont de 5,4 millions pour Arte et de 41,2 millions pour l’INA. S’agissant de Radio France, elles restent budgétées au niveau prévu dans le COM.

Le financement de France Télévisions suscite de nombreuses interrogations. Mais, comme l’a dit Patrice Martin-Lalande, il est garanti, et ce dans une époque extrêmement chahutée. Rappelons que les ressources publicitaires du groupe de France Télévisions avaient commencé à baisser bien avant l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier dernier.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Dès 2007 !

Mme la ministre. Une tentative de réforme de la régie publicitaire avait amené des résultats si peu concluants que France Télévisions y avait renoncé en cours d’année. Si le groupe avait dû compter sur les ressources publicitaires, son déficit serait aujourd’hui considérable, nous le savons bien.

Le problème des compensations a été abordé au sein de la commission Copé, qui comprenait de nombreux professionnels et a procédé à un grand nombre d’auditions. Les propositions ont pris pour base le COM, lui-même calculé par rapport à 2007, qui a été une bonne année en termes de publicité. Il fallait trouver 800 millions d’euros pour compenser la suppression des recettes publicitaires, mais seulement 450 millions si l’on tient compte du fait que cette suppression n’est encore que partielle : la publicité demeure en journée, mais aussi sur RFO – jusqu’à l’arrivée du numérique et l’établissement d’une véritable concurrence dans les DOM-TOM –, ainsi que lors des décrochages de France 3. À ces recettes s’ajoutent les ressources de parrainage.

Pour la suite, nous verrons. Nous vivons une période de mutation considérable, à laquelle s’ajoute d’ailleurs la réorganisation de France Télévisions en une société unique regroupant plusieurs chaînes, sur le modèle de Radio France. Dans un tel contexte, il n’est pas impensable de connaître un déficit, à condition de prévoir un calendrier précis pour sa résorption.

Les ressources prévues sont loin d’être négligeables. Elles permettent d’agir. Elles sont bien sûr assorties d’un cahier des charges, monsieur Françaix, et celui-ci est précis et exigeant : il fait une grande place à la création. Ainsi, l’autre jour, lors de la renégociation des décrets Tasca en vue d’obtenir des accords interprofessionnels entre les producteurs et les auteurs, nous avons signé un accord avec Canal Plus, TF1 et France Télévisions – j’espère bien que M6 va nous rejoindre – à l’occasion duquel le groupe de télévision publique a pris des engagements importants : augmentation des investissements dans la création – de 365 millions, ils passeront à 425 millions d’euros en 2012 –, obligation de consacrer 70 % de la programmation aux œuvres européennes et 50 % aux œuvres françaises. De toute évidence, la création et la production ne sont pas la variable d’ajustement des budgets futurs. Tout le sens de la réforme est justement de proposer des programmes riches, dignes du service public.

Je m’inscris totalement en faux contre l’idée d’un cadeau fait aux chaînes privées. Tout d’abord, le caractère écrasant des chaînes privées relève du fantasme. Aujourd’hui, les géants véritables sont à chercher du côté des télécoms. Ainsi, le cours de l’action de TF1, qui était notre grande chaîne privée, ne cesse de chuter. Mais personne n’a intérêt à ce que les chaînes privées se portent mal, puisque toutes les obligations concernant le cinéma ou la création sont assises sur leur chiffre d’affaires.

M. Michel Françaix. Dans ce cas, coupez la TNT !

Mme la ministre. Nous avons intérêt à garantir de bonnes ressources pour l’audiovisuel public, mais aussi à ce que les chaînes privées puissent aborder les mutations en cours, qu’il s’agisse de la montée en puissance d’Internet ou de celle de la TNT. Peut-être que TF1, chaîne leader, qui a su inventer beaucoup de choses, a raté certaines occasions. Mais aujourd’hui, la chaîne est mobilisée pour traverser ces temps de crise.

Par ailleurs, il est naturel de transposer la directive européenne « Services de médias audiovisuels sans frontières ». Certes, nous ouvrons légèrement les fenêtres en matière d’autorisation publicitaire, mais sans aller au maximum de douze minutes permis par la directive – sauf pour la TNT. Quant à la décision d’autoriser une deuxième coupure, elle s’explique par la chute de la diffusion du cinéma à la télévision : au cours des dernières années, le nombre de films présentés en première partie de soirée sur les chaînes nationales a baissé de 40 %. Il est en effet plus rentable de proposer un téléfilm de cinquante minutes plutôt qu’un long métrage. La deuxième coupure incitera donc les chaînes privées à diffuser des films. Cela n’a rien d’un cadeau.

Le système de taxation, quant à lui, va toucher l’ensemble des ressources publicitaires des chaînes, donc celles des chaînes privées. Et l’impact sur le groupe Bouygues sera plus important, puisque sa branche télécoms sera soumise à la taxe pour la compensation de la publicité. Les mesures envisagées me semblent donc à la fois équilibrées et de nature à donner un peu d’air à ces chaînes, dont nous avons besoin – les producteurs et les auteurs, eux, n’ont pas du tout envie que leur chiffre d’affaires s’effondre.

S’agissant de la redevance, il est en effet prévu d’en indexer le taux. C’est une bonne chose, car son niveau ne bougeait plus depuis longtemps – et donc, en réalité, tendait à baisser. On peut encore discuter de son assiette : pour ma part, je m’interroge sur l’opportunité de l’étendre aux ordinateurs. S’il est tout à fait exact que l’on peut regarder la télévision sur son ordinateur, certaines personnes qui en possèdent un sont farouchement anti-télé ! Je crains donc qu’une telle mesure ne soit compliquée à mettre en œuvre.

Christian Kert s’est aussi interrogé sur l’extinction de l’analogique. Celle-ci a pris un peu de retard en raison de la tenue des Assises du numérique, mais le calendrier n’est pas remis en question : l’échéance prévue est toujours novembre 2012. Le nombre de foyers équipés augmente sans cesse ; le 8 novembre, une opération pilote d’extinction totale de l’analogique se tiendra à Coulommiers. À partir de 2011, le processus de passage au numérique ne sera plus financé par la redevance. En attendant, un éventuel écart sera compensé par l’État ; c’est déjà lui qui compense en grande partie les exonérations de redevance. Le plus important est que les contrats d’objectifs et de moyens soient garantis. Pour le reste, le passage au numérique étant quelque chose d’essentiel, il faudra bien assurer la transition.

Les radios associatives ont plutôt gagné à ne plus être financées par la publicité, dans la mesure où celle-ci tend à baisser. Désormais, leur financement est intégré au budget, et les crédits qui leur sont consacrés augmentent de 6 % en 2009. La somme n’est pas immense, mais il s’agit tout de même d’un effort sensible. En tout état de cause, les radios associatives gagneront en sécurité.

En ce qui concerne les handicapés, madame Marland-Militello, la loi prévoit des obligations spécifiques sur l’audio-description, destinée aux malvoyants.

M. Marc Bernier. L’INA fait un travail remarquable et reconnu de numérisation de ses archives. Il a un contrat avec l’État, respecté depuis des années, aux termes duquel ses ressources sont constituées pour les deux tiers de fonds de la redevance – environ 80 millions d’euros – et pour le tiers restant de ressources propres, issues notamment de la vente d’archives. L’INA voulait créer une chaîne pour mettre en valeur ses archives. Où en est ce projet ?

Dans nos circonscriptions est régulièrement posée la question des droits acquis en matière de dégrèvement de la redevance pour les plus de soixante-cinq ans. Ils ne peuvent plus en bénéficier depuis la réforme de 2005, qui a lié la redevance à la taxe d’habitation. Un texte a été pris pour les handicapés. Qu’en est-il pour les personnes âgées ?

M. Franck Riester. Vous allez venir à Coulommiers le 8 novembre prochain pour la mise en place de la première expérience d’extinction totale de la télévision analogique. Je remercie vos services et la DDM. Il faut dès maintenant travailler avec les collectivités locales et leurs associations. L’implication des élus est fondamentale.

Nous avons mis en place des ambassadeurs du numérique. La pédagogie de terrain va être essentielle. La solidarité intergénérationnelle le sera aussi. Sur le plan local, nous mobilisons tous les services, notamment les CCAS, pour accompagner les plus fragiles lors du passage au 100 % numérique.

La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a cependant prévu la création d’un fonds d’aide. Or, à dix jours du lancement de l’extinction de la diffusion analogique à Coulommiers, nous n’avons toujours rien sur les conditions d’éligibilité à ce fonds. Cette question revient lors de toutes les réunions que nous organisons sur le terrain. Un adaptateur coûte 30 euros environ. Aujourd’hui, on ne sait pas expliquer aux plus modestes comment ils pourront être aidés à franchir le pas.

Une autre question concerne le passage au tout numérique dans les immeubles collectifs. Les bailleurs sociaux, les syndics, doivent adapter les têtes de réseaux. Il paraît nécessaire d’adapter la loi pour qu’ils puissent le faire sans passer devant les assemblées générales.

Mme Françoise de Panafieu. Le basculement de la diffusion de la télévision au numérique est fixé au 30 novembre 2011. Or, aujourd’hui, dans la rue, personne, sauf peut-être à Coulommiers, n’est au courant ! Il faut développer l’information pour dire aux gens que ce basculement ne coûte pas très cher.

Des dispositions sont-elles prévues pour aider les collectivités locales et les institutions comme les hôpitaux ou les maisons de retraite, qui ont beaucoup de postes ?

M. Marcel Rogemont. Je voudrais revenir sur le financement de la télévision. Le Président Sarkozy avait dit qu’il ne toucherait pas à la redevance, et qu’il augmenterait le financement de l’audiovisuel public. Or il fait le contraire.

Il avait également dit que le financement du passage de la diffusion télévisuelle au numérique serait assuré par des moyens budgétaires. Or ce sera par prélèvement sur la redevance. Là aussi, il fait le contraire de ce qu’il a dit.

Qu’allez-vous faire pour que la redevance, qui va financer la télévision publique, ne soit pas sans cesse ponctionnée par des décisions erratiques du Président de la République ? Il n’est pas normal que 218 millions d’euros ne viennent pas financer l’audiovisuel public.

La question de la participation des télévisions à la création est également en question. On dit que TF1 va diminuer sa participation ; M6 accepterait de maintenir la sienne, mais en faisant entrer dans les œuvres patrimoniales des productions qui n’ont rien à y voir.

Le financement était assuré par des guichets multiples. Cela assurait une offre plus large qu’un guichet unique ne pourrait le faire.

Enfin, avez-vous réfléchi au contenu de l’émission qui serait laissée à la compétence du Gouvernement sur France Télévisions ? Pouvez-vous nous dire quelque chose qui nous rassurerait ? Nous ne voudrions pas voir revenir quelque chose que nous avons « perdu de vue » – titre d’une ancienne émission –, c’est-à-dire l’ORTF. Allez-vous devenir un nouveau ministre de l’information ?

M. Jacques Myard. On finance des programmes et la télévision : comment est-il possible que des chaînes diffusent le supplément hebdomadaire en langue étrangère d’un quotidien du soir ? Celui-ci devrait rembourser à l’État le coût de cette diffusion de la presse américaine hebdomadaire.

En ce qui concerne les programmes, je suis frappé par la naïveté des télévisions françaises par rapport aux chaînes étrangères, comme la BBC. France Info ne cesse de faire de la publicité pour des groupes de rap anglo-saxons, alors qu’elle pourrait promouvoir des groupes reggae de banlieue. A-t-on affaire à des cerveaux lavés ?

Je ne comprends pas l’idée d’une fusion en ce qui concerne la chaîne internationale. La radio n’est pas la télévision. L’instrument RFI doit être préservé.

Il n’est pas possible de dire que France 24 ne doit pas diffuser en français du fait de l’existence de TV5.

Mme la ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Jacques Myard. Je vous ai donc mal comprise et j’en suis rassuré.

TV5 est une sorte d’équivalent télévisuel de France Culture. Il faut développer France 24, en langue française, anglaise, arabe, où il va falloir monter en puissance, et en chinois, langue à laquelle il va falloir s’intéresser. C’est un outil qui fait son trou, et il va falloir le développer.

M. Charles de Courson. Selon quelles modalités juridiques le spectre hertzien va-t-il être cédé. On parle d’enchères, mais aussi de négociations avec les acheteurs : n’y a-t-il pas une difficulté en termes de marchés publics ?

Aujourd’hui, il produit 600 millions d’euros de recettes ; celles-ci vont au ministère de la défense, puisque les fréquences cédées sont des fréquences qui lui étaient attribuées. Mais quel montant peut-on espérer de la cession des fréquences autres que militaires ? Qu’envisage-t-on de faire du produit qu’on en tirera ?

Que pensez-vous du ciblage des aide fiscales à la presse, qui représentent tout de même 210 millions, et des propositions de notre rapporteur spécial ? Quel premier bilan peut être tiré du nouveau dispositif de dons aux entreprises de presse via l’association Presse et pluralisme ?

Mme la ministre. Monsieur Bernier, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à l’INA. Le projet de chaîne nationale porté par l’INA et Canal Plus progresse, mais lentement. Pour qu’il aboutisse, il faudrait que France Télévisions s’y associe car beaucoup de ses ressources sont gérées par l’INA.

Il est prévu de proroger la dérogation de redevance en faveur des personnes handicapées. Les modalités de l’exonération en faveur des personnes âgées pourraient être calquées sur celles en vigueur pour la taxe d’habitation. Patrice Martin-Lalande déposera probablement un amendement instaurant un régime unique pour les personnes handicapées et les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans.

M. Jacques Myard. Les personnes économiquement faibles seront-elles les seules éligibles ?

Mme la ministre. La mesure cible les contribuables modestes exonérés de la taxe d’habitation mais actuellement soumis à la redevance.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécialUn amendement a en effet été déposé ; il sera examiné le 13 novembre, je crois.

Mme la ministre. Monsieur Riester, madame de Panafieu, pour le passage au numérique, tous les acteurs doivent s’impliquer, particulièrement les élus et les centres communaux d’action sociale. L’expérimentation – Coulommiers est à la pointe – sera financée par le groupement d’intérêt public France Télé numérique, qui dispose des moyens nécessaires. Un décret relatif au déploiement dans le reste de la France sera pris d’ici à la fin de l’année ; il créera un fonds d’aide destiné à financer les actions d’information nécessaires, sachant tout de même que 40 % des Français sont déjà équipés.

M. Michel Françaix. Le déploiement a été un peu plus rapide qu’on ne le pensait. C’est le seul point positif !

Mme la ministre. Tous les modèles de télévision commercialisés sont désormais compatibles avec la télévision numérique et les ventes ont explosé l’année dernière au moment de Noël.

Monsieur Rogemont, j’ai souvent entendu Nicolas Sarkozy défendre la logique du financement de l’audiovisuel public par des ressources publiques. Un débat a eu lieu dans le courant de l’été 2007, mais aucune décision n’a alors été prise.

M. Jacques Myard. Le Gouvernement n’a fait que reprendre une idée socialiste !

Mme la ministre. Absolument ! Mais Mme Catherine Trautmann ne l’avait finalement appliquée que pour une petite portion de la publicité.

Je suis convaincue que le financement sera assuré car il est assis sur des ressources dynamiques, le secteur des télécommunications générant un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros et n’étant pas près de s’effondrer. Ce système de financement a été approuvé récemment par le Conseil d’État et la Commission n’a pas soulevé de difficultés. Je rappelle aussi que l’extinction de l’analogique entraînera une économie de quelque 100 millions d’euros, qui entrent dans les plans de financement.

Si les auteurs – avec Pascal Regard –, les producteurs et les chaînes de télévision ont signé les accords interprofessionnels, c’est qu’ils ne les trouvent pas si mauvais. Je souhaite que M6 rejoigne le dispositif dans les jours à venir. Nous souhaitons contraindre à un recentrage de la création sur des programmes patrimoniaux plutôt que sur des émissions comme Super Nanny ou Popstars. Si M6 ne signe pas, le décret donnant valeur réglementaire aux accords devra contenir des dispositions particulières pour cette chaîne, ce qui serait dommage.

France Télévisions sera restructurée sur le modèle de Radio France, mais les sociétés de cinéma resteront disjointes. La création de grandes unités de programmes ne se traduira pas par une disparition des équipes travaillant sur les différentes antennes. Il existe ainsi déjà une unité de programmes destinés à la jeunesse pour l’ensemble des chaînes du groupe.

En une dizaine d’années, le nombre de collaborateurs de France 3 est passé de 3 600 à 6 600, pour un temps d’antenne équivalent. Des synergies et des mutualisations sont possibles, nous le savons tous. Les personnalités doivent néanmoins continuer à s’affirmer et il n’est pas question de créer un guichet unique, d’autant que le groupe a l’obligation de fournir des programmes abondants et variés.

Une polémique est apparue hier à propos de cette émission du Gouvernement. Nous n’avons évidemment pas l’intention de rééditer l’expérience de Parlons France, émission du temps de Laurent Fabius, ni de ressusciter le ministère de l’information. Thierry Saussez a seulement évoqué la possibilité d’acheter des spots un peu plus longs, dans un souci pédagogique.

Monsieur Myard, l’existence d’un petit supplément hebdomadaire en anglais dans Le Monde ne me semble pas dramatique.

M. Jacques Myard. C’est inadmissible ! Demandez donc au New York Times s’il compte respecter le principe de réciprocité !

Mme la ministre. Je n’ai pas remarqué d’invasion de musique britannique sur Radio France. Les obligations qui incombent au groupe sont considérables : plus de 50 % de chanson française sur les différentes stations, notamment Le Mouv’.

À propos de France 24, je rejoins votre analyse : la chaîne doit diffuser des programmes en anglais, en arabe, en français et, pourquoi pas, demain, en mandarin.

Monsieur de Courson, le projet de spectre hertzien est géré par le Premier ministre. Le ministère de la culture, qui y est évidemment associé, défend l’idée d’un développement de l’audiovisuel grâce au dividende numérique. Éric Besson a récemment annoncé que les bandes militaires pourraient être vendues pour un montant de près de 1,5 milliard. Je ne puis en dire davantage car le sujet est géré directement par le cabinet du Premier ministre et je me contente de faire valoir les intérêts de la sphère audiovisuelle.

S’agissant des aides indirectes, la disposition de l’article 39 bis du code général des impôts sera prorogé jusqu’en 2010, avec un resserrement sur la presse d’information politique et générale. Cet objectif me semble le bon car il incite des investisseurs à soutenir des journaux, comme ce fut le cas pour Libération. Reste à redéfinir le champ de la presse politique et générale.

S’agissant du taux super-réduit de TVA, toutes les publications inscrites sur les registres de la commission paritaire sont concernées, y compris la presse récréative. Des études d’impact sont à faire.

Quant à la fondation pour le pluralisme, sa création a été longue et difficile, mais elle est désormais en place. Il n’y a pas encore de dons, mais nous dresserons un bilan le moment venu.

M. Patrice Martin-Lalande, président et rapporteur spécial. Nous vous remercions, madame la ministre.

La réunion de la commission élargie s'achève à onze heures quinze.

Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,

Michel KERAUTRET

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