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Assemblée nationale

Commission élargie

mardi 4 novembre 2008

Séance de 9 heures
Commission des finances, de l'économie générale et du Plan
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Présidence de M. Didier Migaud, Président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,
et de M. Jean-Luc Warsmann, Président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2009

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ;
COMPTE SPÉCIAL : AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, avec Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, nous sommes heureux de vous accueillir. Nous sommes réunis en commission élargie, un cadre que vous commencez à bien connaître, pour vous entendre sur les crédits relatifs à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sur les articles 67 à 72 rattachés, et sur le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

La procédure de la commission élargie veut, plus que dans l’hémicycle, privilégier les échanges directs entre les députés et les ministres en donnant toute leur place aux échanges et au débat.

Dans un premier temps, le rapporteur spécial de la Commission des finances, Marc Laffineur, et le rapporteur pour avis de la Commission des lois, Manuel Aeschlimann, nous feront part à la fois de leurs principales observations et vous poseront leurs questions sur le sujet très sensible des relations entre l’État et les collectivités territoriales.

Nous avons déjà eu l’occasion d’échanges dans d’autres instances : au sein du Comité des finances locales et de réunions que vous avez tenues avec les représentants des associations d’élus. Depuis la présentation du projet de loi de finances, les choses ont bougé : le rapporteur général de la Commission des finances, Gilles Carrez, par ailleurs président du Comité des finances locales, nous a rendu compte, ainsi que Marc Laffineur, chargé, avec Jean-Pierre Balligand, d’une mission d’information sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Au-delà des sensibilités politiques, chacun convient que des remises à plat et des évolutions sont nécessaires.

Le débat mérite d’être conduit à la fois dans la franchise et la sérénité, et je vous remercie, madame la ministre, des initiatives que vous avez déjà prises pour aller dans ce sens.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je souhaite à mon tour la bienvenue à Mme la ministre de l’intérieur, que la Commission des lois a eu le plaisir d’entendre récemment. Je fais miens les propos du président Didier Migaud, en ajoutant seulement que la Commission des lois travaille sur la décentralisation : depuis novembre dernier, elle a créé en son sein une mission d’information sur la clarification des compétences des collectivités locales. Indépendamment du contexte budgétaire, nos concitoyens nous demandent d’améliorer le rapport qualité-prix de la décentralisation, et d’avancer dans le sens d’une simplification des strates en luttant notamment contre les doublons.

Nous avons dégagé deux grands principes, qui auront un impact à la fois sur la législation et les relations budgétaires entre l’État et les collectivités locales : en premier lieu, la limitation des financements croisés et, en second lieu, l’affectation à titre exclusif à un niveau de compétence de la majorité des compétences des collectivités territoriales, avec l’objectif d’améliorer ce fameux rapport qualité-prix.

Au-delà, la conjoncture n’est pas facile, notamment avec la croissance des dépenses de certaines collectivités alors que l’augmentation des ressources ralentit et que la qualité des emprunts souscrits n’est pas entièrement satisfaisante.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. Je me réjouis de ce projet de budget, qui traduit une fois de plus un effort de l’État, tout en incitant les collectivités locales à participer à la maîtrise des finances publiques.

On le voit cependant, nous arrivons au bout d’un système et il va falloir réfléchir à de nouvelles ressources donnant aux collectivités locales une certaine autonomie financière. En juin dernier, la Commission des finances a demandé à Jean-Pierre Balligand et à moi-même de mener une mission sur ce thème. Nous avons constaté que les collectivités ne tiraient de la fiscalité locale que 25 % de leurs ressources. L’accumulation de petites réformes, sans doute nécessaires à des moments donnés, a abouti à une perte d’autonomie. Désormais, il n’y a plus d’autre solution que de conduire une grande réforme tant de la fiscalité que des dotations de l’État. Ces dernières doivent servir à la péréquation tout en préservant une certaine autonomie des collectivités.

Dans ce cadre général, je souhaite poser quelques questions plus précises.

Tout d’abord, nous avons constaté que la taxe professionnelle, après les réformes successives qu’elle a subies, n’est pratiquement plus payée que par notre industrie, c’est-à-dire le secteur qui est le plus soumis à la concurrence internationale, tandis que les services y échappent largement. Je crois que le Président de la République a eu raison de décider un allégement pour les nouveaux investissements, mais cela doit aussi nous inciter à accélérer la réforme de cette taxe. Il faut maintenir un lien entre la TP et la commune ou l’intercommunalité – ce qui a amené la Commission des finances à réfléchir à une taxe foncière industrielle – tout en s’orientant vers une spécialisation des impôts : dans cette perspective, nous plaidons pour une deuxième part de TP qui s’appliquerait sur la valeur ajoutée et serait affectée aux régions. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser les objectifs du Président de la République et du Gouvernement en la matière ?

Appelant de nos vœux une réforme globale, nous n’étions pas très favorables au texte initial concernant la dotation de solidarité urbaine. Je remercie le Gouvernement de s’être montré très réactif aux remarques formulées par les élus locaux et les parlementaires et d’avoir mené une large concertation qui aboutira, je le crois, à un nouveau projet. J’ai pour ma part déposé un amendement qui permettra de revenir aux anciens critères et de faire en sorte que les cent cinquante communes les plus pauvres puissent bénéficier des 70 millions d’euros supplémentaires prévus par le PLF.

Quant au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), il était en effet nécessaire de le placer dans l’enveloppe normée pour renforcer la contribution des collectivités à la maîtrise des dépenses publiques. Mais cela ne signifie-t-il pas que le FCTVA devient une subvention affectée à l’équipement ? Actuellement, toutes les collectivités locales considèrent que c’est un remboursement de la TVA sur les investissements réalisés deux ans auparavant. Si une réforme devait intervenir, il faudrait donc l’annoncer deux ans avant pour éviter que les collectivités ne soient lésées.

Par ailleurs, si l’on comprend la philosophie générale de l’article 71, qui prévoit 50 millions d’euros de dotation de développement urbain (DDU), on voit mal en revanche quels sont les critères qui permettront de cibler ces crédits. J’estime qu’il convient de les affecter aux investissements. Il serait dangereux que les collectivités se mettent à les utiliser pour verser des salaires car on ignore l’avenir de cette ressource. Sans doute serait-il possible d’amender le texte pour en améliorer la lisibilité.

Enfin, du fait de la jurisprudence communautaire, les subventions aux services régionaux de voyageurs doivent être hors TVA, ce qui conduit le Gouvernement à retrancher 82 millions d’euros de cette dotation. Qu’en est-il pour les années précédentes ? Les régions s’en inquiètent.

La Commission des finances de l’Assemblée est disposée à travailler avec vos services et avec le Sénat à une réforme de l’ensemble des dotations. La péréquation doit se faire aussi entre les collectivités locales. Ainsi, le bénéfice des droits de mutation s’est réparti très inéquitablement entre les départements. Il faudra aussi réfléchir à une spécialisation des impôts par type de collectivité, à la clarification des compétences et à la question des financements croisés, qui sont tellement longs à obtenir qu’il en résulte parfois une augmentation du coût des investissements.

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les relations entre l’État et les collectivités territoriales doivent être régies par la confiance et la responsabilité. Par la confiance, d’abord, parce que les collectivités doivent pouvoir compter sur le maintien des concours financiers de l’État, dont le niveau doit être ajusté en fonction des nouvelles charges transférées, mais aussi par la responsabilité parce que l’État comme les collectivités doivent s’associer à une gestion maîtrisée de l’évolution des dépenses et de l’endettement publics, dont la composante locale prend une importance croissante.

Le projet de loi de programmation des finances publiques fixe d’ailleurs des objectifs rigoureux, puisqu’il prévoit que les concours de l’État aux collectivités n’augmentent pas plus rapidement, de 2009 à 2012, que l’inflation prévisionnelle : cela représente assurément une contrainte financière forte pour les collectivités. Il me semble toutefois que, dans le projet de loi de finances pour 2009, le Gouvernement s’efforce de concilier, avec un succès inégal, ces exigences de responsabilité et de confiance.

En effet, dans un contexte budgétaire marqué par de fortes incertitudes économiques et le souhait de contenir la dépense publique, les crédits de paiement de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » atteindront 2,34 milliards d’euros en 2009 : à périmètre constant, réserve parlementaire exclue et mesures nouvelles incluses, ces crédits augmentent de 2,3 %. Cette consolidation globale masque toutefois une évolution plus contrastée des différentes dotations de la mission : on l’a vu, le budget prévoit le gel de la dotation générale de décentralisation (DGD), de la dotation générale d’équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR), mais aussi une augmentation des dépenses d’informatique de l’administration centrale.

Je me félicite surtout de la création de nouveaux outils de solidarité nationale, tels que la dotation de développement urbain (DDU), dotée de 50 millions d’euros concentrés sur les cent villes les plus défavorisées, ou le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées. Dans ce dernier cas, il est toutefois évident qu’une enveloppe de 5 millions d’euros ne suffira pas à compenser les conséquences économiques de la restructuration dans les collectivités locales concernées.

D’autre part, les prélèvements sur recettes, qui s’élèvent à 52,4 milliards d’euros et représentent donc plus de vingt fois le budget de la mission, augmenteront l’an prochain de 2,1 % à périmètre constant, ce qui demeure tout de même bien inférieur à la hausse des prix des dépenses communales, qui atteint 3,4 % sur un an, selon le dernier indice du « panier du maire ». Cette hausse s’explique, pour l’essentiel, par la progression de 13 % des crédits alloués au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, qui est un remboursement dû aux collectivités locales. Il est vrai que les dépenses du FCTVA augmentent beaucoup plus vite que le PIB depuis 2005 et qu’elles sont difficiles à anticiper. Estimez-vous souhaitable pour l’avenir, madame la ministre, d’en modifier les règles de fonctionnement, sachant tout de même que les investissements qui sont soutenus par ce biais assurent l’avenir et soutiennent l’activité économique ?

En outre, les crédits de la DGF devraient progresser de 2 % et atteindre 40,86 milliards d’euros, grâce notamment à l’augmentation de 70 millions d’euros des crédits versés aux cent cinquante communes les plus pauvres dans le cadre de la dotation de solidarité urbaine. Le bon sens a prévalu s’agissant de la réforme annoncée des critères de répartition de la DSU : les évolutions nécessaires pour mieux concentrer les efforts sur les communes les plus défavorisées devront être précédées d’une évaluation concertée.

Il semble en revanche que l’annonce d’une diminution de 2 % du complément de garantie de la part forfaitaire de la DGF des communes au profit des dotations de péréquation aurait mérité une concertation et un débat spécifique au sein du Comité des finances locales, même si la volonté de renforcer la solidarité en faveur des collectivités les plus défavorisées est louable. Par ailleurs, l’annonce, le 23 octobre dernier, d’une nouvelle exonération de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements donne un curieux relief à la réduction de presque 10 % des crédits destinés à compenser les exonérations de taxes locales. Cette évolution budgétaire ne pourra pas être durablement suivie et rend plus urgente encore une refonte de l’ensemble de la fiscalité locale, dont l’alourdissement pénalise l’activité des entreprises : quelle méthode et quel calendrier proposez-vous, madame la ministre, pour mener cette réforme et doter chaque niveau de collectivités d’un grand impôt moderne ?

Sur le plan budgétaire, il semble que les concours financiers de l’État, complétés par la fiscalité dynamique des collectivités locales, leur donneront l’essentiel des moyens financiers dont elles ont besoin pour exercer leurs compétences l’an prochain. Leur budget risque tout de même d’être affecté par la baisse du produit des droits de mutation à titre onéreux, ainsi que par les premiers effets de la crise économique et financière.

Plus fondamentalement, je crois que l’expansion des recettes locales doit amener à s’interroger sur les causes et les conséquences de l’augmentation durable des dépenses des collectivités. Bien sûr, cette évolution s’explique en partie, pour les quatre dernières années, par l’importance des transferts de compétences et de personnels décidés dans le cadre de « l’acte II » de la décentralisation, en particulier pour les départements et les régions. Toutefois, la hausse résulte aussi de facteurs structurels et augmente l’endettement des collectivités. Même s’il demeure limité par rapport à celui de l’État et ne représente que 11 % des dettes publiques, cet endettement est de plus en plus difficile à gérer et le soudain renchérissement de nombreux emprunts à taux variables, qui provoque l’inquiétude des élus locaux, pourrait avoir des conséquences graves pour les finances de certaines collectivités. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, réalisé avant que la crise financière ne frappe la France, souligne que la situation financière des collectivités locales demeure saine, en général, mais qu’elle se tend progressivement, car la croissance des dépenses locales est très forte, alors que celle de leurs ressources ralentit. Le temps de « l’argent facile » est révolu pour les collectivités, et je crois qu’il serait souhaitable que leurs dépenses n’augmentent pas plus vite que le PIB hors nouveau transfert de compétences.

Même si l’État ne s’est guère montré plus vertueux depuis le début des années quatre-vingt-dix, les collectivités devraient s’efforcer de mieux analyser et anticiper les risques financiers, avec l’aide des administrations financières et, plus largement, de prendre en compte les perspectives d’évolution de nos finances publiques. La Conférence nationale des exécutifs pourrait être le cadre approprié pour mener, dans ce domaine, la concertation approfondie entre l’État et les collectivités, que le Conseil économique, social et environnemental appelle de ses vœux dans un avis du 8 octobre dernier.

L’examen du budget alloué par l’État aux collectivités territoriales nous conduit naturellement à analyser l’évolution des finances locales. Mais il fournit aussi à la Commission des lois l’occasion d’évoquer les conditions juridiques qui permettraient aux collectivités de mieux assurer la maîtrise de leur budget. Des réformes importantes ont déjà été engagées pour garantir aux collectivités le respect de leur autonomie financière, moderniser les outils contractuels qui leur permettent d’associer les entreprises privées à leur développement et, de façon encore embryonnaire, les associer à l’évaluation préalable de l’impact des lois et règlements sur leurs finances. S’agissant des règlements, la tâche qui attend la nouvelle Commission consultative d’évaluation des normes est immense, puisqu’elle pourrait être saisie d’un millier de textes par an. J’aimerais d’ailleurs savoir, madame la ministre, si, dans la foulée de la vaste révision constitutionnelle adoptée en juillet dernier, la loi organique prévoira que les futures évaluations préalables accompagnant les projets de loi présentent leur impact financier pour les collectivités. Cet effort de transparence et d’anticipation me semble nécessaire pour que les relations entre les collectivités et l’État reposent sur la confiance que j’évoquais au début de mon propos. Même s’il nous faut demeurer vigilants pour que l’État ne transfère pas en cours d’année des charges imprévues aux collectivités, je crois que toutes ces innovations vont dans le bon sens, puisqu’elles confortent la responsabilité des collectivités dans le pilotage des finances locales.

Pour autant, il ne faut pas oublier que des réformes plus structurelles et sans doute plus difficiles restent à entreprendre. Nous devrons non seulement, comme je le disais, moderniser l’ensemble de notre fiscalité locale, mais aussi remédier à la multiplication des échelons administratifs, ou encore réduire l’enchevêtrement des compétences et la lourdeur des financements croisés. À cet égard, le Comité pour la réforme des collectivités locales créé le 22 octobre dernier et présidé par M. Édouard Balladur, sera utile, mais le récent rapport de notre mission d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales a déjà permis de franchir une étape déterminante dans cette réflexion, puisqu’il a été adopté à l’unanimité.

Même si la crise financière crée un contexte économique et budgétaire difficile pour les collectivités locales, il me semble que ce projet de budget préserve nombre de dotations stratégiques pour leur action et renforce la solidarité financière au profit des plus fragiles d’entre elles. Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous inviterai tout à l’heure, à l’approche de réformes importantes pour clarifier notre organisation territoriales, à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2009.

Mme Marietta Karamanli. Mon propos portera sur trois sujets. Le premier sera celui de la pluriannualité du budget de l’État et de la pluriannualité des budgets des collectivités locales.

L’Assemblée nationale a adopté un projet de loi de programmation des finances publiques de 2009 à 2011. Par ailleurs, l’État doit présenter un pacte de stabilité des dépenses nationales, de l’État, locales, sociales, au niveau européen.

De leur côté, si les collectivités locales ont déjà l’habitude de la pluriannualité, des règles contraignantes à leur égard pourraient s’avérer nécessaires en vue d’assurer la cohérence et l’articulation d’une pluriannualité globale des dépenses nationales. Parmi les mesures qui ont été évoquées, on peut citer un taux limitatif d’évolution des dépenses sur la période de référence, des normes impératives en fonction de la nature de la dépense – d’investissement ou de personnel, entre autres –, ou encore une dernière année d’engagement pluriannuel ayant vocation à absorber les mesures réglementaires. Où en sont les réflexions du Gouvernement en la matière ? Quelles seraient les garanties apportées en vue de protéger le principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales ?

J’aborderai en deuxième lieu les conséquences, pour les collectivités territoriales, du « Tchernobyl financier ». Le Gouvernement dispose t-il d’estimations quant aux effets de la crise financière sur les budgets des collectivités territoriales, dont l’endettement s’accroît, en particulier sous l’effet de la hausse des taux variables des emprunts contractés par elles? Une cinquantaine de communes, selon les banques, pourraient connaître des difficultés du fait de remboursements devenus plus coûteux. Des mesures visant à améliorer la transparence et l’information sur les produits structurés seraient à l’étude. Qu’en est il ?

Quel sera, selon le Gouvernement, l’impact du ralentissement économique sur le produit des impôts locaux et des autres produits de fiscalité indirecte attribués aux départements et aux régions ?

Comment le Gouvernement entend-il soutenir l’effort d’investissement que réalisent les collectivités locales ? Réfléchit-il à la possibilité d’aller au-delà des baisses de dotations et de stimuler leur contribution au développement économique par des investissements publics, si nécessaires notamment pour améliorer les infrastructures du pays et préparer notre pays à la nouvelle donne énergétique ?

J’en viens à la fiscalité locale. Il y a une crise des finances publiques locales qu’amplifient aujourd’hui la crise financière et la crise économique. Sont donc touchés les trois types de ressources : l’emprunt, les dotations et la fiscalité. Le Gouvernement compte t-il mener à bien, et sous quels délais, la réforme de la fiscalité locale, en particulier les chantiers de l’actualisation des valeurs locatives et celui de la taxe professionnelle, dans la perspective de rendre la fiscalité locale plus lisible et plus juste ?

Dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, la loi a prévu la mise en œuvre d’un plafonnement réel des cotisations de taxe professionnelle à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises. La loi de finances initiale pour 2006 a prévu que le financement de ce plafonnement était partagé entre l’État et les collectivités locales. L’État prend en charge ce plafonnement jusqu’à hauteur d’une cotisation calculée par rapport à un taux de référence. Les collectivités locales et leurs groupements participent au-delà du taux de référence par le biais d’un remboursement de l’État à l’entreprise trop imposée et d’une refacturation ultérieure de l’État à la collectivité, vraisemblablement sous forme de ponction sur sa DGF. L’objectif de « responsabiliser » les collectivités locales et de les faire participer à « l’adaptation des cotisations de taxe professionnelle aux capacités contributives des entreprises », se traduit donc par la mise en place d’un « ticket modérateur ». Pour le montant de la prise en charge par l’État des augmentations de taxe professionnelle, les collectivités ont le choix entre le taux de l’année d’imposition et le taux de 2004, soit plus 5,5 % pour les communes, plus 7,1 % pour les départements et plus 5,1 % pour les régions. Au-dessus de ces plafonds, les collectivités locales doivent reverser les augmentations de taxe professionnelle à l’État.

Ce dispositif complexe présente des effets indésirables pour certaines collectivités ayant de fortes dépenses sociales. Le dégrèvement accordé aux entreprises a pour effet de priver ces collectivités de ressources alors même que leurs recettes fiscales sont limitées du fait d’un chômage important et de nombreux habitants en situation de pauvreté. Qu’entend faire le Gouvernement pour remédier à cette situation ?

Enfin, nous regrettons que le Gouvernement ait fixé le taux de progression de la DGF pour 2009 à 2 %, c’est-à-dire au taux d’inflation qu’il a calculé. Cela représente certes 800 millions d’euros pour les collectivités locales. Cependant, et nous aurons l’occasion de le rappeler lors de l’examen des amendements, l’inflation sera sûrement plus élevée, induisant une diminution importante du pouvoir d’achat des collectivités locales.

Quatrième élément : pourquoi avoir intégré dans l’enveloppe normée, outre les dotations classiques, des dotations qui ont le caractère de remboursements, d’indemnisations ou de compensations de charges ? C’est le cas du FCTVA. Avec cette intégration, le Gouvernement décide de diminuer le pouvoir d’achat des collectivités. C’est aussi le cas de dotations créées par le projet de loi : les 5 millions d’euros du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées et l’indemnité de 6,3 millions d’euros, prévue dans le programme « Concours financiers aux communes et groupements de communes », et destinée à indemniser les communes sélectionnées pour délivrer les nouveaux passeports sécurisés pour des citoyens ne résidant pas dans ces communes. Ce fonds et cette indemnité seront financés par les collectivités locales elles-mêmes, qui verront ainsi d’autres de leurs dotations diminuer d’autant.

Il faut mettre cette mise sous contrainte des concours de l’État aux collectivités locales en regard avec l’absence de véritable réforme fiscale, qui conduit à « garrotter » les collectivités locales.

Pourquoi encore faire compenser une nouvelle exonération de la taxe professionnelle par le budget de l’État, c’est-à-dire par le contribuable national ou par le déficit, ce qui implique dans les deux cas que cet allégement de la fiscalité des entreprises se fasse par un renforcement de celle des ménages ?

À ce sujet, le Gouvernement peut-il indiquer s’il entend reprendre le principe, énoncé dans le rapport Valletoux et approuvé par les associations de collectivités locales, de conservation de l’équilibre fiscal entre ménages et entreprises ? Cette question a déjà été posée par le passé sans que le Gouvernement juge bon d’y répondre. Pourrions-nous aujourd’hui, madame la ministre, avoir des éléments de réponse ?

M. Michel Piron. Nous sommes bien entendu d’accord : il convient d’autant plus de mieux maîtriser la dépense publique – qu’elle relève de l’État ou des collectivités – que nous connaissons une situation particulièrement délicate sur le plan mondial.

Qu’en est-il de la portée de la péréquation et du fondement de la solidarité dès lors que la DSU sert 75 % des communes concernées ? Plus précisément, en quoi la péréquation horizontale – entre collectivités – doit-elle compléter la péréquation verticale – entre l’État et ces dernières ?

Le FCTVA ne risque-t-il pas par ailleurs d’induire une confusion entre investissement et fonctionnement ? Si tel devait être le cas, la vertu n’en serait-elle pas d’autant plus pénalisée que l’investissement territorial représente les trois quarts des investissements publics ?

La floraison normative étant particulièrement vivace, de même que l’augmentation consécutive des dépenses contraintes des collectivités – comme l’a constaté la commission consultative d’évaluation des normes – ne faudrait-il pas s’efforcer de tarir un peu la source de cette croissance ?

Enfin, la réforme des finances locales ne présuppose-t-elle pas celle de notre architecture territoriale ?

M. Jean-Pierre Brard. La métaphore botanique peut décidément cacher des projets bien pervers !

Ce projet de budget ne s’appliquera assurément pas compte tenu de la crise que nous traversons, mais cela ne vous empêche pas, madame la ministre, de répéter imperturbablement le même discours selon lequel l’État maintiendrait ses concours financiers aux collectivités. Or, ces derniers étant calibrés autour de 2 % et l’inflation étant bien supérieure, les collectivités sont « arnaquées ». À cela s’ajoute que l’augmentation des dotations ne dépasse pas 0,6 % puisque vous y incluez le FCTVA, lequel ne constitue qu’un remboursement.

Par ailleurs, de quoi le Président de la République se mêle-t-il en décidant de supprimer la taxe professionnelle (TP) sur les investissements ? Nous avons un Gouvernement, dirigé par un Premier ministre ! Constitutionnellement, le Président de la République préside le Conseil des ministres, point barre ! Aller au-delà, c’est violer l’article 5 de notre Constitution ! C’est à vous, madame la ministre, de répondre aux questions que nous posons ! Selon Les Échos, les entreprises ont donc non seulement économisé 3,7 milliards – les collectivités, elles, étant perdantes –, mais l’État gagne près de 1 milliard puisque la réduction de la TP entraîne une hausse du bénéfice des entreprises, laquelle induit une augmentation de l’impôt sur les sociétés. Ne pensez-vous donc pas, madame la ministre, qu’il serait plus pertinent de revoir l’assiette de la TP plutôt que de lancer des réformes sans qu’aucune étude d’impact n’ait d’ailleurs été réalisée ? À ce propos, j’ai eu l’occasion d’auditionner le secrétaire général du Gouvernement : les seules études d’impact existantes consistent à accumuler les études précédentes sur le bureau du ministre, celui-ci devant s’en débrouiller ! En l’occurrence, nous ne savons pas où nous allons, à moins de considérer que vous avez voulu faire un cadeau à M. Ghosn.

Je note également une baisse drastique de compensation en matière de taxe professionnelle – moins 25,6 % – et de taxe foncière – moins 22,8 %.

Enfin, si vous semblez avoir été touchée par la grâce s’agissant de la DSU, resterez-vous en cet état au-delà du PLF pour 2009 ?

M. Charles de Courson. Nous sommes entrés dans une crise durable des finances publiques – si tant est que nous en soyons jamais sortis un jour, d’ailleurs.

Si la politique de transferts de l’État vers les collectivités est fondamentale, est-elle néanmoins équilibrée dès lors qu’elle est évaluée à 97 milliards pour 2009, ce qui représente près de la moitié des dépenses des collectivités ? C’est absolument excessif ! Ne conviendrait-il pas plutôt de responsabiliser les collectivités en leur donnant une véritable autonomie fiscale, laquelle peut passer par la mise en place d’un impôt moderne – en l’occurrence, un impôt sur le revenu élaboré à partir d’un taux additionnel sur la CSG ? À condition de baisser le taux national, le prélèvement n’augmenterait pas.

Le Comité des finances locales a beaucoup travaillé sur la question : c’est la seule façon de mettre en place un impôt moderne, régulé par les citoyens. Alors que, depuis quinze ans, les gouvernements, qu’il soient de gauche ou de droite, ont appliqué des schémas à la Thatcher, voilà un système inspiré de Tocqueville. De quel côté vous rangez-vous, madame la ministre ?

Le principe de péréquation a été inscrit dans la Constitution. Or le rapport fait au CFL montre que la péréquation, déjà faible, régresse.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan. On ne peut pas dire cela !

M. Charles de Courson. Le coefficient de Gini ne va pas dans le bon sens. La péréquation représente 7 % de l’ensemble des transferts. Madame la ministre, comment comptez-vous redresser la barre ?

La DGF est de 2 %, si l’on inclut les prélèvements prioritaires. Alors que deux, voire trois collectivités se transforment actuellement en communauté d’agglomération – ce qui devrait entraîner des prélèvements de l’ordre de 150 millions sur l’enveloppe –, que restera-t-il, après prélèvements intercommunautés DSU-DSR, pour les communes de droit commun ?

Les collectivités ont le sentiment de subir des coûts qui leur sont ensuite reprochés par les représentants de l’État. Êtes-vous prête, madame la ministre, à refuser de signer ou de cosigner les décisions qui aboutissent à augmenter leurs dépenses ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Notre discussion montre que les budgets – qu’il s’agisse de celui de l’État ou de ceux des collectivités locales – ne relèvent pas d’une logique comptable, mais qu’ils sont la transcription de la vision que nous avons de la France.

Nous sommes à la veille d’une transformation profonde de nos structures territoriales et de notre fiscalité locale. Et alors que nous sommes confrontés à des crises extérieures et à des difficultés de fonctionnement de certaines institutions, il est de notre responsabilité d’envisager cette question de la manière la plus objective possible.

Face à des défis de plus en plus complexes, la maîtrise des dépenses publiques s’impose à tous. Le déséquilibre est permanent depuis les années quatre-vingt. Si nous voulons atteindre en 2012 l’équilibre – objectif que nous nous sommes fixé au regard de nos engagements européens mais aussi afin de préparer l’avenir de nos enfants – nous devons poser certaines conditions.

Cela a été dit de manière presque unanime : il ne peut y avoir, d’un côté, l’État et, de l’autre, les collectivités territoriales. De toute évidence, l’État ne pourra redresser ses finances publiques s’il n’agit pas sur une part qui représente 21,5 % de son budget ! Le même effort sera donc appliqué aux dotations des collectivités locales. En conséquence, l’évolution des concours de l’État aux collectivités sera alignée sur le rythme de l’inflation. La progression sera de 1,1 milliard pour 2009, pour une totalité de 56,3 milliards.

Dans le même temps, et parce que l’État tiendra ses engagements constitutionnels, la compensation de décentralisation sera réévaluée – de 600 millions d’euros environ – afin d’accompagner de nouveaux transferts de compétence. La proposition de M. Laffineur concernant la compétence « Services régionaux de voyageurs » visée à l’article 68 relève de la même logique d’ajustement. Pour ce qui est de la période précédente, M. Woerth proposera une mesure dans le projet de loi de finances rectificative.

Si nous voulons préparer l’avenir, il nous faut aussi simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales. Clarifier les niveaux de compétence est une exigence, tant les redondances et la confusion rendent le système complexe et coûteux. C’est là une attente de nos concitoyens et de bien des élus. Le comité présidé par M. Édouard Balladur devrait y aider.

Il conviendra d’accompagner ce mouvement d’une grande réforme de la fiscalité locale, évoquée par MM. Laffineur, de Courson, Aeschlimann et Piron. À partir du moment où nous saurons quel est le niveau le mieux à même d’assumer un bloc de compétences, celui-ci devra disposer des moyens financiers lui permettant de le mettre en œuvre. Tel est l’enjeu d’une réforme que nous attendons depuis trente ans.

M. Bernard Derosier. Depuis 1917 !

Mme la ministre. Le système fiscal doit gagner en simplicité et en lisibilité.

Madame Karamanli, il est évident que cette réforme doit être conduite dans la concertation. Si l’on souhaite qu’elle dure, ne serait-ce que cinquante ans, elle doit faire consensus. Les collectivités, comme les citoyens, ont besoin de savoir qu’il existe un accord, des règles reconnues de tous, un socle commun.

Les avis peuvent diverger, c’est le principe de la démocratie, mais il est indispensable de partir d’une analyse consensuelle. À cet égard, la mission d’information de votre Commission des finances éclairera notre réflexion.

Mais, dans une conjoncture économique particulièrement difficile, des mesures doivent être prises sans attendre pour renforcer la compétitivité de nos entreprises. C’est pourquoi le mécanisme de la taxe professionnelle, qui doit être profondément réformé pour soutenir nos entreprises et nos territoires, sera modifié dès 2009, les nouveaux investissements étant exonérés de la taxe. Je confirme, monsieur Laffineur, que le coût de cette mesure pour les collectivités locales sera intégralement compensé.

Je n’ai rien contre l’idée de revoir l’assiette de la taxe professionnelle, monsieur Brard, mais cela ne peut s’envisager que dans le cadre de la réflexion globale qui s’engage, et dont je souhaite que les conclusions s’appliquent en même temps que s’appliqueront les recommandations du Comité Balladur. La logique commande qu’il en soit ainsi, car la réorganisation des compétences des collectivités locales implique celle de leurs ressources.

Tout cela ne peut se faire en un jour ni en une loi de finances. Nous devons donc construire un partenariat de confiance. Travailler ensemble, au-delà de nos différences, à l’établissement d’un socle méthodologique consensuel suppose l’association de toutes les instances de décision. C’est l’objet de la Conférence nationale des exécutifs ; c’est aussi le sens de la commission consultative d’évaluation des normes. Pour avoir été maire, je n’ignore rien de ce que représente le changement des normes pour une collectivité qui vient de décider un investissement. C’est pourquoi j’ai voulu créer une commission consultative d’évaluation des normes dès mon arrivée au ministère. Cela n’a pas pu se faire aussi vite que je l’aurais souhaité, mais cette commission est installée depuis le 9 octobre et je m’en réjouis.

Vous avez raison, monsieur Piron, nous devons aussi nous interroger sur l’origine – ou plutôt les origines – des normes. Il en est d’administratives, telles les normes de sécurité ; nos concitoyens demandent qu’elles soient renforcées, mais cela a un coût, comme en ont un les normes environnementales que vous avez votées, et les normes européennes dans ces deux domaines. À ce corpus s’ajoutent des normes que je qualifierai d’« extérieures » – par exemple, lorsqu’il faut repeindre un gymnase à neuf pour qu’un match soit retransmis.

Qu’une réflexion d’ensemble s’engage sur tous ces points ne pourrait que me réjouir car on se rendrait compte que toutes les normes n’émanent pas du champ politique, comme on se plaît trop souvent à le dire. S’agissant des questions de police et de sécurité, il conviendra de définir quelle société de sécurité nous voulons, à quel prix économique, mais aussi à quel prix pour la liberté des collectivités territoriales.

J’ai, monsieur de Courson, bloqué quelques initiatives. Mais, aussi longtemps que la commission consultative d’évaluation des normes n’était pas installée, je ne pouvais le faire qu’un peu. Bien que passionnée d’archéologie, j’aurais beaucoup à dire, en tant qu’élue locale, sur les dispositions relatives à l’archéologie préventive, qui semblent conçues pour faire augmenter les prix et les délais des chantiers. Je ne dis pas qu’il n’en faut pas, mais des aménagements me semblent nécessaires.

Je partage votre point de vue, monsieur Aeschlimann : le même travail d’évaluation serait utile pour ce qui est des lois, mais cela supposerait la création d’une autre instance que la commission consultative d’évaluation des normes.

Travailler ensemble, c’est, je l’ai dit, poser des diagnostics communs pour parvenir à des réponses acceptables par tous. Telle est la démarche qui a prévalu pour la dotation de solidarité urbaine. Le diagnostic était partagé : la DSU était destinée aux communes les plus pauvres mais, les trois quarts des communes y étant éligibles, on aboutit à un saupoudrage inefficace. Il fallait recentrer la DSU, et c’est ce que nous avons fait. Cette évolution a suscité en retour la réaction d’élus de communes dont la dotation allait être réduite ou disparaître. Ils ont contesté plusieurs critères fondant la réforme de la répartition, dont certains étaient pourtant demandés depuis des années et avaient été élaborés par le Comité des finances locales – ainsi du critère d’équilibre entre le nombre de mètres carrés de logements sociaux et le nombre d’habitants de la commune allocataires de l’aide au logement. J’ai considéré indispensable de parvenir à un accord sur les critères d’attribution de la DSU, et j’ai aussi été attentive à l’argument de la prévisibilité budgétaire. Les collectivités préparent leur budget très longtemps à l’avance, en tablant sur une certaine stabilité des ressources. On comprend donc qu’une amputation budgétaire sensible, dans des délais assez courts, puisse susciter l’inquiétude. J’y ai été sensible et j’en ai tenu compte.

Nous ne renoncerons pas à la réforme, qui est juste et attendue, mais elle entrera en vigueur progressivement, selon un calendrier que toutes les associations d’élus ont approuvé. Dans une première étape, en 2009, le bénéfice principal de la réforme ira aux 150 villes les plus défavorisées, dont la dotation augmentera de 6 %. Pour le reste, 2009 sera un exercice de transition ; pour 327 communes, la DSU sera augmentée de 2 % et pour toutes les autres elle demeurera au niveau de ce qu’elle était en 2008. Avec l’aide de votre rapporteur général, nous nous attacherons à préciser avant Pâques les nouveaux critères de répartition de la DSU. La réforme d’ensemble se fera sur cette base, et une sortie du dispositif « en sifflet » sera prévue pour les communes dont la dotation disparaîtra. Le Gouvernement a déposé un amendement à cette fin. Voilà qui devrait répondre à votre question, monsieur Laffineur.

J’en viens au FCTVA, sujet éminemment sensible de par l’importance du fonds, mais aussi pour des raisons psychologiques.

Certains orateurs l’ont souligné, le fonctionnement du FCTVA n’est pas parfaitement satisfaisant car l’absence de clarté rend compliqué l’appréhension de ce qui est remboursé et ce qui ne l’est pas. De plus, le FCTVA distingue les collectivités qui investissent le plus, mais investir est difficile pour les petites communes qui ont des besoins mais de faibles ressources.

La moindre des choses serait que nous réfléchissions ensemble à l’amélioration du dispositif, selon la méthode proposée pour la réforme de la DSU, et je trouve singulier que certains refusent même de s’asseoir autour d’une table.

Cela ne préjuge en rien les conclusions, mais cela permet au moins de faire un diagnostic commun, en examinant ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et quelles sont les actions possibles. Je pense que c’est ainsi qu’il faut travailler, sinon nous n’avancerons pas.

Certes, madame Karamanli, il s’agit d’un dispositif complexe, dont certains aspects ne paraissent guère logiques, ou peu compréhensibles. Alors, mettons-nous autour de la table et voyons ce que nous pouvons faire !

Le projet de loi de finances pour 2009 n’a pas prévu de réforme du FCTVA, parce que j’estime que nous ne sommes pas prêts pour cela et qu’il est nécessaire d’engager préalablement une concertation approfondie avec les élus locaux – ce que je souhaite faire au cours de la prochaine année.

Travailler ensemble, c’est aussi entendre les inquiétudes des élus sur certains sujets, notamment l’endettement par des emprunts structurés. C’est pourquoi j’ai réuni, hier matin, avec Christine Lagarde, les représentants des collectivités territoriales et des banques au ministère de l’intérieur afin de dresser un bilan de la situation ; celui-ci devra être approfondi, car nous ne disposons pas de liste précise des communes ayant contracté des emprunts structurés et nous ignorons quelle part ceux-ci représentent dans la totalité des emprunts, et par conséquent quel est leur coût exact. Cependant, nous avons d’ores et déjà deux certitudes : d’une part, globalement, les collectivités territoriales ne sont pas considérablement endettées ; d’autre part, la très grande majorité de leurs emprunts sont à taux fixes, et, à l’intérieur de la catégorie des emprunts dits « à risque », la part des emprunts structurés est faible, de l’avis des banques, de l’Association des maires de France et de l’Association des départements de France. Reste une incertitude concernant la situation des communes moyennes. J’ai donc demandé à chacune des associations de nous faire part des inquiétudes de leurs membres, afin de savoir précisément où nous en sommes et d’examiner les situations au cas par cas. Quant aux autres emprunts, l’effort consenti par l’État pour garantir aux banques 5 milliards d’euros de liquidités qu’elles pourront mettre, de manière ciblée et sur vingt ans, à la disposition des collectivités territoriales, devrait améliorer la situation. Toutefois, qu’on apporte des garanties globales n’implique pas qu’on ignore les cas particuliers.

Moderniser, c’est aussi avoir une vision qui ne soit pas celle d’une gestion au jour le jour, et donc donner plus de prévisibilité et de lisibilité. C’est pourquoi j’avais tenu l’an dernier – non sans un petit bras de fer avec le ministère du budget – à ce que la progression de la dotation globale de fonctionnement soit maintenue au niveau des années précédentes, c’est-à-dire qu’elle intègre, outre l’inflation, la moitié de la croissance. Il ne s’agissait nullement de contester le principe que les aides de l’État aux collectivités territoriales dussent participer à l’effort budgétaire, mais de faciliter l’élaboration des budgets des collectivités territoriales, car je trouvais anormal de leur demander après l’été de réviser un budget qu’elles avaient déjà préparé. J’avais cependant prévenu que les choses changeraient dès cette année, et que la DGF serait désormais indexée sur la seule inflation, sous réserve de la réforme de la fiscalité locale. Sa progression sera donc limitée cette année à 2 %, soit 801 millions d’euros.

En outre, elle tiendra compte du recensement de 2006 : les collectivités locales dont la population a augmenté verront leur DGF augmenter en conséquence. C’est un point sensible, car certaines communes dont la population a fortement fluctué depuis 2006 ont pu demander un recensement complémentaire. Or, comme l’a rappelé le Comité des finances locales, si l’on donne un avantage à certaines collectivités, cela se fait nécessairement au détriment des dotations de péréquation, donc des autres collectivités : c’est une question d’égalité. Si l’on change d’année de référence suivant les cas, il n’y aura plus d’égalité de traitement ! C’est pourquoi, même si la cote est mal taillée, on a retenu l’année 2006. Je comprends que des communes ayant construit beaucoup de lotissements ou de logements sociaux après cette date s’estiment lésées, mais, dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons faire mieux.

« Moderniser » doit aussi rimer avec « solidarité ». C’est pourquoi le projet de loi de finances propose plusieurs mesures afin de renforcer l’effort de solidarité au bénéfice des collectivités les plus pauvres.

Ainsi, monsieur Piron, la question de la péréquation horizontale se posera dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, notamment celle des fonds départementaux de la taxe professionnelle.

Au sein de la DGF, une meilleure répartition au profit de la péréquation peut renforcer cet effort, bien que ce soit au détriment d’autres choix possibles. Dans le présent projet de loi de finances, les dotations de solidarité sont les premières à bénéficier de la progression de la DGF. Les aménagements de la dotation forfaitaire des communes permettront ainsi d’augmenter de 107 millions d’euros les dotations de solidarité. En outre, monsieur de Courson, le Gouvernement propose de diminuer le taux de supplément de DGF accordé aux communautés urbaines – il est vrai que, de manière incitative, celles-ci bénéficiaient d’une dotation importante de 85 euros par habitant…

M. Charles de Courson. Donnant ainsi naissance à une véritable aristocratie !

Mme la ministre. Il est évident que, sans même tenir compte des phénomènes d’opportunité, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Toutefois, il faut faire attention quand on change les règles du jeu. Certaines communes se sont regroupées dans des communautés dans la perspective de cette dotation ; vous ne pouvez pas la leur supprimer du jour au lendemain, alors qu’elle les a conduites à emprunter pour réaliser des investissements, et que les intérêts courent encore ! De même, les communautés en préparation comptent sur une augmentation de la dotation. Celle-ci sera donc maintenue, mais limitée à 60 euros par habitants.

M. Charles de Courson. Pour Toulouse aussi ?

Mme la ministre. Pour toutes les communes concernées.

Pour des raisons de prévisibilité, cette mesure ne touchera que les communautés urbaines qui se créeront dans les prochaines années.

Par ailleurs, le Comité des finances locales aura toujours la possibilité d’augmenter encore l’effort de solidarité, par exemple en abaissant l’indexation de certaines dotations, notamment d’intercommunalité.

Nous mettons également en place de nouveaux dispositifs pour des communes répondant à des problématiques particulières. Ainsi, les communes les plus fragiles connaîtront une moindre baisse de leur dotation de compensation de la taxe professionnelle, et une dotation de développement urbain sera créée. Je souhaite établir un véritable partenariat avec les cent communes prioritaires qui en bénéficieront afin de les aider à financer des équipements ou des actions de première importance.

Je sais que certains le regrettent, mais on ne peut, surtout dans la période actuelle, se dispenser de contrôler l’utilisation de ces fonds. L’État fait un effort important et il est normal qu’il vérifie s’il porte ses fruits : nous sommes tous comptables de chaque euro mis à notre disposition, plus ou moins volontairement, par les Français. Ces 50 millions d’euros par an feront donc l’objet d’un partenariat entre les collectivités et les préfets.

Monsieur Laffineur, vous souhaitez que les mesures correspondantes soient précisées : je suis tout à fait d’accord pour le faire, y compris en séance publique, afin de mieux éclairer ce que nous voulons faire.

Un fonds d’accompagnement de 5 millions d’euros sera en outre créé pour les communes concernées par les restructurations de défense. Il ne s’agit pas, bien sûr, de compenser l’ensemble des effets de ces restructurations, mais d’aider, durant une période transitoire, les communes affectées par une diminution importante de leur population à adapter leur budget.

Davantage de transparence, de responsabilité et de solidarité : tels sont en définitive les termes du partenariat de confiance que je souhaite établir avec les collectivités et le Parlement. Il faut toujours tout mettre sur la table : il n’y a aucune raison de dissimuler des choses. Si des problèmes se posent, ils concernent tout le monde, qu’on soit élu national ou local, membre de la majorité ou de l’opposition.

Préparer l’avenir, cela signifie, surtout actuellement, assumer, au-delà de nos différences, un certain nombre de charges, de responsabilités et de contraintes, afin de créer un destin commun pour tous les Français.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je remercie Mme la ministre pour ses réponses extrêmement précises et détaillées.

En ce qui concerne tout d’abord la taxe professionnelle, il faut être bien conscient que la décision qui vient d’être prise consistant à ne plus faire entrer dans la base de la taxe tous les investissements effectués par les entreprises entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009 est extrêmement lourde de conséquences. Je n’imagine pas qu’après on puisse revenir au statu quo ante. Nous avons donc enclenché un processus qui va nous obliger à remplacer complètement, ou presque, le mécanisme de la taxe professionnelle. Nous nous sommes mis dans une seringue parce que les délais seront extraordinairement brefs. En quelques mois, il va falloir réussir à échafauder ce que l’on n’a pas réussi à faire pendant plusieurs décennies. La question sera traitée dans le prochain collectif, dans moins de quatre semaines.

Je voudrais donc, madame la ministre, que vous nous donniez l’assurance que, pour les investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, il s’agira de dégrèvements. Le plafonnement à la valeur ajoutée est bien un dégrèvement, mais c’est un dégrèvement à un taux historique. Tout va bien tant que le taux de taxe professionnelle n’augmente pas. Mais, s’il faut, de gré ou de force, l’augmenter, il y a un ticket modérateur qui augmente rapidement. On nous avait promis un rapport pour le 15 septembre dernier, à l’occasion de la discussion de la première partie de la loi de finances. Nous l’attendons toujours. Notre collègue Brard a cité un article des Échos qui laisse penser qu’il est maintenant dans les circuits. Quand l’aurons-nous ?

Au passage, je précise que l’État ne s’est pas du tout désengagé de la taxe professionnelle. Il paie encore à la place des collectivités territoriales plus de 13 milliards d’euros. Entre le coût du plafonnement à la valeur ajoutée – 9 milliards –, le dégrèvement pour investissements nouveaux – 3 milliards –, et les mesures ciblées pour les routiers ou autres, nous sommes loin d’avoir supprimé les dégrèvements et mis fin à la substitution de l’État au contribuable local.

M. Charles de Courson. C’est même le contraire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne vous cache pas mon inquiétude : autant ce dégrèvement est opportun compte tenu de la crise financière et économique, autant il est urgent de savoir par quoi on le remplace. Et, comme nous avons l’obligation d’aboutir, c’est au Parlement de se saisir de la question. Or, telle une pelote de laine qui se dévide, tout va venir derrière. Comment remplacer la taxe professionnelle sans se poser la question de l’organisation territoriale ? Je rappelle que la taxe professionnelle est votée et perçue à six niveaux différents : l’État, qui vote le taux minimal ; la commune ; l’intercommunalité qui n’est pas en TPU ; le département ; la région et les chambres consulaires !

M. le président Didier Migaud. Ayons la lucidité de reconnaître, monsieur le rapporteur général, que la taxe professionnelle est morte. Il faut donc à tout prix trouver autre chose et s’y mettre au plus vite.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le rapporteur général en 1998 l’avait bien dit. En supprimant la part salaires, on avait un impôt bancal assis uniquement sur les investissements.

M. le président Didier Migaud. Alors, entrons dans le vif du sujet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est au Parlement de prendre la réforme en charge !

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. C’est un peu ce que nous sommes en train de faire avec Jean-Pierre Balligand.

M. Charles de Courson. Mais Mme la ministre ne nous a pas encore précisé si elle était du côté de Mme Thatcher ou de celui de Tocqueville !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’agissant de la péréquation, je remercie vos services, madame la ministre, car ils ont constamment manifesté le souci de l’améliorer, ou au moins de la conserver, même si l’évolution globale doit se limiter à l’inflation. C’est le cas notamment avec la dotation de solidarité urbaine, soit 70 millions d’euros auxquels s’ajoutent les 50 millions de dotation de développement urbain, même s’ils sont pris en charge par les collectivités territoriales. Il ne faudrait pas non plus surestimer la générosité de l’État ! Votre proposition d’affecter la quasi-totalité des 70 millions aux cent cinquante communes les plus pauvres va dans le bon sens.

J’espère aussi que, au sein du Comité des finances locales, nous parviendrons à continuer à mener de pair la solidarité urbaine et la solidarité rurale, en faisant progresser au même rythme la dotation de solidarité rurale. Il faut en outre garder une petite marge pour la dotation nationale de péréquation. Globalement, le niveau de la péréquation est faible, mais ses mécanismes fonctionnent bien, tels les fonds départementaux qu’il ne faut pas tuer. On s’efforce de faire évoluer la dotation nationale de péréquation, qui n’est que le solde du solde, au moins au rythme de l’inflation. Il y a aussi des dispositifs du type du fonds de solidarité de l’Île-de-France, qui mériteraient d’être regardés de plus près.

L’intercommunalité joue aussi un rôle de péréquation. À cet égard, je suis en désaccord avec Charles de Courson. Le Comité des finances locales a reçu récemment les résultats d’une étude menée tous les trois ou quatre ans. La péréquation a tout de même permis de réduire d’une petite moitié les écarts de ressources corrigées des charges, entre 46 % et 47 % pour les communes ou les intercommunalités et presque 60 % pour les départements. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais ce n’est pas négligeable. En tout cas, quelles que soient ses difficultés, l’État doit maintenir son effort en matière de péréquation car les disparités entre collectivités territoriales sont terribles et elles risquent encore de s’accentuer si l’on ne fait rien.

Un mot sur les emprunts toxiques. Il faut dire les choses clairement ! Ces dernières années, nous nous sommes tous rendus à des colloques sur l’emprunt et nous avons tous entendu tel ou tel se vanter de la faiblesse du coût de sa dette et se prévaloir du principe de la libre administration des communes. Si celui qui signe le contrat d’emprunt n’est pas capable de comprendre ce qu’il fait, je ne vois pas pourquoi la solidarité nationale devrait jouer. Il y a des limites, tout de même !

Mme la ministre. Je n’ai pas parlé de « solidarité nationale ». Nous dressons un inventaire pour savoir où se posent les problèmes et nous essayons de jouer les intermédiaires entre les banques et les collectivités. Pour l’instant, les banques demandent, pour se dédire, des sommes considérables aux collectivités, qui ne peuvent pas s’en sortir. C’est à ce stade que nous intervenons.

M. Michel Bouvard. Les grandes collectivités auraient pu regarder ce qu’elles signaient !

M. le président Didier Migaud. Nous aurions tous intérêt à attendre une évaluation précise. Il faut éviter les a priori et exclure d’emblée toute mesure ne me paraît pas obligatoirement la meilleure solution. Il arrive que l’on fasse appel à la solidarité nationale pour des erreurs de gestion commises au niveau de telle ou telle collectivité territoriale. Et il faut aller au fond des choses…

Mme la ministre. Il faut d’abord mesurer l’ampleur du phénomène.

M. le président Didier Migaud. …au lieu de se contenter de leur écume, et sans doute inciter les banques à composer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ma dernière remarque concernera le FCTVA.

Je me demande si l’inclusion du FCTVA, tel qu’il est, dans l’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales, est tenable à terme. La loi de programmation pluriannuelle indique que les concours aux collectivités locales évolueront jusqu’en 2012 au rythme de l’inflation. Si le FCTVA, avec les mêmes règles, devait progresser comme en 2009, c’est-à-dire autour de 10 %, il ne resterait pour les dotations de fonctionnement, à commencer par la DGF, quasiment rien. Ainsi, en 2009, l’ensemble des concours de l’État augmentera de 1,1 milliard, dont 660 millions au titre du FCTVA. Autrement dit, le reste ne représente qu’un accroissement de 0,8 %. De toute façon, le budget de l’État ne peut pas se permettre de voir un poste, dont Mme la ministre nous a dit qu’il représentait près de 25 % des dépenses, évoluer plus que l’inflation. Il y a un risque d’effet de ciseau dont j’espère qu’il sera atténué en 2010, mais ce n’est pas du tout certain. Nous serons obligés, là aussi, de réfléchir rapidement.

Mme la ministre. D’où ce que je propose pour le Comité des finances locales !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vais devoir convaincre mes collègues d’accepter de travailler sur ce sujet.

M. François Pupponi. Je salue l’arbitrage rendu au sujet de la DSU, même si nous souhaitons toujours une réforme pour 2010. Les propositions pour 2009 satisfont l’ensemble des communes concernées.

Quant à la DDU, il faut qu’elle fasse l’objet d’une négociation avec l’État au cours du premier trimestre pour que les communes puissent l’inscrire à leur budget.

Mme la ministre. On peut même anticiper.

M. François Pupponi. Il faut également laisser aux collectivités le choix de l’affectation de la dotation : si l’on n’autorise que l’investissement et si l’on interdit le fonctionnement, on prive certaines communes d’actions indispensables dans les domaines éducatif, culturel ou sportif.

Par ailleurs, on doit prévoir un dispositif d’évaluation pour déterminer si les dotations permettent des améliorations sensibles dans les communes concernées.

Il convient enfin de fixer les critères d’éligibilité et les modalités de calcul de la dotation dès le PLF.

Mme la ministre. Nous essaierons de le faire, au moins dans les grandes lignes.

M. François Pupponi. S’agissant des emprunts, il serait intéressant de mettre en place une cellule de veille qui observerait l’attitude des banques en 2009. Les premières informations dont nous disposons montrent que les conditions d’octroi de prêts deviennent très difficiles pour les communes. Les collectivités les plus à même de rembourser sont privilégiées. Celles qui sont le plus en difficulté pourraient se trouver privées de prêts. Comme, d’autre part, les subventions de l’ANRU s’amenuisent, la baisse des investissements risque d’être dramatique pour les populations.

M. Lionel Tardy. Le mode de calcul de la DGF pour les communes en pleine expansion démographique pose un réel problème, notamment dans mon département de Haute-Savoie.

Ce calcul étant basé sur les résultats des recensements, les augmentations de population sont intégrées avec un certain retard. Or une commune dont le taux de croissance est de 10 % par an a des besoins financiers importants.

Avant 2003, le système de recensement complémentaire permettait une prise en compte rapide de telles évolutions. Ce n’est plus le cas depuis que l’on est passé au nouveau système de recensement par roulement – un cinquième de la commune recensé tous les ans. Plus grave : pendant la transition entre ces deux systèmes, on se base sur une année « médiane » alors que l’on sait que le chiffre est en dessous de la réalité.

Quelles solutions proposez-vous, madame la ministre, pour que la DGF soit calculée au plus juste et au plus près de la population réelle ?

M. Jean-Pierre Balligand. La mission que je mène avec M. Marc Laffineur au nom de la Commission des finance me conduit à poser plusieurs questions.

Alors que les dotations de l’État sont mises sous contrainte, la baisse de la taxe professionnelle se répercutera immédiatement sur le budget de l’État. On va en outre modifier la part issue des entreprises et la part issue des ménages dans les finances des collectivités locales. Or le rapport Valletoux sur la fiscalité et les finances publiques locales, remis au nom du Conseil économique et social et qui avait fait l’objet d’un accord entre l’Association des maires de France, l’Association des départements de France et l’Association des régions de France, préconisait le maintien de la proportion entre la fiscalité sur les ménages et la fiscalité sur les entreprises à 55 %-45 %. C’est également le point de vue de la Commission des finances, qui ne souhaite pas accroître la part des ménages. Est-ce celui du Gouvernement ?

Si l’on réforme le dispositif, il faut prévoir de substituer au système de compensation étatique des allégements de TP – part salariale et, maintenant, investissements productifs – un autre impôt économique. Il n’y a pas si longtemps, une commission a proposé de baser le calcul de cet impôt sur la valeur ajoutée territorialisée. On éviterait ainsi le glissement, propre à la TP, d’un impôt sur les commerces et l’artisanat vers un impôt, plus anonyme, sur l’industrie. Qu’en pense le Gouvernement ?

Si l’on veut éviter de « garrotter » les collectivités, il faut faire bouger l’ensemble du système. Les 12 % de travaux supplémentaires exécutés en 2007 se répercutant forcément sur le FCTVA de 2009, l’évolution réelle des autres dotations est de l’ordre 0,8 %. Il aurait été préférable de mettre en avant ce chiffre et de préciser que la mécanique du FCTVA est tout autre : peu de travaux ont été réalisés en 2008, année qui a suivi les élections municipales, si bien que l’évolution du FCTVA de 2010 ne devrait pas présenter de risque majeur – raison de plus pour faire la réforme à ce moment-là !

Parmi les mesures pour faire bouger le système, ne faudrait-il pas prévoir, par amendement au PLF, la révision des valeurs locatives ?

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial. Nous allons le faire.

Mme la ministre. C’est en effet prévu.

M. Jean-Pierre Balligand. Il faut le préciser dans la loi de finance pour éviter que des réformes au fil de l’eau ne provoquent des distorsions considérables entre communes.

M. Michel Bouvard. Vous avez évoqué, madame la ministre, les problèmes posés par la mise en œuvre de l’article 68, qui prévoit la compensation correspondant à la contribution pour l’exploitation des services ferroviaires transférés de l’État aux régions. Le fondement juridique de cette disposition est incertain, il existe une différence de traitement entre le STIF et les autres autorités organisatrices, on s’expose à une insécurité juridique quant au traitement du passé, et l’on crée, avec l’assujettissement à la taxe sur les salaires, une nouvelle charge non compensée pour les régions. Le Gouvernement est-il favorable à ce qu’un amendement de suppression permette une réécriture de l’article au moment du collectif budgétaire, ou envisage-t-il d’amender le dispositif dès la discussion du PLF ?

Comme l’a souligné Gilles Carrez, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle sont d’excellent outils. Il faut y ajouter les fonds départementaux de péréquation du produit des taxes additionnelles communales aux droits de mutation. Certaines communes pauvres tirant plus du tiers de leurs ressources de ces deux fonds, il faudra veiller à ce que la réforme de la taxe professionnelle prévoie un outil qui se substitue aux FDPTP.

De nombreuses collectivités ont des bases plafonnées de TP très importantes. Elles attendent avec impatience le rapport qui sera consacré à ce sujet.

Les collectivités rencontrent également des difficultés dans la mise en œuvre des dispositions prévues par le collectif budgétaire de 2008 en matière d’énergie réservée. Il serait souhaitable que le Gouvernement rappelle à EDF qu’elle doit fournir les éléments permettant la mise en place du dispositif. L’État lui-même devrait s’astreindre à plus de transparence en ce qui concerne les contingents d’énergie réservée qu’il attribuait autrefois.

Enfin, je salue l’arbitrage du Premier ministre qui prévoit que la moitié des prêts, sur l’enveloppe de 5 milliards d’euros, seront assurés directement par la Caisse des dépôts. Cela permettra aux collectivités les plus fragiles de trouver des solutions alternatives en cas de réactivité insuffisante des banques.

Mme Annick Girardin. Je ne peux que constater, dans le présent projet de loi de finances, l’absence de toute disposition tendant à répondre aux contraintes spécifiques et aux charges structurelles des collectivités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela est contraire à un engagement que nous avions tous pris avec l’article 116 de la loi de finances pour 2008.

Une mission de l’inspection générale de l’administration a pourtant été diligentée ; son périmètre a été élargi et ses travaux ont fait apparaître l’ampleur de la problématique et l’urgence de revaloriser les dotations de l’État. Inquiète de ne pas trouver ici la concrétisation de ces travaux, j’ai l’honneur de vous demander, madame la ministre, la confirmation des engagements de l’État.

M. Bernard Gérard. Ma question concerne le prélèvement communal sur le produit des jeux dans les casinos.

Aux termes du code général des collectivités locales, son produit est perçu par la commune d’implantation, mais peut l’être par les EPCI. Cependant, ce dernier cas est très rare car la commune d’implantation peut s’y opposer et l’EPCI doit disposer de la compétence touristique.

L’ouverture des paris sur Internet va faire revenir une partie du chiffre d’affaires des paris illégaux vers les entreprises ayant pignon sur rue. N’est-ce pas l’occasion de réfléchir à un mode de perception plus « gagnant-gagnant » de ce prélèvement : quand un casino s’implante dans une ville, c’est bien souvent les EPCI qui doivent effectuer des travaux coûteux, de qualité des eaux, d’assainissement, de voirie, sans bénéficier d’aucun retour.

Au moment où une réflexion est lancée sur la réforme de la taxe professionnelle – et ce prélèvement se fait sur le chiffre d’affaires des casinos – ne faudrait-il pas réfléchir à un dispositif plus équilibré : l’implantation d’un casino peut représenter jusqu’à 30 points de fiscalité locale supplémentaire.

Mme la ministre. Quel casino peut être aussi productif ?

M. Bernard Gérard. On nous dit que l’implantation d’un casino à Lille va représenter 4 millions d’euros de taxes supplémentaires.

M. Philippe Gosselin. Madame la ministre, le recensement nous donne quelques soucis.

La Commission des lois a créé une mission d’information. D’après ses premiers résultats, il s’avère que 1 100 communes vont connaître une diminution d’au moins 10 % de leur population. Cela va entraîner pour elles, en 2009, une diminution importante de leur dotation générale de fonctionnement. Cette difficulté ne se reproduira pas en 2010 du fait de l’annualisation.

Nous avons suggéré que 27 millions d’euros de la dotation soient affectés à un « coup de pouce » provisoire, en 2009 seulement, aux 1 100 communes concernées. Le Comité des finances locales a évalué cette proposition. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Mme Marie-Josée Roig. Je voudrais quant à moi évoquer la baisse des dotations de l’État.

Une ville que je connais bien aura perdu 100 millions d’euros en dix ans. Certes, un dispositif de compensation a été instauré. Mais pouvons-nous nous satisfaire d’avoir perdu moins que ce que nous aurions pu perdre ?

Il faut un Grenelle de la fiscalité locale et des concours de l’État ! Aujourd’hui, les concours sont attribués sur des critères hérités du passé et qui ne sont plus pertinents.

La même ville compte 70 % des logements sociaux de son département, le tiers de ses RMIstes ; 23 % de sa population est sous le seuil de pauvreté. Pourquoi les communes de ce type ne sont-elles pas soutenues en fonction de leurs besoins réels ?

La même ville a, pour 90 000 habitants, 41 % de contribuables seulement, et en même temps 4,7 kilomètres de rempart médiévaux, pour lesquels l’État ni l’Europe n’ont jamais fait le moindre effort, le plus grand palais gothique d’Europe et soixante monuments classés, dont elle doit financer la moitié de l’entretien, le reste étant pris en charge par l’État, et le premier festival de théâtre au monde. La culture représente ainsi 18 % de son budget, ce qui est sans doute un record.

Je voudrais aussi vous interroger sur la pérennisation des contingents communaux d’incendie, dont la suppression avait pourtant été inscrite dans la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

On peut comprendre le souhait de réaffirmer le lien entre le SDIS et les collectivités locales, notamment les communes. Cependant, quel est le sort qui sera réservé aux écarts très importants entre villes d’un même département dans le financement des SDIS ? La charge de la même commune est supérieure de 21 % à celle de la moyenne des communes de sa strate, et de 38 % à celle de la moyenne des communes du département. Certes, ce n’est pas un cas particulier, mais il reste que les villes-centres et les communes les plus peuplées sont les plus mises à contribution, alors que les secours sont homogènes sur le territoire du département.

À une heure de difficultés pour les budgets communaux, eu égard notamment à l’évolution des dotations de l’État, il faut non seulement instaurer une limite à l’évolution globale de la contribution des communes, mais aussi rééquilibrer l’effort demandé aux communes d’un même département. On pourrait procéder à un blocage des contributions les plus élevées tant que les plus faibles n’auraient pas rejoint la moyenne du département.

M. Jean-Pierre Gorges. Un débat s’est développé sur les dettes des collectivités locales, où la ville de Chartres a été souvent citée. Je suis maintenant sous la pression des journalistes.

Les dettes ont été émises pour 40 % en emprunts à taux fixe et pour 60 % en emprunts à taux variable et en produits structurés. Cette politique a été très bénéfique pendant huit ans : pendant le précédent mandat, la commune a réalisé 713 000 euros d’économies. Ce type de choix va peut-être devenir moins favorable. Mais il n’y a aucune incidence en 2008 et 2009.

On nous parle de plan ORSEC pour les collectivités locales, mais il faut être très prudent : jusqu’ici, avec ces outils, nous avons gagné de l’argent. Avant toute décision, il faut une période d’observation plus longue. La gestion dynamique de la dette a été très bénéfique pour Chartres, et je la revendique.

On ne sait plus si le débat est financier ou politique. J’observe qu’il concerne beaucoup de villes qui ont basculé lors des dernières élections. S’agit-il de préparer les populations à des hausses d’impôts ? À Chartres, l’an prochain, les impôts vont continuer de baisser, et je suis prêt à démontrer que mon mode de gestion a été utile.

M. Michel Piron. Voilà un maire qui assume !

M. Henri Nayrou. Compte tenu en particulier du Grenelle de l’environnement et des nouvelles contraintes qu’il fait peser sur elles, les 6 226 communes de montagne peuvent aussi faire valoir leurs spécificités et demander un effort supplémentaire à l’État. Lors du dernier congrès des élus de montagne, à Saint-Flour, ces derniers ont fait savoir qu’ils étaient certes décidé à appliquer ces réformes de bon aloi, mais à condition que les territoires à faible densité démographique et à haute valeur environnementale ne soient pas pénalisés alors que, par exemple, la baisse de 2 % du complément des garanties de la dotation forfaitaire ne manquera pas d’avoir des conséquences. J’ajoute que je défendrai en Commission des finances deux amendements relatifs aux trames vertes et bleues visant à mettre en place une nouvelle attribution de la part de péréquation de la dotation de solidarité rurale.

Si, comme l’assure un joli proverbe écossais, celui qui paie les pipeaux commande la musique, ceux qui commandent la musique peuvent aussi payer, de temps en temps, une partie des pipeaux !

M. Michel Vergnier. Les territoires ruraux attendent impatiemment une véritable réforme de la fiscalité comme en attestent toutes les réunions de la commission des territoires ruraux que j’ai l’honneur de présider au sein de l’Association des maires de France. Les maires, en effet, ne peuvent pas se sortir seuls des situations parfois tragiques imputables aux désordres climatiques. Si la période n’est pas propice aux aides exceptionnelles, comment des communes peu peuplées ne se tourneraient-elles pas vers l’État ? Nous vous avons envoyé des dossiers, madame la ministre, sans jamais recevoir de réponses précises. Vous devez aider ces maires !

M. André Wojciechowski. Un arrêt du 20 septembre 2007 du Conseil d’État a confirmé un arrêt de la cour administrative de Lyon accordant à Villeurbanne des indemnités visant à couvrir le traitement des cartes d’identité et des passeports sur une période de cinq ans. Compte tenu de cette jurisprudence, les communes ne manqueront pas de se manifester afin de réclamer des indemnités, ce qui provoquera un engorgement des tribunaux. Envisagez-vous donc, madame la ministre, de créer un fonds spécifique d’indemnisation ?

Mme la ministre. Je vous confirme, monsieur Carrez, qu’il est bien question d’un dégrèvement de la TP et qu’une réflexion doit également se faire jour quant à son remplacement. Par ailleurs, le rapport attendu pour le 15 septembre m’est parvenu hier ou avant-hier et sera donc disponible aujourd’hui.

Le PLF prévoit en outre les mesures nécessaires afin que le Comité des finances locales puisse assurer la progression de la DSR mais nous ne connaîtrons les véritables marges de manœuvre dont nous disposons qu’à la fin du recensement – je l’espère fin décembre ou début janvier – et en fonction des créations d’intercommunalités.

Enfin, d’après le ministère du budget, l’augmentation du FCTVA devrait être en 2010 et 2011 de l’ordre de 300 millions. Quoi qu’il en soit, nous devrons tous discuter afin d’élaborer de nouvelles règles.

Monsieur Pupponi, la dotation de développement urbain englobe à la fois les équipements et les actions. Il conviendra bien entendu d’en contrôler l’utilisation exacte dans le cadre d’une évaluation. Par ailleurs, la difficulté à obtenir des prêts est certes bien réelle, mais les 5 milliards prévus par le Gouvernement doivent précisément interdire tout assèchement du crédit. À ce propos, nous avons mis en place un système de suivi de la bonne exécution par les banques des instructions que nous avons données – chaque semaine, les préfets peuvent ainsi faire remonter d’éventuelles difficultés d’obtentions. Je précise également que tout emprunt à taux variables ne constitue pas un fonds toxique et que seuls les emprunts élaborés de manière extrêmement complexe peuvent être dans ce cas. À cela s’ajoute que toute l’information nécessaire n’avait pas été nécessairement donnée aux collectivités et qu’à l’avenir nous devrons suivre l’évolution de ce type de prêts à travers un compte rendu annuel.

M. Michel Bouvard. Le problème du suivi ne se pose pas seulement pour l’enveloppe des 5 milliards.

Mme la ministre. Certes !

S’agissant de l’évolution de la DGF, monsieur Tardy, il est difficile de se prononcer en raison du temps nécessaire au recensement. Si 2006 est une année médiane, nous n’en sommes pas moins obligés de raisonner à partir d’une cote mal taillée.

En outre, les Commissions des finances et des lois présenteront deux amendements permettant de mieux lisser les décroissances de population et auxquels je ne peux qu’être favorable.

Je souhaite, monsieur Gosselin, que l’on puisse ménager une année de transition pour les communes dont le nombre d’habitants a considérablement chuté.

M. de Courson m’a demandé si je me rangeais plutôt du côté de Tocqueville ou de celui de Mme Thatcher. Tout dépend de quel point de vue l’on se situe... Mais je n’ai pas pour habitude de me référer à tel ou tel, considérant que c’est le pragmatisme qui prime.

Pourquoi, monsieur Balligand, faire baisser immédiatement la taxe professionnelle ? Dans un contexte de crise économique et de concurrence mondiale exacerbée, il nous faut aider nos entreprises et ne pas perdre de vue que si, dans quinze ans, l’Europe sera toujours la première zone de consommation, c’est l’Asie qui sera devenue le premier centre de production. Or nous savons que la taxe professionnelle pénalise la production. En la baissant, ce qui fera repartir l’investissement, nous répondons à la situation de crise.

Bien évidemment, le partage entre la fiscalité des ménages et celles des entreprises sera préservé, puisque l’objectif n’est pas de ponctionner le pouvoir d’achat. Mais gardons à l’esprit qu’alourdir les prélèvements des entreprises pèsera, à terme, sur le pouvoir d’achat des salariés.

La réforme de la fiscalité locale, travail de longue haleine qui entraînera de profonds bouleversements, impose de mener une réflexion à la fois sur les types de fiscalité et sur les attributions, en fonction des compétences. Cette réforme, qui tiendra compte des conclusions du Comité Balladur, devra préserver l’autonomie financière des collectivités locales.

Je travaille depuis plusieurs mois déjà sur la rénovation des bases locatives, qui n’ont pas été réévaluées depuis 1970.

M. Charles de Courson. Depuis 1961 pour le foncier non bâti !

Mme la ministre. Pour ménager une population inquiète, nous devons tendre vers une réforme sensible, profonde et progressive. Je promeus le passage à la valeur vénale – les changements n’intervenant que lorsqu’il y a mutation –, sachant que ce n’est pas l’avis de tout le monde. Je suis décidée à conduire cette réforme dans l’année qui vient, en totale concertation. Nous devons trouver une solution qui soit à la fois définitive, ambitieuse, progressive, et surtout lisible et juste.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À vrai dire, je n’entends parler de la valeur vénale que dans un cénacle limité. J’ai précisé à Mme Lagarde que les associations d’élus ont toutes refusé de passer à un système qui nous ferait prendre des risques démesurés.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécialDans certains quartiers, les mutations sont rares et les changements seront donc très lents. De plus, le logement social pose problème. Nous avons longuement réfléchi avec M. Balligand sur cette question et nous sommes plutôt en train de rejeter cette solution.

Mme la ministre. C’est bien la raison pour laquelle nous devons en parler. Contrairement aux autres formules, le passage à la valeur vénale paraît clair et simple à appliquer.

M. Charles de Courson. En 1996, la totalité des membres du CFL s’étaient mis d’accord sur un mécanisme lent, avec un plafonnement des hausses étalé sur cinq ans. Un texte était prêt, mais il n’a pas survécu à la dissolution, le gouvernement suivant ayant estimé qu’il valait mieux attendre et ne pas prendre de coups. Pourtant, il y avait consensus.

Mme la ministre. Ne confondons pas vitesse et précipitation ! Je compte travailler en concertation avec le CFL sur les différentes hypothèses et disposer d’une solution à l’automne prochain.

Monsieur Bouvard, il y aura bien compensation des transferts concernant les services régionaux de voyageurs et, pour la période précédente, une mesure figurera dans le projet de loi de finances rectificative. En revanche, je dois avouer ne jamais avoir entendu parler de l’énergie réservée.

M. Michel Bouvard. La loi concernant l’attribution du contingent d’électricité a été modifiée afin que les collectivités territoriales obtiennent une compensation financière dès lors que les utilisations possibles ont été rigidifiées par les dispositions de Bruxelles sur la concurrence. Nous souhaitons qu’EDF mette en œuvre les nouvelles dispositions et que l’on nous communique les contingents anciennement attribués à l’État, qui doivent aujourd’hui revenir aux collectivités territoriales.

M. le président Didier Migaud. Cela relève davantage de Bercy.

Mme la ministre. Madame Girardin, vous m’avez interrogée sur la situation particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les conclusions de la mission d’inspection générale ne seront connues qu’à la fin du mois de novembre. En conséquence, les mesures éventuelles que nous pourrions prendre ne figureront que dans le projet de loi de finances rectificative.

Monsieur Gérard, certains EPCI – qui exercent la compétence « tourisme » – peuvent en effet, depuis 2004, instituer un prélèvement direct sur les jeux de casino, sauf si les communes concernées s’y opposent. Ils peuvent aussi, par convention, en reverser une partie à ces dernières, possibilité qui n’est pas toujours connue.

Il est normal que la collectivité qui participe à l’implantation d’un casino sur son territoire en retire un bénéfice mais, selon moi, cette question doit être traitée dans le cadre de la convention initiale signé entre l’EPCI et la société de jeu. Le problème aujourd’hui est que la crise pèse aussi sur les casinos, dont la fréquentation baisse si bien que leur situation n’est pas florissante. Mais ce n’est qu’une mauvaise passe.

Mme Roig a appelé de ses vœux un « Grenelle de la fiscalité locale ». La réflexion sur la réforme de la fiscalité locale que nous avons engagée n’aura pas cette appellation, mais notre objectif est bien de mieux adapter les ressources aux charges induites par l’élargissement des compétences des collectivités territoriales. Je ne doute pas que les discussions entre les différents échelons de collectivités seront nourries.

S’agissant de la pérennisation des contingents communaux pour les SDIS, nous avons effectivement décidé de modifier les dispositions de la loi de 2002. D’une part, il nous paraît important qu’un lien direct soit maintenu entre les maires et les services anti-incendie. D’autre part, c’est un moyen de ne pas figer certaines situations inéquitables. Je rappelle à ce sujet que le conseil d’administration du SDIS peut modifier le montant de la contribution de chaque commune ; cela a été fait dans plusieurs départements.

Mme Marie-Josée Roig. Certes, mais cela relève du bon vouloir de chaque conseil d’administration.

Mme la ministre. Les collectivités ne peuvent à la fois demander plus d’autonomie et attendre de l’État qu’il intervienne dans les relations entre elles. Pour vous aider, le ministère peut vous donner des indications sur les décisions prises par les conseils d’administration de certains SDIS pour rétablir l’équité des contributions communales, ce qui devrait inciter les autres à faire aussi bien.

Je pense, monsieur Gorges, avoir répondu à vos interrogations sur les emprunts à risque. La charte de suivi proposée par Mme Lagarde permettra une analyse dans la durée, et vos deux commissions pourraient rédiger un rapport annuel sur l’état d’endettement des collectivités et ses modalités.

Je suis sensible à vos arguments, monsieur Nayrou, mais vous n’ignorez pas que les communes de montagne bénéficient déjà de très nombreux dispositifs visant à corriger leurs contraintes spécifiques : dotation de superficie dans la DGF, majoration pour la voirie dans la DSR, divers avantages dans la DGE, politique des massifs, par exemple. Je vous écouterai avec attention défendre vos amendements, mais vous connaissez les règles relatives à la création de charges supplémentaires.

Bien entendu, monsieur Vergnier, la réforme de la fiscalité locale concernera aussi  les territoires ruraux fragiles. S’agissant des dégâts causés par des désordres climatiques qui ne peuvent être classés en catastrophe naturelle mais à la réparation desquels une petite commune ne peut faire face, deux solutions existent. L’une, extrême et très rarement appliquée, concerne les communes en défaut de paiement. Plus communément, la réserve parlementaire peut aider à réparer les dégâts à la voirie ou les destructions de ponts intervenus en de telles circonstances.

M. Wojciechowski m’a interrogée sur la compensation par l’État du coût de la délivrance des passeports et des cartes d’identité par les mairies. Je souhaite distinguer les contentieux actuels de la situation future.

Permettez-moi de rappeler en premier lieu que la décision des tribunaux sur les recours formés par les communes est fondée sur la forme et non sur le fond. Les juges ont rappelé que la compensation n’a aucun fondement légal ni constitutionnel puisque les maires ont une obligation en cette matière à l’égard de leurs administrés. Le Gouvernement de l’époque aurait donc pu imposer la délivrance de ces documents aux communes sans indemnité, mais la décision est entachée d’illégalité car elle a été prise par décret. C’est sur ce fondement que les contentieux ont prospéré. J’ai trouvé un accord avec l’Association des maires de France à propos de la compensation et j’attends maintenant le feu vert de Bercy pour que les contentieux en cours soient réglés.

Sur le fond, chacun admettra qu’il est plus facile pour un citoyen de rester dans sa commune ou d’aller dans une commune proche que de se rendre à la préfecture ou à la sous-préfecture pour faire établir une carte d’identité ou un passeport. C’est un gain de temps et d’argent et cela contribue à la préservation de l’environnement en réduisant les déplacements.

Dans l’application de la mesure, il convient de distinguer les habitants de la commune où sera installée la base de traitement – une table et quelques machines – servant à l’établissement de ces documents, et ceux des communes avoisinantes. Pour les premiers, il n’est pas d’indemnisation possible ; la compensation concerne les seuls habitants des communes voisines, ce qui représente un nombre limité de personnes puisque, dans 30 000 communes, un seul titre est délivré chaque année, et ailleurs très souvent pas plus de dix. Des simulations auxquelles nous avons procédé pour apprécier le temps nécessaire à la délivrance d’un document d’identité, il ressort que l’on oscille entre huit et dix minutes. De manière provisoire, nous avons calculé la compensation forfaitaire en prenant l’hypothèse qu’il faudrait un quart d’heure. Nous procéderons aux ajustements nécessaires dans un an, quand la mesure, qui est d’application progressive, aura été généralisée et que son coût effectif aura pu être mesuré. Les maires qui pensent que ce coût sera important doivent veiller à ne prendre en compte dans leurs calculs que les non-résidents.

En résumé, le contentieux passé est clos ; il n’a pas lieu d’être pour l’avenir et je ferai tout pour que personne ne soit lésé.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie, madame la ministre, pour la précision de vos réponses, qui attestent d’une forte conviction.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures quinze.

Le Directeur du service
des comptes rendus des commissions,


Michel KERAUTRET

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