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Débats de la séance

Compte rendu
intégral

Commission des finances, de l’économie générale
et du plan

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Commission élargie

Mardi 17 juin 2008

(En application de l’article 117 du règlement)

Règlement définitif du budget de 2007

Mission « Enseignement scolaire »

Présidence de M. Didier Migaud,
président de la commission des finances,
de l’économie générale et du plan

(La réunion de la commission élargie commence à dix-huit heures cinq.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, je suis heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie consacrée à l’enseignement scolaire dans la loi de règlement 2007. Je vous prie de bien vouloir excuser Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui a été contraint de réunir les membres de sa commission compte tenu des modifications apportées à l’ordre du jour.

Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie a pour objet de favoriser un dialogue qui se veut vivant entre les ministres et les députés, par des questions directes et des réponses tout aussi directes sur l’exécution du budget, et d’une mission en particulier.

La conférence des présidents et la commission des finances ont souhaité que nous consacrions davantage de temps à suivre l’exécution du budget et que nous anticipions sur le projet de loi de règlement qui sera présenté en séance publique le 30 juin prochain. Parmi les thèmes retenus par la conférence des présidents figure l’enseignement scolaire.

Le rapporteur spécial de la commission des finances, Yves Censi, a préparé une note de présentation qui résume ses principales appréciations sur la gestion 2007 et sur les documents budgétaires. Notre discussion pourra donc s’engager, sans discours préliminaire, sur ses questions puis sur celles de Frédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la mission « Enseignement scolaire ».

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre, en tant que rapporteur spécial je me réjouis de cette audition consacrée à la loi de règlement, tout en regrettant qu’elle soit un peu trop courte.

Je m’attacherai à remplir mon rôle de rapporteur spécial, non au sens comptable du terme mais au sens de la LOLF, c’est-à-dire en comparant les résultats par rapport aux coûts puisqu’il s’agit bien d’atteindre des objectifs. À ce titre, je me permettrai de vous féliciter pour l’exécution globale de ce budget.

La mission « Enseignement scolaire » représente le premier poste de dépenses de l’État et la moitié environ de ses agents, soit plus d’un million.

L’année 2007 a constitué une année de construction des bases sur lesquelles les réformes à venir vont se fonder, et de préparation à une évaluation nouvelle de l’enseignement à tous les niveaux, afin de mieux en mesurer, à terme, l’efficacité.

Les dépenses exécutées se sont élevées à 59 052 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 58 768 millions d’euros en crédits de paiement. La consommation des crédits est donc de 99,6 %, respectant ainsi la norme de dépenses fixée par la loi de finances initiale. Mais ce taux de consommation est aussi la marque d’une gestion tendue. Les écarts en exécution ont été faibles par rapport à la programmation budgétaire initiale, et en diminution par rapport à 2006.

En outre, la gestion a été pragmatique, avec le recours à la fongibilité asymétrique et les mouvements de crédits entre programmes. Cependant, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel note que l’écart par rapport à la programmation est plus marqué pour l’exécution des dépenses hors titre 2 que pour les dépenses de masse salariale. Pour ces dernières, l’écart par rapport à la programmation a été de 2,7 %.

Cet écart par rapport à la prévision budgétaire initiale reflète les actions des gestionnaires, et en particulier les décisions politiques nouvelles mises en œuvre : le recrutement supplémentaire d’auxiliaires de vie scolaire pour l’accueil des handicapés, la mise en place d’études dirigées dans 900 collèges situés en zone d’éducation prioritaire, la suppression des décrets Robien de révision des charges horaires et la relance des contrats aidés. Les dépenses de bourses et de forfait d’externat sont également à l’origine du dépassement.

Le volume des reports de crédits – 110 millions en crédits de paiement – me semble tout à fait raisonnable en valeur relative.

Le plafond d’emplois a été fixé, pour 2007, à 1 044 980 équivalents temps plein travaillé. Seuls 4 051 emplois n’ont pas été consommés. Les crédits de personnel ont donc été consommés à hauteur de 99,6 %. Je rappelle que ce plafond d’emplois avait été établi en réduction de 59 467 ETPT par rapport à celui de 2006, ce qu’il convient de saluer.

L’excédent dégagé est dû essentiellement aux 2 400 emplois laissés vacants en cours d’année par les personnels TOS dont les départs ne sont plus remplacés, cette charge incombant désormais aux collectivités territoriales et étant compensée par le budget de l’État mais pas par celui de l’éducation nationale.

La prévision initiale a permis des marges de manœuvre suffisantes pour financer l’intégralité à la hausse supplémentaire de la valeur du point fonction publique de 0,3 % au 1er février 2007, s’ajoutant aux 0,5 % prévus, et dont le coût s’est élevé à 167,5 millions d’euros.

La mesure de la performance repose sur 26 objectifs et 109 indicateurs, dont 76 % sont renseignés, contre 42 % il y a un an, ce qui représente un progrès certain. Certains indicateurs majeurs pour l’évaluation des performances de l’enseignement scolaire sont encore absents des projets et rapports annuels de performances, comme les sorties sans diplôme ou qualification et l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences.

Le rapport annuel de performances permet de constater les progrès accomplis dans la mesure de la performance, comme les progrès réalisés dans la poursuite de certains des objectifs fixés par le Gouvernement. À ce titre, on peut s’appuyer sur l’excellent rapport de la Cour des comptes. Cependant, votre rapporteur spécial considère que cette mesure appelle l’élaboration d’une véritable politique d’évaluation de l’efficacité de notre système scolaire, qu’il s’agisse de l’efficacité de son enseignement ou de son organisation. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous donniez votre sentiment à ce sujet.

Plusieurs autres questions m’ont paru importantes.

La première concerne le recours au mécanisme de la fongibilité des crédits qui reste très restreint au sein de la mission puisqu’il est limité à 82 millions d’euros, soit une part infime des crédits. Quel usage les gestionnaires de programme font-ils de cette faculté ? Les mouvements de fongibilité n’ont-ils pas lieu souvent trop tard pour que les crédits soient utilisés à d’autres fins ?

S’agissant de la gestion des personnels, quelles sont les simplifications statutaires opérées en 2007 ? Quels sont les progrès apportés au système d’information, de gestion et de suivi des emplois ? Le pilotage a-t-il été amélioré ?

Une deuxième série de questions a trait à la mesure de la performance et à l’évaluation. De quelle manière l’administration et les académies incitent-elles les établissements à évaluer leur activité et à s’insérer dans la mesure de la performance ? Les objectifs portés par la LOLF, qui consistent à passer d’une logique de moyens à une logique de performances et de résultats, sont-ils pris en compte dans les académies et jusqu’au niveau des établissements ? Il me paraît très important de descendre jusqu’à ce niveau afin d’avoir une vision claire de la réalisation des objectifs et des coûts qu’ils représentent.

Les objectifs et les indicateurs qui existent aujourd’hui et qui doivent encore faire l’objet d’améliorations devront-ils être remis en question ou adaptés aux nouvelles réformes envisagées ? Voilà un sujet de fond qu’il est important d’évoquer.

Enfin, quelles sont les réflexions en cours sur la mise en place d’un système d’évaluation de l’efficacité des enseignements délivrés ?

J’en viens à quelques questions diverses sur l’état de la réflexion à propos du coût des examens. Il semble que la mesure de ce coût ne permette pas encore de trouver les moyens de réduire la dépense. Quels sont les projets du Gouvernement en ce domaine ? Comment ont été mises en place les expérimentations sur ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la « reconquête du mois de juin », expression dont vous êtes l’auteur et dont je me permets de vous féliciter ?

Comment s’est opéré, en 2007, le recrutement des AVS-I et des AVS-Co ? Quelles sont les perspectives pour 2008 ? Il serait souhaitable de favoriser la professionnalisation des AVS-I, comme le demandent les établissements et les familles d’élèves handicapés. Quels moyens le ministère envisage-t-il pour parvenir à la professionnalisation ?

Quel est le bilan de recrutement des contrats aidés en 2007 ? Pour 2008, il me semble important de conserver un nombre suffisant d’adultes présents, voire référents, dans les établissements scolaires. En effet, au vu de l’expérience, chacun reconnaît que les contrats aidés remplissent une mission indispensable, même si l’on peut souhaiter que les personnels des établissements y soient fidélisés. Quels sont les projets de votre ministère afin de maintenir à l’avenir une présence suffisante d’adultes ? Est-ce un enjeu important pour vous ? D’autres types de contrats sont-ils envisagés ?

Pour ma part, je me permettrai d’évoquer une piste d’évolution en souhaitant qu’elle soit examinée : la contractualisation avec des personnes extérieures ou des organismes, par exemple des entreprises associant des maisons du handicap. Si nous restons attachés à la réalisation des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, il faut aussi répondre à l’enjeu de l’insertion. On sait que certaines tâches, comme les travaux informatiques, qui sont accomplies actuellement par des titulaires de contrats aidés, sont très techniques. De telles missions pourraient être confiées à des personnels issus d’une entreprise liée à l’établissement par un contrat qui comporterait un cahier des charges précis. Lorsque ces tâches requièrent une réelle expérience, comme l’accompagnement des élèves handicapés, la mission d’accompagnement ne pourrait-elle pas être envisagée de façon plus large en incluant au temps scolaire des temps extérieurs ? Je pense, là encore, à la mise à disposition de personnels issus soit de la maison du handicap, soit de services sociaux.

Je le répète, certaines tâches peuvent être effectuées par des personnels autres que des fonctionnaires de l’éducation nationale ou des titulaires de contrats aidés. Par ailleurs, ces organismes extérieurs, appelés à fournir des personnels aux établissements scolaires, pourraient être eux-mêmes à l’origine du recrutement des personnes en contrats aidés puisque la question de leur insertion se pose quand il s’agit de contrats temporaires. Ces organismes participeraient ainsi à la mission de réinsertion qui est à la base de ces contrats. On pourrait très bien imaginer une expérimentation, même restreinte, au titre de l’article 34 de la loi d’orientation pour l’école, pour répondre à ces deux objectifs que sont à la fois la performance et l’insertion.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Monsieur Censi, je vous remercie pour les questions très précises que vous posez.

Vous avez souligné que les dépenses exécutées s’étaient élevées, pour 2007, à 59 milliards. Je pense que vous y englobez le coût de l’enseignement agricole, le budget dont j’ai la charge s’élevant à 58 milliards. C’est une situation bien étrange, que je rencontre chaque année lors de l’examen du projet de loi de règlement du budget et qui pourrait me conduire à devoir répondre sur des sujets pour lesquels je n’ai aucune maîtrise. Monsieur le président de la commission, je vous signale ce problème qui n’a pas encore trouvé de réponse.

M. le président. On vous autorisera un « joker » ! (Sourires.)

M. le ministre de l’éducation nationale. Je remercie votre rapporteur spécial d’avoir souligné que, malgré un budget considérable qui représente 22 % des dépenses de l’État, la gestion de nos moyens est relativement soutenue. Peut-être avons-nous moins de mérite que les autres puisque 95 % de ce budget est consacré aux salaires. Il paraît difficile de ne pas bien gérer cet aspect, sinon nos fonctionnaires s’en souviendraient. Notre marge de manœuvre est donc étroite.

Il est vrai qu’au sein de la mission « Enseignement scolaire » le recours à la fongibilité reste très restreint : 82 millions d’euros, soit une part infime de nos crédits. Malgré tout, cela nous a permis de couvrir des charges transférées techniquement du titre 2, autrement dit de financer la transformation de mises à disposition détachement, à la fois dans les associations mais aussi dans nos opérateurs.

Le ministère de l’éducation nationale a une longue tradition de mises à disposition. Mais celles-ci sont moins faciles aujourd’hui car il a besoin de personnels. Aussi proposons-nous des détachements. Nous préférons avoir en crédits plutôt qu’en emplois les personnels que nous n’utilisons pas.

Deuxième utilisation de la fongibilité : les financements académiques pour des situations particulières qui se sont présentées un peu brutalement, notamment le renouvellement des contrats aidés dédiés aux enfants handicapés et aux directeurs d’école, qui avait été décidé en juin 2002. Nous avions prévu alors de procéder à la diminution régulière de ces contrats aidés, sauf dans deux secteurs : le soutien technique apporté aux directeurs et les handicapés.

Nous avons utilisé également ces financements académiques pour indemniser les titulaires d’emplois jeunes qui se retrouvaient au chômage. Et nous avons dû répercuter le point fonction publique sur la rémunération des assistants d’éducation. Il a bien fallu que je trouve quelque part cet argent pour nos contractuels.

Enfin, il faut signaler les efforts de gestion réalisés par nos services académiques, en particulier dans la gestion de leur budget, pour qu’ils puissent se redéployer vers des actions pédagogiques et culturelles.

J’avoue que je ne suis pas fanatique de la fongibilité car tous les reports non utilisés sont gelés par le ministère du budget. Voilà qui n’incite pas à la bonne gestion puisqu’on nous reprend ce que nous mettons de côté.

M. le président. Nous menons une réflexion en la matière avec le ministère du budget. La réserve de précaution devrait normalement éviter ce type de gel.

Cela dit, la situation des finances publiques est telle que le ministre du budget peut se voir contraint de prendre des décisions elles-mêmes exceptionnelles. Normalement, la fongibilité asymétrique a été faite pour que vous puissiez...

M. le ministre de l’éducation nationale. Tout dépenser !

M. le président. Mais à bon escient...

M. le ministre de l’éducation nationale. Certes !

M. le président. ...pour répondre à des objectifs.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Des crédits sont économisés sur la ligne masse salariale et l’on ajuste automatiquement à la baisse la dotation budgétaire de l’année suivante, comme cela a été le cas au ministère de la justice. Avez-vous constaté le même phénomène ?

M. le président. C’est un détournement de l’esprit de la LOLF.

M. le ministre de l’éducation nationale. Et cela n’encourage pas la bonne gestion !

Pour ce qui me concerne, cela représente 200 millions d’euros.

M. le président. Voilà un point essentiel pour l’ensemble des gestionnaires.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Les conséquences pour l’enseignement agricole sont parfois reportées sur votre ministère, sans que ce soit vraiment transparent au moment des décisions. Et cela pose beaucoup de problèmes à l’enseignement agricole.

M. le ministre de l’éducation nationale. C’est vrai. Il faudra sans doute un jour que l’enseignement agricole fasse l’objet d’une mission spécifique.

M. le président. Peut-être pas une mission, plutôt une action.

M. le ministre de l’éducation nationale. J’ai été confronté à ce problème à plusieurs reprises.

Cette année, il n’y a pas eu beaucoup de simplifications statutaires. La principale mesure a été la fusion du corps des attachés de l’administration centrale de l’éducation nationale avec celui des attachés de l’administration scolaire universitaire. Il s’agissait d’ailleurs d’appliquer le décret du 23 décembre 2006 créant le nouveau corps des attachés de l’administration de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Cette mesure, qui concerne 10 000 agents, permet une meilleure clarté, une gestion plus simple et la mobilité des personnels entre des postes de l’administration centrale, des établissements, et des services déconcentrés, tout en évoluant à l’intérieur d’un même corps. Cette fusion des corps sera poursuivie en 2008 et concernera les personnels de catégorie B puis ceux de la catégorie C de la filière administrative.

M. Censi m’a interrogé ensuite sur la question essentielle des systèmes d’information, de gestion et de suivi de nos emplois. Nous avons lancé un très vaste projet de refonte de l’ensemble de nos systèmes d’information qui concourent à la gestion des personnels, le projet SIREN. La refonte complète de l’application du dispositif du contrôle national des emplois de l’éducation nationale a été engagée. Le rapprochement des moyens alloués par le ministère et déclinés localement par les recteurs permettra un meilleur suivi de la consommation des emplois. Autrement dit, il y aura une plus grande unité, la sectorisation académique compliquant le suivi de nos emplois.

La nouvelle version de l’outil sera déployée avant la fin de l’année 2008 et encore améliorée à la rentrée de 2009. Nous disposons donc maintenant tous les outils permettant la lisibilité de la gestion et du suivi des ressources humaines, ce qui est la moindre des choses lorsque l’on emploie 1 044 980 équivalents temps plein.

Comme la main-d'œuvre est répartie à travers une multitude d’établissements, il faut un dialogue constant autour de la performance entre l’administration centrale et nos académies. Du reste, nous organisons deux fois par an des rencontres entre nos services gestionnaires académiques et notre administration centrale afin de nous mettre d’accord sur les indicateurs LOLF, les performances attendues, autrement dit de faire en sorte qu’il y ait une logique nationale et que les cibles académiques en soient la déclinaison. Nous avons donc produit des projets annuels de performance académique, les PAPA, qui sont déclinés à leur tour en projets de performance par établissement et par circonscription. En d’autres termes, nous organisons l’interface entre l’administration centrale et les académies. Puis, l’académie élabore son PAPA entre l’administration rectorale, l’établissement et la circonscription, c’est-à-dire l’unité administrative du premier degré. Des lettres de mission sont adressées aux chefs d’établissement afin que les objectifs fixés soient clairement connus.

Si la gestion est tout à fait conforme à l’esprit de la LOLF, elle a modifié les habitudes d’une partie de nos personnels.

Nous ne savons pas encore s’il y a parfois des dysfonctionnements entre l’administration centrale et les gestions académiques, ce qui nous permettrait de redéfinir nos pilotages nationaux.

Nous ne sommes pas seulement une administration, nous produisons un service qu’il faut évaluer. Et si nous essayons d’avoir un cadre général pérenne, les indicateurs afférant aux objectifs sont liés aux réformes que nous engageons. C’est le cas par exemple de l’objectif « conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences de base exigibles au terme de la scolarité primaire ». Ses indicateurs évoluent en fonction de politiques qui, elles-mêmes, bougent – changement de programme, de type de service des personnels, mise en place de dispositifs de remédiation. Nous déclinerons ces nouveaux dispositifs pour que nos collectes de données soient adaptées aux évolutions des politiques que nous fixons. C’est, par définition, un corps en mouvement continuel puisqu’il s’adresse à des personnes et des personnels eux-mêmes sans cesse en mouvement.

Autrefois, par exemple, la proportion de jeunes en difficulté de lecture était mesurée lors des tests passés dans le cadre de la journée d’appel de préparation à la défense. Depuis, nous avons défini des indicateurs en CE1, CM2 et troisième. Ils nous permettent d’évaluer les compétences des élèves, celles-ci étant ensuite inscrites dans le projet global de performances. Autrement dit, nous avons inventé nos propres indicateurs qui sont eux-mêmes réajustés en fonction de nos politiques et qui s’inscrivent dans des stratégies éducatives que nous avons fixées, par exemple l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences.

L’évaluation de l’efficacité des enseignements est une question complexe, parce que nous devons d’abord savoir ce que l’on évalue et ce qui est destiné à être évalué. S’agit-il des connaissances et des capacités acquises par l’enfant en tant qu’individu ou par l’enfant relativement au taux de progression global ou aux objectifs que nous avons fixés par nos propres programmes ? Nous avons pensé que les dispositifs classiques de protocole national d’évaluation en CE1 et CM2, qui permettent de dresser l’état objectif de ce que sait une cohorte à un moment donné, devaient être complétés par d’autres systèmes d’évaluation dont j’ai parlé précédemment.

Nous sommes en train de faire évoluer le séquencement de nos divers tests, de façon qu’ils ne se télescopent pas. Ainsi, les tests effectués en CM2 permettent d’organiser une remédiation en sixième et de se demander, par exemple, si les élèves ont besoin de stages, de projets personnels de réussite éducative, etc. L’évaluation en CM2 sera déplacée très tôt dans l’année afin de nous permettre de mettre en place des politiques susceptibles d’améliorer les apprentissages.

Dans l’école primaire, l’évaluation de nos enseignements a changé dans la mesure où elle cherche essentiellement à prévenir plutôt qu’à constater.

Bien évidemment, si ce sont les maîtres qui évaluent, la procédure d’évaluation et la passation des épreuves s’inscrivant dans un cadre national. Celles-ci doivent faire l’objet d’un compte rendu aux parents, afin de prendre en compte les résultats individuels de l’élève, ceux de la classe et permettre à l’équipe pédagogique de réfléchir sur les échecs, les réussites, les stratégies et les méthodes à mettre en œuvre. L’évaluation est l’un des points les plus difficiles à rendre constamment performante. Il est clair que l’évaluation de l’efficacité de nos enseignements doit s’inscrire dans une vision assez longue et justifie une variété d’informations sur les élèves tout au long du parcours scolaire et non plus simplement des évaluations diagnostiques qui tombent brutalement tous les deux ou trois ans.

C’est vrai, les examens coûtent cher. Cette année, un peu plus de 615 000 élèves passent le baccalauréat, ce qui suppose 150 000 correcteurs et examinateurs, l’élaboration de 4 800 sujets, 4 millions de copies. C’est une machine infernale que je ne commenterai pas puisqu’elle consiste à évaluer des élèves dont 80 % seront reçus quoi qu’il arrive, les 20 % qui restent l’étant l’année suivante.

M. le président. Vous n’êtes pas encourageant !

M. le ministre de l’éducation nationale. Cet examen coûte très cher par rapport à ce qu’il nous apprend sur le niveau des élèves. Je ne dis pas pour autant, contrairement à ce que je peux lire ici ou là, que tout le monde est bachelier. Nous en sommes d’ailleurs bien loin puisque 64 % seulement d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, c’est-à-dire que plus d’un jeune sur trois de sa classe d’âge ne l’aura jamais. Et cela fait dix ans environ que ce taux n’a pas varié.

Des efforts doivent être accomplis pour que le coût des examens ne soit pas aussi un coût en termes d’enseignement. C’est ce que j’appelle la « reconquête du mois de juin ». Il est en effet dommageable que dès la fin du mois de mai les établissements commencent à être en dysfonctionnement parce qu’il faut préparer les salles où auront lieu les examens, parque des professeurs corrigent, parce qu’il faut assurer la confidentialité des sujets et accueillir les élèves. Pour peu que l’établissement soit aussi un collège, cela veut dire que dès la sixième un élève peu perdre un mois d’enseignement chaque année. Or, je rappelle qu’un mois de lycée coûte un milliard d’euros.

Nous avons donc considéré qu’il y avait là une perte d’argent, d’énergie et d’efficacité, qui empêche les élèves de terminer le programme. Aussi essayons-nous de proposer des solutions. Nous avons expérimenté cette année, dans quatre académies et deux départements, cette fameuse reconquête du mois de juin, qui consiste à faire passer des épreuves dans d’autres lieux que des lieux d’enseignement, à faire surveiller ces examens par d’autres personnes que les professeurs eux-mêmes et à compenser le fait que les professeurs devront corriger leurs copies tout en assurant des enseignements par une rémunération bien meilleure de la copie. Nous sommes au-delà de 5 euros, contre 1,30 euro précédemment. Et dès cette année, nous avons repoussé de près d’une semaine l’épreuve de philosophie. Si, comme nous le pensons, les expérimentations donnent satisfaction, nous généraliserons ce dispositif l’an prochain à tout le territoire.

Voilà donc un exemple typique de rationalisation des coûts de fonctionnement qui nécessite seulement une autre organisation, n’engage pas de dépenses nouvelles et permet même de faire des économies, en tout cas de mieux utiliser nos moyens.

Nous continuerons à réfléchir à la diminution du coût des examens par la simplification du processus de production de sujets, la mutualisation des services académiques affectés à l’organisation des examens, la dématérialisation des corrections de copies et des états de frais. L’informatisation et la numérisation nous permettront sans aucun doute de faire des économies.

J’en viens à la scolarisation des élèves handicapés. À la rentrée 2007, 162 000 élèves handicapés ont été accueillis à l’école – 68 % dans le premier degré, 32 % dans le second degré – soit 80 % de plus qu’en 2003, et 4 % par rapport à 2006, ce qui constitue un progrès considérable. À la rentrée 2008, 10 000 handicapés supplémentaires seront accueillis. Pendant l’été 2007, nous avons dû recruter, un peu précipitamment je le reconnais, 2 700 AVS-I supplémentaires. Je rappelle qu’ils sont recrutés par les inspecteurs d’académie, contrairement aux AVS-Co qui le sont par les établissements. Ces 2 700 AVS-I se sont ajoutés aux 8 820 déjà existants et aux divers contrats aidés dédiés tout particulièrement à l’accompagnement des élèves en situation de handicap dans l’enseignement public et privé.

Ces AVS-I ont bénéficié d’une formation de 60 heures afin de renforcer leur professionnalisation. Nous offrons également aux élèves handicapés des équipements adaptés grâce au plan Handiscol, excellent plan créé par Mme Royal. La dépense cumulée à ce titre s’élève à 80 millions d’euros. En 2007, près de 200 millions d’euros ont été consacrés à l’assistance éducative au handicap.

Vous le voyez, nous sommes très mobilisés sur ce sujet et nous poursuivrons dans ce sens. En 2008, nous accueillerons 10 000 élèves handicapés supplémentaires et nous créerons 200 unités pédagogiques d’intégration, notre objectif étant d’atteindre le nombre de 2 000 UPI d’ici à 2010 afin de couvrir tout le territoire national. J’ajoute que nous voulons créer également de telles unités en lycée professionnel, même si peu d’élèves handicapés fréquentent actuellement ce type d’établissement. Des raisons matérielles ou objectives ne doivent pas les empêcher d’y être accueillis.

De même, quelques-uns de nos enseignants sont mis à disposition des centres médico-sociaux et je souhaite qu’autant de places que possible y restent ouvertes.

La montée en puissance de l’accueil des handicapés pose évidemment la question du statut des AVS-I que votre rapporteur spécial a évoquée. Comment professionnaliser les AVS-I et faire en sorte que leur formation initiale et continue ne soit pas inutile ? D’abord, il faut rendre hommage à leur travail. Chacun sait que ces personnels accomplissent un effort considérable et qu’ils sont attachés aux élèves dont ils s’occupent avec beaucoup de dévouement et de talent.

En octobre dernier, pour assurer leur formation et l’accompagnement de ces personnels, nous avons signé une convention avec des associations spécialisées. Après quelques années d’expérience, nous réfléchissons maintenant, avec Valérie Létard et Xavier Bertrand, à la professionnalisation de ces fonctions. Nous essayons de voir si nous pouvons faire converger les fonctions d’accompagnateur du handicap à l’école et hors de l’école – actuellement, ce ne sont pas les mêmes fonctions – afin de mettre fin à ce cloisonnement.

Nous souhaitons aussi simplifier les conditions d’embauche et d’activité des AVS. Ces professionnels pourraient être embauchés localement pour des durées adaptées à des cas nouveaux. Enfin, il faut faire en sorte que ces AVS, qui ont acquis des compétences en milieu scolaire, puissent travailler dans des établissements médico-sociaux. Et peut-être faut-il aller plus loin en créant une filière des métiers de l’accompagnement. Mais ceci ne relève pas de ma compétence, même si je suis tout à fait disposé à faire en sorte que les choses avancent.

J’en arrive à la question des contrats aidés. À la fin de 2007, on dénombrait près de 50 000 emplois de vie scolaire, dont 60 % de contrats d’avenir et 40 % de contrats d’accompagnement dans l’emploi, pour un montant de 180 millions d’euros. Ces personnels sont très bien accueillis par la communauté éducative et rendent de vrais services, y compris dans l’accompagnement des handicapés dont je viens de parler. Ils assurent aussi des missions de soutien administratif, de surveillance, de présence dans les CDI, de fonctionnement des salles informatiques. Nous avons tout fait pour maintenir une partie de ces contrats aidés, en particulier les personnes qui exerçaient des fonctions auprès des directeurs d’école et des handicapés. Pour les autres fonctions, un poste sur deux seulement est remplacé.

Je ne cache pas que la disparition de ces personnels pose parfois des difficultés à nos établissements. Mais il est normal que nous aidions ces personnels à sortir des contrats aidés, à avoir des projets professionnels, un suivi de formation professionnelle, des entretiens d’évaluation. Nous faisons tout notre possible pour les accompagner afin qu’ils puissent trouver un véritable emploi.

Pour 2009, notre objectif est de maintenir un nombre suffisant de contrats aidés, toutes fonctions confondues, afin de stabiliser le nombre d’adultes dans les établissements et d’accompagner la mise en œuvre progressive de l’autonomie de ces établissements. Je le répète, il ne s’agit pas de retenir ces personnes qui voudraient se diriger vers une insertion professionnelle plus longue, mais de stabiliser le nombre d’adultes dans nos établissements. Nous sommes tout à fait solidaires de la politique de recalibrage de notre emploi public, mais nous avons aussi besoin de ces adultes. Voilà pourquoi nous travaillons avec le ministère de l’emploi afin que ce dispositif de contrats aidés ne disparaisse pas trop rapidement.

Votre rapporteur spécial a dessiné des solutions, comme la contractualisation avec des organismes de gestion en informatique, ce qui existe déjà. Mais cela ne peut se faire qu’à la marge.

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le ministre, il est évident que la mission « Enseignement scolaire » revêt une importance considérable pour notre jeunesse et donc pour l’avenir de notre pays. Avec 12 millions d’élèves, un peu plus d’un million de personnels et des crédits de paiement s’élevant à 58 milliards d’euros, il est normal de s’interroger sur l’efficacité de la dépense publique et la performance du système éducatif.

Tout d’abord, il convient de se féliciter des progrès qui ont été réalisés ces dernières années en matière d’accueil des enfants handicapés. Les objectifs fixés par la loi du 23 avril 2005, qui prévoyait la création de 200 UPI par an, sont respectés. Par ailleurs, je suis très heureux que nous puissions avancer avec les emplois de vie scolaire et les auxiliaires de vie scolaire.

Je souhaiterais revenir sur la maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences, que je considère comme l’un des aspects majeurs de la loi de 2005. Les indicateurs qui ont été mis en place sur les différents piliers du socle commun sont au nombre de sept aujourd’hui, contre cinq initialement. J’aimerais que vous nous donniez des précisions en la matière.

Mon deuxième point concerne les élèves en difficulté. Le rapport du Haut Conseil de l’éducation a relevé que 25 % d’élèves sortaient de l’enseignement primaire avec des acquis fragiles et que 15 % avaient des difficultés sévères ou très sévères. Nous disposons en la matière d’éléments de réponse, comme les programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE. Il faut s’interroger sur les moyens humains et financiers mis en place en direction des élèves en grande difficulté.

Vous avez apporté récemment une réponse avec la mise à niveau en mathématiques et en français des CM1 et CM2 pendant les petites vacances. Je peux témoigner, comme certains de mes collègues, que nous avons eu d’excellents échos, à la fois de la part des enseignants qui y ont participé, des parents d’élèves et des élèves qui étaient heureux d’être à l’école pendant les vacances. Je tiens à vous féliciter pour cette initiative.

En ce qui concerne l’accompagnement éducatif dans les collèges d’éducation prioritaire, les moyens accordés aux collèges « ambition réussite » semblent également donner des résultats. Je note que les collèges « ordinaires » jalousent quelque peu les moyens alloués aux collèges « ambition réussite ». Il est important de mesurer l’impact de ces actions personnalisées de soutien sur le taux de réussite au brevet ou au baccalauréat. S’il est trop tôt pour le voir, peut-être faut-il mettre en place des indicateurs pour en surveiller l’évolution.

J’ai du mal à comprendre que l’indicateur de redoublement dans l’enseignement public du premier degré n’ait pas été renseigné. Visiblement, le recensement des élèves dans le premier degré n’est pas très fiable. La grève administrative des directeurs d’école, qui n’a que trop duré, n’y est sans doute pas étrangère. Il faudra certainement que des initiatives soient prises en vue de redéfinir les directions d’école.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, j’avais mis l’accent dans mon rapport sur l’orientation, et plus particulièrement sur le travail des conseillers d’orientation psychologues. J’aurais aimé voir des indicateurs sur les entretiens d’orientation, sur les décisions d’orientation et sur la mise en place des passerelles entre les voies professionnelles, technologiques et générales. Je crois que c’est que ce souhaitent beaucoup de personnels et les familles.

Enfin, je veux vous interroger sur deux indicateurs du programme 214 « Soutien à la politique de l’éducation nationale ». J’ai été surpris du coût moyen par candidat présent au concours de recrutement des enseignants du second degré, qui passe de 197 euros en 2006 à 221 euros en 2007, soit une augmentation de 12 %. Comment maîtriser cette dépense ?

Monsieur le ministre, vous avez parlé tout à l’heure du corps des attachés d’administration et de leur évolution vers la catégorie B. S’agissant de la dispersion des emplois administratifs, le rapport indique qu’un nouvel outil permettrait de mieux moduler la répartition, notamment au niveau de certaines suppressions d’emplois. Quelles sont les différentes disparités entre les académies et les régions à ce niveau-là ? À quoi cela est-il dû ?

M. le ministre de l’éducation nationale. Vos questions portent sur plusieurs points très différents.

Nous avons expérimenté en 2007 et en 2008 une évaluation de la maîtrise du socle commun, afin de tester les livrets de compétences et de cerner les difficultés rencontrées par les enseignants.

Cette expérimentation a eu lieu dans une circonscription du primaire par académie, ainsi que dans les collèges, les lycées professionnels et les établissements régionaux d’enseignement adapté, les EREA, ainsi que dans les établissements de l’enseignement privé. Nous sommes en train d’en exploiter les résultats, et je ne suis donc pas en mesure de vous en présenter une synthèse. Je ne le pourrai qu’à la rentrée prochaine ; nous disposerons alors d’un test grandeur nature extrêmement précis.

Nous mettons en place une application informatique des résultats de chaque élève, pour suivre la validation des différentes compétences du socle commun. Cet outil nous permettra de mieux renseigner le rapport annuel de performances 2010, notamment par le biais des indicateurs relatifs à la maîtrise de l’ensemble des compétences en CE1, CM2 et troisième. Nous avons pris soin de faire en sorte que l’ancrage des nouveaux programmes du primaire par rapport à la maîtrise des compétence du socle commun soit bien apparent. Nous évaluons, par ailleurs, dans un même domaine, les élèves de l’éducation prioritaire pour les comparer avec les élèves de l’éducation hors zones prioritaires.

Nous sommes aussi en train d’évaluer les premiers résultats des élèves des CM2 et de troisième grâce aux enquêtes échantillonnées menées par nos services. Les chiffres sont d’ailleurs loin d’être désespérants. À titre d’exemple, 85 % des élèves maîtrisent aujourd’hui les compétences de base en français en fin de CM2. Ces chiffres ne sont pas mauvais, mais ils montrent tout de même que 15 % des élèves sont en très grande difficulté. C’est évidemment pour eux que nous avons mis en place de nouveaux dispositifs : deux heures de soutien qui leur sont consacrées dans le service des enseignants ; mise en place de stages en CM1 et CM2 pour ceux qui le souhaitent. Nous envisageons enfin de mettre en place, à la rentrée prochaine, des accompagnements éducatifs dans l’éducation prioritaire. Nous essayons de détecter très tôt ces élèves en grande difficulté et de les accompagner.

Je suis un peu évasif sur les autres évaluations, car j’attends encore des résultats, que je présenterai à la représentation nationale en septembre, à la commission des finances ou devant la commission compétente.

De nombreux moyens sont consacrés aux élèves en difficulté, et nous en avons encore ajouté, de manière très ciblée. Depuis la rentrée de la Toussaint 2007, nous avons mis en place un accompagnement éducatif pour tous les collèges de l’éducation prioritaire. Il permet aux élèves de passer deux heures de plus au collège, quatre jours par semaine, pour des activités scolaires, pour faire leurs devoirs, mais aussi pour des activités culturelles et sportives. Ce système fonctionne fort bien, et nous allons l’étendre à tous les collégiens à la rentrée prochaine. Il a certes un coût, mais il est très efficace et de nature à lutter contre les disparités sociales très fortes. Les élèves des familles aisées, qui vivent dans des quartiers très bien équipés, ont tous, lorsqu’ils sortent à quatre heures, quelque chose à faire, et vont parfois suivre des cours ailleurs. Ce sont donc les élèves des familles les plus fragiles, les plus isolées et les plus éloignées des ressources culturelles et sportives qui bénéficient en priorité de ce dispositif, ce qui est très satisfaisant.

Aux dernières vacances de Pâques, nous avons organisé, à titre expérimental, des stages de remise à niveau dans le primaire. Leur succès nous a surpris : 82 000 élèves se sont inscrits dès la première semaine. 20 % des écoles et 10 % des enseignants s’y sont consacrés. Nous allons généraliser ce dispositif.

Par ailleurs, nous mettrons en place à la fin du mois d’août, à la demande des lycéens, des dispositifs comparables pour leur permettre de préparer leur rentrée.

Il vaut mieux que les enfants soient accompagnés de seize à dix-huit heures plutôt que livrés à eux-mêmes dans la rue, malgré le coût que cela représente. La cible potentielle de l’ensemble de notre dispositif d’accompagnement éducatif est de deux millions d’élèves. Les moyens humains mobilisés seront constitués par des enseignants, des assistants d’éducation, des associations, des étudiants en master, mais aussi nos personnels.

Je ne suis pas étonné que ceux qui ne bénéficient pas de ce dispositif de soutien soient jaloux. Mais s’il fallait l’étendre au niveau national du jour au lendemain, cela poserait quelques difficultés. Pour autant, nous faisons monter en charge l’accompagnement éducatif dans les collèges pour l’année prochaine, et nous le mettrons en place dans l’éducation prioritaire en primaire.

Ce dispositif mobilise 5 000 assistants d’éducation, ce qui représente 62 millions d’euros. Il nécessite par ailleurs le versement d’heures supplémentaires à hauteur de 43 millions d’euros et de subventions d’un montant de 15 millions d’euros environ pour les associations qui interviennent dans le domaine de la pratique sportive, de l’art et de la culture, sans compter les 20 millions d’euros qui ont été budgétés sur les fonds du Centre national pour le développement du sport, le CNDS.

Le dispositif de remise à niveau dans les lycées et dans le primaire représentent une dotation complémentaire d’un peu plus d’un million d’heures supplémentaires, qui ont été attribuées aux académies.

Comme l’a dit Frédéric Reiss, ce genre de dispositif est très bien accueilli par les familles les plus modestes. Je me suis rendu, au moment des vacances de Pâques, sur les lieux des stages de remise à niveau dans les quartiers nord de Marseille : des élèves qui, autrement, auraient été livrés à eux-mêmes venaient à l’école et travaillaient de façon efficace. C’est donc un bon dispositif, qui tente de contrecarrer ces disparités sociales et familiales patentes qui influent tant sur la réussite scolaire.

Le rapporteur pour avis a aussi évoqué les zones d’éducation prioritaire et les réseaux « ambition réussite ». Ce dispositif est de nature à favoriser le parcours scolaire des élèves concernés : dans un collège de 400 ou 500 élèves, d’à peu près quarante nationalités, on compte un adulte pour quatre ou cinq élèves – soit entre 90 et 100, étant entendu qu’une grande partie de ceux-ci sont des intervenants et pas des enseignants. Les professeurs référents organisent des relations entre le CM2 et le collège. Un tel dispositif est coûteux mais efficace. Il nous faudra l’évaluer, mais on peut considérer que si nous n’apportions pas un tel service, les établissements seraient dans une complète déshérence.

Je me suis étonné comme vous, monsieur le rapporteur pour avis, du fait que nous savions à peu près combien d’élèves redoublaient à l’école primaire, mais pas combien redoublaient chaque classe. J’ai donc demandé à la direction des études et de la prospective une évaluation plus affinée, dont je pense pouvoir disposer l’année prochaine.

On redouble beaucoup en France : c’est le cas de 15 % des élèves, à l’école comme au lycée, pour une efficacité que nous savons tous très faible. Quelques élèves y retrouvent une assise personnelle, mais ils sont extrêmement minoritaires. Le redoublement est coûteux et inutile. Il faut repérer les élèves qui commencent à être en difficulté en cours d’année, mettre en place des dispositifs de soutien, les faire passer dans la classe supérieure et les accueillir dans la classe supérieure avec un dispositif spécial. Sans doute très compliqué à mettre en place, un tel système n’est en revanche pas plus coûteux, et il est plus efficace. Reste que cela est très difficile à expliquer à l’opinion, qui croit que le redoublement est une réponse aux difficultés scolaires des élèves, même si les statistiques prouvent le contraire.

Nous avons des systèmes de repérage des élèves et de leur situation assez bien faits. En particulier, une application de notre fameuse « base élèves » nous permet de repérer systématiquement comment les élèves évoluent, combien ils sont et quelles sont leurs cohortes. Les difficultés que nous avons rencontrées ne sont pas seulement liées aux grèves des directeurs d’école mais aussi à l’absence de quadrillage systématique. Mais il est bien lourd de quadriller 55 000 écoles et 6,5 millions d’élèves.

J’ai insisté pour que la « base élèves » ne comporte plus aucune autre indication que celles dont nous avons besoin.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. J’allais vous poser la question.

M. le ministre de l’éducation nationale. J’ai trouvé que ce document était profondément liberticide. L’origine sociale des familles, la langue des parents, etc. ne nous intéressent pas. Le fait de les indiquer est inutile et n’est pas conforme à la tradition républicaine de l’école de Jules Ferry, qui doit accueillir les enfants quels qu’ils soient pourvu qu’ils soient d’âge scolaire. Nous avons donc modifié le décret relatif à la « base élèves », de façon qu’elle indique uniquement le nom et l’âge de l’élève.

Ce dispositif de la « base élèves » concerne 80 % des écoles. Nous sommes maintenant bien équipés et nous disposerons d’informations très précises.

Reste que 15 à 16 % des élèves ont une année de retard en entrant en sixième. Ce sont ceux qui sont en plus grande difficulté scolaire. Ce phénomène est totalement corrélé avec leur situation sociale : un fils de cadre supérieur a huit chances de plus d’entrer en sixième au bon âge qu’un fils d’ouvrier. Cela ne nous convient pas. Nous sommes très mobilisés et nous espérons que les dispositifs de soutien aux élèves permettront de commencer à lutter contre cette fatalité.

L’orientation n’est pas la question la plus facile. L’évaluation de notre orientation n’est pas la meilleure qui soit. Certains dispositifs participent à l’orientation, comme les entretiens de fin de troisième, dont tous les élèves bénéficient et qui contribuent à l’égalité des chances. Nous suivons de façon précise les flux d’orientation de la troisième vers le lycée. Nos conseillers d’orientation, nos psychologues et nos Centres d’information et d’orientation ne sont pas suffisamment nombreux. L’information n’est pas toujours adaptée. Il faudrait que les COPSY accompagnent les élèves qui ont les plus grandes difficultés.

Nous proposons cinq axes pour restructurer notre système d’orientation.

Il convient, en premier lieu, de personnaliser le processus d’orientation après l’entretien d’orientation obligatoire pour tous les élèves de troisième, puis de première et de terminale, entretien qui serait conduit par le professeur principal. En lycée professionnel, cet entretien est essentiel pour lutter contre le décrochage scolaire et les sorties sans qualification : 150 000 élèves environ quittent le système scolaire dans qualification entre la fin de la scolarité obligatoire et dix-huit ans, ce qui constitue un très mauvais chiffre.

Il convient ensuite de cibler l’orientation active sur les élèves de terminale : ceux-ci se préinscrivent, commencent à savoir où ils veulent aller, prennent contact avec les établissements de l’enseignement supérieur où ils souhaitent s’orienter et reçoivent une réponse au souhait qu’ils ont exprimé.

Nous mettons en place des parcours de découverte des métiers et des formations pour tous les élèves de cinquième. Ce dispositif sera étendu à tous les collèges volontaires à la rentrée 2008, et à tous les collèges, volontaires ou non, à la rentrée 2009.

La rénovation de l’orientation va de pair avec celle de la voie professionnelle. J’ai entrepris une rénovation des lycées généraux et technologiques et demandé au recteur de l’académie d’Aix-Marseille de gérer ce projet ; il a mis en place un groupe de travail. J’ai pu signer avec presque tous nos syndicats un document d’orientation sur ce que devrait être le lycée. Enfin, je réfléchis à un nouveau service public de l’orientation. Je pourrai vous en parler un peu mieux à l’automne, vers le mois de novembre. Ces actions seront traduites dans des indicateurs spécifiques que nous vous proposerons pour l’année prochaine.

Enfin, pourquoi les candidats aux concours coûtent-ils plus cher ? Le passage de 187 à 221 euros s’explique par la création d’une épreuve obligatoire de langue pour le concours de professeurs des écoles. Cette épreuve a été ajoutée au concours 2006, mais ce n’est que la première fois qu’on l’utilisait comme indicateur.

Mme Aurélie Filippetti. Je voudrais poser une question au nom de M. Yves Durand, qui a dû s’absenter et vous demande de bien vouloir l’excuser. Il comptait vous interroger sur la sous-consommation de postes pourtant déjà budgétés, dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire.

On constate un décalage entre le nombre d’élèves accueillis dans l’enseignement primaire et la non-croissance du nombre d’enseignants. 39 500 élèves supplémentaires étaient attendus à la rentrée 2007 selon les prévisions de votre prédécesseur, qui avait annoncé la création de 500 emplois de professeurs des écoles. Cela aurait fait passer le plafond à 318 760. Or 317 101 postes seulement ont été réellement utilisés, soit 1 659 postes de moins que ce qui avait été annoncé. On reste ainsi en dessous du nombre de postes utilisés en 2005, alors qu’il y avait eu 20 000 élèves supplémentaires entre les deux rentrées.

Dans l’enseignement secondaire, le recours massif aux heures supplémentaires a conduit à un maintien du surnombre d’élèves par classe, ce qui est contraire aux objectifs affichés. Les mesures de recrutement des enseignants, qui devaient limiter les sureffectifs, ont été contredites par la sous-utilisation des postes budgétés.

Ma deuxième question concerne la scolarisation des enfants handicapés. Nous observons tous les jours dans nos circonscriptions un décalage entre les objectifs affichés de faciliter l’accès de ces enfants à l’établissement le plus proche de chez eux, et la réalité. Certains collèges risquent de devenir des collèges-ghettos, où l’on orientera les enfants handicapés, même s’ils habitent loin et même si cela leur fait perdre de vue les camarades avec lesquels ils ont passé leur scolarité primaire. C’est extrêmement dommageable pour l’intégration de ces enfants.

Ma troisième question concerne les emplois de vie scolaire : contrats d’avenir, CAV, et contrats d’accès à l’emploi, CAE. Leurs titulaires, pour la plupart, ne savent pas ce qui les attend à la fin du mois de juin, c’est-à-dire dans deux semaines. Leurs emplois seront-ils ou non reconduits ?

Les objectifs initiaux de formation de ces EVS, qui ont souvent des formations initiales faibles, n’ont pas du tout été atteints. Vous parliez tout à l’heure d’aider ceux qui ne seront pas reconduits à retrouver un autre emploi. Je ne vois pas comment faire si on ne les a pas formés pendant le temps de leur contrat.

Vous avez parlé de ceux qui voudraient aller ailleurs, mais il souhaitent, pour beaucoup d’entre eux, rester dans les établissements scolaires, où ils sont très utiles. Il serait très regrettable que l’on conserve certains postes mais pas les personnes qui les ont occupés.

Je suis ravie, enfin, de ce que vous avez dit sur le redoublement, qui est effectivement extrêmement dommageable pour les élèves. L’exemple de la Finlande nous montre tous les jours que l’absence de redoublement peut se traduire par d’excellents résultats dans toutes les évaluations.

M. le ministre de l’éducation nationale. Merci, madame Filippetti, pour ce dernier propos.

Dans le premier degré, nous avions prévu une augmentation de 37 000 élèves et nous avons constaté une baisse de 960 élèves. Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, nous avons dû marcher un peu à l’aveuglette à cause de la grève des directeurs. Ensuite, et d’une manière générale, les prévisions que l’on nous donne sont plutôt optimistes. Les discordances sont d’ailleurs plus grandes encore dans le second degré parce que les chefs d’établissement essaient de conserver leurs moyens : alors qu’on tablait sur une baisse 20 000 ou 25 000 élèves, cette baisse a été de 40 000 élèves.

Pour piloter l’emploi, nous utilisons deux leviers : nous avons bien sûr les supports budgétaires, mais aussi les crédits, notamment dans le premier degré. Vous avez une impression de sous-consommation si vous prenez uniquement en compte des équivalents temps plein ; il faut évidemment regarder aussi les crédits qui les accompagnent.

Nous n’avons pas augmenté le nombre moyen d’élèves par classe dans le premier degré ; nous l’avons plutôt diminué l’an dernier. Cela se vérifie aussi dans le second degré. Si nous faisons un calcul simpliste, nous obtenons dans le second degré un enseignant pour 11,9 élèves, ce qui est excellent. C’est plutôt la manière dont, ensuite, nous organisons nos classes qui complique les choses. Mais nous savons à peu près gérer cette situation.

Nous avons distribué environ un milliard d’euros d’heures supplémentaires, ce qui est considérable – contre 750 millions l’année précédente. Nos personnels sont très heureux de prendre ces heures supplémentaires, désormais défiscalisées de surcroît. Un syndicat, politiquement plus proche de vous que de moi, le SNES, a voulu prouver que les professeurs n’en voulaient pas, et mené une enquête interne en posant cette question : accepteriez-vous d’avoir un taux d’heures supplémentaires plus important que celui que vous avez déjà ? Le SNES a crié victoire, 65 % des professeurs ayant répondu par la négative. Mais cela signifie aussi que 35 % d’entre eux avaient répondu positivement, soit bien plus que ce dont nous avons besoin…

Il ne s’agit pas de faire ployer les professeurs sous le fardeau des heures supplémentaires. Mais le dispositif reste assez bien accueilli, et nous a tout de même permis de remplacer 55 000 équivalents temps plein en heures supplémentaires. C’est malgré tout de la bonne gestion. Cela fait plaisir aux personnels, qui voient augmenter leur pouvoir d’achat. Un tel système est beaucoup plus souple et permet de compenser les situations budgétaires que nous connaissons dans le domaine de l’emploi.

Vous avez raison s’agissant des élèves handicapés. Mais c’est précisément pour cela que nous sommes en train de créer des dispositifs nouveaux. Jusqu’à présent, certains établissements étaient mieux équipés que d’autres et repérés comme sachant, contrairement à ces mêmes autres, accueillir des handicapés. Voilà pourquoi nous faisons monter en charge le dispositif des unités pédagogiques d’intégration, de sorte qu’il y en ait partout. Lorsque nous en aurons 2 000, tout le territoire sera maillé et il n’y aura plus de raison, pour un jeune handicapé, de s’éloigner de son domicile ; il trouvera son unité pédagogique d’intégration à proximité. Pour répondre à la demande, il faudra atteindre ce chiffre de 2 000 UPI en 2010, ce qui est un horizon assez proche. Il serait tout à fait contraire à ce que nous souhaitons que les élèves handicapés soient regroupés dans une poignée d’établissements. Il faut qu’ils soient accueillis à proximité de leur domicile et parfaitement répartis dans les établissements.

C’est aussi l’intérêt de l’école de pouvoir accueillir des enfants handicapés : la classe fonctionne mieux et ses performances pédagogiques s’améliorent. Non seulement c’est notre devoir, mais c’est le sel de la terre pour une classe.

En 1990, en tant qu’inspecteur général, je me suis rendu dans une classe où il y avait un enfant autiste, qui avait la hantise d’entrer dans la classe. La solution fut trouvée par les élèves eux-mêmes : chacun, sans exception, l’attendait à la porte et lui faisait un petit bisou. Cette classe était extraordinairement différente : il y régnait un climat de solidarité, de gentillesse, d’attention et de respect d’autrui. Il n’y a donc de notre part pas la moindre réticence à l’accueil des enfants handicapés.

Nous n’avons pas vocation à conserver les emplois aidés au sein de l’éducation nationale. Ce n’est même pas souhaitable. Après une expérience de quelques années chez nous, nous souhaitons qu’ils aillent vers de vrais métiers. Nous avons un plan de formation. Nous avons passé des conventions avec l’ANPE en ce sens. C’est ce qui s’est fait à l’académie de La Réunion, où cela fonctionne très bien.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le résultat est inégal, monsieur le ministre. On pourrait citer d’autres exemples, où cela ne fonctionne pas si bien.

M. le ministre de l’éducation nationale. En tout cas, nous ne considérons pas que ce n’est pas notre affaire de participer aux frais de formation des CAE. Mais ce n’est pas toujours de notre compétence, et il faut bien que quelqu’un nous aide à le faire.

M. René Couanau. Monsieur le ministre, nous nous connaissons suffisamment pour que je m’autorise à vous faire part d’un certain nombre de doutes et de questions sur les orientations actuellement conduites.

Dans le premier degré, je m’interroge sur l’appréciation que porte votre ministère sur l’impact, établissement par établissement, département par département, des mesures générales de dotation que vous annoncez chaque année. Je sais bien que la LOLF donne aux recteurs la possibilité de procéder à cette répartition mais, de mon côté, j’ai essayé de mesurer sur place quels en sont les effets. Et je vais vous donner quelques chiffres pour l’Ille-et-Vilaine.

Par exemple, dans le premier degré, je constate que, pour une augmentation prévisible de 600 élèves, on aura une dotation de 12 postes pour la prochaine rentrée. Je ne me livrerai pas à un calcul « bête et méchant » qui aboutirait au résultat d’un enseignant pour 50 élèves, ce qui ne serait pas exact. Mais, sur le terrain, nous nous rendons bien compte que le fonctionnement de certaines équipes pédagogiques, dans certaines écoles ayant des projets particuliers, est quelquefois mis en péril par des décisions un peu générales.

Je voudrais savoir, en toute franchise, monsieur le ministre, si vous n’utilisez pas ou si vous ne faites pas utiliser par vos inspecteurs d’académie, deux ou trois variables d’ajustement.

Première variable d’ajustement : les remplacements. Je lis dans le rapport que la situation des remplacements est saine. Or je constate dans ma ville que, très souvent, un remplacement de trois semaines, même pour des absences programmées – maternité, intervention chirurgicale prévue de longue date –, n’est pas effectué. Cela signifie qu’à un moment donné on n’a pas doté le département ou la circonscription des moyens de remplacement nécessaires.

Seconde variable d’ajustement : la scolarisation des enfants de deux ans. Avons-nous, oui ou non, une politique dans ce domaine ? Les taux de scolarisation à deux ans diminuent, parce que les admissions diminuent. Par exemple dans le département d’Ille-et-Vilaine, celles-ci ont baissé de 20 % de scolarisation en quatre ans.

Faut-il ou non scolariser les enfants à deux ans ? Quand aurons-nous ce débat ? On se contente de faire gérer purement et simplement par l’inspecteur d’académie et les recteurs une masse globale affectée, qui permet d’admettre à l’école x % d’enfants de deux ans. Ce n’est pas facile à expliquer sur le terrain, surtout dans ma ville où je n’ai pas institué de carte scolaire et où la liberté d’inscription existe depuis que je suis maire.

Vous utilisez le terme d’« enseignants qui ne sont pas devant les élèves » – ambiguïté que nous avons longtemps entretenue et qu’il conviendrait de lever. Je pense plus particulièrement aux réseaux d’aide, aux psychologues, aux éducateurs, etc. qui me paraissent constituer une troisième variable d’ajustement. Il me semble qu’au fur et à mesure que les moyens manquent pour les affecter devant les élèves, on opère des suppressions de réseaux. Or ces réseaux sont engagés dans des politiques longues. Les 15 % d’élèves dont vous parlez, et qui sont naturellement l’objet de tous vos soins, ne peuvent plus bénéficier d’un suivi pédagogique et éducatif continu.

Il s’agit d’une observation très précise, à laquelle je me suis livré et qui me préoccupe un peu, non seulement pour la prochaine rentrée, mais pour la définition de nos orientations.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire, en vous posant un sujet de baccalauréat : est-ce qu’il y a compatibilité entre un mouvement de réforme et une réduction de moyens ?

Mme Martine Faure. Une autre de nos inquiétudes, qui se manifeste sur le terrain, a trait à la disparition de la formation des enseignants, c’est-à-dire à la disparition des IUFM. Enseigner est un véritable métier. Qu’en est-il ?

M. le ministre de l’éducation nationale. Je répondrai d’abord à mon collègue Couanau, ancien inspecteur général de l’éducation nationale et ancien directeur des écoles…

Les inspecteurs d’académie reçoivent leur dotation et la gèrent. Ils font leur fameux CDEN, ou conseil de l’éducation nationale, occasion de rencontres particulièrement nerveuses avec les maires et les élus. Dans le département d’Ille-et-Vilaine, je dois reconnaître que nous avons un peu de difficultés cette année. Nous avons même été obligés de mobiliser pendant quelque temps des personnels retraités parce que nous étions à court. Nous avons été obligés d’avoir recours à des personnels, au-delà de nos moyens de remplacement traditionnels. Ce n’est pas choquant, mais cela prouve une situation extrêmement tendue.

Il est exact que notre système de remplacement ne fonctionne pas bien. Nous avons affecté à des remplacements 50 000 professeurs, et nous savons que nous mobilisons à peu près 80 % de nos moyens de remplacement. Voilà pourquoi je veux créer une Agence nationale du remplacement, qui soit plus efficace et plus réactive. On ne peut pas se satisfaire d’une situation où, chaque année, 10 000 équivalents temps plein restent inutilisés.

Si notre service ne fonctionne pas bien, c’est notamment parce qu’il est départemental : un professeur absent à Avignon ne peut pas être remplacé par un professeur de Villeneuve-lès-Avignon. Il convient d’améliorer le dispositif.

S’agissant de la scolarisation à deux ans, il faut que nous nous posions une bonne fois la question de savoir ce que nous voulons faire. Nous observons en effet des disparités considérables. En Bretagne notamment, il y a des départements où 50 % des enfants de deux ans sont scolarisés, et des départements où il n’y en a pas du tout. Cela s’explique par l’histoire : plutôt que de fermer les classes, on avait recruté un peu plus large, et donc des enfants plus petits.

J’avoue que comme père, comme professeur et comme ministre, je ne crois pas beaucoup à l’efficacité de la scolarisation précoce. Mais il y a des avis absolument contraires, et mon propos n’est pas d’ouvrir le débat sur le fond. Il n’empêche que nous recrutons des professeurs à « bac plus 4 » ou « bac plus 5 » pour accueillir des enfants de deux ans, c’est-à-dire, en fait, pour leur faire faire la sieste. Cela appelle réflexion.

Si nous scolarisons si tôt en France, beaucoup plus tôt qu’ailleurs, c’est aussi parce qu’il n’y a jamais eu de véritable politique de l’accueil de la petite enfance. Il est naturel qu’une mère de famille préfère que ses enfants aillent à l’école plutôt qu’à la crèche, qui coûte sept ou huit fois plus. Nous devons nous interroger sur cette situation, à laquelle le secrétariat d’État de Mme Morano s’y intéresse, et une députée, Mme Michèle Tabarot, a reçu mission d’y réfléchir.

S’agissant du soutien, le dispositif que nous mettons en place et aux termes duquel les enseignants doivent consacrer deux heures de leur service aux 15 % d’élèves en difficulté va régler une partie des problèmes liés à la présence ou à l’absence des systèmes d’aide. Ceux-ci sont en effet répartis de façon très disparate sur le territoire et ne sont pas mobilisés de manière égale. Aujourd’hui, on peut dire que, dans toutes les classes, il y a deux heures de soutien pour les élèves en difficulté.

Vous avez posé, Monsieur Couanau, des questions très vastes, qui appellent un débat autre que budgétaire, sur la manière dont nous mobilisons nos emplois, nos services, et dont nous scolarisons les enfants de moins de trois ans. Sur ce dernier point, je rappelle que de nombreux pays partenaires de la France, non seulement ne veulent pas de la scolarisation des enfants de deux ou trois ans, mais l’ont interdite dans la loi parce qu’ils considèrent qu’elle est dangereuse. Cela mérite d’être débattu.

M. René Couanau. Je sais que c’est une question fondamentale, qui n’a pas été tranchée. Reste que les familles concernées ont du mal à comprendre que, si le quota est atteint, leur enfant ne soit pas inscrit. Dans ma ville, ils peuvent se tourner vers une autre école, mais là où il y a sectorisation, ce n’est pas possible. Nous devons vraiment affiner notre doctrine en la matière. Depuis le temps qu’on en parle, on aurait tout de même pu recueillir des avis de spécialistes !

M. le ministre de l’éducation nationale. C’est une question très débattue.

Mme Aurélie Filippetti. Le sociologue Éric Maurin vient de publier une étude très fine sur la scolarisation des enfants de deux ans, qui tend à montrer que celle-ci n’a aucun impact négatif.

M. le ministre de l’éducation nationale. Il y a aussi des avis contraires. La Finlande ne scolarise les enfants qu’à sept ans, leurs élèves ont 30 % d’heures de course moins que les nôtres, ils ont un professeur pour 28 élèves. Et lorsque l’on compare leurs résultats à dix ans à ceux des élèves français, ils sont en tête des classements internationaux, alors que les nôtres sont dans le dernier tiers des trente pays sur lesquels porte la comparaison !

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Ils ont un encadrement familial différent.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La question n’est pas de savoir si cela n’a pas d’impact négatif, mais si cela a un impact positif.

M. le ministre de l’éducation nationale. Enfin, je voudrais répondre à madame Faure que je ne suis pas responsable des commentaires faits à l’extérieur par des gens plus excités que moi sur le sujet que vous évoquez. Vous ne trouverez, de ma part, aucune déclaration selon laquelle il n’y aurait pas besoin de se former au métier d’enseignant. Le fait de recruter à « bac plus 5 » ne signifie pas qu’il n’y aura pas de formation professionnelle. D’ailleurs, la plupart des mastères sont des mastères professionnalisants et une grande partie de la formation de dernière année est de nature professionnelle. Je peux vous rassurer sur ce point : nous ne considérons pas qu’il faille recruter des gens qui n’aient aucune formation professionnelle, à plus forte raison dans le premier degré.

Mme Martine Faure. J’avais besoin d’être rassurée sur ce point.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Merci, monsieur le ministre, de vous être prêté à cet exercice.

(La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures trente-cinq.)