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Débats de la séance

Compte rendu
intégral

Commission des finances, de l’économie générale et du plan

Commission des affaires étrangères

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Commission élargie

Mardi 17 juin

(Application de l’article 117 du règlement)

Projet de loi portant règlement définitif
du budget de 2007

Action extérieure de l’État (service public d’enseignement à l’étranger)

Présidence de M. Didier Migaud
et de M. Axel Poniatowski

(La réunion de la commission élargie commence à seize heures quinze.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, nous sommes heureux, avec M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, de vous accueillir pour cette troisième commission élargie consacrée au projet de loi de règlement pour 2007.

Vous le savez, la procédure de la commission élargie a pour objet de favoriser un dialogue qui se veut dynamique entre les ministres et les députés, au moyen de questions directes et de réponses précises. Les deux premières réunions se sont tenues mercredi dernier avec Mme Michèle Alliot-Marie puis Mme Rachida Dati ; les échanges auxquels elles ont donné lieu montrent que cette formule peut être particulièrement intéressante dans le cadre du contrôle de l’exécution budgétaire, et je ne doute pas qu’il en sera de même aujourd’hui.

L’esprit de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, suppose que le Parlement, en contrepartie de lois de finances initiales plus stratégiques et moins tatillonnes, consacre davantage de temps à suivre l’exécution budgétaire. À l’aide des rapports annuels de performance, les RAP, notre tâche consiste à apprécier les conditions de la gestion 2007 et à vérifier si l’efficacité a été au rendez-vous, si les objectifs ont été remplis.

D’un commun accord avec Axel Poniatowski, nous avons choisi de concentrer la discussion sur un aspect particulier : l’enseignement français à l’étranger.

Le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, M. Jean-François Mancel, a préparé une note de présentation résumant ses principales appréciations sur la gestion 2007 et sur les documents budgétaires. La discussion pourra donc s’engager avec les questions, sans discours préliminaire. S’exprimeront également Mme Geneviève Colot, suppléant M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et Mme Michèle Delaunay, suppléant Mme Aurélie Filippetti, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que cette première commission élargie consacrée à la loi de règlement concernant les affaires étrangères porte spécifiquement sur le thème de l’enseignement français à l’étranger. La commission des affaires étrangères se saisit chaque année pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », avec deux rapports, l’un de Geneviève Colot et l’autre de François Rochebloine, lequel examine notamment les crédits consacrés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE. En l’absence de François Rochebloine, Geneviève Colot s’exprimera aujourd’hui au nom de la commission des affaires étrangères.

Le dispositif français d’enseignement à l’étranger nous est envié dans le monde entier. J’en veux pour preuve l’attractivité du réseau des lycées français à l’étranger, qui suscite une forte attente – qui n’est d’ailleurs pas toujours mesurée à sa juste valeur –, notamment dans les pays émergents et les États du Golfe. Je crois que nous pouvons et devons faire encore mieux. Pour se développer significativement, notre réseau d’enseignement du français à l’étranger doit évoluer.

Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, il nous faut faire preuve de réalisme et ne pas compter sur les seuls fonds publics. Je crois dès lors indispensable de rechercher des partenaires, gouvernements étrangers, entreprises ou fondations, pour investir dans notre réseau, comme nous l’avons fait récemment à Abou Dabi avec la Sorbonne et le Louvre.

Je crois aussi nécessaire d’adapter ou de renforcer les missions de l’AEFE à ces nouvelles exigences pour la rendre plus performante, plus efficace. Je rappelle que l’Agence gère 449 établissements dont 172, conventionnés, sont des institutions de droit local étranger ; mon propos concerne sans doute plus particulièrement cette catégorie d’établissements, qu’il conviendrait de développer davantage.

Cette réunion de commission élargie constitue la première étape de la réflexion qu’entend mener la commission des affaires étrangères sur la question ; celle-ci fera en effet l’objet, je l’annonce, d’une mission d’information à la rentrée prochaine.

Je souscris pleinement aux propos d’Axel Poniatowski sur l’importance de l’enseignement du français à l’étranger et sa capacité de séduction réelle vis-à-vis des enfants de nos compatriotes, bien sûr, mais également des populations locales.

La loi de finances 2007 a été globalement bien exécutée par le ministère des affaires étrangères et européennes. Je sors cependant un instant du sujet d’aujourd’hui pour formuler deux remarques.

Premièrement, en matière de contributions internationales et d’opérations de maintien de la paix, le dysfonctionnement est extraordinaire. Lors du débat sur le projet de loi de finances initiales, nous avions souligné le manque de moyens. Nous nous sommes aperçus qu’il manquait une somme non négligeable en 2007, laquelle a dû être ajoutée en cours d’exercice. Cette année, nous sommes exactement dans la même situation et il faudra probablement recourir au même procédé. Je comprends bien votre position : dans la mesure où il faut bien payer un jour, entamer le combat avec le ministère du budget n’est peut-être pas la meilleure solution. Cette situation est tout de même gênante au regard de la sincérité budgétaire, d’autant que tous les acteurs savent à l’avance que ces crédits seront insuffisants.

Deuxièmement, le problème majeur du non-fonctionnement du compte d’affectation spéciale immobilier – censé permettre au ministère de récupérer le produit de ses ventes pour ses propres dépenses immobilières – devrait être résolu assez vite. D’après ce qui m’a été répondu à plusieurs reprises, il s’agirait d’un problème technique de comptabilité publique. Pensez-vous qu’une solution définitive puisse être trouvée ? Je suis prêt à auditionner les responsables de la comptabilité publique chargés du dossier. En 2007, les conséquences de ce problème ont été non négligeables puisqu’il a entraîné une incapacité à engager des crédits sur le chantier de La Courneuve.

Pour le reste, les dépenses de la mission « Action extérieure de l’État » ont été bien exécutées. Vous me rétorquerez qu’il est aisé de consommer l’intégralité de crédits aussi modestes !

J’en viens à l’enseignement du français à l’étranger. Je vous interrogerai rapidement, monsieur le ministre, sur l’organisation de l’Agence, son fonctionnement et les moyens mis en œuvre. Je prête aussi beaucoup d’attention à l’analyse de Mme Maryse Bossière, qui a joué un rôle très efficace à la direction de l’Agence et que j’ai rencontrée avec beaucoup de profit. Je lui disais d’ailleurs tout à l’heure, en aparté, combien chacun regrette son départ, tout en se félicitant qu’elle vole vers d’autres horizons.

Certains observateurs, dans différents rapports, estiment que la tutelle de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement, est insuffisante. Ils ne critiquent pas la qualité de l’action de la DGCID mais préconisent une cotutelle avec la DFAE, la direction des Français à l’étranger, et le ministère de l’éducation nationale. Que penseriez-vous d’une telle réorganisation ?

Jugez-vous qu’il faille aller au-delà d’un établissement public administratif et transformer l’AEFE en établissement public industriel et commercial ? Cette éventualité a déjà été évoquée sans être concrétisée. Les avantages qui en découleraient sont-ils suffisants pour justifier une telle évolution ?

Une autre question porte sur un problème à la fois juridique et financier. Où en est le contrat d’objectifs avec l’Agence ? Sera-t-il conclu pour la période triennale 2009-2011 ?

Le plafond d’emplois qui s’impose à l’opérateur AEFE – nous en avons discuté avec la directrice de l’Agence – constitue un obstacle majeur pour son action, les membres de la commission des finances ne me contrediront pas. Comment le gérer, dans l’intérêt des finances publiques mais aussi dans le souci de développer l’action de l’AEFE ?

Un gros problème immobilier a également été relevé par beaucoup d’observateurs. L’entretien de nombreux établissements a pris du retard. Pensez-vous être en mesure de trouver les moyens financiers nécessaires pour les remettre à niveau ? L’attrait voire la séduction exercés par l’enseignement du français à l’étranger suscitent nombre de demandes pour des extensions ou des constructions nouvelles. Hier, à Berlin, l’ambassadeur de France m’a confié que 1 000 élèves surgiraient dans l’instant si 1 000 places supplémentaires étaient ouvertes dans les établissements scolaires français en Allemagne. Et c’est un exemple parmi d’autres ; le même problème existe à Moscou ou ailleurs.

Cela nous amène à la question financière, qui est préoccupante. Vous le savez, la prise en charge de la gratuité est entrée en application en 2007 pour une première catégorie : les élèves de terminale. L’année scolaire démarrant en septembre, des moyens non négligeables – 5 millions d’euros environ – ont été dégagés, même si je n’ai pas très bien compris d’où venait cette somme puisque les explications figurant dans le RAP et celles apportées par le contrôleur budgétaire ne coïncident pas !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est ennuyeux ! (Sourires.)

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il s’agit au moins d’une divergence d’interprétation. Mais là n’est pas l’essentiel. En année pleine, la gratuité pour les élèves de terminale coûtera 20 millions d’euros. Si la mesure est élargie à la première puis à la seconde, cela coûtera vraisemblablement autant à chaque fois en année pleine. Si l’on veut aller plus loin et appliquer la gratuité totale à l’ensemble de l’enseignement secondaire, les estimations qui circulent sont encore plus inquiétantes. J’ai lu le chiffre de 170 millions d’euros en bout de course. Le rapport d’étape du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France évoque même la somme de 300 millions d’euros – j’espère que c’est une faute de frappe car les rédacteurs du Livre blanc sont d’excellents professionnels !

Outre que ce coût serait énorme au regard des faibles moyens de la mission, je suis tout de même très réservé sur ses conséquences. Bon nombre des familles concernées bénéficient déjà d’aides, notamment de la part des employeurs. Cette mesure créerait inévitablement un effet d’aubaine : les entreprises qui prennent en charge une partie de frais de scolarité des enfants de leurs collaborateurs se retireront en se frottant les mains, tandis que le budget de l’État sera mis à contribution. En outre, en attirant de nouveaux élèves français, nous risquons de créer un effet d’éviction vis-à-vis des enfants étrangers. L’enseignement du français à l’étranger est investi de deux missions : prendre en charge les enfants français mais également accueillir des enfants étrangers afin d’assurer le rayonnement de notre langue, de notre système éducatif et de notre pays. Or, vous le savez, un petit mécontentement commence déjà à s’exprimer à notre encontre dans beaucoup de pays, qui nous reprochent de ne pas accepter suffisamment de leurs ressortissants dans nos filières de formation.

L’autre point que je soulèverai est très concret. À Dublin, l’association des parents d’élèves, avec la caution et le soutien de l’AEFE, construit quinze classes pour le lycée franco-germano-irlandais, qui procède d’une initiative intéressante – peut-être les relations futures avec l’Irlande s’en trouveront-elles améliorées… Il y a quelques jours, sur place, les parents d’élèves m’ont fait part de leur inquiétude : si la France prend demain en charge la totalité de l’« écolage » – c’est le terme - de ses ressortissants, compte tenu des décalages habituels, hélas, depuis des décennies, pour les dépenses de l’État, sera-t-elle en mesure d’effectuer, aux dates d’échéances, les virements nécessaires au remboursement de leurs emprunts bancaires ? Le problème n’est pas négligeable car beaucoup d’associations de parents d’élèves, vous le savez, ont souscrit des prêts pour mener à bien des reconstructions ou des extensions d’établissements scolaires.

Je sais qu’il s’agit d’un engagement au plus haut niveau et qu’il convient de respecter ses engagements mais je me demande si la gratuité jouerait vraiment en faveur du développement du français à l’étranger, que nous souhaitons tous promouvoir. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Je me suis rendu en Afghanistan et au Pakistan pour voir les problèmes de sécurité dans les postes exposés et j’ai rencontré, il y a quelques jours, le chef du service de la sécurité diplomatique. J’ai noté que le ministère, depuis deux ans, accomplit un effort considérable pour la sécurisation de nos postes, mais cet effort s’arrête encore au réseau diplomatique au sens strict. Sur les sites éducatifs, le chef du service de la sécurité diplomatique m’a indiqué qu’il peut intervenir comme consultant, pour donner son avis, mais qu’il n’y a pas réellement de moyens mobilisés. J’ai conscience de la difficulté de la tâche, compte tenu du nombre d’enfants, de parents et d’enseignants circulant dans les établissements, ce qui entraîne des coûts et suscite des obstacles techniques. Si nous ne pouvons appliquer de façon outrancière le principe de précaution, il n’en demeure pas moins que le problème se posera inéluctablement de plus en plus et que nous devrons être en mesure d’apporter des réponses.

Enfin, des états généraux de l’enseignement du français à l’étranger seront organisés, je crois, au début de l’année 2009. Une commission est chargée de les préparer. Pouvez-vous déjà nous donner quelques indications sur le contenu de ses réflexions ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Bravo pour votre vivacité et l’acuité de vos questions, monsieur le rapporteur spécial. Je répondrai un peu dans le désordre.

Les états généraux, qui devraient effectivement se tenir au début de l’année prochaine, seront très utiles pour répondre à votre question majeure, relative au débat entre la gratuité et le système de bourses qui prévalait naguère. Pour changer le cours des choses, une opinion générale doit se dégager – je serai plus précis dans un instant. Avec une expérience d’un an seulement, je ne puis m’opposer à une telle mesure.

Lorsque je me rends dans un pays, outre l’ambassade, bien sûr, et parfois la résidence, je visite systématiquement tous les établissements culturels. C’est une joie de voir comment fonctionnent les lycées, mais aussi les centres culturels. Je sais qu’il existe de mauvais exemples, que des dérapages se produisent dans tous les domaines ; hier, on m’a parlé de la situation terrible au Caire et de la réunion syndicale qui y a été tenue. Néanmoins, dans 95 ou 98 % des cas, c’est un bonheur de visiter ces établissements, de constater le dévouement du personnel et surtout l’ambiance qui y règne.

Revenons, si vous le voulez bien, sur la question de la gratuité, qui me préoccupe beaucoup. Il me faudrait recueillir une opinion générale pour m’aider à convaincre que ce n’est pas forcément la bonne direction.

La différence entre 170 et 300 millions correspond au surcroît à débourser non pas dans l’état actuel des effectifs mais si nous pouvions ouvrir les établissements à tous les élèves désireux de s’inscrire. C’est capital pour l’influence de la France ! Un rapport de Nicolas Tenzer – un document caché, si l’on en croit un certain hebdomadaire, et pourtant je l’ai lu – affirme que l’influence passe aussi par l’enseignement du français à l’étranger, parfois peut-être plus encore que par la diplomatie.

Le lycée de Moscou, par exemple, n’accueille pas un seul élève russe. Ce n’est pas bien car, en théorie, nous devrions offrir – ou plutôt ouvrir, car nous ne l’offrons pas – l’enseignement du français à des élèves locaux, à moins que je n’y comprenne pas grand-chose.

J’ai eu le bonheur, avant-hier, de rouvrir l’établissement scolaire Blaise-Pascal d’Abidjan, qui avait été pillé pièce par pièce, fenêtre par fenêtre, poignée de porte par poignée de porte et brûlé. La restauration a été financée par le privé, par les parents d’élèves, car nous n’avions pas d’argent pour assumer ces grosses dépenses. Cet endroit formidable accueillera 900 élèves dans un premier temps puis très vite 1 200 ou du moins plus de 1 000. Tout a été refait ; les terrains de sports sont formidables, comme le reste. J’espère pouvoir l’inaugurer, à partir de septembre, mais, avec la présidence française, ce sera difficile. En tout cas, nous l’avons ouvert, l’architecture est belle, le lieu est superbe. Pardonnez-moi, je ne veux pas faire de bla-bla, mais il faut absolument y garantir la sécurité. Un lycée est un établissement ouvert ; il est impossible d’y organiser la sécurité comme dans une ambassade ou une résidence. Dans tous ces établissements, c’est d’ailleurs le ministère des affaires étrangères qui paie la sécurité. En l’occurrence, à Abidjan, pour des raisons de sécurité, les Français ont déménagé afin de passer la lagune et de vivre de l’autre côté du pont ; ils n’habitent donc plus autour du lycée, ce qui requiert l’organisation de transports par bus, certes, mais aussi par bateau, pour faire face à d’éventuels événements graves qui occasionneraient le blocage du pont. Nous devons donc supporter des dépenses imprévues, ce qui est toujours très difficile.

Nous avons déjà discuté des contributions internationales, qui ne sont jamais mentionnées et représentent un poids très lourd mais nous honorent. Consacrer 300 millions par an à la lutte contre le sida, c’est bien ; il est impossible de revenir en arrière car cela priverait des malades de leurs traitements. Les opérations de maintien de la paix ne sont pas non plus financées mais, avec Éric Woerth, nous avons à peu près apuré la situation : les 120 millions de l’année dernière ont été payés et il manquera à nouveau 100 millions. Nous savons approximativement ce que nous coûtera la Tchad car il s’agit d’une opération européenne, mais nous ignorons combien coûtera le Darfour. Il est un peu ennuyeux, bien sûr, d’assurer le financement des opérations de maintien de la paix avec un an de retard mais nous ne pouvons pas savoir à l’avance en quoi elles consisteront.

S’agissant du compte d’affectation spéciale immobilier, j’ai été heureux de signer avec Éric Woerth une lettre afin que soit mise sur pied au plus vite une mission de préfiguration d’un opérateur immobilier public. Il sera bien entendu complètement contrôlé par le public mais travaillera en partenariat avec le privé car nous ne pouvons demander à tous les ambassadeurs d’être des spécialistes de l’immobilier du pays où ils se trouvent. La situation est très différente en Côte-d’Ivoire, au Japon ou au Kazakhstan ; il faut que nous puissions nous appuyer partout sur des professionnels ayant une connaissance précise du marché immobilier local et des prix pratiqués. J’espère donc que cet opérateur immobilier public sera créé.

L’AEFE est un établissement public administratif sous tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères et européennes. Je nomme son directeur – je viens du reste de nommer ambassadrice la personne actuellement en place et je lui adresse mes félicitations car, comme vous pouvez le constater, elle n’est pas encore partie, mais cela ne va pas tarder… Le directeur préside le conseil d’administration de l’Agence et assure son financement. La DGCID verse la subvention et la DFAE prend en charge les bourses scolaires des élèves sur le programme 151 – j’y reviendrai. De notre point de vue, pour l’heure, il faut privilégier le maintien de cette double tutelle.

Je ne souhaite pas que le système de bourses change complètement, mais il vacille : la gratuité a été instaurée pour les élèves de terminale, et sera en principe étendue à ceux de première à partir de septembre – elle l’est même déjà dans l’hémisphère sud – avant de l’être à ceux de seconde. Une aide à la structure ne suffirait pas, je vous le dis tout net, car il faut assurer la mise à disposition du personnel d’encadrement expatrié, le cofinancement du personnel enseignant résident et l’investissement immobilier. Or 80 % des dépenses sont consacrées au personnel et les moyens alloués à l’immobilier comme à la sécurité s’avèrent insuffisants. Nous dépensons le plus possible pour la sécurité de ces établissements mais nous ne pouvons pas la garantir complètement et c’est choquant. Bien sûr, tout le personnel français est répertorié à l’ambassade et des systèmes de prévention, d’alerte et d’évacuation sont opérationnels – le danger n’est au demeurant pas identique dans tous les pays. Des aides financières à la personne sont proposées pour l’écolage, sous forme de gratuité aujourd’hui et auparavant sous forme de bourses. Peut-être ce système était-il très injuste – encore faudrait-il expliquer pourquoi – et mérite-t-il d’être mieux équilibré mais il fonctionnait bien et permettait aux étudiants locaux de s’inscrire. Je prends beaucoup de précautions car je connais la position du Président de la République mais il est très difficile de faire payer les étudiants locaux quand les Français bénéficient de la gratuité. De surcroît, un tiers des élèves étaient inscrits par l’employeur et un quart bénéficiaient d’une bourse, ce qui représente des proportions très élevées. Le lycée Istiqlal de Kaboul, que vous avez visité – Dieu ou plutôt Allah sait si je le connais –, a formé tous les cadres, plus ou moins bien inspirés, des gouvernements afghans successifs depuis vingt ou trente ans. Comment assurer complètement la sécurité de cet établissement ? La sécurité de l’hôpital français de Kaboul, qui fonctionne merveilleusement et que vous avez aussi certainement visité, est assurée exclusivement par les Afghans ; peut-être est-ce la solution.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. J’ai cru comprendre que M. le rapporteur spécial s’interrogeait sur la pertinence de la gratuité totale et souhaitait recueillir votre avis, notamment, sur les conséquences de l’effet d’aubaine dont pourraient profiter les entreprises en transférant cette charge sur le budget de l’État. Auriez-vous quelques éléments à apporter à ce sujet ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. En 2008, la gratuité nous aura coûté 14,78 millions d’euros pour 6 415 élèves de terminale et de première. Les bourses ordinaires accordées à 19 612 élèves représentent 52,41 millions d’euros. Le total s’établit par conséquent à 67,20 millions.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ces crédits n’étaient pas prévus initialement. Comment les avez-vous financés ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Nous avons obtenu un financement supplémentaire.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. A-t-il couvert l’intégralité de la dépense ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Absolument, mais ce ne sera plus le cas dans l’avenir, car seuls les élèves de terminale étaient concernés jusqu’à présent et 20 millions supplémentaires seront nécessaires chaque année.

J’en ai parlé avec le Président de la République : je consens au maintien de la gratuité dès lors qu’elle ne déstabilise pas notre réseau scolaire, à condition que l’inscription des élèves locaux soit financée ou facilitée. Même s’il est essentiel que les filles et fils d’expatriés continuent de profiter de ce système irremplaçable, n’oublions pas que les étrangers, là-bas, ce sont les Français ! Les élèves locaux formaient 55 % des effectifs de nos établissements, mais ce taux risque malheureusement de décroître.

Je vous donne mon sentiment puisque le Président de la République m’a demandé… Je trouve injuste de maintenir cette différence mais je voudrais pouvoir m’appuyer sur d’autres éléments que les impressions que m’inspirent mes conversations avec les proviseurs et les parents d’élèves. En tout cas, pour l’heure, je n’ai franchement pas rencontré beaucoup de partisans de la pérennisation de la gratuité, du moins en l’état, mais peut-être convient-il de faire évoluer le système. J’en ai déjà parlé au Président de la République et je suis heureux que ces états généraux viennent à point pour que nous mettions ce sujet précis à leur ordre du jour car j’espère que cela m’aidera. Proposer d’instaurer la gratuité pour les élèves demeurant à l’étranger au même titre que pour ceux demeurant en France était évidemment une idée très généreuse, une bonne idée de campagne électorale, mais cette mesure a en réalité des effets pervers dont je voudrais que nous nous inquiétions. Quoi qu’il en soit, pour l’heure, nous continuons ainsi ; la mesure a été mise en œuvre dans l’hémisphère sud et il est hors de question d’arrêter en cours. Dans les deux semaines qui viennent, tous les établissements du monde recevront les financements nécessaires à la première et à la terminale pour le début de l’année scolaire 2008-2009.

Les crédits de fonctionnement, monsieur le rapporteur spécial, doivent suivre la croissance continue des effectifs, qui s’élève en moyenne à 5 % par an. Nous recevons des demandes d’ouvertures d’établissement pressantes et je pense qu’il faut y répondre car il s’agit d’un outil diplomatique, culturel et d’influence primordial pour la France. Nous refusons pour le moment car nous n’en avons pas les moyens mais le plan de développement est là.

Je voudrais m’étendre sur le problème du défaut d’entretien. Cette année, à cet effet, nous avons reçu 5 millions, qui ont permis de répondre au plus pressé, mais les lycées que je visite sont souvent très mal entretenus. Un effort est nécessaire ; j’en ai parlé cette année avec le ministère du budget et nous avons obtenu une petite satisfaction mais il faudra faire davantage l’an prochain car il est beaucoup plus coûteux de rénover un établissement dégradé.

S’agissant de la sécurité, outre l’inclusion des établissements dans les plans de sécurité, il est possible de mettre sur pied une garde statique à l’entrée. Au lycée Blaise-Pascal d’Abidjan, c’est ce qui a été envisagé mais les responsables pédagogiques n’en veulent pas et je les comprends. Faut-il installer une porte blindée ou rehausser les murs ? Je souhaite que ce ne soit pas utile…

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. La commission chargée de préparer les états généraux examinera-t-elle ce problème ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. À ma connaissance, elle n’a pas abordé le thème de la sécurité. Cependant, un travail a été accompli avec la DFAE afin de définir les mesures adéquates pour les établissements scolaires. Le problème, c’est que ces établissements doivent rester relativement ouverts ; nous nous efforçons par conséquent de créer des zones de protection pour les enfants en dressant des murs d’enceinte et, surtout, de sécuriser les transports. Les établissements éprouvent des difficultés à financer l’ensemble de ce dispositif. C’est pourquoi l’Agence elle-même a accordé des subventions assez élevées ces deux dernières années, qui s’ajoutent aux crédits de 5 millions d’euros. Le problème de la sécurité reste très sensible, nous l’avons constaté lors de la crise en Côte-d’Ivoire : si un établissement scolaire devient une cible, il est très vulnérable.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. J’interviens non seulement en qualité de rapporteure pour les programmes 105 et 151 mais aussi en remplacement de mon collègue François Rochebloine, qui ne pouvait être parmi nous cette après-midi.

Plus d’un tiers de nos 449 établissements, 158 exactement, sont situés en Afrique, contre moins d’une centaine en Asie et en Océanie. Avez-vous des projets d’implantation dans des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil ? Nous savons que cela coûte très cher mais n’existe-t-il pas des possibilités de partenariat financier public-privé, en particulier dans des pays non encore pourvus en établissement d’enseignement français ?

M. le ministre a parfaitement répondu à ma deuxième question, qui portait sur les frais de scolarité.

Nombre des élèves locaux fréquentant les établissements de notre réseau à l’étranger souhaitent poursuivre leurs études en France mais sont souvent confrontés à des problèmes de visa. Ne conviendrait-il pas d’assouplir les conditions d’attribution des visas applicables à ces anciens élèves ?

Seriez-vous favorable, monsieur le ministre, à un partenariat au sein de l’Union, sur la base du savoir-faire des lycées français et pourquoi pas en profitant de la présidence française, dans une démarche européenne, pour encourager la création de lycées européens, à l’extérieur de l’Union, en particulier dans les pays émergents ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Je suis bien sûr partisan de la création de lycées européens mais je voudrais d’abord que nous créions les lycées français qui nous sont réclamés, ce qui n’est pas toujours possible ! Vous le savez, nous avons essayé de créer des ambassades européennes mais cela n’a pas fonctionné merveilleusement car, en attendant un assouplissement de la fonction d’ambassadeur, il n’est pas évident de partager ses prérogatives ; diviser l’année en deux fois six mois n’était pas une solution terrible. Pour les consulats, en revanche, nous avons plein de projets de cet ordre, dans la mesure où nous devons en construire là où ils manquent terriblement, à l’extérieur de l’Europe, et certainement en supprimer beaucoup ailleurs, situés dans des villes, notamment européennes, où il suffit d’avoir Internet et, si nécessaire, de se déplacer jusqu’à la capitale ; cet assistanat ne doit pas perdurer. Pour ce que je sais des lycées, il serait difficile de dispenser dans le même établissement deux enseignements un peu différenciés sans cocoricos nationaux. La réputation du lycée Istiqlal vient du fait qu’il est français et qu’un enseignement très original y est dispensé, dans un pays où l’influence anglaise dominait largement. Honnêtement, tout dépend des individus, notamment des directeurs ; la question peut être creusée.

Nos 449 lycées à l’étranger accueillent tout de même 250 000 élèves dans 125 pays et nous pourrions atteindre le double ! Le continent le mieux pourvu est certes l’Afrique, pour des raisons historiques, mais la demande se déplace vers l’Asie et nous allons y répondre. Comment ? À Pékin, par exemple, la demande est très forte et les conseillers des affaires étrangères cherchent des financements pour créer un établissement permettant d’y répondre, en espérant que les difficultés actuelles avec les Chinois ne durent pas.

J’en reviens à la question des bourses. Il est vrai – est-ce juste ? – que des entreprises privées accordent des aides substantielles aux familles de leurs employés pour compléter les bourses ou assumer directement et intégralement l’écolage des enfants. Il faut s’appuyer sur le privé et le public, comme vous l’avez suggéré. Si des bourses sont distribuées, les sommes accordées aux familles aidées par une entreprise diminuent. Les parents d’élèves et les établissements sont les seuls qualifiés pour décider ; il faut leur faire confiance.

Le lien entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est tout naturel ; ceux qui apprennent le français ont vocation à intégrer nos universités. Les bourses, hélas, sont très insuffisantes mais, avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, nous avons créé une mission commune dont les premières conclusions sont très claires : la distribution des bourses d’enseignement supérieur doit faire l’objet de davantage de discernement et cibler des recrutements particuliers ou des régions du monde précises, en fonction des orientations fixées par l’administration centrale et des indications des ambassadeurs, qui jouent un rôle de coordination interministérielle. Il faut passer les candidatures au crible, faute de quoi des étudiants s’orientent vers les techniques du cinéma, voire l’histoire du cinéma, ou d’autres disciplines qui ne leur serviront à rien. C’est mauvais pour eux, pas pour nous ! Telle est notre politique.

C’est un sujet d’importance car nous accueillons près de 90 000 élèves locaux et les bacheliers partent volontiers poursuivre leurs études à l’étranger, mais dans d’autre pays, notamment anglo-saxons – le Canada, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis, etc. –, qui exercent une attraction beaucoup plus forte qu’auparavant. Un tiers des quelque 5 000 bacheliers étrangers ayant été scolarisés dans nos établissements rejoignent encore la France, mais ils viennent principalement de zones assez localisées, à tradition francophone, comme l’Afrique du Nord. De plus en plus partent au Canada. Quant aux élèves des pays européens, ils restent dans leurs pays, qui sont aussi dotés de systèmes universitaires de grande qualité. Pour décider les familles de nos anciens élèves à les envoyer en France, les conditions d’accueil constituent le principal obstacle car elles ont l’habitude de standards relativement exigeants. Les internats des classes préparatoires, par exemple, qui ferment pendant les petites vacances, sont inadaptés à l’accueil d’élèves venant de l’étranger. Par ailleurs, faute d’offrir le même environnement que dans les pays anglo-saxons, les cités universitaires françaises souffrent d’un lourd handicap, que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche est néanmoins en train de combler. Les conditions d’accueil ne correspondent donc pas aux attentes des familles. En outre, le public étranger a du mal à comprendre la distinction en vigueur, dans le premier cycle du supérieur, entre classes préparatoires et universités.

Nos établissements sont répartis ainsi, madame la rapporteure pour avis : 158 en Afrique, 114 en Europe, 93 en Asie-Océanie et 84 en Amérique. Toutefois, sur les 5 000 élèves supplémentaires que nous avons accueillis cette année, 2 000 l’ont été en Asie. Le flux se détourne donc vers les pays émergents.

Il existe trois catégories de lycées : 74 établissements sont gérés directement par l’AEFE ; 172 établissements de droit étranger sont conventionnés par l’AEFE pour la mise à disposition d’enseignants français ; 203 établissements, en particulier privés, comme celui de Washington, qui n’a cependant pas un mauvais niveau, loin de là, sont simplement homologués, sans recevoir d’aide de l’État.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Permettez-moi, monsieur le ministre, de manifester ma satisfaction après avoir entendu vos propos sur la distinction entre consulats et ambassades s’agissant des mutualisations. Comme la commission des affaires étrangères vous l’avait indiqué l’année dernière, nous considérons que la mutualisation des consulats de l’Union européenne constitue une excellente idée mais nous sommes nous aussi beaucoup plus réservés en ce qui concerne les ambassades, pour toutes sortes de raisons.

Je souhaite vous poser deux autres questions.

D’après le rapport que j’ai en main, le coût budgétaire de tout ce réseau scolaire est de l’ordre de 358 millions d’euros. Comment cette somme est-elle répartie entre lycées gérés directement, conventionnés et homologués, sachant que les trois catégories comportent des nombres d’établissements très différents ? Vous ne pourrez peut-être pas me répondre précisément mais je serais intéressé si vous pouviez me communiquer des chiffres plus tard. Cela pourrait en effet ouvrir des pistes intéressantes, notamment pour la recherche de moyens à l’étranger, car le coût pesant sur le budget de l’État s’avère probablement bien moindre pour les établissements homologués que pour les établissements gérés en direct. Dans le même ordre d’idée, s’ils coûtent 358 millions d’euros à la France, quel est le budget global de ces 449 établissements ?

J’ignore s’il s’agit de la mission que vous avez évoquée mais, si j’ai bien compris, vous avez chargé l’ambassadeur Yves Aubin de La Messuzière de rechercher de nouvelles sources de financement. Puisqu’il doit vous remettre son rapport le 7 juillet prochain, j’imagine que vous ne pouvez pas encore nous communiquer ses conclusions. Pouvez-vous néanmoins nous indiquer quel cahier des charges vous lui avez confié et nous préciser si vous lui avez demandé d’approfondir des perspectives spécifiques ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je voudrais prolonger une question d’Axel Poniatowski. Nous avons beaucoup parlé des lycées, mais existe-t-il des mesures de soutien en faveur de l’enseignement du français aux élèves un peu plus jeunes ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. La scolarité dans les lycées va de la maternelle au baccalauréat.

La mission qui a été confiée à M. Yves Aubin de La Messuzière, assisté de M. François Perret, doyen de l’Inspection générale, et de M. François Périgot, ancien président du Centre national du patronat français, consistait à dresser un bilan de l’enseignement du Français à l’étranger et surtout à dégager des perspectives de développement et de financement – c’est-à-dire à indiquer comment cela fonctionnait et comment cela pouvait fonctionner mieux et être financé. Il a été procédé à deux réunions par mois entre janvier et juin avec des représentants de parents d’élèves, des enseignants français à l’étranger et des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat – soit douze réunions en tout. Le rapport me sera remis le 7 juillet. Je pourrai alors vous en dire plus.

M. de La Messuzière pourrait faire une présentation de son rapport lors de l’assemblée des Français de l’étranger, en septembre. Cela fournirait une première indication, même si nous poursuivons, comme le Président de la République nous l’a demandé, la gratuité de l’écolage.

Nous n’avons pas avec les établissements homologués de relations juridiques et financières nous permettant de connaître le coût total du réseau. Nous savons, en revanche, que le coût du réseau des établissements gérés directement par l’Agence et des établissements conventionnés – établissements privés avec lesquels l’Agence a passé un accord – avoisine le milliard d’euros. Donc, pour une enveloppe de l’État de 358 millions d’euros, il y a, à coup sûr, 650 millions d’euros qui proviennent de crédits non publics, auxquels on peut ajouter un bon tiers de crédits privés pour les établissements homologués.

Une solution permettant de faire des économies pouvait être, jusqu’à il y a peu, de multiplier les établissements homologués, ou en tout cas de ne pas laisser croître le nombre des établissements conventionnés, qui sont subventionnés. Il est à remarquer, au passage, que, si ces derniers sont subventionnés, c’est soit parce qu’ils sont en croissance, soit parce que leur sont donnés des objectifs supplémentaires. Sur fond de prise en charge des frais de scolarité des élèves français de l’étranger, le paysage n’est plus le même : les établissements homologués, qui sont libres de fixer leurs tarifs, ont, en moyenne, des frais de scolarité nettement plus élevés que les établissements conventionnés ou en gestion directe qui reçoivent une subvention à peu près d’un tiers de l’État. La dépense engendrée par les établissements homologués va donc aller croissant. Or nous n’avons aucun moyen de réguler celle-ci. Un bon équilibre est à trouver entre aide aux institutions scolaires, aide aux établissements et prise en charge des frais de scolarité afin d’éviter un dérapage des frais de scolarité lié à un effet d’aubaine. Les établissements homologués sont désormais des prescripteurs de dépenses publiques.

Mme Michèle Delaunay, suppléant Mme Aurélie Filippetti, rapporteure pour avis de la commission des affaires cultures, familiales et sociales. Mon souci principal est d’essayer de pérenniser ce que les enfants étrangers ont acquis dans nos établissements français afin que le fait de parler français les accompagne toute leur vie. Le faible nombre d’étrangers qui poursuivent leurs études en Français à l’université est, de ce point de vue, préoccupant.

Le fait d’avoir fait l’effort d’étudier dans un lycée français – qui, pour eux, est étranger – les aide-t-il ensuite à obtenir des visas pour participer à nos congrès francophones, notamment médicaux, où ils sont toujours les bienvenus ?

Il a été question des difficultés immobilières rencontrées par le ministère. La mise en place de CampusFrance a-t-elle eu un impact sur l’accueil des étudiants étrangers ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Comment pérenniser ? En étant plus généreux et en offrant au moins autant de perspectives liées à la francophonie que ce que font les autres pays pour le rayonnement de leur propre langue. Cela nécessite le rétablissement de nos finances et une répartition différente de celles-ci. Pour le moment, le moins que l’on puisse dire est que continuer ses études en langue française exige de la part d’un étranger beaucoup de bonne volonté.

Le nombre de bourses distribuées à des étudiants étrangers pour l’enseignement supérieur s’étale entre 1 500 et 2 000. Ce n’est pas beaucoup par rapport aux milliers d’étudiants étrangers qui viennent chez nous – généralement des mêmes pays francophones – et qui n’ont pas forcément suivi la filière des lycées.

J’ai particulièrement apprécié votre référence aux congrès médicaux. De nombreux auditeurs y sont invités et leur participation est un grand atout pour notre pays. De nombreux étrangers viennent suivre des congrès professionnels en France, non pas à cause du pays lui-même mais du fait qu’ils ont appris le français. Les anciens des lycées sont trop peu invités dans les congrès internationaux.

Comment fidéliser ? Il faudrait d’abord nous fidéliser nous-mêmes et être, plus que nous ne le sommes, attentifs à la destinée des étrangers qui ont étudié dans des lycées français, en leur proposant des formations et un suivi.

Le CNAM, le conservatoire national des arts et métiers, a un réseau international qui offre, dans 150 pays, des formations continues dans de nombreuses disciplines. Mme Gendreau-Massaloux, quand elle était rectrice de l’AUF, l’Alliance universitaire de la Francophonie, a eu recours à ce réseau pour organiser des conférences.

CampusFrance est également très important. Une coopération s’est établie entre cette agence et les lycées pour l’orientation, l’envoi de documentation et l’information des enseignants.

D’autres circuits existent en dehors du CNAM : les Alliances françaises, nos centres culturels français. Toutes ces institutions marchent ensemble. L’attachement pour le français se manifeste dans la fréquentation non seulement des lycées, mais également des Alliances et des centres culturels, qui prennent ensuite le relais.

Est-ce suffisant ? Non, d’autant que le sous-financement du système pose des problèmes. Mais la modernisation de nos universités devrait les rendre plus attractives pour les étudiants du monde entier. Nos écoles supérieures et nos écoles de commerce ont une réputation excellente. L’école mathématique française est reconnue dans le monde entier. La France a des pôles d’excellence et, pour visiter les Alliances françaises dans le monde, je puis témoigner que de nombreux étrangers souhaiteraient profiter plus facilement de leurs connaissances en français et venir dans notre pays.

On déplore le manque de publications françaises. Les publications scientifiques se font toutes en Anglais parce que c’est ainsi que les recherches sont « labellisées ». Aucune publication médicale française n’est reconnue internationalement. Il faudrait reprendre toute la chaîne.

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a recouvré un plafond d’emplois pour les prochains exercices budgétaires à la suite de l’amendement de M. Charasse à la fin de l’année civile dernière. La question actuellement en débat est de savoir comment rendre compte, en la mettant sous plafond, de la partie des emplois de l’Agence financés sur crédits publics tout en laissant se développer, hors plafond, l’autre partie de ses emplois.

La situation de l’Agence est très particulière parmi les établissements publics français, puisque 40 % de la masse salariale représentée par les 5 000 enseignants titulaires qu’elle gère sont remboursés par les établissements. Chaque nouveau poste de titulaire est entièrement remboursé par ces derniers, ce qui signifie que les créations d’emplois sont financées par des fonds privés, en l’occurrence les frais de scolarité payés par les familles. Il est important de pouvoir continuer ainsi, car le réseau s’accroît actuellement de 5 000 élèves par an. Comme nous ne savons pas utiliser autre chose que des enseignants, qui plus est qualifiés, pour s’occuper des enfants supplémentaires – il n’y a pas de robots –, il est nécessaire de créer chaque année de nouveaux postes. S’ils sont créés sur fonds privés, ils ne doivent pas, selon l’Agence, dépendre d’un plafond d’emplois.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Que souhaite l’Agence ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Ce que peut souhaiter l’Agence, c’est que figurent dans le plafond d’emplois les postes d’expatriés et de personnels résidents qui sont entièrement à la charge de l’État, et que soient laissés hors plafond les emplois financés par des fonds privés, en l’occurrence par les frais de scolarité. L’Agence a besoin de continuer à créer des emplois sans que cela pèse sur le budget de l’État, en précisant qu’il s’agit d’emplois de titulaires de l’éducation nationale française, seuls capables de pratiquer l’enseignement français à l’étranger. Il ne doit pas être très fréquent que des emplois publics français soient financés par des fonds privés.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La révision générale des politiques publiques s’applique-t-elle à votre ministère, monsieur le ministre, et en particulier à la mission que nous examinons aujourd’hui ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. La révision générale des politiques publiques s’applique, hélas, à mon ministère, monsieur le président.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Très largement ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Pas très largement, parce que nous avons maintenu notre budget.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il en a été beaucoup question, quantitativement, dans les comptes rendus des commissions !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. C’est heureux, car nous nous sommes battus comme des lions. En réalité, pour maintenir notre budget, nous avons développé tous les arguments que nous venons de détailler devant vous : la sécurité des établissements, la dégradation de l’immobilier, la nécessité de créer des postes de professeurs sous peine de ne pas avoir plus d’élèves, ce qui ne pourrait que nuire à l’étude du français à l’étranger. Ce dernier argument joint au fait que les travaux rendus nécessaires par la vétusté des locaux ne peuvent pas attendre ont été pris en compte. Sinon, l’ensemble a été passé au crible, mais pas raboté, et la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux s’applique au ministère comme aux autres.

Le constat de la RGPP sur l’Agence a été plutôt positif. Ils se sont rendus compte qu’il n’était pas possible de rogner sur les travaux de réfection et de sécurité pour maintenir le budget de l’Agence.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cela signifie qu’il faut se garder d’assimiler révision générale des politiques publiques et réduction des dépenses !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. C’est à peu près ce qui nous a été dit ! La RGPP a pour but d’assurer un meilleur fonctionnement des services…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …pour une plus grande efficacité en fonction des objectifs qu’ils se sont fixés !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Bien entendu !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. La distinction entre emplois entièrement à la charge de l’État et emplois financés en partie par les droits d’écolage ne tient plus si les dépenses sont prises en charge par l’État.

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Jusqu’à récemment, l’objectif était de développer le réseau des établissements scolaires sans coût supplémentaire pour l’État. La question qui se pose maintenant, et qui risque d’être déstabilisante, à court terme, pour les établissements, est de savoir si le coût supplémentaire engendré pour l’État par la prise en charge des frais de scolarité des familles françaises doit être transféré – et à quel rythme ? – sur les familles étrangères qui, elles, continuent de payer sur ce réseau.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure pour avis suppléante. Ce serait scandaleux. Ce n’est pas ainsi qu’on fera venir des étudiants étrangers en France !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Jusqu’où faut-il que les familles étrangères compensent l’excellence de l’enseignement qui leur est dispensé ? Personne ne les force. La réputation des lycées français, la qualité de l’enseignement et de l’ambiance exercent une véritable attirance. Est-il juste de faire payer cette qualité ? Je vous laisse juges.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il est écrit dans le RAP que le ministère compte modifier les trois principaux programmes. Est-il trop tôt pour connaître les éventuelles modifications ?

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Cette question fera l’objet de discussions. Je suis, de ce point de vue, à la disposition du Parlement comme de l’Éducation nationale.

Il faut trouver des professeurs en dehors des recrutés locaux. Ceux qui veulent faire carrière à l’étranger doivent être encouragés.

Les recrutés locaux ne doivent pas, de leur côté, être accablés. Ils sont indispensables au fonctionnement de nos établissements et comblent souvent des vides.

Le réseau étant très sérieux, il faut organiser des inspections. Une réorganisation, une nouvelle répartition, la création d’un programme réseau diplomatique et soutien doivent être examinés.

La tenue d’états généraux en septembre permettrait d’amorcer la réflexion. Les parents d’élèves souhaitent vraiment parler de toutes ces questions et ne plus simplement souffrir ou, au contraire, profiter – ce qui est le plus fréquent – des décisions prises à Paris.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Cela laisse présager un prochain RAP encore plus dense !

M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Exactement !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il serait intéressant, monsieur le président, que notre commission entende le ministre conjointement sur le Livre blanc et la RGPP.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est ce que nous comptons faire, non seulement à propos de l’enseignement, mais aussi pour l’ensemble des ministères et des missions.

Monsieur le ministre, nous vous remercions.

(La réunion de la commission élargie s’achève à dix-sept heures trente-cinq)