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Débats de la séance

Compte rendu
intégral

Commission des finances, de l’économie générale et du plan

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Commission élargie

Jeudi 19 juin 2008

Projet de loi de règlement 2008

Culture (programme « patrimoines »)
compte spécial : cinéma, audiovisuel et
expression radiophonique locale

Présidence de M. Didier Migaud

(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Je suis heureux d’accueillir Madame la ministre au sein de cette commission consacrée au projet de loi de règlement 2007. En octobre dernier, nous avons pu apprécier, Madame, votre volonté de répondre simplement et directement aux questions de la commission élargie sur votre projet de budget pour 2008.

Cette année, pour la première fois, cette procédure est mise en œuvre pour le contrôle de l’exécution, le Parlement souhaitant consacrer plus de temps à l’exécution du budget, dans l’esprit de la LOLF.

Nous sommes convenus d’aborder davantage la question du programme « Patrimoines ».

Nous allons tout d’abord laisser la parole au rapporteur spécial du programme Patrimoines, Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Je suis heureux que le programme « Patrimoines » soit étudié en commission élargie.

Entre 2006 et 2007, les politiques culturelles du patrimoine ont consommé près de 130 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires, soit plus 13 %. Vu le contexte de nos finances publiques, un tel effort de la solidarité nationale vous oblige, Madame la ministre.

Il vous oblige notamment à rendre compte de l’usage par le ministère de la culture du milliard octroyé en 2007 au programme « Patrimoines ». Or, pour rendre des comptes, encore faut-il pouvoir mesurer l’exécution ainsi que la performance des crédits budgétaires.

Le projet annuel de performances retenait trois objectifs : améliorer la conservation des patrimoines ; augmenter l’accès du public au patrimoine national ; élargir les sources d’enrichissement des patrimoines publics.

Le rapport annuel de performances de 2007 ne permet que partiellement d’apprécier les résultats de votre ministère. La commission des finances partage ainsi le constat de la Cour des comptes.

Si les indicateurs retenus mesurent bien l’efficience et non l’activité des services, ils ne reflètent les missions de protection et de contrôle du programme que sous un angle quantitatif.

Les modalités de renseignement des indicateurs souffrent encore de limites pédagogiques.

Il faut achever et fiabiliser l’adaptation des systèmes d’information – « Arpège » et « Bonus » – au pilotage par les performances.

Quelles mesures allez-vous prendre pour améliorer cette situation ?

Les objectifs et les indicateurs vont-ils évoluer, notamment dans le prochain projet de loi de finances ?

Par ailleurs, l’existence d’un programme « Soutien » au sein de la mission « Culture » nuit à l’appropriation des mécanismes de la LOLF par vos services.

Plus de la moitié des crédits sont présentés comme des subventions pour charges de service public versées à des opérateurs, alors que ces dotations financent indifféremment des dépenses de personnel, de fonctionnement et d’investissement de la répartition des crédits par titre.

Quelle a été, en 2007, la part des subventions aux opérateurs destinée à financer des travaux et des investissements ? Quels sont les opérateurs qui ont consacré, en proportion de leur budget global, la plus grosse part de leur subvention à des dépenses d’investissement ? Quels sont ceux qui, au contraire, affichent le pourcentage le plus faible ?

Face au risque de débudgétisation déguisée, comptez-vous enfin répondre au vœu de la commission des finances d’enrichir la partie consacrée aux opérateurs dans les RAP, qui se limite aujourd’hui à quelques opérateurs considérés comme « principaux », entravant ainsi la transparence budgétaire sur l’usage des crédits alloués aux autres établissements ? Pas moins de treize opérateurs sont concernés dans le seul programme « Patrimoines » !

Comment l’architecture de la mission « Culture » pourrait-elle évoluer avec la réorganisation en cours du ministère ?

Pensez-vous lancer le chantier de la ventilation des crédits de rémunération, notamment ceux des services départementaux de l’architecture et du patrimoine, les SDAP, du programme « Transmission des savoirs » vers le programme « Patrimoines » ?

S’agissant de l’exécution budgétaire proprement dite, le Parlement vous avait octroyé en loi de finances initiale pour 2007, 2,76 milliards de crédits de paiement au titre de la mission « Culture », dont plus d’un milliard pour le programme « Patrimoines ».

Comment expliquer que le taux de consommation des crédits budgétaires soit de 94,8 % des crédits de paiement mais de seulement 79,4 % des autorisations d’engagement ? Cela résulte-t-il d’un déficit de pilotage des opérations culturelles ?

Ce constat doit-il nous amener à appliquer le principe du « chaînage vertueux » entre le projet de loi de règlement et le projet de loi de finances en contrôlant l’évolution du montant des crédits du patrimoine l’an prochain ?

Comment justifier que le niveau des reports de crédits sur 2007 soit si élevé pour la mission « Culture » – 83,9 millions, soit près de 32 % des crédits d’investissement ouverts en 2006 ?

Le niveau de reports à l’issue de l’exécution 2007 est moindre mais encore important – 35,7 millions – et concerne presque exclusivement le programme « Patrimoines ».

À ce titre, la Cour des comptes a rappelé dans son récent rapport qu’une situation similaire avait conduit, au début des années 2000, à ajuster les crédits en loi de finances 2004, diminuant de moitié le montant des reports.

Enfin, comment vos responsables de programme ont-ils utilisé la fongibilité asymétrique ? Des économies ont-elles été réalisées en gestion grâce aux souplesses offertes par la LOLF ? Ou est-ce, au contraire, un échec ?

Les dépenses fiscales associées aux politiques culturelles sont généreuses. Le récent rapport d’information de la commission des Finances sur les niches fiscales propose d’encadrer et de rénover le dispositif « Malraux » et de moderniser le dispositif applicable aux monuments historiques.

Pour autant, la cour des comptes dénonce une prise en compte partielle des dépenses fiscales, qui exclut notamment le principal dispositif de mécénat prévu par le code général des impôts, à savoir le soutien à la diffusion culturelle et aux musées, d’un coût de 190 à 200 millions.

Comment comptez-vous améliorer la présentation et la justification des dépenses fiscales dans le PAP 2009 et le RAP 2008 ?

Comment s’explique le chiffrage défaillant de la réduction d’impôts sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques ? Alors que cette mesure avait coûté 20 millions à l’État en 2006, le PAP 2007 avait de toute évidence sous-estimé le besoin, l’évaluant à seulement 5 millions. Comment expliquer ce décalage, le chiffrage 2007 de la mesure dans le RAP faisant état de 10 millions ?

Quelles sont les six entreprises qui, d’après le RAP 2007, ont bénéficié de la mesure ?

Pour ce qui est des actions culturelles en faveur des patrimoines en 2007, je laisserai à mon collègue de la commission des affaires culturelles le soin de vous interroger sur les allers-retours dans le financement des monuments historiques et du Centre des monuments nationaux.

L’année 2007 a été marquée par des difficultés dans les travaux de restauration imputés sur le programme Patrimoines, et les services du ministère n’ont pu absorber le surcroît de moyens liés à la mise à disposition de 140 millions de fonds de concours issus de la taxe sur les droits de mutation, du fait notamment d’un montage administratif complexe entre le CMN et les directions régionales des affaires culturelles.

L’année 2007 a été présentée comme une année importante en termes d’avancement des chantiers d’investissement, notamment avec la cité de l’architecture et du patrimoine.

Quels sont les chantiers qui ont été retardés en 2007 ? S’agissant des plus grosses opérations, pouvez-vous faire le point sur les raisons des retards et les perspectives d’achèvement de ces chantiers ?

Comment fut utilisée la progression de la dotation 2007 aux musées du Louvre et d’Orsay que votre prédécesseur avait sollicitée auprès de nous en 2006 ? Ces crédits ont-ils effectivement progressé ?

Quel montant a-t-il finalement été affecté au financement du département des arts d’islam du musée du Louvre, et quel est le bilan des opérations ? L’accord avec les Émirats arabes unis pour le « Musée universel Louvre Abou Dabi » a-t-il eu un impact sur l’exercice budgétaire 2007 ?

Quel montant a été affecté au financement de la restauration du tympan est du musée d’Orsay et à la restructuration du pavillon amont ? Quel bilan peut-on dresser de ces travaux et comment répondent-ils à la double problématique du musée, sa sécurisation et son extension géographique ?

Pouvez-vous enfin faire le point sur l’exécution des crédits d’investissement consacrés en 2007 au projet du centre Pompidou à Metz ?

Permettez-moi deux digressions qui font écho à votre précédente audition devant la commission élargie du 30 octobre 2007, où s’étaient notamment exprimés des réserves sur l’organisation administrative de la gouvernance des musées et des doutes sur le bien-fondé de la généralisation de la gratuité dans les musées.

Où en est-on de la réforme de la gouvernance des musées de France, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques de la nécessaire évolution du positionnement respectif de la Direction des musées de France, de la Réunion des musées nationaux et des établissements publics muséaux ?

Disposez-vous d’un premier bilan de l’expérimentation de la gratuité dans les musées ?

Je ne résiste pas, par ailleurs, à la tentation d’évoquer la gestion budgétaire 2007 du musée et du domaine national de Versailles, dont vous étiez la présidente.

Quel bilan dressez-vous de l’exécution budgétaire du schéma directeur de Versailles et de la mobilisation des crédits privés pour y mener des opérations d’investissement ? Je pense à la restauration de la Galerie des Glaces par le groupe Vinci, achevée en juin 2007, et à la signature d’un partenariat public-privé avec la société Unilog au début de 2007 afin de réduire les files d’attente et d’améliorer l’accueil ?

Au-delà de Versailles, d’autres montages financiers avec des investisseurs privés ont-ils été concrétisés en 2007 ?

Enfin, 2007 a été l’année du transfert de la totalité des personnels de la Bibliothèque nationale de France à l’établissement public. L’exécution budgétaire des crédits liés à ce transfert s’est-elle déroulée sans heurt ? Comment aller plus loin ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le rapporteur spécial, nous vous remercions pour la qualité de votre travail et pour la précision de vos questions.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. S’agissant du rapport annuel de performances et de l’amélioration du système de mesure de la performance, nous sommes tous très mobilisés depuis 2004 : 67 % de nos indicateurs ont évolué favorablement en 2007, et 87 % des sous-indicateurs ont été renseignés en 2007 contre 73 % l’an dernier. Un seul indicateur, celui qui porte sur l’efficacité du soutien à l’exportation des produits culturels, n’est pas renseigné.

Il faut tout de même progresser en renforçant la fiabilité des outils de pilotage. Un chantier de certification des indicateurs a été engagé et nous souhaiterions améliorer la lisibilité des PAP et des RAP, en supprimant les sous-indicateurs qui manqueraient de pertinence.

Enfin, nous tenons compte des remarques des parlementaires et des inspections qui déplorent l’aspect trop technique des présentations stratégiques et le développement insuffisant du lien entre le volet performances et le volet budgétaire.

Plusieurs indicateurs doivent évoluer, notamment pour le programme Patrimoine. Un sous-indicateur qui portait sur la protection des sites conduisait ainsi à comptabiliser le nombre de sites inscrits, alors qu’il ne s’agit plus de les multiplier aujourd’hui.

Nous souhaitons également améliorer les indicateurs sur la fréquentation des jeunes publics car les mêmes tranches d’âge ne sont pas toujours visées.

Nous ne sommes pas très bons en matière de taux de satisfaction.

Quant au programme « Création », nous élaborons un indicateur sur la composition des publics.

Pour ce qui est des opérateurs, ils ont consacré 13 % des subventions versées par le ministère à l’investissement.

Versailles n’ayant pas reçu de subvention de fonctionnement, tout est dédié à l’investissement.

60 % de la subvention versée au château de Chambord sont consacrés à l’investissement ? Pour mémoire, le taux est de 39 % pour le musée d’Orsay.

L’Institut national de recherches archéologiques préventives ne reçoit pas de subvention d’investissement, non plus que le musée du Quai Branly, qui est neuf.

Pour d’autres, l’investissement ne correspond qu’à une faible part de la subvention versée – 1 % pour le musée des Arts décoratifs, récemment rénové, 2 % pour la Cité de l’architecture et du patrimoine, 3 % pour la Cinémathèque française, 5 % pour l’Institut national d’histoire de l’art, 7 % pour la Bibliothèque nationale de France – compte non tenu du site Richelieu, qui recevra une subvention d’investissement plus élevée au prochain exercice, mais qui passera par les MOC.

Vous souhaitez enrichir la partie consacrée aux opérateurs dans les RAP. C’est vrai, nous ne nous intéressons en effet aujourd’hui qu’aux opérateurs principaux, ce qui n’est pas satisfaisant. Nous devrons cependant nous entendre avec la direction du budget pour que les documents budgétaires ne soient pas trop volumineux. Cela étant, des explications portant sur l’ensemble des opérateurs figurent dans la partie « Justification au premier euro » du RAP.

S’agissant de la réorganisation de la mission « Culture », ce n’est pas la structuration des budgets qui gouverne l’organisation des services, mais l’inverse.

Une nouvelle organisation de l’administration centrale a été actée lors du Conseil de modernisation des politiques publiques. Les dix directions actuelles seront remplacées par trois directions générales et un secrétariat général. Cette nouvelle organisation sera plus proche de la structuration du budget de la mission « Culture » et correspondra mieux aux différents piliers des politiques culturelles.

S’y ajoutent les programmes pilotés par la DDM, mais qui ne devraient pas être affectés par la réorganisation, même si toutes les conséquences des choix d’organisation seront tirées pour adapter les frontières de chaque programme. Le programme « Transmission des savoirs » sera ainsi rattaché au Secrétariat général.

Concernant le chantier de ventilation, les crédits de rémunération, notamment ceux des services départementaux de l’architecture et du patrimoine, les SDAP, pourraient figurer dans le programme Patrimoines. Aujourd’hui, les effectifs et les crédits de personnel des SDAP, comme ceux des DRAC, sont inscrits en action 7 du programme 224. Les SDAP devant devenir des unités départementales des DRAC, il convient de maintenir dans la même action les effectifs et la masse salariale de ces structures.

L’on peut réfléchir d’une manière plus générale au positionnement des services déconcentrés dans l’architecture budgétaire, mais les réponses doivent plutôt être apportées a posteriori.

S’agissant du taux de consommation des crédits budgétaires, il est en réalité plus élevé. Les taux sont calculés par rapport aux crédits ouverts, lesquels incluent les crédits gelés qui n’ont pas été annulés en fin de gestion mais reportés sur 2008, soit 28,7 millions en autorisations d’engagement et 24,9millions en crédits de paiement. Le ministère n’ayant pu les consommer, il faut les retrancher des crédits ouverts.

Par ailleurs, les crédits ouverts prennent en compte les reports de crédit correspondant aux autorisations d’engagement affectées mais non engagées avant 2007. Là encore, la consommation doit être rapportée aux engagements et non aux affectations.

Par rapport à ces crédits disponibles, soit 1,19 milliard en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, le taux de consommation s’élève à 97,2 % en autorisations d’engagement et 96,9 % en crédits de paiement.

Pour être encore plus précis, le niveau des dépenses doit être comparé aux crédits disponibles diminués des fonds de concours non consommés ou reçus tardivement, soit 1,18 milliard en autorisations d’engagement et 1,16 milliard en crédits de paiement. Le taux de consommation s’élève ainsi à 97,6 % en autorisations d’engagement et 99,8 % en crédits de paiement, ce qui est plus satisfaisant.

Concernant les reports de crédits de 2006 sur 2007, le niveau est très élevé car l’intégralité des crédits reportés correspond aux fonds de concours versés le 29 décembre. La majeure partie des 70 millions provenait des produits de droits de mutation affectés au titre de 2006 au CMN.

Les reports 2007 vers 2008 sont plus élevés qu’indiqué même s’ils sont inférieurs à ceux de l’année précédente – 41,2 millions en autorisations d’engagement et 76,6 en crédits de paiement. Il convient de distinguer les fonds de concours et attributions de produits tardifs, après le 15 octobre – 5,2 millions en autorisations d’engagement et 35,7 millions en crédits de paiement –, ainsi que la part de crédits gelés non annulés et reportés de 2007 sur 2008 – 36 millions en autorisations d’engagement et 36, 2 millions en crédits de paiement.

Pour ce qui est du programme « Patrimoines », les reports s’élèvent à 61,73 millions et résultent d’un montage juridique et financier complexe, décidé pour mettre en œuvre le plan de relance en faveur des monuments historiques.

Par ailleurs, les entreprises ont éprouvé des difficultés à se rendre à nouveau disponibles immédiatement, une fois les marchés passés.

Quant au report des crédits gelés et non annulés en fin de gestion, j’ai obtenu qu’ils soient reportés sur 2008 ce qui correspond, pour le programme « Patrimoines », à 27,7 millions en autorisations d’engagement et 24,9 en crédits de paiement.

Concernant la fongibilité asymétrique, vous soulignez le peu d’économies réalisées en gestion malgré les souplesses offertes par la LOLF. Il est vrai que les mouvements ont été limités à des mouvements techniques pour 2,2 millions, mais le ministère de la culture est un petit ministère qui a très peu de marges de manœuvre sur le personnel. La LOLF permet plutôt aux gestionnaires de mieux allouer les moyens disponibles pour atteindre les objectifs que de faire des économies. Celles-ci sont d’abord réalisées pendant la phase de construction budgétaire, en s’appuyant sur les méthodes de justification au premier euro.

S’agissant de la justification des dépenses fiscales, la Cour des comptes a souligné une prise en compte partielle des dépenses fiscales. Conformément à l’article 118 de la loi de finances pour 2004, nous souhaitons évaluer l’application de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat. Nous devons mener cette évaluation avec les services du ministère des finances et du budget. Nous les avons sollicités à plusieurs reprises dans ce sens, mais il n’est pas certains qu’eux-mêmes détiennent tous les éléments.

Par ailleurs, nous avons lancé en 2007 une étude sur les pratiques locales de mécénat et de parrainage culturel, dont les résultats devraient être livrés d’ici septembre 2008. Nous nous appuyons également sur diverses études et les enquêtes, notamment celles de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, de l’Observatoire de la Fondation de France ou de France Générosité.

Concernant les réductions d’impôts des sociétés pour les entreprises engagées dans l’achat de trésors nationaux et autres biens culturels spécifiques, le décalage entre le ministère de la culture et le ministère des finances, notamment la direction générale des impôts, s’explique par un décalage de dates. Le ministère de la culture chiffre les opérations à l’année N de décision d’achat, alors que la DGI inscrit la dépense en année N+1, au moment du paiement par l’entreprise mécène de l’impôt sur les sociétés qui tient compte de la réduction d’impôts au titre de ce dispositif.

Il peut arriver par ailleurs que des situations changent. Ainsi, lors de l’achat du tableau de Poussin, nous avons perdu en chemin un mécène et avons dû en trouver un autre, qui n’a donc été inscrit qu’ensuite.

Pour l’année 2007, les six entreprises mécènes ont été PGA Holding, Natixis, Eiffage, Groupama et Services. La septième a souhaité conserver son anonymat, ce qui est tout à son honneur.

S’agissant des chantiers sur les monuments historiques, des retards sont à constater, notamment pour les cathédrales de Blois, de Tours et de Strasbourg. Faute de crédits, les chantiers s’arrêtent, et peuvent mettre du temps à redémarrer une fois les crédits revenus.

Concernant les dotations de nombre d’établissements publics et la progression de leurs crédits, la subvention de fonctionnement du Louvre a progressé en 2007 mais la subvention d’investissement est exécutée en baisse de 1 % par rapport à 2006, soit 19,3 millions.

Le financement d’État a principalement été affecté : au département des arts d’islam pour 7 millions, au projet Pyramide pour 6,9 millions, aux travaux de clos et de couvert pour 2,8 millions, au schéma directeur incendie pour 2,8 millions.

Les dépenses d’investissement pour le musée du Louvre se sont élevées, certains travaux ayant été reportés en 2008, à 16,5 millions pour une prévision de 30,9 millions, soit un taux d’exécution de 53,4 %. Le chantier des arts d’islam se déroule selon le calendrier prévu, et les nouvelles salles devraient s’ouvrir fin 2010.

Concernant l’opération avec Abou Dabi, le compte financier du Louvre inclut des recettes exceptionnelles liées à la convention signée le 6 mars 2007. Une somme de 175 millions a d’ores et déjà été réglée, dont un premier versement de 150 millions au titre de l’utilisation de la marque « Louvre » – sur 400 millions d’euros au total – et 25 millions au titre du mécénat associé. L’exercice 2007 est donc bénéficiaire de 188,7 millions d’euros, et de 13,7 millions hors Abou Dabi.

La subvention d’investissement du musée d’Orsay n’a été utilisée qu’à hauteur de 49 %, le déroulement des travaux du tympan est et du pavillon amont, confiés par convention de mandat à l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’ÉMOC, ayant pris du retard. Cela arrive souvent dans les bâtiments pourvus d’une architecture métallique car il faut attendre le début des travaux pour s’apercevoir que les dégradations sont plus avancées qu’on ne l’avait supposé au départ. L’établissement a dû demander un diagnostic complet de la structure et l’opération de restructuration du pavillon amont, qui doit être approfondie, fera l’objet d’un concours architectural.

Les crédits d’investissement consacrés au centre Pompidou retracent un financement exceptionnel accordé en 2006 pour le projet de décentralisation, et limité à 2 millions d’euros. Une ouverture de crédit a été consentie à la DRAC de Lorraine et cette opération n’a bénéficié d’aucun accompagnement financier supplémentaire de l’État en 2007.

Vous m’avez interrogée sur l’impact de la RGPP sur le positionnement respectif de la DMF, de la RMN et des services à compétence nationale. Un groupe de travail a été mis en place au mois d’avril. Il travaillera à la proposition commune d’évolution des services entre la DMF et la RMN et aux services rendus par la RMN aux services à compétence nationale, les SCN. Il s’agit là d’un vrai sujet, car il s’agit de créer un maximum de synergies entre eux en matière de collections permanentes et de développement des politiques à destination du public. Il peut y avoir notamment beaucoup de mises en commun pour développer les actions touristiques.

S’agissant des ressources propres, l’idée de la réforme, c’est d’en faire profiter beaucoup plus les SCN, qui sont aujourd'hui d’autant moins intéressés par leur développement que tout part en direction de la RMN. La RMN, quant à elle, est de plus en plus performante. Ses progrès sont manifestes ; il suffit de regarder les boutiques. Des actions communes seront menées, notamment pour la programmation des expositions des SCN où la RMN a un énorme savoir-faire. Le groupe de travail va rendre ses conclusions rapidement. Une discussion est en cours également pour expérimenter, sur la base du volontariat, le rattachement du budget des SCN à celui la RMN. On verra qui est intéressé et ce que ça pourra apporter.

À Versailles, lieu toujours cher à mon cœur, la subvention d’investissement en 2007 a été consommée à hauteur de 23,91 millions en crédits de paiement au lieu de 20 millions d’euros, pour permettre à l’établissement de financer plus rapidement les travaux de réseaux techniques et la réhabilitation du Grand Commun. Leur avancement conditionnant le lancement d’opérations de sécurité et d’accueil du public, ils constituent en quelque sorte le poumon de l’opération, d’autant qu’une grande partie du personnel doit emménager dans le Grand Commun. Tout l’accueil du public est lié à ces travaux. Un versement anticipé de la subvention de 2008 a eu lieu, à hauteur de 3,91 millions d’euros en crédits de paiement. Ces versements permettent d’envisager la fin de la première phase avant la fin de l’année 2011. Le montant total de la participation de l’État à cette première phase du schéma directeur a été arrêté à 131,3 millions d’euros. Au 31 décembre 2007, le montant cumulé des financements de l’État s’élevait à 79,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 53,6 millions en crédits de paiement, auquel s’ajouteront en 2008 24 millions d’euros. En 2007, le taux de réalisation du projet atteignait 60 % en AE et 41 % en CP.

Quant aux financements privés, ils ont été très nombreux, et d’ampleur et de forme très variables. La rénovation de la Galerie des Glaces a été réalisée grâce à un mécénat de compétence original : le mécène s’est trouvé en position de maître d’ouvrage. Un tel montage ne serait plus possible, cette faculté ayant ensuite été restreinte. Reste que cette opération présentait des avantages considérables et a porté sur 12 millions d’euros, soit la totalité des travaux. Cette formule devrait être développée quand elle est possible, c'est-à-dire quand il existe une coïncidence entre la compétence et le mécène. Tel est le cas du groupe Bouygues qui rénove l’hôtel de la Marine, place de la Concorde. En ce qui concerne le partenariat public-privé conclu avec Unilog, il faudra qu’il soit évalué. Apparemment, la prestation fournie a posé des problèmes. Il n’y a pas eu d’autre opération de ce type ailleurs qu’à Versailles, mais deux projets sont en cours d’étude : pour le centre de réserve du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, et, probablement pour la Philharmonie de Paris.

L’expérience de gratuité, je le rappelle, a été menée sur quatorze sites – monuments historiques et musées – et sur les collections permanentes. Des heures ont été réservées au jeune public – entre dix-huit et vingt-cinq ans – dans quatre des principaux établissements publics de Paris. A priori, l’expérience est intéressante en termes de fréquentation : plus 55 % en moyenne sur les cinq premiers mois, sachant que les augmentations sont spectaculaires dans les lieux qui recevaient peu de visiteurs, comme le palais Jacques-Cœur à Bourges, et bien moindres dans les lieux déjà très fréquentés, tel le musée Guimet. N’oublions pas non plus l’effet « lune de miel » : l’exemple des musées britanniques et celui des musées de la Ville de Paris montrent que l’augmentation est forte surtout au début, mais que l’effet retombe ensuite.

En revanche, toutes les études réalisées à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne, montrent que la gratuité ne contribue pas beaucoup à la diversification des publics. Ce sont les toujours les mêmes qui vont au musée, mais plus souvent. Le profil socioculturel du visiteur reste stable. Finalement, au bout de six ans d’expérience, la fréquentation des musées britanniques s’est accrue de 30 % là où celle du Louvre, payant, a augmenté de 62 % grâce à une politique très attractive. Nous n’avons pas tiré toutes les conclusions de notre expérimentation, qui n’est pas encore achevée, mais on voit bien que le principal obstacle à la fréquentation est d’ordre socioculturel. Les tarifs comptent, mais ils n’interviennent qu’à la marge dans la diversification des publics.

La gratuité a également un coût. Totale, elle coûterait 200 millions d’euros, ce qui est considérable. On peut même avoir des doutes car les touristes étrangers représentent une proportion très importante des visiteurs des grands établissements, plus de 70 % à Versailles. La gratuité serait une aubaine pour eux. Il faut plutôt réfléchir à des politiques tarifaires ciblées, proposant la gratuité à certaines heures dans certains lieux. En créant l’événement, on attire certains publics, notamment les jeunes. Peut-être pourrait-on aller dans cette direction. L’éducation artistique contribue aussi à la diversification des publics. À cet égard, les partenariats entre établissements culturels et établissements scolaires constituent sûrement une partie de la solution, tout comme la gratuité dont bénéficient les enseignants qui les incitent à emmener leurs classes. Elle a un coût, elle aussi, surtout si elle est européenne, – or, théoriquement, elle l’est – de 12 à 15 millions d’euros, ce qui n’est pas rien. De toute façon, une commission nationale d’évaluation sera mise en place pour mieux mesurer l’efficience des politiques tarifaires et des publics.

S’agissant des personnels de la Bibliothèque nationale de France, le transfert des emplois et des crédits de personnel à l’établissement public s’est bien passé. L’opération a été bien préparée par l’établissement et par le ministère. Au-delà du transfert budgétaire des crédits et des emplois, la BNF a bénéficié d’une délégation de pouvoir en matière de gestion des personnels. Le décret a été complété par un arrêté précisant la nature et l’étendue des actes de gestion transférés. Globalement, l’établissement gère sans difficulté tous les actes qui ne relèvent pas de l’appréciation du mérite comparé des agents, dont la promotion ne peut pas ne pas tenir compte de ce qui se passe ailleurs, à l’intérieur d’une même filière, pour ne pas créer de trop grandes disparités.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je vous remercie, madame la ministre, de la précision de vos réponses.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la ministre, j’ai été très intéressé par les réponses que vous avez apportées.

Parmi les chiffres-clés du ministère figure le nombre d’entreprises mécènes, soit 6 500. Cela signifie que le mécénat est devenu une réalité notable, mais quel volume de financements apporte-t-il à l’État ? Il faudrait l’apprécier plus précisément car ce qui représente pour vous de l’argent en plus, représente pour le président de la commission des finances de l’argent en moins dans le budget de l’État. Le mécénat fait partie des niches fiscales qu’il est question de réduire. Sans vouloir les justifier aucunement, je constate que leur plafonnement constituerait pour la culture un manque à gagner. Il est donc important de connaître précisément les sommes en jeu.

Pour en venir aux programmes, je relève à la page 41 du rapport une incongruité. Le ministère finance la décristallisation des prestations servies aux ressortissants des pays placés antérieurement sous la souveraineté française et résidant hors de France, c'est-à-dire les anciens combattants ! De deux choses l’une : ou bien les anciens combattants font partie de la culture française – pourquoi pas, après tout ? –, ou bien la culture fabrique des anciens combattants. Je ne comprends pas bien de quoi il retourne. Que le budget de la culture, qui, chacun le sait, a beaucoup trop d’argent (Sourires), se mette à financer les anciens combattants, ou d’autres, les bras m’en tombent !

Notre collègue est revenu sur les droits de mutation que le projet de loi de finances pour 2007 a affectés à la Caisse des monuments nationaux à hauteur de 70 millions d’euros. Je rappelle que, pour la commission des affaires culturelles, une recette affectée est préférable à une budgétisation, en principe transitoire. Si votre avis diffère, pourquoi ? On a parlé de « fluidifier les circuits financiers ». Tout cela est bel et bon, mais il faut d’abord avoir de l’argent. Généralement, quand on en a, on le dépense : les taux d’exécution des crédits le prouvent. Je m’interroge donc, comme mon collègue Patrick Bloche l’avait fait lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, sur les raisons de cette rebudgétisation.

Je serais intéressé par vos explications concernant les grands projets d’investissement qui devaient être relancés en 2007, et dont vous devez nous reparler.

En 2007, se sont poursuivis les transferts des monuments aux collectivités territoriales. Ainsi, trente-huit conventions de transfert ont été signées. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner plus de précisions, notamment sur les conditions financières ? Des engagements ont-ils été pris par l’État envers les collectivités territoriales, notamment en matière de financement des travaux ? Si oui, lesquels, et à combien se montent-ils ?

Personne ne s’étonnera que je vous interroge sur l’archéologie, en particulier sur l’archéologie préventive même si M. Méhaignerie, que le sujet intéresse particulièrement, est absent. (Sourires.)

D’un côté, on nous dit que l’Institut national des recherches archéologiques préventives, l’INRAP, n’a pas besoin de crédits budgétaires parce que ce sont essentiellement les opérateurs, à savoir les collectivités territoriales, qui financent les fouilles. Mais pour fouiller, il faut du personnel. Sa répartition géographique est sujette à discussion, car elle pèse sur sa disponibilité, mais ce n’est pas la question principale. Mon inquiétude première est que l’on puisse brider l’activité de l’INRAP et retarder les chantiers, pour mieux l’accuser ensuite de ne pas faire son travail et justifier ainsi l’ouverture à la concurrence. Car il n’y a pas de concurrence dans le domaine de l’archéologie préventive. ! S’il y en avait une, on s’en serait rendu compte. Que l’on me cite un seul pays, parmi les vingt-sept de l’Union européenne, où il existerait un véritable marché de l’archéologie préventive ! En tout état de cause, il faudrait éviter de e montrer schizophrène en limitant d’un côté les moyens d’action de l’INRAP et en lui reprochant, de l’autre, de ne pas faire les travaux assez vite. À ce propos, j’ai cru comprendre, à moins de n’avoir pas eu connaissance des dernières décisions, que le poste de président de l’INRAP était toujours vacant.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Pour peu de temps.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Mais encore ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. La décision est prise.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Vous voulez nous rassurer, madame la ministre. Irez-vous pour ce faire jusqu’à nous donner le nom de l’heureux élu ? (Sourires.) Nous espérons qu’il a, à l’instar de M. Demoule, un passé !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je vous le confirme.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Tant mieux, car le poste de président de l’INRAP n’est pas purement honorifique !

S’agissant des musées, nous voudrions savoir où en est le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Par ailleurs, la Réunion des musées nationaux est un établissement public industriel et commercial. Vous saluez la qualité de son travail et envisagez, semble-t-il, d’y fondre certains musées nationaux qui sont aujourd’hui des SCN. Si je me souviens bien, la commission des affaires culturelles s’était penchée sur le devenir des musées. La mission d’information qu’elle avait créée n’avait pas envisagé de transformer les musées en ÉPIC. Elle penchait même plutôt pour le statut d’établissement public administratif, à cause des collections. Pourquoi, madame la ministre, la RMN qui avait au départ une vocation commerciale s’intéresse-t-elle désormais aux musées ? Quelle est la nature du lien prévu ? Je souhaite que vous nous rassuriez, car je suis inquiet.

Pour en revenir à la gratuité, vous avez confirmé ce que l’on savait déjà, c'est-à-dire qu’elle profitait à ceux qui venaient déjà, et qui viennent ainsi plus souvent. Pour eux, payer quelques euros pour entrer au musée ne représente pas une dépense très lourde. Je m’interroge sincèrement sur l’intérêt d’une mesure que je trouve, pour ma part, médiatique, pour ne pas dire démagogique. Ce n’est pas parce que les musées seront gratuits que les érémistes vont affluer en rangs serrés, ni que vous et moi n’y irons plus parce qu’il n’y aurait plus que des érémistes. Ne pourrait-on revenir à la raison ? Je souhaite, vous l’aurez compris, que la mesure soit rapportée le plus rapidement possible. Ce n’est pas la peine de faire des études à tire-larigot sur le sujet ni de se pencher longtemps sur les expériences étrangères pour se rendre compte que la gratuité crée un effet d’aubaine pour des touristes qui, de toute façon, iraient à Versailles. C’est se priver d’argent, sans faire de social pour autant.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur, dans votre première question, vous avez souligné que 2 600 entreprises participaient à des opérations de mécénat. Nous n’avons malheureusement pas de vision d’ensemble et c’est vraiment dommage car nous souhaiterions y voir beaucoup plus clair. L’ADMICAL estime que le mécénat draine, en tout, 1,5 milliard d’euros environ, dont 700 millions iraient à la culture. Mais les chiffres ne sont pas très précis.

Les niches fiscales, vous l’avez dit, coûtent, mais elles rapportent aussi, notamment dans le domaine de la restauration des bâtiments. Parler de niche fiscale à propos des monuments historiques ne me paraît d’ailleurs pas approprié.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Ce sont aussi des dépenses.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Ce sont certes des dépenses, mais elles rapportent aussi, en termes d’emploi culturel ou de développement touristique. Elles présentent beaucoup d’intérêt. Le dispositif Malraux, qui a été contesté, est la contrepartie des contraintes qui pèsent sur le secteur sauvegardé. Il a encouragé des opérations très complexes de restauration d’immeubles qui n’auraient probablement pas vu le jour sans lui.

M. Michel Bouvard. C’est un dispositif très vertueux.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Il a manifestement participé à la lutte contre l’habitat indigne dans le Marais ou le vieux Lyon. Le coût fiscal de ce mécanisme est stable et celui-ci permet de poursuivre des opérations de qualité. Nous sommes néanmoins d’accord pour l’aménager et le plafonner, mais pas en dessous de 200 000 euros par an et à un taux de déductibilité de 100 % pour les secteurs sauvegardés, tout en ramenant à 75 % celui des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – les ZPPAUP – qui sont assorties de contraintes moindres.

S’agissant des monuments historiques privés, secteur également très sensible, l’avantage fiscal représente une dépense de l’ordre de 30 millions d’euros par an. II est, lui aussi, la contrepartie de toutes les obligations relatives à la conservation et à la mise en valeur des monuments historiques ouverts au public, lesquels rapportent, je le rappelle, 92 millions d’euros de recettes fiscales, en provenance de propriétaires privés qui possèdent 40 % des monuments historiques. L’aide de l’État est vraiment indispensable. Ce qui a été proposé, à savoir séparer les dépenses spécifiques des dépenses normales – qui seraient, elles, plafonnées à 10 700 euros – ne me paraît pas recevable car tout, dans ces bâtiments, est spécifique. Pour prendre un exemple, la prime d’assurance d’un monument historique est une dépense courante, mais c’est aussi une dépense spécifique. Si le mécanisme était modifié, les propriétaires seraient incités à se débarrasser de leur bien. Remettre en question leur régime fiscal me paraît donc très dangereux. En outre, je suis convaincue que les conseillers fiscaux ne recommandent pas à leurs clients, pour alléger leur fardeau fiscal, d’acheter un vieux château en ruine !

Vous avez évoqué ensuite, monsieur le rapporteur, la décristallisation des pensions. Je me souviens avoir traité ce type de dossier au Conseil d’État, et le problème était vraiment très complexe. Cette ligne budgétaire résulte d’une décision interministérielle en vertu de laquelle chaque ministère a été mis à contribution pour financer la mesure.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vous retrouverez cette dépense dans l’ensemble des missions. Elle est consécutive à un amendement du Gouvernement.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Il y a des procédés plus élégants !

M. Patrick Bloche. On prend l’argent où il est !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Au moment de la discussion budgétaire, il a été décidé de ne pas augmenter le volume de la dépense et de financer la décristallisation en appliquant un pourcentage aux missions de chaque ministère.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Vous vous êtes préoccupé ensuite, monsieur le rapporteur, de la rebudgétisation des droits de mutation perçus au profit de la Caisse des monuments nationaux. Je tiens d’abord à préciser que je ne suis absolument pas contre les ressources extrabudgétaires, même si elles ne sont pas très à la mode aujourd'hui. Elles seraient même bien utiles au patrimoine. J’avais timidement lancé un ballon d’essai en proposant une taxe vraiment minime sur les hôtels de très grand luxe qui, à mon avis, vivent du tourisme, lui-même lié au patrimoine. Le contexte n’était peut-être pas très favorable, mais j’ai essayé quand même. Du reste, je persiste à penser que, si l’on veut disposer des 400 millions d’euros que tout le monde estime indispensables pour faire face aux besoins, il n’y a pas d’autre solution. Le problème réside aussi dans le fait que le CMN n’était pas en mesure de gérer lui-même le produit de cette taxe affectée. Il a donc fallu conclure des conventions de mandat entre le CMN et l’État. C’est pourquoi la « rebudgétisation » est apparue comme une mesure de simplification.

En 2007, l’INRAP a réalisé 1 796 diagnostics pour une superficie de 9 900 hectares, contre 1 950 diagnostics en 2006 pour une superficie de 16 380 hectares et 282 chantiers de fouilles. L’écart important constaté en matière de diagnostics entre ces deux années est dû aux opérations importantes conduites en Guyane dans des mines d’or. Mais j’ai bien peur que ces fouilles n’aient rien donné ! (Sourires.)

On le sait, la question des délais est au cœur des différentes mesures de déplafonnement. En 2007, 150 CDD sont venus progressivement augmenter les capacités humaines de l’INRAP, le socle permanent étant de 1 753 CDI. Le budget 2008 a consolidé ces déplafonnements, ajoutant 200 CDD dès le 1er janvier, pour atteindre le nombre total de 1 953 équivalents temps plein travaillé.

Les grandes opérations comme le canal Seine-Nord-Europe feront l’objet d’un traitement spécifique, afin de ne pas grever les moyens ordinaires. Nous réfléchissons, en l’espèce, à une filialisation.

En matière de diagnostics, les collectivités sont incitées à créer des services agréés, gérés par l’INRAP. Le reversement aux collectivités de la redevance d’archéologie préventive, dont on va essayer d’améliorer la collecte, peut constituer un levier important à la création de ce type de service.

On sait que les personnels de l’INRAP travaillent dans des conditions difficiles, en raison notamment de la multiplicité des fouilles. Nous souhaiterions que soient développés les services archéologiques des collectivités ainsi que le recours aux entreprises privées.

Il existe actuellement 68 services d’archéologie agréés et deux grandes entreprises privées, une suisse, Archeodenum, et une anglaise, Oxford Archaeology. Le recours à des sociétés privées permettrait de proposer une offre complémentaire à celle de l’INRAP. Il faut sans doute traiter plus rapidement les agréments et mieux diffuser les informations sur les appels d’offre des aménageurs.

Je suis en mesure de vous dire que le futur président de l’INRAP sera nommé prochainement. Il s’agit de M. Jean-Paul Jacob, qui est inspecteur général de l’archéologie. Il a été notamment directeur régional des affaires culturelles des Pays de la Loire. J’ajoute qu’à l’origine il était chercheur au CNRS. Il a donc à la fois des compétences scientifiques et de gestion.

Lorsque je suis arrivée à la tête du ministère de la culture, les crédits du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée avaient été gelés. À l’automne 2007, nous avons demandé le réexamen du projet scientifique. En janvier dernier, le Premier ministre a confirmé sa volonté de voir ce projet, cofinancé par l’État et les collectivités, réalisé. Le président du Musée du Quai Branly, Stéphane Martin, qui mène actuellement une mission, doit rendre ses conclusions en juillet.

Je dois dire que le dossier est assez complexe. Le MuCEM possédant des collections très riches puisqu’à celles du Musée des Arts et Traditions populaires s’ajouteront celles du département Europe du Musée de l’Homme et une part des collections du Palais de la Porte dorée, il faut porter un projet intéressant. Par exemple, il faut créer un centre de réserves et il serait souhaitable que le bâtiment de Ricciotti présente toutes ces richesses muséales – si ce musée n’avait pas de collections nationales, on ne voit pas pourquoi l’État s’impliquerait dans le projet. Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur le Fort Saint-Jean pour voir s’il ne pourrait pas être un lieu d’accueil d’événements. Mais attendons les conclusions de Stéphane Martin.

En 2008, 4 millions d’euros devraient faire rapidement l’objet d’un dégel. En tout cas, nous faisons tout notre possible pour qu’il en soit ainsi, sinon ce projet ne pourra pas avancer.

Vous m’avez interrogé sur les transferts de monuments. Sur les 176 monuments transférables, 66 ont été effectivement transférés aux collectivités – 44 au bénéfice de communes, 16 de départements et 6 de régions. Conformément à la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le transfert de propriété doit se faire gratuitement, sur la base du volontariat des collectivités. L’ensemble des charges et recettes d’exploitation ont été transférées sans flux financier entre l’État et les collectivités, à l’exception de la compensation intégrale des rémunérations des personnels d’État. En ce qui concerne les travaux, la loi avait prévu un cofinancement par l’État dans des conditions privilégiées en termes de subventions puisqu’elles s’élevaient à 50 % au lieu de 30 % habituellement, et ceci sur cinq ans dans le cadre d’un programme spécifique.

Les conventions de transfert ont prévu à la fois le transfert, l’entretien et la poursuite des travaux de restauration programmés. Le total des programmations annexées aux conventions de transfert atteint 51,4 millions d’euros, soit une charge pour l’État de près de 26 millions d’euros, compte tenu de ce taux de subventionnement de 50 %.

Une réflexion a été menée par la RGPP autour des relations que pouvaient entretenir la RMN, la DMF et les SCN. Dans un premier temps, nous nous étions demandés si tous les SCN ne pourraient pas être rattachés à la RMN. Mais cela posait des problèmes en termes de statut des personnels. Par ailleurs, la RMN étant une agence prestataire de différents services qui n’a pas réellement de compétences scientifiques, les services à compétence nationale étaient quelque peu traumatisés car ils ne voyaient pas bien comment tout cela pouvait s’articuler. De ce fait, nous nous sommes orientés vers la redéfinition de nouveaux équilibres entre la DMF, les SCN et la RMN, sachant que certaines des activités de cette dernière pouvaient être filialisées. Comme je l’ai indiqué tout à l'heure, il faut essayer de créer un maximum de synergies entre ces établissements, et voir comment on peut développer toute une série d’activités des SCN tout en gardant le lien de pilotage et le lien scientifique avec la DMF qui elle-même évolue puisqu’elle va rejoindre la Direction générale des patrimoines  de France et mutualiser un certain nombre de ses services au sein de cette direction générale.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. De nombreux musées français fonctionnent de façon autonome, bien que leurs collections soient des plus restreintes. Pourquoi ne pas leur donner une personnalité morale, comme cela a été fait pour les grands musées ? Pourquoi ne va-t-on pas vers la singularisation de chaque musée ? La taille d’un musée ne doit pas déterminer son statut juridique.

Mme la ministre de la culture et de la communication. S’il est exact que chaque musée a sa singularité, se pose la question de la masse critique. On sait que la transformation en établissement public induit des coûts qui peuvent parfois être difficiles à supporter, même si cela permet au musée de se développer.

Nous avons décidé de créer trois nouveaux établissements publics administratifs : le musée Picasso, qui contribue à une politique de dons et legs ; la manufacture de Sèvres car il paraît pertinent de disposer d’un établissement qui chapeaute à la fois le musée et la manufacture ; enfin Fontainebleau qui connaît déjà une bonne fréquentation et dispose de fortes potentialités. En tout état de cause, il nous a paru difficile de le faire pour tous les SCN. Mais rien n’est figé.

D’autres pistes avaient été explorées, comme celle de les rattacher systématiquement à des établissements publics, ce qui sera le cas pour l’Orangerie et Orsay.

Essayons déjà de progresser dans le développement des SCN afin qu’ils soient plus intéressés, qu’ils se sentent plus autonomes. Nous le voyons, nous sommes dans une phase de mutations.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial. Il ne m’a pas semblé que la DMF soit très favorable à une autonomisation des musées, même si j’ai cru comprendre, lors de mon dernier entretien avec Mme Mariani-Ducray, une évolution sur ce point.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Rogemont, mais il ne s’agit pas, ce matin, de se pencher sur l’avenir des musées.

Madame la ministre, à mon tour je tiens à vous remercier pour la qualité des réponses aux questions précises que je vous ai posées.

Vous avez apporté une réponse très précise en ce qui concerne le chiffrage défaillant de la réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l’achat de nos trésors nationaux. Il aurait été utile que le tableau relatif à cette partie comporte quelques lignes d’explication, ce qui nous aurait permis une meilleure compréhension. D’une manière générale, il est utile que le rapport annuel de performances donne davantage de détails sur le chiffrage.

Un mot sur l’INRAP. Des problèmes de coût, d’opérateurs et surtout de délais se posent, car on sait quand les travaux commencent mais jamais quand ils s’achèvent. Vos réponses m’ont paru satisfaisantes, même si les conseils généraux, qui sont peut-être à terme les mieux à même de mettre en place ces dispositifs, ne sont pas tous très volontaristes pour le faire dans des délais brefs.

Enfin, je mettrai l’accent, dans mon prochain rapport, sur les architectes des bâtiments de France, et j’organiserai des auditions, y compris en régions. Il est important notamment de voir si la commission de recours, qui a été mise en place il y a quelque temps, est utile ou non.

M. le président. Il faut reconnaître que ce n’est que la deuxième année que nous disposons des rapports annuels de performances. Nous avons encore une marge de progression. Quant à la dépense fiscale, nous en discuterons avec Bercy.

M. Michel Bouvard. Madame la ministre, la mission LOLF s’attache à la qualité du fonctionnement des programmes, et donc aux moyens vraiment dévolus aux responsables de programme. Comment entendez-vous conforter leur capacité de pilotage sur la gestion des effectifs, c’est-à-dire en les associant à la définition du plafond d’autorisation d’emplois et à la répartition des moyens, et sur les opérateurs ? Vous avez rappelé vos démarches auprès du ministère des finances et son inquiétude de voir le nombre d’opérateurs augmenter. Pourtant, je crois que Bercy n’a pas à craindre que les opérateurs soient bien identifiés et que la liste en soit bien établie. Il est étonnant que l’INRAP ne soit pas considéré comme un opérateur principal du ministère.

J’insiste pour qu’il y ait une vision totale, exhaustive et précise de ce qui se passe chez les opérateurs. De ce point de vue, je suis quelque peu défavorable à la multiplication des opérateurs qui risque d’aboutir à une perte de capacité de pilotage, en tout cas si le nombre d’opérateurs augmente trop rapidement avant qu’on ait pu acquérir de bonnes pratiques dans les contrats d’objectifs et la coordination des politiques, comme on a pu l’observer dans d’autres ministères.

S’agissant du chiffrage des dépenses fiscales, sept des douze items ne sont pas renseignés. À cet égard, je ne résiste pas au plaisir d’évoquer la « réduction de l’impôt au titre des sommes consacrées par les entreprises à l’achat d’un trésor national », qui, bien que n’étant pas renseignée, a un bon taux de fiabilité ! On nous parle de « fiabilité », d’« ordre de grandeur ». On croirait du langage diplomatique !

Madame la ministre, vous avez insisté sur la stabilité de la dépense fiscale représentée par le dispositif Malraux. Le Premier ministre a déclaré, sur France 2, que le patrimoine devait être traité de manière spécifique, point de vue que j’avais moi-même défendu lors de la précédente tentative de réforme des niches fiscales. Peut-on dès à présent dresser un bilan sur le fonctionnement de la Fondation du patrimoine et sur les sommes qui peuvent être mobilisées ? Le travail de la Fondation sur le patrimoine rural non protégé, dont on sait que les dépenses ont été transférées aux collectivités locales, est-il efficace ? D’une manière générale, quelles sont les relations de votre ministère avec la Fondation ?

S’agissant de la gestion des crédits consacrés au patrimoine, cela fait quatre législatures que j’entends parler des effets de stop and go. Est-il possible d’obtenir une gestion plus régulière des crédits du patrimoine ? Comment pourriez-vous concevoir les choses en la matière ? Ce serait un point positif pour les collectivités territoriales qui sont souvent appelées pour du partenariat. La programmation des monuments historiques intervient très tard dans l’année, ce qui pose des problèmes aux collectivités territoriales lors du vote de leur budget ainsi qu’aux entreprises au moment de l’ouverture des chantiers. D’une manière générale, je considère que l’affectation de ressources est une mauvaise pratique par rapport à l’universalité budgétaire et à la capacité de contrôle du Parlement. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé avec le dispositif complexe élaboré par les sénateurs.

En matière de restauration des monuments historiques, on s’aperçoit souvent que la concurrence joue relativement peu et que seules quelques entreprises ont la qualification requise. Le ministère a-t-il fixé des objectifs pour diffuser la culture monument historique et faciliter l’accession de ces chantiers à d’autres entreprises, en accompagnant par exemple la formation de leurs personnels ? On parle toujours d’entreprises certifiées, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait vraiment une certification monuments historiques. S’agissant des chantiers petits ou moyens pour lesquels les entreprises locales ont souvent les savoir-faire nécessaires, on s’aperçoit qu’on est pourtant amené à faire appel à des entreprises extérieures, avec les surcoûts que cela engendre. Compte tenu de l’ampleur du défi que représente la restauration du patrimoine, il serait bon d’étendre le champ des entreprises susceptibles de réaliser les travaux. Cela permettrait un peu plus de concurrence, donc des prix plus bas et une capacité à faire davantage.

Madame la ministre, ma dernière réflexion, qui ne concerne pas vraiment le programme « Patrimoines », a trait à la capacité du ministère à piloter les actions des opérateurs associés à la mise en œuvre de la politique culturelle. Augustin de Romanet et moi-même vous avons fait part de notre préoccupation par rapport à la multiplication des lieux de production d’opéras et de musique classique à Paris. Cela crée une certaine concurrence entre les opérateurs, ce qui aboutit à un renchérissement des coûts, alors que les productions sont limitées. Et je ne suis pas certain que cela permette in fine davantage de représentations en Île-de-France. J’ai eu l’occasion de me pencher sur ce problème lorsque j’ai auditionné, il y a quelques jours, le directeur de l’Opéra de Paris.

M. Patrick Bloche. Madame la ministre, plutôt que de porter un jugement sur la politique dans le domaine du patrimoine qui sera inévitablement jugé comme partisan et sectaire puisque je fais partie de l’opposition....

M. le président. L’opposition n’est pas obligatoirement partisane et sectaire !

M. Patrick Bloche. ...je livrerai le jugement de M. Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons françaises, qui ne m’a pas paru être un gauchiste avéré, lorsque, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, j’ai procédé à son audition.

M. le président. Effectivement ! (Sourires)

M. Patrick Bloche. Il déclarait, dans Le Figaro magazine du 14 juin dernier : « Le patrimoine est particulièrement mal servi sous Nicolas Sarkozy ». Et son jugement se trouve corroboré par les faits.

Sans jouer à l’ancien combattant budgétaire, car je n’ai pas du tout envie d’être décristallisé (Sourires), je dois dire que tout ce qui se passe actuellement était prévisible.

Comme les crédits avaient plongé entre 2002 et 2006, M. de Villepin a dû annoncer un plan de sauvetage.

M. Michel Bouvard. Quelle pagaille !

M. Patrick Bloche. C’est ainsi qu’une part des droits de mutation à titre onéreux a été affectée à la restauration des monuments historiques, soit 70 millions par an. Cette recette affectée devait être pérenne. Pourtant, elle n’a vécu que le temps d’un exercice budgétaire. Mme la ministre s’est donc retrouvée, par un effet mécanique, face à une vraie difficulté. Pour que sa conférence de presse de présentation de son budget se fasse dans des conditions plus confortables, ces fameux 70 millions d’euros ont été rebudgétés.

Au-delà de ce constat, on déplore un phénomène de perte ou de non-consommation, alors que par ailleurs on dit manquer d’argent. Je ne reviendrai pas sur les 6 millions d’euros destinés à contribuer à la décristallisation des pensions – cela représente 3 millions d’euros de crédits du fait de l’annulation d’un trop perçu d’un fonds de concours – ni sur les 61,73 millions d’euros en crédits de paiement, dont près de 25 millions d’euros de crédits ont été gelés en fin d’exercice 2007, ni sur les 24 millions qui ont été reportés sur l’exercice 2008, ni encore sur les 10,5 millions d’euros de crédits issus de fonds de concours rattachés à l’exercice 2008.

Or, s’agissant des dépenses d’intervention liées à la restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, le rapport annuel de performances indique que la sous-consommation des autorisations d’engagement – moins 47 millions d’euros –témoigne de la « prudence du ministère à s’engager dans des opérations pluriannuelles dont la couverture en crédits de paiement n’est pas assurée. »

On est donc dans une logique plutôt étrange : d’un côté, on estime qu’il n’y a pas assez de crédits, et de l’autre, le ministère ne souhaite pas consommer ses crédits au motif qu’il s’agit d’opérations pluriannuelles dont la couverture en crédits de paiement n’est pas assurée. Un jour, on finira par ne plus engager de chantiers de peur qu’ils soient arrêtés ! Du coup, il n’y aura plus de politique de stop and go.

Ma seconde réflexion concernera le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur les niches fiscales. Bien entendu, ceux qui en bénéficient – je pense à l’association La Demeure historique – plaident en faveur d’une différenciation entre les propriétaires gestionnaires durables et les investisseurs exploitant une opportunité fiscale, et on peut les comprendre.

Si nous sommes amenés à supprimer certaines niches fiscales – et c’est plutôt le sentiment majoritaire qui nous anime – on se retrouvera face à une vraie difficulté, à moins que l’on trouve un autre dispositif qui permette d’aider celles et ceux qui restaurent notre patrimoine.

M. le président. Il faut arriver à faire le tri et à mieux arbitrer entre ce qui doit relever de la dépense budgétaire et ce qui doit relever de la dépense fiscale. La dépense fiscale nouvelle est trop souvent un moyen de contourner la norme d’évolution de la dépense budgétaire.

Mme la ministre de la culture et de la communication. Le rattachement des SDAP aux DRAC permettra un fonctionnement plus collégial et une plus grande mobilité des architectes des bâtiments de France.

Monsieur Bouvard, vous m’avez interrogé sur les responsables de programmes. La création de grandes directions générales permettra de donner plus de force et d’autorité tant sur la gestion des effectifs que sur le pilotage des opérateurs. Tout cela se fera de façon intelligente, car il s’agit d’établissements publics qui contribuent au rayonnement de la culture. Les politiques communes seront davantage portées avec un directeur général investi de beaucoup de responsabilités sur un très grand secteur.

Je pense que l’INRAP devrait faire partie des opérateurs principaux. Il faut vraiment militer dans ce sens.

Je le répète, il faut accélérer le traitement des agréments et réfléchir à toutes les pistes qui permettent d’aller plus vite dans les fouilles, de bien cibler le diagnostic et de bien répondre à la demande avec un personnel stable et un système qui puisse s’adapter à la durée des chantiers. Les contrats d’opérations pourraient constituer une réponse.

S’agissant de la dépense fiscale, j’ai bien noté l’ironie du propos sur les sept items non renseignés. Mais je dois dire qu’en la matière nous avons ce que Bercy nous donne…

M. Michel Bouvard. On vous soutient, madame la ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Nos relations avec la Fondation du patrimoine sont très bonnes. Vous le savez, cet organisme récupère 50 % environ des successions en déshérence, ce qui représente 7,5 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. C'est un point important sur lequel nous n’avons aucune information.

Mme la ministre de la culture et de la communication. La Fondation du patrimoine délivre 1 000 à 1 200 labels par an en régime de croisière. Il s’agit d’un patrimoine non protégé, souvent très identitaire pour les communes.

Vous avez évoqué la visibilité que souhaitent avoir les collectivités, ce qui pose la question de la rapidité des délégations de crédits. Nous avons fait mieux en 2008 qu’en 2007 puisque les notifications aux DRAC ont été faites début janvier dans tous les domaines, ce qui devrait permettre une meilleure visibilité. L’approche trisannuelle permettra de se projeter davantage dans l’avenir.

S’agissant des certifications, il n’y a pas vraiment d’agréments donnés aux entreprises. L’expérience compte souvent. Théoriquement, toutes les entreprises peuvent concourir, mais il faut que leur personnel soit formé et qu’il soit titulaire d’un baccalauréat professionnel des métiers du patrimoine. Par ailleurs, se posent des problèmes de compétences. On sait bien que, dans certains domaines, il n’y a pas beaucoup de possibilités, ce qui renchérit les coûts.

M. Michel Bouvard. Que peut-on faire pour que certaines entreprises puissent avoir accès à ces chantiers ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. Qu’elles embauchent du personnel titulaire d’un bac professionnel des métiers du patrimoine.

M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis. Il faudrait élargir le marché, donc investir davantage dans le patrimoine. Mais au vu de ce qu’on demande en matière de qualité du travail à fournir, toutes les entreprises ne peuvent pas y accéder. Et il n’y a pas assez de place pour tout le monde. On ne peut pas demander à des entreprises d’embaucher du personnel plus qualifié alors que, dans le même temps, on réduit les crédits.

Mme la ministre de la culture et de la communication. M. Bouvard évoquait la concurrence qu’il peut y avoir entre certains opérateurs du spectacle vivant. J’ai bien compris que vous faisiez allusion à l’Opéra Comique. C’est vrai, il devrait y avoir un meilleur pilotage. Nous menons une réflexion pour recentrer les missions des scènes nationales. Car on se retrouve parfois avec des opérateurs qui sortent de leur mission initiale et viennent directement concurrencer les autres. Je précise que si la fréquentation ne baisse pas, elle n’est pas pour autant extensible à l’infini. Voilà pourquoi il faut recentrer certaines missions.

Monsieur Bloche, vous avez fait allusion aux analyses de Philippe Toussaint. Après cet afflux de 140 millions d’euros, les crédits ne pouvaient que baisser. Pour ma part, je ne fais pas la même analyse que vous de la baisse des crédits des monuments historiques. Ils s’élèvent à 303 millions d’euros, ce qui correspond en réalité à la moyenne des dix dernières années.

J’ai déjà eu l’occasion de répondre à Nicolas Perruchot s’agissant des crédits non consommés. En 2007, 340 millions d’euros environ ont été consommés sur un total de 370 millions, pour les raisons évoquées, c’est-à-dire quelques crédits non consommés, des crédits gelés puis dégelés au dernier moment – et donc pas consommables. Enfin, les fonds de concours étant arrivés tardivement, ils n’étaient pas non plus consommables. Mais on aboutit tout de même à un taux de consommation de plus en plus satisfaisant, ce qui mérite d’être souligné.

Bien évidemment, il ne faut pas baisser volontairement toutes les autorisations d’engagement au motif qu’on ne pourra pas avoir tous les crédits. Il ne faut pas décider de ne plus engager de travaux pour éviter le phénomène du stop and go. Mais il faut s’adapter. Et n’oublions pas que nous sommes dans un contexte de réflexion globale sur l’intervention de l’État.

Cela dit, nous souhaitons continuer les projets en cours et en porter de nouveaux – c’est le cas du MuCEM, qui est actuellement le grand projet en région – qui doivent être validés au plus haut niveau de l’État. Il est clair que le ministère des finances voudrait arrêter les nouveaux projets. Pour notre part, nous devons le convaincre qu’ils sont nécessaires et cohérents et nous devons déjà anticiper leur fonctionnement, ce qui n’a pas été fait dans le passé. Je pense à la BNF dont le coût de fonctionnement s’élève aujourd’hui à 200 millions d’euros.

Les niches fiscales ne sont pas là pour remplacer un budget qui s’effondrerait par ailleurs. Nous souhaitons, d’un côté, avoir des dotations budgétaires suffisantes, stables et, de l’autre, des ressources supplémentaires, l’ensemble devant permettre de faire face aux besoins. J’ai le sentiment que se dégage un consensus pour préserver toutes les aides fiscales apportées aux propriétaires qui font visiter leur bien au public. En tout cas, le ministère de la culture se bat pour avoir des dotations budgétaires suffisantes dans les années qui viennent et trouver une ressource fiscale supplémentaire. L’aide de chacun sera la bienvenue.

M. le président. Madame la ministre, je vous remercie pour la précision de vos réponses.

(La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures cinq.)