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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Jeudi 4 décembre 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Gérard Cherpion, puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Examen d’un rapport d’information sur la formation tout au long de la vie (Mme Françoise Guégot, rapporteure) 2

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Jeudi 4 décembre 2008

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Gérard Cherpion)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine le rapport d’information, en conclusion des travaux de la mission d’information sur la formation tout au long de la vie, présenté par Mme Françoise Guégot.

M. Gérard Cherpion, président. Nous examinons, en vue de décider de sa publication, le rapport d’information adopté hier par la mission d’information sur la formation tout au long de la vie. Il nous est présenté par notre collègue Françoise Guégot, présidente et rapporteure de cette mission.

Mme Françoise Guégot, présidente et rapporteure de la mission d’information. Notre mission d’information a été créée par la commission le 13 mai dernier afin d’engager une réflexion sur la réforme de la formation professionnelle, considérée comme prioritaire.

Réunie pour la première fois le 4 juin, la mission a procédé à 21 auditions et organisé une table ronde réunissant des responsables d’entreprises de tailles différentes et de secteurs divers. Elle a tenu ensuite, au cours de huit réunions de travail, un débat interne sur les orientations du rapport.

Lors de notre première réunion, nous avons considéré qu’il fallait élargir le champ de notre réflexion et de nos travaux aux enjeux de citoyenneté, de promotion sociale et de croissance économique que portent en elles les formations initiales et les formations qualifiantes et diplômantes. Nous avons posé comme objectif la nécessité de garantir à chacun de nos concitoyens, tout au long de la vie, une formation d’une qualité et d’une efficacité telles qu’elle garantisse la sécurisation des parcours professionnels dans un monde en mutation permanente.

Chacun le constate au quotidien, la formation est un chantier prioritaire répondant à des besoins économiques et sociaux permanents qui revêtent une acuité particulière dans la période de crise que nous connaissons.

Cet objectif d’une véritable formation tout au long de la vie nous a conduits à rechercher comment créer des liens et des passerelles entre la formation initiale et la formation professionnelle, afin de permettre des allers-retours de l’une à l’autre tout au long de la vie. Comment enrichir les parcours professionnels par des formations qualifiantes et diplômantes. Comment placer la personne, quels que soient son âge et son statut, au centre du système de formation afin de sécuriser au mieux son parcours professionnel ou personnel ? Notre système doit être plus juste pour réduire les inégalités à la sortie de la formation initiale.

De nombreux rapports ont été rédigés sur ce sujet. Nous nous sommes particulièrement appuyés sur ceux qui ont été publiés depuis deux ans. Une synthèse des propositions de neuf de ces documents sera annexée au rapport de la mission, de même qu’une synthèse des interventions des personnes que nous avons auditionnées.

Le rapport ne revient pas sur un état des lieux déjà clairement établi dans nombre des travaux évoqués, parmi lesquels, en juillet 2007, le rapport de la mission d’information sénatoriale que présidait M. Jean-Claude Carle et dont M. Bernard Seillier était le rapporteur. En revanche, nous avons mis en évidence des points de convergence émanant tant des rapports précités que de nos auditions pour relever les défauts et blocages du système actuel, et pour proposer divers moyens de le rendre réellement dynamique, et capable d’entrer en phase avec les mutations du temps présent.

S’agissant des défauts et blocages du système actuel, le rapport souligne d’abord les résultats contestés de la formation initiale, qui ne remplit pas de façon satisfaisante sa mission républicaine. Ainsi l’école ne prévient pas les échecs ; les formations professionnelles initiales sont loin de donner des résultats suffisants ; un nombre important de jeunes sortent encore du système scolaire sans diplôme ; l’enseignement supérieur ne propose ni assez de places ni des formations assez diversifiées et les abandons y sont beaucoup trop importants. Il faut poursuivre avec détermination la réforme actuellement lancée à ce niveau.

En outre, la formation initiale ne permet pas d’établir de véritables liens avec le monde économique. Une séparation existe entre l’Éducation nationale et le monde du travail ; par conséquent, du collège à l’université, les professeurs ne s’impliquent pas vraiment dans un accompagnement de leurs élèves vers une insertion professionnelle.

La formation tout au long de la vie souffre également de la défaillance des services d’orientation, dès l’école et jusqu’à l’université. Une certaine évolution est en cours. La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a étendu leurs missions à l’orientation et à l’insertion professionnelle. Dans chaque université un bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants va être créé. Mais globalement on assiste à une orientation par l’échec ou par défaut, qui tend plutôt à la reproduction des catégories socioprofessionnelles et ne prend pas en compte les aptitudes.

Le système de formation professionnelle perpétue ces inégalités et même les accentue puisque les salariés y accèdent d’autant moins que leur niveau de formation de base est faible.

L’offre de formation est opaque et sa qualité n’est pas garantie. Elle est compartimentée en fonction de filières et de certifications beaucoup trop nombreuses, et, partant, de spécialisations trop étroites, qui constituent un frein à une mobilité pourtant inévitable désormais. Qui plus est, ni la politique de formation tout au long de la vie ni l’offre de formation ne font pas l’objet d’une évaluation digne de ce nom.

Les financements sont abondants mais dispersés et ils ne sont pas intégralement réservés à la formation professionnelle puisqu’un pourcentage de la collecte finance la démocratie sociale.

Enfin, la gouvernance est mal définie : l’État ne joue pas le rôle qui lui revient de fixer les objectifs de la politique de la formation tout au long de la vie ; les régions ne jouent pas non plus toujours efficacement leur rôle de coordination de la politique régionale.

Les propositions de la mission d’information sont destinées à dynamiser la démarche de formation tout au long de la vie. Seize propositions s’organisent autour de quatre thèmes : construire un véritable dispositif de formation tout au long de la vie, contrôler et évaluer l’offre de formation, clarifier la gouvernance, simplifier les financements.

Pour construire un dispositif de formation tout au long de la vie, nous proposons :

– de mettre en place un véritable service public d’information sur la formation et l’orientation (le SPIFO) visant une information claire ; ce service aurait pour premières tâches la création d’un portail Internet et d’un centre d’accueil, de documentation et d’unification ou de mise en réseau des multiples organismes existants ;

– d’assurer aux enseignants une meilleure connaissance de l’emploi, du monde du travail, de l’entreprise et des différents milieux professionnels tant dans le cadre de leur formation initiale que par des formations continues régulières et des obligations de stages en entreprise tout au long de la carrière ;

– de rendre obligatoire, dès la classe de 5e, des enseignements permettant de découvrir les familles de métiers et les modalités de fonctionnement des entreprises ;

– de créer un passeport orientation/formation pour chaque élève, dès la classe de 5e, afin de valider, aux différentes étapes du parcours scolaire, les choix d’orientation et, à terme, les choix de formation aux métiers ;

– de créer un certificat des acquis pour les élèves quittant le système éducatif sans diplôme ;

– de simplifier les qualifications figurant sur le répertoire des références métiers de l’ANPE, dit base ROME, de créer des modules communs pour certains troncs de qualification, d’assurer une offre plus lisible et plus cohérente des diplômes et des certifications professionnelles, par la mise en place d’une véritable gestion paritaire de la création et de la révision des titres.

Le contrôle et l’évaluation de l’offre de formation est également une question essentielle. Nous proposons :

–  de créer un Observatoire national de l’offre de formation ;

– de recenser toute l’offre de formation et de la publier sur Internet au sein d’une base de données accessible à tous ;

– de créer une procédure de labellisation des organismes de formation, y compris privés, qui s’appuierait sur l’Office professionnel de qualification des organismes de formation, l’OPQF, qui a déjà entrepris ce travail.

Par ailleurs, pour optimiser l’efficacité de la formation professionnelle au profit de l’entreprise et de l’employé, nous proposons :

– de créer un outil de suivi des formations accomplies dans l’entreprise, que ce soit au titre du plan de formation ou au titre d’actions diplômantes et qualifiantes. Ce « carnet de bord personnalisé de la formation » devra permettre de mettre en regard des droits à formation différée que tout salarié aura accumulés les formations qu’il aura effectivement pu suivre ;

– d’instaurer, en prolongement de ce carnet de bord, la transférabilité totale du droit individuel à la formation (DIF) et d’instituer un compte épargne-formation. Ainsi, le salarié pourra être pleinement actif dans sa dynamique de sécurisation de son parcours professionnel ;

– de simplifier la procédure de validation des acquis professionnels – VAE. Cette proposition s’appuie sur le rapport remis au Parlement par le secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, Éric Besson. Il s’agit, pour éviter l’évaporation importante des candidats au cours du processus, de réduire sa durée, d’améliorer le fonctionnement des jurys et de parfaire l’accompagnement des candidats. La VAE est évidemment un pilier de la continuité du parcours professionnel.

S’agissant du financement de la formation professionnelle, la mission estime qu’il doit avant tout être clarifié. Nous proposons donc :

– de répartir différemment l’affectation de la contribution des entreprises au financement de leur plan de formation, une part de cette dernière devant alimenter un fonds régional de la formation tout au long de la vie. Il est essentiel de mutualiser des fonds pour cibler les actions de formation sur le public qui en a besoin au travers d’une véritable stratégie et d’une vraie politique de formation tout au long de la vie ;

– d’instaurer une subvention de l’État pour financer la démocratie sociale et de supprimer les subventions provenant des fonds de la formation professionnelle.

Enfin, l’un des objectifs essentiel de la réforme de la formation est de clarifier la gouvernance du système pour le rendre plus efficace et mieux le contrôler. La gouvernance doit d’abord découler d’une stratégie nationale ; à cette fin, un ministère de la formation tout au long de la vie doit être créé : le grand enjeu de société que représente la formation tout au long de la vie ne peut plus rester sans une politique nationale appuyée sur un pouvoir politique. La formation tout au long de la vie doit aussi être déclinée au plan territorial. L’échelon territorial, et plus particulièrement régional, nous est apparu comme le meilleur. Il s’agit donc de décliner la formation tout au long de la vie dans le cadre de comités régionaux rénovés, s’appuyant chacun sur un observatoire régional et, pour le financement, sur un fonds régional, dans le cadre d’une mutualisation des dotations provenant des entreprises, des participations de l’État – à travers un fonds national – des régions, des départements, et d’autres structures comme les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA.

M. Gérard Cherpion, président. Je félicite la rapporteure pour ce travail considérable sur un sujet difficile et complexe. Il arrive à un moment où nous avons la volonté de modifier le dispositif de formation professionnelle, tandis qu’une situation économique difficile appelle des réactions rapides en la matière.

Je voudrais aussi saluer l’effort de simplification et de rationalisation du financement, mais aussi de gouvernance, puisque y est abordée la question des hiérarchies entre les niveaux national et régional.

Au moment où l’activité économique se dégrade, avec les restructurations importantes que cela comporte et les répercussions sociales qui en découlent – pertes d’emplois, adaptation de compétences, changements d’organisation –, peut-être y a-t-il lieu de revoir le rôle d’accompagnement des OPCA pour y faire face. La question ne se posait pas lorsque la mission d’information a été créée, mais ces objectifs ont été rappelés la semaine dernière à Valenciennes par le Président de la République.

Une contribution importante des collecteurs est nécessaire. Onze milliards d'euros de fonds des entreprises sont consacrés à la formation professionnelle, dont 5,5 milliards sont collectés par les OPCA. Dans la situation actuelle, peut-être un ou deux millions pourraient-ils être consacrés aux politiques prioritaires ; ces contributions conditionneraient l’agrément accordé par l’État à ces organismes.

Dans l’industrie automobile, par exemple, on s’attend à des périodes de chômage partiel importantes. Un effort particulier doit être fait, tout particulièrement en direction des personnes à bas salaires. On pourrait imaginer une compensation des pertes de revenu, mais assortie, en contrepartie, comme dans le cas des contrats de transition professionnelle, d’une obligation de formation, pour laquelle les OPCA, comme d’autres systèmes de formation, pourraient être sollicités.

L’Association pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, accueille 250 000 stagiaires dans ses 200 centres, avec un taux d’insertion proche de 70 %. Il faut conserver une AFPA nationale et forte ; elle a un rôle important à jouer. Elle pourrait intégrer à terme le pôle emploi de façon à venir en accompagnement décisif aux chercheurs d’emploi, dans un cadre sensiblement comparable à celui mis en œuvre par exemple en Belgique. L’AFPA peut être une force opérationnelle au service de la réforme du dispositif de la formation professionnelle que le président de la République a souhaité engager, au service des TPE et des PME, mais aussi des personnels les moins qualifiés et les plus fragilisés. Cette proposition s’inscrit aussi en référence à la généralisation des contrats de transition professionnelle dans l’expérimentation desquels l’AFPA a joué un rôle essentiel.

Pour réfléchir au statut de l’AFPA, nous pouvons profiter de cette période de réforme, mais aussi de la demande des régions d’un moratoire de deux ans sur l’application de l’article 8 de la loi du 13 août 2004, qui prévoyait le transfert par l’État aux régions, à partir du 1er janvier 2009, des crédits affectés à l’AFPA au titre du programme national d’actions subventionnées. Ce moratoire a été accordé par la ministre de l’économie et des finances pour l’année 2009.

M. Jean-Patrick Gille. Le groupe SRC s’est abstenu lors de la présentation des conclusions du rapport devant la mission d’information, En revanche, nous ne sommes pas opposés à sa publication.

Il faut féliciter la rapporteure pour l’importance du travail mené, qui se mesure d’abord au nombre d’auditions mais aussi à la volonté de balayer l’ensemble des sujets, en acceptant de prendre des risques : la formation professionnelle est un domaine large, complexe, diffus, voire confus. Il faut saluer aussi la volonté de réaliser une synthèse des rapports récemment établis en échappant autant que possible au piège de la répétition. Peut-être n’était-ce d’ailleurs pas possible : la volonté de balayer l’ensemble du champ a sans doute parfois abouti à privilégier la compilation de propositions déjà faites plutôt que la définition d’une stratégie.

En revanche, ce rapport peut contribuer à l’élaboration d’une telle stratégie. C’est ce que fait la rapporteure dans sa deuxième partie, en suivant un fil rouge, la formation tout au long de la vie. Cette approche peut permettre d’organiser la formation professionnelle, qui apparaît comme un maquis un peu confus. Cependant, il me semble nécessaire d’aller plus loin dans deux domaines : le contenu de ce que pourrait être le droit – j’insiste sur le terme –, à la formation tout au long de la vie et, pour rendre ce droit effectif, les modalités de son financement.

Le rapport comporte des points positifs : les appréciations portées sur les ateliers de pédagogie personnalisée (APP), la nécessité de développer et de simplifier la validation des acquis de l’expérience (VAE), l’AFPA, le dispositif deuxième chance. J’observe pourtant avec quelque malice que le projet de loi de finances pour 2009 prévoit une baisse des crédits de tous ces organismes !

Je me félicite de l’annonce du moratoire accordé aux régions. Il est urgent de reprendre les discussions sur l’AFPA. Nous disposons d’un service public, il n’y a pas de raison de le déconstruire ; j’ai bien compris, Madame la rapporteure, que, même s’il ne comporte pas de proposition sur l’AFPA, votre rapport va plutôt dans ce sens. Je note néanmoins une petite divergence entre vous et M. Gérard Cherpion, puisque vous proposez de créer un service public de l’orientation, tandis que M. Cherpion préconise l’insertion de l’AFPA dans le pôle emploi. La question est donc de savoir si c’est le pôle emploi qui prend en charge l’orientation ou s’il doit y avoir deux services publics distincts, chargés l’un de l’emploi, l’autre de l’orientation.

Le rapport nous cause aussi quelque inquiétude. Madame la rapporteure, je crois bien que vous militez dans l’ensemble pour une baisse des obligations légales des employeurs, en faisant passer leur taux de cotisation de 0,9 % à 0,5 %. Notre position est exactement inverse et vous ne m’avez toujours pas convaincu. J’ai quand même le sentiment que l’on penche vers la diminution des obligations légales des entreprises et l’accroissement de leur marge d’appréciation sur leurs plans de formation.

Le rapport présente également des ambiguïtés, voire une volonté de ne pas trancher, sur le rôle des conseils régionaux dans la gouvernance de la formation professionnelle. Tout en mentionnant la dimension régionale, vous ne leur attribuez pas forcément la responsabilité de cette formation. Nous pensons que tel doit être le cas.

Nous nous interrogeons aussi, avec un soupçon d’inquiétude, sur le carnet de bord personnalisé. L’idée d’aider les salariés à compiler leurs compétences est bonne. Mais la forme n’est pas neutre ; la prudence s’impose toujours dans ces domaines.

Enfin, vos propositions comportent des lacunes. J’entends bien vos propos sur l’AFPA cependant, j’aurais préféré que l’attachement que nous portons tous à l’AFPA soit mentionné avec plus de force dans le rapport.

Nous devons aussi continuer à creuser, à l’instar de notre collègue Gérard Cherpion, le concept de « contrat de transition professionnelle » : on est là au cœur de la problématique de la formation tout au long de la vie. Il semble que le Gouvernement prépare des propositions dans ce domaine.

Les propositions en faveur du droit à la deuxième chance auraient pu être plus fortes, notamment pour les jeunes. Je milite pour un engagement plus résolu de la puissance publique, en particulier de l’État, dans les écoles de la deuxième chance. Ce dispositif fonctionne et commence à faire ses preuves mais il n’est quasiment pas aidé par l’État.

Si la question de la gouvernance n’a pas été écartée, elle n’a pas été creusée non plus. Il est vrai qu’elle n’est pas facile.

Les devoirs des employeurs en matière de formation ont été abordés dans nos débats, mais peu dans le rapport. Il faut affirmer qu’il est de la responsabilité de l’employeur de maintenir et d’augmenter la compétence et la qualification de ses salariés ; la question est celle des moyens.

Le droit à la formation tout au long de la vie doit pouvoir s’appuyer sur deux instruments, le compte épargne formation, pour lequel vous faites une proposition, mais aussi le droit différé à la formation. Ce droit a été évoqué dans les conclusions du groupe de travail présidé par M. Pierre Ferracci. Vous le traitez un peu rapidement. Ce n’est certes pas une question facile : elle oblige à traiter d’emblée du financement. Cependant, je crois que c’est sur ces deux instruments qu’on peut vraiment construire la formation tout au long de la vie.

Cette problématique pourrait du reste mériter que nos travaux se poursuivent. Son approfondissement nécessite cependant une discussion avec les partenaires sociaux. Pour l’élaboration de votre rapport, vous les avez écartés, à juste titre, pour des raisons de méthode : ils étaient déjà engagés dans d’autres discussions. Mais, pour avancer sur les financements, il faut désormais les rencontrer.

Enfin, vous avez raison d’insister sur l’orientation. Il y a consensus pour dire que c’est l’une des difficultés de notre pays. Reposer la question en termes d’orientation tout au long de la vie peut être le levier pour faire évoluer cette situation. Nos dispositifs ne visent pas à aider au choix, mais à orienter chacun dans un système de formation. Cependant, je vous inciterais à être plus audacieuse. Le service public à construire n’est pas un dispositif d’orientation mais bien de formation tout au long de la vie ; c’est du reste la dénomination que vous envisagez pour le ministère dont vous souhaitez la création. Il faut d’une part un service public de l’emploi, de l’autre un service public de la formation tout au long de la vie, dont la première tâche sera de bâtir un système d’orientation fonctionnel. Et ce service public, nous souhaitons le confier aux régions.

Pour ces raisons, nous maintenons notre abstention sur les conclusions du rapport d’information, mais nous sommes favorables à sa publication. Nous avons l’impression que le regard de la rapporteure, au départ très sévère pour la formation professionnelle, a évolué au fil des auditions et qu’il est aujourd’hui plus modéré qu’à l’époque où le Gouvernement nous annonçait un projet de réforme en rupture. Ce rapport est donc une pièce utile au dossier.

M. Benoist Apparu. Je tiens d’abord à présenter mes excuses pour ma très faible participation aux travaux de cette mission, qui a rendu un rapport d’information tout à fait majeur. Voilà des années que l’on parle d’un « grand soir » de la formation professionnelle et de la formation continue, que chacun évoque les 25 milliards d’euros consacrés à la formation professionnelle et la nécessité, ou non, de les réorienter vers l’emploi. Ce rapport vient donc à point nommé.

Nous disposons d’un service public de l’emploi structuré, qui va se mettre en place dans les mois qui viennent. Notre formation initiale est principalement structurée autour des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Au milieu, on trouve une sorte de magma « formation continue », qui n’est toujours pas structurée. Un point fort et novateur de ce rapport est précisément de structurer le dispositif de formation continue en en faisant un troisième pilier, entre l’emploi et la formation initiale. Il propose de partir d’un service public à créer, le SPIFO ou service public d’information sur la formation et l’orientation, pour aller tout naturellement vers un ministère.

On se demande si la problématique de la formation tout au long de la vie et celle de l’orientation, qui sont étroitement liées, relèvent du domaine de l’emploi ou de la formation. Notre collègue Jean-Patrick Gille a évoqué celle de l’orientation. Nous disposons aujourd’hui d’outils d’orientation, mais pas de véritable pilote, malgré la nomination d’un délégué interministériel à l’orientation, qui n’était autre que l’ancien directeur général de l’enseignement supérieur – preuve d’un choix en faveur de la formation et non de l’emploi.

Il existe aujourd’hui des dispositifs d’orientation dans les établissements scolaires
– COPSI ou équivalent dans les universités –, qui répondent à la question : quelle formation initiale pour quel jeune et pour quel emploi ? Pour leur part, les dispositifs d’orientation dans l’emploi sont gérés par une série de structures qui n’ont pas été intégrées en tant que telles dans le pôle « emploi » : PAIO, missions locales diverses et variées, etc. Il est nécessaire de restructurer l’ensemble des dispositifs de formation, en adoptant peut-être la voie médiane proposée entre les deux outils actuels.

Je félicite la mission d’information et sa présidente-rapporteure, qui ont fait le choix de proposer des innovations majeures.

M. Gérard Cherpion, président. Le Conseil d’orientation pour l’emploi, qui devrait rendre son rapport dans les deux mois qui viennent, travaille sur l’orientation tout au long de la vie.

Mme la rapporteure. Le parcours de formation tout au long de la vie, fait d’allers et retours entre la formation et l’emploi, varie en fonction de la formation initiale et des premiers acquis. Cette construction est basée sur trois piliers essentiels :

– un plan de formation, qui concerne essentiellement des questions d’adaptation au poste et relève de la stratégie des entreprises, ne concourt pas, ou du moins très faiblement, à l’élévation du niveau de formation et à l’acquisition de qualifications ou de diplômes ;

– un accompagnement personnalisé sur le socle des fondamentaux, indispensable en cas de sortie du système scolaire, qui connaît de grosses lacunes ;

– un pôle de professionnalisation et de transition, qui concerne des formations plus longues et débouche sur une qualification ou sur un diplôme.

Nous avons proposé de créer un fonds régional, qui aura pour objectif de mutualiser les financements et de récupérer une part de la contribution obligatoire des entreprises, dont, contrairement à ce que j’ai entendu, nous n’envisageons pas la diminution. Aujourd’hui, par exemple, les entreprises de vingt salariés et plus sont soumises au 0,9 %, cotisation obligatoire mais qui peut être directement consommée sur les fonds de l’entreprise. Demain, l’entreprise en gardera 0,5 %, qu’elle pourra également consommer librement, mais versera obligatoirement 0,4 % à un fonds régional, de type OPACIF. Ce dispositif permettra de mutualiser les fonds de manière plus importante, de dégager des moyens et de proposer des politiques prioritaires, qui seront ainsi plus facilement mises en œuvre.

S’agissant de l’AFPA, nous n’avons pas fait de proposition mais une simple préconisation. Un problème de mise en concurrence des formations se pose en effet. Néanmoins, il faut distinguer la partie « commerciale », visant à répondre à des plans de formation, de la partie « missions de service public » sur lesquelles nous avons insisté dans le rapport. L’AFPA a une compétence et une expérience qu’il ne faut pas abandonner. Nous sommes prêts à défendre ces missions dans le cadre d’une réorganisation de la formation tout au long de la vie, où la politique publique doit prendre une place plus importante et où les organismes privés ne doivent pas être seuls.

On a parlé d’école de la deuxième chance. Pourquoi pas de troisième chance ou de quatrième chance ? L’école de la deuxième chance permet de récupérer des jeunes en situation d’échec, sortis du système initial sans le socle des fondamentaux. Mais la reconstruction du socle des fondamentaux et d’une expérience professionnelle, voire d’une qualification ou d’un diplôme, peut très bien se faire tout au long de la vie. Une telle idée est tout à fait inscrite dans le schéma général de la formation tout au long de la vie reposant sur les trois piliers des allers et retours entre la formation et l’emploi, qui est inséré dans le rapport de la mission.

Il n’y a pas d’opposition entre M. Cherpion et moi-même sur le service public de l’emploi et le service public de l’information et de l’orientation proposé dans le rapport. M. Apparu a eu raison d’insister sur l’importance d’un service public qui serait rattaché à un ministère. Une véritable stratégie de formation tout au long de la vie ne peut passer que par un projet politique, lequel doit être fondé sur une gouvernance politique nationale.

Pour autant, nous l’avons indiqué dans le rapport, l’échelon territorial régional est essentiel. La coprésidence du comité régional illustre la nécessité de contractualiser entre l’État et les régions, les partenaires sociaux et les entreprises, pour définir des stratégies de formation, apprécier les besoins d’un bassin d’emplois et la situation d’une région. L’État comme la région ont un rôle à jouer. Il faut instituer un dialogue et parvenir à une véritable convergence en matière de formation tout au long de la vie. Le schéma du rapport reproduit, dans le cadre d’une organisation nationale et d’une organisation régionale, le lien objectif unissant les régions, les entreprises, les partenaires sociaux, les branches professionnelles et les amène à travailler dans une même direction pour construire cette politique de formation tout au long de la vie, avec des moyens à la fois élargis et clarifiés.

Il faut absolument que le service public de l’emploi soit en lien permanent avec le service public de l’information, de la formation et de l’orientation. Ce dernier a pour objectif de mutualiser les connaissances, de rendre lisibles les cartographies d’enseignement et d’apprécier les besoins de l’emploi. Les observatoires dont la création est proposée permettront, à court et à moyen terme, d’évaluer les besoins en matière d’emplois et d’évolution des métiers, ainsi que de simplification du dispositif.

Le carnet de bord suivra le salarié tout au long de sa vie – à l’instar de ce qui se passe pour le suivi de sa retraite. Si l’on considère que la FTLV doit jouer un rôle essentiel dans la construction d’un parcours professionnel, ce carnet de bord, par la traçabilité qu’il permettra, devrait constituer un outil tout à fait intéressant.

Nous avions parlé, au cours de nos réunions de travail, de la formation en alternance. Mais nous avons omis de faire figurer dans le rapport la partie concernant le développement de cette formation, dans lequel nous avions notamment proposé de simplifier cette formation, de créer un contrat unique d’insertion en alternance et d’obliger les entreprises à intégrer au moins un apprenti par tranche de cinquante salariés, pour faciliter le développement de l’apprentissage. Le rapport ayant été adopté, on ne peut plus y ajouter cette proposition mais je tenais à le souligner à titre personnel.

Cette mission d’information constitue pour moi une première expérience. Les échanges auxquels elle a donné lieu ont permis aux uns et aux autres de progresser, malgré les divergences de vue. Le travail de synthèse des précédents travaux est très important, puisqu’il porte sur un ensemble de quatorze rapports et sur toute une série d’auditions. Je vous remercie tous pour votre participation.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

M. le président Pierre Méhaignerie. Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour son travail.

M. Pierre Morange. Je tiens à m’associer aux éloges sur la qualité du travail effectué pour ce rapport.

La treizième proposition de la mission consiste à : « Instaurer la transférabilité totale du droit individuel à la formation (DIF) et instituer ainsi un compte épargne-formation. » Je remarque que les sommes attachées au compte épargne-temps peuvent être également consacrées à la formation.

Ces fonds, complétés par les financements de la formation professionnelle constitueraient l’outil idéal pour accompagner le salarié tout au long de sa vie professionnelle et pour s’adapter aux périodes d’activité et d’inactivité qui peuvent marquer la vie d’un salarié. A-t-on mené une réflexion sur ce point ?

Je souhaiterais par ailleurs que nous puissions avoir un débat sur la flexisécurité à la française, dans lequel ce travail pourrait s’intégrer, et qui nous permettrait d’avoir une vision globale.

M. le président Pierre Méhaignerie. Comment mobiliser tous les partenaires, les élus, les formateurs, avec un système tellement complexe et aussi éloigné des bassins d’emplois ? On ne manque pas de structures ni de technostructures à l’échelon territorial, mais l’ensemble est totalement illisible au niveau des bassins d’emplois. Les personnes que je reçois à ma permanence sont complètement perdues.

Mme la rapporteure. La création du compte épargne-formation va de pair avec la création du carnet de bord personnalisé. Au minimum tous les cinq ans, on doit faire au salarié une proposition de formation dans le cadre de l’entreprise. Le carnet de bord permet de disposer d’un compteur permanent. Si, par exemple, au bout de trois ou quatre ans, la feuille reste blanche alors que le compteur continue à tourner, le salarié pourra prendre conscience qu’un problème se pose, par exemple de motivation. En effet, s’il est intéressant de vouloir former les salariés, il est parfois difficile de motiver ceux qui en ont le plus besoin. Quoi qu’il en soit, le rapprochement de cet outil avec le compte épargne-temps est essentiel et pourrait contribuer à la simplification du dispositif.

Je ne connais pas en détail la question de la flexisécurité, mais la sécurisation des parcours professionnels en fait partie. Quand j’ai réfléchi à la façon de construire ces allers et retours entre la formation et l’emploi, je me suis interrogée sur les possibilités qui s’offraient aux personnes non pas en fonction de leur statut mais de leur situation à chaque instant de la vie soit de rentrer dans l’entreprise, soit de passer par un acte de professionnalisation ou de transition, soit de passer par un accompagnement personnalisé pour recréer les conditions d’une appétence à la formation.

Le souci de lisibilité a été notre fil conducteur. Notre proposition consiste à mutualiser, en tout cas à permettre un regroupement à tous les étages de la fusée.

Nous avons proposé l’idée d’un observatoire organisé sur deux niveaux : un observatoire national aurait pour objectif de faire remonter les informations sur la cartographie des formations existantes et sur l’employabilité à la sortie des formations – nous n’en disposons pas aujourd’hui, comme nous avons pu le constater à l’occasion de nos auditions ; il aurait comme autre objectif, avec un service public associé, de procéder aux évaluations et aux labellisations des organismes de formation, dont le nombre dépasse aujourd’hui 45 000. En les labellisant, en les certifiant et en rendant certaines procédures obligatoires, il y en aurait sans doute déjà beaucoup moins.

Nous avons procédé de la même façon pour le niveau local : un observatoire par région pourrait regrouper la totalité des structures – par exemple par des mises en réseau. Les missions locales, les maisons de l’emploi, voire certaines bibliothèques permettent d’avoir accès à l’information, et il serait dommage de les faire disparaître. Mais il faudrait procéder à ce regroupement pour que tout le monde, des collégiens aux seniors, dispose d’un seul portail d’entrée, ce qui assurerait une certaine lisibilité. Il faut que l’on sache où s’adresser, que l’on dispose d’une base de données unique et que, quel que soit son statut, l’on puisse récupérer les données nécessaires.

Il faudrait associer à cet observatoire un fonds également régional. Le financement de la formation professionnelle serait simplifié. On ne conserverait les OPCA que pour la partie « plan de formation », les entreprises étant libres de choisir leur OPCA pour mutualiser leur plan de formation ; tout ce qui concerne le pilier « professionnalisation, formation qualifiante ou diplômante » reviendrait à ce fonds régional – qui serait en fait un FONGECIP régional. Les différents partenaires regroupés dans cette instance pourraient définir les politiques régionales avec les publics prioritaires.

M. Jean-Patrick Gille. Nous sommes au cœur du débat. Pour ma part, j’ai essayé de développer le droit à la deuxième chance et je pense qu’il faudrait creuser la piste du droit différé à la formation et rapprocher le contrat épargne-temps, le droit à la formation et le contrat de transition professionnelle cher à Gérard Cherpion. En rapprochant ces trois concepts, on permettrait à chacun d’échapper à la notion de statut pour aller vers un droit individuel, qui me semble correspondre à la tendance générale et qui donnerait un vrai sens à la flexisécurité.

Des difficultés risquent d’apparaître, liées à la question de l’assurance-chômage : on est obligé de lier le départ en formation aux périodes de chômage ; comment indemniser le temps passé en formation ? Mais ces difficultés ne paraissent pas insurmontables.

Avec un tel dispositif, les intéressés ont une autre démarche : ils savent qu’ils disposent d’une sorte de compte et cherchent des personnes leur permettant de l’optimiser.

Mme la rapporteure. Cela correspond tout à fait à la philosophie du dispositif que nous avons monté. Le contrat de formation professionnelle s’inscrit parfaitement dans ce dispositif. Mais je précise que, par souci de simplification, le pilier de « professionnalisation-transition » englobe les dispositifs actuels. La mission devait-elle décider de ne construire qu’un seul contrat ? De quel type ? Et avec quel lien avec l’assurance-chômage ? Nous ne sommes pas allés si loin.

J’ai souhaité que l’on définisse une vraie politique publique de la formation tout au long de la vie. La complémentarité entre l’État et la région me semble essentielle. Il faut absolument disposer à la fois d’un échelon national et d’un échelon régional au bénéfice de la proximité et de l’employabilité dans les bassins d’emplois.

M. le président Pierre Méhaignerie. Le travail est immense. Je vous remercie.

La Commission décide, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à dix heures cinquante