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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 10 décembre 2008

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Pierre Morange, Vice-président

– Examen de la proposition de loi portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 1182) (M. Jacques Domergue, rapporteur) 2

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 10 décembre 2008

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Pierre Morange, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Jacques Domergue, la proposition de loi portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants (n° 1182).

M. Pierre Morange, vice-président, remplaçant le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, la Commission est réunie aujourd’hui afin d’examiner la proposition de loi sur le rapport de M. Jacques Domergue. Je lui laisse la parole.

M. Jacques Domergue, rapporteur. Bien que succinct, ce texte n’en a pas moins une portée importante. Je suis heureux que le groupe UMP nous ait donné la possibilité d’examiner aujourd’hui ce projet de réforme de la première année des études de santé. J’insiste sur la nécessité de mettre en œuvre ces dispositions dès la rentrée prochaine. Les doyens de faculté de médecine que nous avons auditionnés y travaillent d’ores et déjà.

Quels sont les axes de cette proposition de loi ? Ils sont au nombre de trois. Tout d’abord il s’agit de créer une première année d’étude commune aux futurs médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes. En effet, actuellement, le premier cycle des études pharmaceutiques et le premier cycle des études médicales sont organisés séparément, avec des concours spécifiques.

Le deuxième axe de cette proposition de loi consiste à « semestrialiser » la sélection et à mettre en place une réorientation précoce des étudiants afin d’éviter un taux d’échec trop important en première année. À l’issue du premier semestre des études de santé, il est ainsi proposé de procéder à un premier classement et à une réorientation des élèves qui obtiendraient des résultats inférieurs à une note minimale ou à un rang déterminé par un facteur multiplicateur du numerus clausus. Pourquoi une telle mesure ? On sait que les étudiants qui choisissent ce cursus sans avoir le niveau requis vont « droit dans le mur » et ont très peu de chances de passer en deuxième année. Cette réorientation leur permettrait de repasser le concours de fin de première année dans de meilleures conditions, après une remise à niveau, ou de se diriger vers d’autres filières. Il est urgent de mettre fin au gâchis humain qui sévit actuellement en première année de médecine. En outre, les présidents de facultés à dominante scientifique, qui déplorent la défection des étudiants pour leur cursus, sont largement favorables à cette mesure.

Le troisième axe de cette proposition de loi consiste à créer de nouvelles voies d’entrées dans les filières de santé au moyen de « passerelles entrantes » diversifiées. Un rapport de M. Jean-François Bach remis à Mme Valérie Pécresse en février 2008, préconise la mise en place pour les titulaires d’un baccalauréat non scientifique de concours spécifiques d’entrée en deuxième année des études médicales ou pharmaceutiques. En effet, on sait qu’un étudiant titulaire d’un baccalauréat littéraire n’a quasiment aucune chance d’intégrer une filière d’études médicales dans le système actuel. C’est pourquoi la proposition de loi crée des passerelles entrantes permettant à des étudiants issus de cursus variés d’intégrer les études de santé.

Les principales dispositions de la proposition de loi devraient entrer en vigueur à la rentrée universitaire 2009-2010. Les réorientations à l’issue du premier semestre seront quant à elles mises en œuvre d’ici la rentrée 2011, compte tenu des ajustements pratiques qu’elles impliquent. J’ajoute que cette proposition se veut un texte cadre : un certain nombre d’arrêtés ministériels viendront préciser le profil des étudiants bénéficiant des passerelles entrantes et ébaucher le profil des personnels paramédicaux qui pourraient intégrer les filières médicales, à l’exemple des infirmières qui auraient complété leur formation par un master. Je précise que la mise en place de voies parallèles d’entrée en cycle d’études médicales et pharmaceutiques n’a pas vocation à remettre en cause la voie principale qu’est le concours sanctionnant la première année.

M. Pierre Morange, président. Merci M. Domergue pour cette présentation synthétique.

M. Bernard Debré. Je suis globalement favorable à ce texte, qu’étudiants et professionnels de santé attendent depuis longtemps. Dois-je rappeler que la probabilité de réussite pour les étudiants qui s’engagent dans des études médicales est de 27 % seulement sur deux ans ? Ce chiffre est éloquent et prouve la nécessité de cette proposition de loi. J’aimerais faire part cependant de quelques réticences. Tout d’abord, l’entrée en vigueur dès 2009 me semble prématurée. Par ailleurs, il me semble qu’il faudrait réfléchir à la possibilité pour les étudiants en médecine de choisir leur lieu d’étude. Enfin, le terme de « maïeuthérapeute » mériterait d’être substitué à celui de « sage-femme », compte tenu du nombre croissant d’hommes qui exercent cette profession.

M. Marc Bernier. Je félicite M. Domergue pour sa ténacité et pour la qualité de son rapport sur une proposition de loi très attendue, quand on sait que près de 60 000 étudiants se destinent chaque année aux professions médicales et pharmaceutiques et que seulement 20 % d’entre eux sont admis en deuxième année. J’aimerais toutefois soulever quelques points qui posent des problèmes. Tout d’abord l’application quasi immédiate du texte pourrait créer des difficultés d’ordre pratique. Ensuite, comme je l’ai montré dans un rapport d’information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, la sélection des futurs professionnels de santé devrait mieux prendre en compte les besoins de la population. La répartition actuelle du numerus clausus entre les différentes régions est absurde car elle est établie en fonction du nombre de bacheliers de chaque région et non des besoins de santé réels de sa population. Il faut remédier à cette situation. Par ailleurs, quid des professions paramédicales ? On parle de coordonner le travail des professionnels de santé comme cela se pratique au Canada par exemple ; les kinésithérapeutes et les infirmiers le réclament. Si nous suivons cette voie, il serait judicieux d’harmoniser les études médicales, pharmaceutiques et paramédicales, avec des premières années d’études communes dans le cadre d’une « licence santé ». Enfin, l’enseignement des sciences humaines est insuffisamment pris en compte dans la sélection des professionnels de santé alors que l’on sait que 50 % des personnes qui vont chez le médecin ne sont pas malades mais cherchent un soutien moral. Les études médicales doivent tenir compte de ce paramètre. J’insiste enfin sur la nécessité de valoriser la médecine générale quand on sait que 40 % des étudiants qui se destinent à la médecine générale le font aujourd’hui par défaut.

M. Pierre Morange, président. Merci M. Bernier pour ces précisions et le rappel des préconisations de votre excellent rapport sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Mme Jacqueline Fraysse. Je serai moins optimiste que mes prédécesseurs. Voici quelles sont nos préoccupations. Il est vrai que le taux d’échec en première année de médecine est un gâchis humain considérable et une épreuve difficile pour des jeunes qui sont majoritairement de très bons élèves. Leur déception est parfois grande et peut les conduire à des dépressions. C’est pourquoi nous devons répondre à cette situation, mais non par les seules voies que vous proposez. Le numerus clausus est trop sévère, non seulement pour les étudiants mais également au regard des besoins de la population. Par ailleurs, il faut renforcer les structures de formation et recruter des enseignants afin de former les professionnels de santé dont nous manquons. Comme l’a dit notre collègue Marc Bernier, il serait judicieux de valoriser les sciences humaines dans les études de médecine. Enfin, j’estime nécessaire de mieux promouvoir la médecine générale. A ce titre, la formation des étudiants en médecine, qui se déroule majoritairement en milieu hospitalier, influence leur choix final au détriment de la médecine générale.

Cette proposition de loi est particulièrement floue et renvoie en ses principaux points à des arrêtés ministériels. Je fais certes confiance à notre ministre mais je préfèrerais avoir des garanties et des précisions sur la mise en œuvre de cette réforme. A ce titre, l’équité, l’égalité des chances et la transparence doivent être respectées dans la mise en place des nouvelles passerelles entre filières générales et filières médicales. Cette procédure ne doit pas pénaliser les étudiants issus des cursus littéraires. Je souhaite également revenir sur la date d’entrée en vigueur de ce texte. Les doyens de facultés de médecine et les représentants des étudiants que nous avons auditionnés sont préoccupés et souhaitent repousser la mise en œuvre de la réforme. Comme vous le voyez, si je n’en soutiens pas les dispositions, je partage néanmoins l’objectif de cette proposition de loi.

Enfin, quel sera le mode de financement de cette réforme ? On parle de crédits prévus à cet effet au sein du plan « Réussir en licence ». Ce point doit être précisé. Par ailleurs, il faut noter l’hostilité des étudiants en pharmacie à cette proposition de loi. Ils craignent en effet que le contenu de l’enseignement en première année ne soit pas adapté à leur spécialité et perde en qualité, alors qu’aujourd’hui ils bénéficient d’enseignements par groupes de 30-35 élèves. Les étudiants en médecine s’inquiètent quant à eux du dispositif de réorientation. Si celui-ci se cantonne à un simple conseil, nous y sommes favorables. En revanche, s’il s’agit d’une obligation, nous nous y opposons. Il faut laisser aux étudiants la possibilité de poursuivre une année complète. Concernant la réintégration des étudiants en première année des études de santé après leur réorientation, le délai de douze à dix-huit mois proposé s’apparente, pourrait-on dire, à une « pénitence ». Enfin j’aimerais savoir pourquoi les infirmiers ne sont pas concernés par cette proposition alors qu’ils demandent une intégration de leur cursus au système licence-master-doctorat (LMD). De même, les premières années des études pharmaceutiques pourraient être communes aux futurs pharmaciens, préparateurs en pharmacie et techniciens de laboratoire.

M. Michel Heinrich. Je souhaite d’abord féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail : ce texte est aujourd’hui absolument nécessaire et la très grande majorité des universitaires concernés y sont favorables. En revanche, les étudiants en pharmacie manifestent une certaine inquiétude et s’interrogent sur leurs futures conditions d’études ; ils ont en effet l’habitude de travailler au sein de groupes relativement restreints alors qu’ils risquent avec cette réforme de se retrouver noyés dans de grands amphithéâtres. Par ailleurs, je m’interroge sur la possibilité d’appliquer la proposition de loi dès la rentrée 2009 : on ne sait pas très bien encore comment sera organisée matériellement cette nouvelle première année d’études de santé. Enfin, s’agissant du contenu des enseignements, je pense qu’il revient au ministère, en concertation avec les universitaires et les associations d’étudiants, de le fixer : il ne s’agit pas d’une compétence du législateur.

Mme Catherine Lemorton. Le constat selon lequel il est impératif de lutter contre l’échec en fin de première année de médecine est partagé par tout le monde. Néanmoins, je m’interroge sur les motifs avancés pour cette proposition de loi. D’une part, on juge utile que les futurs professionnels de santé partagent un enseignement commun en première année ; cette analyse me semble fausse : partager des enseignements dès la première année me paraît largement prématuré et il serait beaucoup plus utile de mettre en place des enseignements communs vers la 4e ou la 5e année d’études, à un moment où chacun a commencé à développer des spécialités dont la confrontation peut être profitable à tous. D’autre part, cette proposition prétend lutter contre les inégalités géographiques de répartition de l’offre de soins : il s’agit d’un simple effet d’annonce, rien dans cette proposition ne permettant d’atteindre cet objectif.

Cette proposition manque aussi d’ambition : elle ne fait aucune place aux nouveaux métiers de la santé, comme celui d’éducateur en santé, que le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatifs aux patients, à la santé et aux territoires vise pourtant à développer.

S’agissant des passerelles envisagées pour permettre l’arrivée dans les études médicales d’étudiants venant d’autres horizons, cela me semble être une bonne idée mais il est regrettable que rien ne soit prévu pour les étudiants en médecine qui s’arrêtent en 3e ou 4e année et doivent repartir au niveau post-bac. En fait, cette proposition pose beaucoup de questions car elle reste excessivement floue. S’agissant des conditions d’études et de l’accompagnement des étudiants, rien n’est dit quant à l’existence de travaux dirigés ; concernant la réorientation vers les facultés de sciences, pourquoi ne pas envisager de l’étendre aux facultés de sciences humaines et sociales ?

Concernant ce que j’appellerais la « sanction » envisagée dès la fin du premier semestre, il s’agit d’un signe très négatif adressé aux étudiants : un étudiant sanctionné dès le premier semestre sera obligé de poursuivre ses études dans une faculté de sciences avant de pouvoir éventuellement se réinscrire en première année d’études de santé un an et demi plus tard. Compte tenu de la nécessité largement reconnue de faire appel à des cours privés particulièrement onéreux pour préparer le concours, on risque d’ajouter à la sanction éducative une sanction sociale. On peut de plus s’interroger sur la capacité des facultés de sciences d’accueillir ainsi les étudiants en cours d’année.

Par ailleurs, il est envisagé de développer l’utilisation des nouvelles technologies (CD-ROM, visioconférences…) pour assurer certains enseignements spécifiques quand ceux-ci ne sont pas disponibles sur le lieu d’enseignement ; je m’interroge sur ces nouvelles modalités d’enseignement dont l’efficacité est très discutable. Il conviendrait plutôt de développer le tutorat, qui permettrait en outre de répondre aux problèmes posés par l’existence de cours privés particuliers.

S’agissant des étudiants en pharmacie, leur programme de première année est aujourd’hui directement adapté à leur concours et contient un certain nombre d’enseignements fondamentaux en pharmacie : ainsi dès leur stage de fin de première année en officine, on constate que ces étudiants possèdent déjà certaines bases qui les rendent opérationnels. Les conditions d’études en pharmacie sont moins insatisfaisantes que pour les études de médecine. En l’absence d’assurance quant aux moyens logistiques, financiers et humains prévus pour la mise en œuvre de cette nouvelle première année, on peut comprendre l’inquiétude de ces étudiants qui n’ont en outre pas ou peu été consultés pour la préparation de cette proposition de loi.

En conclusion, cette proposition répond à une motivation juste mais n’est pas à la hauteur des enjeux et risque de continuer de créer des frustrations importantes parmi les étudiants. Ainsi l’idée d’un concours commun avec des coefficients variables en fonction de la spécialité choisie risque de mettre certains étudiants face à des choix cornéliens et de les engager dans des filières qui n’auraient pas leur préférence.

M. Bernard Debré. Je considère que le nouveau système de concours unique avec des coefficients variables est une bonne idée et qu’il vaut mieux s’engager dans une voie, même si ce n’était pas son choix initial, que de se retrouver sans aucune perspective. Par ailleurs, il est inutile d’introduire trop de détails dans la loi. Il faut lutter contre cette tendance qu’a le législateur de mettre dans la loi ce qui relève des décrets et des circulaires d’application ; il faut respecter aussi l’autonomie des universités en leur laissant le soin d’élaborer les programmes.

M. le rapporteur. Je partage l’opinion de M. Debré quant à la nécessité de ne pas encombrer la loi avec des détails qui relèvent du pouvoir réglementaire. Concernant le terme de « sage-femme » et son éventuel remplacement par le terme de maïeuthérapeute, même si l’on constate effectivement une masculinisation de ce métier, je pense que cela est prématuré, la profession n’étant aujourd’hui pas favorable à cette substitution. Néanmoins, compte tenu du caractère sinistré de la carrière de gynéco-obstétricien et de la médicalisation croissante du métier de sage-femme, on peut penser que dans une dizaine d’années l’essentiel des accouchements seront pratiqués par des sages-femmes, comme c’est déjà souvent le cas dans le secteur public.

S’agissant du numerus clausus, je ne partage pas les critiques de M. Debré quant à son caractère étatique dans la mesure où il est décliné au niveau régional et universitaire, en concertation avec les professionnels. On sait que 70 % des professionnels de santé s’installent sur le territoire où ils ont suivi leurs études. Si l’on souhaite réguler l’offre de soins sur le territoire français, il est donc indispensable, faute d’une régulation de l’installation aujourd’hui impossible, de procéder à une régulation régionale au niveau de l’entrée dans les études.

L’application de cette nouvelle première année dès la rentrée 2009 ne me semble pas prématurée. Il s’agit en effet d’un texte très attendu et une circulaire du 1er août 2008 a déjà fourni aux doyens d’université un cadre de réflexion pour adapter le contenu des enseignements. Par ailleurs, les étudiants sont depuis longtemps informés de cette perspective de réforme. Enfin il est prévu pour le système de réorientation au bout du premier semestre une soupape de sécurité pour que les facultés de sciences disposent d’un peu de temps pour se préparer. S’agissant de ce système de réorientation, toutes les études statistiques menées montrent qu’un étudiant qui, au bout d’un semestre, obtient une note moyenne inférieure à six a des chances quasi nulles de réussir le concours en fin d’année. La réorientation en faculté de sciences lui permet d’éviter cette « noyade », en complétant sa formation afin de revenir, mieux préparé, vers la première année des études de santé.

La présente proposition de loi ne porte que sur les professions médicales, mais il faudra ensuite réformer les professions paramédicales et développer des passerelles entre ces deux catégories de professions, afin de tenter de mettre fin au gâchis humain qu’on est souvent amené à déplorer aujourd’hui. L’accès aux études en sciences humaines n’est nullement fermé aux étudiants des cursus de santé : ces sciences constituent en effet une excellente voie de réorientation à l’issue de la première année d’études médicales, mais elles ne peuvent pour autant être envisagées comme destinées à améliorer le niveau des étudiants afin de leur permettre de réintégrer ensuite la première année des études de santé.

Fixé globalement entre 11 000 et 12 000 étudiants, le numerus clausus n’est pas figé, comme l’a montré son évolution ces dernières années, mais dans la gestion des effectifs et des carrières des professions médicales il faut tenir compte de l’inertie liée à la durée de leur formation, qui est particulièrement longue.

Le développement de passerelles entre les études de santé et d’autres cursus permettra d’instiller une culture autre que scientifique dans les professions de santé : ce sera une sorte de bouffée d’oxygène. Ainsi, des étudiants en lettres, sélectionnés sur dossier, pourront rejoindre une filière d’études de santé, et ce en sus du numerus clausus. Cette solution paraît plus simple que celle proposée par le rapport de M. Jean-François Bach, consistant à créer un concours spécifique pour les bacheliers non scientifiques. Les sciences humaines sont déjà enseignées en première année de médecine et c’est d’ailleurs le coefficient le plus élevé qui leur est affecté. Toutefois, le fait que cet enseignement ait actuellement lieu au second semestre n’est pas exempt d’inconvénients, de telle sorte qu’il serait envisageable de l’assurer dès le premier semestre.

Le regroupement des étudiants en première année des études médicales et pharmaceutiques va nécessairement se traduire par des promotions d’un volume plus important et par un plus grand nombre d’étudiants par groupe de travaux dirigés, mais il est permis d’espérer que des nouveaux groupes seront créés. Dans certaines facultés, les doyens ont déjà commencé à réfléchir à l’organisation matérielle de cette réforme : ainsi, à Montpellier, l’enseignement sera dispensé sur trois sites, en tirant parti de la mise en commun d’enseignants de médecine et de pharmacie, mais aussi des visioconférences et d’Internet, permettant l’accès aux cours pendant plusieurs semaines. Ces aménagements paraissent réalisables pour la prochaine rentrée, d’autant que le budget de l’enseignement supérieur progressera de 6 % en autorisations d’engagement pour 2009. Les craintes des étudiants sont compréhensibles, mais aucune université n’estime que la réforme ne pourra pas entrer en vigueur dès 2009.

Les nouveaux métiers évoqués par Mme Catherine Lemorton relèvent des professions paramédicales, sur lesquelles il est désormais essentiel d’orienter la réflexion. Il faut par ailleurs rappeler que les étudiants qui arrêtent après la troisième d’études médicales bénéficient d’équivalences dans les écoles d’infirmiers ou dans les facultés de sciences. Quant au « droit au remords » ouvert après deux ans d’engagement dans une filière, moyennant le passage devant une commission, il est prévu qu’il soit maintenu dans les conditions actuelles, notamment celle d’avoir été admissible dans la filière finalement choisie.

S’agissant du tutorat, il ne pourra être pleinement mis en place que quand le nombre d’étudiants aura diminué.

La culture commune aux médecins et aux pharmaciens ne s’acquiert pas principalement en première année, mais on peut estimer qu’elle sera renforcée par la réforme, dans la mesure où les enseignants seront mis en commun. De ce point de vue, la nécessité, pour les enseignants en pharmacie, d’effectuer un minimum de 192 heures de cours ne sera pas pénalisante, car les travaux dirigés ainsi que le temps de préparation des cours seront intégrés dans le calcul de ces heures.

M. Christian Eckert. Pourquoi ne pas avoir intégré les kinésithérapeutes dans la première commune aux études de santé, alors que leur cursus et leur concours sont quasiment identiques à ceux des médecins ?

M. le rapporteur. Bien que majoritairement formés dans des écoles privées, les kinésithérapeutes sont sélectionnés, pour les deux tiers d’entre eux, à l’issue de la première année de médecine, sur le fondement de conventions conclues avec ces écoles, ce qui permet aux étudiants d’accéder à une première année d’études organisée dans un cadre public, moins coûteuse que les classes privées qui proposent des programmes de préparation aux écoles de kinésithérapie. Étudiants et enseignants, qui espèrent par ailleurs que la profession s’acheminera vers le schéma « licence-master-doctorat », souhaitent maintenir ce système et certaines universités ont déjà pris des dispositions en ce sens.

M. Pierre Morange, président. Il est essentiel de se préoccuper des professions paramédicales, car l’exemple des kinésithérapeutes montre que le système de formation n’est pas très satisfaisant au regard du principe républicain d’égalité.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Création d’une première année commune aux études de santé et de nouvelles voies de réorientation des étudiants dans les études de santé

La Commission adopte un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

La Commission examine un amendement présenté par Mme Jacqueline Fraysse, ayant pour objet, d’une part, d’empêcher la réorientation des étudiants dès le premier trimestre et, d’autre part, de permettre aux étudiants réorientés de capitaliser les compétences acquises.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai déjà exprimé mes réserves sur le principe d’une sélection dès le premier trimestre des études de santé mais j’ai cru comprendre que la réorientation des étudiants dès le premier trimestre ne sera pas obligatoire.

M. le rapporteur. Il s’agit effectivement d’une simple faculté.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise par ailleurs à faire en sorte que les étudiants puissent capitaliser leurs compétences déjà acquises.

M. le rapporteur. Cela supposerait que les études de santé soient organisées suivant le système LMD, or ce n’est pas le cas. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement, sachant qu’il sera toujours possible, pour répondre aux inquiétudes qui s’expriment sur la réorientation, de diffuser auprès des étudiants les statistiques qui montrent bien que les moins bien classés d’entre eux ont tout intérêt à accepter la « boucle de renforcement » qui leur est proposée.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

La Commission examine ensuite un amendement présenté par le rapporteur visant à permettre l’admission directe de certains diplômés non seulement en deuxième année d’études de sage-femme, mais aussi en troisième année, à l’instar de ce qui est déjà prévu pour les études médicales, odontologiques ou pharmaceutiques.

M. le rapporteur. Il s’agit logiquement de mettre les sages-femmes sur le même plan que les autres professions médicales, comme elles le demandent.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur, supprimant la mention selon laquelle les textes pris en application de l’article 1er font l’objet d’une publication au Journal officiel, ainsi qu’un amendement de coordination présenté par le rapporteur.

La Commission adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Entrée en vigueur des dispositions de l’article 1er

La Commission examine un amendement présenté par Mme Jacqueline Fraysse, visant à repousser d’une année la mise en place de cette réforme.

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’y a pas que les étudiants qui sont inquiets au sujet de la création d’une première année commune aux études de santé, les doyens le sont tout autant. Je ne souhaite pas bien sûr retarder par plaisir l’application de ce texte, mais je pense qu’il serait plus raisonnable de repousser d’une année la mise en place de la réforme.

Mme Catherine Lemorton. Le report de la mise en place de la réforme s’impose également pour pouvoir mieux informer les lycéens, notamment lors des forums d’orientation qui auront lieu dès les mois de mars et avril. Il est impératif que les conseillers pédagogiques soient à même d’expliquer la création de cette première année commune aux études de santé.

M. Philippe Boënnec. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’une bonne proposition de loi destinée à éviter les échecs, même si elle n’est qu’un premier pas en ce sens. En revanche, on sait bien que toutes les universités ne sont pas encore prêtes, et la proposition de report mérite donc réflexion. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur ce point.

M. Bernard Debré. Il est impératif de ne pas rater le coche. Nos facultés ne sont effectivement pas prêtes et ne disposent pas, notamment, des moyens de visioconférence dont il a été question. En outre, on n’a pas le droit de surprendre les jeunes, en modifiant l’organisation des études de santé alors qu’ils auront déjà commencé leur préinscription. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement de Mme Fraysse.

M. Pierre Morange, président. Il sera toujours possible d’interroger le Gouvernement lors de la séance publique sur les modalités pratiques et la chronologie de mise en place de la réforme, ce qui pourra peut-être répondre aux inquiétudes exprimées.

M. le rapporteur. Je comprends les réticences exprimées, mais les principaux concernés par la réforme en connaissent déjà mieux que nous les tenants et les aboutissants. Le rapport « Réflexions et propositions sur la première année des études de médecine, d’odontologie, de pharmacie et de sage-femme – L1 santé » de M. Jean-François Bach publié en février 2008, très connu dans les milieux universitaires, ainsi qu’une circulaire du 1er août 2008, ont déjà appelé l’attention sur la possibilité d’une application rapide de la réforme et il n’y a donc pas d’intérêt à attendre davantage. Il y aura certes une phase de mise en application, mais les facultés sont déjà en train de travailler sur le sujet, même si on ne peut occulter certaines inquiétudes chez les étudiants.

M. Bernard Debré. On va changer les règles alors qu’ils sont en train de s’inscrire !

Contrairement à l’avis défavorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine un amendement présenté par Mme Jacqueline Fraysse, visant à prévoir le financement de cette réforme sans utiliser les crédits du plan « Réussir en licence » déjà votés dans le cadre de la loi de finances pour 2009.

Mme Jacqueline Fraysse. Je me suis déjà expliquée dans la discussion générale sur la nécessité de consacrer suffisamment de moyens financiers à la réforme. Mais il est vrai que le recul de la mise en application de la loi qui vient d’être décidé permettra à la loi de finances de l’année prochaine de prévoir des financements spécifiques.

M. le rapporteur. La loi de finances pour 2009, qui prévoit une augmentation de 6 % en autorisations d’engagement des crédits de l’enseignement supérieur, permet déjà la mise en œuvre de cette réforme qui, en outre, ne nécessite pas beaucoup de moyens financiers. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement qui s’impose d’autant moins après l’adoption de l’amendement précédent.

M. Pierre Morange, président. Il convient également de ne pas oublier les dispositions de la circulaire du 1er août 2008 et le fait que la mutualisation des moyens permettra de dégager les marges de manœuvre supplémentaires.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Exécution de la présente loi

La Commission examine un amendement de suppression de l’article 3, présenté par le rapporteur, les dispositions de cet article, qui précise que la présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat, étant inutiles.

Mme Jacqueline Fraysse. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Bernard Debré. Nous examinons une proposition de loi et non un projet de loi mais la mention paraît effectivement inutile.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission supprime donc l’article 3.

La Commission adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.