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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 11 février 2009

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 41

Présidence de M. Pierre Méhaignerie Président

– Examen de la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 1407) (M. Bernard Perrut, rapporteur) 2

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 11 février 2009

La séance est ouverte à dix heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Bernard Perrut, la proposition de loi visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 1407).

M. Bernard Perrut, rapporteur. On ne peut que se féliciter du caractère consensuel de la proposition de loi examinée aujourd’hui. Elle fait l’unanimité au sein de l’ensemble des groupes de notre assemblée.

Cette proposition de loi, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, est en effet présentée par MM. Jean Leonetti (UMP), Gaëtan Gorce (SRC), Olivier Jardé (NC) et Michel Vaxès (GDR) et marque un moment essentiel de notre vie parlementaire mais aussi et surtout de notre vie sociale.

Elle apporte une réponse à une interrogation récurrente soulevée par de très nombreuses études qui ont contribué à éclairer, jour après jour, cette délicate question de la fin de vie, à commencer par la plus récente d’entre elles, le rapport de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie présenté par M. Jean Leonetti, qui, retenu par une autre réunion, vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin.

Le travail très approfondi mené par la mission a permis la synthèse entre la prise en considération de « l’absolue singularité du destin de chaque individu », de « la diversité et la complexité des peurs et des souhaits de chacun » ainsi que de l’« expérience qui par essence ne se partage pas », d’où la nécessité de proposer des solutions concrètes pour satisfaire les attentes des malades et de leurs familles.

Cette proposition de loi apporte, plus fondamentalement encore, une réponse aux interrogations de chacun, tant il est vrai que l’accompagnement n’est pas une affaire de spécialistes, en tout cas pas seulement, mais constitue un acte de solidarité sociale qui procède d’un véritable devoir d’humanité et de responsabilité. L’image du visage de l’autre, chère au philosophe Emmanuel Levinas, dit bien ce devoir d’humanité : « Dès lors qu’autrui me regarde, j’en suis responsable sans même avoir à prendre des responsabilités à son égard. Sa responsabilité m’incombe ». Cette citation, sur laquelle nous pourrions avec profit disserter, constitue peut-être le fondement de la proposition de loi.

Mais comment faire application de ce devoir d’humanité en pratique ?

« Sans les familles, rien n’est possible » : Mme Marie de Hennezel a résumé par ces mots, en 2003, la nécessité de faciliter le travail d’accompagnement des proches. Nous pouvons faire nôtre cette affirmation. Il est fondamental de donner aux familles, très concrètement, la possibilité et le temps de l’accompagnement.

Accompagner l’accompagnement, pourrait-on dire, c’est bien l’un des enjeux de la présente proposition de loi et de la création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Par-delà la formule, cette initiative entend constituer une étape décisive dans l’aide à l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Le droit français comporte déjà un certain nombre d’instruments à cet effet et notamment le congé de solidarité familiale, créé par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Cette loi a résulté de nombreuses initiatives, dont la mienne, pour créer ce qui s’appelait alors congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites en a fait un congé de solidarité familiale, étendant son champ aux pathologies mettant en jeu la vie du malade à tout moment de son existence.

Prévu aux articles L. 3142-16 et suivants du code du travail, le congé de solidarité familiale peut être demandé par tout salarié pour assister l’un de ses proches (ascendant, descendant, ou toute personne partageant son domicile) souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital, c’est-à-dire pouvant entraîner la mort.

Le salarié doit informer l’employeur de son intention d’utiliser son congé, qui est de droit. Le congé de solidarité familiale est accordé pour une durée de trois mois maximum, renouvelable une fois. Ce congé n’est pas rémunéré. Ce congé existe aussi sous l’ancienne dénomination de congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie dans la fonction publique et pour les militaires.

Dix ans ont passé et le congé de solidarité familiale, s’il a porté ses fruits, doit à l’évidence encore être enrichi. Le moment est venu de franchir un nouveau pas, tous ensemble.

En effet, comme l’a parfaitement montré la mission précitée d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, les situations sont encore trop inégales : certains proches ont la possibilité de s’arrêter dans leur vie professionnelle pour accompagner un malade en fin de vie, tandis que d’autres, faute de moyens matériels suffisants, se voient « au mieux » contraints de demander un arrêt maladie, au pire complètement démunis pour être aux côtés de leurs proches.

La présente proposition de loi veut contribuer à résoudre ces difficultés en créant cette allocation, qui pourra compenser, en tout ou en partie, la perte de revenus liée à l’accompagnement d’un parent ou d’un proche à domicile, à l’image de dispositifs déjà existants à l’étranger, en Belgique notamment, ou même en France, où des initiatives locales existent, comme à Paris.

Ainsi pourra être favorisé le maintien à domicile de ceux qui souhaitent mourir chez eux et valorisé, au plan symbolique, le temps de la mort, facilité le travail de deuil des proches et, en somme, diminuée la solitude des accompagnants comme des accompagnés. M. Jean Leonetti souligne dans son rapport combien cet accompagnement est important pour éviter le développement de toute forme de deuils pathologiques postérieurs à l’accompagnement.

 En quoi consiste cette nouvelle allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ? Cette allocation sera versée aux personnes procédant à l’accompagnement à domicile d’un patient en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause.

Sont concernés les ascendants, descendants, frères, sœurs ou personnes partageant le domicile d’un proche qui l’accompagnent.

La personne accompagnant le malade devra avoir suspendu son activité. Pour ce qui concerne les salariés, les fonctionnaires et les militaires, la condition de suspension de l’activité est prioritairement liée à la prise d’un congé de solidarité familiale.

L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie sera versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines. Son montant devrait être égal à celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit entre 40 et 50 euros par jour environ selon que la personne concernée est seule ou en couple ; le gouvernement devra nous confirmer ce chiffre au cours de la séance publique. Le texte de la proposition de loi prévoit que l’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée. En outre, un seul bénéficiaire peut prétendre au versement de l’allocation au titre d’un même patient. Il n’y aura donc ni abus, ni effets d’aubaine.

L’exposé des motifs de la proposition de loi contient un élément d’évaluation chiffrée, même si, à mon sens, un certain nombre d’incertitudes pèsent sur cette évaluation : 100 000 personnes étant aujourd’hui prises en charge par le dispositif de soins palliatifs, dont 25 % environ à domicile, on peut estimer que, si 80 % des familles concernées ont recours à cette allocation, son coût annuel pourrait être d’environ 20 millions d’euros appelés à financer 20 000 allocations par an. Une partie de ce coût serait compensée par la réduction du nombre d’arrêts de travail dont bénéficient les accompagnants.

Par-delà la création de la nouvelle allocation, la proposition de loi procède à deux modifications complémentaires :

– L’une est relative au régime du congé de solidarité familiale : celui-ci ne prévoit pas aujourd’hui la situation de l’accompagnement par un frère ou une sœur. Dès lors que la proposition de loi envisage cette situation pour ce qui est de l’allocation, il est nécessaire d’harmoniser dans ce sens le dispositif du congé de solidarité familiale.

– L’autre concerne la dénomination du congé qui prévaut pour l’accompagnement par des fonctionnaires et des militaires : ce congé s’intitule aujourd’hui « congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie », alors que son dispositif est proche de celui du congé de solidarité familiale. Dans un souci de cohérence, la proposition de loi substitue à cette dénomination celle de « congé de solidarité familiale ».

L’un des objectifs de la présente proposition de loi est de favoriser l’accompagnement à domicile des personnes en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable. Dans son rapport de fin d’exercice du 12 janvier 2008, le comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement a montré combien l’hospitalisation à domicile est insuffisamment développée en France. Il existe en effet d’indéniables « carences des soins palliatifs hors établissements de santé », mises en évidence par la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, qui constate que ni les réseaux de soins palliatifs, ni les structures d’hospitalisation à domicile ne bénéficient de moyens suffisants. Dans certains cas, il se pourrait même que ces moyens soient utilisés à d’autres fins.

Ce constat n’est certes pas nouveau. Il subsiste un véritable écart entre cette réalité et le souhait des Français, dont 80 % d’entre eux déclarent vouloir mourir chez eux, mais dont près de 72 % finissent leurs jours dans une institution.

Si donc, comme l’a montré le rapport de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005, concernant les proches, la rémunération du congé prévu pour l’accompagnement constitue une mesure essentielle, d’autres initiatives doivent être prises. Le rapport évoquait ainsi :

– la nécessité de favoriser la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de soins, qui doivent intervenir pour permettre le maintien à domicile : les proches, les médecins, les infirmiers, les gardes-malades et les structures de soins ; de ce point de vue, il convient de saluer le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, qui vise notamment à favoriser le pilotage commun de l’offre de soins de ville et de l’offre de soins hospitaliers par les agences régionales de santé : lors de son examen par la Commission, un amendement a été adopté pour rétablir l’obligation d’identifier, dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qui doivent être conclus entre les agences régionales de santé et les établissements de santé, les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs ;

– la nécessité de fixer les modalités de rémunération des professionnels de santé pratiquant les soins palliatifs à domicile, le droit existant étant lacunaire sur cette question ;

– le développement des possibilités d’employer des gardes-malades à domicile et de prévoir des hospitalisations de répit pour soulager les aidants : cela passe par la mise en œuvre du programme de développement des soins palliatifs, qui s’est donné pour objectif la formation de 1 500 gardes-malades sur cinq ans, mais aussi par la création de nouveaux centres de répit ou relais accessibles aux proches qui pourraient y trouver des soutiens.

On pourrait ajouter également la nécessité du développement des unités de soins palliatifs mobiles, encore trop rares. L’exemple des efforts entrepris à cet effet dans la région Midi-Pyrénées doit être souligné.

La seule mesure prévue par la proposition de loi ne saurait donc en tout état de cause rester isolée. Il est essentiel de la recentrer au cœur d’une politique plus globale favorisant la mise en œuvre d’un ensemble de dispositifs.

Par ailleurs, encourager les soins palliatifs est une chose, mais prendre acte de la situation existante – 75 % des personnes en soins palliatifs sont hospitalisées – en est une autre tout aussi nécessaire. Comment « aider les aidants » à l’hôpital ?

En mentionnant comme bénéficiaires de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie les seules personnes qui accompagnent à domicile un proche en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, la présente proposition de loi exclut de fait de ce soutien les personnes qui accompagnent des malades dans les hôpitaux ou les établissements spécialisés.

Or celles-ci accomplissent souvent de longs trajets, chaque jour, qui entraînent des frais importants. Certaines, compte tenu des distances kilométriques les séparant de leur domicile, doivent se loger à l’hôtel, telle cette femme que j’ai rencontrée au centre régional de lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon, venue d’un autre département, pour accompagner son mari atteint d’un cancer et lutter à ses côtés de toutes ses forces.

Aussi pourrait-il être envisagé d’étendre le bénéfice de l’allocation à toute personne dont la présence est considérée comme « une exigence » pour un digne accompagnement de l’être proche, quel qu’en soit le lieu.

L’extension de la mesure n’entraînerait qu’une faible augmentation du coût, car l’allocation se substituerait, dans nombre de cas, aux indemnités journalières d’assurance maladie liées aux arrêts maladie fréquemment établis par les médecins pour qu’un mari, une mère ou enfant soit au chevet de son conjoint, de son fils ou d’un parent.

De manière à engager une forme de réflexion active sur ce sujet, je proposerai tout à l’heure un amendement permettant, dans le cas où l’hospitalisation de la personne accompagnée à domicile est requise, que la période de versement de l’allocation puisse inclure les journées d’hospitalisation. Il s’agit d’un premier signe avant d’aller plus loin.

En conclusion, je dirais qu’essentielle, cette proposition de loi, même si elle ne constitue qu’une étape dans une entreprise plus vaste, ne peut donc au final qu’être saluée. En cette matière comme dans beaucoup d’autres, la méthode des petits pas favorise les grandes avancées. Il incombe au législateur, à cet égard, de ne pas relâcher sa vigilance : il en va de notre devoir d’humanité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je reconnais dans cette intervention la passion communicatrice de notre rapporteur !

M. Yves Bur. Je salue le fait que cette proposition de loi soit portée par l’ensemble des groupes politiques et je remercie le rapporteur pour tout le cœur qu’il a mis dans son exposé, car il s’agit d’un texte empreint d’humanisme, altruiste, auquel on ne peut donc qu’adhérer.

Il serait toutefois utile de pouvoir disposer d’un bilan du congé de solidarité familiale, afin de connaître non seulement le nombre de personnes qui en ont bénéficié mais aussi de savoir dans quelle finalité. Il serait également intéressant de disposer d’éléments d’information sur le nombre d’arrêts de travail auxquels la future allocation journalière d’accompagnement se substituera et, au-delà, sur le coût de ce nouveau dispositif.

Les hôpitaux interviennent peut-être davantage en France que dans les autres pays en cette matière des soins de fin de vie, d’autant que la médecine de ville ne paraît pas toujours prête à prendre en charge les personnes concernées à leur domicile : la proposition de loi semble ainsi traduire une volonté d’accroître le nombre de personnes prises en charge chez elles. Le besoin est de fait réel, car je sais que certaines équipes médicales se trouvent débordées au point d’être aujourd’hui contraintes de refuser de s’occuper de personnes âgées ou très âgées.

Il faut certes accompagner les aidants dans le secteur sanitaire, mais ne pas oublier qu’ils sont aussi confrontés quotidiennement à de vraies difficultés dans le secteur médico-social.

En tout état de cause, à terme, l’écart entre le nombre de personnes souhaitant être prises en charge à leur domicile et celles qui en bénéficient effectivement devra être réduit.

M. Marc Bernier. Cette proposition de loi est bienvenue. Il faudra toutefois veiller à préciser la notion de domicile et être attentif à ce que soit établie une répartition équilibrée sur l’ensemble du territoire des structures permettant d’assurer l’accompagnement des malades en fin de vie, tels que les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou les unités d’hospitalisation à domicile (HAD).

En outre, au cours de leur formation, les médecins n’acquièrent pas toujours une connaissance suffisante de ces structures et leur réflexe peut alors être d’orienter les malades en fin de vie vers l’hôpital.

Mme Michèle Delaunay. Je me réjouis que tous les groupes politiques se soient associés à cette proposition de loi. L’accompagnement à domicile soulève des questions importantes pour les personnes seules. Si celles-ci ont certes la possibilité de désigner une « personne de référence », au besoin extérieure à leur famille, pour les accompagner, cela ne change rien à ce que j’ai pu constater aussi bien à titre professionnel que personnel, à savoir la formidable difficulté, pour des raisons d’ordre technique, d’organiser l’accompagnement à domicile. En outre, il serait important que les médecins puissent se prononcer sur la capacité physique, technique et affective d’une personne à assurer un accompagnement.

La présente proposition de loi est importante en ce qu’elle favorise le choix des personnes – mourir à domicile ou non –, même s’il faut savoir que la décision qu’elles prennent lorsqu’elles sont bien portantes est susceptible d’évoluer au moment de la fin de vie.

Prescrire des arrêts de travail en faveur des accompagnants ne constitue pas une fraude et j’en ai moi-même expliqué, dans certains cas, la légitimité à mes patients, ne serait-ce que parce que les personnes assurant un vrai accompagnement peuvent être conduites à l’épuisement.

J’ajoute qu’il semble légitime que les dispositifs d’aide aux accompagnants soient différents dans les situations d’hospitalisation et dans les situations de mise en œuvre de soins à domicile, car elles renvoient à des engagements de natures différentes de la part de l’accompagnant ; par exemple, dans le cas de l’hospitalisation, il peut se révéler important de rembourser les frais de transport de l’accompagnant afin d’améliorer les conditions des visites.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue les difficultés spécifiques que rencontrent les personnes âgées en fin de vie.

S’agissant d’un sujet aussi porteur d’émotion que celui abordé par la proposition de loi, il conviendrait d’inviter nos collègues à cosigner le texte, auquel je souhaite moi-même m’associer.

Le président Pierre Méhaignerie. Il est encore possible de le cosigner.

M. Jean Bardet. Il est heureux que l’unanimité se soit faite autour de cette proposition de loi. En ce qui concerne les accompagnants, certains arrêts de travail sont effectivement motivés par l’épuisement résultant de l’accomplissement de leur mission. Cela étant, de façon générale, il me semble difficile de justifier un arrêt de travail pour des motifs autres que médicaux.

Par ailleurs, « vous ne saurez ni le jour, ni l’heure », est-il écrit : la date du décès ne peut être anticipée. Comment articuler cette incertitude avec la durée prédéterminée de versement de l’allocation prévue par la proposition de loi, à savoir trois semaines ?

Enfin, s’agissant de l’accompagnement à domicile, les moyens pouvant être déployés sont nécessairement moindres qu’à l’hôpital, notamment en matière de lutte contre la douleur.

M. Patrice Debray. Cette proposition de loi est bienvenue : trente ans d’expérience sur le terrain m’ont en effet permis de mesurer les difficultés rencontrées par nos concitoyens dans ce domaine. Il faut insister sur la formation des accompagnants car, en pratique, seul un sur deux environ parvient à mener à bien sa mission.

Afin d’éviter, comme c’est le cas actuellement, que les généralistes ne soient continûment sollicités par les questions posées par les accompagnants à domicile, il conviendrait en outre que le lien entre ces derniers et les unités de soins palliatifs soit renforcé.

M. le rapporteur. Je me réjouis que des sujets de fond aient été abordés. Sur les différents points évoqués, j’apporterais les éléments de réponse suivants :

– Alors que j’en ai fait la demande, je n’ai pas pu obtenir d’informations chiffrées permettant de dresser un bilan du congé de solidarité familiale. Même s’il est vrai qu’il est difficile de disposer de données sur ce point, puisque le congé est demandé par le salarié à son employeur et qu’aucune rémunération n’est versée, je vais interroger à nouveau les administrations concernées. En revanche, des indications m’ont été fournies sur le coût de la future allocation, qui serait de 20 millions d’euros en année pleine, puisque le nombre d’allocataires est estimé à 20 000 (qui correspondent à 80 % du total des 25 000 personnes aujourd’hui prises en charge par le dispositif des soins palliatifs à domicile).

– Il est indéniable que les soins de fin de vie sont plus faciles à administrer à l’hôpital, car il est impossible de bénéficier à domicile des mêmes moyens humains et matériels. Mais il n’en faut pas moins développer les soins palliatifs à domicile : c’est pourquoi j’ai déposé un amendement demandant au gouvernement de présenter aux commissions parlementaires compétentes un rapport sur cette question essentielle.

– La question de l’ouverture du droit au versement de la nouvelle allocation au profit d’une personne de référence autre qu’un membre de la famille ou qu’une personne partageant le domicile de la personne en fin de vie pourrait être étudiée, mais il fallait bien identifier, aux termes du dispositif proposé, un cadre juridique donné.

– En effet, la seule raison susceptible de justifier les arrêts maladie accordés dans le cadre de l’accompagnement, c’est l’état d’épuisement des accompagnants, malheureusement souvent constaté.

– Dans certains cas, le malade souhaite rester à l’hôpital. S’il veut regagner son domicile, encore faut-il, par-delà l’effet positif de la mesure proposée aujourd’hui, que des structures de soins palliatifs mobiles existent.

– La durée de versement de l’allocation a été fixée par les auteurs de la proposition de loi à trois semaines. L’expérience montrera s’il se révèle opportun ou non d’adapter cette durée.

– Il serait effectivement intéressant de réfléchir à la possibilité de prévoir des dispositions concernant la formation des accompagnants, pourquoi pas en lien avec les établissements, les professionnels de santé, les associations, etc. Des amendements peuvent encore être déposés sur ce point, dans la perspective de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

– De fait, la mort du patient est généralement vécue comme un échec par le médecin. Il est nécessaire de renforcer la formation des médecins en ce qui concerne l’accompagnement de la fin de vie et les soins palliatifs même si des progrès ont déjà été faits dans ce domaine, avec l’ajout, récemment, de modules à cet effet dans leur cursus.

– Enfin, il faut souligner et saluer le grand dévouement des infirmières dans l’accompagnement des malades et de leurs familles.

Article 1er : Création d’une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie

La Commission examine un amendement du rapporteur tendant à remplacer la notion de « patient » par celle de « personne » pour désigner celui qui fait l’objet de l’accompagnement donnant lieu à l’attribution de la nouvelle allocation.

M. le rapporteur. Cette modification vise à prendre en compte le fait que certaines personnes en fin de vie ne font pas l’objet, au sens strict, de traitement « médical ». La notion de « personne », plus générale, paraît donc préférable.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il s’agit donc d’un amendement dont la valeur est en quelque sorte philosophique.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission examine un amendement du rapporteur tendant à préciser que l’accompagnant doit partager « le même domicile » que la personne accompagnée.

M. le rapporteur. Il s’agit d’éviter toute ambiguïté liée à une formulation qui mentionnerait le domicile du seul accompagnant ou du seul accompagné.

M. Jean Bardet. Le bénéfice de l’allocation devrait aussi pouvoir être ouvert à des voisins de confiance et non pas seulement à des personnes qui partagent le domicile de la personne accompagnée.

M. le rapporteur. Cette question est légitime mais le champ fixé par la proposition de loi a fait l’objet d’un consensus des quatre auteurs représentant les groupes politiques de l’Assemblée nationale. Il pourrait en outre ne pas être aisé de caractériser le voisin non membre de la famille.

Mme Michèle Delaunay. L’allocation devrait pouvoir être étendue à toute personne de confiance désignée par la personne en fin de vie et mentionnée comme telle dans le dossier médical du patient.

M. le rapporteur. Cette question mériterait il est vrai d’être approfondie.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant que la condition relative à la suspension de l’activité professionnelle doit être respectée quelle que soit la profession exercée par la personne accompagnante.

La Commission examine un amendement du rapporteur prévoyant que la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, dans la limite de trois semaines.

M. le rapporteur. Il s’agit de couvrir les cas où la personne en fin de vie ne reste pas à domicile mais se voit contrainte de retourner à l’hôpital. Dans ce cas, il est normal que le versement de l’allocation soit maintenu au cours de la période d’hospitalisation.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Champ des bénéficiaires du congé de solidarité familiale

La Commission examine un amendement du rapporteur visant à inclure dans les dispositions relatives au congé de solidarité familiale la définition d’une personne en fin de vie telle qu’elle figure dans la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie.

M. le rapporteur. Il s’agit d’harmoniser les textes : dans la mesure où le régime de l’allocation se fonde sur la définition du malade en fin de vie qui figure dans la loi du 22 avril 2005, il est important de faire figurer cette même définition dans le dispositif relatif au congé de solidarité familiale.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte un amendement de conséquence du rapporteur, relatif au partage par l’accompagnant et l’accompagné d’un « même domicile ».

La Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Modification de la dénomination du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

La Commission adopte l’article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 3 : Rapport annuel du gouvernement aux commissions parlementaires compétentes sur la nouvelle allocation et l’application de la politique du développement des soins palliatifs à domicile

La Commission examine un amendement du rapporteur prévoyant la remise par le gouvernement aux commissions parlementaires compétentes d’un rapport annuel sur la mise en œuvre de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie et l’application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.

M. le rapporteur. Cet amendement traduit la nécessité d’assurer le suivi de l’application du dispositif proposé ainsi que des politiques gouvernementales favorisant le développement des soins palliatifs à domicile. Il répond en cela à la préoccupation dont M. Yves Bur s’est fait l’écho.

La Commission adopte cet amendement.

Article 4 : Gage

La Commission adopte l’article 4 sans modification.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

La séance est levée à 11 heures 30.