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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mardi 23 juin 2009

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 58

Présidence de M. Pierre Méhaignerie Président

– Examen de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 1685) (M. Richard Mallié, rapporteur)

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 23 juin 2009

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Richard Mallié, la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 1685).

M. Christian Eckert. Monsieur le président, je tiens, au nom du groupe SRC, à protester vigoureusement contre la méthode de travail qui nous est imposée. En effet, l’examen en commission de la proposition de loi relative au repos dominical à lieu en même temps que l’examen en séance publique du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, projet qui relève de notre compétence et qui a fait l’objet d’une seule lecture devant l’Assemblée – le Gouvernement ayant déclaré l’urgence – et sur lequel le Sénat s’est davantage penché que nous-mêmes. Cette méthode n’est pas correcte.

Parallèlement, a lieu une audition – commune à la Commission des finances et à la Commission des affaires culturelles – de M. Philippe Séguin sur le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques.

En outre, nous sommes dans le flou concernant l’organisation de nos travaux sur cette proposition de loi portant sur les dérogations multiples et généralisées du travail du dimanche. Nous ne savons pas si son examen relèvera du nouveau règlement : y aura-t-il un temps limité et, si oui, lequel ? Et nous ignorons quand elle sera étudiée en séance publique – il semblerait que la Conférence des présidents de ce matin ait évoqué la date du 6 juillet.

Je rappellerai que certains de nos collègues ont parlé – même si l’expression peut paraître inconvenante – de « diarrhée législative ».

Monsieur le président, jusqu’à quelle heure avez-vous prévu que nos travaux se terminent aujourd’hui, mais aussi demain, où deux réunions sont programmées ?

Cette organisation de nos travaux témoigne d’un certain mépris à l’égard de notre assemblée, d’autant que le rappel au règlement sur ce sujet de notre collègue Jean Mallot, il y a une dizaine de minutes dans l’hémicycle, n’a pas reçu de réponse du président de séance et a été accompagné de quolibets particulièrement déplacés de la part de nos collègues de l’UMP.

M. le président Pierre Méhaignerie. D’après ce que je sais, le débat sur le repos dominical devrait commencer le lundi 6 juillet vers dix-huit heures et se poursuivre le mardi et le mercredi. Si les uns et les autres sont responsables, du fait de sa nouvelle teneur, ce texte, que nous allons aborder dans quelques instants, ne devrait pas nécessiter plus de deux jours et demi à trois jours de débats en séance publique.

En ce qui concerne cette réunion, nous ne savions pas, lorsque nous en avons fixé l’horaire, que le texte de la CMP sur le projet « Hôpital » viendrait en séance publique aujourd’hui. Je suspendrai nos travaux avant la fin de la discussion générale de ce texte, pour que nous puissions aller voter en séance publique. Après quoi nous pourrions reprendre l’examen de la proposition de loi jusqu’à vingt heures, sachant que celui-ci se poursuivra demain à dix heures et, éventuellement, à seize heures quinze. Je vous indique que, pour le moment, cette proposition de loi fait l’objet de 123 amendements.

M. Richard Mallié, rapporteur. La présente proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, est le fruit d’une réflexion approfondie que chacun garde à l’esprit.

Une première proposition de loi a été déposée en novembre dernier à l’Assemblée nationale. La Commission des affaires culturelles s’est réunie à quatre reprises au mois de décembre 2008 et ses travaux ont donné lieu à la publication de deux rapports.

Ces débats ont ainsi permis d’améliorer la qualité du texte proposé. La discussion en séance publique a même été engagée le mercredi 17 décembre 2008.

C’est un dispositif très ciblé qui, au terme de ces discussions, est aujourd’hui soumis à notre Commission. Son objet est double.

D’une part, la présente proposition de loi vise à réaffirmer le principe du repos hebdomadaire le dimanche. On sait l’importance de ce principe consacré par la loi du 13 juillet 1906, que le Conseil économique, social et environnemental a qualifié avec justesse de « marqueur historique ». On sait aussi qu’il constitue toujours aujourd’hui un élément très structurant pour l’ensemble de la société.

Il ne s’agit donc pas – il faut, à la lecture des amendements déposés, une fois encore le répéter – de remettre en cause le principe du repos le dimanche. Il ne s’agit pas non plus d’étendre le travail du dimanche à l’ensemble du territoire national.

Les dispositions législatives de principe relatives au repos hebdomadaire le dimanche, qui figurent aujourd’hui à l’article L. 3132-3 du code du travail, sont réaffirmées par le présent texte et même enrichies. En effet, la proposition de loi vise à prévoir que c’est bien, comme l’atteste la jurisprudence, « dans l’intérêt des salariés » que le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

D’autre part, la présente proposition vise, conformément aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental contenues dans un rapport de M. Léon Salto et une étude de M. Jean-Paul Bailly en 2007, à résoudre deux difficultés particulières, liées à des incohérences dans le régime de certaines dérogations au principe du repos hebdomadaire le dimanche. Les règles applicables actuellement sont parfois à l’origine de situations non seulement incompréhensibles, mais aussi injustes, dont les conséquences économiques et sociales ne peuvent être ignorées plus longtemps. Le présent texte propose les adaptations de nature à résoudre ces difficultés.

Premier point : dans les zones touristiques, la situation est incompréhensible pour les visiteurs, notamment étrangers. Il existe de fait une véritable difficulté juridique liée au régime prévu à l’article L. 3132-25 du code du travail, qui rend possible l’attribution par le préfet de certaines autorisations de repos hebdomadaire par roulement dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.

Toutefois, ces autorisations ne peuvent être attribuées que pendant la ou les périodes d’activités touristiques, et sont limitées aux établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel. Nous avons tous présent à l’esprit l’exemple du magasin de vêtements qui peut ouvrir le dimanche car les vêtements qu’il vend sont considérés comme des créations de mode, alors que le magasin qui vend des vêtements qualifiés d’ordinaires ne le peut pas. Cette situation a été dénoncée à de nombreuses reprises, en particulier par le Conseil économique, social et environnemental. Par deux fois, celui-ci a estimé que, pour des raisons d’équité et de cohérence commerciale, l’autorisation d’ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques devrait être collective et s’appliquer à l’ensemble des commerces.

Compte tenu de ces incohérences, la proposition de loi vise à modifier le régime qui figure à l’article L. 3132-25 du code du travail, en supprimant à la fois la condition relative à la période durant laquelle l’autorisation est applicable et celle relative au type d’établissement concerné, de sorte qu’un même traitement soit réservé, de droit, à l’ensemble des commerces au sein d’une même commune ou d’une même zone touristique.

Le second point est également clairement identifié. Dans certaines grandes agglomérations – la région parisienne ou les environs d’Aix-en-Provence –, des salariés ont exprimé le souhait de travailler le dimanche. Cette demande est souvent réitérée depuis de nombreuses années. La zone de « Plan de Campagne » dans les Bouches-du-Rhône emploie ainsi des salariés le dimanche depuis quarante ans. Il en va de même de magasins du centre commercial « Art de Vivre », à Éragny, depuis son ouverture voici près de vingt ans. Ces zones, comme d’autres, bénéficient d’ailleurs d’arrêtés préfectoraux.

Il est vrai que l’article L. 3132-20 du code du travail prévoit déjà que, lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet selon une modalité dérogatoire au droit commun. Ce régime n’est toutefois pas sans limites, comme l’a observé le Conseil économique, social et environnemental, lequel a estimé que, sur le fondement de cet article, « la jurisprudence du Conseil d’État ne permet [pas] de prendre en compte, en cas de fermeture le dimanche, (…) l’intérêt manifeste du consommateur (...) ». Il a ajouté : « L’appréciation des critères du "préjudice au public" ou du trouble "au fonctionnement normal de l’établissement" pourrait être modernisée en tenant compte de l’intérêt manifeste pour le consommateur d’avoir plus aisément accès à un établissement commercial qui ouvrirait le dimanche, situé dans une zone géographique difficilement accessible le reste de la semaine, pour effectuer des achats ayant un caractère familial… ».

C’est pour répondre à ces difficultés que la présente proposition de loi ouvre la possibilité au préfet de délimiter des « périmètres d’usage de consommation exceptionnel » – les fameux « PUCE » – qui seraient caractérisés, au sein d’unités urbaines de plus de 1 000 000 habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre : autrement dit, dans les lieux où l’on a l’habitude de consommer le samedi et le dimanche, sur les sites où il existe des flux de clientèle importants ces jours-là.

En outre, cet usage de consommation exceptionnel pourra être caractérisé par la proximité immédiate d’une zone frontalière, où il existe un usage de consommation de fin de semaine, pour tenir compte de la concurrence produite par cet usage.

Aux termes du dispositif proposé, le préfet délimite ces périmètres sur demande du conseil municipal, au vu des circonstances particulières locales et après avis de l’organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine, le cas échéant.

Ces autorisations ne pourront ensuite être accordées par le préfet qu’au vu d’un accord collectif ou, en l’absence d’un tel accord, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum auprès des personnels concernés par la dérogation au repos dominical. L’accord collectif devra fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical, ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.

En l’absence d’accord collectif applicable, une décision unilatérale de l’employeur pourra être prise après avis des représentants du personnel – comité d’entreprise ou délégués du personnel – lorsqu’ils existent et après un référendum. Dans ce cas, le texte de la proposition de loi prévoit que le salarié bénéficiera au minimum d’un doublement de salaire et d’un repos compensateur.

De manière à ce que ce régime soit dans tous les cas fondé sur le volontariat, des garanties importantes sont prévues au profit des salariés : seuls les salariés ayant explicitement donné leur accord à l’employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement d’une telle autorisation. En cas d’absence d’accord de la personne concernée, une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut prendre en considération cette circonstance pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuserait de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire et ce refus ne peut être constitutif d’une faute ou d’un motif de licenciement.

Il est aussi prévu que ces autorisations ne pourront être attribuées aux commerces de détail alimentaire, au premier rang desquels les grandes surfaces, de manière à protéger le petit commerce.

Enfin, l’article unique de la proposition de loi contient une dernière mesure de manière, là encore, à inscrire dans la loi une recommandation du Conseil économique, social et environnemental. Afin de tenir compte des rythmes de vie actuels et mettre le droit en accord avec les faits, il est proposé que le repos hebdomadaire donné aujourd’hui dans les commerces de détail alimentaire le dimanche à partir de midi le soit désormais à partir de treize heures.

Tels sont donc les objectifs – et les seuls objectifs – poursuivis par la présente proposition de loi.

Préalablement à la présente discussion, j’ai naturellement entendu les partenaires sociaux afin de recueillir leur avis sur ce texte. Ils ont, notamment, fait observer que la disposition, qui figure à l’alinéa 20 de la proposition de loi, selon laquelle « à la demande du salarié, il peut être tenu compte de l’évolution de sa situation personnelle », ce que l’on appelle le problème de la réversibilité, pouvait encore être enrichie. Pour être franc avec vous, nous voulions que cette disposition nous permettre d’ouvrir la porte à la discussion avec les partenaires sociaux, ce qui a été le cas.

À la suite des échanges que nous avons eus, j’ai rédigé un amendement qui renvoie à la négociation collective le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur devra prendre en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical. Cet amendement prévoit en outre qu’en l’absence d’un tel accord, l’employeur aura l’obligation, chaque année, de proposer au salarié travaillant le dimanche une priorité en vue d’occuper un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche. Cet amendement ouvre aussi la possibilité à tout salarié travaillant le dimanche de demander à tout moment à bénéficier d’une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche.

Voilà autant de sujets sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir dans le détail lors de l’examen de l’article unique.

M. Bernard Perrut. Nous avons entendu avec satisfaction Richard Mallié nous rappeler les grands principes de cette proposition de loi : celui du repos hebdomadaire le dimanche et celui de la non-obligation de travailler ce jour-là. Toutefois, il faut adapter notre législation, car des ouvertures de commerces le dimanche sont nécessaires. La proposition de loi le permet dans les zones touristiques et thermales et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel.

Si la France est la première destination touristique mondiale avec plus de 60 millions de visiteurs, pour autant elle ne se situe qu’à la troisième place en matière de dépenses générées par le tourisme – trop peu de nos magasins pouvant être ouverts le dimanche dans des conditions légales. Par conséquent, l’ouverture des magasins dans les zones touristiques, y compris dans des grandes villes, serait très bénéfique en termes de chiffre d’affaires et donc de création d’emplois. Nous devons nous adapter aux besoins de cette clientèle extérieure qui se trouve temporairement dans notre pays. C’est d’autant plus important en cette période économique difficile.

Je me félicite de cette proposition de loi à plusieurs titres.

D’abord, elle prolonge l’heure d’ouverture dominicale de douze heures à treize heures pour les commerces de détail alimentaire. Certes, cela correspond à un certain nombre d’usages actuels, mais cette disposition permettra en quelque sorte de les légaliser.

En outre, les dérogations prévues dans les zones touristiques ne seront pas applicables aux commerces de détail alimentaire. J’avais d’ailleurs initialement déposé un amendement, qui a été voté et dont le contenu figure aujourd’hui dans la proposition actuelle, pour exclure du dispositif les grandes surfaces de type alimentaire et garantir un équilibre entre les petits commerces et les grandes surfaces. Cet équilibre commercial doit être un élément fort de notre réflexion.

Enfin, l’augmentation du nombre annuel de dimanches accordés par les maires n’est pas envisagée, puisque l’on en reste à cinq ouvertures par an. Je considère que cette position permet de maintenir une situation actuelle que je juge satisfaisante.

En conclusion, je dirai que ce texte repose sur un équilibre : il s’adapte aux réalités de certains territoires dans de grandes unités urbaines où des habitudes de consommation ont été mises en place et il adapte les dérogations existantes aux zones touristiques. Je remercie Richard Mallié, car l’ensemble des élus UMP est réuni autour d’un texte qui n’était pas forcément consensuel au départ, mais qui l’est aujourd’hui. C’est pourquoi nous le soutiendrons.

M. Christian Eckert. Nous entendons bien les discours qui sont prononcés très scrupuleusement depuis quelques semaines – les notes ont été bien faites – pour essayer de nous convaincre que le texte qui nous est présenté aujourd’hui marque un recul par rapport au précédent et qu’il est équilibré. Toutefois, je vais m’efforcer de vous prouver qu’il n’en est rien, hormis peut-être l’abandon du nombre de dimanches au cours desquels le repos hebdomadaire peut être supprimé sur décision du maire – on s’en tient aux cinq d’aujourd’hui. J’observe que cette disposition n’était pas présente dans la proposition initiale.

Premièrement, nous avons affaire, une fois de plus, à une proposition de loi. Ce n’est pas un hasard, et Jean-Frédéric Poisson avait ouvert la voie. Seuls les projets de loi sont soumis à l’obligation de négociations préalables imposée par la loi portant rénovation de la démocratie sociale. Les propositions de loi y échappent. Les partenaires sociaux s’en sont d’ailleurs émus. Mais, si l’on en croit Richard Mallié, il s’est chargé lui-même de faire les négociations.

Deuxièmement, la proposition se présente sous la forme d’un article unique, tout en comportant de nombreux alinéas, et vous ne cessez de répéter qu’il ne traite que de deux situations différentes – les communes touristiques et thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, d’une part, et les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, d’autre part – laissant croire que les mêmes obligations et les mêmes contreparties s’appliquent dans les deux cas. Ce faisant, vous entretenez la confusion, comme dans le libellé même de la proposition de loi où l’absence de virgule laisse croire que le membre de phrase « pour les salariés volontaires » s’applique également aux communes et zones touristiques et thermales. Or, ce n’est pas le cas. Si vous aviez encore un doute, il n’est que de lire la réponse de Bernard Reynès, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, à l’un de nos amendements lors de l’examen du texte par cette commission, pour vous en convaincre. Je le cite : « Dans les zones touristiques et thermales, le travail dominical ne se fait pas sur la base du volontariat ». Contrairement à ce que vous répétez sur les ondes et contrairement aux propos mêmes du président Patrick Ollier, qui affirmait que « tout se fera sur la base du volontariat », le volontariat, qui existe actuellement dans les zones touristiques, n’existera plus dans ces zones si vous adoptez le présent texte.

Actuellement, toute dérogation passe par une autorisation liée à une négociation, laquelle peut déboucher sur des contreparties. Demain, si cette proposition de loi est adoptée, l’ouverture dominicale des commerces dans les zones touristiques et thermales sera de plein droit, s’appliquera à tout le monde et à toutes les périodes de l’année et ne s’accompagnera d’aucune contrepartie.

Troisièmement, vous vous réjouissez que les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle – ZACE – soient devenues des périmètres d’usage de consommation exceptionnel – PUCE. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le changement de pied d’un certain nombre de nos collègues. Quelles sont les zones concernées ?

Bernard Perrut a fort justement fait remarquer que notre pays est la première destination touristique mondiale. Le patrimoine français est tellement riche que toutes les parties de notre territoire pourraient être déclarées touristiques. Quelles sont les zones visées par le texte ?

Dans la proposition de loi, il est indiqué que toutes les communes touristiques sont visées par le texte. Il suffirait donc qu’une zone type « Plan de campagne » soit déclarée zone touristique – il doit bien y avoir un vieux calvaire ! – pour que les dispositions de la proposition de loi s’appliquent à elle.

Plus sérieusement, le régime de dérogation qui sera appliqué dépendra de la classification de la zone. Si Paris, par exemple, est considéré comme un PUCE, la capitale sera soumise à un régime différent que si elle est déclarée commune touristique – pour laquelle, il n’y aura, je le rappelle, ni obligation de volontariat, ni contreparties. Une enseigne se trouvant dans un PUCE à quelques centaines de mètres d’une zone touristique sera tentée de se délocaliser pour bénéficier d’une réglementation plus favorable. Toutes ensemble, Paris, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Grenoble et Rennes, qui sont des zones touristiques, regroupent 5 272 700 personnes, soit près de 10 % de la population nationale.

Nous aurons l’occasion de contester ligne par ligne le contenu de la proposition de loi. Avec un peu d’esprit d’analyse et de responsabilité, vous verrez que la présenter comme un texte d’équilibre est une contre-vérité.

Mme Martine Billard. Je déplore également que, chaque fois que l’on touche à des points sensibles du droit du travail, on passe de moins en moins par le biais d’un projet de loi, ce qui permet de s’exonérer de négociations avec les partenaires sociaux, qu’il s’agisse des syndicats de salariés ou des syndicats patronaux.

La présente proposition de loi est un signal qui indique qu’on peut ne pas respecter la loi et, qu’à terme, un texte de loi sera pris pour effacer les illégalités existantes. Les commerces ouverts le dimanche le sont, soit par violation directe de la loi interdisant le travail le dimanche, soit du fait de dérogations anciennes prises par arrêté préfectoral, d’où des situations inextricables. Alors que la disposition – à laquelle personne ne songerait à s’opposer – tendant à repousser l’heure de fermeture le dimanche matin de douze heures à treize heures n’est pas encore adoptée, de grandes enseignes de la distribution alimentaire ont déjà apposé des affiches sur leurs magasins parisiens pour indiquer que ceux-ci sont ouverts jusqu’à treize heures : ces enseignes se disent qu’elles ne risquent rien puisqu’une modification de la loi est prévue. Le présent texte est une façon d’inciter les employeurs à aller plus loin que ce que permet la réglementation.

Contrairement à ce qui est affirmé, la proposition de loi généralise le travail du dimanche, notamment, comme l’a souligné Christian Eckert, en supprimant les autorisations au cas par cas dans les communes ou zones touristiques.

Le groupe GDR a déposé un amendement pour clarifier la situation des magasins d’ameublement. Un amendement, appelé amendement « ameublement », a été adopté il y a quelques mois lors de l’examen d’un autre texte, qui permet à ces magasins d’ouvrir le dimanche en tout lieu du territoire national et sans aucune contrepartie – ce qui, d’ailleurs, leur permettra, à terme, d’ouvrir dans la ville de Lyon, réputée pourtant non touchée par le travail du dimanche. Si la proposition de loi est adoptée, un magasin d’ameublement pourra choisir entre appliquer celle-ci ou utiliser l’amendement « ameublement », qui le décharge de toute contrepartie.

Je m’interroge, moi aussi, sur la définition des zones touristiques. Comme l’a indiqué Christian Eckert, il est peu d’endroits de notre territoire qui ne puissent être classés zones touristiques, surtout depuis le développement du tourisme industriel. La Défense a ainsi été rangée récemment dans les zones touristiques par un arrêté préfectoral.

Des expressions utilisées dans la proposition de loi seraient à définir plus précisément. Qu’est-ce qu’une zone touristique d’affluence exceptionnelle, par exemple ? Qu’est-ce qu’un périmètre d’usage de consommation exceptionnel ? Il est écrit, dans le texte, que ces périmètres sont délimités au vu « d’usages de consommation de fin de semaine » ; or, dans son propos liminaire, M. le rapporteur parle de « lieux où l’on a l’habitude de consommer le samedi et le dimanche ». Il va falloir clarifier ce point. À Lyon qui, à ce qu’il est dit, n’est pas visée par cette loi, il y a des habitudes de consommation le samedi. Il suffira que des commerces d’ameublement commencent à ouvrir le dimanche pour qu’une enseigne fasse un recours arguant des différences de traitement entre Paris, Marseille et Bordeaux et elle sera sûre de gagner.

Une autre conséquence, assez subtile, de ce texte est qu’à Paris, ce sera non pas le conseil municipal, mais le préfet de Paris qui décidera si toute la ville sera considérée comme une commune touristique – ce qui autorisera l’ouverture dominicale de tous les magasins – ou s’il y aura des périmètres d’usage de consommation. La proposition de loi porte donc également atteinte à l’aménagement du territoire. Si tous les commerces de Paris sont ouverts le dimanche, cela entraînera un appauvrissement, d’une part, du petit commerce de quartier de Paris – car ce sont les grandes enseignes qui en profiteront le plus –  et, d’autre part, des communes avoisinantes dont les habitants viendront, le dimanche, faire leurs courses dans la capitale.

Par ce texte, vous ne vous contentez pas de régulariser les situations illégales actuelles, vous videz également le droit au repos hebdomadaire de son contenu.

M. Francis Vercamer. En ce qui concerne le travail du dimanche, les réunions de la Commission se suivent et se ressemblent. J’espérais un climat plus consensuel et moins polémique. Mais, j’ai l’impression que tout le monde campe sur des positions dogmatiques et j’en suis désolé.

Avant de critiquer les dérogations supplémentaires envisagées dans la proposition de loi, il convient de s’interroger sur les 180 qui existent déjà et qui concernent près de 4 millions de Français. Les salariés concernés bénéficient-ils d’un régime de faveur et ont-ils un avantage particulier à travailler le dimanche ?

La position du Nouveau Centre est constante : nous avons toujours affirmé notre attachement au repos dominical et notre opposition à la généralisation du travail le dimanche.

Cela étant, nous pouvons comprendre qu’il puisse y avoir des dérogations, pour des raisons qui peuvent se modifier dans le temps en fonction de l’évolution à la fois de la société et des technologies. Bien évidemment, nous devons nous assurer que les salariés bénéficient de contreparties et que le petit commerce ne pâtit pas trop du développement de la grande distribution.

Je veux souligner les évolutions favorables de la présente proposition de loi par rapport à la précédente. Christian Eckert les juge insuffisantes, mais l’examen en commission est le lieu adapté pour améliorer encore le texte. Si vous avez déposé un amendement sur le volontariat dans les zones touristiques, je le voterais avec plaisir, mais je vous appelle à être plus ouvert sur un certain nombre de propositions du rapporteur.

Des clarifications ont été apportées. En dehors des zones touristiques, le caractère volontaire du travail du dimanche est affirmé. Le refus de travailler ce jour ne peut pas être constitutif d’une faute ni un motif de licenciement. Le principe d’un doublement de salaire et d’un repos compensateur est posé. Le droit à un repos hebdomadaire le dimanche est inscrit noir sur blanc et il est précisé que ce repos est donné « dans l’intérêt des salariés ».

Le rôle des élus municipaux est réaffirmé, puisqu’ils donnent leur avis sur les périmètres d’usage de consommation exceptionnel. Il est très important que les élus puissent se prononcer sur l’ouverture des commerces situés sur leur territoire, qu’il s’agisse de structures telles que « Plan de campagne » ou de marchés qui sont ouverts le dimanche avec un certain nombre de magasins autour. À Lille, le marché Wazemmes et tous les magasins qui l’entourent sont ouverts le dimanche jusqu’à quinze heures, sans que l’on sache vraiment s’ils en ont le droit ou non. Plutôt que de fermer les yeux et de laisser faire, je fais partie de ceux qui préfèrent édicter des règles du jeu et les faire respecter. La proposition de loi a pour but de régulariser des situations de ce genre, tout en offrant une certaine sécurité aux salariés, alors qu’aujourd’hui nous ne savons pas comment ils travaillent ni comment ils sont rémunérés.

Les dispositions concernant les zones transfrontalières sont également très importantes. Les habitants des agglomérations roubaisienne et tourquennoise y sont très sensibles, car l’ouverture prochaine dans la région du plus gros centre commercial européen inquiète tous les commerces environnants. Un certain nombre de magasins ouvrent le dimanche en Belgique, si bien que Halluin est vide le dimanche tandis que Menin, en Belgique, grouille de monde. Les commerces français subissent ainsi une importante perte de chiffre d’affaires et d’activité.

Nous souhaitons assurer une équité de traitement à l’échelon national entre tous ceux qui travaillent et travailleront le dimanche. Il existe actuellement 180 dérogations avec des règles complètement différentes : certains travailleurs perçoivent le même salaire le dimanche que la semaine ; d’autres sont payés double ; d’autres encore bénéficient de jours de compensation. Pour harmoniser les différents régimes dans cette jungle née des dérogations successives accordées par des gouvernements de tout bord – Mme Martine Aubry, quand elle était ministre du travail, a, elle aussi, signé des dérogations –, j’ai déposé un amendement pour demander l’organisation de négociations en vue de définir des règles du jeu, garanties par l’État, pour mettre fin à la signature d’accords disparates sur le territoire. Je souhaite que l’État soit garant de cette équité au niveau national.

Monsieur le rapporteur, le Nouveau Centre soutiendra votre texte, proposera quelques amendements pour essayer de l’améliorer et est prêt à voter tous les amendements qui lui paraîtront aller dans le bon sens. Je souhaite que le calme revienne, car les salariés ont besoin de sérénité.

M. Élie Aboud. Entre une commune touristique de 75 000 habitants et son arrière-pays non classé en zone touristique, il est évident qu’il y a concurrence. Qui, entre le conseil général, le préfet et le conseil municipal, sera chargé d’arbitrer ?

Deuxièmement, quelle est la définition d’une zone touristique « d’animation culturelle permanente » et qui décidera de cette appellation ?

M. Jean Mallot. Je commencerai par une question de procédure. La Commission des affaires économiques a examiné la présente proposition de loi la semaine dernière. C’est au tour, cette semaine, de notre commission. Quel est le texte qui sera mis en discussion en séance publique ? Est-ce le texte amendé par les deux commissions ou le texte amendé par la Commission des affaires culturelles sans prendre en compte les amendements de la Commission des affaires économiques ?

Ainsi que cela a déjà été souligné, le recours à une proposition de loi permet de contourner l’obligation imposée par la loi de janvier 2008 de consulter préalablement, de façon formelle, les partenaires sociaux. Vous vous doutiez que ces derniers, notamment les syndicats de salariés, se seraient rendus compte de la vraie nature de votre proposition et n’auraient pas été abusés par le rideau de fumée dont vous l’entourez en le présentant comme une version édulcorée et adoucie de la proposition précédente. La mobilisation se serait enclenchée beaucoup plus rapidement et vous auriez buté, comme la dernière fois, contre elle. Je rappelle qu’elle avait gagné les rangs de l’UMP, ce qui avait conduit Jean-François Copé à retirer la proposition de loi précédente sans que la motion d’irrecevabilité ait même été présentée.

Sur le fond, je précise que nous tenons à ce qu’il y ait un jour de repos commun à tous dans la semaine, indépendamment de toute considération religieuse. Nous sommes, comme vous et comme l’a rappelé hier le Président de la République devant le Congrès, attachés aux principes de la laïcité, qui n’est ni moderne, ni ouverte, ni positive – elle se suffit à elle-même, sans qu’il soit besoin de lui accoler un qualificatif. Le principe d’un repos hebdomadaire auquel nous tenons tous, je l’espère, conditionne la vie en société telle que nous la concevons, puisqu’il permet, d’une part, de se reposer et, d’autre part, d’organiser des activités communes.

Par ailleurs, nous savons que l’ouverture des commerces le dimanche, non seulement ne créerait aucun emploi supplémentaire, mais encore entraînerait la destruction d’emplois dans le petit commerce. Les gens n’achèteraient pas plus puisqu’ils auraient le même pouvoir d’achat – et nous savons ce qu’il est. Ils achèteraient simplement le samedi et le dimanche ce qu’ils auraient acheté en semaine.

En outre, pour nous, le repos ou la distraction du dimanche ne consiste pas à se promener dans des centres commerciaux pour contempler, sur des étals, des marchandises qu’on ne peut pas s’offrir.

Le texte que vous nous présentez n’est pas différent de celui que nous avons écarté en décembre 2008 : deux objectifs affichés dans l’exposé des motifs en attestent – on voit comment la tache d’huile s’étend.

Le premier objectif est de couvrir des situations illégales en deux lieux bien précis : la zone de « Plan de campagne », d’une part, et un centre commercial d’Éragny, d’autre part. De situations illégales en situations illégales, de fraudes en fraudes, qu’est-ce qui empêchera un autre centre commercial de se mettre dans l’illégalité en espérant qu’une proposition de loi vienne ensuite le couvrir ?

Le second objectif affiché est la mise en place d’un dispositif pour libéraliser le travail du dimanche, libéralisation que vous souhaitez sans limite. C’est la fameuse théorie des zones touristiques, d’un côté, et des PUCE, de l’autre – le passage des ZACE aux PUCE est une histoire à la Zig et Puce, et je ne pense pas que la dénomination nouvelle change grand-chose à l’affaire.

Je conclurai en évoquant la fameuse théorie du volontariat, c’est-à-dire la prétendue liberté de l’individu de renoncer, d’une certaine manière, à ses droits.

Premièrement, comme l’a démontré avec une grande clarté Christian Eckert en citant le rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, le travail du dimanche dans les zones touristiques et thermales ne sera pas soumis au volontariat. C’est clair !

Deuxièmement, le contrat de travail n’est pas un contrat comme les autres. Il n’a rien à voir avec un contrat commercial entre un client et un fournisseur. Il n’est pas équilibré. Le travail crée un lien de subordination entre l’employeur et l’employé. C’est la raison pour laquelle il existe un code du travail comportant des dispositions d’ordre public destinées à protéger le salarié, d’une part, contre la pression de l’employeur et, d’autre part, contre la tentation qui pourrait être la sienne de renoncer à un certain nombre de ses droits. Nous avons déposé des amendements pour essayer de limiter les dégâts en ce domaine.

Ce n’est pas la première fois que vous vous retranchez derrière la notion de volontariat. Or, contrairement à ce que vous semblez croire, aucun salarié ne choisit jamais de faire des heures supplémentaires, même défiscalisées, ni de bénéficier d’intéressements au sein de l’entreprise, si tant est que son entreprise dégage des bénéfices. De même, aucun retraité potentiel n’a jamais choisi délibérément de prolonger sa durée d’activité jusqu’à 70 ans avant de prendre sa retraite ; en réalité, c’est le montant attendu de sa pension qui l’y amène.

D’une part, la présente proposition de loi est rigoureusement la même que celle que vous avez vous-mêmes abandonnée, compte tenu de la mobilisation qu’elle avait suscitée ; d’autre part, le principe du volontariat et le droit du travail la condamnent : nous la combattrons pied à pied et le temps qu’il faudra.

M. Denis Jacquat. Je considère également qu’un jour de repos commun est indispensable à la cohérence de la vie familiale. En outre, il est à craindre que le petit commerce paie à court terme les pots cassés.

J’observe par ailleurs que si, dans le texte de la proposition précédente, les dispositions spécifiques à l’Alsace-Moselle étaient préservées, cette précision ne figure plus, cette fois-ci, que dans l’exposé des motifs.

M. Patrice Verchère. Je rappelle que j’ai fait partie de la soixantaine de parlementaires de la majorité opposés au premier texte qui nous a été proposé. Le dimanche est en effet, plus qu’un jour de repos, un jour de répit, qui doit rester dédié au lien familial et à l’engagement associatif et où l’on se régénère. Si donc je ne suis plus opposé à cette nouvelle proposition de loi, c’est parce qu’elle est équilibrée, grâce au travail de concertation mené avec les parlementaires, notamment de la majorité, dans un état d’esprit dont je remercie le rapporteur.

La proposition de loi confirme le principe du volontariat des salariés, ainsi que le doublement du salaire et le repos compensatoire. Elle fixe en outre à 13 heures, au lieu de midi, la fermeture des commerces alimentaires de détail, comme le demandaient depuis longtemps les commerçants. Enfin, les zones concernées seront établies par le préfet sur la seule proposition des conseils municipaux et devront être validées par un accord avec les partenaires sociaux.

Ce texte maintient donc l’équilibre du principe du repos dominical tout en garantissant les droits des salariés et en tenant compte de l’avis des élus locaux.

Mme Martine Billard. Sauf pour Paris !

M. Jean-Frédéric Poisson. Selon certains, comme Jean Mallot, qui m’a interpellé la semaine dernière à ce sujet, le fait de n’avoir pas procédé à la concertation prévue par l’article 1er du code du travail exprimerait une volonté de contourner la loi. Je rappelle cependant que cette obligation de concertation ne s’applique pas dans le cas d’une proposition de loi. Au demeurant, je mets au défi quiconque de montrer que, sur ce texte comme sur d’autres, les partenaires sociaux n’ont pas été préalablement consultés.

L’obligation de concertation imposée à l’exécutif par l’article 1er du code du travail vise à ce qu’il enjoigne aux partenaires sociaux d’engager une négociation, afin de pouvoir, le cas échéant, conclure des accords. De deux choses l’une : si le Parlement a le pouvoir d’enjoindre aux partenaires sociaux de négocier, il doit être soumis à la même obligation que le Gouvernement ; si au contraire on admet que le Parlement et l’exécutif ont des relations différentes avec les partenaires sociaux, le régime doit être différent.

Je rappelle, par ailleurs, que tous les accords de branche ou interprofessionnels que signent actuellement les partenaires sociaux comportent un chapitre relatif au volontariat des salariés. Présenter le volontariat comme une imposture rend tout débat impossible. Le volontariat est certes difficile à mettre en place, du fait notamment de l’inégalité et du déséquilibre entre les parties au contrat, mais il faut en discuter, sous peine de tenir une position qui n’est pas satisfaisante pour les partenaires sociaux. J’ai néanmoins bien entendu la position de Christian Eckert et je souhaite que les manifestations du volontariat soient présentes dans ce texte.

Mme Pascale Got. Le texte qui nous est soumis dénote une stratégie visant à généraliser le travail le dimanche. Comme le texte sur le tourisme que nous venons d’examiner, cette proposition de loi peine, elle aussi, à définir les critères correspondant à une commune touristique.

Par ailleurs, elle instaure deux régimes différenciés pour les périmètres d’usage de consommation exceptionnel et les zones touristiques, ces dernières ne connaissant ni volontariat, ni compensation. Une fois encore, cela se fait à la barbe des organisations syndicales.

Enfin, vous allez pénaliser des salariés qui subissent déjà les contraintes du travail dans les commerces ouverts le dimanche, en particulier les femmes, très nombreuses à être concernées – je pense en particulier aux caissières et aux vendeuses – et pour qui aucune structure n’est prévue, notamment en matière de garde d’enfants.

Ce texte représente donc une régression sociale : après avoir échoué à entrer par la porte, vous tentez maintenant de le faire par la fenêtre.

M. Jean-Pierre Marcon. Je me réjouis qu’un nouvel équilibre ait pu être trouvé et que, tout en réaffirmant le principe du repos dominical, on puisse régulariser certaines situations difficiles ou injustes, voire conflictuelles, et préserver en même temps le commerce de centre-ville, éprouvé aujourd’hui.

Il faut naturellement apporter des contreparties aux salariés qui acceptent de travailler le dimanche. Cependant, de nombreuses professions travaillent déjà le dimanche et, pour ce qui concerne par exemple le commerce et les services touristiques, ces contreparties ne sont pas automatiques ni toujours prévues dans les conventions collectives. Ainsi, en prévoyant une rémunération au moins égale au double de celle qui est due pour une durée équivalente, la proposition de loi crée une inégalité de traitement entre ceux qui relèvent des dispositions actuelles et ceux à qui vont s’appliquer les nouvelles conditions financières. Cette inégalité sera très mal ressentie sur le territoire. Les conditions de travail le dimanche ne devraient-elles pas relever exclusivement de la négociation dans l’entreprise ?

L’obligation de rémunération double aura en outre pour effet de fragiliser certains petits commerces qui, faute de pouvoir payer aussi bien que la grande surface voisine, perdront une partie de leurs salariés et ne pourront même parfois ouvrir le dimanche. C’est une injustice flagrante, à propos de laquelle je déposerai un amendement.

M. Frédéric Reiss. Nous avons tous noté l’évolution qu’a connue le texte depuis la première mouture qui nous en avait été proposée. Je tiens, en outre, à souligner moi aussi qu’on ne peut pas reprocher à notre rapporteur de ne pas avoir assez consulté, car il l’a fait très largement. Le texte qui nous est proposé aujourd’hui est assez équilibré.

Lors de la première discussion, l’application du droit local en Alsace-Moselle était garantie par un article du texte, ce qui était rassurant. Nous y sommes très attachés et je rappelle que l’instauration de la journée de solidarité, qui avait imposé l’ouverture des magasins le vendredi saint, avait fortement déplu aux parlementaires de ces départements.

Comme d’autres collègues, je crains que l’alinéa 16, qui prévoit le repos compensateur et la rémunération double, ne suscite du mécontentement chez ceux qui travaillent déjà le dimanche, même s’il existe des conventions collectives.

M. Marcel Rogemont. Je suis assez rétif à cette loi. En effet, la vie en société est charpentée de rites sociaux, qui ne doivent pas être touchés par la marchandisation. Vingt pour cent des salariés du privé travaillent déjà le dimanche : cela suffit. Ces salariés – ceux de l’hôpital, par exemple – vous diront d’ailleurs que le travail dominical ne vaut rien de bon à la vie familiale. Le fait que les femmes soient particulièrement touchées rend le respect des rites sociaux d’autant plus important.

Il est intéressant de noter que le titre même de cette proposition de loi « réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires » indique bien que le volontariat constitue l’exception. Surtout, le principe même est mis à mal car, au lieu de faire respecter la loi, il s’agit ici de la changer pour l’adapter aux commerçants qui ne l’appliquent pas, c’est-à-dire à des délinquants. C’est inadmissible.

M. Xavier Breton. Je suis très réticent à tout assouplissement de la législation ou de la réglementation qui irait dans le sens d’une remise en cause du principe du repos dominical. Il est important de disposer d’un temps de respiration collective, permettant les activités familiales, associatives, sportives ou culturelles. La consommation ne doit pas être le seul moteur ni la seule valeur de notre fonctionnement social.

En matière d’aménagement du territoire, il faut veiller à ce que de grandes agglomérations n’épuisent pas les territoires ruraux qui les entourent et à préserver le commerce de proximité.

Des améliorations ont cependant été apportées au texte, au terme des nombreuses auditions auxquelles a procédé le rapporteur. La proposition de loi qui nous est soumise réaffirme fortement le principe du repos dominical et limite le périmètre d’application des dérogations aux agglomérations de Paris, d’Aix-Marseille et de Lille, excluant celle de Lyon, où il ne semble guère qu’il y ait de demande de la part des commerçants ni des consommateurs.

M. Christian Eckert. Où cela figure-t-il ?

M. Xavier Breton. Dans l’exposé des motifs. En outre, il n’est plus envisagé d’augmenter le nombre de dimanches où des dérogations peuvent être accordées par les maires. Ce sont là autant de points positifs.

Des interrogations demeurent néanmoins, notamment sur la mise en œuvre du volontariat et du droit de refus, sur les conditions de rémunération et sur le risque de contagion vers d’autres territoires ou d’autres types d’activités.

Notre appréciation de ce texte sera fonction de la tournure des débats, qui monteront s’il s’agit d’un ajustement à la marge ou s’il dessine une tendance générale.

M. Patrick Roy. Je suis favorable à la réaffirmation du principe du repos dominical, qui figure dans le titre de ce texte.

En revanche, je ne supporte plus le double langage perpétuel que tient le Gouvernement, qui oppose les volontés affichées et les faits. Nous en avons eu hier à Versailles une grande démonstration : nous avons dû entendre sagement, sans pouvoir débattre, un discours du Président de la République et de l’UMP qui réaffirmait, certes, des principes auxquels nous souscrivons, comme la lutte contre les parachutes dorés, mais qui était contredit par l’action de la majorité. Ainsi, au moment où l’on nous parle de réduire les dépenses publiques, on lance l’idée d’un emprunt.

Ce double langage est pénible et il n’est pas démocratique. Assumez donc vos positions ! La proposition de loi qui nous est soumise porte un nouveau coup au principe du repos dominical, comme cela a déjà été excellemment montré, notamment par Christian Eckert. Face à cette position insupportable, je suis très en colère – je tiens à le redire malgré les menaces.

Qu’est-ce que le bonheur ? Pour la majorité, serait-ce seulement consommer ? Je pense, quant à moi, qu’il existe d’autres valeurs, et qu’il faut que l’on ait du temps à leur consacrer.

Quand j’entends que cette proposition de loi est dans l’intérêt des salariés, les bras m’en tombent ! Comment peut-on croire que le principe du volontariat sera respecté dans la réalité ?

Quant à une relance de l’économie, cela ne tient pas : pourquoi les consommateurs auraient-ils davantage d’argent à dépenser le week-end que la semaine ? Ils changeront le jour de leurs achats, voilà tout !

Bref, je suis très en colère et je demande à nos collègues de la majorité de bien vouloir au moins assumer leurs positions.

M. Alain Marc. Je suis d’accord avec Patrick Roy sur un point : le consumérisme ne doit pas être le moteur de notre politique sociale. Cela étant, je salue la volonté d’écoute de Richard Mallié.

Bien qu’étant l’un des cosignataires de la tribune défendant le principe du repos dominical, je reconnais que le texte présenté aujourd’hui comporte des améliorations par rapport à la précédente version. Il tient mieux compte des situations régionales et, surtout, de l’importance du tourisme dans certains territoires.

Toutefois, je souhaite que l’on définisse clairement les « zones touristiques » : s’agit-il de communes définies par arrêté et répondant à un cahier des charges précis ou de toutes les communes qui se déclareront telles ?

Pour ma part, je comprends que l’on souhaite concilier les impératifs économiques et le principe du repos dominical et, de ce point de vue, la nouvelle proposition de loi me paraît plus équilibrée que la précédente. Cependant, il serait nécessaire que des amendements viennent préciser certains points.

Mme Colette Langlade. Mes chers collègues, je suis étonnée – et inquiète.

Nous examinions la semaine dernière le projet de loi relatif à la modernisation du tourisme : on n’y trouvait aucune référence à la notion de loisirs. Cette absence se trouve confortée par la présente proposition de loi qui, tout en réaffirmant le principe du repos dominical, vise à adapter les dérogations existantes dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations, pour les salariés volontaires.

Il s’agit de la troisième version de ce texte ; Frédéric Lefebvre, de son côté, a proposé d’autoriser le télétravail pendant les congés maladie ou de maternité : mon inquiétude est grande devant vos assauts répétés contre le droit du travail. Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas permettre aux commerces d’ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre ? Mais nous sommes déterminés à aider les Français à lire entre les lignes.

Dans l’exposé des motifs, vous dites qu’il faut tout faire pour sauvegarder l’emploi. Faut-il pour autant faire n’importe quoi ? L’attractivité d’un territoire ne s’évalue pas au nombre de commerces ouverts le dimanche !

Le repos dominical est l’occasion non seulement de passer une journée en famille, mais aussi de faire vivre les structures associatives. Remettrait-on en cause le bénévolat ?

Par ailleurs, comment vont faire les jeunes qui suivent une formation, scolaire ou professionnelle, durant la semaine et sont obligés d’accepter des emplois précaires pour subvenir à leurs besoins, leurs parents ne pouvant leur apporter de soutien financier ?

M. Jean Gaubert. Je soulignerai trois points.

Premièrement, il s’agit d’un choix de société. Le dimanche est le jour où un maximum de membres d’une famille se retrouvent ; c’est aussi le jour où l’on peut s’adonner à des activités nature et aux pratiques sportives, culturelles et cultuelles. On veut en faire une journée de consommation. Croit-on que notre société se portera mieux lorsque nos enfants sillonneront les centres commerciaux plutôt que les stades ?

Deuxièmement, si la consommation était stimulée par l’ouverture dominicale, cela se saurait ; or, je constate que la consommation n’est pas moins forte dans la région lyonnaise ou en Alsace-Moselle et que les habitants n’y sont pas plus malheureux ! En revanche, on va provoquer des déplacements de consommation, au détriment des centres-villes et du moyen commerce, y compris dans les grandes zones commerciales – d’ailleurs les surfaces d’ameublement ont bien compris qu’il s’agissait d’un marché de dupes, puisqu’ils vendent la même chose qu’en semaine tout en payant plus cher leurs salariés.

Troisièmement, on ne doit pas parler de « zones touristiques », mais de « communes touristiques ». Ainsi, Saint-Malo sera une zone touristique, mais pas Dinan ni les communes avoisinantes ; si les hypermarchés et les centres commerciaux de Saint-Malo ouvrent le dimanche, ceux des alentours ne résisteront pas longtemps, et les maires concernés n’auront d’autre solution que de revendiquer, à leur tour, le droit à l’ouverture dominicale. Chaque fois que l’on fait un zonage, ceux qui se trouvent en lisière sont défavorisés.

C’est donc une mesure discriminatoire que vous proposez, qui favorisera quelques grands groupes, mais détruira les petits et moyens commerces qui nous restent.

Mme Annick Le Loch. Je n’aime pas ce texte, que je trouve plus sournois que le précédent.

Vous affirmez : « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Pourquoi le préciser, puisque c’est déjà inscrit dans les textes ? En fait, vous remettez en cause ce principe !

Vous évoquez 180 dérogations existantes, mais c’est par là qu’il aurait fallu commencer, en essayant d’y mettre de l’ordre et d’imposer la loi à ceux qui la bafouent.

Vous estimez qu’il s’agit d’un texte équilibré ; peut-être êtes-vous parvenus à un équilibre entre députés de la majorité, mais certainement pas entre le petit et le grand commerce. Je rappelle à ce propos que la loi de modernisation de l’économie a déjà accordé des mètres carrés supplémentaires à la grande distribution et qu’à ce titre, plus de 60 000 mètres carrés ont été créés dans le Finistère.

Le texte renvoie à un décret la fixation des modalités de délimitation des zones touristiques. À la Commission des affaires économiques, le rapporteur pour avis, Bernard Reynès, nous a affirmé que le Gouvernement apporterait des éclaircissements sur ce point. Dans un article du Télégramme, Marc Le Fur, qui était opposé au premier texte, soutient : « Concernant les zones touristiques, le débat est très parisien : rien ne va changer en Bretagne, où il existe déjà beaucoup de dérogations en été sur le littoral. » Monsieur le rapporteur, confirmez-vous cette assertion ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Chers collègues, le rapporteur répondra à vos interventions demain matin, à dix heures.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.