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Commission des affaires étrangères

Mardi 17 juillet 2007

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Axel Poniatowski, Président

– Conseil de l'Europe : lutte contre la traite des êtres humains (n° 6) – Mme Danielle Bousquet, rapporteure

– -->Traité de Prüm relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (n° 15) – M. André Schneider, rapporteur

– Organisation hydrographique internationale : approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'OHI (n° 18) – M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur

Conseil de l'Europe : lutte contre la traite des êtres humains
La commission a examiné, sur le rapport de Mme Danielle Bousquet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (n° 6).

Mme Danielle Bousquet, rapporteure, a rappelé que le Sénat avait adopté, le 26 juin dernier, le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005, signée par la France le 22 mai 2006. Il est rare qu’un délai aussi court sépare les étapes successives de la procédure préalable à la ratification d’un accord international. Cette rapidité a été rendue possible par le fait que le droit et la pratique de notre pays dans ce domaine ont, en partie, anticipé les exigences de la Convention, notamment sous l’influence du « protocole de Palerme » du 15 novembre 2000, dont la France était aussi l’un des premiers Etats parties.

La Convention du Conseil de l’Europe vise à préciser, à développer et à compléter les stipulations de ce protocole des Nations unies, à l’échelle d’un continent que son niveau moyen de développement ne préserve nullement de la traite des êtres humains, qui se nourrit en effet des inégalités de richesse entre continents, entre Etats, voire entre régions d’un même Etat.

La traite des êtres humains est un phénomène global, qui constitue l’esclavage des temps modernes, notion qui recouvre le recrutement, le transfert et le transport d’hommes, de femmes et d’enfants en vue de les exploiter dans deux domaines en particulier : le travail forcé et la prostitution forcée.

Le Bureau international du travail estime qu’environ 2,5 millions de personnes sont chaque année, dans le monde, victimes de ce trafic, qu’il soit transfrontalier ou interne. Selon le Département d’Etat américain, 800 000 à 900 000 personnes franchiraient annuellement une frontière internationale de manière frauduleuse dans le cadre de la traite. La traite des êtres humains rapporte chaque année entre 8 et 10 milliards de dollars à ceux qui l’organisent, ces bénéfices étant ensuite investis dans d’autres activités criminelles. Ce trafic serait la troisième source de revenus illicites dans le monde après le trafic d’armes et celui de stupéfiants.

Selon Europol, les principaux pays européens desquels proviennent les victimes de la traite sont la Moldavie, l’Ukraine, la Bulgarie, la Roumanie, la Fédération de Russie et l’Albanie. Les trafiquants sont le plus souvent originaires des pays dont ils exploitent les ressortissants. L’Europe de l’Ouest accueille aussi des victimes de la traite arrivant de pays d’Afrique du Nord et d’Afrique noire.

Les destinations les plus courantes sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

La France est donc un pays destinataire de la traite d’êtres humains
– principalement celle des femmes d’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique à des fins d’exploitation sexuelle et d’esclavage domestique. La police estime que 90 % des 15 000 à 18 000 prostituées de France sont victimes d’un trafic et que quelque 3 000 à 8 000 enfants travaillent, mendient ou se prostituent sous la contrainte.

Le rapport d’information sur les diverses formes de l’esclavage moderne, publié en décembre 2001, a contribué à la prise de conscience de l’ampleur du phénomène et du caractère insupportable du sort fait à ses victimes. Ce trafic, aux profits considérables, demeure avant tout une atteinte insupportable aux droits de la personne humaine, la globalisation de l’économie engendrant une globalisation de l’industrie du sexe et de l’esclavage sexuel.

La convention du Conseil de l’Europe vise à renforcer la protection assurée par le « protocole de Palerme » et à développer les normes qu’il énonce. Ses stipulations sont plus précises et ses exigences plus élevées que celles du « protocole de Palerme » ; l’accent est davantage mis sur la protection des droits de la personne humaine des victimes de la traite.

La Convention, adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie, a été signée par trente-six Etats, tous membres du Conseil de l’Europe. En application de son article 42, son entrée en vigueur est conditionnée à dix ratifications, parmi lesquelles huit ratifications d’Etats membres du Conseil. Seuls sept d’entre eux (1) ont à ce jour achevé la procédure. Bien que la Convention ne soit pas encore en vigueur, le droit français est déjà très largement conforme à ses stipulations, sauf pour ce qui est des actions de prévention.

La Convention reproduit la définition de la traite incluse dans le « protocole de Palerme » mais son champ d’application est plus large dans la mesure il comprend « toutes les formes de traite des êtres humains, qu’elles soient nationales ou transnationales et liées ou non à la criminalité organisée », tandis que le Protocole ne porte que sur les phénomènes transnationaux et dans lesquels un groupe criminel organisé est impliqué.

La Rapporteure a indiqué que la Convention reposait sur une stratégie composée de trois volets :

– la prévention de la traite : elle passe principalement par des actions de prévention et de sensibilisation et par des mesures destinées à décourager la demande ; il est essentiel d’insister sur le caractère fondamental des actions d’information et de prévention, et sur le fait que, en France, tout reste à faire dans ce domaine. Le plus urgent serait de mener une véritable campagne d’information à destination des jeunes générations, pour leur faire prendre conscience du caractère inacceptable de la prostitution, et de lancer une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre pour décourager efficacement la demande. En effet, la prostitution obéit à un mécanisme de marché. C’est le client qui est à l’origine de la demande que les prostituées – dont la vulnérabilité est totale – sont chargées de satisfaire. Dès lors, c’est en s’attaquant à la demande, dont à la source de profitabilité de ce sinistre marché, que les pouvoirs publics mènent l’action la plus efficace.

– la protection des victimes : celles-ci ont notamment droit à la protection de leur identité et de leur vie privée, à l’indemnisation et au recours, et à une assistance de la part de l’Etat, en matière d’hébergement, de soins médicaux, d’interprétariat et d’accès à l’éducation pour les enfants.

La Convention accorde en outre aux victimes de la traite qui sont en situation de séjour illégal un délai de rétablissement et de réflexion d’au moins trente jours, pendant lequel elles ne pourront pas être éloignées du territoire. Selon les informations émanant du Gouvernement, le droit français sera prochainement modifié afin de respecter cette stipulation : un tel délai de rétablissement sera inscrit dans le décret en Conseil d’Etat qui doit être pris en application de l’article L. 316-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La France se conforme en revanche depuis 2003 aux stipulations de la Convention relatives au permis de séjour, qui doit être délivré aux victimes, si cela est jugé nécessaire en raison « de leur situation personnelle » ou « de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d’une enquête ou d’une procédure pénale ».

– la punition des responsables : la Convention exige qu’une série d’infractions se voie conférer un caractère pénal ; il s’agit de la traite elle-même, des actes relatifs aux documents de voyage ou d’identité, comme la fabrication de faux, ainsi que de la complicité et de la tentative des infractions précédentes. Sur tous ces points et sur les exigences en termes de sanctions minimales, de peines complémentaires et de responsabilité des personnes morales, le droit pénal français est conforme aux stipulations de la Convention.

Seules certaines exigences relatives aux règles de compétence nécessiteront une modification de la loi française : celle-ci ne permet en effet pas aux juridictions françaises d’exercer leur compétence s’agissant de faits commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, sans que ne soit exigée la double incrimination des faits, ni la plainte préalable de la victime ou la dénonciation officielle des faits par les autorités de l’Etat sur le territoire duquel les faits ont eu lieu. En attendant cette modification législative, le Gouvernement a l’intention de faire une déclaration sur ce point lors du dépôt de l’instrument de ratification.

Enfin, pour que la lutte contre la traite des êtres humains soit la plus efficace possible, la Convention pose les principes d’une coopération internationale et avec la société civile et met en place un mécanisme de suivi. Ce mécanisme, dont le « protocole de Palerme » est dépourvu, est une innovation et constitue un point fort de la Convention. Il repose sur une instance technique et sur une instance plus politique, qui peut adopter des recommandations adressées à un Etat partie en ce qui concerne les mesures à prendre pour améliorer l’application de la Convention.

Par rapport au « protocole de Palerme », dont elle reprend certaines stipulations, la Convention du Conseil de l’Europe constitue un progrès sur trois points principaux :

– affirmant que la traite constitue une violation des droits de la personne humaine et une atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’être humain, elle vise à renforcer le niveau de protection de toutes les victimes de la traite et rappelle l’urgente nécessité de décourager la demande ;

– elle vise toutes les formes et types de traite, qu’elle soit nationale ou transnationale, liée ou non au crime organisé ;

– elle met en place un mécanisme de contrôle afin d’assurer une mise en œuvre efficace de ses stipulations par les parties.

Même si elle respecte d’ores et déjà la plupart des exigences de la Convention – sauf en matière de prévention –, la France a tout intérêt à ratifier ce nouvel instrument international : d’abord, elle témoigne par là de sa volonté de combattre un trafic particulièrement odieux et d’aider ceux qui en sont victimes, en reconnaissant que la prostitution est en soi une violence ; ensuite, elle contribuera ainsi à accélérer l’entrée en vigueur de la Convention, laquelle ne dépendra plus que de deux autres ratifications.

La Rapporteure a formé aussi le vœu que cette entrée en vigueur conduise le Gouvernement à renforcer les moyens des centres chargés de l’accueil des victimes de la traite des êtres humains et à lancer une véritable politique de sensibilisation auprès des jeunes et une réflexion sur les instruments de lutte contre la demande, en l’occurrence l’achat de services sexuels. Elle s’est ensuite déclarée favorable à l’adoption du projet de loi.

Déplorant vivement l’ampleur du phénomène, M. François Rochebloine a souhaité obtenir les précisions suivantes :

− Sur quels critères les titres de séjour sont-ils délivrés à ces personnes victimes de la prostitution ?

− Quel type de titres de séjour leur est-il octroyé ?

− Quel est l’organisme chargé de l’examen de la situation de ces personnes ?

− Quelles mesures d’accompagnement sont-elles prises en leur faveur ?

Partageant l’indignation de M. François Rochebloine, Mme Danielle Bousquet, rapporteure, a précisé que de très nombreuses personnes étaient malheureusement victimes du phénomène, lesquelles provenaient non seulement d’Afrique du Nord mais également, bien souvent, d’Europe de l’Est. Comme évoqué précédemment, l’objectif du texte examiné est notamment de décourager la demande. A cet égard, le chapitre II de la convention prévoit un certain nombre de mesures afin, notamment, d’encourager une meilleure prise de conscience dans les médias ainsi qu’au sein de la société civile. Il faut d’ailleurs reconnaître que le niveau de conscience collective sur ce sujet est assez limité en France et, plus globalement en Europe, à l’exception notable des pays d’Europe du Nord.

Puis, elle a indiqué que la législation française était d’ores et déjà en grande partie en conformité avec les dispositions de la convention, en particulier en matière de droit au séjour des victimes de la traite qui portent plainte ou acceptent de témoigner. Elle a ajouté que la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et l’intégration prévoyait l’octroi, par le ministère de l’intérieur, de cartes de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Egalement indigné par ces pratiques, M. Jean-Paul Lecoq a déploré l’existence de nombreux abus dans d’autres secteurs, comme l’attestait, par exemple, l’esclavage domestique. Il s’est interrogé sur l’ampleur de ces phénomènes ainsi que sur les capacités d’intervention dont les pouvoirs publics disposaient pour lutter contre ces pratiques odieuses. Soucieux des retards accumulés en matière de prévention, il a souhaité connaître la qualité de la réponse apportée par les politiques publiques pour aider les personnes, victimes de ces abus, à se réinsérer : dispose-t-on de suffisamment de centres d’accueil ? Comment sont-ils répartis sur le territoire ? Comment s’assurer que ces initiatives répondent effectivement aux besoins ?

Mme Danielle Bousquet, rapporteure, a indiqué qu’il était difficile de connaître la portée exacte du phénomène de l’esclavage domestique, comme l’avait souligné le rapport d’information publié en 2001. Ce rapport met cependant clairement en lumière le caractère malheureusement non exceptionnel de ces abus dans les nombreux secteurs qui ont été évoqués. La Rapporteure a confirmé que la France était très en retard en matière de prévention, ce qui était extrêmement regrettable. Les associations jouent un rôle essentiel en offrant un accueil et un accompagnement de qualité. En revanche, on ne peut que déplorer le caractère balbutiant des politiques publiques dans ce domaine dans la mesure où les victimes se retrouvent particulièrement démunies, ayant perdu toute capacité de rébellion.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a adopté le projet de loi (n° 6).

Traité de Prüm relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale

La commission a examiné, sur le rapport de M. André Schneider, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (n° 15).

M. André Schneider, rapporteur, a indiqué que vingt ans après l’Accord de Schengen, la signature le 27 mai 2005 entre sept Etats membres de l’Union européenne, du Traité de Prüm visait à approfondir la coopération transfrontalière policière dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, de la criminalité et de la migration illégale. Conclu entre des Etats désireux de jouer un rôle pionnier, le Traité de Prüm marque une nouvelle étape dans l’approfondissement de la coopération policière en Europe.

Il comporte en effet des avancées substantielles en ce qui concerne le partage d’informations transfrontière, c’est-à-dire l’échange de données. Les Etats parties s’autorisent ainsi un accès réciproque automatique à des bases de données nationales spécifiques qu’il s’agisse de profils ADN, d’empreintes digitales et de registres d’immatriculation de véhicules. Concrètement, cela signifie que les services de police pourront consulter, dans le cadre d’un système automatisé, les registres de données d’un autre pays pour vérifier s’il contient ou non des informations concernant le profil recherché. A ce stade, les données échangées resteront anonymes et c’est seulement en cas de constatation de concordance que pourront être révélées les informations nominatives personnelles auxquelles le profil ADN est rattaché. L’échange d’informations devrait notamment contribuer à prévenir d’éventuels actes terroristes. Le traité prévoit également la possibilité d’intervention de gardes armés à bord des avions. Il s’agit là d’une mesure mise en place aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001.

L’échange automatique d’informations a d’ores et déjà permis des succès notables dans les pays pour lesquels le Traité de Prüm est entré en vigueur. En France, l’entrée en vigueur du traité devrait permettre de faciliter l’identification d’auteurs d’infractions jusqu’ici impunies. L’intensification des échanges d’informations soulève bien sûr la question de la protection des données personnelles des individus. C’est la raison pour laquelle le présent traité impose aux Etats signataires de garantir un niveau minimal de protection avant de mettre en œuvre les échanges de données. Saisie du présent projet de loi de ratification, la CNIL a rendu un avis conforme.

Le second volet du traité concerne plus spécifiquement le renforcement de la coopération policière opérationnelle. S’agissant par exemple de la lutte contre les migrations illégales, le traité de Prüm prévoit l’envoi de conseillers en faux documents dans des pays considérés comme pays d’origine ou de transit pour la migration illégale. L’article 23 du traité prévoit également le soutien mutuel des parties contractantes lors de rapatriements d’étrangers en situation illégale, conformément aux dispositions en vigueur du droit de l’Union européenne.. Le Traité de Prüm rend par ailleurs possible la création de patrouilles communes composées de policiers issus de différents Etats membres, qui pourront exercer des opérations communes sur l’ensemble du territoire des Etats parties. Jusqu’à présent, l’existence de patrouilles communes était circonscrite à la zone frontalière.

Le traité innove aussi en autorisant, en cas de situations d’urgence, le franchissement de la frontière par des policiers étrangers, sans autorisation préalable de l’Etat d’accueil. Il s’agit d’être en mesure de porter secours le plus rapidement possible à des personnes dont la vie ou l’intégrité sont en danger.

Tant la création de patrouilles communes que l’utilisation par des policiers étrangers de leur arme de service a conduit à s’interroger sur la conformité du Traité de Prüm à la Constitution française. Le Conseil d’Etat a toutefois estimé que ce traité ne soulevait pas de difficulté d’ordre constitutionnel. L’article 24 du traité indique que les agents étrangers ne pourront exercer des compétences de puissance publique que « sous le commandement, et en règle générale, en présence de fonctionnaires de l’Etat d’accueil ». Ces conditions sont conformes aux règles de souveraineté relatives aux pouvoirs susceptibles d’être dévolus aux agents étrangers en vertu de nos principes constitutionnels.

Déclarant que le Traité de Prüm avait été conçu dans la perspective de sa transposition dans le droit de l’Union européenne, le rapporteur a indiqué que l’Allemagne avait fait de la reprise de l’acquis de Prüm dans le droit de l’Union européenne, l’une des priorités de sa présidence de l’Union. L’accueil favorable des Etats membres a permis une accélération du calendrier puisque les 27 sont parvenu à un accord politique lors du Conseil des ministres « Justice et affaires intérieures » des 12 et 13 juin dernier. Le Traité de Prüm sera ainsi en partie intégré au droit de l’Union européenne. Cette reprise de ce qu’on peut désormais qualifier d’ « acquis de Prüm » sera néanmoins limitée aux dispositions du traité qui entrent dans le champ du 3e pilier de l’Union européenne, à l’exception toutefois de la disposition autorisant le franchissement des frontières par des policiers étrangers en cas d’urgence . Ceci ne sera donc autorisé que pour les seuls Etats ayant ratifié le Traité de Prüm.

L’accord unanime des vingt-sept démontre la capacité d’entraînement d’une « avant – garde » sur l’ensemble des Etats membres et pourrait préfigurer du fonctionnement futur de l’Europe élargi.

En conclusion, le rapporteur a recommandé l’adoption du projet de loi de ratification du Traité de Prüm car il est essentiel que notre pays soit rapidement en mesure de coopérer pleinement avec ses partenaires.

La ratification est d’autant plus urgente que des groupes de travail ont été constitués pour établir les modalités de mise en œuvre technique des dispositions du Traité et que la France doit présider au premier semestre 2008 le groupe de travail chargé de préparer les décisions du Comité des ministres des Parties contractantes. Un défaut de ratification dans les délais requis serait très donc préjudiciable pour notre pays, à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne.

Le Président Axel Poniatowski s’est interrogé sur le régime juridique applicable aux policiers étrangers qui pourront franchir la frontière sans autorisation préalable, tout en devant se faire accompagner de policiers de l’état d’accueil. N’y a-t-il pas là une contradiction ?

M. François Rochebloine a demandé des précisions sur les modalités de contrôle de la transmission des données personnelles et sur le droit d’accès des individus aux données échangées.

M. Roland Blum, après avoir salué la qualité de l’exposé du rapporteur, a souhaité savoir si une coopération renforcée qui irait au-delà des dispositions du traité de Prüm serait juridiquement possible.

M. Gilles Cocquempot a interrogé le rapporteur sur le sujet de la migration illégale, illustrant son propos par la situation dans le Pas-de-Calais. Si la migration illégale correspond à l’arrivée sur le territoire de Schengen de toute personne qui n’est pas autorisée à y pénétrer, force est de constater qu’une  fois sur le territoire, ces personnes ne sont plus considérées comme des immigrés illégaux par les autres Etats membres de l’espace Schengen. Le traité prévoit-il de confier à l’Etat d’arrivée du migrant en situation irrégulière la prise en charge de cette migration illégale ?

En réponse à ses collègues, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– Dans les situations d’urgence, les policiers étrangers auront le droit de franchir la frontière sans autorisation mais ils devront être relayés le plus rapidement possible par des policiers de l’Etat d’accueil. Les policiers étrangers seront en effet tenus d’aviser sans délai l’Etat d’accueil, de sorte de que la durée pendant laquelle ils interviendront seuls soit la plus brève possible.

– Le Traité de Prüm offre un niveau élevé de garanties s’agissant de la protection des données personnelles ; celles-ci restent anonymes et ne deviennent nominatives qu’en cas de constat de concordance. Rappelant l’avis conforme de la CNIL sur le projet de loi de ratification, il a estimé que la lutte contre la criminalité et le terrorisme justifiait pleinement l’intensification de l’échanges de données telle qu’elle est prévue par le Traité de Prüm.

– Une coopération renforcée au sein de l’Union européenne pour aller au-delà des dispositions du traité de Prüm serait juridiquement possible. Les événements qui se produisent ici et là devraient pousser les Etats membres à approfondir davantage encore leur coopération policière.

– S’agissant de la lutte contre la migration illégale, il a estimé que l’objectif poursuivi tendait à renforcer l’efficacité de la coopération entre les Etats membres de l’espace Schengen, ce qui implique de responsabiliser tous les pays concernés. Le Traité de Prüm donne offre des moyens nouveaux, mais il est vrai que du chemin reste à parcourir.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 15).

Organisation hydrographique internationale : approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'OHI

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Kucheida, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole visant à modifier la convention relative à l'Organisation hydrographique internationale (n° 18).

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, a tout d’abord rappelé que l’Organisation hydrographique internationale (OHI) s’inscrit dans une tradition, vieille de plus d’un siècle, de coopération internationale dans la mesure et la description des mers et des zones côtières aux fins de navigation que représente l’hydrographie.

Créée par une convention conclue à Monaco le 3 mai 1967 et entrée en vigueur le 22 septembre 1970, cette instance consultative et technique réunit aujourd’hui 77 États autour d’un objectif : promouvoir la sécurité de la navigation et la protection du milieu marin. Succédant au Bureau hydrographique international fondé en 1921 par dix-neuf États, l’organisation coordonne l’établissement de normes pour la production de données hydrographiques et la fourniture de services hydrographiques.

Alors que la sécurité maritime est devenue une préoccupation planétaire, les statuts de l’OHI n’ont connu aucun changement au cours des trente dernières années. En effet, la densification du trafic maritime, l’évolution du gabarit des navires, la nature des marchandises transportées, l’importance croissante des ressources du fond marin, ainsi que la concentration des populations sur le littoral posent des problèmes nouveaux.

En réponse, le protocole visant à modifier la convention relative à l’Organisation hydrographique internationale, adopté à Monaco le 14 avril 2005, redéfinit les objectifs et modernise les organes ainsi que les procédures de l’organisation.

La volonté d’adapter l’OHI aux enjeux maritimes contemporains se traduit d’abord par la définition d’objectifs élargis et la simplification de la procédure d’adhésion.

Afin d’accroître la coopération des activités hydrographiques entre les États sur une base régionale, l’OHI bénéficie du concours des Commissions hydrographiques régionales. Ces dernières ont pour but d’améliorer la coordination régionale, de développer les échanges d’informations et d’encourager la formation et l’assistance technique.

La participation de la France à huit des treize commissions régionales témoigne de son rang de puissance maritime que confirme sa place de deuxième zone économique exclusive du monde après les États-unis avec 11 millions de km2, en raison de sa présence dans le Pacifique.

Jusqu’à présent, l’adhésion demandée par un État maritime devait être approuvée par les deux tiers des États membres de l’OHI. Désormais, tout État membre des Nations unies peut adhérer à la convention ; en revanche, pour les États non membres, l’adhésion reste soumise à l’approbation des deux tiers des États membres de l’OHI.

Le protocole ambitionne ensuite de doter l’OHI de structures et de règles de fonctionnement garantes d’un processus de décision accéléré et facilité afin de la rapprocher des autres organisations internationales. L’organisation comprend désormais l’Assemblée, le Conseil, la Commission des finances et le Secrétariat.

Le protocole introduit dans la Convention un article consacré aux modalités de prise de décision. Ce dernier énonce le principe « un État, une voix », sauf pour l’élection du secrétaire général et des directeurs, le nombre de voix des États étant alors déterminé selon un barème reposant sur le tonnage des flottes.

Les décisions sont prises à la majorité simple des États présents et votants. En revanche, la majorité des deux tiers est requise dans les cas suivants : décisions portant sur le programme d’action ou les finances de l’organisation; demande d’adhésion d’un État non membre des Nations Unies ; proposition de modification de la convention soumise par un État membre.

Au regard de son rôle historique et de son implication dans l’OHI, ce protocole suscite deux réserves que la France pourrait rappeler lors du dépôt de l’instrument de ratification.

La première porte sur le caractère aléatoire de la représentation de la France au sein du Conseil. Celui-ci est composé d’un quart des États membres avec un minimum de 30. Deux tiers d’entre eux sont sélectionnés par les commissions hydrographiques régionales ; le tiers restant est désigné selon le critère de l’intérêt hydrographique, actuellement mesuré par le tonnage de la flotte de chaque pays, dans l’attente d’une définition consensuelle.

Ces modalités de composition ne garantissent pas la présence de la France au sein du Conseil. D’une part, la représentation régionale favorise les puissances régionales au détriment des États ayant un pôle d’intérêts englobant plusieurs régions. D’autre part, la France n’occupe que le 17ème rang en tonnage.

La seconde observation concerne les modalités de vote : la France souhaiterait qu’à l’instar d’autres organisations internationales traitant de normalisation, les décisions techniques d’un organe subsidiaire concernant les normes ou des résolutions techniques soient prises à la majorité des deux tiers et non à la majorité simple comme le prévoit le protocole.

En dépit des réserves précédemment exprimées, le Rapporteur a considéré que le protocole procède à une rénovation bienvenue de l’OHI. Il a donc recommandé l’adoption du projet de loi n°18.

M. Michel Delebarre a demandé au Rapporteur des précisions quant aux compétences de l’OHI au regard du considérant figurant dans l’article 1er du Protocole selon lequel l’Organisation a vocation à inciter les Etats « à faire progresser la sécurité et le bon fonctionnement du secteur marin » et à soutenir « la protection et l’utilisation durable de l’environnement marin ». Partout dans le monde se développent des inquiétudes relatives aux risques d’accidents dans les détroits dont la fréquentation s’accroît fortement. Dans le rail de la Manche, se croisent le trafic Nord/Sud des méthaniers, notamment, et le trafic transmanche de passagers entre la Grande-Bretagne et le continent européen. Les risques d’accidents impliquant des milliers de passagers sont réels. L’OHI peut-elle faire des recommandations dans ce domaine ? La Commission pourrait-elle avoir connaissance du programme de travail de l’Organisation sur cette question essentielle ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, a déclaré partager le souci de la sécurité dans le détroit le plus fréquenté de la planète où se croisent à la fois les populations et les marchandises. Ayant rappelé que l’organisation maritime internationale est responsable de la sécurité maritime, il a estimé que l’OHI peut y contribuer dans la limite de sa compétence hydrographique mais qu’il appartient également aux pays riverains de prendre les mesures de police nécessaires.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 18).

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1 () L’Albanie, l’Autriche, la Bulgarie, la Géorgie, la Moldova, la Roumanie et la Slovaquie.