Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mardi 31 juillet 2007

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 10

Présidence de Axel Poniatowski, Président

– Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Après avoir remercié le Ministre d’avoir répondu à l’invitation de la commission des affaires étrangères, le Président Axel Poniatowski a rappelé que l’audition, principalement consacrée aux conditions de la libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne détenus en Libye, se déroulerait directement sous la forme d’un échange avec les membres de la commission et que la question du Liban, d’où le Ministre revenait, pourrait également être évoquée.

Puis, après avoir salué l’engagement de la Commission européenne, de la Grande-Bretagne, du Gouvernement français et du Président de la République en faveur de la libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne, il a souhaité connaître la portée exacte de l’implication du Qatar dans le dénouement de cette affaire. Dans quelle mesure cette intervention a-t-elle été décisive ? D’autres engagements ont-ils été pris en vue de débloquer la situation ? Soulignant l’action déterminée du Chef de l’Etat en faveur de la libération de ces six personnes, le Président Axel Poniatowski s’est ensuite interrogé sur le rôle de son épouse, en demandant s’il ne fallait pas désormais considérer Mme Cécilia Sarkozy comme investie d’une fonction officielle d’ambassadeur exceptionnel pour les causes humanitaires.

En réponse à ces deux questions, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a précisé que l’indemnisation des familles des victimes s’élevait à un million de dollars par famille, somme qui avait été versée par les autorités libyennes. Il a affirmé qu’aucun versement n’avait été consenti par la France qui s’était, en revanche, engagée à contribuer à l’amélioration du fonctionnement du système de santé libyen, en particulier à l’hôpital de Benghazi. Il a ajouté que le rôle de médiation joué par le Qatar s’était révélé déterminant dans la mesure où, dans un contexte marqué par une opinion publique persuadée de la culpabilité des infirmières, il avait permis de restaurer la confiance nécessaire à la poursuite des discussions. L’intervention du Qatar a été à l’origine d’un changement d’attitude qui a permis de débloquer la situation et il faut s’en réjouir. Elle avait aussi été d’ordre financier.

Le Ministre a affirmé qu’aucun autre engagement n’avait été pris envers les autorités libyennes, en dehors du « Mémorandum sur les relations entre la Libye et l’Union européenne » dont il a transmis le texte aux membres de la commission des affaires étrangères. Il a indiqué que ce mémorandum constituait un cadre général.

Enfin, le Ministre a fait observer que l’opinion publique dans la région ressentait avec colère et incompréhension la grâce immédiate des infirmières et du médecin dès leur arrivée en Bulgarie. Toutefois, il a souligné certaines déclarations de responsables libyens convaincus de l’innocence des infirmières et du médecin et estimant que : « Nous, les Libyens, avons créé cette affaire ».

S’agissant de l’intervention de Mme Cécilia Sarkozy, il a estimé qu’elle avait été décisive dans la mesure où elle avait également largement contribué à restaurer des relations de confiance. Toutefois, le terrain avait été amplement préparé par le travail de fond engagé par Mme Benita Ferrero-Waldner, Commissaire aux relations extérieures et à la politique de voisinage, depuis plus de deux ans ainsi que par l’implication du Ministre allemand des affaires étrangères, M. Frank-Walter Steinmeier. C’est notamment à l’initiative de Mme Ferrero-Waldner que le Fonds international de Benghazi a été mis en place. Cette dernière s’est rendue à de nombreuses reprises dans la capitale libyenne et travaillait en permanence à la solution de cette affaire, en liaison étroite avec le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso.

Le Ministre a rappelé que la libération des infirmières et du médecin bulgares avait fait l’objet d’avancées et de reculs incessants avant de parvenir à son dénouement. Si l’action de la France a été marquée par son extrême rapidité, elle a pu se révéler décisive dans la mesure où d’importants efforts avaient été engagés préalablement. Cette action correspondait cependant à un engagement du Président de la République pendant la campagne électorale, au même titre que son implication en faveur de la libération de Mme Ingrid Betancourt. Dans ce contexte, la démarche de Mme Cécilia Sarkozy a apporté une contribution essentielle, déterminante et novatrice qu’il faut saluer.

Rappelant que ces six personnes étaient emprisonnées depuis 1999, soit depuis plus de huit années, M. Bernard Kouchner a évoqué les nombreuses tentatives qui avaient été faites en vue d’obtenir leur libération et souligné que, dans de telles situations, le plus important était le résultat obtenu.

Or, de nombreuses démarches de même nature engagées antérieurement dans d’autres affaires n’ont malheureusement pas toujours été couronnées de succès. Tel fut le cas par exemple au Tchad où il avait été tenté d’obtenir, sans succès, la libération d’un millier de prisonniers détenus dans la région du Tibesti. Dans toutes ces situations, il existe une part d’ « inattendu » qu’il faut accepter et qui, en l’occurrence, a été incarnée de façon positive par l’action de Mme Sarkozy. L’essentiel est d’aboutir à une solution.

M. François Hollande a remercié le Président Poniatowski d’avoir organisé cette audition, nécessaire au vu des circonstances, et s’est réjoui de la libération des infirmières et du médecin. Il a demandé au Ministre de bien vouloir répondre à ses quatre questions.

– Comment qualifier le régime politique libyen, compte tenu de son fonctionnement et des engagements internationaux qu’il a pris, dès lors que certains des membres de ses gouvernements successifs ont été associés à l’organisation d’attentats terroristes ayant fait des victimes françaises ? Le fils du Colonel Kadhafi vient d’affirmer publiquement sa conviction que les infirmières et le médecin n’étaient pas coupables. Quelle légitimité détient ce personnage ?

– Faut-il parler de personnes judiciairement condamnées, lorsqu’on sait qu’elles ont été maltraitées et torturées pendant leur détention, ou ne s’agit-il pas plutôt d’une prise d’otages et d’un chantage comme semble d’ailleurs le considérer le Ministre ?

– Le Qatar avait fait part, dès avant les élections présidentielles françaises, de sa disponibilité dans le cadre des négociations portant sur ce dossier. Il est notoire que des contacts avaient été établis avec les principaux candidats dans cette perspective. Comment se fait-il, dans ces conditions, que le Ministre, qui semble surpris par le rôle joué par ce pays, n’ait pas pensé plus rapidement à l’associer au règlement définitif de ce dossier ?

– Quelles précisions peut-on apporter dès aujourd’hui sur les conditions de l’engagement pris par la France de fournir une aide conséquente à la Libye pour l’exploitation de l’énergie nucléaire ?

Mme Elisabeth Guigou a interrogé le Ministre sur l’état des négociations entre l’Union européenne et la Libye avant le premier voyage de Mme Sarkozy, alors accompagnée par M. Claude Guéant. Elle a également demandé si les partenaires européens de la France avaient été consultés préalablement à la signature de l’accord de coopération nucléaire entre la France et la Libye. Existe-t-il des garanties concernant l’usage strictement civil de l’énergie nucléaire ? Enfin, quelles sont les relations actuelles entre le Ministre et son homologue allemand, après les nombreuses réactions provoquées dans ce pays par cet engagement de la France ?

Le Ministre a apporté les précisions suivantes :

Le régime libyen n’est évidemment pas caractéristique d’un pays respectueux des principes démocratiques, mais sur le plan international les négociations doivent se dérouler avec celles et ceux qui sont responsables de la situation que l’on souhaite faire évoluer ou modifier. Le cas des infirmières n’était pas celui d’une prise d’otages, puisqu’il résultait du prononcé d’une décision judiciaire de condamnation à mort. Les vives réactions que cette décision a provoquées ont conduit les négociateurs à adopter un comportement parfois similaire à celui qui aurait été le leur en cas de prise d’otages. De nombreux Etats ainsi que leurs populations étaient pourtant convaincus de la culpabilité des condamnés. Ces négociations différaient donc de celles menées dans le cas d’une prise d’otages notamment du fait des réactions de certaines opinions publiques. Cette particularité explique également le délai nécessaire à la conclusion de ces discussions.

La déclaration du fils du Colonel Kadhafi sur l'innocence des infirmières bulgares peut être prise en considération dans la mesure où il s'exprimait en sa qualité de Président de la fondation libyenne venant en aide aux victimes et familles de victimes de la contamination par le virus du Sida. Lors de l’intervention des représentants du Qatar, le Ministre a précisé qu’il se trouvait lui-même à un Conseil des Affaires Générales dont l’ordre du jour portait sur des questions d’une grande importance : le sort des réfugiés et déplacés présents sur le sol tchadien et la situation au Kosovo, ainsi que l’ouverture de la conférence intergouvernementale sur le Traité simplifié.

Le mémorandum d’entente sur le nucléaire civil entre la France et la Libye ne comporte aucun volet financier. Il est destiné à aider la Libye à désaliniser l’eau de mer. Les réactions qui ont eu lieu en Allemagne sont le fait de groupes hostiles à l’idée de faire usage de l’énergie nucléaire à des fins civiles. M. Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, et d’autres responsables, ont eu des réactions plus modérées. Il existe aussi des arrière-pensées économiques puisque de nombreux pays veulent exporter leurs productions nationales en Libye.

Le voyage du Président de la République dans ce pays avait par ailleurs été programmé avant la libération des infirmières et du médecin bulgares, mais cette dernière était une condition préalable à ce déplacement.

L’accord entre l’Union européenne et la Libye a été préparé lors du voyage de Mme Ferrero-Waldner et de M. Steinmeier, puis signé lors de la visite de la Commissaire et de Mme Sarkozy.

La France avait auparavant déjà pris des engagements importants s’agissant des enfants touchés par le virus du Sida. Elle a accueilli 150 d’entre eux sur un total de 426 et a commencé à leur administrer un traitement.

Le but de la fondation Benghazi était de témoigner de la prise en compte de la souffrance des familles, auxquelles il faut, à terme, offrir la possibilité de soigner ces enfants sur place.

Le mémorandum conclu entre la France et la Libye reflète les évolutions de ce pays depuis 2003. Son passé a été odieux mais le régime libyen a renoncé à poursuivre tout programme d’armes de destruction massive. Il a également conclu l’accord d’indemnisation des victimes des attentats de Lockerbie et de l’UTA. Tous les Etats du monde, dont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont renoué le dialogue avec la Libye sur le plan politique. Le régime a été le seul interlocuteur dans les négociations concernant le sort de infirmières.

Les garanties que l’énergie nucléaire ne pourra pas être détournée de son objectif initial sont absolues. Le réacteur prévu ne peut pas être utilisé à des fins militaires. De plus, l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique a été sollicitée et son contrôle témoignera du bon usage des installations. Les infrastructures installées en Libye ne présenteraient absolument pas les mêmes risques que celles situées en Iran.

Les partenaires de la France ne la consultent pas chaque fois qu’ils signent un contrat commercial. La France n’était donc pas tenue de solliciter leur opinion dans ce dossier. En l’espèce, il n’y a d’ailleurs pas eu de marché passé entre la France et la Libye.

Les relations du Ministre avec son homologue allemand sont excellentes comme l’illustre l’approbation de la nomination d’un diplomate allemand, représentant unique des pays européens du groupe de contact pour le Kosovo.

M. Jacques Myard s’est étonné des commentaires acerbes et empreints de dépit qui ont accompagné la libération des infirmières bulgares. Il a estimé que le caractère fantasque et irrationnel du colonel Kadhafi, qui n’est plus à démontrer, ne doit pas occulter le résultat obtenu. La nomenclature d’Etat voyou, employée par le président des Etats-Unis, n’aurait pas permis en l’espèce de parvenir à une issue favorable. En réponse aux critiques émises sur cette dernière, il a rappelé que le déplacement de François Mitterrand en Serbie avait en son temps également provoqué de vives réactions, notamment de la presse allemande.

M. Jean-Marc Ayrault a souligné l’hésitation du Ministre quant à la qualification de cette affaire : affaire judiciaire ou affaire d’otages ? Il a ensuite déploré que la solution de celle-ci ait échappé au ministère des affaires étrangères et européennes pour être traitée directement par le président de la République à rebours de la logique institutionnelle. Après s’être réjoui de la libération des infirmières et du médecin bulgares, il a souligné que les déclarations de M. Saif al Islam Kadhafi s’apparentaient à un aveu de la manipulation entretenue pendant huit années et demie autour de la culpabilité des infirmières. Il a enfin interrogé le Ministre sur la portée du mémorandum d’accord ainsi que sur la nécessité de consulter nos partenaires européens en matière de nucléaire civil dans le cadre du traité Euratom.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes a précisé que le président Bush ne considérait pas la Libye comme un État voyou puisque les Etats-Unis y ont récemment envoyé un ambassadeur. Il a estimé qu’en dépit des insultes auxquelles elle avait donné lieu, la visite en Serbie de l’ancien Président de la République, François Mitterrand, qui visait notamment à rouvrir l’aéroport de Sarajevo, avait fait la preuve de son utilité.

Ayant précisé qu’il avait employé le qualificatif « d’affaire d’otages » pour évoquer le rôle des intermédiaires, le Ministre a réaffirmé le caractère judiciaire de l’affaire sans méconnaître sa singularité : alors que l’évidence scientifique, fondée sur de nombreuses expertises, permettait de conclure à l’innocence des infirmières bulgares –le virus du sida existant à l’hôpital avant l’arrivée de celles-ci–, la responsabilité des infirmières bulgares n’a jamais été mise en doute en Libye. Il est souhaitable que l’opinion publique libyenne réexamine désormais cette question.

Après avoir rappelé que le Président de la République inspire la politique de la Nation et qu’une cellule diplomatique avait toujours existé à l’Élysée, il s’est félicité de l’attention soudaine portée aux prérogatives du ministère des affaires étrangères et européennes. Il a précisé qu’il avait été constamment associé aux négociations menées par la présidence de la République. L’ambassadeur de France en Libye a effectué un important travail préparatoire et le Ministre a dit avoir été en contact permanent avec la Présidence la nuit précédant la libération.

Le Ministre a fait valoir que le traité Euratom ne prévoit, à ce stade, aucune consultation préalable, le mémorandum d’entente ne constituant qu’un document préparatoire ; en revanche, dès lors qu’un accord sera prêt à être conclu, celui-ci sera soumis aux procédures prévues par ledit traité. Le Ministre a également rappelé son opposition à la suppression du nucléaire tout en plaidant pour le contrôle de l’activité nucléaire, d’une part, et le développement d’énergies renouvelables, y compris en Libye, d’autre part.

Après s’être réjoui de la libération des infirmières et du médecin, M. François Loncle a abordé un autre dossier, celui de l’affaire Borel. La diplomatie française fera-t-elle preuve de la même détermination et de la même efficacité pour élucider ce qui est bel et bien un meurtre ? Le président Nicolas Sarkozy a certes reçu Mme Borel, mais cela n’efface pas la transmission au gouvernement djiboutien de documents relatifs à l’affaire, au cours de la précédente législature.

Mme Nicole Ameline a souhaité savoir quel impact la libération des infirmières et du médecin aurait sur la place de la Libye au sein de la communauté internationale en général, et dans la construction d’une Union méditerranéenne, en particulier.

M. Michel Vauzelle a évoqué les récents déplacements effectués par le Président de la République et le ministre des affaires étrangères en Algérie et en Tunisie, le voyage au Maroc ayant été repoussé à une date ultérieure. Ces visites n’ont guère suscité d’enthousiasme. Quelles sont les avancées réalisées en ce qui concerne la mise en place de l’Union méditerranéenne ? Quel est son calendrier et quelles propositions concrètes sont-elles envisagées ?

En réponse à ces questions, le Ministre a apporté les précisions suivantes :

– L’affaire Borel est entre les mains de la justice, qui fait son travail. Le fait que le Président de la République ait reçu Mme Borel est une bonne chose.

– L’Etat libyen s’ouvre mais ce processus prend du temps. Il est associé aux discussions visant à l’intensification des relations entre l’Europe et la Méditerranée. L’Union méditerranéenne pourrait jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Union européenne et l’Union africaine, cette dernière étant encore balbutiante et objet de débats entre pays africains et notamment entre la Libye et l’Afrique du Sud qui ont récemment exprimé leur divergence d’opinion sur l’idée d’un gouvernement africain à l’occasion de la conférence d’Accra. Le processus de Barcelone n’a pas obtenu des résultats à la hauteur des attentes, mais il constitue un cadre de financement et de propositions qu’il faut conserver. Le dialogue « 5 + 5 » a aussi fait la preuve de son utilité. Il y a beaucoup à entreprendre entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, à condition de mettre en avant des idées fortes. L’amélioration de la répartition de l’eau entre les deux rives de la Méditerranée, l’objectif d’une mer propre, la régulation des migrations et l’accès à l’énergie pour tous (alors que actuellement seuls les pays du Nord disposent de l’énergie nucléaire), constituent de telles idées. Il faut les poursuivre sans heurter les sensibilités. Le colonel Kadhafi est apparu très ouvert à la mise en place de telles solidarités, notamment dans le domaine de la désalinisation de l’eau pour laquelle il souhaite disposer d’un réacteur nucléaire.

– Si la presse algérienne n’a pas exprimé beaucoup d’enthousiasme à l’occasion du voyage du président Sarkozy, la presse tunisienne s’en est réjouie. Pour ce qui est du Maroc, une visite d’Etat de trois jours y sera prochainement organisée. Nous assistons à un renouvellement des générations, grâce auquel la repentance et le passé devraient jouer un rôle moindre dans les relations franco-algériennes. Le déplacement du Président a posé les fondements d’un autre type de rapports et d’un dialogue au ton nouveau, qui apparaissent positifs. Entre la France et la Tunisie, il n’existe pas de tensions, même si la démocratie tunisienne n’est pas parfaite, comme de nombreuses ONG le déplorent. Il ne faut pas se cacher les obstacles auxquels la construction d’une Union méditerranéenne va se heurter, au premier rang desquels la fermeture complète de la frontière entre le Maroc et l’Algérie.

M. Jean-Paul Lecoq a mis l’accent sur la persistance du conflit au Sahara occidental, qui constitue un obstacle majeur.

D’accord sur ce point, le Ministre a néanmoins évoqué les discussions récentes sur ce dossier au Conseil de sécurité et rappelé que le conflit impliquait le front Polisario. Il faudrait s’inspirer de la politique de voisinage menée entre l’Union européenne et les pays qui l’entourent pour stimuler le dialogue entre les pays du Sud de la Méditerranée. Il faut souligner, à cet égard, que la Syrie et Israël participent côte à côte au processus de Barcelone. L’Union méditerranéenne devra associer tous les Etats de la Méditerranée, y compris la Turquie. Après une phase de discussions avec chacun des pays concernés, une réunion internationale pourrait être organisée dans le courant de l’année 2008, l’objectif n’étant pas de détruire les structures qui existent, mais de les conserver en adoptant une approche complémentaire.

Le président Axel Poniatowski a souhaité aborder le dossier libanais. Alors que le Ministre, qui revient d’un déplacement au Liban, a parlé de progrès « même si tout n’est pas réglé », il s’est inquiété de savoir si l’on pouvait éviter une nouvelle guerre civile au Liban.

Après avoir indiqué que, au cours de ses 64 ans d’existence, le Liban avait connu 32 ans de guerre, le Ministre a indiqué que toute difficulté interne pouvait conduire à un conflit. Les tensions sont extrêmes. C’est pourquoi il convient de tout faire pour faciliter le dialogue à l’intérieur du pays, objectif que de nombreux Etats, dont la France, contribuent à atteindre. Des progrès ont été accomplis, puisque longtemps les discussions étaient absentes ou se résumaient à des échanges d’insultes, parfois au sein d’une même communauté. Le lancement de la campagne pour une élection législative partielle conduit actuellement à une opposition entre le Général Aoun et M. Gemayel. A La Celle Saint-Cloud, le dialogue a été renoué entre des représentants des différentes factions. Dimanche dernier, à la Résidence des Pins, ce sont même les dirigeants des partis qui ont recommencé à se parler. Alors que les décisions importantes se prennent actuellement à l’extérieur du pays, il faut que les principaux partis libanais se mettent au moins d’accord sur l’organisation de l’élection présidentielle et la constitution d’un gouvernement d’union nationale. Les accords de Taëf prévoyant que l’élection doit se tenir entre le 24 septembre et le 24 novembre prochain, son organisation doit constituer la priorité.

A l’extérieur, une pression doit être exercée par la communauté internationale, et en particulier par la Ligue arabe, pour éviter que l’instabilité s’accroisse sous l’effet d’influences étrangères. La France a envoyé des émissaires en Syrie et en Iran, dans cette perspective. Après avoir contribué à la mise en place d’un tribunal destiné à juger les responsables de l’assassinat du Premier Ministre Rafik Hariri, la France continue à soutenir le gouvernement légitime du Liban et travaille à ce que tous les Libanais participent à la prochaine élection. Mais il n’y a pas encore une volonté internationale unanime dans ce sens.

M. Claude Goasguen a rappelé que la France avait des troupes au Liban et que les Libanais eux-mêmes reconnaissaient que des armes à destination du Hezbollah continuaient à entrer dans leur pays par la frontière syrienne. Quelle est la situation militaire sur le terrain ? N’existe-t-il pas un risque réel d’embrasement qui toucherait directement les militaires français ?

Le Ministre a indiqué que la France n’était pas la seule à risquer de subir les conséquences d’un tel embrasement, les troupes espagnoles et tanzaniennes ayant d’ores et déjà été victimes d’attaques. Les militaires sont chargés de garder la ligne bleue entre le Liban et Israël, mais la résolution 1701 ne prévoyait pas la fermeture de la frontière entre le Liban et la Syrie et il est incontestable que des armes la traversent. Le gouvernement libanais vient d’annoncer la constitution d’une force spécialement chargée de surveiller cette frontière et les Allemands proposent la mise en place d’un dispositif électronique. Il ne semble pas pertinent d’élargir le mandat de la FINUL au contrôle de cette frontière. Mais il est incontestable que de grandes quantités d’armes, notamment de longue portée, sont disponibles dans le Sud du Liban et que les Libanais en seraient les premières victimes. Même certains hommes politiques proches du Hezbollah en sont conscients et s’en inquiètent. D’un point de vue militaire, un Etat dans l’Etat est en train de se constituer, c’est pourquoi la France a insisté pour associer le Hezbollah aux discussions interlibanaises. On ne peut pas refuser de parler avec un groupe qui représente une partie non négligeable de la population.

_____