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Commission des affaires étrangères

Mercredi 19 septembre 2007

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Agence spatiale européenne – ensemble de lancement Soyouz (n° 122) – Mme Christiane Taubira, rapporteure

Agence spatiale européenne : ensemble de lancement Soyouz

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Christiane Taubira, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG (n° 122).

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a rappelé que l’accord du 21 mars 2005 examiné par la Commission faisait suite à un accord entre la France et la Russie de 2003 et un accord de 2004 entre l’agence russe Roscosmos et l’Agence spatiale européenne. Ces trois accords permettent, parmi d’autres projets, la mise en œuvre du programme « Soyouz au Centre spatial guyanais ».

L’accord entre la France et l’Agence spatiale européenne fait intervenir de nombreuses personnes juridiques distinctes. De nombreux acteurs participent en effet à la politique spatiale française au premier rang desquels le Centre national d’études spatiales, auquel reviennent les missions de sauvegarde, de sécurité et de protection. Mais d’autres organismes interviennent également. Le Centre spatial guyanais d’abord, qui est en grande partie sous la responsabilité du Centre national d’études spatiales. La société Arianespace ensuite, qui obtient le droit exclusif d’exploitation commerciale des lanceurs Soyouz sur la base guyanaise. Enfin, l’Agence spatiale européenne, en charge des travaux de réalisation d’un ensemble de lancement spécialisé dans les lanceurs Soyouz.

La France et l’Agence spatiale européenne renoncent mutuellement à tout recours contre l’autre partie, sauf cas précisément définis de faute intentionnelle d’une des deux parties ou de lésions corporelles consécutives à un accident. L’accord précise également la procédure à suivre en cas de litige sur l’interprétation de l’accord.

L’objet du programme « Soyouz au Centre spatial guyanais » est de permettre le lancement de satellites de poids moyen (trois tonnes) par des lanceurs de type Soyouz ST. Le coût moyen de tels lancements est de 40 millions d’euros, contre 80 millions d’euros pour un vol d’Ariane IV, qui était le seul lanceur utilisé par Arianespace adapté à la mise en orbite d’un seul satellite moyen. Le recours à Soyouz s’est donc imposé, les lanceurs de type Ariane V ne permettant que de lancer deux satellites de poids moyen simultanément.

L’Agence spatiale européenne disposera donc d’une gamme complète de lanceurs : un lanceur adapté aux satellites lourds avec Ariane V, un lanceur pour satellites moyens avec Soyouz ST, un lanceur léger avec le programme VEGA. Les deux derniers programmes sont facultatifs, ils n’associent donc pas la totalité des Etats membres de l’Agence spatiale européenne. Le programme Soyouz fait participer la France, la Belgique, l’Italie, la Suisse, l’Espagne, l’Allemagne et l’Autriche. Le programme VEGA réunit la France, la Belgique, l’Italie, la Suisse, l’Espagne, les Pays Bas et la Suède.

Le financement des programmes facultatifs de l’Agence spatiale européenne est réalisé suivant une clé de répartition adaptée. La France a une nouvelle fois montré qu’elle était une force d’impulsion en assurant 60 % du financement du programme Soyouz au « Centre spatial guyanais », au budget global de 344 millions d’euros, dont 121 millions d’euros consacrés à l’amélioration du lanceur Soyouz et 223 à la construction de l’ensemble de lancement.

Les lanceurs Soyouz sont souvent cités pour leur grande fiabilité, supérieure à certains lanceurs de type Ariane.

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a expliqué que les enjeux de ce programme étaient multiples.

Le caractère stratégique de la coopération avec la Russie dans le domaine spatial est évident.

Les conséquences économiques seront à n’en pas douter importantes, même si l’augmentation du nombre d’emplois attendue pourrait donner lieu plutôt à des redéploiements d’emplois existants au sein d’agences spatiales qu’à des créations nettes. Le ministère des Affaires étrangères évoque 250 créations d’emplois sans aucune précision. Pour le moment, seul le chantier de construction de l’ensemble de lancement Soyouz a généré de nouveaux emplois.

Le juste retour industriel attendu par chaque participant aux programmes spatiaux est assuré dans le projet sur lequel porte l’accord. A cet égard, la position de la France a été parfois contestée par des partenaires sans doute plus soucieux de protéger leurs intérêts économiques que réellement choqués par le comportement de notre pays. Des compromis ont toutefois été réalisés pour ne pas fragiliser les travaux menés au sein de l’Agence spatiale européenne, comme la participation de la France au programme VEGA, initialement non prévue.

Les enjeux commerciaux liés au programme « Soyouz au Centre spatial guyanais » sont majeurs. Ce dernier permet en effet à l’Europe de disposer d’une gamme complète de lanceurs, et à Arianespace de consolider se position sur le marché du lancement des satellites.

En matière scientifique, la coopération avec la Russie a déjà donné lieu à un accord sur l’exploration pacifique de l’espace signé le 30 juin 1966. Des partenariats ont été établis, notamment pour réaliser un vol habité qui a eu lieu en 1982. La poursuite d’une action commune dans ce domaine est à nouveau à l’ordre du jour. Une décision devrait intervenir au prochain conseil des ministres de l’Agence spatiale européenne en 2008 sur la proposition russe d’associer les européens au programme ACTS, acronyme pour Systèmes avancés de transport d’équipages. Dans cette matière, les Etats-Unis ont récemment pris une initiative jugée isolationniste par de nombreux Etats et organisations internationales. Le travail en commun avec la Russie apparaît donc d’autant plus important dans ce domaine.

De manière générale, il existe de nombreux programmes de coopération dans les activités spatiales. La France coopère ainsi avec les Etats-Unis dans certains domaines. L’association avec la Russie se fait sur certains projets concrets. En plus des vols habités déjà évoqués, des études sont menées aujourd’hui concernant l’interopérabilité du réseau russe de satellites d’observation, appelé Glosnass, avec le réseau européen, Galileo. Par ailleurs, une initiative européenne globale pour l’environnement et la sécurité a été lancée, et vise à associer un nombre maximal d’acteurs, dont les russes. Enfin, ceux-ci sont associés au programme européen dit de « Lanceur futur » dont l’aboutissement est prévu en 2020.

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a toutefois insisté sur les enjeux majeurs de cet accord, en matière d’environnement et de santé publique. Ce sujet n’avait pas été suffisamment abordé par le rapporteur de ce projet de loi devant la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat.

S’agissant de la santé publique, une question a été adressée au ministère des Affaires étrangères, qui n’a apporté une réponse qu’après plusieurs relances, et portait sur une étude datée de début 2005, émanant de chercheurs russes du Vector (Centre de recherches d'Etat en virologie et biotechnologie de Novossibirsk) et portant sur un millier d'enfants suivis médicalement de 1998 à 2000, résidant dans deux zones de l'Altaï (région montagneuse au sud de la Sibérie) se trouvant sur la trajectoire des fusées, et selon laquelle cette population présente deux fois plus de troubles endocriniens ou sanguins que des enfants d'une zone non polluée. Les résultats de cette étude, jamais publiés, ne font pas l’unanimité dans la communauté des scientifiques. Il n’en reste pas moins qu’il n’a pas été démontré qu’ils étaient faux.

Pour ce qui est des risques environnementaux, les sites du Centre spatial guyanais sont classés à risque au titre des directives de 1982 et 1996 dites Seveso I et II mais également de la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003. Ces sites doivent donc faire l’objet d’inspections, et les résultats de ces inspections devraient être rendus publics. La prise de conscience actuelle de l’importance des questions environnementales rend nécessaire un débat public sur le projet de loi soumis à l’examen de la Commission.

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a donc conclu à l’adoption du projet de loi mais a exprimé sa volonté de voir ses interrogations clarifiées, et débattues devant l’Assemblée Nationale.

Le Président Axel Poniatowski, a souhaité savoir si le programme Soyouz avait été choisi par opportunité suite à l’abandon d’Ariane IV, ou bien si l’arrêt du programme de lanceur moyen européen avait été décidé en anticipant la mise à disposition de lanceurs Soyouz. De plus, comment se répartit le budget global mobilisé pour ce programme ? Enfin, quels sont les autres programmes de coopération spatiale avec la Russie ?

M. Jean-Paul Lecoq a attiré l’attention de la Commission sur le fait que l’utilisation de lanceurs Soyouz risquait de réduire l’usage de lanceurs Ariane V, et pourrait donc avoir un impact sur le volume d’activité des établissements participant à la fabrication de ces lanceurs.

Concernant les enjeux environnementaux, la création d’un observatoire de la santé et de l’environnement est un impératif majeur pour concilier prévention des risques et développement de l’activité économique.

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a apporté les précisions suivantes. D’abord, Soyouz a représenté une opportunité lors de la mise en place du lanceur Ariane V, ce dernier rendant la poursuite du programme Ariane IV trop coûteuse. Le budget couvre à la fois le développement d’un lanceur spécifique, appelé Soyouz ST, qui sera seulement lancé depuis la base sise en Guyane. Les superficies très importantes qui sont nécessaires à la réalisation de ce programme expliquent les coûts de construction de l’ensemble de lancement.

Concernant les programmes de coopération menés avec la Russie, il en existe dans divers domaines : les vols habités, l’interopérabilité des systèmes de satellites, le développement du lanceur futur.

La mise en place d’un nouveau programme suscite souvent des attentes importantes concernant les effets sur l’économie de tels développements. Toutefois, les estimations avancées sont souvent optimistes, et le chiffre de 250 créations d’emplois avancé par le ministère n’a pas été précisé. Il semble qu’une part de ces emplois seront plutôt issus de redéploiements internes au sein des agences spatiales tant russe qu’européenne et française.

Les risques pesant sur le volume d’activités du lanceur Ariane V existent. La rapporteure, Mme Christiane Taubira, a indiqué qu’elle interrogerait le Centre national d’études spatiales sur ce point.

En matière de risques environnementaux, la rapporteure a rappelé qu’elle a été à l’origine de la création, en Guyane, du Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles en 1996, suite notamment à l’échec du vol de qualification d’Ariane V en juin de cette année.

La prévention des risques contre l’environnement ne doit pas être perçue comme une croisade contre les activités économiques et commerciales. Ce point de vue doit être promu face à des autorités administratives qui peuvent parfois assimiler la sensibilité aux risques à un rejet du développement économique.

Mme Christiane Taubira a considéré que les réponses fournies par le ministère des affaires étrangères sur ce sujet n’étaient pas satisfaisantes, et justifiaient d’autant plus qu’un tel texte soit discuté par l’Assemblée Nationale.

M. François Loncle a confirmé que le Président du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche demanderait que la procédure d’examen simplifiée ne s’applique pas pour ce texte, qui fera l’objet d’un débat en séance publique.

M. François Loncle a par ailleurs rappelé que les industriels participant à la fabrication des lanceurs Ariane avaient manifesté dès la signature de l’accord entre la France et la Russie leur inquiétude face à une concurrence perçue comme trop vive.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a adopté le projet de loi (n°122).

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