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Commission des affaires étrangères

Mercredi 10 octobre 2007

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Accord France-Italie relatif au tunnel routier de Tende (n° 179) – M. Jean-Claude Guibal, rapporteur

– Propositions de résolution conditions de libération des infirmières bulgares (n° 150 et 152) – M. Roland Blum, rapporteur

Accord France-Italie relatif au tunnel routier de Tende

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende (n° 179).

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur, a indiqué que le tunnel de Tende est un sujet de préoccupation de longue date.

Plus ancien tunnel d’Europe, mis en service en 1882, le tunnel routier de Tende, qui relie la France et l’Italie, souffre d’une structure inadaptée aux exigences de sécurité actuelles.

Ce constat a convaincu les deux pays d’entreprendre une opération de modernisation de l’infrastructure. Lancé en 1993, ce projet, qui s’inscrit dans le cadre d’une coopération franco-italienne fructueuse en matière de transports, doit aboutir à la construction d’un second tunnel, parallèle à l’ouvrage existant.

L'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende, aujourd’hui soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale, constitue la dernière phase préalable au lancement des travaux de réalisation du tunnel neuf.

Il détermine, d’une part, les conditions techniques, juridiques et financières de la construction du nouveau tunnel et les modalités de la future gestion unifiée, d’autre part.

Long de 3 185 mètres dont 1 485 en France, le tunnel de Tende permet de rejoindre depuis la province italienne de Cuneo, dans le Piémont, la côte méditerranéenne à hauteur de Vintimille, via la vallée de la Roya, en reliant la route nationale RN 204 côté français et la route nationale SS 20 côté italien. Le trafic moyen annuel est de 3 700 véhicules par jour mais s’élève pendant les mois d’été à 6 700 véhicules. Les poids lourds représentent 3% du trafic. Ce tunnel est stratégique sur le plan économique puisqu’il relie deux régions prospères.

Cet ouvrage à circulation bidirectionnelle présente des dimensions trop modestes pour permettre le croisement des poids lourds.

Des travaux, d'un montant de 19,8 millions d’euros pour la partie française, ainsi que des mesures d'exploitation (notamment la mise en place d’une circulation alternée) permettent actuellement de garantir aux usagers du tunnel une sécurité optimale dans l’attente de la mise en service du nouveau tunnel.

Chaque tunnel transfrontalier est régi par une convention qui confie le contrôle de l’exploitation à une commission intergouvernementale (CIG). Dans le cas du tunnel de Tende, la CIG Nice-Cuneo, aujourd’hui « CIG pour l'amélioration des liaisons franco-italiennes dans les Alpes du sud », a été créée à l’issue du sommet franco-italien du 26 novembre 1993. Elle est composée de neuf membres titulaires et neuf suppléants pour chaque délégation.

Lors du sommet de Florence le 6 octobre 1998, les deux États ont décidé de faire de la mise en sécurité du tunnel routier de Tende une priorité absolue. En 2001, ils ont validé la proposition de la CIG de s'orienter vers la construction d'un nouvel ouvrage à Tende. Puis, les ministres français et italiens des transports ont, le 18 avril 2005, adopté les conclusions du groupe de travail mis en place par la CIG sur le projet de nouveau tunnel.

Cette décision a donné lieu à la signature de deux accords par la France et l'Italie.

Le premier, signé lors du sommet de Lucques le 24 novembre 2006, permet d’améliorer la gestion du tunnel existant et de poursuivre le projet de tunnel neuf dans l’attente de la ratification du second accord.

Le deuxième accord, qui fait l’objet du processus de ratification, fixe les conditions techniques et financières de la réalisation de l’opération et définit les modalités d’une gestion unifiée. Il se substituera au premier accord dès qu’il aura été ratifié par le Parlement.

Parallèlement à la procédure de ratification, l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique s’est déroulée du 4 juin au 13 juillet 2007. L’arrêté préfectoral déclarant le projet d’utilité publique devrait être pris avant la fin de l’année. La partie italienne poursuit également l’élaboration du dossier de projet et du dossier de consultation des entreprises afin que ces dossiers puissent être approuvés par la CIG dès la ratification.

Aux termes des études comparatives de réaménagement ou de reconstruction du tunnel menées par la CIG, la solution dite « haute » a été retenue en raison de son moindre coût de réalisation, de sa meilleure faisabilité financière et de son impact global sur l'environnement plus limité.

Le projet comprend le percement et l’aménagement d’un tube neuf de 3 250 mètres de longueur, dont 1 515 côté français, ainsi que le ré-alésage et le réaménagement du tube existant.

Les installations et dispositifs de sécurité seront conformes aux exigences fixées dans la directive n° 2004/54/CE du 29 avril 2004 concernant les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels routiers du réseau routier trans-européen. La réalisation du tunnel doit préserver l’environnement en maintenant un trafic modéré des poids lourds notamment. Le projet a d’ailleurs été élaboré en concertation avec les services de l’environnement afin de respecter son insertion dans le site.

Après l’entrée en vigueur de l’accord relatif à la mise en place d’une gestion unifiée du tunnel de Tende et la construction d’un nouveau tunnel, le calendrier prévoit l’approbation du projet définitif et la procédure d’appel d’offre pour la fin 2008.

L’accord du 12 mars 2007 institue une unicité dans l’administration du tunnel. Il transfère ainsi l’autorité administrative à la CIG tandis que l’ANAS, organisme qui gère les routes nationales italiennes, est désigné comme gestionnaire unique.

La maîtrise d’ouvrage du nouveau tunnel est confiée à l’État italien qui désigne le maître d’ouvrage délégué, chargé de la construction.

L'article 10 prévoit des patrouilles mixtes pour la police de la circulation dans le tunnel et autorise, le cas échéant, les agents de patrouilles nationales à franchir la frontière à l'intérieur du tunnel pour constater les infractions éventuelles et verbaliser.

Les coûts d’exploitation sont supportés à hauteur de 41,65% par la partie française et 58,35% par la partie italienne selon la clé de répartition fixée pour les coûts de construction. La part française incombe au propriétaire de la voie, à savoir le département à partir du 1er janvier 2008.

Le montant de l’opération pour le nouveau tunnel est estimé à 141,2 millions d’euros.

La répartition des coûts a fait l’objet d’âpres discussions. Au nom de l'objectif d'aménagement de sécurité qui motive le projet, l’Italie réclamait une répartition à parts égales entre les deux pays. La France demandait une répartition fondée sur l'usage international et national du tunnel. Les deux parties sont finalement parvenues au consensus suivant : la moitié du coût est répartie à parts égales entre l'Italie et la France tandis que l'autre moitié est répartie en fonction des trafics, les trafics nationaux étant pris en charge par chaque pays et le trafic international étant réparti à parts égales.

Ceci conduit à la clé de financement de 41,65 % pour la France et 58,35 % pour l'Italie. La part française sera partagée en trois tiers égaux entre l'État, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et le département des Alpes-Maritimes.

En conclusion, le rapporteur a rappelé que, l’Italie ayant achevé sa procédure de ratification, il est urgent que la France en fasse de même afin que les travaux s’engagent enfin. C’est pourquoi il a recommandé l’adoption du projet de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 179).

*

Propositions de résolution conditions de libération des infirmières bulgares (nos 150 et 152)

La commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, les propositions de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions de la libération des infirmières bulgares en Libye et sur les accords franco-libyens (n° 150), et de M. Alain Bocquet tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le rôle joué par la France dans la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus en Libye, sur le véritable contenu des accords ayant accompagné cette issue, et sur les conséquences susceptibles d’en résulter (n° 152).

M. Roland Blum, rapporteur, a d’abord souligné que le pays des droits de l’Homme ne pouvait que s’émouvoir lorsque des innocents étaient détenus injustement et dans des conditions très difficiles, par la Justice d’un pays, dont ils étaient venus aider les citoyens malades, alors même que l’un des fils du chef de l’Etat a reconnu qu’ils n’avaient été que des boucs émissaires. L’engagement personnel du Président de la République pour obtenir leur libération, et son succès, doivent être salués.

Cette affaire a lourdement pesé sur les relations de la Libye avec les pays occidentaux. Ce pays avait pourtant réalisé des progrès dans la voie de la normalisation de ces relations depuis quelques années. En particulier, les relations franco-libyennes sont entrées dans une phase de relance depuis la conclusion, le 9 janvier 2004, d’un accord privé entre les familles des victimes de l’attentat contre le DC10 d’UTA et la Fondation Kadhafi. Le Premier ministre libyen est venu en France en avril 2004, avant que le Président de la République d’alors se rende en Libye en voyage officiel les 24 et 25 novembre de la même année. Mais ce que l’on a appelé « l’affaire des infirmières bulgares » empêchait d’aller plus loin dans ce processus de normalisation. La levée cet obstacle devait donc permettre naturellement d’approfondir nos relations bilatérales et les relations entre la Libye et l’Union européenne.

C’est justement la conclusion de mémorendums d’accords entre la France et la Libye au lendemain de la libération des soignants bulgares qui est à l’origine du dépôt des deux propositions de résolution que la commission examine aujourd’hui.

Le rapporteur a rappelé que le médecin a été arrêté fin janvier 1999, les infirmières début février de la même année, et qu’ils ont été accusés d’avoir sciemment transmis le virus du sida à 426 enfants traités à l’hôpital de Benghazi. Bien que plusieurs experts, parmi lesquels le professeur Luc Montagnier, aient conclu à une contamination des enfants causée par de mauvaises conditions sanitaires, et alors même que les accusés n’avaient jamais soigné certains des petits malades, ils sont tous les six condamnés à mort le 6 mai 2004.

Après un recours devant la Cour suprême libyenne, ils sont rejugés et à nouveau condamnés en décembre 2006, peine confirmée définitivement par la Cour suprême le 11 juillet 2007.

Les mauvais traitements qu’ils ont subis pendant leur détention et le fait que leurs aveux aient été obtenus par la torture entraînent une mobilisation de l’opinion publique et de la Communauté internationale. Après la première condamnation à mort, les autorités bulgares ont refusé de verser 10 millions de dollars par enfant contaminé, comme Tripoli le leur proposait mais, fin décembre 2005, les autorités bulgares et libyennes se sont mises d’accord pour la création d’un fonds de compensation international au bénéfice des enfants libyens atteints du sida.

Les 10 et 11 juin 2007, plusieurs émissaires européens, parmi lesquels Mme Ferrero-Waldner et M. Steinmeier, le ministre des affaires étrangères d’Allemagne, qui exerce alors la présidence de l’Union européenne, se rendent en Libye pour tenter de trouver une solution.

Il faut encore attendre la confirmation de la seconde condamnation à mort par la Cour suprême, le 11 juillet, pour que le processus s’accélère. Le lendemain, Mme Cécilia Sarkozy effectue une visite en Libye, à l’occasion de laquelle elle rencontre les six condamnés, les familles des enfants contaminés et le colonel Kadhafi. Trois jours plus tard, les familles acceptent un dédommagement d’un million de dollars par enfant contaminé, ce qui représente 400 millions de dollars au total. Le 17 juillet, l’argent est versé aux familles, qui renoncent à l’application de la peine de mort contre les accusés, dont la peine est commuée en prison à vie par le Conseil supérieur des instances judiciaires libyennes.

Le Parquet général de Bulgarie entame alors une procédure de demande d’extradition des cinq infirmières et du médecin, qui sont finalement transférés en Bulgarie le 24 juillet, dans l’avion de la présidence française, par lequel Mme Ferrero-Waldner et Mme Sarkozy, accompagnées par le secrétaire général de l’Elysée, M. Claude Guéant, se sont rendus en Libye, deux jours plus tôt. Les six condamnés sont graciés et libérés dès leur arrivée à Sofia.

Les conditions dans lesquelles leur libération a été obtenue ont naturellement retenu l’attention des médias : elle s’est d’abord focalisée sur l’intervention de Mme Sarkozy et sur le rôle joué par le Qatar, qui aurait versé les 400 millions de dollars destinés aux familles des enfants contaminés. Puis la presse s’est intéressée à la conclusion d’un mémorandum sur les relations entre la Libye et l’Union européenne et aux contreparties que la France aurait accordées à la Libye.

Selon certains, ces contreparties incluraient la signature d’un mémorandum d’accord sur le nucléaire civil portant sur la fourniture d’un réacteur nucléaire permettant de dessaler l’eau de mer, ainsi que celle d’un contrat d’armement. La prétendue existence de ce contrat a été annoncée par l’un des fils du colonel Kadhafi, qui a précisé, dans un second temps, que ce n’était pas une contrepartie à la libération des soignants bulgares.

Les deux propositions de résolutions tendant à la création d’une commission d’enquête portent précisément sur les conditions de la libération des six Bulgares et les éventuelles contreparties accordées à la Libye par la France.

Selon l’exposé des motifs, la commission d’enquête demandée par la proposition de résolution du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés (n° 150) porterait « sur les conditions exactes de la libération des otages de Libye et sur les protocoles d’accord (mémorandum) entre la France et la Libye qu’a conclus le président de la République à Tripoli au lendemain de cette libération. La coïncidence entre les deux évènements, le flou et les déclarations contradictoires qui ont entouré le contenu de ces accords, mais aussi et peut être surtout la nature de la réconciliation de la France avec un régime qui fait bon marché des droits de l’homme et des règles internationales, méritent une information complète et impartiale des Français. »

La proposition de résolution de M. Alain Bocquet (n° 152) vise à « savoir à quoi s’est en fait engagé notre pays », alors que règne « le flou autour de cette affaire ».

Le ministre des affaires étrangères s’est expliqué sur cette affaire devant la commission des affaires étrangères ; le Président de la République, son épouse et le secrétaire général de l’Elysée ont fait de même par voie de presse. Il n’y a pas de raisons objectives de mettre en question la véracité de leurs explications, mais le doute entretenu sur cette affaire n’est pas sain et il est important que l’Assemblée nationale utilise ses pouvoirs pour achever de le lever.

Or, il apparaît que les deux propositions de résolution remplissent les trois conditions nécessaires à leur recevabilité :

– il n’y a pas eu de commission d’enquête sur le même sujet au cours de l’année passée ;

– les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne font pas l’objet de poursuites judiciaires ;

– les propositions déterminent avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.

Seule l’une des deux propositions doit être adoptée, puisqu’il n’est pas question de créer deux commissions d’enquête sur le même sujet. Le rapporteur a indiqué qu’il lui semblait préférable d’adopter la proposition n° 150, déposée par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés, car la proposition n° 152 de M. Alain Bocquet présentait une dimension « prospective » (elle inclut « les conséquences susceptibles de résulter » des accords conclus) qui n’est pas acceptable dans une commission d’enquête, laquelle doit porter sur des faits passés.

Il a ensuite annoncé qu’il proposait à la commission trois amendements visant à modifier la rédaction de l’article unique de la proposition de résolution sur deux points, et à préciser son titre. Ces modifications ne visent nullement à changer l’objet de la résolution, mais seulement à le rendre plus clair.

Le Président Axel Poniatowski a remercié le Rapporteur et a introduit la discussion générale en se prononçant en faveur de la création de la commission d’enquête, les autorités gouvernementales et le Président de la République s’y étant déclarés favorables.

M. Pierre Moscovici a souligné la qualité du rapport, clair, objectif et équilibré, ainsi que de la présentation qui en a été faite par le rapporteur. Il a déclaré que la démarche du groupe socialiste, radical de gauche et citoyen ne pouvait être qualifiée de procès d’intention. Souhaitant dissiper tout malentendu, il a affirmé très clairement que les membres du groupe se réjouissent de la libération des infirmières, de même qu’ils se réjouissent du rôle joué par la France. Il convient par ailleurs de conserver à l’esprit que face au régime libyen qui s’est rendu coupable d’une véritable prise d’otages, il convient de ne pas engager un revirement trop brusque de notre attitude.

Le champ de la commission d’enquête doit couvrir à la fois les conditions de la libération des infirmières et les contreparties, financières, militaires et politiques, qui ont été accordées. L’esprit dans lequel cette commission d’enquête travaillera doit être marqué par la sérénité. La commission cherchera à comprendre. Elle devra recevoir toutes les personnes susceptibles de l’éclairer et ses travaux devront recevoir une publicité suffisante.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que la plupart de ces points seraient discutés lors de la réunion constitutive de la commission d’enquête.

M. Jean-Marc Roubaud a exprimé les inquiétudes que lui inspirait l’exposé des motifs de la proposition de résolution qui fait référence d’une part au manque « d’explications claires du Président de la République », sur ce dossier, d’autre part à la possibilité pour la commission d’enquête de s’interroger sur le champ de la coopération entre la France et la Libye. Ces éléments dépassent le cadre d’une commission d’enquête et devraient être supprimés.

M. Roland Blum, rapporteur, a insisté sur le fait qu’une commission d’enquête permettra de valoriser le pouvoir du Parlement, et que son champ devra s’étendre à la coopération franco-libyenne puisque l’évolution de cette dernière est en partie liée à la libération des infirmières et du médecin bulgares.

Par ailleurs, il a rappelé que le vote de la Commission ne porte que sur le dispositif de la proposition et pas sur l’exposé des motifs.

M. Jean-Marc Nesme a souligné que le Parlement n’avait pas à interférer dans le domaine de l’exécutif et a estimé que le Président de la République avait apporté les clarifications nécessaires. Plus fondamentalement, il est étonnant que le Parlement décide d’enquêter sur des actes ayant eu une issue favorable. Une telle démarche peut légitimement être considérée comme un procès d’intention. Par ailleurs, la publicité demandée pourrait ne pas convenir à certains des aspects d’une telle affaire. Il a conclu en considérant que la création de cette commission d’enquête n’était pas souhaitable.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que de nombreux commissaires partageaient ces interrogations, et se sont longtemps montrés réticents vis-à-vis de la création d’une commission d’enquête. Toutefois, les membres du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale se doivent de favoriser la plus totale transparence des activités du gouvernement.

M. Roland Blum, rapporteur, a également affirmé qu’il n’entrait pas dans les attributions du Parlement de contrôler l’action du Président de la République, dont le rôle positif et courageux dans la libération des infirmières et du médecin bulgares a été largement salué. Mais, opposer un refus à la demande de création d’une commission d’enquête serait faire montre, de la part du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, d’un esprit contraire au dialogue et à la transparence. La publicité des travaux de la commission d’enquête sera une preuve de transparence des actions menées dans cette affaire, et viendra conforter le rôle du Parlement.

M. François Rochebloine a rappelé que le plus important restait la libération des infirmières et du médecin. Le climat entourant ces débats, plus serein qu’il y a quelques semaines, permettra à une commission d’enquête d’obtenir des informations plus complètes. Le fait que le Président de la République ait approuvé, et même appelé de ses vœux, la création d’une telle commission d’enquête plaide fortement en faveur de l’adoption de la proposition de résolution.

M. Jean-Jacques Guillet a déclaré prendre la mesure des avantages et des inconvénients de la création d’une commission d’enquête. Il a demandé au rapporteur si, comme l’a suggéré à la radio M. Pierre Moscovici, il serait juridiquement possible pour les membres de la commission d’enquête de se rendre en Libye pour y auditionner les dirigeants de ce pays.

M. Roland Blum, rapporteur, a répondu que rien ne l’empêchait même si rien ne garantit que les autorités libyennes apporteront des éclaircissements sur les interrogations de la commission d’enquête.

M. Renaud Muselier a déclaré qu’il voterait en faveur de la création de la commission d’enquête, car il n’y a pas d’autre choix sur le plan politique. Pour autant, il a déploré que l’exposé des motifs de la proposition de résolution déposée par le groupe SRC s’apparente davantage à un procès en inquisition qu’à une commission d’enquête. Rappelant les nombreuses déclarations de responsables socialistes stigmatisant une libération suspicieuse, il s’est félicité des propos que venait de tenir M. Pierre Moscovici espérant qu’ils engagent également tous ses collègues socialistes sur l’état d’esprit objectif et impartial qui doit régner sur les travaux de la commission. M. Renaud Muselier a alors souhaité que la création de cette commission d’enquête soit l’occasion de promouvoir une approche positive en transformant un succès diplomatique exceptionnel pour relancer nos relations avec la Libye. Au-delà, il s’agit également de replacer les travaux de cette commission d’enquête dans le cadre de la réflexion sur la création d’une Union méditerranéenne. Il a alors demandé des précisions sur le calendrier d’installation de la commission et sur sa composition.

En réponse à M. Renaud Muselier, le Président Axel Poniatowski a indiqué qu’après le vote en commission des affaires étrangères, l’examen en séance publique aurait lieu ce jeudi 11 octobre après-midi. Si la commission d’enquête est créée, il appartiendra alors aux groupes politiques d’y désigner leurs représentants. La commission d’enquête sera composée de 30 membres, elle élira son bureau et désignera son rapporteur lors de sa réunion constitutive.

Mme Martine Aurillac, favorable à la création de la commission d’enquête, a néanmoins déclaré partager un certain nombre de réticences exprimées par ses collègues de la majorité. Il ne faudrait pas qu’à chaque fois qu’éclate une polémique, l’Assemblée nationale réponde par la création d’une commission d’enquête. Il est certes important de promouvoir la transparence, mais il est aussi des situations particulières qui peuvent justifier de déroger à ce principe.

M. Jean-Marc Roubaud a réitéré sa demande de modification de l’exposé des motifs de la proposition de résolution du groupe SRC pour y supprimer la référence au défaut d’explications claires du Président de la République. Car même si l’exposé des motifs est dépourvu de valeur juridique, sa publication officielle lui confère un écho certain. A défaut de modification, il a indiqué qu’il s’abstiendrait, bien qu’il soit pourtant favorable à la création de la commission d’enquête.

M. Roland Blum, rapporteur, s’est déclaré en accord avec M. Renaud Muselier pour que la commission d’enquête soit l’occasion de privilégier une approche positive, tant sur l’avenir des relations franco-libyennes qu’en ce qui concerne le projet d’Union méditerranéenne. Puis il a souhaité rassurer Mme Martine Aurillac en précisant qu’en l’espèce, c’est la nature très sensible du sujet qui justifie la création d’une commission d’enquête. En réponse à la demande de M. Jean-Marc Roubaud, il a indiqué qu’il n’était juridiquement pas possible de modifier l’exposé des motifs de la proposition de résolution qui, en tout état de cause, est dépourvu de toute valeur juridique.

Réagissant aux interventions de ses collègues, M. Pierre Moscovici a précisé qu’il ne s’agissait pas de faire du passé table rase. Au lendemain de la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien, l’opposition a posé des questions, parfois de façon dure, mais sans esprit de polémique. Il s’agit aujourd’hui d’éviter que ne s’installe un climat de suspicion qui conduirait inévitablement à l’échec. Il faut au contraire, comme l’ont souligné le Rapporteur et le Président Axel Poniatowski, définir un état d’esprit constructif. Le meilleur moyen d’y parvenir est de prôner la transparence et la publicité des débats de la commission d’enquête.

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La commission est ensuite passée à l’examen des amendements sur la proposition de résolution n° 150.

Article unique

M. Roland Blum, rapporteur, a présenté un premier amendement visant à remplacer le terme d’« otages » par l’expression « des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne détenus en Libye ». L’expression d’otages lui semble en effet impropre, comme M. Bernard Kouchner l’a indiqué au cours de son audition par la commission en juillet dernier, dans la mesure où les infirmières et le médecin étaient emprisonnés dans le cadre d’une procédure judiciaire et non détenus par des criminels. Par ailleurs, le médecin ayant obtenu la nationalité bulgare en juin 2007, il ne peut pas être qualifié de médecin palestinien, comme le fait la proposition de résolution de M. Bocquet, mais son origine palestinienne peut être mentionnée.

M. François Loncle a fait observer le M. Kouchner avait lui-même qualifié d’otages les six détenus au début de son audition par la commission, avant de se corriger.

Le rapporteur a indiqué que l’amendement opérait en quelque sorte la même correction.

La commission a adopté cet amendement.

Le rapporteur a ensuite présenté un deuxième amendement visant à clarifier la rédaction de la fin de l’article unique, sans modifier aucunement son sens.

La commission a adopté cet amendement.

Titre

Enfin, le rapporteur a proposé de modifier le titre de la proposition de résolution, qui deviendra celui de la commission d’enquête. Le titre proposé ne mentionne que les infirmières, et pas le médecin, et vise « les accords franco-libyens » en général. Il a estimé qu’il reflèterait mieux le contenu de la résolution s’il évoquait aussi le médecin –que l’on peut qualifier de bulgare, comme les infirmières, pour ne pas avoir un titre trop long– et s’il visait seulement les « récents » accords franco-libyens, puisqu’il ne s’agit évidemment pas d’étudier tous les accords conclus entre les deux pays depuis qu’ils ont des relations diplomatiques.

M. Pierre Moscovici a observé que, par souci de cohérence entre le texte de l’article unique et le titre de la proposition de résolution, il serait préférable de mentionner l’origine palestinienne du médecin.

Le rapporteur ayant insisté sur la nécessaire concision d’un titre et sur le fait que le médecin était à la fois bulgare et d’origine palestinienne et pouvait donc être qualifié à juste titre par sa nationalité ou par son origine, la Commission a adopté l’amendement.

Puis la commission a adopté la proposition de résolution n° 150 ainsi rédigée. En conséquence la proposition de résolution n° 152 est devenue sans objet.

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